B- L'impuissance de la Cour des Comptes
La réalisation d'une véritable
intégration sociale exige la convergence des politiques
financières et budgétaires des États membres ; c'est
pourquoi le Traité de l'UEMOA a prévu des mécanismes
visant au respect des règles budgétaires et financières
adoptées par l'Union. La création, au sein de l'Union, d'une Cour
des Comptes répond à cette exigence. De même, la formation
de qualité et un emploi décent ont un coût et, les
ressources que l'Union met à la disposition pour aboutir à un tel
objectif doivent être contrôlées. A l'analyse de certaines
dispositions du Traité et du protocole
263 BROT (Jean) & GERARDIN (Hubert), «
Intégration régionale et développement, » Monde
en développement, 3 N°115-116, 2001, p. 12.
264 SOW (Abdoulaye), op. cit., p. 368.
265 BOUTROS-GHALI (Boutros) & KAMARA (Laï), «
l'Organisation de l'Unité Africaine », Tiers monde, tome
11, N°41, 1970, p. 236.
266 RIDEAU (Joël), « le rôle des Etats membres
dans l'application du droit communautaire », Annuaire français
de droit international, vol. 18, 1972, p. 867.
267 KAMTO (Maurice), op. cit., p. 848.
62
L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
additionnel relatif aux organes de contrôle
juridictionnel, il est apparu que les dispositions concernant la Cour des
Comptes sont très laconiques. En effet, la Cour des Comptes n'est pas
dotée de statuts, contrairement à la Cour de Justice. Par
ailleurs, la compétence juridictionnelle lui est contestée, alors
que l'article 38 du traité dispose qu'elle est un organe de
contrôle juridictionnel268. Saisie par le Président de
la Commission de l'UEMOA269, la Cour de Justice de l'Union, dans un
avis, a tranché en précisant qu'à défaut des
dispositions pertinentes contenues dans le traité consultatif et son
Protocole additionnel, les textes d'application organisant la Cour des Comptes
ne sauraient, sans risquer la non-conformité avec l'acte suprême
de l'Union, transformer la Cour des Comptes en une institution juridictionnelle
à caractère répressif, prononçant des amendes, des
injonctions et mettant en débet des comptables par arrêt de
justice270. Pour Jean ALOTOUNOU271 la Cour des Comptes ne
jouissant pas de l'autonomie de gestion est, dans la pratique sous la tutelle
de la Commission dont le président est l'ordonnateur principal de
l'ensemble du budget des organes de l'UMOA.
L'article 38 du Traité de l'UEMOA parle "d'organe de
contrôle juridictionnel". De même, l'alinéa premier de
l'article 86 du règlement
268 ALOTOUNOU (Jean), Présentation de la Cour des
Comptes de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, 2004, p.
4.
269 Le président de la Commission de l'UEMOA a saisi la
Cour de Justice, en application des dispositions de l'article 27 alinéa
8 de l'Acte additionnel n° 10/96 portant statut de la Cour de Justice de
l'UEMOA, par lettre n° 99-053 du 8 juin 1999, enregistrée au greffe
de la dite Cour le 9 juin 1999 sous le n° 01/99 et dont la teneur suit
:
Les projets de textes organiques de la Cour des Comptes de
l'UEMOA viennent d'être élaborés et seront examinés
par le Conseil des Ministres de l'Union prochainement.
Il nous serait utile de recueillir les observations de votre
juridiction sur ces projets de textes. Outre les observations d'ordre
général que la Cour voudra bien faire, il serait souhaitable de
connaître celles que lui inspiraient les points particuliers
ci-après.
L'article 26 du protocole additionnel n°1 prévoit
que les modalités du contrôle devant être exercé par
la Cour des Comptes sont arrêtés par le Conseil, mais reste muet
sur les énonciations de l'article 38 du Traité de l'UEMOA, qui
dispose que "le statut, la composition, la compétence ainsi que les
règles de procédures et de fonctionnement de la Cour de Justice
et de la Cour des Comptes sont énoncés dans le Protocole
additionnel n° 1.
Les conseillers à la Cour des Comptes estiment qu'ils y
a une omission ou un vide dans le Protocole additionnel n° 1, qui
mériterait d'être comblé afin d'avoir des textes organiques
complets pour l'organe de contrôle juridictionnel des comptes.
Se fondant sur l'article 19 du Traité, qui
prévoit qu'un acte additionnel peut être pris pour
compléter le traité, les Conseillers proposent que les
dispositions fondamentales des statuts, de la compétence, ainsi que des
règles de procédure et de fonctionnement de la Cour des Comptes,
fassent l'objet d'un acte additionnel, tandis que les modalités en
seront fixées par un règlement.
Ils estiment également qu'un organe de contrôle
juridictionnel doit jouir d'une réelle indépendance par rapport
aux organes dont il assure le contrôle, qu'il doit donc
bénéficier de l'autonomie financière, et que son
Président doit être l'ordonnateur principal de son budget. Cf.
avis N°002/99 du 25 juin 1999 de la Cour de justice de l'UEMOA.
270 Cf. Avis, op. cit., paragraphe 9.
271 Jean ALOTOUNOU fut "Conseiller" à la Cour des Comptes
de l'UEMOA.
63
L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
financier des organes de l'Union souligne que "le
contrôle juridictionnel des comptes de l'Union (...) est assuré
par la Cour des Comptes". Le règlement n°01/2000/CM/UEMOA du 30
mars 2000 portant modalité du contrôle de la Cour des Comptes le
qualifie également "d'organe juridictionnel" (Art. 2) quant au protocole
additionnel 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA, il ne retient
plus le qualificatif juridictionnel.
Au regard des attributions de la Cour des Comptes, celle-ci ne
juge pas les comptes de l'Union et ne juge pas non plus le comptable principal
et l'ordonnateur du budget de l'Union. La Cour des Comptes de l'UEMOA est
identique à la Cour des Comptes de l'UE qui a une mission traditionnelle
de contrôle et de vérification. La Cour des Comptes de l'UEMOA a
le profil d'une apporteuse d'expertise au profit des organes plus politiques
comme le Parlement ou le Conseil des Ministres. En effet, elle élabore
chaque année un rapport et un certificat de conformité des
comptes des organes de l'UEMOA, qu'elle transmet au Conseil des
Ministres272
En outre, le fonctionnement du Cadre de Concertation des
ministres en charge de la formation professionnelle et de l'emploi de l'Union
est assuré par la Commission. Mais celui du Secrétariat Permanent
est du ressort direct des Etats membres qui s'acquittent de leur cotisation. Or
si le budget réservé au Secrétariat Permanent n'est pas
conséquent en fonction de ses attributions, il ne pourra pas bien jouer
son rôle de coordination. De même, si les ressources mises à
disposition de cette structure ne sont pas utilisées aux besoins
ciblés, cela fausserait l'atteinte des objectifs. Or si la
compétence juridictionnelle est reconnue à la Cour des Comptes de
l'Union cela dissuaderaient les gestionnaires de crédit à divers
niveaux et pourrait insuffler une autre dynamique à l'ensemble de
l'Union en terme d'efficacité et d'efficience dans l'accomplissement de
sa mission sociale. Fatimata SAWADOGO remarque qu'il manque de sanctions
à l'égard des Etats membres et qu'il y a « de saupoudrage
» de certains financement en lieu et place de ceux importants pour des
projets plus ambitieux273.
272 MEDE (Nicaise), Finances publiques - Espace
UEMOA/UMOA, Sénégal, L'Harmattan, 2016, p. 444.
273 SAWADOGO (Fatoumata), op. cit., p. 141.
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
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