Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les états-Unis et le Chili.par Roodly RICHARD Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH) - Licence 2015 |
i) Revue de la littérature sur les effets des transferts sur le développement des économies d'origine.En effet, bien que l'existence d'interactions fortes entre le développement et la migration internationale soit en général admise, la question des conséquences des flux migratoires et des flux financiers qui leur sont associés sur les économies d'origine demeure largement débattue222. La littérature démontre que les transferts financiers issus de l'émigration n'agissent pas de façon automatique comme des leviers déclencheurs d'un processus de développement223. a) Effets seconds ou « négatifs » Au niveau national, les envois de fonds des migrants peuvent provoquer une augmentation de la demande de biens d'importation au détriment des biens produits localement, et n'auraient pas d'effets multiplicateurs sur l'économie224. Les transferts de fonds seraient 219 http://journals.openedition.org/tourisme/docannexe/image/990/img-1.jpg 220 Michel Bruneau, «Les territoires de l'identité et la mémoire collective en diaspora», L'Espace géographique, vol. 35, n° 4, 2006. 221 Gilbert Elbaz, «L'hybridation transnationale des diasporas», Études caribéennes, n° 16, 2010a [ http://etudescaribeennes.revues.org/4627] 222 F. Gubert, OCDE, 2005, P. 50 223 Op.cit. 224 Dayton Johnston, OCDE 2007 Page 112 of 127 ROODLY RICHARD 8/2/19 « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili » également à l'origine d'inflation et donc d'appréciation du taux de change réel dans des pays caractérisés par la faible flexibilité de leur appareil productif225. Lorsqu'une grande partie de ces transferts est affectée à des achats de logement ou de terre, le taux de change réel a tendance à s'apprécier, rendant par conséquent les exportations moins compétitives. Les transferts de fonds peuvent également engendrer un autre effet négatif dans les cas où ils induisent une augmentation de la demande supérieure à la capacité de production de l'économie. Lorsque cette demande concerne des biens marchands, ils peuvent provoquer une appréciation du taux de change réel. Or, un taux de change surévalué réduit la compétitivité des entreprises du pays sur les marchés étrangers (parce que les exportations deviennent chères) et sur les marchés intérieurs (parce que les importations sont peu coûteuses), et redirige les ressources du secteur des biens marchands vers celui des biens non marchands, par un effet connu sous le nom de « syndrome hollandais ». Ce phénomène peut à son tour créer des pressions sur la balance des paiements, ralentir l'accroissement des opportunités d'emploi et, par conséquent, renforcer l'incitation à émigrer226. Enfin, les transferts de fonds sont aussi à l'origine de comportements rentiers. Au niveau local, les communautés qui reçoivent ces remises ont tendance à développer une culture de dépendance qui se traduit par une certaine vulnérabilité. Les jeunes ne veulent plus des emplois locaux, ils préfèrent tous « partir227». En effet, ce constat est confirmé par la volonté affirmée de la quasi-totalité des jeunes de partir du Sénégal par tous les moyens. La majeure partie des jeunes rencontrés lors des enquêtes de terrain pour cette étude pensent effectivement que le « salut » viendra de l'autre côté de l'Atlantique, c'est-à-dire partir du Sénégal et aller en Occident. 225 Gubert, 2005 226 Op.cit. Thomas Straubhaar et Florin P. Vcentsadean, 2005 227 Pour plus d'informations sur le départ des jeunes migrants « clandestins » sénégalais, voir Cheikh Oumar Bâ 2008, OSIWA Publications Page 113 of 127 ROODLY RICHARD 8/2/19 « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili » b) Effets positifs Les transferts de fonds contribuent aussi d'une manière ou d'une autre au développement des pays d'origine des migrants. Les transferts ont l'avantage d'être contra-cycliques : ils augmentent en cas de ralentissement économique ou en cas de chocs macroéconomiques dus par exemple à des crises financières. Les envois de fonds permettent d'éviter à la demande intérieure de chuter trop lourdement. En référence au double déficit dont souffriraient les PED (épargne et devises), les transferts constitueraient, au plan macroéconomique, une source significative de devises, augmentant le revenu national et finançant une partie des importations nécessaires à la croissance. De par leur ampleur, les seuls flux officiels peuvent avoir un impact considérable sur la balance des paiements des pays et contribuer à réduire leur déficit d'épargne intérieure228. En outre, les transferts constituent une source de devises beaucoup plus stable que les autres flux de capitaux privés et, dans certains pays, présentent un caractère conjoncturel. Les pays en développement et le monde développé se sont rendus compte de cet effet positif des transferts d'argent sur leur balance des paiements, et ont pris des mesures pour encourager et accroître cet afflux de devises. Mais ces mesures doivent être appliquées avec prudence parce que, mis à part leurs effets positifs sur la balance des paiements, les transferts influent sur l'activité économique du pays d'origine. Selon la manière dont cet argent est dépensé ou investi, il n'aura pas le même impact sur la production, l'inflation et les importations229. Sur le terrain, les remises constituent une source vitale de revenus pour une partie de la population et contribuent au financement de ses dépenses de santé et d'éducation. La stabilité de ces flux leur confère le caractère d'une épargne de précaution et permet de jouer un rôle efficace d'assurance en cas de choc externe. Au-delà de ces aspects relatifs à la consommation et à l'épargne, il faut mentionner l'utilisation de ces fonds pour l'équipement collectif de proximité. Certaines études évoquent également comme éléments positifs les effets induits de l'émigration sur certains secteurs de services utilisés par les migrants et leurs familles, en 228 Op. Cit. Gubert, 2005 229 Thomas Straubhaar et Florin P. Vcentsadean, Les transferts de fonds internationaux des émigrés et leur rôle dans le développement, OCDE, 2005. Page 114 of 127 ROODLY RICHARD 8/2/19 « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili » particulier les télécommunications, le tourisme, les transports et le commerce. Ces effets, dénommés « 4 T » dans la littérature anglo-saxonne, ne relèvent toutefois pas toujours directement des remises230. La question de l'impact des transferts financiers sur le développement ne se résume pas au seul aspect économique. La transmission de savoir-faire, l'influence des idées en matière sociale et politique constituent autant de questions qui mériteraient à elles seules d'être analysées à part. De nombreuses études apportent des éclairages, au niveau de régions bien déterminées, et les conclusions auxquelles elles parviennent sont rarement généralisables. |
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