III.3- Mécanismes de surveillance
multilatérale
L'UEMOA fait partie de la zone franc, ce qui signifie que la
banque centrale de l'union bénéficie d'un compte dit «
d'opérations » ouvert par le trésor public français
et qui peut est débiteur sans limites. Après la création
des unions monétaires, la France s'est préoccupée
d'éviter des déficits budgétaires trop importants des
gouvernements africains. Initialement les statuts de la Banque Centrale des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et ceux de la Banque des Etats de
l'Afrique Centrale (BECA) limitaient à 10% des recettes
budgétaires de l'annéeécoulée. Cette limite a
été progressivement élargie à 15 puis à 20%
des recettes fiscales.
La limitation des avances était la contrepartie logique
des comptes d'opérations. L'objectif de ces comptes étant de
garantir la convertibilité des francs CFA en devises et non de financer
indirectement les Etats. En l'absence d'autres sources de financement que la
création monétaire, la limitation des avances auraient
empêché les déficits budgétaires.
En 1994, la dévaluation imposée par l'ampleur
des déficits budgétaires a créé un courant
d'opinion en faveur de l'équilibre budgétaire. Le traité
de l'UEMOA et le traité instituant la CEMAC prévoient une
surveillance multilatérale des politiques économiques et leur
mise en oeuvre en cohérence avec la politique monétaire commune.
En principe, les Etats devaient éviter tout déficit
excessif9.
Dès l'origine des unions économiques, les Etats
furent invités à respecter des critères quantitatifs, pour
l'essentiel relatifs aux finances publiques. La référence
principale était un solde budgétaire primaire
(c'est-à-dire hors service de la dette) qui devait être positif
dans la CEMAC et supérieur à 15% dans l'UEMOA10.
Quatre indicateurs ont été adoptés par le conseil des
ministres de l'UEMOA en
1999 avec le pacte de convergence, de stabilité, de
croissance et de solidarité (les critères de premier rang).
Le premier exige que le ratio solde budgétaire de base sur PIB soit
positif ou nul, le deuxième concerne le taux d'endettement qui ne doit
pas excéder 70% et le troisième vise la non-accumulation
d'arriérés de paiement, intérieurs ou extérieurs.
Le quatrième concerne le taux d'inflation et fixe une limite
supérieure de 3%. Ce dernier critère n'est pas strictement
budgétaire, mais doit contribuer, avec les trois premiers, à
contenir les déficits
budgétaires.
9 Traite de l'UEMOA (article 63 et 75) et commission
régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale annexée au
Traité
instituant la CEMEAC (aticles 49 et 61).
10 Convention de l'Union Economique de la CEMAC
article 55, Directive 02/96/CM de l'UEMOA.
Le solde budgétaire de base est défini comme la
différence entre les recettes totales hors dons extérieurs et les
dépenses totales hors investissements publics financés sur
ressources extérieures. L'équilibre budgétaire à
respecter exclut les investissements publics financés sur ressources
extérieures, mais non les investissements financés sur ressources
internes ; ce qui en fait un concept hybride. Comme ce solde budgétaire
inclut en dépenses les paiements des intérêts de la dette
contrairement au solde primaire, son adoption comme critère quantitatif
traduit la volonté de réaliser un excédent primaire
couvrant intégralement les intérêts de la dette publique,
suggérant qu'il n'est pas normal qu'un Etat emprunte pour assurer le
paiement de la charge d'intérêt sur sa dette. Le non-respect des
critères peut en principe donner lieu à des sanctions graduelles
qui vont de la publication d'un communiqué à la suppression des
mesures de soutien dont bénéficierait le pays de la part de
l'union.
Toutefois, selon l'article 58 du traité de la CEMAC,
lorsqu'un Etat membre est touché par « évènements
exceptionnels », il peut être exempté, pour une durée
maximale de six mois, de l'obligation de respect de tout ou partie des
procédures de surveillances multilatérales. Dans le cas
contraire, l'Etat est exposé à des sanctions qui sont les
mêmes que celles appliquées dans l'UEMOA. Cependant, le nouveau
pacte de convergence adopté en Afrique de l'ouest a introduit une
hiérarchisation des critères de convergence en critère de
premier rang (dont le non-respect est susceptible de déclencher les
mécanismes de sanctions) en critères de second rang.
Il avait été prévu dès le
départ que l'application du Pacte de l'UEMOA serait
progressive. Etait alors définie une première phase de
convergence des politiques économiques allant de janvier 2000
à décembre 2002 durant laquelle les Etats membres devaient se
rapprocher des normes communautaires, puis une phase de stabilité
à partir de janvier 2003 tous les Etats membres auraient dû
satisfaire les critères de convergence. Le tableau n°4
résume l'état de respect des critères de convergence dans
la zone UEMAO.
Tableau 4 : Nombre de critères respectés par
pays depuis 2000
Etats
membres
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
BENIN
|
3
|
4
|
6
|
3
|
4
|
3
|
3
|
5
|
5
|
3
|
4
|
BUR. FASO
|
3
|
3
|
4
|
3
|
4
|
4
|
3
|
4
|
3
|
4
|
5
|
COTE D'IV
|
1
|
1
|
3
|
1
|
2
|
1
|
2
|
2
|
2
|
3
|
6
|
GUIN. BISE
|
1
|
0
|
0
|
1
|
1
|
1
|
0
|
2
|
0
|
0
|
3
|
MALI
|
4
|
4
|
3
|
5
|
5
|
5
|
6
|
6
|
5
|
6
|
6
|
NIGER
|
1
|
1
|
3
|
3
|
3
|
3
|
6
|
6
|
5
|
4
|
6
|
SENEGAL
|
5
|
5
|
6
|
7
|
7
|
7
|
6
|
5
|
5
|
6
|
6
|
TOGO
|
1
|
1
|
2
|
2
|
2
|
2
|
2
|
3
|
2
|
2
|
3
|
Source : Calcul de l'Auteur sur la base du rapport,
Commission UEMOA (2012)
Du tableau n°4, il ressort que dans l'UEMOA les
critères de convergence sont diversement respectés. A titre
illustratif, seul le Sénégal parvient jusque-là à
respecter le plus grand nombre de critères, suivi du Mali et du Niger.
On peut également dire que la Guinée Biseau et le Togo ont
été les moins performants dans le cadre du respect.
L'année 2010 a vu les meilleurs résultats pour l'ensemble des
pays allant de 3 à 6 critères respectés sur les huit (08)
globalement définis. Mais, des efforts supplémentaires aurait
permis de dépasser ce cap si des mesures contraignantes ont
été prises et appliquées. À noter cependant que les
sanctions prévues dans le cadre de la surveillance multilatérale
n'ont été appliquées à aucun Etat. D'où
l'intérêt, après plusieurs années de fonctionnement
des institutions communautaires, de procéder à une
évaluation de la mise en oeuvre de la coordination des politiques
budgétaires dans la zone UEMOA. Une telle démarche aurait permis
d'apporter les corrections nécessaires.
|