Mémoire
d'alternance
Apprentissage au sein du bureau de l'aide publique au
développement de la Direction générale du
Trésor
Question de recherche : Existe-il une stratégie
géopolitique de l'aide publique au développement de la France au
Sahel ?
François De Block
Master 2 Géopolitique
Professeur référent : Mr Beckouche
Année universitaire 2018-2019
Date de soutenance : 6 septembre 2019
|
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ecole Normale Supérieure
|
Remerciements
En premier lieu, je tiens à remercier mon premier
tuteur d'apprentissage, Mr. Pierre Gaudin, chef du bureau de l'aide publique au
développement de la Direction générale du Trésor,
qui m'a accueilli et guidé dans mes missions d'alternant de septembre
2018 à mars 2019. Je souhaite également remercier Mme Isabelle
Camilier-Cortial, qui a pris sa succession, et avec qui j'ai beaucoup
apprécié travailler tout au long de ces derniers mois. Je
souhaite également remercier mes collègues du bureau de l'aide
publique au développement Astrid Tricaud, Thomas Garreau,
Aurélien Roynard, Dalcie Thézenas, Lauranne Duhil et Manon
Brocvielle pour cette année passée à leurs
côtés.
Je tiens également à remercier mon professeur
référent Pierre Beckouche pour ses conseils et sa
disponibilité en tant qu'encadrant pour les alternants du Master 2
Géopolitique, ainsi que l'ensemble de l'équipe pédagogique
de Paris 1 et de l'ENS.
Sommaire
Remerciements
3
Introduction
6
1. L'organisme : le Ministère de l'Economie
et des finances
7
1.1 Présentation du Ministère de l'Economie
et des finances
7
1.2 La direction générale du Trésor
9
1.3 Le service des affaires multilatérales et le
bureau de l'aide publique au développement
12
1.4 Le rôle de la direction générale
du Trésor dans le dispositif institutionnel de coopération pour
le développement
17
2. Les missions de l'apprenti
20
2.1. Une mission d'analyste des données de l'aide
publique au développement
20
2.1.1 - Nature et contexte de la mission
20
2.1.2 Livrables - Résultats et bilan de la mission
22
2.2. La montée en responsabilité : des
missions d'adjoint au chef de bureau chargé des sujets «
mobilisation des ressources intérieures et
développement ».
23
2.2.1 Nature et contexte de la mission
23
2.2.2 La mission « stratégie
interministérielle sur la mobilisation des ressources
intérieures »
25
2.2.3 La mission « élaboration du plan
d'investissement stratégique sur la mobilisation des ressources
intérieures »
26
Avant propos
32
Introduction
33
I- Les grandes puissances et bailleurs internationaux au
Sahel
35
1.1 La France au Sahel : une relation historique qui oscille
entre maintien d'influence et désengagement progressif
35
1.2 L'action extérieure de l'Union européenne au
Sahel : une « puissance douce » aux effets
élusifs sur le terrain
40
1.3 La présence américaine dans la bande
sahélo-saharienne : un objectif militaire anti-terroriste et un
soutien réel mais incertain au développement
45
1.4 La présence chinoise dans la bande
sahélo-saharienne : des relations avant tout économiques
sans véritable engagement sécuritaire
49
II- La position française dans la bande
sahélo-saharienne depuis l'opération Barkhane : un fort
engagement militaire au détriment du financement du développement
53
2.1 Les raisons de l'intervention militaire de la France dans la
bande sahélo-saharienne
53
2.2 Les efforts militaires de la France au Sahel surpassent ses
efforts de financement du développement
57
2.3 L'aide publique au développement de la France est
devenue inadaptée à l'assistance aux Etats sahéliens
64
III - Vers une inflexion de la politique de
coopération de la France en faveur du Sahel
72
3.1 Les nouvelles orientations de la politique de
développement de la France
72
3.2. L'Alliance pour le Sahel, une projection
multilatérale des intérêts géopolitiques
français au Sahel
76
Conclusion
83
Liste des figures
84
Liste des acronymes
85
Bibliographie
86
Annexes
91
PARTIE I : L'APPRENTISSAGE AU SEIN DE LA DIRECTION
GÉNÉRALE DU TRÉSOR
Introduction
Dans le cadre de mon année en alternance au sein du
Master 2 Géopolitique de Paris 1-ENS, j'ai effectué un
apprentissage au Ministère de l'économie et des finances du 17
septembre 2018 au 6 septembre 2019. Mon alternance s'est déroulée
au bureau de l'aide publique au développement, au sein du service des
affaires multilatérales et du développement de la Direction
générale du Trésor.
Plusieurs raisons ont présidé à mon choix
du bureau de l'aide publique au développement du Ministère de
l'économie comme organisme d'accueil.
Ma formation universitaire antérieure, tournée
vers les politiques publiques, l'économie et le développement,
m'a donné une grille de lecture pour comprendre et analyser les choix
stratégiques de l'Etat en matière économique. J'ai
développé tout au long de ce parcours une appétence pour
les sujets liés à l'économie politique du
développement et à la coopération internationale, avec
pour ambition d'orienter mon projet professionnel sur ces thématiques.
Un premier stage au sein de l'Organisation pour la coopération et le
développement économiques (OCDE), m'a conforté dans cette
approche.
La perspective de pouvoir travailler sur les enjeux de la
politique de l'aide publique au développement de la France m'est apparue
comme l'occasion idéale de pouvoir combiner mon intérêt
pour les questions d'économie internationale et la
géopolitique.
Compte tenu de la variation du rythme d'alternance au cours
des deux semestres de l'année, mon apprentissage s'est structuré
autour de deux grandes missions. La première a été une
mission d'analyse économique et statistique des données de l'aide
publique au développement de la France en matière
géographique et sectorielle. De court-terme, mon maître de stage a
fait en sorte qu'elle soit adaptée au rythme d'alternance du premier
semestre, qui comporte deux jours de présence au sein de l'organisme
d'accueil. La seconde mission a été celle d'un apprenti adjoint
au chef de bureau, en charge des questions relatives à la mobilisation
des ressources intérieures et du développement.
L'élaboration de ce rapport a pour principale source
les différents enseignements tirés de mon expérience et de
la pratique quotidienne des missions qui m'ont été
confiées. Les quelques entretiens que j'ai pu avoir avec mes
collègues du bureau et du service des affaires multilatérales
m'ont permis de donner de la cohérence à ce rapport.
En vu de rendre compte de manière analytique et
fidèle de l'année passée au sein de la structure
d'accueil, il convient d'abord de présenter le cadre de l'alternance et
le positionnement qu'occupent la Direction générale du
Trésor bureau de l'aide publique au développement dans
l'architecture institutionnelle de la politique française de
coopération pour le développement. Il sera précisé
ensuite les différentes missions et tâches auxquelles j'ai
participé au sein du bureau de l'aide publique au développement
du Ministère de l'économie, ainsi que les apports que j'ai pu en
tirer.
1. L'organisme : le
Ministère de l'Economie et des finances
1.1 Présentation du
Ministère de l'Economie et des finances
Le ministère de l'Economie et des finances est le
département ministériel chargé de la mise en oeuvre de la
politique économique et de la gestion des finances publiques du
Gouvernement français. Le ministère est fréquemment
dénommé « Bercy » dans le langage courant,
en raison de son implantation dans le XIIème arrondissement, en plein
coeur du quartier de Bercy. Il a pour mission générale de
conseiller, préparer et exécuter la politique du gouvernement
dans le domaine de l'économie et des finances, de la consommation et de
la répression des fraudes, et est également en charge des
secteurs de l'industrie, des services, des petites et moyennes entreprises, de
l'artisanat, du commerce, et du soutien aux activités touristiques. Il
fait partie des ministères « régaliens » avec
les Ministère des Armées, de la Justice, de l'Intérieur et
des Affaires étrangères.
L'ensemble des administrations relevant des attributions du
ministère de l'Economie et des Finances comportait plus de 142 000
agents en 2015, dont 5500 en direction centrale, sur le site de Bercy. Le
budget alloué au ministère de l'Economie pour 2018 était
de 1,71 milliards d'euros.
L'organisation de l'administration de Bercy est
singulière en ce qu'elle présente souvent une structure
polycéphale. Le ministère est souvent séparé entre
deux ministres de plein exercice : d'un côté, le ministre en
charge de l'économie et de la régulation du secteur financier, et
de l'autre un ministre du budget, qui est notamment en charge des lois de
finances et des décisions budgétaires. Du fait du large spectre
et de l'importance des politiques publiques conduites par Bercy, des
secrétaires d'Etat (ou des ministres délégués),
peuvent être associés aux ministres, en particulier pour le
budget, l'industrie, le commerce extérieur, l'artisanat et le
numérique. L'ensemble des administrations qui sont rattachées au
ministère peut être conduit par deux, trois voire quatre ministres
de plein exercice, comme ce fut le cas entre 2012 et 20141(*). La dénomination et les
attributions spécifiques du ou des ministres exerçant à
Bercy ont été modifiées quasiment à chaque nouveau
gouvernement. En 2014, une réorganisation inédite,
opérée à l'issu du remaniement ministériel du
gouvernement Valls I, a créé une administration bicéphale
calquée sur le modèle allemand, comportant un ministre en charge
de l'Economie (Arnaud Montebourg) et un ministre en charge des Finances et des
comptes publics (Michel Sapin). Cette division « à
l'allemande » entre l'Economie et le Budget se retrouve dans la
configuration administrative du ministère, en vigueur depuis le
début du quinquennat d'Emmanuel Macron. Les administrations du
ministère sont ainsi séparées entre deux ministres de
plein exercice : le Ministre chargé de l'Economie et des Finances
et le Ministre chargé de l'Action et des Comptes publics.
Figure 1 : La
séparation actuelle entre Ministère de l'Economie et
Ministère du budget
Le scindement des attributions de Bercy entre deux ministres
peut se comprendre à l'aulne de la puissance et du poids politique
considérable que pourrait prendre un ministre chargé à la
fois des questions économiques et des questions budgétaires. Les
administrations des Ministères économiques et financiers exercent
une influence considérable sur les priorités stratégiques
et la mise en oeuvre de la politique du gouvernement. Conférer un
portefeuille « Economie-Budget » a un seul ministre
présente le risque de faire du Ministre en charge de l'économie
un rival du Premier ministre, et d'affaiblir par effet de ricochet le
Président de la République en cas de divergences sur la ligne
politique et économique au sein du gouvernement. La séparation
entre le portefeuille de l'économie et le portefeuille des finances / du
budget permet ainsi à l'Elysée et à Matignon
d'équilibrer le rapport de force entre leurs administrations et celles
du Ministère de l'Economie2(*).
Le ministère de l'Economie a pour responsabilité
d'administrer et de mettre en oeuvre les grands choix stratégiques du
gouvernement en matière économique et financière. A ce
titre, il exerce le pilotage et la mise en oeuvre de nombreuses missions
d'importance majeure en matière de politiques publiques. Ainsi, il est
notamment compétent pour :
- la politique de croissance et de compétitivité
de l'économie française
- la réglementation, l'analyse et le contrôle de
la commande publique
- la politique monétaire au niveau national,
européen et international
- la législation fiscale
- la propriété intellectuelle et la lutte contre
la contrefaçon
- le suivi et le soutien des activités touristiques
- l'information stratégique et la
sécurité économique
- la statistique et les études économiques
- le financement des exportations
Le ministère de l'Économie et des Finances est
également compétent, conjointement avec le ministère
de l'action et des comptes publics, pour la prévision financière
ainsi que le contrôle économique et financier.
Sur le plan hiérarchique et organisationnel, le
Ministère de l'Economie a autorité exclusive sur six directions
et administrations :
- La direction générale du Trésor (DG
Trésor)
- La direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
- La direction générale des finances publiques
(DGFIP)
- La direction générale de l'Institut national
de la statistique et des études économiques (INSEE)
- Le Conseil général de l'économie, de
l'industrie, de l'énergie et des technologies
- Le commissaire à l'information stratégique et
à la sécurité économiques Le service à
compétence nationale dénommé « Agence des
participations de l'Etat »
En outre, le ministère de l'Economie a autorité,
conjointement avec le Ministère de l'Action et des comptes publics, sur
- l'inspection générale des finances ;
- le service du contrôle général
économique et financier ;
- le secrétariat général des
ministères économiques et financiers ;
- la direction des affaires juridiques des ministères
économiques et financiers ;
- le haut fonctionnaire de défense et de
sécurité ;
- le médiateur des ministères économiques
et financiers.
Il a autorité sur la direction générale
des entreprises, et exerce cette autorité conjointement avec le ministre
de la cohésion des territoires sur les sujets relatifs au
numérique et à la digitalisation des services publics dans les
territoires.
Pour ce qui est de l'exercice de ses attributions en
matière de lutte contre la fraude et la contrefaçon, le
ministère de l'Economie dispose de la Direction générale
des douanes et des droits indirects (DGDDI).
1.2 La direction
générale du Trésor
Mon apprentissage s'est déroulé au sein de la
direction générale du Trésor, qui est l'une des directions
les plus prestigieuses de l'administration économique française,
du fait de la palette étendue de ses activités, au coeur de
l'action économique de l'Etat.
L'importance de la direction générale du
Trésor réside dans le fait qu'elle incarne et pilote la dimension
monétaire, bancaire, diplomatique et internationale de la politique
économique de la France. Sa forte concentration en inspecteurs des
finances et de sa capacité à « placer » ses cadres
dirigeants dans les banques publiques ou privées, ou à la
tête des institutions financières nationales ou internationales
(Caisse des dépôts, Banque de France, Fonds monétaire
international, Banque mondiale, etc.), participe de la réputation de la
direction.
Les prémices de la direction générale du
Trésor et de ses fonctions sont établies dès 1814 avec la
création de la direction du Mouvement général des fonds
(DMGF). Ce service a pris une importance croissante au XIXème
siècle sur les questions de crédit, d'emprunt et du rapport de
l'Etat avec les institutions financières et la Bourse. L'importance des
déficits budgétaires qu'a connu la France lors de cette
période a conféré à la DGMF un rôle
d'emprunteur permanent et l'a peu à peu transformé en immense
banque de dépôt. Sa fonction principale était de s'attacher
à «l'application des ressources aux besoins» (ordonnance du 6
février 1828), en assurant l'équilibre de la Trésorerie
publique et en agissant dans le domaine de la monnaie, du crédit et de
l'épargne par la coordination, la tutelle et le contrôle des
activités économiques de l'Etat. Le rôle de la DMGF
s'accroît de manière substantielle pendant la Première
guerre mondiale, où elle administre le financement de l'effort de
guerre, couvert par des avances de la Banque de France au Trésor. Elle
intervient également dans la lutte contre la dépréciation
de la monnaie et dans le contrôle des opérations de change. Par la
loi du 30 août 1940, la DMGF est fusionnée avec la direction de la
comptabilité publique et devient la direction du Trésor.
Dans la seconde moitié du XXème siècle,
la direction du Trésor joue un rôle essentiel dans la
planification économique de la France, en coordonnant les
investissements publics, en répartissant les crédits du Plan
Marshall et en épousant la doctrine interventionniste
keynésienne. A cette époque, elle est également
chargée du contrôle de la Caisse centrale de coopération
économique, qui administre l'aide financière apportée aux
anciennes colonies françaises d'Afrique et d'Asie.
A partir des années 1980, La direction du Trésor
a pesé lourdement dans la prise en charge des réforme de
privatisations des entreprises et du secteur bancaire réformes, dans la
reformulation des diagnostics et des solutions, mais aussi dans la mise en
oeuvre des nouvelles orientations libérales de la politique
économique française. Ainsi, le processus de mise sur le
marché de la dette publique, l'accroissement de son poids et
l'importance stratégique des enjeux de son financement ont-ils conduit
à la création en 2001 d'une instance spécialisée
qui pilote ces sujets, l'Agence France Trésor, sous l'égide de la
direction du Trésor.?
La direction générale du Trésor actuelle
est issue d'un processus de rationalisation par fusion organisationnelle. Cette
méthode a été fortement employée dans les reformes
de l'administration et constitue un moyen de redistribuer et de reconcentrer
les pouvoirs de décisions, tout en renforçant le contrôle
des activités ministérielles concernées.
La direction générale du Trésor a ainsi
été formée en 2004, en suivant le mouvement de
reconfiguration des structures administratives dans le cadre de la nouvelle
gestion publique promue par le gouvernement. Le Trésor actuel est le
produit du regroupement de trois directions stratégiques du
ministère de l'Economie : la direction du Trésor,
héritière historique du mouvement général des
fonds ; la direction de la prévision et de l'analyse
économique ; la direction des relations économiques
extérieures.
Cette vaste réorganisation a été
sous-tendue par profile un enjeu bureaucratique : le souci de la direction du
Trésor d'élargir sa sphère d'influence, en retrouvant un
champ nouveau d'expansion de ses activités. La direction du
Trésor a été marquée par des
phénomènes d' « agentification »
et de scissiparité qui ont conduit à l'autonomisation de
certaines entités stratégiques en son sein (ce qui s'est
notamment traduit par la création de l'Agence France Trésor en
2001, et par celle de l'Agence des Participations de l'Etat en 2004). De
même, la réduction progressive de la place de l'Etat dans
l'économie, et l'européanisation croissante de la politique
économique avaient diminué le champ d'action et les marges de
manoeuvres décisionnelles du Trésor.
Le champ d'action de cette nouvelle Direction
générale du Trésor née en 2004 a ainsi
été étendu : il comprend désormais la
régulation du secteur financier, la gestion de la dette de
l'État, de l'analyse de la situation macroéconomique nationale et
internationale, l'animation des relations économiques
bilatérales, l'évaluation économique des politiques
publiques, la négociation économique et financière en
Europe et au plan international, la politique commerciale et à l'aide au
développement.?
Cinq services sont institués (politique
économique et affaires européennes, politiques publiques,
financement de l'économie, affaires multinationales et
développement, relations bilatérales et développement
international des entreprises), ainsi qu'un secrétariat
général ( figure 2.
Figure 2 - Organigramme de
la Direction générale du Trésor
Pour exercer ses missions, la direction générale
s'appuie sur près de 1 500 agents, dont 717 à Paris, en
administration centrale, dont 758dans son réseau implanté dans
112 pays et auprès des institutions européennes et
multilatérales, ainsi qu'une centaine d'agents dans les régions,
au sein des DIRECCTE ( figure 3)
Figure 3 - Effectifs de la
DG Trésor en 2018
1.3 Le service des affaires
multilatérales et le bureau de l'aide publique au
développement
Au sein de la direction, du Trésor, le service des
affaires économiques multilatérales et du développement
(SAMD) est en charge des questions financières internationales, qui
incluent la présidence du Club de Paris, suivi des activités du
Fonds monétaire internationale (FMI) et de la Banque Mondiale,
préparation des réunions du G7 et du G20 ainsi que de l'OCDE. Le
SAMD est également compétent pour les questions de
développement et de financement de la lutte contre le changement
climatique (il exerce à ce titre la cotutelle de l'Agence
française de développement avec le Ministère des affaires
étrangères, suivi de la Banque mondiale et des Banques
régionales de développement, suivi du Fonds vert pour le climat
etc.) et des questions de politique commerciale et d'investissement (suivi des
négociations multilatérales ou régionales, suivi de l'OMC,
gestion de la procédure d'autorisation des investissements
étrangers en France). Le service gère également les
accords monétaires de la « Zone franc », qui unissent la
France et 15 pays d'Afrique, et assure le suivi des relations
bilatérales de la France avec l'ensemble des pays d'Afrique
subsaharienne. Enfin, le service est aussi chargé d'une mission de lutte
contre la criminalité financière (lutte contre le financement du
terrorisme, le blanchiment, la corruption) et des sanctions financières
internationales.
Le SAMD est ainsi divisé en deux sous-directions :
la direction de la politique commerciale, de l'investissement et de la lutte
contre la criminalité financière et la sous-direction des
affaires financières multilatérales et du développement.
Cette dernière, où j'ai réalisé mon apprentissage,
est composée de cinq bureaux thématiques, dont le bureau de
l'aide publique au développement, où j'ai fait mon alternance (
figure 5) :
Figure 4 - Organigramme
simplifié de la sous-direction des affaires financières
multilatérales et du développement
Réalisé avec Bubble.us
Le bureau de l'aide publique au
développement (MULTIFIN 5) : Le bureau de l'aide
publique au développement est en charge de l'élaboration de la
politique d'aide publique au développement (APD). Il exploite pour cela
la littérature académique sur l'économie du
développement, les productions des organisations internationales (Banque
mondiale, OCDE, FMI, PNUD) et autres organisations impliquées dans la
production intellectuelle portant sur le développement (think-tanks,
centres de recherche, organisations philanthropiques). Ce positionnement permet
au bureau d'être force de proposition auprès des instances
gouvernementales quant aux orientations stratégiques de la politique
française d'aide au développement. Le bureau est composé
de 7 agents, dont l'apprenti, et accueille ponctuellement un stagiaire sur la
période estivale.
Figure 5 - Organigramme du
Bureau de l'aide publique au développement
Réalisé avec Bubble.us
Le bureau MULTIFIN 5 pilote la politique française
d'aide au développement. A ce titre, il participe au suivi des travaux
du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, dont il est le
point de contact principal au sein du ministère de l'Economie. Il
prépare et organise, pour la DG Trésor, le Comité
interministériel de la coopération internationale et du
développement (CICID)3(*), dont il assure le co-secrétariat. Les
rôles d'élaboration et de pilotage de la politique
française d'aide au développement sont partagés avec la
Direction Générale de la Mondialisation (DGM) du Ministère
de l'Europe et des Affaires Etrangères (MEAE).
De plus, le bureau est chargé de centraliser les
données et les statistiques d'aide publique au développement de
la France et de les transmettre à la Direction pour la
coopération et le développement de l'OCDE, qui les exploite et
les restitue dans les bases de données de l'Organisation. Le bureau suit
également les questions relatives à l'efficacité de l'aide
publique au développement et représente, le cas
échéant, la DG Trésor au sein du CAD de l'OCDE et
transmets ses positions à la représentation permanente de la
France auprès de l'OCDE. Le bureau assure la présentation des
données et des méthodes de comptabilisation de l'aide publique au
développement de la France pour le CAD.
Enfin, le bureau de l'aide publique au développement
est chargé de la mission stratégique qu' de la gestion et du
suivi de la partie budgétaire de l'APD française relevant du
Ministère de l'Economie et des finances, c'est à dire les
financements du programme budgétaire n°110 « Aide
économique et financière au
développement ». Il s'agit d'une mission
stratégique dans la mesure où la politique française en
faveur du développement est une politique interministérielle
à laquelle concourent 24 programmes et différents
ministères. Le programme 110, géré par le Trésor,
est avec le programme 209, géré par le MEAE, le pilier
budgétaire des crédits alloués dans le cadre de l'aide
publique au développement. Le programme 110, intitulé Le
programme 110-Aide économique et financière au
développement a pour objectif principal de réduire la
pauvreté dans les pays en développement et de contribuer
aÌ l'atteinte des Objectif de développement durable de l'Agenda
2030. Il concentre une partie importante des crédits destinés
aÌ des institutions multilatérales de développement ainsi
qu'au financement des annulations de dettes bilatérales et
multilatérales décidées parfois plusieurs années
auparavant. Il incorpore également les bonifications accordées
par le Trésor aux prêts de l'AFD.
Le service des affaires multilatérales comporte quatre
autres bureaux, avec lesquels le bureau de l'aide au développement
travaille de manière ponctuelle ou suivie :
· Le bureau de l'endettement international et du
secrétariat du Club de Paris (MULTIFIN 1) : il est chargé de
l'ensemble des questions relatives à l'endettement international tant au
plan multilatéral qu'au plan bilatéral : négociation et
mise en oeuvre des accords de dette, gestion des créances et garanties
de l'Etat français avec ses débiteurs, assure les relations avec
les créanciers et les débiteurs. Il assure le secrétariat
du Club de Paris. Il contribue également à la définition
de la politique de l'assurance-crédit et assure le suivi des
créances de l'Etat sur les pays étrangers garanties par Bpifrance
Assurance Export pour le compte de l'Etat. Le Bureau de l'aide publique au
développement et le bureau de l'endettement international travaillent de
concert pour ce qui est de la prévision des annulations de dette
accordées dans le cadre du programme 110. MF5 et MF1 s'alimentent
également l'un l'autre en matière de données sur l'aide au
développement et les annulations de dettes.
· Le bureau de l'Afrique subsaharienne, de la zone franc
et de l'Agence française de développement (MULTIFIN
2) : ce bureau est responsable des relations
financières et monétaires avec les pays de la zone franc et
assure la tutelle de l'agence française de développement (AFD) du
côté du ministère de l'Economie. Dans les pays d'Afrique
subsaharienne, il assure la coordination des analyses sur la situation
macroéconomique et commerciale des pays de sa zone de compétence.
Il prépare les instructions relatives aux programmes ainsi que celles
réalisées dans le cadre de la mission de surveillance du FMI pour
ces pays. Il assure également, avec l'appui du réseau des chefs
de service économique régional et des services
économiques, le suivi des relations économiques
financières et commerciales bilatérales.Il est également
chargé de la politique d'aide au développement à
l'égard des pays de sa zone de compétence. Le bureau de l'aide
publique au développement travaille de concert avec le bureau MULTIFIN 2
pour ce qui est de la prévision de la trajectoire de l'aide publique au
développement, de l'animation des relations avec les services
économiques régionaux en Afrique subsaharienne, des travaux
thématiques de la DG Trésor sur l'aide au développement,
et sont associés dans la préparation du CICID. Les bureau
MULTIFIN 2 et MULTIFIN 5 sont ainsi les deux bureaux qui assurent une liaison
continue entre la DG Trésor et l'AFD.
· Le bureau du financement multilatéral du
développement et du climat (MULTIFIN 3) : ce
bureau est chargé du suivi des activités et de la politique des
activités des banques multilatérales de développement. Il
supervise également les fonds visant à la préservation de
l'environnement auxquels contribue la France. En lien avec le bureau de l'aide
publique au développement, il participe au suivi et à l'animation
des relations avec les organismes des Nations unies et autres organisations et
instances internationales compétentes en matière de
développement et de préservation de l'environnement à
l'international. En outre, il assure, en lien avec le bureau de l'aide publique
au développement, le suivi et la coordination des travaux relatifs au
développement dans les enceintes internationales. Il est
également responsable des aspects financiers des négociations
internationales relatives au climat, à l'environnement et aux questions
nucléaires. Le bureau de l'aide publique au développement est
associé au bureau MULIFIN 3 dans le cadre de l'animation et du suivi des
relations de la DG Trésor avec les organismes des Nations unies et
autres organisations internationales compétentes en matière de
développement. Ces deux bureaux sont également
représentants de la DG Trésor au sein du Conseil national du
développement et de la solidarité internationale (CNDSI).
· Le bureau du système financier international et
de la préparation des sommets internationaux (MULTIFIN 4).Le bureau
Multifin 4 élabore les positions de la France sur les questions
financières mondiales.Dans ce cadre, il assure les relations avec le
Fonds monétaire international et les autres institutions de
coopération économique internationale. Il veille à la
cohérence des positions de la France exprimées dans le cadre des
instructions relatives aux programmes du FMI pour l'ensemble des pays
concernés.
Ce bureau est également en charge de la
préparation des réunions et des sommets internationaux pour les
questions économiques et financières, en particulier le G7 et le
G20. Il veille à la cohérence de l'action de la direction
générale du Trésor à l'égard de l'OCDE et
prépare la réunion du Conseil de l'OCDE au niveau des ministres.
Dans le cadre de la préparation des travaux du G7 dans la filière
« Finances » et
« Développement », le bureau Multifin 5 est
étroitement associé aux travaux du bureau Multifin 4, en
particulier sur les sujets d'inclusion financière et de mobilisation des
ressources domestiques dans les pays en développement. Le bureau de
l'aide au développement est également associé aux travaux
du bureau des sommets internationaux pour ce qui concerne le programme de
travail de l'OCDE portant sur l'aide au développement et les
données statistiques du CAD.
Le positionnement du bureau de l'aide publique au
développement est à la croisée de plusieurs
thématiques : si sa mission principale est celle du pilotage de la
politique de l'aide publique au développement, exercé par sa
fonction budgétaire et sa capacité à produire des
études, ses compétences recouvrent des champs d'action
dévolus à d'autres bureaux du service. Les activités de
suivi de l'aide au développement ne sont donc pas exclusives à
MF5 dans la mesure où elles mais recoupent les prérogatives du
bureau MF2 (tutelle de l'AFD et relations avec l'Afrique), MF3 (suivi des fonds
multilatéraux et des banques de développement) et dans une
moindre mesure MF4 (suivi des travaux de l'OCDE et des thématiques
développement présentes à l'agenda des sommets
internationaux tels que le G20 et le G7.
Ce positionnement transversal du bureau de l'aide publique au
développement peut s'expliquer par les racines de sa
création : le bureau MF5 est une entité récemment
créée au sein du service des affaires multilatérales de la
DG Trésor. Ses missions étaient auparavant assurées par le
bureau MF3, qui était compétent pour le suivi des fonds
multilatéraux et l'aide au développement. La composante
« aide au développement » était
assurée par deux adjoints, l'un en charge des questions
budgétaires, et l'autre chargé de la prévision de la
trajectoire de l'aide au développement. La création du bureau MF5
a été présidée par la volonté de la
direction de créer un bureau qui soit en chargé de
développer une vision stratégique de l'APD et de d'assurer une
gestion rigoureuse et efficace des aspects ayant trait aux statistiques et aux
données de l'APD. Cette structure récente est appelée
à monter en puissance et à incarner la doctrine de l'aide
publique au développement au sein de la DG Trésor.
1.4 Le rôle de la direction
générale du Trésor dans le dispositif institutionnel de
coopération pour le développement
L'architecture actuelle du dispositif français de
coopération pour le développement a été
fixée par le décret du 4 février 1998. Cela a eu pour
conséquence de réformer en profondeur la politique de
coopération internationale de la France, en supprimant le
ministère de la Coopération et en créant le comité
interministériel de la coopération pour le développement
(CICID). Présidée par le Premier ministre, cette instance
réunit l'ensemble des ministères participant à la
politique transversale de l'aide publique au développement. Le CICID
définit les orientations géographiques et sectorielles de la
politique de développement française, et veille à sa
cohérence des moyens mis en oeuvre, au regard des objectifs
fixés. Le décret a de plus acté la transformation de la
Caisse française de développement en « Agence
française de développement », opérateur-pivot de
la politique de coopération, chargée de la grande partie son
exécution financière.
Le décret a également créé une
direction générale pour la coopération sous
l'autorité d'un secrétariat d'État placé sous
tutelle du ministère des Affaires étrangères. En outre, ce
décret a renforcé progressivement l'AFD, qui est ainsi devenu
« l'opérateur pivot « de la coopération
française sous une double tutelle du ministère des Affaires
étrangères et du ministère de l'Économie et des
finances. La suppression du ministère de la Coopération, a
créé une dichotomie du pilotage de l'aide publique au
développement de la France, qui est toujours d'actualité.
Enfin, un cadre de dialogue formel avec la
société civile avait été mis en place au travers du
Haut Conseil à la coopération internationale (HCCI), placé
également auprès du Premier ministre et regroupant l'ensemble des
acteurs de la société civile et du monde académique. En
addition à cela, une Commission coopération au
développement (CoDev) réunissant de façon paritaire le
ministère des Affaires étrangères et les ONG permettait de
traiter de l'ensemble des sujets sectoriels et opérationnels relevant de
leur partenariat. Ces deux structures, très appréciées de
la société civile, ont permis d'instaurer un dialogue
structuré et formel entre le ministère des Affaires
étrangères et les Organisations de la société
civile (OSC) et d'affermir la position de celles-ci.
De fait, ce système a globalement fonctionné
jusqu'en 2007, date à laquelle HCCI et CoDev ont été
supprimés dans le cadre de la Révision générale des
politiques publiques (RGPP) et un conseil stratégique créé
auprès du ministre des Affaires étrangères en
remplacement. Cette instance ne s'est réuni que deux fois sur toute la
durée du quinquennat 2007-2012, et le CICID une seule fois en 2009.
Enfin, l'AFD s'est vu transférer par le ministère des Affaires
étrangères le cofinancement des OSC à partir de 2009.
L'année 2007 marque également la fin d'une longue tradition
française où l'aide au développement était
incarnée par un engagement personnel au sommet de l'État.
Le système français de coopération se
caractérise par une organisation complexe avec des
responsabilités éclatées. Elle comprend les deux
ministères compétents en matière de politique de
développement que sont le Ministère des affaires
étrangères et le Ministère des finances, des instances
d'orientations, et les agences de l'Etat.
Figure 6 - Architecture
institutionnelle de la politique de coopération de la France
Source : Rapport du conseil économique, social et
environnemental (CESE)
Au niveau ministériel, le pilotage de la politique de
coopération est co-assuré par la Direction générale
de la mondialisation (DGM) du MEAE et la Direction générale du
Trésor de Bercy. La DGM est chargée de mettre en oeuvre et de
suivre le programme 209 « solidarité à l'égard
des pays en développement », qui engage des fonds sous formes
de dons et d'aide-projets sur le canal bilatéral. L'action de la DG
Trésor en matière d'aide au développement, et les
crédits de son programme 110, sont articulés selon trois
actions :
· L'aide économique et financière
multilatérale regroupe les contributions de la France aux institutions
multilatérales d'aide au développement, banques et fonds
sectoriels (action 1);
· L'aide économique et financière
bilatérale finance principalement les interventions d'aide
bilatérales de l'AFD (action 2);
· Le traitement de la dette des pays pauvres recouvre les
annulations de dettes décidées dans le cadre du club de Paris et
impliquant une indemnisation des operateurs (action 3)
Cette responsabilité administrative et
budgétaire est principalement partagée entre les
ministères des Finances et des Affaires étrangères. Cette
pratique historique est la cause d'une répartition à la logique
contestable, fondée sur la nature de l'aide. Ainsi, la conduite de
l'aide multilatérale entre le Trésor (représentation de
l'État auprès des institutions financières
multilatérales) et les Affaires étrangères
(représentation devant les institutions onusiennes) traduisent une
complexité organisationnelle et pose les questions de
l'efficacité de cette politique publique. Si le Ministère des
affaires étrangères a récupéré l'exercice de
la cotutelle de l'AFD depuis 1998, la relation institutionnelle entre le
Trésor et l'AFD est plus ancienne et plus solide en raison des liens
historiques qui unissent ces deux structures. Héritière de la
caisse centrale de la France libre, devenue Caisse centrale des outre-mer en
1944 puis Caisse centrale de la coopération économique en 1958,
celle-ci avait, en plus de sa mission d'assistance financière, une
mission d'essence monétaire avec l'émission et la gestion de la
monnaie des outre-mer. Ces attributions étaient déjà
supervisées par le Ministère de l'économie, dont la
stratégie africaine était articulée avec celle de l'agence
de coopération. La Direction générale du Trésor
est ainsi le « ministère superviseur historique » de
l'institution chargée de la coopération économique, la
nature financière intrinsèque de ses activités
étant incluses dans le champ de compétences et de supervision du
Trésor.
En outre, la Direction du Trésor avait la
responsabilitéì de la zone franc et de l'aide fournie au titre de
l'ajustement structurel, alors que sa Direction du Commerce s'attachait
aÌ maximiser les opportunités commerciales liées aÌ
l'APD, en particulier durant les premières décennies
postcoloniales. Le Ministère de l'Economie administrait une fraction
particulièrement importante du budget de l'aide (représentant
environ 40 % en 2002), soit bien plus que pour n'importe quel autre pays
donateur du CAD. Les relations structurelles et historiques entre le
Trésor et l'AFD, ainsi que leur culture politique et économique
commune, font du Trésor un élément influent de
l'architecture institutionnelle de la coopération française.
Lors de la refonte du dispositif de coopération
français en 1998, qui a vu la création de l'AFD et la disparition
du Ministère de la coopération, la Direction du Trésor
s'est vu conférer la cotutelle de l'AFD avec le Ministère des
affaires étrangères. Ce double contrôle, et
l'émergence du MEAE comme un ministère partenaire du
Trésor, a surtout renforcé la complexité du dispositif de
coopération. La position du Trésor dans ce dispositif, si elle
reste essentielle, a été toutefois érodée par la
montée en puissance relative du MEAE sur les questions de
développement, après absorption des équipes du
Ministère de la coopération. Le MEAE utilise notamment son
réseau d'ambassadeurs afin de coordonner les actions et projets de l'AFD
sur le terrain. En dépit d'un retrait relatif sur le plan
opérationnel, le Trésor conserve toutefois solidement sa
compétence de représentation de la France dans les instances
multilatérales de développement et peut s'appuyer sur son
réseau international de services économiques régionaux
pour connaître la situation économique et financière des
pays en développement et leurs besoins en matière d'assistance
technique. Le pilotage de la politique d'aide au développement se fait
désormais dans le cadre d'instance de concertations (CICID, CNDSI) avec
le Ministère des affaires étrangères et l'ensemble des
acteurs concernés.
L'AFD a tiré profit de la disparition du
ministère de la Coopération pour s'affirmer comme l'institution
la plus compétente, techniquement, en matière de
développement. Sous tutelle conjointe des ministères des Affaires
étrangères et des Finances est devenue l'« opérateur
pivot » de mise en oeuvre de l'aide française au
développement. A l'instar des autres agences de coopération
européennes, elle est imprégnée, d'un
référentiel libéral d'efficacité et de
sélectivité de l'aide, elle promeut une coopération
mêlant prêts et dons, élargie aux biens publics mondiaux et
aux pays émergents, qui dépassent le cadre des priorités
stratégiques historiques de l'aide française, traditionnellement
tournée vers l'Afrique et la Méditerranée.
Depuis 2012, des efforts ont été engagés
au sommet de l'Etat pour mettre à jour la politique française de
développement, la rendre plus démocratique et plus visible au
travers de la loi d'orientation de 2014, recréer un cadre de dialogue
multi-acteur, renforcer l'AFD et simplifier un partie de son schéma
relatif à la coopération technique et à l'expertise.
Le 7 Juillet 2014 a été votée la
première loid'orientation et de programmation relative aÌ la
politique de développement et de solidarité internationale
(LOPDSI - Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014).
Cette loi permet de renforcer le contrôle
démocratique et d'améliorer l'évaluation de l'aide au
développement : elle octroie au Parlement la possibilité de
débattre des critères d'attribution des aides ou de ses
destinataires, ce qui relevait auparavant du domaine réservé de
l'exécutif (jusqu'ici, le Parlement ne faisait que voter le budget des
ministères).
L'adoption de la LOP-DSI et les réformes
engagées, si elles ont apporté de la modernité sur le fond
et relativement amélioré les conditions de la transparence de la
politique de développement, ne se sont pas pour autant attaquées
au coeur du schéma institutionnel français et n'ont pas permis de
le simplifier. Celui-ci se caractérise toujours à la fois par une
volonté théorique (parce que le CICID se tient de façon
épisodique, ce qui témoigne de la lourdeur du dispositif actuel)
de mobilisation interministérielle renforcée et cohérente
de ce point de vue avec l'esprit des ODD, mais par une complexité
réelle due à une dispersion des lieux de décision et
à un affaiblissement effectif et continu des capacités de
pilotage et des moyens du secrétariat d'État au
Développement.
Dans les faits, l'autonomie acquise par l'AFD vis-à-vis
de ses tutelles a réduit la fluidité des relations entre le
Trésor et l'Agence. Si le Ministère de l'économie est
toujours présent afin d'orienter les grandes décisions
stratégiques de la politique de développement, l'AFD dispose de
sa propre stratégie interne et d'une logique financière autonome,
qui l'amène à étendre son champ d'action au delà
des géographies et secteurs définis par la coordination
interministérielle. La complexité du pilotage de la politique
d'aide au développement est accentuée par la bicéphalie du
dispositif. Le poids qu'occupe le ministère des finances dans ce
dispositif rend peu probable la création d'un ministère de la
coopération de plein droit, comme le suggère la Cour des comptes
dans son rapport d'évaluation de 2012 sur la politique d'aide au
développement. La DG Trésor, de par son expertise
économique et financière, son réseau
décentralisé, sa proximité historique avec l'AFD et sa
capacité à transfuser régulièrement certains de ses
agents et cadres vers l'agence, reste un maillon central de la politique d'aide
au développement de la France.
2. Les missions de l'apprenti
2.1. Une mission d'analyste des
données de l'aide publique au développement
2.1.1 - Nature et contexte de la
mission
La première mission qui m'a été
confiée au cours du premier semestre 2018-2019 a été celle
d'un chargé de mission en analyse des données de l'aide publique
au développement. Cette mission s'inscrivait dans la lignée des
demandes formulées par le chef de service des affaires
multilatérales au bureau de l'aide publique au
développement : il s'agissait pour le Trésor, de produire un
bulletin annuel présentant les « chiffres
clés » de l'aide publique au développement. Ce document
a vocation à être diffusé sur le site internet du
Trésor, à destination du grand public et des
non-spécialistes de l'APD, afin que ceux-ci puissent entre autres
apprécier les ordres de grandeurs, les priorités
géographiques ou les priorités sectorielles de l'APD de la France
sur l'année 2017. Il s'agit pour le Trésor de faire preuve de
transparence et de pédagogie sur une politique publique relativement
méconnue de l'ensemble des français.
Ces « chiffres clés » de l'APD
peuvent être également diffusés auprès des services
économiques régionaux et des parlementaires qui travaillent sur
les politiques publiques du développement. Les services
économiques régionaux (SER), dans leur dialogue avec les
autorités locales et avec les bailleurs internationaux, sont souvent
interrogés sur les montants d'APD que la France verse au pays
concerné, la nature des instruments financiers employés (dons,
prêts concessionnels, appuis budgétaires) ou encore les secteurs
sur lesquels la France intervient (santé, éducation, aide
à l'industrie, etc.). Ces données peuvent aussi être
demandées par les SER dans le cadre de la rédaction de leurs
brèves économiques et financières sur les relations
économiques entre la France et leur zone ou le pays sous leur
supervision. A ce titre, des demandes en provenance des services
économiques parviennent régulièrement au bureau Multifin 5
afin de renseigner les données sur ces questions. Pour ce qui est des
parlementaires et de leurs collaborateurs, ceux-ci ont fait remonter à
plusieurs reprises leurs difficultés à comprendre et leur manque
de temps pour exploiter eux-mêmes les bases de données
statistiques du développement du CAD dans leurs rapports et leurs
études parlementaires. Les commentaires parvenus au Trésor sur ce
sujet, avant mon arrivée, ont laissé entendre le besoin d'une
transparence et d'une accessibilité accrues des données de l'APD
pour les élus dans le cadre de leurs travaux.
Le document dont on m'a confié la rédaction doit
ainsi pouvoir s'analyser selon une double grille de lecture : il est
à la fois un document de communication informationnelle pour le grand
public sur l'APD française, et un mémento utile aux agents du
Trésor, du parlement ou d'autres interlocuteurs, qui sont en demande de
chiffres clairs et transparents en matière de données d'aide au
développement.
Pour réaliser cette tâche, j'ai d'abord dû
identifier les principales sources des données du développement
disponibles. Dès le début de mon travail, mon tuteur m'a
orienté vers le site du CAD de l'OCDE, qui centralise l'ensemble des
données et des statistiques des flux d'aide au développement.
L'OCDE fut ma source principale pour mener à bien cette première
mission.
Ce travail a été mené de manière
itérative, avec de nombreux échanges avec mon maître
d'apprentissage quant aux informations qu'il convenait de faire figurer dans ce
document. Concrètement, mon travail durant les premiers mois a
consisté à filtrer, extraire et représenter graphiquement
les données quantitatives de l'APD de la France, afin de faire
apparaître les tendances en matière de ventilation
géographique et sectorielle, la trajectoire de l'APD depuis les
années 1960, la position de la France parmi les grands donneur du CAD,
la répartition de l'APD selon les instruments financiers employés
(prêts, dons, annulations de dette, etc.).
Mon travail comportait également une dimension
comparative : d'une part, les données françaises devaient
être mises en perspective avec celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne
des deux bailleurs européens d'un poids économique similaire
à celui de la France. D'autre part les données françaises
devaient faire l'objet d'une comparaison avec les données de la moyenne
des donateurs du CAD, afin de pouvoir situer l'effort de la France en
matière d'aide au développement par rapport à l'ensemble
des donateurs, et faire ressortir certaines spécificités de
l'aide française.
2.1.2 Livrables -
Résultats et bilan de la mission
Au bout des quatre premiers mois de mon apprentissage, et une
dizaine de versions réalisées et soumises à l'approbation
de mon tuteur et du sous-directeur des affaires multilatérales, ce
travail a finalement donné lieu à la réalisation de deux
documents : une version courte ( 6 à 7 pages), destinée
à être publiée sur le site de la DG Trésor, et
rassemblant les données essentielles de l'APD à destination du
grand public et des parlementaires ; une version longue ( d'une 20 pages),
allant davantage dans le détail des données et faisant soit
ressortir certaines informations politiquement sensibles, comme la part des
frais d'accueil des réfugiés comptabilisée au titre de
l'APD, soit des informations dont le degré de technicité n'est
pas adapté à une diffusion pour le grand public (combinaison des
canaux d'APD comportant les prêts-dons et les canaux
bilatéral-multilatéral, chiffres sur l'effet de levier des
prêts de l'AFD, etc.). Ce document plus technique avait cependant
vocation à être accessible, en interne au sein du service des
affaires multilatérales et du réseau des services
économiques régionaux.
A l'heure de l'écriture de ces lignes, ces deux
documents sont toujours en attente de validation par la hiérarchie pour
diffusion au sein du Trésor.
Cette commande de mon tuteur, qui fut la première
mission de mon apprentissage, m'a permis d'appréhender
concrètement les ordres de grandeur et les caractéristiques des
flux d'aide au développement de la France. Ce travail a
été l'occasion de produire quelques cartes simples sur la
répartition géographique des prêts et des dons de l'aide au
développement de la France. Cette mission a requis des
compétences bureautiques de base, en particulier une utilisation
récurrente d'Excel afin de gérer les tableaux de données
du CAD et effectuer des calculs simples avec les données afin de faire
ressortir les informations attendues.
Ce travail a également servi à la
présentation par le bureau MF5 des données de l'aide au
développement à destination des services économiques
régionaux d'Afrique de l'Ouest. J'ai pu apprécier ainsi la
compétence du bureau en matière de production intellectuelle et
de communication autour des données d'aide. Cela m'a également
permis de m'intéresser à certaines controverses entourant les
données statistiques de l'aide et leur périmètre de
définition. Les ONG tels que Oxfam par exemple, contestent l'inclusion
des frais de réfugiés ou des bourses d'écolages dans la
comptabilisation des flux d'aide au développement telle
qu'élaborée par le CAD, au motif que les versements s'effectuent
dans les pays donateurs. Afin de pouvoir être en mesure de
répondre à des interrogations de la part des ONG sur les
dépenses d'APD internes, une partie du travail statistique s'est
attaché à faire ressortir explicitement la part de l'aide
bilatérale dépensée sur le territoire national.
2.2. La montée en
responsabilité : des missions d'adjoint au chef de bureau
chargé des sujets « mobilisation des ressources
intérieures et développement ».
2.2.1 Nature et contexte de la
mission
Les missions qui ont structuré le deuxième
semestre de mon apprentissage ont été l'occasion d'exercer des
attributions opérationnelles autour d'un portefeuille de sujets en lien
avec les priorités et l'actualité du Service des affaires
multilatérales. Ces missions de long-terme, en phase avec le rythme de
l'alternance, ont été comparables à celles que le chef de
bureau aurait pu confier à un adjoint titulaire. Les raisons qui ont
amené mon chef de bureau à me confier ces missions
élargies sont celles de son départ anticipé du
Trésor et des besoins du service quant aux sujets à traiter dans
le cadre de la préparation de la présidence française du
G7. De début février à fin juillet, j'ai donc
exercé les missions d'adjoint au chef de bureau chargé des sujets
« mobilisation des ressources intérieures et
développement ».
La mobilisation des ressources intérieures (MRI)
désigne la génération de recettes publiques à
partir de ressources nationales, provenant de sources fiscales ou non fiscales
(redevances, licences, prélèvements ou autres revenus). Ce
concept inclut également la capacité de mobilisation de
l'épargne domestique et son orientation vers le financement
d'investissements productifs. La mobilisation des ressources intérieures
est identifiée comme un des leviers du financement du
développement durable de l'Agenda 2030 de l'Organisation des Nations
Unies. Ses bénéfices potentiels pour les Etats en
développement sont majeurs : elle crée un espace
supplémentaire pour les dépenses budgétaires durables et
le financement des services publics, favorise la redevabilité publique
et réduit la dépendance des pays à l'aide
extérieure.
Des analyses préliminaires menées par le
estiment le déficit de financement pour la réalisation des
objectifs de développement durable pour les pays en développement
à environ 2 500 milliards de dollars. Cependant, les pays en
développement qui ont le plus besoin de revenus, comme les États
fragiles et les Etats touchés par des conflits, sont souvent ceux qui
disposent de faibles capacités de mobilisation des recettes et qui
souffrent de mauvaise gouvernance publique. Ils font donc face à de
grandes difficultés pour collecter des recettes et financer leurs
politiques publiques.
Cela est particulièrement vrai pour les Etats d'Afrique
subsaharienne, qui est la région d'intervention prioritaire de la
coopération française. La mobilisation des ressources
intérieures n'y constitue que 60% du financement du
développement, ce qui signifie qu'il existe un déficit de 40%,
généralement comblé par des prêts, un don (sous la
forme d'une aide budgétaire globale) ou d'autres formes de financement
public extérieur. Le taux de pression fiscale, qui désigne le
ratio « montant des recettes d'origine fiscale / produit
intérieur brut », est en moyenne inférieur de 8% pour
l'Afrique subsaharienne en comparaison de l'Asie du Sud-Est et
l'Amérique latine(figure 7).
Figure 7 - Cartes des
recettes fiscales en % du PIB - 2017
La question de la mobilisation des ressources
intérieures et celle de l'aide publique au développement sont
liées en ce que l'APD et l `assistance technique peuvent catalyser
les ressources propres des Etats fragiles à faible capacité et
leur permettre aÌ termes de financer leurs services sociaux de base.
L'approche de la France en la matière sur le plan bilatéral
repose sur la promotion de trois politiques prioritaires, portées par
l'AFD, l'opérateur technique Expertise France et la Direction
générale des finances publiques (DGFIP) :
l'élargissement de l'assiette fiscale, la réduction des
exonérations fiscales et la lutte contre les flux financiers illicites.
Pour ce qui relève des actions multilatérales, la France
contribue chaque année aux centres régionaux d'assistance
technique de l'Afrique de l'ouest et de l'Afrique centrale du Fonds
monétaire international (FMI). Ceux-ci ont pour rôle de fournir
une assistance technique aux Etats sub-sahariens pour renforcer les
capacités des administrations fiscales et douanières,
améliorer la gestion des finances publiques et l'efficacité des
dépenses.
La mobilisation des ressources intérieure est l'un des
volets majeurs de la politique française de coopération et de
développement. Une stratégie interministérielle sur cette
thématique avait été rédigée conjointement
par Bercy et le MEAE en 2011. Lors du CICD de 2015, il a été
décidé de réécrire une stratégie prenant en
compte le contexte de la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du
développement et les nouvelles orientations impulsées par l'ONU
autour des objectifs de développement durable (ODD). Les travaux autour
de cette nouvelle stratégie ont débuté en 2017, sur la
base d'une consultation pilotée par le MEAE et la DG Trésor,
incluant l'AFD, Expertise France, les administrateurs représentant la
France dans les organisations multilatérales (FMI, Banque Mondiale,
OCDE), la représentation permanente de la France auprès de l'UE,
et la Fondation pour les études et recherches sur le
développement international (FERDI). Cette dernière a produit une
revue de littérature sur la mobilisation des ressources
intérieures afin d'orienter l'élaboration de la stratégie
française et de ses priorités sectorielles sur le sujet. Elle
définit le sujet de la mobilisation des ressources intérieures,
les actions menées par la France sur le sujet depuis le début des
années 2000, et identifie les problématiques auxquelles sont
confrontées les Etats en développement en matière de
fiscalité et de gestion de recettes. Le travail de rédaction de
la stratégie a été entamé par les adjoints en
charge du sujet en 2017 du côté du Trésor et des Affaires
étrangères.
Dans le cadre de l'élaboration de cette
stratégie, le relevé de conclusion du CICID de 2018
prévoit la rédaction d'un plan d'investissement
stratégique pour le développement sur la mobilisation des
ressources intérieures. Il s'agit d'une nouvelle approche
destinée à assurer une plus grande concentration de l'aide au
développement sur les secteurs et les zones géographiques
prioritaires décidés au niveau politique. Courts et
présentant une programmation d'actions et de financement pluriannuels,
ils ont vocation à améliorer la coordination des
différents moyens d'action et de les concentrer sur des priorités
clairement définies, d'effectuer des arbitrages entre différents
canaux d'acheminement de l'aide (multilatéral et bilatéral) et
d'assurer une prévisibilité à moyen-terme des actions de
la politique de coopération de la France.
Le thème de la mobilisation des ressources
intérieures est également l'une des lignes de force du programme
de travail de la préparation de la présidence française du
G7 de 2019. A ce titre, le service des affaires multilatérales est
chargé de préparer les papiers de position du Trésor sur
les grands enjeux économiques et de développement en plus de
veiller à l'organisation matérielle et logistique du sommet.
C'est dans ce contexte que j'ai été associé aux travaux
préparatoires des positions de la France sur le thème de la
fiscalité et des ressources internes en Afrique subsaharienne.
2.2.2 La mission
« stratégie interministérielle sur la mobilisation des
ressources intérieures »
En ce qui concerne la stratégie
interministérielle, une première version avait été
écrite par le Trésor et le MEAE sur la base des recommandations
de la FERDI en 2017. Si elle était jugée satisfaisante par la
DGM, elle n'avait pas pu être validée côté
Trésor en raison de sa longueur et de certaines propositions
jugées « non-opérationnelles ». Dans ce
contexte, ma mission fut de proposer une réécriture portant sur
la forme et certains éléments de fond afin de rendre la
stratégie plus «opérationnelle » et plus
concrète. Les travaux précédents, qui s'étaient
déroulés en 2016-2017, n'avaient pas tenu compte des nouvelles
orientations de la politique de développement décidées
dans le cadre du CICID de 2018, et les agents précédemment
chargés du suivi de ce dossier avaient tous quitté leurs postes
respectifs au MEAE et à MF5. Guidé par mon chef de bureau j'ai
ainsi effectué en collaboration avec une collègue du MEAE, un
travail d'actualisation des données, de relecture et de mise en
cohérence de la stratégie avec les orientations
géographiques et stratégiques de 2018.
Cette tâche m'a mobilisé pendant près de
deux mois, de fin janvier à début mars, date à laquelle
mon premier chef de bureau a quitté ses fonctions. Elle a
été l'occasion de prendre contact avec la DGM et de travailler
avec eux sur les modifications et corrections rédactionnelles que le
bureau souhaitait apporter à la stratégie, notamment sur les
arbitrages géographiques (Recentrage de la stratégie sur
l'Afrique et la Méditerranée en lieu et place d'une mention d'une
intervention sur l'ensemble des pays en développement, à
l'exception des mesures de mobilisation intérieures liées au
climat).
Un exercice de recherche en source ouverte a également
été nécessaire afin d'actualiser les graphiques, les
cartes et les tableaux de données socio-économiques inclus dans
la stratégie, dont certains comportaient des informations datées
de 2014. Dans cette perspective, j'ai eu recours aux données de la
Banques Mondiale, du FMI et de l'OCDE sur la fiscalité, l'APD et les
recettes publiques en Afrique, et sollicité les SER d'Abidjan et de
Yaoundé afin d'avoir un aperçu des projets relatifs à la
mobilisation des ressources intérieures déjà mis en oeuvre
par l'AFD en Afrique de l'ouest et en Afrique centrale.
Après deux mois de travail, la version finale de la
stratégie a fait l'objet d'une validation commune de la part des
hiérarchies du Trésor et du MEAE à l'occasion de la
préparation du co-secrétariat du CICID en avril. Elle doit faire
l'objet d'un communiqué et devrait sortir après le sommet des
chefs d'Etat du G7 à Biarritz.
2.2.3 La mission
« élaboration du plan d'investissement stratégique sur
la mobilisation des ressources intérieures »
En parallèle de la reprise de l'actualisation de la
stratégie, mon maître d'apprentissage m'a confié, sous la
supervision du chef de service, l'élaboration du plan d'investissement
stratégique sur la mobilisation des ressources intérieures sur
2020-2022. Ce document est la déclinaison opérationnelle Une
ébauche de plan avait été préparée par mes
prédécesseurs, mais l'orientation prise par ces travaux n'avait
pas été validée par le chef de service au motif que le
plan ne proposait pas de vision stratégique concrète ni ne
ciblait de pays ou région prioritaires pour les interventions de la
coopération française, en dépit de ce que suggérait
le relevé de conclusions du CICID 2018 sur le contenu et la
portée opérationnelle de ces plans.
La rédaction du plan devait répondre à
trois objectifs stratégiques :
- Identifier des indicateurs de résultat pertinents
pour mesurer les progrès des actions bilatérales de la France sur
la mobilisation des ressources. Ces indicateurs n'ont pas vocation
à être des indicateurs macroéconomiques, employés
pour mesurer l'évolution de la pression fiscale ou l'accroissement des
recettes par rapport au PIB. Ils doivent plutôt être de nature
microéconomique refléter les résultats au niveau des
projets. Ils ont ainsi vocation à construire un cadre de
redevabilité pour l'action de la France sur la mobilisation des
ressources intérieures.
- Déterminer les géographies d'intervention
prioritaires de la coopération française sur lesquelles il est
envisageable d'intervenir sur 2020-2022, en concertation avec les
opérateurs et les autres directions du ministère des finances
impliquées dans la concertation autour du plan (direction
générale des finances publiques et direction
générale des douanes.)
- Fixer les priorités sectorielles du plan, en les
articulant avec ceux de la stratégie interministérielle. La
mobilisation des ressources intérieures est un enjeu pluridimensionnel
qui recoupe les politiques macro-fiscales, le renforcement des capacités
des administrations, la gestion des revenus issus des ressources naturelles, la
lutte contre les flux financiers illicites.
En tant qu'apprenti-adjoint, mon rôle a
été de coordonner l'ensemble des parties prenantes et d'animer le
groupe de travail monté sur le sujet. L'objectif final était
d'obtenir un plan consolidé, comprenant l'ensemble des
éléments décris ci-dessus, afin de pouvoir communiquer
à l'occasion du sommet du G7 de Biarritz.
Durant cette mission, j'ai du animer les contacts avec les
équipes « gouvernance économique et
financière » de l'AFD et l'équipe d'assistance
technique « fiscalité et développement »
d'Expertise France. Leurs retours techniques et leur expérience du
terrain étaient nécessaires à l'élaboration du plan
dans la mesure où ceux-ci disposent d'une grande visibilité sur
les projets performants sur la mobilisation des ressources en Afrique, et
emploient déjà certains indicateurs pour mesurer leurs
progrès sur la question. Mon rôle a été avant tout
celui d'un coordinateur du groupe de travail, chargé d'orienter les
propositions des opérateurs selon les objectifs du Trésor. J'ai
ainsi co-animé régulièrement des réunions de
travail comportant des interlocuteurs variés, avec ma cheffe de bureau
ou ma collègue du MEAE, et ait été le
référent principal sur le sujet de mobilisation des ressources
pour le bureau MF5. Cela m'a permis d'appréhender le rôle
d'exercice de la tutelle du Trésor sur l'AFD et Expertise France, et de
découvrir les relations parfois difficiles existant entre l'AFD, qui
dispose d'une forte autonomie dans le dispositif de coopération
français, et Expertise France, qui est un opérateur de plus
petite envergure, mais disposant de compétences plus pointues que l'AFD
sur les sujets de coopération technique, notamment en matière
fiscale et statistique. J'ai également animé des entretiens avec
les responsables de la mission de coopération internationale de la
direction générale des finances publiques (DGFIP), qui avaient
participé à l'élaboration de l'ébauche du plan
d'investissement. Ces entretiens ont permis d'identifier des pays africains
susceptibles de montrer de l'appétence pour des initiatives de
coopération fiscale sur 2020-2022 et d'alimenter le travail
d'élaboration des indicateurs de résultats.
Cette mission de coordination et d'animation de réseau
a fortement contribué à mon épanouissement au sein du
Trésor, dans la mesure où elle m'a conféré des
responsabilités tout en disposant de beaucoup d'autonomie. Il m'a fallu
m'imposer petit à petit comme un interlocuteur crédible face aux
agents de l'AFD et d'Expertise France, être force de proposition sur les
indicateurs et faire passer les messages de la hiérarchie du
Trésor en termes d'attentes stratégiques et géographiques.
Elle a été l'occasion d'une vraie prise de responsabilité
sur des sujets techniques avec une attente politique forte de la part du
sous-directeur du service des affaires multilatérales. J'ai pu y
pratiquer pour la première fois des compétences de
négociation, de coordination et de pilotage du groupe d'un groupe de
travail, organiser des réunions techniques et en assurer le suivi par la
rédaction de comptes-rendus réguliers.
Dans le cadre de la rédaction du PISD et de la
préparation du G7, j'ai aussi eu l'occasion d'effectuer un travail de
fond quant aux initiatives et fonds multilatéraux qu'il serait pertinent
de financer pour la France sur la période 2020-2022. Le Trésor
avait décidé d'allouer une enveloppe de 60 millions d'euros de
crédits supplémentaires pour 2020-2022 aux initiatives portant
sur la mobilisation des ressources intérieures. Dans ce contexte, j'ai
eu pour tâche d'effectuer une revue de l'activité des principaux
fonds fiduciaires hébergés par les organisations
multilatérales ( FMI, Banque mondiale, International Tax Compact, OCDE,
etc) qui correspondent aux priorités thématiques et
géographiques de la France en matière de mobilisation des
ressources intérieures. Jusqu'ici, la France contribuait essentiellement
au fond de renforcement des capacités du FMI, en allouant des fonds aux
centres d'assistance techniques régionaux du Fonds en Afrique de l'Ouest
(AFRITAC Ouest), en Afrique centrale (AFRITAC Centre). Ces deux fonds sont
spécialisés dans l'assistance technique en matière
macroéconomique, fiscale et douanière à destination des
Etats francophones d'Afrique subsaharienne. Il a été
décidé de renforcer la contribution de la France à ces
deux structures sur 2020-2022, et d'identifier de nouveaux fonds susceptibles
d'accroître les interventions financements destinés à la
mobilisation des ressources intérieures en Afrique. Ce travail m'a
été confié en parallèle de mes missions d'animation
du groupe de travail, et a été mené en collaboration avec
le bureau MULTIFIN 3, qui s'occupe de la surveillance des fonds
multilatéraux.
En menant des recherches sur les sites institutionnels du FMI
et de la Banque mondiale, j'ai ainsi identifié quatre fonds et
initiatives pertinents pour l'approche du Trésor en matière de
mobilisation des ressources intérieures. J'ai proposé pour
ceux-ci une contribution et un engagement de crédits à partir de
2020, en concertation avec ma collègue du bureau chargé des
questions budgétaires du programme 110 :
- Le Global Tax Program (GTP) de la Banque
mondiale, qui est spécialisé dans
l'accompagnement des réformes fiscales dans les pays fragiles. La Banque
mondiale est l'institution internationale qui accorde le plus de financements
à la mobilisation des ressources intérieures.4(*) Le GTP a été
lancé en 2015, et se concentre sur les pays à faible
capacité, notamment en Afrique subsaharienne. Doté d'un budget de
30 M $, le GTP était jusqu'ici très présent en Afrique de
l'Est, où il soutenait la mise en place de réformes fiscales
à moyen-terme au Kenya, en Tanzanie et au Burundi. Au cours
d'échanges téléphoniques avec ma collègue du MEAE
chargée des questions de fiscalité internationale, j'ai pu
apprendre que les structures de gouvernance du GTP avaient exprimé le
souhait de pouvoir investir plus fortement l'Afrique de l'Ouest.
- Le Revenue Mobilisation Trust Fund (RMTF) du FMI, qui
fournit une assistance technique sur-mesure dans le domaine des politiques
fiscales et de la gestion des recettes publiques. La moitié de son
portefeuille d'intervention est consacré à l'Afrique
subsaharienne francophone, où les besoins sont particulièrement
importants. Le fond intervient dans l'ensemble des pays du G5 Sahel, et
mène plusieurs programmes d'harmonisations et de renforcement des
capacités administratives d'envergure régionale qui concernent
tous les pays de la zone franc.
- Le Debt Management Facility Fund (DMF), un fonds de la
Banque mondiale qui fait l'objet d'un partenariat avec le FMI depuis 2014. Cet
instrument vise à aider les pays en développement à
gérer efficacement leur dette publique et à orienter les
dynamiques d'endettement vers des secteurs productifs qui servent le
développement humain. Le DMF intervient aussi pour aider les pays en
développement à structurer des marchés internes
d'émissions de titres. La gestion de la dette et des marchés
financiers, en ce qu'elle permet de mobiliser de l'épargne nationale,
participe des initiatives de la mobilisation des ressources intérieures.
En outre, les priorités du fonds sont alignés avec ce que le
Trésor promeut dans le cadre de l'animation du Club de Paris sur la
gestion de la dette.
- Le DRM Innovation Fund, parrainé par la fondation
Gates et le Ministère allemand de la coopération. Ce fond a
vocation à financer des projets de court-terme en appliquant des
technologies innovantes (blockchain, paiement par téléphone,
géolocalisation des cadastres) aux enjeux de la mobilisation des
ressources intérieures. Il s'agit d'une initiative orientée
à 100% vers l'Afrique subsaharienne, avec un petit budget d'intervention
(2,5 M $). Ce fonds a été lancé en juillet 2019 à
l'occasion de la conférence annuelle de l'International Tax Compact, le
forum mondial sur les questions de fiscalité et de développement.
La raison qui a présidé à la sélection de cette
entité est que la contribution de la France à ce fonds
permettrait de financer des projets faisant appel aux nouvelles technologies,
conformément aux orientations du PISD.
Ces quatre fonds ont chacun fait l'objet d'une note pour
mémoire à destination du chef de service, expliquant la
gouvernance, les actions, leur budget et les zones d'interventions des fonds.
Sur la base de ces fiches, Ces informations ont été
utilisées pour compléter les fiches de répartition des
crédits sur le programme 110 pour l'exercice budgétaire 2020 et
intégrées dans le plan annuel de performance de la même
année.
En tant que chargé de mission sur la mobilisation des
ressources intérieures, j'ai aussi été associé aux
travaux préparatoires du G7 avec le bureau MULTIFIN 4. Cette
thématique a constitué l'une des priorités du service dans
l'élaboration du programme de travail du G7 tout au long de
l'année 2019. J'ai travaillé sur ces sujets en tandem avec
l'adjoint du bureau MULTFIN 4 en charge de la préparation du sommet et
des relations avec la Banque mondiale. A cette occasion, j'ai participé
à la préparation les notes de fond, éléments de
contexte et de langage sur les enjeux de la mobilisation des ressources
intérieures en Afrique et sur les crises et fragilités du Sahel.
Celles-ci ont été diffusées au MEAE et aux administrations
partenaires des membres du G7.
J'ai également participé à plusieurs
réunions au Trésor avec les représentants du centre de
renforcement des capacités du FMI, dont les superviseurs des centres
AFRITACs Ouest et Centre, auxquels la France contribue. Ces réunions
avaient pour but de présenter, avant les annonces de la
présidence française du G7, les activités des
différents fonds au chef de service, et au FMI de demander un soutien
supplémentaire de la France à certains de ses fonds. C'est sur
cette base que le travail de recensement des initiatives sur la mobilisation
des ressources intérieures m'a été confié.
L'ensemble de ces travaux était essentiellement d'ordre
administratif et technique, aussi la composante
« géopolitique » de mon travail d'alternant n'a pas
été première. Cependant, les travaux sur les orientations
géographiques de la politique d'aide au développement, les notes
de synthèse sur la mobilisation des ressources intérieures, le
Sahel, et plus généralement, la politique de développement
de la France, comportaient tous une partie de réflexion
stratégique en lien avec les priorités économiques et
géographiques de la France en Afrique subsaharienne. Des implications
géopolitiques étaient ainsi présentes en toile de fond de
la plupart de mes travaux, même si celles-ci n'ont pas été
le coeur de mon travail d'analyse, davantage porté sur des
éléments quantitatifs. Néanmoins, cette expérience
d'apprenti m'aura permis de mesurer l'importance accordée par la
hiérarchie du Trésor aux enjeux stratégiques de l'aide au
développement et à la réorientation par le Trésor
de l'action de l'AFD vers les pays prioritaires de la France sur le sujet de la
mobilisation des ressources intérieures. Les plans d'investissement
stratégiques ont vocation à être des outils de pilotage sur
plusieurs secteurs clés de l'aide publique au développement. Le
processus d'élaboration du premier plan sur la mobilisation des
ressources auquel j'ai participé pourrait être
répliqué sur d'autres thématiques, un plan sur la
politique de coopération en matière d'éducation
étant programmé pour un lancement en 2020.
En définitive, cette expérience en alternance au
sein du Trésor a été très positive. Elle m'a permis
de développer des connaissances approfondies sur les enjeux et les
instruments de la politique d'aide au développement de la France. Sur le
plan opérationnel, j'ai été placé dans les
attributions d'un adjoint avec un niveau de responsabilité
élevé, ce qui m'a donné l'opportunité de rencontrer
et d'animer des séances de travail avec des représentants des
opérateurs de l'aide au développement, de participer à de
réunions internationales de haut-niveau, que cela soit avec les
représentants des centres régionaux du FMI, des ONG
engagées pour le développement et le climat, ou les ministres des
finances de la planète à l'occasion des événements
annuels comme la tenue de la réunion du club de Paris. J'ai pu exercer
des missions variées, de nature statistique, budgétaire ou
stratégique, ce qui m'a donné un aperçu solide des
différentes compétences professionnelles attendues par la
Direction du Trésor.La charge de travail importante des agents du bureau
de l'aide au développement au quotidienm' a aussi fait prendre
conscience du niveau de rigueur et d'implication requis de la part des
titulaires évoluant au sein du service des affaires
multilatérales.
PARTIE II : Existe - il une stratégie
géopolitique de l'aide publique au développement de la France au
Sahel ?
Avant propos
A l'occasion de la réunion préparatoire du
sommet du « Groupe des sept » qui s'est tenue à
Paris le 4 juillet 2019, les ministres des affaires étrangères de
la France, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Japon, de l'Allemagne, de
l'Italie et du Canada ont plaidé pour une plus grande concentration de
l'aide au développement sur les pays « qui en ont le plus
besoin », à commencer par la région du Sahel. Alors que
la France exerce la présidence du G7, dont les membres assurent les
trois quarts de l'aide publique au développement à
l'échelle mondiale, elle a, pour la première fois, convié
les représentants des pays membres de la force « G5
Sahel » - Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger- aux
discussions multilatérales du sommet de Biarritz du 26 août.
La mise à l'agenda des problématiques du Sahel
et l'organisation d'un événement politique conjoint
représente une petite victoire diplomatique pour la France. Elles se
justifient par le choix de la présidence française de placer la
lutte contre les inégalités et la prévention des conflits
au coeur des thématiques du sommet : le Sahel est en effet en proie
à des crises politiques, sociales, humanitaires et sécuritaires
profondes et régulières qui en font un espace synonyme
aujourd'hui d'instabilité et d'insécurité. Aux
problématiques anciennes de développement, de démographie
et de pauvreté, sesont greffés des enjeux sécuritaires
majeurs qui ont accentué la vulnérabilité de l'espace
sahélien et reconfiguré sa situation géopolitique depuis
une quinzaine d'année. Le contexte d'incertitude politique, de
dégradation sécuritaire et de conflits armés
résulte de la conjonction de trois grands vecteurs d'instabilité
qui dominent le Sahel en 2019 : la prolifération du terrorisme
transnational d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et ses différentes
incarnations depuis 2005, les soubresauts sécuritaires engendrés
par la révolution libyenne depuis 2011, et la crise au Mali, issue de la
rébellion touarègue et du coup d'Etat du 22 mars 2012, suivis de
l'intervention militaire française en janvier 2013. Ces trois crises
entremêlées marquent aujourd'hui des lignes de rupture
considérables au Sahel. Elles s'ajoutent à des équilibres
sociaux incertains, des matrices étatiques et institutionnelles
défaillantes et des sous-performances économiques qui se
perpétuent depuis les années 1960, le tout dans un environnement
climatique aride qui accentue la compétition pour l'accès
à l'eau et aux terres arables. La multiplication de foyers
parallèles de tensions politiques, sociales, religieuses et ethniques
s'est intensifiée ces dernières années sans rencontrer de
perspectives de solutions réelles et durables. Ces crises multiples au
Sahel ont pourtant pour terreau commun l'accumulation des
inégalités résultant de la pauvreté et de l'absence
de perspectives économiques pérennes pour les populations, en
particulier dans les zones rurales. Cette conjugaison négative de crises
plurielles et protéiformes dans la région appelle non seulement
des réponses militaires et sécuritaires fortes, mais
également un renouveau de la politique d'aide au développement
des Etats industrialisés vers cette région. Si la
communauté internationale, au premier rang de laquelle la France, est
fortement engagée sur le volet militaire pour neutraliser la menace
terroriste et tenter d'endiguer les flux migratoires, une réponse
sécuritaire seule ne saurait résoudre les crises qui secouent le
Sahel.
Introduction
Il n'existe pas de définition univoque et
internationalement partagée de la région du Sahel, qui
échappe en partie à une détermination classique en termes
de territoires et de frontières. Les tentatives de
caractérisation géographique par la littérature
académique tendent à définir le Sahel comme l'espace
semi-désertique marquant la transition entre le désert saharien
au nord et la zone soudanienne au sud. Sous cette définition, le Sahel
se présente sous la forme d'une bande de terres d'environ
5 500 kilomètres de longueur qui s'étend de
l'Atlantique à la Mer Rouge, sur une largeur de 400 à 500
kilomètres, qui traverse le territoire d'une dizaine d'Etats africains
depuis l'embouchure du fleuve Sénégal jusqu'au Soudan. Ce
« Sahel géographique » n'est cependant pas
exactement celui auquel il est fait référence dans le cadre des
interventions militaires et des actions en faveur du développement
menées par la France et la communauté internationale dans la
région. Sur le plan politique, il existe bien une Communauté des
Etats Sahélo-sahariens, organisation internationale regroupant une
trentaine de pays divers, allant du Maroc au Kenya. Mais cet ensemble
institutionnel ne désigne pas le Sahel tel qu'il est
appréhendé aujourd'hui sur ni le plan sécuritaire et ni
sur le volet de l'assistance au développement. La terminologie
« Sahel » était même rarement employée
dans le monde académique, le terme de « Sahara » lui
étant préféré, faisant explicitement
référence aux Etats dont le territoire était
traversé par le désert saharien. L'expression « bande
sahélo-saharienne » ou « zone
sahélo-saharienne » est couramment utilisée, surtout
depuis l'opération Barkhane, qui couvre l'ensemble des cinq pays
francophones du Sahel et qui a pris le relais en
août 2014 de l'opération Serval, jusqu'ici circonscrite
au Mali. En parallèle, la création de l'organisation
interétatique G5-Sahel en 2014 -- composé du Mali, de la
Mauritanie, du Burkina-Faso, du Niger et du Tchad-- a ancré l'emploi de
l'expression « bande sahélo-saharienne » dans le
vocabulaire militaire et stratégique pour désigner le
« Sahel géopolitique ».
La vision économique, commerciale et politique de la
région sahélo-saharienne est toutefois bien différente de
l'angle d'étude stratégique et militaire. Sur le plan
institutionnel, la Communauté des Etats sahélo-sahariens
(CEN-SAD) est une organisation interétatique qui regroupe 28 Etats
africains.Dans le cadre de cette organisation politique, la
quasi-totalité de la moitié Nord de l'Afrique est englobée
dans la région sahélo-saharienne. Cependant, on ne retrouve pas
littéralement l'expression « bande sahélo-saharienne »
pour désigner la Communauté des Etats sahélo-sahariens.En
parallèle, on constate que le terme « bande
sahélo-saharienne » s'emploie surtout dans le cadre des
opérations militaires et humanitaires menées par la France, et
concerne donc le territoire des pays membres du G5-Sahel. Pour la France, la
bande sahélo-saharienne désigne un espace restreint constituant
le coeur stratégique de la région sahélo-saharienne, pour
sa part beaucoup plus étendue. C'est de cet espace dont il sera question
ici.La région sahélo-saharienne est caractérisée
par une forte pauvreté, des inégalités en hausse un
sous-développement chronique et est soumises à des défis
climatiques et sécuritaires persistants. Depuis une quinzaine
d'année, le Sahel est en proie à une augmentation des violences
et de l'instabilité dans certaines zones. C'est le cas du nord Mali,
avec la multiplication d'attaques armées et une propagation aux zones
frontalières voisines du Burkina Faso et du Niger ainsi que dans la
région du bassin du Lac Tchad. Le nombre de forces armées
intervenant au Sahel s'est multiplié ces dernières années,
en faisant intervenir divers acteurs, (Mission des Nations Unies pour le Mali,
Barkhane, Force Conjointe du G5 Sahel, forces américaines...),
entraînant une hausse des opérations militaires dans la
région. La porosité des frontières, la défaillance
des institutions étatiques qui ne parviennent pas à faire
respecter l'autorité de l'Etat fait de cette zone l'une des plaques
tournantes de trafics illicites et un terreau propice à
l'établissement des groupes armés transnationaux qui mettent en
danger l'ensemble des populations du Sahel. La fragmentation culturelle,
sociale et religieuse du Sahel représente également un facteur de
déstabilisation majeure, que les inégalités et la crise
alimentaire latente peuvent rapidement mener à des affrontements
communautaires qui alimentent l'insécurité et renforcent les
groupes terroristes opérant dans la zone. Le Sahel revêt en outre
une importance particulière pour les européens en ce que la
région est devenue une frontière migratoire de l'Union
européenne, qui externalise depuis 2015 le contrôle des migrations
vers l'Europe au delà de ses frontières au moyen d'accord avec
les Etats de la région, en particulier le Niger.
La France se trouve fortement impliquée dans le
règlement de la situation géopolitique très
compliquée de la région sahélo-saharienne,
conséquence de son passé colonial, des ses intérêts
économiques et des accords militaires passés avec les
États sahéliens depuis leur indépendance. Pour autant, les
résultats se font attendre : la France a déployé ses
militaires dans le cadre l'opération Barkhane depuis 2014 afin de lutter
contre les groupes djihadistes au Sahel, sur un territoire. L'intervention
française présente un bilan en demi-teinte : si les forces
djihadistes ont été contenues au Mali, la situation
sécuritaire continue de se dégrader dans l'ensemble de la bande
sahélo-saharienne, en dépit de la présence militaire
occidentale et de la constitution de la force G5 Sahel. Cela fait craindre
à de nombreux observateurs un risque d'enlisement de la situation avec
une potentielle implosion des structures étatiques des pays de la
région5(*). Il
apparaît de plus en plus évident que la crise que connaît la
bande sahélo-saharienne ne saurait être résolue par des
interventions militaires seules. Les enjeux de développement doivent
occuper une place essentielle dans l'implication des acteurs internationaux au
Sahel pour agir sur les racines économiques et sociales qui y motivent
la violence et alimentent les groupes terroristes. En ce qui concerne la
France, les pays du Sahel font partie depuis longtemps partie de sa liste de
pays prioritaires de son aide au développement. Pourtant, aucun des pays
du Sahel ne figure récemment dans les dix premiers pays qui
reçoivent le plus d'aide publique au développement de la part de
la France. On entend par aide publique au développement, l'ensemble des
dons et des prêts concessionnels accordés par la France aux pays
figurant sur la liste des bénéficiaires de l'aide au
développement du Comité d'aide au développement de l'OCDE.
En 2017, la France n'a alloué que 4,3 % de son aide aux pays du Sahel
sur unmontant déclaré de 10,1 milliards d'euros. Il existe donc
un décalage entre la forte implication militaire de la France au Sahel,
considéré comme un espace stratégique et prioritaire, et
l'orientation de l'aide publique au développement qui marginalise
paradoxalement les Etats sahéliens. Cela est d'autant plus
problématique, à l'heure ou d'autres puissances comme les
Etats-Unis et la Chine, s'affirment plus ou moins discrètement dans la
région pour tenter de contester la prééminence
diplomatique et économique française. En outre, si la France et
l'Union européenne se sont accordées autour de la
nécessité d'articuler les efforts militaires autour de politiques
de développement ambitieuses selon le concept de « nexus
sécurité-développement », l'UE reste en retrait
en matière militaire et mise l'essentiel de son action au Sahel sur
l'aide au développement, prisonnière d'une conception kantienne
de la puissance qui ne lui permet pas de s'affirmer comme un soutien militaire
tangible à la France au Sahel6(*). Depuis 2017, les responsables français ont
pris conscience de la désarticulation entre les actions militaires et
les efforts de développement, et ont impulsé une nouvelle
approche de la politique d'aide publique au développement pour le
Sahel.
Comment la France cherche-t-elle à retrouver un point
d'équilibre de son action au Sahel entre sécurité,
développement et maintien de son influence ? Existe-t-il une
véritable stratégie géopolitique française pour le
Sahel ? Une première partie sera consacrée à la
position qu'occupe la France dans l'espace sahélo-saharien, entre
désengagement et maintien de son influence et à
l'émergence de nouveaux acteurs de coopération dans son
ancien-pré-carré. Une seconde partie analysera les
différences entre ses dépenses militaires et ses dépenses
d'aide publique au développement au Sahel depuis le début de
l'opération Barkhane. Enfin, la troisième partie s'attachera
à montrer le récent renouveau de la politique d'aide au
développement de la France au Sahel qui témoigne de l'essor d'une
approche stratégique combinant défense, diplomatie et
développement pour contribuer à la résolution des crises
sahéliennes.
I- Les grandes puissances et
bailleurs internationaux au Sahel
1.1 La France au Sahel : une
relation historique qui oscille entre maintien d'influence et
désengagement progressif
La présence française dans les pays du Sahel
remonte à la fin du XIXème siècle. La colonisation des
Etats de la bande sahélo-saharienne, rendue compliquée par la
traversée du Sahara, a été ponctuée de nombreuses
révoltes entre 1878 et 1898. Plus tardivement, la France fait face aux
révoltes touaregs contre sa présence au nord du Niger et du Mali.
Ce n'est qu'au début du XXème siècle, entre 1910 et 1920,
que la France parvient à dominer complétement le territoire en
dépit de l'opposition armée de nombreux groupes et individus.
Les conséquences les plus immédiates pour les
Etats colonisés sont la tentative de construction d'une administration
centralisée dirigée par les autorités françaises,
notamment dans les territoires situés autour de la boucle du fleuve
Niger, peuplés d'ethnies sédentaires. Dans les régions les
plus désertiques du Nord, considérées moins dignes
d'intérêt et habitées par des populations nomades,
l'administration s'est faite de manière plus indirecte, et les notions
d'Etat central et de règle de droit unique n'ont eu que peu de prise sur
les populations, qui ont conservé des modes de gouvernance
traditionnels, fondés sur la chefferie. Mais que ce soit pendant la
colonisation ou dans les années qui ont suivi la décolonisation,
la mise en oeuvre d'une administration centralisée d'inspiration
jacobine dans les Etats sahéliens s'est souvent
révélée inadaptée aux réalités du
terrain, ce qui est à l'origine de l'échec du processus de
construction de l'Etat malien.
Accédant à l'indépendance en 1960, une
quinzaine d'Etats d'Afrique de l'Ouest francophones, dont les pays
sahéliens, se rapprochent de la France et signent des traités
bilatéraux avec l'ancienne métropole dans le domaine de la
défense. Ces accords de défense et de coopération
militaire impliquent en particulier une garantie française en cas
d'agression par un acteur étatique extérieur, voire dans certains
cas particuliers, par des rébellions internes. Dans le contexte
particulier de la guerre froide, la France, eu égard à son statut
d'ancienne puissance coloniale en Afrique de l'Ouest s'affirme comme le
partenaire privilégié des Etats du Sahel. Sa présence
militaire au Tchad permet par exemple de contenir les ambitions expansionnistes
de la Lybie du colonel Kadhafi dans les années 1980. Au delà des
aspects sécuritaires, des liens économiques étroits se
sont forgés entre la France et les Etats du Sahel, au travers du
maintien de la zone franc (voir annexe 3) de relations commerciales
privilégiées, où la France occupait le rang de premier
fournisseur de biens et services et dans le cas spécifique du Niger, par
la sécurisation depuis 1969 de l'approvisionnement de la filière
nucléaire française à partir de l'uranium extrait à
Arlit7(*).
La défense de la francophonie dans le monde est
également l'une des composantes de la politique française
à l'égard des Etats du Sahel : le Burkina Faso, le Mali, la
Mauritanie, le Niger et le Tchad ont tous le français comme langue
officielle (voir annexe 2). Dans le paysage linguistique diversifié de
l'Afrique de l'Ouest et du Sahel, le français joue le rôle de
langue véhiculaire des échanges internationaux et de
l'intégration économique régionale.
L'unité linguistique de cet espace autour du
français se double par ailleurs d'une unité juridique avec
l'adoption par les Etats du Sahel du droit continental, hérité du
droit civil français (voir annexe 3). Le droit civil présente
plusieurs avantages microéconomiques et macroéconomiques par
rapport au droit anglo-saxon dans la mesure où il s'agit d'un droit
codifié qui offre plus de prévisibilité et donc de
sécurité juridique pour les entreprises. Il est aussi plus
rapidement applicable que le droit coutumier, et la place qu'il accorde
à la loi le rend synthétique et moins couteux pour les
entreprises. La place prépondérante du français et du
droit civil dans les Etats d'Afrique de l'Ouest, et en particulier du Sahel,
est un vecteur d'accroissement des échanges entre la France et les Etats
sahéliens, et un atout pour faciliter l'implantation des entreprises
françaises en Afrique de l'Ouest.
L'influence de la France auprès des Etats du Sahel
s'est aussi manifestée dans l'expression et l'affirmation d'une
diplomatie active du développement pour accompagner la défense de
leurs intérêts dans les enceintes internationales. C'est la France
qui dans les années 1970 a promu aux côtés des
États-Unis la création du Club du Sahel (devenu Club du Sahel et
d'Afrique de l'Ouest) pour tenter de fédérer dans le cadre de
l'OCDE les efforts des bailleurs de fonds dans la réponse aux crises
alimentaires récurrentes que traversait la zone
sahélo-saharienne. Dans le contexte de la décolonisation et de la
guerre froide, la France a accordé en moyenne 47% de son aide publique
au développement bilatérale à l'Afrique subsaharienne de
1960 à 1991.
Figure8 - Part de l'aide
publique au développement française à l'Afrique
subsaharienne entre 1960 et 1991 (en millions de dollars)
Source : données du CAD de l'OCDE
En matière sectorielle, l'aide bilatérale de la
France à l'Afrique subsaharienne est alors orientée vers trois
grands secteurs principaux : l'aide alimentaire, les infrastructures et
les services sociaux comme l'éducation et la santé. Cette
orientation de la politique de développement de la France vers l'Afrique
subsaharienne reflétait, dans la tradition gaullo-mitterrandiste,
l'importance géopolitique que Paris attachait à la
« région du champ » et à ses enjeux
(endiguement du communisme, défense de la francophonie et des
intérêts économiques français, enjeux
pétroliers et miniers, sécurisation du soutien des Etats
africains lors des votes aux Nations Unies, appui à des régimes
clients en Afrique, etc.). La France a ainsi joué un rôle
incontesté de puissance tutélaire en Afrique francophone et dans
les Etats du Sahel. Elle a pu y préserver un leadership fort et une
influence réelle sur le volet politique, économique et
sécuritaire, à la hauteur de ses ambitions gaulliennes de grande
puissance au cours de la seconde moitié du XXème
siècle.
A partir de 1991 et la fin de la guerre froide, les relations
entre la France et l'Afrique subsaharienne connaissent un «
bouleversement radical » d'après Bourmaud8(*), marqué par une
évolution profonde de ses modalités et de ses principes
d'intervention. Pour ce qui est des modalités d'intervention, la France
n'entend plus agir de manière unilatérale, mais souhaite
s'assurer le soutien des organisations régionales (Union Africaine,
Union économique et monétaire ouest-africaine - UEMOA) et
internationales (UE, Nations Unies). Au sujet des modalités
d'intervention, la France ne vise plus le soutien prioritaire à des
régimes clientélistes, mais la promotion des principes universels
comme le respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriales, la défense des droits de l'homme et le soutien aux
autorités élues. Cette approche a défini les nouvelles
orientations de la politique africaine de la France de manière durable
depuis le milieu des années 1990.
Plusieurs facteurs expliquent ce changement de cap : en
premier lieu, la fin de la guerre froide a transformé le contexte
international, et la mondialisation a atteint progressivement l'Afrique
subsaharienne et le Sahel, ce qui ouvre ces régions à de
nouvelles influences (Etats-Unis, Inde, Chines). Le contexte domestique a
lui-même évolué, avec un intérêt
déclinant de la population française pour l'Afrique
subsaharienne, désormais perçue sous la lumière
négative des enjeux migratoires. La politique africaine de la France
doit en outre s'insérer dans le creuset d'une politique
extérieure européenne à vocation intégratrice, qui
doit s'accommoder des vues des autres pays de l'UE. Ceux-ci n'ont pas les
mêmes liens historiques que la France avec l'Afrique et le Sahel, ni les
mêmes intérêts stratégiques. Il en résulte une
approche plus « normalisée » des relations de la
France avec ses anciennes colonies. Cela est particulièrement le cas
pour ce qui concerne la politique de coopération de la France et les
orientations de son aide publique au développement, qui fait l'objet
d'ajustements institutionnels, stratégiques et normatifs en 19989(*). A cette occasion, les
critères d'allocation de l'aide française convergent
progressivement vers les critères européens : en plus de la
lutte contre la pauvreté et les inégalités, qui sont les
secteurs traditionnels d'intervention de la coopération de la France,
l'aide française vise désormais à promouvoir les biens
publics mondiaux (santé, sécurité, migrations,
diversité culturelle) et le traitement de questions transversales
(gouvernance démocratique, développement durable et genre), qui
sont présents dans l'agenda de coopération
européen10(*). Il
en résulte une réorientation de l'aide au delà de
l'Afrique subsaharienne francophone. De nouvelles zones d'interventions
apparaissent dans les géographies d'intervention de la
coopération française, principalement en
Méditerranée et au Proche-Orient. Dans le cadre de marges de
manoeuvres budgétaires de plus en plus étroites, la politique de
développement de la France confirme aussi une implication nouvellement
active dans les pays émergents (Brésil, Inde, Chine, Mexique,
Afrique du Sud), ce qui se traduit par le recours accru aux prêts par
l'Agence française de développement au détriment des dons
visant les Etats les plus pauvres, en particulier les Etats sahéliens.
Si la priorité africaine est maintenue dans les engagements du
comité interministériel de coopération de 2006, celui-ci
n'annonçait pas de moyens nouveaux ciblant les Etats d'Afrique
francophone.
Plus largement, des trois piliers économique,
politique, sécuritaire autour desquels s'est structurée la
politique africaine de la France, deux ont été affectés
par le mouvement de normalisation et de banalisation des relations
franco-africaines : le pilier économique et le pilier politique.
Concernant le pilier économique et financier, s'il demeure
organisé autour de la zone franc, la France y a perdu de son influence
au bénéfice des institutions financières internationales
de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international),
depuis qu'elle a officiellement récusé toute allocation aide
bilatérale direct pour les pays ne se soumettant pas à un
programme d'ajustement structurel du Fonds monétaire international, par
la voix du Premier ministre Edouard Balladur en 1994 à Abidjan. Cette
« doctrine Balladur » n'a jusqu'ici jamais
été remise en cause par la France, malgré les
rigidités que peut induire cette approche, en particulier dans le cas
des situations post-conflits. La dévaluation du franc CFA de 50% la
même année a rendu les pays africains globalement moins
dépendants du soutien financier de la France, et a pu être
interprété comme un « lâchage » relatif
par Paris des Etats africains francophones11(*). Par ailleurs, la part des échanges
commerciaux entre la France et les Etats africains n'a cessé de se
réduire : la part de l'Afrique subsaharienne dans les exportations
françaises est passée 8,7 % en 1970 est passée
à 2,4 % en 2017. L'Afrique fournit en outre une part marginale de
ses importations (4%). Même si les exportations françaises vers
l'Afrique ont doublé en valeur depuis 2000, la France a vu sa part de
marché relative dans les relations commerciales de l'Afrique
subsaharienne diminuer de moitié, en passant de 11% en 2000 à
5,5% en 2017.
Sur le plan politique, la France s'est tournée vers une
approche partenariale, et a tenté d'appuyer les principes
d'africanisation et de mutualisation des efforts, en particulier à
l'échelle européenne. La France se réfère dans ses
interventions aux positions défendues par l'Union africaine, les
organisations sous-régionales ou le Conseil de sécurité
des Nations Unies. La France met aussi en avant dans ses discours les principes
de l'État de droit et de la gouvernance démocratique. A l'instar
du Royaume-Uni, elle s'est fait le porte-voix des situations et
problématiques africaines au Conseil de sécurité, et
cherche à favoriser l'implication politique des Nations Unies, ou
à défaut, obtenir son assentiment par un mandat pour conduire une
intervention militaire12(*).
Contrairement aux dimensions économiques et politiques
qui ont suivi la voie de la normalisation, le volet militaire de la politique
africaine de la France s'est renforcé ces dernières
années. L'héritage des accords de défense et des accords
de coopération militaire se fait toujours sentir dans les relations
bilatérales de défense que la France entretien avec les pays
africains : en 2016, 70% de la coopération militaire
française était destinée à l'Afrique subsaharienne,
dont les 2/3 vers les Etats du Sahel (Mali, Tchad, Niger). Grande
oubliée du « Livre blanc de défense et de
sécurité nationale » de 2008, l'Afrique subsaharienne
et le Sahel ont explicitement fait leur retour dans le livre blanc de 2013
ainsi que dans la revue de défense et de sécurité
nationale de 2017. La France a également élaboré une
« Stratégie Sahel » fondé sur une
« approche globale » qui vise à articuler les enjeux
de défense, de diplomatie et de développement dans la bande
sahélo-saharienne.
Figure 9 - les partenariats
militaires stratégiques entre le France et les Etats africains
On estime, en 2015, à Djibouti et dans les
opérations Barkhane au Sahel et Sangaris en Centrafrique, le nombre de
militaires français en Afrique à environ 10 000 hommes contre 5
000 en 2012 dans 8 bases ou points d'appui, pour une dépense annuelle
supérieure à 1,5 milliard d'euros. Ces effectifs militaires sont
supérieurs à tout autre puissance non-africaine présente
sur en Afrique subsaharienne. C'est bien sur le plan militaire que la France
demeure un acteur international de premier plan dans la bande
sahélo-saharienne.
Son relatif désengagement opéré de la fin
de la guerre froide a cependant laissé un espace d'influence pour
d'autres acteurs extérieurs.L'ouverture de l'Afrique et de la zone
sahélo-saharienne française à d'autres acteurs est-elle
pour autant de nature à remettre en cause l'influence de la France dans
cet espace ?
1.2 L'action extérieure de
l'Union européenne au Sahel : une « puissance
douce »aux effets élusifs sur le terrain
De part les liens étroits qui unissent ses
Etats-membres aux pays Sahéliens, il existe des relations fortes entre
les Etats de la rive nord de la Méditerranée et ceux du sud de la
bande sahélo-saharienne. Sous l'impulsion de la France et avant
l'intervention militaire française au Mali, l'UE s'est doté en
2011 d'une « Stratégie Sahel » face aux crises qui
frappent la région. Cette stratégie se veut complémentaire
des approches menées par les autres acteurs de la région, et est
articulée autour d'une « approche globale » qui lie
sécurité et développement. L'UE se préoccupe en
réalité de la détérioration de la situation
politique, sécuritaire et humanitaire du Sahel depuis les années
2000, mais l'impact de la crise en Lybie et en Syrie l'ont exacerbée.
C'est toutefois au cours de la présidence française de l'UE en
2008 que cette les institutions européennes ont véritablement
commencé à se préoccuper de la situation de la bande
sahélo-saharienne. Les Français ont ainsi fait valoir une sorte
de « droit d'aînesse » dans leur zone d'influence
pour inciter leurs partenaires européens à un engagement
communautaire au Sahel.
La stratégie européenne pour le Sahel se
structure autour de quatre priorités complémentaires qui sont le
soutien à la gouvernance et au règlement des conflits
domestiques, la défense de l'Etat de droit, l'action politique et
diplomatique en faveur de la démocratie et la lutte contre
l'extrémisme. Dans ce cadre l'UE renonce à une approche
bilatérale pour favoriser une approche régionale, mieux à
même de traiter les problèmes transnationaux qui se posent dans la
bande sahélo-saharienne. La politique extérieure de l'UE
s'inscrivait alors dans une perspective de prévention des crises avec
une planification des actions sur le long-terme.
Après une phase réflexive et
d'élaboration de près de trois ans, cette stratégie a
cependant mis beaucoup de temps à se mettre en oeuvre :
l'éruption brutale de la crise malienne l'a forcé à mettre
en place des politiques humanitaires de très court-terme et des
formations sécuritaires à la hâte, au détriment des
actions de développement et de soutien à la
sécurité de long-terme. La crise malienne a alors de fait
transformé la stratégie de l'UE pour le Sahel d'une perspective
de prévention à une perspective de réaction. Mais le
caractère palliatif des mesures prises dans l'urgence par l'UE au Sahel
ne saurait permettre un traitement efficace et pérenne des racines des
crises sécuritaires, humanitaires et sociales de la région. En
l'absence d'une politique extérieure de défense et de
sécurité suffisamment structurée, l'Union
européenne, face à la situation d'effondrement du Mali en 2013 et
des actions des groupes terroristes dans le nord du pays, a du se contenter de
souligner « l'avance des forces armées maliennes
soutenues par la France et la région au détriment des groupes
terroristes au Nord du Mali »13(*). Les divisions entre les Etats membres, une
solidarité insuffisante et un manque de vision stratégique claire
dans le domaine de la défense sont d'autant plus criants qu'à
partir de 2013, la France s'est sentie isolée pour assumer la
majorité des efforts consistant à défendre des
intérêts considérés comme européens. De
manière évidente, la volonté d'empêcher la
constitution de foyers djihadistes dans la bande sahélo-saharienne est
dans l'intérêt de l'UE et de ses membres, car le Sahel est
présenté par les diplomates européens comme « la
frontière géopolitique » de l'extrême sud de
l'UE14(*)15(*). Pour autant, la France reste
isolée sur le théâtre militaire, et de nombreuses critiques
des Etats-membres mettant en avant le caractère prétendument
« néo-colonialiste » de son intervention ont
accompagné le déploiement des opérations Serval au Mali
puis celui de Barkhane à l'ensemble de la zone sahélienne, ce qui
contredit la perspective partagée du Sahel comme frontière
géopolitique de l'UE. Par conséquent, il n'y a eu aucune
réelle solidarité européenne, ni aucun affichage d'un
intérêt commun défendu par l'Union dans la bande
sahélo-saharienne, en dépit des enjeux sécuritaires et
migratoires que pose le Sahel à l'UE.
La dégradation du climat au Sahel à partir de
2013 ont cependant amené l'UE à engager des activités
opérationnelles extérieures dans la région : la
mission civile EUCAP Sahel Niger, (2012) la mission de formation militaire EUTM
Mali (2013), et la mission de soutien aux capacités de
sécurité intérieures du Mali, Eucap Sahel Mali (2015). Ces
missions dites de « coopération civilo-militaires »
ont pour objectif global de répondre aux besoins opérationnels
des armées nigériennes et maliennes. Ces missions portent sur la
formation des forces armées maliennes, la dispense de conseils en
matière de commandement, de stratégie, de logistique, de
contrôle, et de ressources humaines, ainsi que dans les domaines du droit
humanitaire international, des droits de l'homme et de la protection des
civils. Ces missions ne participent pas à des opérations de
combat, et son par essence des missions d'assistance et de formation a
destination de 4000 soldats de l'armée malienne. Si la mission EUTM Mali
comporte 550 militaires issus de 23 pays membres de l'UE, la France, en tant
que nation-cadre, lui fournit 210 hommes et en assume l'essentiel du
financement16(*).
L'implication de l'UE dans le règlement de la situation militaire et
sécuritaire du Sahel apparaît donc ténue : si la
Commission a fournit un appui politique manière inconditionnel au
déploiement de l'opération Serval, les missions de
coopération civilo-militaires n'ont eu qu'un impact limité sur le
terrain et ont été jugées sous-dimensionnées,
non-opérationnelles et peu efficaces.17(*)18(*) Cela
apparaît comme un échec de la politique de défense et de
sécurité commune de l'UE, d'autant que le Mali aurait pu servir
au déploiement d'un groupement tactique opérationnel de l'UE
(EUFOR) au lieu de missions d'assistance non-opérationnelles.
Figure 10 - Les missions de
coopération civilo-humanitaires déployées par l'UE au
Sahel
Source : Conseil européen de relations
internationales
En matière d'assistance financière, l'Union
européenne est le premier bailleur de fonds au Sahel en ce qui concerne
l'aide publique au développement. Elle y a consacré 2, 7
milliards d'euros sur le période 2007-2013, dont 660 millions d'euros au
titre du 10ème fonds européen pour le développement (FED),
auxquels se sont ajoutés les 167 millions d'euros pour financer les
actions de la stratégie Sahel. L'UE dispose de plusieurs
mécanismes et instruments pour administrer l'aide, dont le fonds
fiduciaire d'urgence de l'UE pour l'Afrique, créé en 2015. Au
Sahel,l'action d'aide au développement de l'UE depuis 2013 se focalise
surtour sur le Mali et le Niger, dont l'UE est le premier bailleur sur la
période 2013-2017. Parmi les dix premiers pays africains les plus
aidés par l'UE, trois sont des Etats de la bande
sahélo-saharienne : le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Figure 11 -
Répartition géographique de l'APD de l'EU a destination de
l'Afrique sur 2013-2017 et ses dix pays les plus aidés (en millions de
dollars)
Réalisé avec QGIS : source des
données : OCDE
Mais en dépit de cette assistance financière
massive, l'aide européenne n'a pas permis d'inverser la tendance
générale d'accroissement des inégalités,
d'appauvrissement et de dégradation des conditions alimentaires et
sanitaires des Etats de la bande sahélo-sahariennes.
Plusieurs facteurs expliquent l'inefficacité de l'aide
publique au développement de l'Union européenne dans la bande
sahélo-saharienne. En premier lieu, l'aide européenne est soumise
à des clauses de conditionnalité en matière de respect des
principes démocratiques et de l'Etat de droit, qui sont souvent
difficiles à satisfaire pour les Etats en développement.Des
conditionnalités de nature économique sont également
édictées pat l'UE, Malgré la volonté
affichée par les Européens de réduire leur influence,
suite aux vives critiques dont elles ont fait l'objet durant les années
1990, ces conditionnalités pèsent encore sous une forme
indirecte. Il en va ainsi des mesures préconisées en
matière de « bonne gouvernance » et de
réformes institutionnelles qui orientent les choix de politiques
attendus de la part des bénéficiaires :
(libéralisation, transparence des marchés, soutien au secteur
privé, etc.). Les modalités de mise en oeuvre de l'aide au
développement définies par les institutions européennes au
sortir de la guerre froide s'inscrivent dans une perspective administrative et
technocratique plus que politique. A titre d'exemple, les institutions
européennes ont souvent eu recours aux appuis budgétaires globaux
au Sahel, qui limitent la définition d'objectifs précis et
d'indicateurs suffisamment détaillés pour mener des projets
sectoriels ciblés sur les priorités des Etats
sahéliens19(*).
Aussi, l'UE semble faire primer dans ses politiques d'aide ses propres
priorités sur celles des Etats récipiendaires (bonne gouvernance,
genre, droits humains) et a cessé de prioriser les secteurs sociaux dans
sa politique d'assistance en Afrique20(*). L'architecture de la coopération
européenne, qui est un emboitement complexe de programmes et de lignes
budgétaires, tend à formater une approche européenne
bureaucratique de l'aide au développement, qui se traduit par des
lenteurs dans les délais de décaissement et de mise en oeuvre des
projets incompatibles avec la situation d'urgence dans laquelle se trouvent les
Etats du Sahel.
Enfin, la fourniture de l'aide européenne se
caractérise par l'inadéquation entre l'ampleur des moyens
mobilisés et l'efficacité des résultats sur le terrain, en
particulier parce que, faute de moyens, la Commission externalise une part de
la gestion de l'aide à des ONG ou des bureaux d'études, ce qui
entraine un manque de transparence et des irrégularités dans les
projets mis en oeuvre. Enfin, reflet du primat sécuritaire et migratoire
récemment adopté par l'UE dans ses relations avec le Sahel, les
européens externalisent le contrôle de leurs frontières
extérieures en utilisant l'aide au développement : les fonds
des instruments d'aide au développement européens comme le fonds
européen de développement, le fonds de stabilité et le
fonds fiduciaire d'urgence sont alloués aux Etats sahéliens qui
acceptent de gérer les flux migratoires sur leur sol et de les
empêcher d'atteindre les rivages européens21(*). A cet égard, le Niger
fait office de partenaire principal des européens pour verrouiller les
routes migratoires vers l'Europe. Cette utilisation circonstanciée des
fonds de développement ne concourt pas au soutien des Etats
sahéliens dans les secteurs prioritaires et sert avant tout les
intérêts de court-terme de l'UE et de ses Etats membres22(*).
En définitive, ce qui est reproché à
l'action européenne au Sahel, c'est d'avoir en premier lieu
privilégié des politiques d'urgence et fragmentaires qui se sont
avéré un cache-misère n'ayant pas permis de percevoir la
dégradation avancée de la situation sécuritaire et
humanitaire dans la zone. Ensuite, c'est bien l'absence d'un véritable
système d'alerte au Sahel qui s'est fait ressentir, en dépit de
la présence d'un réseau important de délégations de
l'UE et de forces spéciales stationnées dans les pays de la
région. Les modalités d'administration et de délivrance de
l'aide au développement européenne, jusqu'ici principal bailleur
de la région, se sont révélées inadaptées
aux fragilités des pays sahéliens et n'ont pas permis d'enrayer
la pauvreté et l'insécurité alimentaire de la zone. Enfin,
au moment de l'élaboration de sa stratégie sahélienne,
l'UE n'utilisait pas d'outil exhaustif d'analyse des risques et des conflits,
tels que ceux développés et employés depuis plus de dix
ans par d'autres acteurs. Par conséquent, il existait dès
l'origine un décalage manifeste entre les perceptions européennes
des racines crisogènes du Sahel et les attentes des pays de la
région. On constate par ailleurs, à la charge de l'UE, que la
crise en Lybie n'a pas servi de leçon aux européens : autant
ceux-ci n'ont pas fait bloc au moment de la décomposition de l'Etat
lybien, autant la crise malienne a révélé une mise en
place tardive du volet « sécuritaire » de la
stratégie sahélienne. Celle-ci ne s'est finalement traduite que
par la mise en place de modestes missions de coopération pour
l'essentiel soutenues par la France, preuve des limites de la politique de
sécurité et de défense commune de l'UE.L'Union
européenne ne saurait ainsi être un acteur de substitution
à la présence française au Sahel, que cela soit sur le
volet militaire, où sa présence reste élusive et fortement
dépendante de la présence française, ni sur le plan du
développement, où en dépit des montants mobilisés,
sa vision bureaucratique est déconnectée des enjeux et des
besoins réels des Etats et des populations de la région.
1.3 La présence
américaine dans la bande sahélo-saharienne : un objectif
militaire anti-terroriste et un soutien réel mais incertain au
développement
Les Etats-Unis ont fait montre d'un regain
d'intérêt pour l'Afrique subsaharienne à partir des
années post-11 septembre 2001, dans le cadre de leur stratégie
globale de lutte contre le terrorisme. L'engagement américain en Afrique
n'est cependant pas nouveau, les troupes armées étant
présentes sur le territoire depuis les années 1990, dans le cadre
de l'opération militaire des Nations Unies (ONUSOM I et II). C'est
à partir de cette période que l'administration Clinton
élabore certains aspects durables de la politique américaine
à l'égard du continent : la perception d'un potentiel
économique que les Etats-Unis devraient accompagner, en ayant recours
aux échanges commerciaux plutôt qu'à l'aide publique au
développement ; le soutien aux leaders africains qui sont prêts
à faire entrer leur pays dans le système international et en
épouser les valeurs libérales, selon une logique partenariale ;
une implication dans le domaine sécuritaire, via la mise en place
d'instruments de formation et d'assistance, initialement concentrées sur
la préparation aux opérations de paix, au travers de la mise en
place de l'Africa Crisis Response Initiative ?en 1996 ; une attention
renouvelée sur les questions terroristes après les attentats
subis par les ambassades américaines en Tanzanie et au Rwanda,
thématique qui polarise progressivement l'approche des Etats-Unis sur le
continent.
Mais ce n'est véritablement qu'après les
attaques du 11 septembre 2001 que l'Amérique commence à regarder
l'Afrique subsaharienne, et la bande sahélo-saharienne en particulier,
comme un vaste ensemble de territoires et de pays difficilement
contrôlables, dont les institutions étatiques sont faibles,
fragiles et/ou défaillantes. Pour Washington, ces fragilités
structurelles des États sahéliens forment un terreau propice au
développement de zones de non-droits et d'enclaves terroristes
islamistes. Au début des années 2000, les Etats-Unis ont ainsi
progressivement accru leur présence dans la région
sahélienne, à travers la mise en oeuvre de programmes de
contre-terrorisme, tels que la Pan Sahel initiative (2002) , le Trans-Saharan
CounterTerrorism Partnership (2004), ou plus récemment, la Security
Governance Initiative. Ces programmes comportent également des volets
d'entraînement et d'équipement des forces armées des pays
sahéliens. L'implication croissante des Etats-Unis sur le plan militaire
en Afrique subsaharienne a conduit à la création en 2008 du
Commandement militaire des Etats-Unis pour l'Afrique (AFRICOM). Si les
Etats-Unis ont présenté la création de ce centre comme une
volonté de renforcer l'efficacité de leurs opérations de
coopération militaire et de contre-terrorisme en Afrique, la
création du centre répond également à une
volonté de sécuriser l'Afrique de l'Ouest et ses réserves
pétrolières, dont les Etats-Unis redécouvrent l'importance
stratégique, parallèlement à la déstabilisation du
Moyen-Orient23(*). Sous
l'administration Obama, la stratégie américaine en Afrique
subsaharienne prend pour la première fois une formulation
concrète avec la publication en 2012 d'une stratégie nationale
pour le continent (Strategy Toward Sub-Saharan Africa), qui dévoile
quatre axes d'intervention interdépendants : la progression de la
paix et de la sécurité, le renforcement des institutions
démocratiques, le soutien à la croissance économique et la
promotion des opportunités de développement. Les questions
sécuritaires et de terrorisme y occupent toutefois une place centrale et
leur résolution est présentée comme un préalable au
développement économique.
Dans les faits, AFRICOM se distingue des autres commandements
de théâtre par une structure (à forte dimension
interministérielle) et par une posture (dispositif léger et
dispersé) reflétant clairement la stratégie indirecte et
expéditionnaire privilégiée par les Etats-Unis. Les forces
présentes sur le théâtre effectuent pour l'essentiel des
missions de coopération de sécurité ou d'appui aux
opérations de partenaires, mais ne sont pas destinées au
combat.Aussi, bien qu'elle soit importante, avec un dispositif de 7500 hommes
sur trois théâtres d'opération - Corne de l'Afrique, Sahel
et Lybie ( voir annexe 5) 24(*), l'implication militaire américaine en Afrique
subsaharienne reste discontinue et parcellaire, et demeure encore très
dépendante des crises qui attirent ponctuellement une partie de
l'opinion publique américaine. En dépit des discours des
autorités, les intérêts économiques des Etats-Unis
en Afrique subsaharienne sont limités : avec des échanges de
l'ordre de 39 milliards de dollars en 201725(*), l'Afrique subsaharienne était le dernier
partenaire commercial des Etats-Unis. Les États-Unis n'y
réalisaient que 1,3% de leurs exportations en étant le
troisième client de la région, avec seulement 5,8% des
importations. Ils ne comptaient que pour 4,6% des exportations, tandis que les
échanges demeurent peu diversifiés, avec deux-tiers des flux
concernant des produits pétroliers.
Par ailleurs, les fondamentaux de la politique militaire
africaine des Etats-Unis (théorie de l'empreinte lègère ou
« light footprint » misant sur l'usage de drones
et l'emploi de forces spécialeset sa politique stratégique
indirecte (« leading from behind » ), n'en font
pas un acteur de premier rang dans la crise sahélienne. Leur
méconnaissance du terrain et le manque de relais politique et
économique ne les place pas comme des acteurs volontaristes dans la
zone. Les Etats-Unis font ainsi figure d'allié de la France dans la
bande sahélo-saharienne, et appuient l'opération Barkhane dans le
cadre du dispositif « Juniper Shield » depuis 2013, qui
apporte un soutien logistique à l'armée française tout en
coopérant avec celle-ci pour éliminer les chefs des groupes
liés à Al-Qaida au Maghreb Islamique et à Daesh dans la
région. Les Etats-Unis apportent également leur soutien en
matière de renseignement au profit des forces de la région, comme
cela fut le cas à Diffa, au Niger face aux groupes affiliés
à AQMI et Boko Haram.
En matière d'efforts pour le développement,
l'aide bilatérale américaine au Sahel a plus que quintuplé
entre 2000 et 2017. En 2017, les Etats-Unis sont devenus le premier bailleur
bilatéral du Mali avec 218 millions de dollars versés à ce
pays. La croissance de l'aide au développement allouée aux pays
sahéliens reflète l'engagement pris par les Etats-Unis de
dépenser une part plus importante de leur aide dans les pays les plus
pauvres et fragiles au début de la décennie 2000. Cette aide se
caractérise par une part très importante d'aide humanitaire (35%)
et par un recours exclusif aux dons. Cela constitue un avantage très
important pour les Etats sahéliens, dans la mesure ou les financements
sont moins conditionnés par la capacité de remboursement des
intérêts des prêts que par l'orientation stratégique
et la volonté du bailleur américain, jusqu'ici favorable au
renforcement de son appui au développement.
Figure 12 - Aide publique
au développement bilatérale des Etats-Unis à destination
du Sahel en 2017 (en millions de dollars)
Il convient cependant de ne pas exagérer l'implication
des Etats-Unis en matière d'aide au développement dans la bande
sahélo-saharienne : si les montants sont effectivement
élevés et ont connu une forte augmentation, ils ne
représentent qu'une faible part de l'aide publique au
développement totale des Etats-Unis : en 2017, l'ensemble des flux
à destination des cinq Etats du Sahel ne représentait que 1,4%
des versements d'aide bilatérale américaine. La bande
sahélo-saharienne est loin d'être une priorité de la
politique d'aide au développement des Etats-Unis en Afrique, où
elle ne compte que pour 3,7% des flux à destination de l'Afrique
subsaharienne. Depuis le début de la crise sahélienne en 2013,
les Etats-Unis concentrent davantage d'aide au développement vers les
pays d'Afrique de l'Est et la corne de l'Afrique. Cela répond à
leur volonté de consolider les régions africaines proches du
Moyen-Orient et endiguer la circulation de mouvements djihadistes dans cette
zone charnière qui ouvre sur leurs alliés pétroliers du
Golfe.26(*)
Figure 13 -
Répartition géographique de l'aide bilatérale
américaine en Afrique sur 2013-2017
Réalisé avec QGIS. Sources des
données : OCDE.
En outre, les évolutions récentes de la
politique extérieure américaine impulsées par
l'administration Trump laissent présager une future réduction des
budgets consacrés à l'aide publique au développement. Cela
sera en particulier le cas pour les régions jugées «
non prioritaires » pour les Etats-Unis de Trump, dont l'Afrique
subsaharienne. La présentation de la nouvelle stratégie
américaine en Afrique par le conseiller à la
sécurité John Bolton en décembre 2018, a ainsi
annoncé un tournant dans la politique de coopération
américaine, qui se veut désormais plus sélective :
l'aide bilatérale sera réduite et conditionnée au respect
des intérêts économiques et stratégiques des
Etats-Unis27(*). Ces
derniers retrouvent par ailleurs en Afrique une préoccupation qui avait
disparu avec la guerre froide, à savoir la place du continent dans les
équilibres internationaux. Les Etats-Unis ont ainsi mis en garde les
Etats africains sur les dangers représentés selon eux par la
présence économique chinoise en Afrique, et contre tout
comportement susceptible de porter préjudice aux intérêts
américains dans la région28(*).
La récente évolution de la stratégie de
développement et de coopération de l'administration Trump laisse
penser que certains pays pauvres ou faisant face à des
vulnérabilités persistantes risquent d'être
délaissés par l'aide américaine. La nouvelle doctrine de
coopération de l'US AID est fondée sur le concept de
« self-reliance » (« autosuffisance »),
qui pose le principe d'une aide au développement accordée aux
pays qui montreront des capacités de gouvernance économique assez
crédibles pour justifier de l'aide publique au développement
américaine, dans une logique d'assistance dégressive avec le
temps. Cette approche s'inscrit dans la logique de
« rattrapage », l'idée selon laquelle les Etats en
difficulté finiront par atteindre le niveau de développement des
Etats-Unis, et qu'ils le feront sur leurs propres ressources. Cette vision a
récemment été critiquée par Rémy Rioux, le
directeur de l'Agence française de développement :
«Affecter le financement du développement en fonction de la
capacité d'un pays à surmonter ses besoins de financement du
développement me semble un peu pervers. C'est une façon de
légitimer le désengagement de l'aide américaine vers
l'Afrique »29(*). Moins tournée vers l'aide au
développement, la stratégie américaine en Afrique semble
s'orienter davantage vers la promotion de l'investissement privé et les
accords commerciaux bilatéraux, comme en témoigne la
création de l'US International Development Finance Corporation, qui
encourage l'investissement dans les pays africains. Mais à part cela,
peu d'éléments sont susceptibles d'inciter les pays africains
à considérer les Etats-Unis comme un partenaire économique
privilégié.
Si les Etats-Unis restent un acteur important en Afrique, et
en particulier au Sahel sur le plan sécuritaire, la tendance au
désengagement sur le volet de l'aide au développement aux Etats
fragiles, et leur volonté de lui préférer les
investissements privés en font un partenaire inconstant pour les Etats
sahéliens, dont les besoins d'assistance restent très importants.
L'intérêt des Etats-Unis pour le Sahel reste étroitement
lié aux questions terroristes, l'intérêt économique
y étant marginal. Si le dispositif militaire américain
déployé dans la bande sahélo-saharienne est très
important, les Etats-Unis restent pour le moment fidèles à leur
approche « light footprint » et n'ont pas vocation à
s'engager en première ligne, rôle qu'ils laissent volontairement
à la France, qui maîtrise davantage les enjeux
politico-sécuritaires de la région30(*).
1.4 La présence chinoise
dans la bande sahélo-saharienne : des relations avant tout
économiquessans véritable engagement sécuritaire
La Chine fait partie des puissances émergentes qui ont
massivement pris pied en Afrique depuis le début des années 2000.
Elle y est présente pour des raisons essentiellement économiques
et commerciales : la Chine s'est intéressée à
l'Afrique subsaharienne comme fournisseur de matière premières,
de pétrole et de certains minerais nécessaires à sa
croissance en tant qu' « atelier du monde »31(*). Depuis 2009, la Chine est
devenu le premier exportateur mondial et le premier partenaire commercial du
continent africain. D'après le ministère chinois du commerce, la
Chine a exporté en 2017 pour 97,4 milliards de dollars, et
importé 75,3 milliards de dollars.La Chine importe d'Afrique du
pétrole, des minerais et du bois et y exporte de biens de consommation,
dont les téléphones portables, des médicaments, des
machines et des véhicules. Dans les pays d'Afrique francophone, et en
particulier dans les Etats du Sahel, cela s'est fait au détriment de la
France : alors que les parts de marché à l'exportation de la
France en Afrique ont été divisées par deux entre 2000 et
2017, celles de la Chine ont été multipliées par six,
passant de 3% à 18%. Au Sahel, la Chine est ainsi en 2017, le premier
partenaire commercial du Mali, du Niger et du Tchad, et se pose en rival
économique de la France dans son pré-carré.
En ce qui concerne les investissements directs à
l'étrangers chinois en Afrique, ceux-ci sont relativement faibles, les
annuellement de l'ordre de 2 milliards de dollars, soit 4 % des investissements
chinois à l'étranger. Même si ceux-ci de plus en plus
distribués, d'un point de vue géographique comme sectoriel, ils
sont encore largement concentrés aux secteurs pétrolier, des
minerais, des télécommunications et des infrastructures. La
stratégie chinoise en Afrique se veut partenariale et fondée sur
le principe énoncé par les chinois du
« gagnant-gagnant ». Sa priorité est de
sécuriser les routes commerciales et son approvisionnement en
matières premières, et d'offrir des débouchés
à ses entreprises sur le continent, dans le cadre de sa stratégie
des « Nouvelles routes de la soie ». Pour cela, elle
mène une politique de coopération économique qui
mêle à la fois les investissements, le commerce et les flux d'aide
au développement. Il est cependant difficile de donner une estimation
précise du montant de l'aide accordée par la Chine aux pays
africains. Ces modalités d'intervention sont cependant connues :
les trois modalités de l'aide sont les prêts bonifiés, les
projets d'entreprises à cogestion et l'aide sans contrepartie. Cette
dernière était estimée à
« seulement » 3 milliards de dollars en 2014, tandis que
les prêts et les projets d'entreprises représenteraient une part
bien plus importante des flux financiers chinois en Afrique.32(*)La politique de
coopération économique chinoise diffère des pratiques des
bailleurs occidentaux en ce qu'elle n'est assortie d'aucune condition de
réforme politique ou de respect des droits de l'Homme. De plus,
contrairement aux bailleurs occidentaux, la Chine pratique une politique d'
"aide liée", dans laquelle le pays bénéficiaire du
prêt doit conclure en priorité des contrats avec des entreprises
chinoises afin de mettre en oeuvre les projets financés. Beaucoup
des prêts chinois sont également garantis par la livraison de
matières premières, alors que les cours ont été
globalement orientés à la baisse sur 2008-2017. Cela a pour effet
de créer une nouvelle dynamique d'endettement dans les Etats africains
ciblés par les projets et les prêts chinois. Le FMI alerte
l'augmentation de la dette africaine, en particulier pour les pays
déjà lourdement endettés comme la Mauritanie et le Mali.
De plus, les pays confrontés aux fluctuations des prix des
matières premières tels que le Nigéria et le Tchad sont
les plus exposés à ce risque.
Le véritable avantage de la Chine est sa
capacité d'investissement rapide et massive. Elle dispose de
réserves très importantes en devises, qui lui permettent de faire
des prêts à des taux intéressants aux Etats africains (taux
qui restent toutefois supérieurs aux taux concessionnels
appliqués par les bailleurs de l'OCDE). La Chine est ainsi devenue le
premier créancier de l'Afrique, en s'appuyant essentiellement sur la
China EximBank, la banque publique d'import- export, et la China development
Bank (CDB). Selon le CARI, un centre de recherche dépendant de
l'Université américaine Johns Hopkins, Pékin aurait
alloué 95 milliards de dollars de prêts en Afrique entre 2000 et
2017, dont 18,2 milliards pour l'Afrique de l'ouest. Sur la période
2000-2017, l'OCDE estime que les Etats sahéliens, à l`exception
du Burkina Faso, ont reçu chacun entre 500 et 1000 millions de dollars
de prêts de la part de la Chine.
Figure 14 - Les prêts
de la Chine aux Etats d'Afrique de l'Ouest sur 2000-2017
L'aide économique et financière de la Chine est
essentiellement tournée vers les pays d'Afrique de l'Est et les pays de
l'Afrique de l'Ouest riches en pétrole et en gaz. En ce qui concerne le
Sahel, la Chine a choisi d'adopter une approche bilatérale dans ses
relations avec les Etats de la région, sur un petit nombre de secteurs
permettant une rentabilité de long-terme pour les investissements
chinois. La présence chinoise au Sahel se fait notamment sentir au Mali,
au Niger et au Tchad33(*).
Au Niger, la Chine investit principalement dans les domaines de
l'énergie, des mines et de l'immobilier. Le pétrole et l'uranium
sont les deux premiers produits importés par la Chine. La
coopération militaire y est structurelle, mais
non-opérationnelle : les partenariats sino-nigeriens dans le
domaine militaires se traduisent par des ventes de matériels chinois
(armes, chars) pour un montant de 50 M $ depuis 2006, mais les forces
tchadiennes ne se montrent pas satisfaites de la qualité du
matériel vendu.
Pour ce qui est du Tchad, la Chine y est présente dans
le domaine pétrolier (1,28 md $ sur 2000-2016), les transports et les
infrastructures (7,2 md $ sur 2000-2016)34(*). Elle est le premier partenaire commercial du pays et
en importe surtout du pétrole ( 99% des importations en 2017). En ce qui
concerne leur coopération militaire, la Chine continue de former des
officiers tchadiens chaque année et quelques contrats d'armement ont
été signés en 2007, 2008, 2010 et 2013 pour 61 m $ au
total (blindés, lances-roquettes,etc.). Deux attachés de
défense chinois sont présents de manière permanente au
Tchad, ce qui illustre l'intérêt que porte la Chine à a
stabilité de ce pays, situé aux marges du tracé des
Nouvelles routes la Soie en Afrique. Enfin, la Chine est aussi présente
au Mali dans le domaine des télécoms, l'industrie pharmaceutique
et les infrastructures. Elle est le troisième partenaire commercial du
pays et en importe essentiellement du bois (52% des importations en 2017) et
des produits végétaux (31%).La proximité politique entre
les deux Etats est ancienne : la Chine a été le
deuxième pays à reconnaître l'indépendance du Mali
en 1960. Sur le plan de la coopération militaire, le Mali a
bénéficié depuis 2008 d'une assistance technique et
logistique non-létale de la part de Pékin, sous la forme de
véhicules et d'équipements légers35(*).
La stratégie mise en oeuvre par la Chine en Afrique de
l'ouest est d'ordre économique et commerciale et ouvertement
destinée à rééquilibrer la domination
française (et occidentale) sur cet espace. La Chine souhaite ainsi
devenir un acteur économique majeur en Afrique, et est solidement
implantée dans des secteurs stratégiques au Sahel, où elle
est en concurrence directe avec la France.
La politique de coopération sécuritaire de la
Chine y est cependant effacée et peu opérationnelle, Pékin
ne désirant pas se lancer dans des opérations militaires sur le
continent. Aussi, sa contribution effective à la résolution de la
crise sécuritaire au Sahel est très limitée :
Pékin a déployé ses troupes au Sahel dans le cadre de la
Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la
stabilisation au Mali (MINUSMA) de l'ONU en 2013, en soutien de
l'opération Serval menée par la France. Les forces chinoises
présentes au Sahel ne représentent que 3% des effectifs de la
MINUSMA et jouent dans ce cadre un rôle essentiellement symbolique. Elles
visent à démontrer la contribution de la Chine à la paix
et à la stabilité de l'Afrique. Alors que la présence
militaire de la France dans la bande sahélo-saharienne répond
à des impératifs stratégiques, celle de la Chine lui sert
à manifester sa « puissance retrouvée » et
à gagner de l'expérience pour mener ses propres combats contre le
terrorisme islamique dans le Xinjang. Les préoccupations de la Chine au
Sahel sont la défense de ses intérêts économiques
liés aux matières premières, et Pékin
délaisse les enjeux sécuritaires qui sont assumés par les
occidentaux36(*). Les
vrais enjeux pour la Chine sont ailleurs : Pékin conçoit sa
trajectoire actuelle comme une revanche sur les occidentaux qui l'ont
« humilié » au XIXème siècle,
revanche qui se prend en investissant massivement dans les territoires
autrefois dominés par les Européens.Dans ce cadre, le Sahel joue
un rôle périphérique sans grande importance
stratégique pour la Chine, qui joue sur l'asymétrie des relations
et de sa diplomatie de la dette pour accroître la dépendance
économique des pays africains à son égard pour servir ses
propres intérêts.
Au final, il semble que la puissance extérieure
dominante dans la bande sahélo-saharienne reste bien la France. En
dépit de son désengagement relatif dans la région depuis
la fin de la guerre froide, son implication en première ligne sur le
volet militaire et sécuritaire l'érige en acteur
extérieur principal de la crise sahélo-saharienne. Mais quels
sont les objectifs de l'intervention française au Sahel ? Sa
politique de développement y est-elle en adéquation avec son
implication militaire ?
II- La position française
dans la bande sahélo-saharienne depuis l'opération
Barkhane : un fort engagement militaire au détriment du financement
du développement
2.1 Les raisons de l'intervention
militaire de la France dans la bande sahélo-saharienne
Le 11 janvier 2013, le président français
François Hollande prend la décision de lancer
unilatéralement l'opération « Seval » dans le
nord du Mali afin de stopper l'avancée des forces djihadistes vers les
villes de Bamako et Mopti. L'offensive éclair menée par les
groupes terroristes du Mouvement de libération de l'Azawad (MNLA) , de
l'Ansar Eddine avait pris de court les observateurs français et leurs
homologues maliens, menaçant directement la capitale malienne, où
résident plus de 6000 expatriés français. Le
président intérimaire malien Dioncounda Traoré demande,
le 9 janvier 2013, à François Hollande une
« intervention aérienne immédiate » pour
aider l'armée malienne à protéger la ville de Mopti. Mais
la France ne se contente pas de fournir un appui aérien :
considérant que le déploiement des troupes africaines de soutien
au Mali (MISMA) décision est prise, de déployer des milliers
d'hommes au sol pour contrer les 2 000 à
3 000 djihadistes combattants sur le terrain.
En trois mois, l'armée française a su
déployer une force d'intervention considérable de plus de 5000
hommes, dont 4000 au Mali, dans un des pays les plus pauvres de la
planète, aux structures étatiques défaillantes, avec une
armée nationale divisée, peu entraînée et incapable
d'endiguer l'offensive djihadiste. L'engagement rapide de l'armée
française a dessiné une guerre-éclair en trois
étapes s'est déroulée au Mali : la destruction des
convois des groupes salafistes combattants, la reconquête par
l'armée française des trois villes du Nord-Mali (Gao, Kidal,
Tombouctou), et la traque et des derniers combattants dans les déserts
et les montagnes du Nord du pays jusqu'en 2014.
L'intervention française au Mali a été
saluée pour son efficacité, ses coûts financiers
relativement peu élevés et sa stratégie de communication
qui a su justifier de combattre des terroristes au corps à corps sur le
sol malien. La recrudescence et l'intensification des attaques terroristes
à partir de juin 2014 au Mali, au Niger et depuis 2015 au Burkina Faso a
amené la France à lancer l'opération Barkhane, qui
s'étend sur la zone du « G5 Sahel », comprenant le
Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. La
légitimité du déploiement de Barkhane s'articule autour
d'une logique duale de « guerre contre le terrorisme » et
de partage des tâches entre les forces françaises et les forces
onusiennes de la MINUSMA, déployées sur le terrain depuis 2013 et
qui ont vocation à faciliter la sortie politique du conflit
malien37(*). L'accent mis
par les autorités françaises sur la lutte contre la violence
islamiste et terroriste a ainsi réaffirmé la posture militaire
française au Sahel. L'opération Barkhane est donc un vaste
dispositif contre-terroriste dans la bande sahélo-saharienne,
appuyé logistiquement par les Etats-Unis et soutenu politiquement par
l'UE et les régimes de la bande sahélo-saharienne, dont
l'opération française assure la stabilité et la
sécurité. Parallèlement au déploiement de Barkhane,
la France a soutenu la création de la « force G5
Sahel » Après cinq ans de présence dans la zone
cependant, le bilan de l'intervention française est mitigé :
si les structures étatiques maliennes ont été
sauvegardées, la violence s'est néanmoins propagée
à l'ensemble des pays du G5 Sahel, sans qu'une résolution
politique du conflit ne soit rendue possible en dépit des accords
d'Alger.
L'intervention française au Mali comporte
également une dimension de sécurisation des frontières
européennes et l'endiguement des mouvements migratoires à
destination de l'Europe. Du fait de ses frontières poreuses, de la
défaillance de l'Etat et de la présence de groupes criminels, la
bande sahélo-saharienne est une zone de transit et de passage des
migrations illégales vers le Nord. La présence militaire
française se veut être un soutien aux institutions et aux
régimes de la région afin que ceux-ci puissent retenir les
migrants sur leur sol. La question migratoire est une problématique qui
se pose avec acuité aux Européens depuis 2013, que les crises
humanitaires et sécuritaires du Sahel n'ont fait que renforcer.
La France est ainsi en première ligne pour
sécuriser la frontière sud du voisinage de l'Europe qu'est le
Sahel. La prise de conscience des Européens de l'interdépendance
existant entre l'Europe et les états de la bande
sahélo-saharienen n'a cependant pas poussé l'Europe a adopter une
approche coordonnée de la question sahélienne, laissant de fait
à la France le rôle de « gendarme »
européen de la région. L'armée française a ainsi un
objectif de stabilisation des institutions étatiques des membres du G5
Sahel, qui passe non seulement par l'éradication de la menace
terroriste, mais aussi par la prévention des flux migratoires qui font
pression sur les frontières des états sahélo-sahariens,
les Etats du Maghreb, en particulier l `Algérie, et les
frontières européennes. A cet égard, le chef d'état
major des armées, le général François Lecointre, a
souligné en juillet 2019 l'importance de la présence
française au Sahel : « Si on n'est pas là, si
on part demain et si avec les Européens qui nous accompagnent dans la
gestion de cette crise très grave nous n'agissons pas, ces pays
s'effondreront sur eux-mêmes, le terrorisme s'y développera de
façon incontrôlée, pourra éventuellement gagner et
s'exprimer ensuite en France et en Europe et par ailleurs on connaîtra
des phénomènes de migration absolument
phénoménaux »38(*).
En outre, une déstabilisation des Etats
sahéliens pourrait provoquer des migrations régionales de grandes
ampleur, en particulier vers les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, dont
les fragilités sont réelles en dépit de leur forte
croissance économique. L'irruption massive de migrants sahéliens,
et la circulation des groupes terroristes vers ces régions serait de
nature à fragiliser des économies dynamiques et exacerber les
tensions politiques en côte d'Ivoire, au Sénégal ou au
Nigéria, des pays dans lesquels la France possède des
intérêts économiques et commerciaux importants et où
elle a conclu des accords de défense qui l'obligeraient à ouvrir
de nouveaux fronts d'opérations en Afrique de l'Ouest.
La présence de la France répond aussi à
la sécurisation d'intérêts économiques dans la bande
sahélo-saharienne. Si ceux-ci ne sont jamais mis en avant par les
responsables politiques français pour éviter toute-accusation de
« néo-colonialisme » à l'endroit de leur
politique sahélienne et de maintien de la
« Françafrique », ils demeurent néanmoins en
arrière-plan de l'intervention au Sahel. La protection des exploitations
d'uranium au Niger par Orano (ex-Areva), qui assure encore 13% des
approvisionnements des centrales nucléaires de la France en 2017, est
ainsi importante dans une optique de sécurisation des approvisionnements
énergétiques. L'implantation relativement récente de Total
en Mauritanie (2005), et son renforcement récent dans le pays avec la
délivrance de nouveaux permis d'exploitation pétrolière,
peuvent aussi justifier l'accroissement de la présence française
au Sahel. Si le Mali n'est pour l'instant pas un grand producteur
d'hydrocarbures, son sous-sol renferme des minerais d'or, de bauxite ainsi que
de réserves de pétrole et d'hydrogène naturel, qui sont
susceptibles d'attiser les convoitises, et qui représentent des segments
d'exploitation potentiels pour les entreprises françaises sur le
long-terme. Sa position centrale dans la bande sahélo-saharienne, en
tant que pays frontalier du Niger, de l'Algérie et de la Mauritanie,
trois producteurs d'hydrocarbures et de matières
énergétiques à destination de l'Europe et de la France,
rend sa stabilisation stratégique pour les intérêts
français, même si l'intérêt économique de la
France pour le Mali reste limité39(*).
En outre, les entreprises françaises disposent d'un
stock important d'investissements directs à l'étranger en Afrique
subsaharienne, particulièrement dans les domaines extractifs et
immobilier, dans les Etats sahéliens ( Niger, Mali) et dans les pays
situés en bordure de la bande sahélo-saharienne comme le
Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Nigéria. La France
dispose ainsi en 2018 du troisième stock d'IDE en Afrique subsaharienne,
dont la préservation dépend de sa capacité à
stabiliser la région sahélienne. De plus, dans les pays membres
de la zone franc les entreprises bénéficient des avantages
liés à la monnaie unique, à la langue française,
des mécanismes de coopération monétaire et d'appuis
directs de l'État français, des garanties de la COFACE (la
société garantissant les risques des exportateurs
français), et de réseaux anciens qui assurent encore à la
France un soft power et une présence économique encore
significative en Afrique subsaharienne, même si sa position a
reculé au profit de la Chine.
La France se doit aussi de protéger ses ressortissants
présents dans les pays de la bande sahélo-saharienne : il y
a près de 15 000 français dans les pays du G5 Sahel en 2019,
d'après le Ministère de l'Europe et des affaires
étrangères. Ceux-ci font figure de cibles
privilégiées des groupuscules terroristes, et sont menacés
par les désirs de vengeance de ceux qui sont opposés à la
présence de la France sur leur sol.
Pour la France, l'opération Barkhane est
également l'occasion de reprendre pied en Afrique subsaharienne et de
réaffirmer sa capacité à assumer un rôle de
puissance-cadre et des compétences de « hard power »
dans un espace où elle n'a jamais véritablement été
contestée, en dépit de la normalisation de ses relations avec ses
partenaires africains après la guerre froide. A cet égard, le
Mali faisait jusqu'ici office de pays modèle de la francophonie,
partiellement émancipé du système de la
« Françafrique » en refusant depuis son
indépendance la signature d'accords de défense avec la France, et
les élites maliennes se soumettaient à des élections
apparemment libres et régulières depuis 1991. Mais la
dégradation de la situation sociale, politique et économique et
sécuritaire ont donné l'occasion à la France de renouer
avec une présence musclée durable en Afrique, en
réactivant le dispositif militaire français présent en
Afrique hérité de la décolonisation et de la guerre froide
(bases militaire au Sénégal, Côte d'Ivoire, Tchad,
Djibouti, troupes françaises pré-positionnées,etc.). A la
suite de l'intervention militaire au Mali et au déploiement de
l'opération Barkhane, il semble que la France ait renforcé sa
prééminence en tant que puissance tutélaire de la bande
sahélo-saharienne en signant finalement des accords de
coopération de défense avec le Mali en 2014, puis avec le Burkina
Faso en 2015. La présence française au Sahel répond ainsi
à une volonté géopolitique de réinvestir son
pré-carré en passant par le volet militaro-sécuritaire,
quitte à renouer avec une posture dénoncée comme
« néocoloniale » par une partie de l `opinion
publique africaine méfiante à son égard et envers les
régimes qu'elle soutien au Sahel.
La stratégie française dans la
bande-sahélo-saharienne est donc dominée par un prisme
sécuritaire, à la fois pour des raisons historiques et
politiques. La « guerre contre le terrorisme » et les
violences extrémistes au Sahel ont servi à justifier un
déploiement massif de l'armée française, sur un espace
opérationnel régional inédit, appuyé par les
Etats-Unis, l'ONU et l'Union européenne. La France possède des
intérêts économiques, politiques et sécuritaires
certains dans la région sahélienne. Les deux premières
années de déploiement de l'opération Serval ont
été un succès, mais l'opération Barkhane
présente aujourd'hui un bilan mitigé : elle a certes permis
l'élimination de plusieurs chefs djihadistes qui opéraient au
Mali, au Niger et la sauvegarde des régimes en place, mais la situation
sécuritaire s'est néanmoins continuellement
dégradée depuis 2014. Avec 4500 soldats pour couvrir une zone
désertique de 5 millions de kilomètres carrés, la
dispersion des djihadistes dans l'ensemble de la région, la faiblesse
des pouvoirs régaliens en place, la dégradation de la situation
économique des Etats du G5 Sahel et l'hostilité croissante de
certaines populations envers la présence française, qui la
perçoivent de plus en plus comme une force d'occupation et qu'elles
soupçonnent de promouvoir un agenda laïc voire antimusulman, font
craindre à de nombreux observateurs le risque d'un enlisement
français au Sahel.
Figure 16 -L'environnement
stratégique de l'opération Barkhane au Sahel
Au Mali, l'insécurité s'est propagée dans
le centre du pays, et le processus politique issu des accords d'Alger semble
aujourd'hui au point mort, ce qui laisse présager que la crise politique
malienne est appelée à durer. Les engagements sur le terrain ont
aussi mis en évidence les limites et les contradictions de la
politique française de lutte contre le terrorisme au Sahel. D'un
côté, les discours officiels de la présidence de la
République mettent l'accent sur le caractère transnational d'une
menace sécuritaire qui proviendrait du monde arabe et de la
prolifération dans le sud du Sahara des groupes affiliés à
l'Etat islamique et Al-Qaïda. De l'autre, l'armée
française a été spécifiquement
déployée dans des pays francophones d'Afrique de l'Ouest, en
l'occurrence ceux avec qui avaient été signés des accords
de défense. Cette approche néglige la partie orientale du Sahel,
à l'exception de brèbes de brèves incursions des forces
françaises en direction de la Somalie ou de Djibouti.
2.2 Les efforts militaires de la
France au Sahel surpassent ses efforts de financement du
développement
De cette vision principalement sécuritaire de
l'intervention française découle un déséquilibre
entre les efforts en matière de sécurité de la France et
ceux engagés pour le financement du développement. En ce qui
concerne les dépenses militaires, au sein du budget du Ministère
des armées, les crédits alloués aux opérations
extérieures de la France sont votés selon les dépenses
mises en oeuvre l'année du vote du budget ainsi que des projets de
déploiement et/ou de retraits de troupes. La provision
budgétaire, inscrite dans la loi de finances initiale, est
destinée à financer les dépenses supplémentaires
qui sont liées à de nouvelles opérations
extérieures non-prévues. Il est ainsi fréquent que le
budget prévu et voté soit en inadéquation avec les
dépenses réelles effectuées en cours d'année.
Pour 2014, le gouvernement prévoyait une diminution du
coût des opérations extérieures avec le retrait des troupes
françaises d'Afghanistan et du Mali. Au final, la dégradation de
l'environnement sécuritaire malien au cours de l'année 2013 a
rendu nécessaire le maintien de l'armée française sur
place.
Figure 17- Provisions et
surcoûts des OPEX 2009- 2017
Source : projets de loi de finance (2009-2017)
Alors que la loi de programmation militaire prévoyait
un coût des OPEX de 450 millions d'euros sur la période 2014-2019,
les dépenses réelles effectuées au titre des OPEX ont
été de 1,11 milliards d'euros en 2014, 1,09 milliard en 2015 et
1,17 milliards en 2016. Cette hausse des dépenses provient de
l'accroissement des surcoûts liés aux opérations
françaises dans le Sahel : jusqu'en 2012, les OPEX
françaises dans la bande sahélo-saharienne ne
représentaient qu'une faible part des dépenses de l'Etat dans les
opérations extérieures, la France n'étant présente
dans la région qu'au travers des opérations Epervier et
EUFORTCHAD au Tchad. A partir de 2013, la France s'implique davantage dans la
bande sahélo-saharienne au travers de l'opération Serval et du
déploiement de la MINUSMA et de l'EUTM Mali, faisant du Sahel le
principal théâtre d'opération des forces françaises.
La figure ci-dessous met en évidence l'importance prise par le Sahel
dans les dépenses militaires françaises à partir de
2013.
Figure 18 - Dépenses
militaires françaises au Sahel 2009-2017
Source projet de loi de finances 2009-2017
L'opération Barkhane est ainsi la deuxième
intervention extérieure en termes d'effectifs et de budget,
derrière la MINUSMA (à laquelle la France contribue
financièrement à hauteur de 7%), et la première force
militaire unilatérale présente dans la bande
sahélo-saharienne. Selon les dernières données disponibles
dans les projets de loi de finances 2019, les dépenses militaires de la
France dans la bande sahélo-saharienne se sont élevées
à 689 millions d'euros en 2017, ce qui représente 50% du total
des dépenses militaires de la France pour cette même année.
En 2015, la France assumait par ailleurs 45% de l'effort militaire de
l'ensemble de la communauté internationale au Sahel, en incluant les
dépenses militaires des pays du G5 Sahel. Cela illustre la très
forte implication militaire de la France au Sahel ainsi que la dominance du
prisme sécuritaire dans la politique sahélo-saharienne de la
France par rapport aux autres acteurs internationaux.
Il est par ailleurs intéressant de comparer les
dépenses militaires de la France dans la bande sahélo-saharienne
avec les flux d'aide publique au développement qu'elle accorde aux pays
du G5 Sahel. Cela permet d'estimer l'importance accordée par la France
aux enjeux de développement dans la région et d'y mesurer ses
efforts réels en matière de stabilisation d'une zone en proie
à de nombreuses vulnérabilités de développement. La
stratégie sahélienne de la France repose, à l'instar de la
stratégie européenne, sur l'articulation entre les «
3D », à savoir, « Diplomate, Défense,
Développement ». Au delà des discours politiques, on
peut ainsi se demander quelle est l'importance accordée au Sahel dans la
politique d'aide au développement de la France, et si celle ci est en
adéquation avec son implication militaire dans la région.
Sur la période 2009-2017, au début de laquelle
la France est présente en OPEX au Sahel au Tchad, la France a
alloué 2,6 milliards de dollars d'aide publique programmable brute par
le canal bilatéral aux cinq pays de la bande sahélo-saharienne.
Dans le même temps, ses dépenses militaires dans le Sahel
s'élèvent à 4,1 milliards de dollars. Pour l'année
2017, les dépenses militaires françaises au Sahel se chiffrent
à 778 millions de dollars, pour une aide bilatérale programmable
de 360 millions de dollars.
Figure 19 - Comparaison
entre l'aide bilatérale de la Franceaux Etats du Sahel et ses
dépenses militaires dans la région
Source : Projets de loi de finance (2010-2017) ;
donnnées de l'OCDE
Le coût de l'effort militaire français est donc
bien supérieur à ses versements d'aide bilatérale
programmable. Ce déséquilibre est persistant depuis
l'intervention française au Mali, et risque de confiner la France dans
un rôle de gendarme de la bande sahélo-saharienne,
reléguant ses relais de coopération pour le développement
au second plan. D'autres puissances joueraient ainsi un rôle de bailleur
et de financeurs du développement, un partage des tâches qui peut
potentiellement nuire à la présence française au Sahel, si
celle-ci n'est perçue que comme une force militaire
déconnectée des enjeux de développement de la
région.
La France place pourtant depuis plusieurs années les
Etats du Sahel sur sa liste des pays prioritaires de sa politique de
coopération pour le développement, mais cela ne se transcrit pas
dans les montants alloués à ces pays. En 2017, l'aide publique au
développement nette totale (bilatérale et multilatérale)
de la France a représenté 10,3 milliards d'euros (11,4 milliards
de dollars). Elle est le cinquième bailleur bilatéral en termes
de montant d'aide publique déclaré. Cependant, son aide publique
au développement représente 0,43% de son revenu national brut en
2017, loin de la cible des 0,7% définie par l'ONU. Pour 2017, la France
n'a alloué que 4,9 % de son APD totale aux Etats de la bande
sahélo-saharienne, et 5,3 % de son aide bilatérale.
Il semble par ailleurs qu'en dépit des discours et des
publications du comité interministériel pour la
coopération et le développement, la bande
sahélo-saharienne ne fasse pas partie des priorités de la
politique d'aide publique au développement de la France en Afrique
subsaharienne : la part de l'aide bilatérale versée au
Burkina Faso, au Mali, au Niger, à la Mauritanie et au Tchad en 2017
représentait seulement 16% de l'APD totale de la France à
l'Afrique subsaharienne, et 22% de son aide bilatérale. De
manière générale, la part de l'aide bilatérale
allouée par la France à l'Afrique subsaharienne a fortement
diminué depuis le début de la décennie 2000, une tendance
suivie par les versements alloués aux cinq états de la bande
sahélo-saharienne. En 2002, la part de l'aide bilatérale
allouée à l'Afrique subsaharienne était de 53%, contre 23%
en 2017.
Figure 20 - Part de l'aide bilatérale
allouée à l'Afrique subsaharienne depuis 1990
Source des données : OCDE
Aussi, aucun pays de la bande sahélo-saharienne ne
figure parmi les dix premiers récipiendaires de l'aide bilatérale
française en 2017. Le Mali figure en 15ème place, le Tchad en
16ème place, le Burkina Faso en 19ème
place, le Niger à la 22ème place et la Mauritanie
à la 46ème place.
Figure 21 -
Répartition géographique de l'aide bilatérale
française en 2017
Réalisé avec QGIS. Source des
données : OCDE
Figure 22 - Les dix
premiers bénéficiaires de l'aide bilatérale nette de la
France en 2017 (en millions de dollars)
Source des données : OCDE
Depuis le début de la crise sahélienne et
l'engagement militaire de la France en 2013, jusqu'en 2017, il semble que peu
d'impulsions aient été données pour réorienter la
politique d'aide au développement vers les pays de la bande
sahélo-saharienne. Ceux-ci ne semblaient pas faire partie des cibles
prioritaires de l'aide bilatérale française sur 2013-2017,
période au cours de laquelle sont engagées successivement les
opérations Serval et Barkhane : comme Etat sahélien, seul le
Mali faisait partie des dix premiers bénéficiaires de l'APD
bilatérale française sur cette période ( voir figure 25).
Figure 23 -
Répartition géographique de l'aide bilatérale
française sur 2013-2017
Réalisé avec QGIS. Source des
données : OCDE
Figure 24 - Les dix
premiers bénéficiaires de l'aide publique au développement
bilatérale française sur 2017-2022(en millions de dollars)
Figure 25 - Les dix
premiers bénéficiaires africains de l'APD bilatérale
française sur 2013-2017
Source des données : OCDE
En outre, les versements de l'aide multilatérale de la
France au pays sahéliens n'étaient que de 152 millions d'euros
en 2017, soit seulement 3,2 % de l'aide multilatérale
française.
Paradoxalement, les orientations de l'aide publique au
développement de la France ne sont pas alignées avec les efforts
militaires et sécuritaires qu'elle fournit dans la bande
sahélo-saharienne. Les cinq Etats du Sahel n'ont pas réellement
été priorisés jusqu'ici par l'aide française ?
Il existe par conséquent un décalage important entre l'importance
géostratégique et géopolitique de la
bande-sahélo-saharienne pour la France et le ciblage géographique
de son aide publique au développement. Comment peut-on expliquer
cela ?
2.3 L'aide publique au
développement de la France est devenue inadaptée à
l'assistance aux Etats sahéliens
Ce décalage peut s'expliquer selon plusieurs facteurs
qui tiennent à la fois à l'organisation de l'aide
française et à sa structure. Comme pour l'ensemble des bailleurs
du Comité d'aide au développement de l' OCDE, les montants
affichés par la France en matière d'aide publique au
développement sont trompeurs : si elle est bien le cinquième
donateur mondial en 2017 avec 10,3 milliards d'euros, l'effort
budgétaire effectif de la France en matière d'aide au
développement en 2017 est de l'ordre de 3 milliards d'euros. Cela
provient du fait que la comptabilisation des flux d'aide par le Comité
d'aide au développement comprend de nombreuses opérations
financières qui ne sont pas effectivement allouables
géographiquement (frais d'écolages, couts des
réfugiés, frais administratifs). Le budget effectif que la France
alloue à la politique d'assistance économique et
financière pour le développement est donc bien moindre que les
montants affichés, qui respectent les critères du CAD, mais qui
autorisent également des subtilités statistiques qui viennent
augmenter les chiffres de l'aide au développement.
Dans cet effort budgétaire, la France se distingue des
autres grands bailleurs par un recours plus important aux canaux
multilatéraux pour distribuer son aide publique au développement.
A titre d'exemple, sur un effort budgétaire de 2,8 milliards d'euros en
201840(*), les
institutions onusiennes, l'Union européenne et les banques
multilatérales de développement recevaient ainsi 1,6 milliards
d'euros de crédits de la France en 2018. Budgétairement parlant,
l'aide multilatérale compose ainsi 57% des crédits de la mission
« aide au développement » en 2018. Ce choix remonte
aux années 1980-1990, au moment où la politique africaine de la
France amorce une sortie du « pacte colonial » et se
désengage financièrement de l'Afrique subsaharienne au profit de
la coopération avec l'Union européenne et des institutions
internationales telles que le FMI et la Banque mondiale.
Dans le même temps, la France a réaligné
ses secteurs d'interventions sur les priorités de l'Union
européenne et le financement des biens publics mondiaux (environnement,
gouvernance, démocratie, respect des droits de l'Homme). Cette
réorientation de la coopération vers le multilatéralisme
se traduit politiquement par le discours prononcé par François
Mitterrand à la Baule en 1990, qui conditionne l'aide publique au
développement de la France aux pays africains à la
démocratisation des régimes politiques du continent, et par la
« doctrine Balladur » de 1994, par laquelle la France
soumet l'allocation de son aide au développement au respect des
conditionnalités du FMI et l'entreprise de programmes d'ajustements
structurels. L'aide multilatérale a dès lors pris une part
croissante dans les flux d'APD de la France. Alors qu'elle représentait
13% de l'aide totale en 1990, elle en représente près de 40% en
2017. Celle-ci a contribué en partie à réorienter l'aide
au développement de la France vers d'autres géographies comme
l'Asie orientale et l'espace méditerranéen, qui apparaissent dans
les orientations géographiques du CICID de 1998, ainsi que les pays
d'Europe de l'Est et la CEI qui ont fait l'objet d'une attention
particulière de la politique de coopération des institutions
européennes dans le cadre de la politique de voisinage en vue leur
intégration au marché commun.
Figure 26 - Evolution de
l'aide multilatérale dans l'APD totale de la France sur 1990-2017 (en
millions de dollars)
Source : données de l'OCDE
Mais la multilatéralisation accrue de l'aide au
développement de la France, a eu pour conséquence d'affaiblir la
capacité de piloter et d'orienter les fonds vers les régions et
les secteurs stratégiques pour la France. L'aide multilatérale
présente des faiblesses importantes qui sont de nature, d'après
Serge Michailof, ancien directeur des opérations à l'AFD et
spécialiste de l'aide au développement passé par la Banque
mondiale, à remettre en cause le bien fondé d'une allocation
multilatérale aussi importante pour l'aide française : les
institutions internationales souffrent d'après lui d'une expertise
inadaptée dans beaucoup de pays francophones, d'un éloignement du
terrain et d'une approche techno-administrative du
développement41(*).
La barrière de la langue est également un handicap pour certaines
institutions qui ne peuvent s'appuyer que sur un petit nombre d'experts
francophones pour mener des missions dans les Etats sahéliens. Le
désintérêt historique et le manque d'expertise de ces
institutions sur l'un des enjeux critiques pour les Etats subsahariens que sont
les questions de développement agricole et rural, rend leurs
interventions inadaptées aux attentes et besoins urgents des populations
sahéliennes. Alors que l'Union européenne est le principal canal
multilatéral par lequel transite l'aide française, elle
sous-traite souvent certaines missions dans le domaine agricole,
éducatif et sanitaire à l'AFD, qui dispose d'une expertise
historique sur ces questions et d'une meilleure connaissances des enjeux et des
territoires africains que l'UE. L'aide multilatérale est par ailleurs
fortement dispersée et n'est pas en lien avec les priorités
géopolitiques de la France au Sahel, conséquence de la
multiplication des fonds et des initiatives multilatérales auxquels
concourent la France, de la complexité de leurs interactions de leurs
articulations, les priorités géographiques concurrentes ainsi de
la lourdeur administrative des institutions internationales. En outre, la
France utilise très peu le canal extra-budgétaire
(« non-core financing »), qui permet de flécher des
contributions multilatérales vers des zones ou pays particuliers. L'aide
multilatérale fléchée vers les pays du Sahel ne
représentait ainsi que 14 millions d'euros en 2014. En 2017, l'aide
multilatérale de la France, d'un montant de 4,6 milliards d'euros, se
répartissait selon la figure ci-dessous :
Figure 27 -
Répartition géographique de l'aide multilatérale
française en 2017
Réalisé avec QGIS. Source des
données : OCDE
Parmi les dix premiers pays récipiendaires de l'aide
multilatérale de la France, en 2017, il n'y avait aucun pays
Sahélien, et seul le Sénégal y est présent en tant
que pays pauvres prioritaires défini par le CICID de 2016. Les Etats
d'Afrique de l'Est anglophones sont, l'Inde, la Turquie et le Maroc sont parmi
les principaux bénéficiaires de l'aide multilatérale, ce
qui traduit la forte dispersion des crédits transitant par ces canaux
vers différentes régions du monde (Asie, Maghreb, Proche-Orient,
Afrique de l'Est). Le recours accru au canal multilatéral ne permet donc
pas de cibler les pays prioritaires de l'Afrique de l'ouest francophone, et a
fortiori les Etats sahéliens (voir figure 28). En 2017, le Mali
était seulement le 19ème récipiendaire d'aide
française multilatérale avec 54 millions d'euros, et le premier
Etat sahélien ciblé par l'aide multilatérale.
Figure 28 - Les dix
principaux récipiendaires de l'aide multilatérale
française ( en millions de dollars)
.
Source des données : OCDE
Un second élément qui rend difficile le ciblage
de l'aide publique au développement française concerne les
modalités d'allocation de l'aide bilatérale. Cela concerne en
particulier à un choix politique et budgétaire qui remonte
à une vingtaine d'années par les pouvoirs publics d'avoir recours
aux de prêts concessionnels comme instruments privilégiés
de l'aide bilatérale plutôt qu'aux dons-projets.
Si l'on reprend l'exemple des crédits
budgétaires programmés pour 2018 dans la loi de finance, la
mission « aide publique au développement »
s'élève à 2,8 milliards d'euros, dont 1,6 milliards
d'euros qui transitent par les canaux multilatéraux, ce qui laisse 1,2
milliards d''aide bilatérale que la France peut allouer à ses
pays prioritaires. Sur ces 1,2 milliards, qui transitent principalement par
l'Agence française de développement, les ressources en
dons-projets s'élèvent à 280 millions d `euros pour
les 19 pays prioritaires de l'aide française (soit une moyenne de 15
millions d'euros par pays par an). Ces montants sont largement insuffisants
pour financer des actions de développement tangibles au Sahel : les
cinq pays de la bande sahélo-saharienne ont seulement reçu en
moyenne 60 millions d'euros par an depuis 2010, des montants très
faibles au regard des besoins des pays et des populations de la bande
sahélo-saharienne. Ceci alors que près de 4000 soldats
français y sont déployés depuis 2013 dans le cadre de
l'une des plus grandes opérations militaires mise sur pied par la France
après la guerre froide. L'aide bilatérale française est
par conséquent du « saupoudrage » sur les pays
prioritaires de la coopération pour le développement, ce qui ne
lui permet pas jusqu'ici d'avoir une véritable stratégie d'appui
bilatéral significatif pour une zone d'importance stratégique
comme le Sahel. Ceci est une conséquence de l'insuffisante dotation en
dons de l'AFD par rapport aux prêts.
Figure 29 - Evolution de
la part des versements des prêts bruts et des dons dans l'aide de type
projet allouable sur des géographies et des secteurs spécifiques
sur 2006-2017 ( en millions de dollars)
Source des données : OCDE
Le recours privilégié aux prêts dans
l'aide bilatérale n'a jamais fait l'objet d'un arbitrage politique
explicite. Il est possible que les raisons de ce choix résultent d'une
volonté de la part des pouvoirs publics, en particulier des
ministères économiques et financiers, de maximiser le volume
d'aide déclaré tout en minimisant le coût pour les finances
publiques. La conversion de l'AFD au logiciel néo-libéral dans
les années 1990, et son double statut spécifique
d'établissement public à caractère industriel et
commercial (EPIC) et d'établissement de crédit, qui lui permet
d'émettre des obligations pour financer ses prêts, a
contribué à faire du prêt l'instrument-phare de l'aide
française. Les prêts concessionnels permettent en effet à
l'AFD de bénéficier d'un important d'effet de levier, pour lequel
1 euro de crédit budgétaire sous forme de prêt
« fabrique » entre 10 et 12 euros d'aide publique au
développement brute42(*). Les prêts disposent certes de certains
avantages : ils peuvent s'auto-alimenter grâce aux remboursements
des pays en développement, incitent davantage à la discipline
budgétaire, et permet de lisser plus rapidement les effets de la
conjoncture économique car plus facilement mobilisables que les
dons43(*). Cependant,
accorder des prêts implique un remboursement au bailleur, qu'il n'est
raisonnable d'attendre que de la part de pays disposant d'une capacité
de gestion et d'un niveau de développement déjà solide, ce
qui ne correspond pas à la situation des Etats subsahariens, qui ont par
ailleurs fait l'objet d'initiatives de désendettement massif dans les
années 1990 (initiative dite « pays pauvres très
endettés » - PPTE).
Le recours accru aux prêts a ainsi éloigné
l'aide au développement bilatérale française de l'Afrique
subsaharienne et francophone pour se tourner davantage vers les pays
émergents ( Brésil, Mexique, Afrique du Sud, Inde, Turquie), les
pays asiatiques et les pays les plus développés d'Afrique de
l'Est. En 2017, les principaux bénéficiaires de l'aide
bilatérale française sont aussi les principaux
bénéficiaires de prêts concessionnels. La différence
des montants d'aide projets accordés sous forme de prêts et de
dons en 2017 est saisissante (voir figure ci-dessous). Si trois pays
sahéliens figurent parmi les dix pays les plus aidés par les
dons-projets bilatéraux, les montants accordés sont très
faibles par rapport aux montants accordés en prêts. Le Mali a
reçu 16 millions de dollars en aide projet bilatérale de la part
de la France en 2017. Seul un pays d'Afrique subsaharienne francophone , le
Cameroun, fait partie des dix premiers bénéficiaires de
l'aide-projet sous forme de prêts, les autres étant des pays
d'Asie du Sud-Est, d'Amérique latine ou du Proche-Orient.
Figure 30 - Comparaison des
dix premiers bénéficiaires de prêts et des dix premiers
bénéficiaires de dons bilatéraux sur de l'aide-projet en
2017 (en millions de dollars)
Source des données : OCDE
La prépondérance des prêts et
l'insuffisance des dons ont par ailleurs des conséquences sur la
capacité de la France à peser dans les orientations des
institutions multilatérales de développement. La faiblesse des
dotations en dons et en subventions ne permet pas à la France d'orienter
les projets des organisations internationales vers les pays prioritaires, qui
exigent des co-financements subventionnés (où il suffirait
d'apporter 15% du financement total pour être en mesure de l'orienter).
Au contraire, les Britanniques, par exemple, sont habiles à se servir de
l'effet de levier de subventions plus importantes et sont ainsi capables de
mobiliser des sommes importantes dans les pays qu'ils considèrent comme
prioritaires en bilatéral comme en multilatéral44(*) (voir figure ci-dessous)
Figure 31- Comparaison des
montant en dons sur de l'aide projet entre la France et le Royaume-Uni - 10
premiers bénéficiaires respectifs (en millions de dollars)
Source des données : OCDE
De par la préférence budgétaire accrue
accordée au canal multilatéral d'une part, et la
prévalence des prêts concessionnels par rapport aux dons-projets
sur le volet bilatéral d'autre part, la politique d'aide au
développement française a été «
dé-géopolitisée » Elle s'est retrouvée
ainsi démunie pour faire face aux besoins des Etats sahéliens au
début de la crise de 2013. Sur le plan géographique, l'aide
française s'est mondialisée en allant cibler des pays hors du
champ d'influence traditionnel de la France, dont des pays émergents et
des pays à revenu intermédiaire auxquels la France pouvait
accorder des prêts. Sur le plan sectoriel, conséquence de sa
multilatéralisation accrue, elle s'est alignée sur le financement
des biens publics mondiaux promus par l'UE et les institutions
multilatérales, au détriment du financement de certains
secteurs-clés pour les Etats sahéliens comme le
développement rural. L'insuffisance de ses ressources en dons pour
alimenter de l'aide-projet bilatérale et des co-financements
multilatéraux a amoindri l'importance de son soutien aux états
fragiles et diminue l'effet de levier de son aide publique au
développement.
Ces caractéristiques de l'aide française
rendaient celle-ci inadaptée au contexte et aux besoins des Etats de la
bande sahélo-saharienne. Considérés comme des pays
prioritaires de l'aide, Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad sont
dans les faits marginalisés par une politique d'aide au
développement française conditionnée par des choix
politiques anciens et discutables.
Malgré ces fortes contraintes l'AFD est parvenue depuis
quelques années à recentrer une partie de ses efforts sur
l'Afrique et sur le Sahel, en compensant l'insuffisance de ressources en dons
en prêtant à des pays dont la soutenabilité de la dette est
cependant incertaine, et en négociant des délégations de
gestion de fonds de l'Union Européenne, de l'Allemagne et de la Grande
Bretagne, parfois au prix d'une complexification administrative et d'un manque
de rapidité dans les décaissements.
Ainsi, à l'heure ou le Sahel est devenu un
théâtre d'opération militaire dont l'importance
géostratégique s'est réaffirmée pour la France,
l'aide publique au développement française n'a été
pas réellement orientée pour prendre en compte ses
intérêts géopolitiques dans la région. Il existe
donc bien un déséquilibre dans l'approche des « 3
D », avec une faiblesse et une inadéquation du volet
développement par rapport au volet défense et aux
intérêts diplomatiques et stratégiques de la France au
Sahel. Cela risque de porter atteinte à la présence
française dans la région, perçue de plus en plus par
certaines franges de la population commune une force d'occupation, et qui forme
un terreau favorable à la persistance de la violence et des conflits
dans la bande sahélienne. Le modèle de coopération
français est aujourd'hui un modèle parmi d'autres au Sahel,
concurrencé par les financements de l'UE et de ses Etats membres,
l'émergence du bailleur américain dans la région depuis
les années 2000 et la récente diplomatie du développement
et des prêts de la Chine.
III - Vers une inflexion de la
politique de coopération de la France en faveur du Sahel
3.1 Les nouvelles orientations de
la politique de développement de la France
3.1.1 Les nouvelles orientations encourageantes du CICID
2018
Les caractéristiques atypiques de l'aide
française que sont l'importance du canal multilatéral et la
prééminence des prêts concessionnels dans l'aide
bilatérale sont connues et ont déjà fait l'objet de six
rapports parlementaires demandant une réorganisation de la politique
d'aide au développement et de ses canaux ainsi qu'une
réorientation stratégique de l'aide française vers les
pays pauvres prioritaires, en proposant d'accroître la part des dons et
des subventions dans le budget de l'Etat. Ces rapports n'avaient jusqu'ici pas
été pris en compte au sommet de l'Etat, en dépit du manque
de satisfaction généré par la situation de l'aide
française auprès des parlementaires, des ONG et des
spécialistes du développement international45(*). Sous la présidence de
François Hollande, les questions sahéliennes ont d'abord
été abordées sous un prisme militaire et
sécuritaire, laissant peu de marges de manoeuvre pour une
redéfinition de la politique de développement de la France en
faveur de la région.
L'arrivée d'Emmanuel Macron à la
présidence de la République en 2017 a semble-t-il fait
évoluer la situation. Le nouveau chef de l'Etat s'est engagé en
juillet 2017 à porter l'aide publique au développement de la
France à 0,55% du revenu national brut (RNB) à l'horizon 2022,
alors qu'elle représentait 0,42% en en 2017.Cela implique un effort
budgétaire majeur sur la mission « aide publique au
développement ». Le président de la République a
également fait montre d'une volonté politique de remettre l'aide
publique au développement au service des pays les plus fragiles et des
pays prioritaires de la coopération française.
Les objectifs fixés par la nouvelle présidence
de la République, au défaut d'être inscrits dans la loi de
finances 2018 (votée en 2017), se sont vus reflétés dans
les conclusions et les orientations du CICID qui s'est réuni en
février 2018. A cette occasion, des orientations prometteuses ont
été dégagées, en particulier concernant la
répartition de la distribution de l'aide entre le canal bilatéral
et le canal multilatéral46(*). Celle-ci a en effet été
redéfinie au bénéfice du bilatéral : les
conclusions du CICID visent à ce que l'accroissement de l'aide publique
au développement bénéficie au deux-tiers au canal
bilatéral et un tiers pour le canal multilatéral. De plus, les
conclusions du CICID précisent que les dotations en dons de l'AFD pour
des projets bilatéraux devront être augmentés de 1
milliards d'euros supplémentaires en 201947(*).
Ces orientations ont bien été transcrites dans
le projet de loi de finances (PLF) 2019 : la mission aide publique au
développement a vu ses autorisations d'engagement augmenter de 1
milliard d'euros en dons à partir de 2019.,ce qui représente une
augmentation conséquence en comparaison des années
précédentes.
Figure 32 - Evolution des
autorisations d'engagements en dons de l'AFD sur 2015-2019 ( en millions
d'euros)
Sources : chiffres des projets de loi de finance
(2015-2019)
Cette mesure vise à permettre à l'AFD
d'intervenir de manière significative dans les pays pauvres où la
France dispose d'intérêts géopolitiques majeurs, et a
vocation à cibler en premier lieu les Etats de la bande
sahélo-saharienne47(*). Le CICID de 2018 a dressé les contours d'une
nouvelle matrice de la politique de développement qui se veut plus
stratégique, en se réorientant vers les dons et l'aide
bilatérale. Cela permettrait ainsi à la France de financer les
secteurs stratégiques dans ses Etats prioritaires et de reprendre le
contrôle de son aide publique multilatérale et de davantage peser
dans les décisions de financement des institutions multilatérales
de développement en bénéficiant d'un effet de levier bien
plus étendu qu'auparavant.
Ces conclusions sont par ailleurs reprises dans le rapport
parlementaire du député Hervé Berville pour la
modernisation de l'aide publique au développement, qui propose notamment
une augmentation de l'aide bilatérale, la création d'un cadre
d'un "partenariat global dans un document stratégique unique exposant la
vision de la France à long terme dès 2019 ainsi qu'une
programmation pluriannuelle des engagements financiers de la France et de sa
stratégie en matière d'aide au développement,
formalisée une loi d'orientation qui devrait être votée
à l'automne 2019.Il suggère aussi la création d'une
commission d'évaluation indépendante pour s'assurer de
l'efficacité des actions.
3.2.2 La montée en puissance de l'AFD en
Afrique : réajustements institutionnels et réorientation
géographique
Dans ce nouveau cadre de coopération, l'Agence
française de développement a donc actualisée ses
stratégies d'interventions, en assumant un accroissement de ses
engagements vers le Sahel au travers le quadruplement des dons accordés
au pays au développement, dont l'enveloppe passera donc à 1,3
milliards d'euros à partir de 2019, contre près de 300 milliards
actuellement. Cette réorientation de l'aide au développement a
donc pour objectif la sortie du « tout militaires » qui
caractérisait la stratégie française en dépit de la
promotion d'une approche globale articulant défense,
développement et diplomatie. En matière sectorielle, l'AFD
priorise désormais six secteurs d'intervention au Sahel :
développement rural, transition énergétique, inclusion
financière, santé et fertilité, et éducation. Il
s'agit pour la France de rééquilibrer son action au Sahel tout en
s'appuyant sur ses atouts en Afrique subsaharienne : l'expérience
africaine historique de l'AFD, les réseaux tissés par les
services économiques régionaux et les entreprises
françaises au Sahel, les attachés de coopération
économiques et experts fiscaux en postes dans la région. Avec le
soutien du gouvernement français, l'AFD a en outre créé un
fonds « paix et résilience » baptisé
« Minka », et lancé dans ce cadre quatre
initiatives ad hoc en juin 2018, incluses dans les dotations en dons du projet
de loi de finances de 2019, pour lui permettre d'intervenir en dons
additionnels sur la période 2017-2021 zone sahélo-saharienne,
dont deux au Sahel : l'initiative Tiwara, d'un budget d'intervention de
200 millions d'euros ciblant spécifiquement les cinq pays de la
région, et l'initiative Kouri autour du lac Tchad, dotée de 120
millions d'euros pour appuyer la stabilisation des quatre pays touchés
par les activités criminelles de Boko Haram, dont deux Etats
sahéliens couverts par l'opération Barkhane : le Tchad , le
Niger, le Cameroun et le Nigeria.
Figure33 - Les nouvelles
initiatives AFD « paix et stabilité » dans le cadre
du fonds « paix et résilience »
Source : Site de l'AFD
Le dispositif français de coopération
internationale a de plus subi des ajustements afin de renforcer la
cohérence et les compétences du groupe AFD, en adéquation
avec les objectifs d'interventions fixés par le CICID de 2018. L'AFD se
voit confirmé comme l'opérateur central de la politique
française de coopération et de développement avec le
rattachement d'Expertise France à l'agence. Le rapprochement de l'AFD et
de la caisse des dépôts et consignations (CDC)
démarré fin 2016 pour mutualiser les expertises et encourager les
co-financements de projets d'envergure en Afrique dans des domaines comme
l'éducation, les infrastructures, et la santé, peut
également être analysé comme une volonté des
pouvoirs publics de donner des relais financiers supplémentaires
à la politique de coopération de la France dans les zones
prioritaires. En avril 2017, les deux institutions ont par exemple
abondé un fonds de 600 millions d'euros (financé à hauteur
de 500 millions d'euros par la CDC et 100 millions d'euros par l'AFD)
destiné à soutenir l'investissement des autorités du
Burkina Faso dans les secteurs de l'énergie, des transports, de
l'accès à l'eau et de la politique de santé et d
éducation.
L'importance accrue du volet développement dans la
politique sahélo-saharienne de la France, outre le traitement des
fragilités socio-économiques du Sahel, vise dans le même
temps à gagner les coeurs et les esprits des populations
sahéliennes qui n'ont vu que peu d'améliorations sur le plan
sécuritaire depuis le déploiement de l'opération
Barkhane48(*). L'objectif
stratégique du surcroît d'aide publique au développement
pour la France est de faire accepter le déploiement de ses forces,
éviter les ralliements aux forces rebelles et djihadistes et juguler les
flux migratoires à destination de l'Europe.
3.3.3 Un ambassadeur de la France au Sahel
La dimension politico-diplomatique de la politique
sahélienne de la France s'est vue renforcée par la nomination en
août 2017 d'un « ambassadeur envoyé spécial pour
le Sahel », en la personne de Jean-Marc Châtaignier. La
nomination de ce haut-fonctionnaire spécialiste de l'Afrique ancien
ambassadeur à Madagascar, passé par le Ministère de la
Coopération, les cabinets ministériels de la coopération
et de la francophonie et l'institut de recherche pour le développement
(IRD) illustre l'importance nouvelle accordée par la France à un
équilibre de son action dans la bande sahélo-saharienne. Ce
nouvel ambassadeur pour le Sahel est à l'interface des différents
réseaux français qui oeuvrent pour le développement et la
pacification de la région.
Le rôle de l'ambassadeur au Sahel, inédit dans
l'histoire de la diplomatie française, est ainsi de coordonner les
efforts de la France en matière de sécurité et de
développement dans la zone couverte par l'intervention Barkhane, tout en
maintenant un contact diplomatique privilégié avec les capitales
sahéliennes pour favoriser le règlement politique des conflits
qui agitent la région, en particulier en poussant à la mise en
oeuvre des accords d'Alger de 2015 au Mali. Sa création témoigne
d'une volonté de la France de peser de tout son poids diplomatique pour
articuler les différentes dimensions d'une action sahélienne
stratégique et significative pour les Etats sahéliens49(*).
Depuis 2017, la France semble ainsi mettre sur pied une
approche stratégique de sa politique sahélo-saharienne en mettant
en y impulsant l'adéquation ses priorités diplomatiques et ses
ressources financières pour le développement avec sa forte
implication militaire dans la région. La politique d'aide publique au
développement de la France, auparavant sans ligne stratégique
précise, se redéploie selon une nouvelle matrice
bilatérale favorisant les dons et s'aligne ainsi sur les
priorités géopolitiques de la France au Sahel. Mais la France ne
renforce pas seulement ses politiques et ses relais nationaux. Sur le plan
multilatéral, Paris est à l'origine de la création de
l'Alliance Sahel » en 2017, une initiative de coordination des
bailleurs internationaux et des projets de développement dans la zone
sahélo-saharienne, pensée comme le pendant «
développement » de la force G5 Sahel.
3.2. L'Alliance pour le Sahel, une
projection multilatérale des intérêts géopolitiques
français au Sahel
3.2.1. Une tentative de coordination multilatérale
pour le développement dans la bande sahélo-saharienne
La prise de conscience par la France, en première ligne
au Sahel, et ses alliés européens que la résolution des
crises que connaît la région ne passera que par une approche
combinant actions sécuritaires et soutien au développement, a
poussé Paris et Berlin à lancer en juillet 2017
l' « Alliance pour le Sahel ». Cette initiative
rassemble une douzaine de bailleurs internationaux : la France,
l'Allemagne, l'UE, le Programme de développement des Nations Unies
(PNUD), la Banque mondiale, auxquels sont venus se joindre le Royaume-Uni
l'Italie, l'Espagne, le Danemark, le Luxembourg.et les Pays-Bas. Celle-ci a
été créée afin d'améliorer la coordination,
la cohérence et l'efficacité de l'aide au développement
dispensée aux Etats et au populations sahéliennes. L'un des
objectifs affichés par le président de la République est
d'améliorer la perception qu'ont les populations de l'aide publique au
développement de la France et des bailleurs internationaux en
général dans la région : « tous nos efforts
en matière de sécurité seront inutiles s'ils ne
s'inscrivent pas dans un projet plus large de développement. Le lien
entre sécurité et développement ne doit pas être
martelé seulement dans les discours, il doit se matérialiser en
actions concrètes. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui nos promesses ne sont
plus entendues.»
Figure 33 -
L'institutionnalisation du complexe militaro-humanitaire au Sahel
Réalisé avec QGIS
Le mandat de cette initiative multilatérale recoupe le
périmètre d'action militaire de l'opération Barkhane et
des forces du Mali, du Niger du Burkina Faso et du Tchad réunies au sein
de la force anti-terroriste du G5 Sahel. Cette coopération entre
l'Alliance et le G5 s'est institutionnalisée à l'occasion de la
signature entre ces deux entités d'un protocole d'accord, le 30 octobre
2018 à Niamey, est la première tentative d'une
opérationnalisation du nexus «
sécurité-développement » constamment mis en avant
dans les stratégies des bailleurs internationaux, en particuliers
européens, sans implications concrètes jusqu'ici. L'ambition est
d'encourager des dynamiques de développement au plus près des
zones d'opérations militaires afin de fidéliser les populations
locales, de répondre à leurs besoins urgents en matière de
développement et de marginaliser les groupes djihadistes qui
opèrent au Sahel. Elle dispose aujourd'hui d'un portefeuille de
financement de 11 milliards d'euros qui doit soutenir près de 750
projets dans les Etats du G5 Sahel à l'horizon 2022. La France y
contribue à hauteur de 1,6 milliards sur cette période50(*).
Figure 34 - Contribution de
la France au portefeuille d'intervention de l'Alliance Sahel sur 2020-2022 (en
milliards d'euros)
Source : site de l'Alliance Sahel
L'Alliance cible en particulier les anciens bastions
djihadistes du Mali et les régions transfrontalières dont la
porosité favorise les trafics illicites, la circulations et
l'implantation des djihadistes : région des Hodh en Mauritanie,
région de Konna au Mali, nord du Burkina Faso (zone des trois
frontières), région de Tillabéry et de l'ouest de Tahoua
au Niger et bassin du lac Tchad51(*).
En ayant appelé les principaux bailleurs internationaux
à contribuer à cette plate-forme de coordination, la France a
acté définitivement son rôle de
« puissance-cadre » dans la région sahélienne
pour la coordination des efforts de la communauté internationale en
matière de développement. Les importantes dépenses
militaires de la France dans le cadre de l'opération Barkhane font de
Paris l'acteur incontournable pour mettre en oeuvre les synergies entre les
actions sécuritaires, diplomatiques et les efforts de
développement. La création de l'Alliance Sahel découle
à la fois du leadership français sur le plan militaire au Sahel,
et de la nouvelle stratégie régionale de l'AFD qui cible en
priorité les Etats sahéliens, conformément aux impulsions
données au niveau du CICID et ses conséquences décrites
précédemment. L'AFD ainsi agit en pilote de l'Alliance Sahel dans
la mesure où elle héberge l'unité de coordination de
l'Alliance (UCA). C'est à l'AFD qu'échoit par conséquent
la responsabilité de coordonner les actions et stratégies des
autres bailleurs dans la région, tout en leur apportant son expertise et
sa connaissance particulière des enjeux et des besoins des pays du Sahel
francophone.
La volonté de la France est d'établir une
relation partenariale avec les Etats du G5 Sahel afin de favoriser la synergie
des interventions avec les interventions militaires menées sur la zone.
Les secteurs d'interventions prioritaires sur lesquels les membres de
l'Alliance concentrent leurs efforts sont d'une part les secteurs du
développement tels l'assistance au développement rural, le
soutien aux services de base et à la décentralisation,
l'éducation de la jeunesse sahélienne et l'accès à
l'énergie, et d'autre part une assistance dans le domaine
régalien et militaire avec la lutte contre la corruption et la mauvaise
gouvernance des institutions, la formation et le soutien aux forces de
sécurité nationale et l'amélioration du lien entre les
forces armées et la population sur le terrain.
3.2.2 Une initiative circonscrite à des bailleurs
européens et bailleurs multilatérauxtraditionnels
Une première remarque que l'on peut faire à la
vue de la composition de l'Alliance Sahel est qu'elle est pour le moment
circonscrite aux bailleurs d'Europe de l'Ouest, à l'Union
Européenne et aux institutions internationales traditionnelles
chargées de la promotion du développement (PNUD, BM, Banques
régionales de développement). Les efforts en faveur de la
coordination des initiatives de développement au Sahel reflètent
surtout la volonté des européens de rapprocher leurs modes
d'interventions à défaut d'une politique européenne de
développement suffisamment efficace et unifiée au Sahel.
Deuxièmement, la présence exclusive des
bailleurs d'Europe occidentale dans l'Alliance Sahel peut-être
interprétée comme la manifestation des intérêts
européens à réduire les flux d'immigrations à
destination des pays de l'Ouest. L'Alliance Sahel sert à ce titre de
vecteur d'harmonisation des politiques européennes de coopération
pour endiguer les flux migratoires vers le continent. L'Alliance Sahel est donc
en partie un instrument qui vise à accroître l'efficacité
des politiques d'externalisation de la gestion des frontières de l'UE et
de rétention des migrants par certains Etats du Sahel, en particulier le
Niger52(*)53(*). L'emploi de l'aide publique
au développement à des fins stratégiques et militaires
n'est pas l'apanage des Français ou des Européens. Au Niger, les
Etats-Unis ont déjà par exemple déjà financé
des opérations de communication pour rapprocher les institutions
gouvernementales de la population, d'une part, et des travaux de
débroussaillage pour empêcher les combattants de Boko Haram de se
cacher dans des zones couvertes.
Troisièmement, les Etats-Unis ne font à l'heure
actuelle pas partie de l'Alliance Sahel, et en restent membre observateur.
Cette mise en retrait des Etats-Unis illustre d'une part la
fidélité de l'administration Trump à la méthode de
« l'empreinte légère en Afrique » autant
qu'elle démontre l'intérêt stratégique limité
du Sahel francophone pour les Etats-Unis, qui préfèrent voir la
France assumer le leadership de la communauté internationale sur les
questions sahéliennes. La difficulté de lire la politique
étrangère de l'administration Trump en matière d'aide au
développement, et son relatif désintérêt des pour
les questions africaines en dehors de la lutte contre le terrorisme, et sa
défiance envers les initiatives multilatérales, ne permet pour
l'instant pas de conclure que l'Alliance Sahel souffre du manque d'implication
des Etats-Unis. Ces derniers restent néanmoins présents pour
apporter leur concours à la force G5 Sahel, en promettant une enveloppe
de 60 millions de dollars supplémentaires en 2018.
Enfin, la Chine, en dépit des incitations du
président français et de la Commission européenne, se
garde bien de rejoindre l'Alliance Sahel. La dimension partenariale de
l'Alliance voulue par Paris visait non seulement à renforcer la
coopération de la France avec les Etats sahéliens, mais
également avec la puissance chinoise, qui concurrence la France dans
son pré-carré. Les tentatives de la France de faire de la Chine
un partenaire plutôt qu'un rival économique en Afrique se sont
multipliées depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir : la
France avait proposé un cadre de coopération trilatéral
« France-Chine-Afrique » en 2017, qui n'avait pas vu le
jour, faute d'intérêt marqué de la part de la Chine et des
entreprises françaises déjà présentes en
Afrique54(*). L'approche
partenariale du de la France à l'égard de la Chine sur les enjeux
africains s'est toutefois concrétisée en janvier 2018 par la
signature d'un accord-cadre de coopération entre l'AFD et la China
Développent Bank sur les enjeux climatiques en Afrique subsaharienne.
Cela semble amorcer un tournant dans la volonté française de
faire de la Chine un partenaire en insistant sur le volet du soutien au
développement à l'Afrique plutôt que sur les enjeux
commerciaux.
Cependant, la coopération chinoise avec la France est
circonscrite à un seul domaine, et la Chine n'a pas
d'intérêt à rejoindre l'Alliance Sahel : cela
impliquerait qu'elle s'aligne sur les critères d'efficacité et de
transparence de ses apports pour le développement, et qu'elle renonce
à son usage de prêts dans le cadre de sa stratégie de
diplomatie de la dette. Comme cela a été évoqué
précédemment, la Chine préfère adopter une approche
bilatérale avec les Etats sahéliens qui doit servir en premier
lieu les intérêts économiques de Pékin. La
participation de la Chine à une alliance occidentale pour le
développement au Sahel ne présente donc que peu
d'intérêt pour Pékin, qui verrait son influence
économique et stratégique s'y diluer.
L'Alliance Sahel est pour l'instant un groupement de bailleurs
occidentaux, mené en grande partie par la France, qui incarne les
priorités européennes de stabilisation des frontières de
son voisinage africain. La coordination des actions pour le
développement a aussi pour objectif d'accompagner et de faire accepter
le déploiement prolongé de troupes occidentales, en particulier
françaises, dans la bande sahélo-saharienne.
3.3.3 Un cadre de coopération ambitieux aux limites
annoncées
La création de l'Alliance Sahel est
considérée comme positive pour les partenaires de
développement qui y voient une première tentative de conjuguer
leurs efforts et d'éviter le saupoudrage et la fragmentation
concurrentielle de leurs efforts pour le développement au Sahel. Si une
coordination entre bailleurs au Sahel est censée progressivement voir le
jour, l'Alliance ne demeure pour l'instant qu'une agrégation de projets
labellisés « Alliance Sahel » avec une structure de
pilotage encore balbutiante et confiée à la seule AFD.
L'harmonisation et la convergence des interventions des bailleurs, qui est la
finalité de l'Alliance, n'est pas encore d'actualité, dans la
mesure où il s'agit surtout pour l'instant de valoriser les initiatives
déjà mises en oeuvre par les bailleurs. Mais les
mécanismes de délégations de crédits que l'Alliance
veut généraliser, pour éviter les doublons entre
différents projets de même nature, sont un premier pas vers la
construction d'une action coordonnée des bailleurs au Sahel.
Il reste à savoir si tous les membres de l'Alliance se
montreront enclins à synchroniser leurs efforts de développement
avec l'opération Barkhane. A ce stade, les interactions entre les
acteurs de la sécurité et les acteurs du développement
sont encore limitées à quelques bailleurs, dont l'AFD. Au niveau
des institutions européennes, le défi est de se dégager de
l'ancien dogme de la politique européenne de développement, qui
voulait que les budgets pour le développement ne financent pas des
actions sécuritaires et militaires55(*), alors qu'il existe un fort besoin de
coopération entre les bailleurs internationaux et les forces
sécuritaires nationales et étrangères au Sahel. Pour le
moment, l'Alliance Sahel s'appuie sur le couple moteur «
AFD-Barkhane », mais il est nécessaire que le nexus
« sécurité-développement »
dépasse le statut de discours inséré dans autant de
stratégies nationales éclatées et qu'il
s'opérationnalise dans le cadre de l'Alliance et de son partenariat avec
le G5 Sahel.
Les limites potentielles de l'efficacité de l'Alliance
Sahel peuvent se trouver dans la définition de son étendue
géographique. Celle-ci ne couvre en effet que les cinq pays francophones
du Sahel, en adéquation avec le théâtre de
l'opération Barkhane. Cependant, les besoins en développement et
de lutte contre les groupes terroristes concernent l'ensemble du Sahel
géographique, qui s'étend jusqu'aux confins du Darfour soudanais
et de l'Erythrée. L'amplitude géographique de l'aide publique au
développement de la France et celle de l'Alliance Sahel ne correspond
ainsi pas à l'aire opérationnelle de forces djihadistes pourtant
présentées comme interconnectées et
interdépendantes. De plus, il n'est pas certain qu'un surcroît
d'aide au développement permette d'améliorer l'image et la
réputation des forces occidentales déployées sur le
terrain56(*). En outre, le
mandat stratégique de l'Alliance Sahel est fondé sur le postulat
que les économies de contrebandes et les flux financiers illicites qui
en découlent profitent uniquement aux groupes criminels, passeurs et aux
réseaux islamistes qui opèrent au Sahel, sans réelle prise
de conscience que ces flux peuvent parfois bénéficier aux
représentants des régimes en place, soutenus par la France.
De même, l'efficacité supposée de
l'utilisation de l'aide publique au développement à des fins
contre-insurrectionnelles repose sur des idées discutables, selon
lesquelles la misère et l'ignorance seraient la matrice du terrorisme
islamiste. Cela n'est pas corroborépar les faits, si l'on en juge par le
niveau d'éducation et de richesse des fondateurs de mouvements
djihadistes57(*).Enfin,
elle table sur le fait que l'assistance de la communauté internationale
permet d'acheter la paix sociale. Ce dernier point doit faire l'objet d'une
attention spécifique, car les ressources de l'aide constituent
également un enjeu de compétition entre les Etats
récipiendaires d'une part, et entre les différents groupes
ciblés au sein d'un même territoire d'autre part. L'aide au
développement peut par conséquent prolonger ou exacerber les
conflictualités déjà existantes, voire en créer de
nouvelles dans des zones déjà en proie à
l'instabilité.
Aussi, la résolution de la crise sahélienne
passera inévitablement par un règlement politique des conflits,
par le soutien à la restauration de la fabrique de l'Etat et de ses
pouvoirs régaliens. La projection de la diplomatie et des efforts de
développement français au travers de l'Alliance Sahel devra
prendre en compte ces enjeux et ses limites afin de ne pas
réitérer la situation d'enlisement et d'implosion de l'Etat qui a
prévalu en Afghanistan, du fait d'une insuffisante prise en compte des
enjeux politiques et de la faiblesse des institutions afghanes par les acteurs
extérieurs. Les échecs manifestes de la division un travail entre
les efforts de développement assumés par des bailleurs
internationaux éloignés des besoins des populations d'une part,
et les efforts de pacification et de sécurité laissés
à la seule armée américaine d'autre part, doivent servir
de leçon à la France.Celle- celle-ci occupe actuellement une
position prééminente au Sahel, semblable à celle
assumée par les Etats-Unis en Afghanistan, sur un espace de la taille de
l'Europe58(*). Les
nouvelles orientations de la politique de développement de la France
vont pour le moment dans le bon sens en mettant des moyens nouveaux pour
articuler les enjeux sécuritaires, politico-diplomatiques et
humanitaires dans la région.
Conclusion
Alors que les questions de développement avait
été marginalisées au début de l'intervention de la
France au Sahel, les pouvoirs publics se montrent volontaristes dans leurs
efforts de définir une politique de coopération pour le
développement qui prennent en compte les intérêts
stratégiques de la France au Sahel et les besoins des populations sur
place.La politique française d'aide au développement en Afrique
subsaharienne retrouve ainsi une dimension géopolitique qui
s'était érodée et dont la crise sahélienne a
restauré l'importance. L'approche française de la crise
sahélienne poursuit son rééquilibrage opéré
depuis 2017 entre ses efforts militaires et les ses efforts de
développement. Le retour en grâce de l'aide bilatérale sous
forme de dons d'une part, les réformes ajustements institutionnels de
l'AFD et la mise sur pied de l'Alliance Sahel par la France, témoignent
d'une volonté de réinvestir de manière stratégique
et coordonnée le volet du développement pour faire face aux
enjeux posés par la bande sahélo-saharienne.
De manière générale, les pouvoirs publics
sont en train de renouer avec une approche stratégique de la politique
publique d'aide au développement. Le rapport remis par le
député Berville au président de la République
portant sur la modernisation de l'aide publique au développement en
août 2018, propose des solutions afin de mettre en oeuvre une politique
de développement plus stratégique, formalisée dans une loi
de programmation pluriannuelle détaillant la stratégie de la
France, ses objectifs, et les moyens mis à disposition de la politique
de coopération de la France jusqu'à l'horizon 2025.Cette loi
d'orientation fournirait à la politique française de
développement un cadre institutionnel renouvelé par rapport
à 2014 avec une définition précise de ses engagements et
de ses cibles en cohérence avec les intérêts de la France
en Afrique subsaharienne et dans la bande sahélo-saharienne.
Les travaux de l'apprenti sur la mobilisation des ressources
intérieures dans le cadre du plan d'investissements stratégique
et des travaux préparatoires du G7 se sont inscrits dans cette logique
de priorisation de la géographie sahélienne. La politique de
coopération de la France entame une transition stratégique pour
se donner les moyens de répondre de manière efficace aux racines
des crises et de la violence qui secouent le Sahel. La réponse à
ces crises ne saurait provenir uniquement d'une augmentation d'aide publique au
développement par rapport aux efforts militaires. La solution à
la crise actuelle, en particulier au Mali est avant tout une question
politique. Si la France entend contribuer au règlement des
différends et à l'amélioration de la situation du
développement au Sahel, sa politique tridimensionnelle «
défense-sécurité-développement » doit
viser à créer les conditions d'une pacification pour permettre
une sortie de crise assumée par l'ensemble des Etats sahéliens.
En plus de l'assistance aux populations par l'aide extérieure, c'est
aussi par le soutien aux institutions étatiques sahéliennes, le
renforcement de leurs capacités juridiques, fiscales et de leur
autorité souveraine que les conditions de sortie de crise pourront
être établies. Les récents ajustements et orientations de
la politique française d'aide au développement, en particulier
dans le domaine de la mobilisation des ressources intérieures,sont un
premier pas vers cet objectif.
Liste des figures
FIGURE 1 : LA SÉPARATION ACTUELLE ENTRE MINISTÈRE
DE L'ECONOMIE ET MINISTÈRE DU BUDGET
8
FIGURE 2 - ORGANIGRAMME DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU
TRÉSOR
11
FIGURE 3 - EFFECTIFS DE LA DG TRÉSOR EN 2018
12
FIGURE 4 - ORGANIGRAMME SIMPLIFIÉ DE LA SOUS-DIRECTION DES
AFFAIRES FINANCIÈRES MULTILATÉRALES ET DU DÉVELOPPEMENT
13
FIGURE 5 - ORGANIGRAMME DU BUREAU DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
13
FIGURE 6 - ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE DE LA POLITIQUE DE
COOPÉRATION DE LA FRANCE
18
FIGURE 7 - CARTES DES RECETTES FISCALES EN % DU PIB - 2017
24
FIGURE 8 - PART DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
FRANÇAISE À L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE ENTRE 1960 ET 1991 (EN
MILLIONS DE DOLLARS)
37
FIGURE 9 - LES PARTENARIATS MILITAIRES STRATÉGIQUES ENTRE
LE FRANCE ET LES ETATS AFRICAINS
40
FIGURE 10 - LES MISSIONS DE COOPÉRATION
CIVILO-HUMANITAIRES DÉPLOYÉES PAR L'UE AU SAHEL
42
FIGURE 11 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'APD DE
L'EU A DESTINATION DE L'AFRIQUE SUR 2013-2017 ET SES DIX PAYS LES PLUS
AIDÉS (EN MILLIONS DE DOLLARS)
43
FIGURE 12 - AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
BILATÉRALE DES ETATS-UNIS À DESTINATION DU SAHEL EN 2017 (EN
MILLIONS DE DOLLARS)
47
FIGURE 13 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'AIDE
BILATÉRALE AMÉRICAINE EN AFRIQUE SUR 2013-2017
48
FIGURE 14 - LES PRÊTS DE LA CHINE AUX ETATS D'AFRIQUE DE
L'OUEST SUR 2000-2017
51
FIGURE 16 - L'ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE DE
L'OPÉRATION BARKHANE AU SAHEL
57
FIGURE 17- PROVISIONS ET SURCOÛTS DES OPEX 2009- 2017
58
FIGURE 18 - DÉPENSES MILITAIRES FRANÇAISES AU SAHEL
2009-2017
58
FIGURE 19 - COMPARAISON ENTRE L'AIDE BILATÉRALE DE LA
FRANCEAUX ETATS DU SAHEL ET SES DÉPENSES MILITAIRES DANS LA
RÉGION
60
FIGURE 20 - PART DE L'AIDE BILATÉRALE ALLOUÉE
À L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE DEPUIS 1990
61
FIGURE 21 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'AIDE
BILATÉRALE FRANÇAISE EN 2017
62
FIGURE 22 - LES DIX PREMIERS BÉNÉFICIAIRES DE
L'AIDE BILATÉRALE NETTE DE LA FRANCE EN 2017 (EN MILLIONS DE DOLLARS)
62
FIGURE 23 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'AIDE
BILATÉRALE FRANÇAISE SUR 2013-2017
63
FIGURE 24 - LES DIX PREMIERS BÉNÉFICIAIRES DE
L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT BILATÉRALE FRANÇAISE SUR
2017-2022(EN MILLIONS DE DOLLARS)
63
FIGURE 25 - LES DIX PREMIERS BÉNÉFICIAIRES
AFRICAINS DE L'APD BILATÉRALE FRANÇAISE SUR 2013-2017
64
FIGURE 26 - EVOLUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE DANS L'APD
TOTALE DE LA FRANCE SUR 1990-2017 (EN MILLIONS DE DOLLARS)
66
FIGURE 27 - RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'AIDE
MULTILATÉRALE FRANÇAISE EN 2017
67
FIGURE 28 - LES DIX PRINCIPAUX RÉCIPIENDAIRES DE L'AIDE
MULTILATÉRALE FRANÇAISE ( EN MILLIONS DE DOLLARS)
68
FIGURE 29 - EVOLUTION DE LA PART DES VERSEMENTS DES PRÊTS
BRUTS ET DES DONS DANS L'AIDE DE TYPE PROJET ALLOUABLE SUR DES
GÉOGRAPHIES ET DES SECTEURS SPÉCIFIQUES SUR 2006-2017 ( EN
MILLIONS DE DOLLARS)
69
FIGURE 30 - COMPARAISON DES DIX PREMIERS
BÉNÉFICIAIRES DE PRÊTS ET DES DIX PREMIERS
BÉNÉFICIAIRES DE DONS BILATÉRAUX SUR DE L'AIDE-PROJET EN
2017 (EN MILLIONS DE DOLLARS)
70
FIGURE 31 - COMPARAISON DES MONTANT EN DONS SUR DE L'AIDE PROJET
ENTRE LA FRANCE ET LE ROYAUME-UNI - 10 PREMIERS BÉNÉFICIAIRES
RESPECTIFS (EN MILLIONS DE DOLLARS)
71
FIGURE 32 - EVOLUTION DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENTS EN DONS DE
L'AFD SUR 2015-2019 ( EN MILLIONS D'EUROS)
73
FIGURE33 - LES NOUVELLES INITIATIVES AFD « PAIX ET
STABILITÉ » DANS LE CADRE DU FONDS « PAIX ET
RÉSILIENCE »
75
FIGURE 33 - L'INSTITUTIONNALISATION DU COMPLEXE
MILITARO-HUMANITAIRE AU SAHEL
77
FIGURE 34 - CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU PORTEFEUILLE
D'INTERVENTION DE L'ALLIANCE SAHEL SUR 2020-2022 (EN MILLIARDS D'EUROS)
78
Liste des acronymes
AFD : Agence française de développement
AFRITACS : Centres régionaux africains
d'assistance technique
APD : Aide publique au développement
CICID : Comité interministériel de la
coopération internationale et du développement
CAD : Comité d'aide au développement
DGT : Direction générale du
Trésor
DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
FED : Fonds européen pour le développement
FERDI : Fondation pour les études et la recherche sur
le développement international
FMI : Fonds monétaire international
OCDE : Organisation pour la coopération et le
développement économiques
MEAE : Ministère de l'Europe et des affaires
étrangères
ODD : Objectifs de développement durable
OPEX : Opération extérieures
SAMD : Service des affaires multilatérales et du
développement
UE : Union européenne
Bibliographie
Ouvrages et articles en ligne
Arfaoui, M. (2012). Une analyse géopolitique du conflit
malien. A Geopolitical Analysis of the Malian Conflict.
Baghzouz, A. (2013). Le Maghreb et l'Europe face à la
crise du Sahel: Coopération ou rivalités?L'Année du
Maghreb, (IX), 173-192.
Balleix, C. (2010). La politique française de
coopération au développement. Afrique contemporaine,
(4), 95-107.
Bassou, A., & Guennoun, I. (2017). Le Sahel Face aux
Tendances Al Qaeda et Daech: Quel Dénouement Possible?/Al Qaeda vs.
Daech in the Sahel: What to Expect?
Bat, J. P. (2013). Michel Galy (dir.). La Guerre au Mali.
Comprendre la crise au Sahel et au Sahara. Enjeux et zones d'ombre. Afrique
contemporaine, (3), 145-148.
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Peut-on faire autrement? (No. P170).
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(FC-G5S). Capacités et incapacités pour une «défense
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https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/22/trump-et-l-afrique-finie-la-main-tendue-l-amerique-d-abord_5401284_3212.html
https://www.france24.com/fr/20180110-france-chine-afrique-emmanuel-macron-xi-jinping-partenariat-afd-developpement-climat
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/g7-l-aide-au-developpement-doit-aller-en-priorite-aux-pays-du-sahel_3522455.html
Annexes
Annexe 1 - Des conceptions
hétérogènes du Sahel par différents acteurs
extérieurs et régionaux
Annexe 2 - la Francophonie en Afrique
Source : wikipedia
Annexe 3 - Les différents systèmes
juridiques en vigueur dans le monde
Source : fondation pour le droit continental
Annexe 4 - La zone Franc en 2019
Annexe 5 - La présence militaire américaine en
Afrique
* 1
https://www.lesechos.fr/2012/06/a-bercy-7-ministres-pour-les-dossiers-economiques-376850
* 2Demarey, S. (2019). Bercy, un
vrai premier ministère?. Pouvoirs, (1), 59-71.
* 3 Le CICID est un
comité interministériel qui se réunit tous les deux
à trois ans, chargé de fixer "les orientations relatives aux
objectifs et aux modalités de la politique de coopération
internationale et d'aide au développement dans toutes ses composantes
bilatérales et multilatérales". Il est présidé par
le Premier Ministre et réunit des représentants des
ministères intéressés au développement (le MEAE, le
Ministère de l'Economie et des Finances, le ministère de la
Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère
de l'Education Nationale, ...). Le CICID est préparé
conjointement avec le MEAE.
* 4
https://www.worldbank.org/en/topic/governance/brief/domestic-resource-mobilization
* 5Charbonneau, B. (2017). De
Serval à Barkhane: les problèmes de la guerre contre le
terrorisme au Sahel. Les Temps Modernes, (2), 322-340.
* 6BÉRANGÈRE,
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* 7Grégoire, E. (2011).
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* 13Baghzouz, A. (2013). Le
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* 14
https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/08/29/le-sahel-une-question-europeenne_5177960_3232.html
* 15Brachet, J., Choplin, A.,
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* 17Assemblée nationale (2017). Commission
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* 18Petit, Y. (2013). Le
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* 26Marchal, R. (2018).
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* 27
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* 28
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* 29
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* 31Delcourt, L. (2011). La
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* 32Hugon, P. (2010). Les
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* 33LaFargUe, F. (2014). La
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* 34Cabestan, J-P. La
présence chinoise au Sahel : le cas du Niger et du Tchad- Table
ronde n°17/24 de l'Observatoire Stratégique et Politique de la
Chine, cycle 2017-2018, 7 juin 2017
* 35Cabestan, J-P. La
présence chinoise au Sahel : le cas du Niger et du Tchad- Table
ronde n°17/24 de l'Observatoire Stratégique et Politique de la
Chine, cycle 2017-2018, 7 juin 2017
* 36
http://institut-thomas-more.org/2018/09/03/chine-afrique-au-dela-des-interets-economiques-lindifference-reciproque/
* 37 Bat, J. P. (2013).
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* 40Site du Sénat -
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développement »
https://www.senat.fr/rap/a18-149-4/a18-149-43.html
* 41 Michailof, S. (2015).
Africanistan: l'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos
banlieues?. Fayard.
* 42Ce qui explique qu'avec
une dotation de l'ordre de 650 millions d'euros en prêts, l'AFD
déclare un chiffre d'affaire brut de 8 milliards d'euros, et que la
France puisse afficher un montant d'aide bilatérale nette de près
4,2 milliards d'euros en 2017 ( une fois les intérêts des
prêts remboursés)
* 43
http://observateurocde.org/news/fullstory.php/aid/1374/Des_avantages_du_pr_EAt_.html
* 44 Site du Sénat - De
Raincourt, Conway-Mouret « Repenser l'aide publique au
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défense et des forces armées ( 9 juin 2016).
* 45
https://www.senat.fr/rap/r15-728/r15-728_mono.html.
« Sahel - Repenser l'aide publique au
développement »
* 46
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* 47Lafourcade, O., &
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* 48de Montclos, M. A. P.
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* 49Châtaigner, J. M.,
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sortir le Sahel de la trappe à pauvreté?. In Annales des
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*
50https://www.alliance-sahel.org/
* 51
https://www.afd.fr/fr/minka-fonds-paix-et-resilience
* 52Boyer, F. (2019).
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* 53Boyer, F., & Chappart,
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* 54
https://www.france24.com/fr/20180110-france-chine-afrique-emmanuel-macron-xi-jinping-partenariat-afd-developpement-climat
* 55Fondation pour les Etudes
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partenaires. (mars 2019)
* 56de Montclos, M. A. P.
(2019). La politique de la France au Sahel: une vision militaire.
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* 57de Montclos, M. A. P.
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* 58Michailof, S. (2008).
L'échec de l'aide internationale en Afghanistan. Commentaire,
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