Annexe 2. Musiques actuelles
Quelques éléments de
compréhension.
Suivant la définition française, les musiques
actuelles englobent plusieurs grandes familles :
? Le jazz, les musiques improvisées et
genres assimilés ;
? Les musiques amplifiées (avec
l'amplification électrique comme mode de production),
elles-mêmes divisées en quatre sous-familles :
? Le rock et genres assimilés, la pop, le blues et genres
assimilés, la country, la
fusion ;
? Le metal et genres assimilés, le punk et genres
assimilés ;
? Le hip-hop et genres assimilés, le r'n'b, le ska, le
reggae et genre assimilé, le
funk, la soul ;
? Les musiques électroniques ;
? La chanson
? Les musiques traditionnelles et les
musiques du monde (accompagnées d'instruments
« modernes » tels que la batterie ou la guitare
basse).
De fait, sont exclues : les musiques classiques, anciennes,
baroques, folkloriques et
contemporaines. Cette définition regroupe un très
large éventail d'esthétiques musicales, mais a
fait longtemps débat sur la dénomination à
employer et la manière de désigner ces
phénomènes
musicaux de manière pertinente ?
Amplifiées ou Actuelles ?
L'appellation «musiques amplifiées» se
réfère davantage aux moyens de production et aux techniques
employées dans la conception d'une oeuvre musicale. Elle souligne la
spécificité de certaines musiques par, notamment, leur
électrification et l'amplification des instruments utilisés. Ce
terme est popularisé par l'ethnologue et sociologue Marc
Touché143 en 1996 qui participera à la clarification
de la définition de ces musiques en les désignant comme
étant :
«un ensemble de musiques et de pratiques sociales qui
utilisent l'électricité et l'amplification sonore
électronique comme éléments majeurs, entre autres, des
créations
143 Spécialiste des pratiques concernant les musiques
amplifiées, Marc Touché étudie la sociologie et l'histoire
des musiques amplifiées en France. Il a ainsi mené
différents travaux sur l'histoire de la répétition
musicale et sur la gestion des risques auditifs pour les musiciens de musiques
amplifiées.
121
musicales et des modes de vie (transport, stockage,
conditions de pratiques, modalités d'apprentissage). [...J Pour
reprendre les catégories de classement en vogue, le terme de musiques
amplifiées représente un outil fédérateur
regroupant des univers musicaux qui peuvent être très
contrastés : certaines formes de musiques de chansons dites de
variétés, certains type de jazz et de musiques dites du monde, de
fusions ; le jazz, le rock, le rock'n'roll, le hard rock, le reggae, le rap, la
techno, la house-music, la musique industrielle, la funk, la dance-musique...
et tous les bricolages sonores non encore identifiés
»144 .
Désigner ces musiques, sous le qualificatif
«amplifiées», permet notamment de distinguer
l'esthétique de certains courants musicaux comme le rock, qui exercent
généralement leurs pratiques musicales à
plusieurs145 et dont les techniques de production, de
répétition, de reproduction ou encore de fixation sont
constitutives, d'une manière générale, des pratiques de
ces courants musicaux. Aussi, il s'impose de parler au pluriel, car comme
l'exprime Marc Touché, « parler au singulier de la musique revient
à nier qu'il existe des façons de faire, de produire, d'associer
et de regrouper, de vivre des musiques [...]. ». En effet parler de «
LA musique » engendre des problèmes de lisibilité et ne
permet pas de regrouper une aussi importante diversité
d'esthétiques et donc de pratiques.
Le terme renvoie également aux caractéristiques
sonores de ces musiques, leur amplification et la gêne qu'elle est
susceptible d'occasionner. Considérées comme étant plus
spécifiquement destinées à la jeunesse, les musiques
amplifiées ont eu, pour élément dominant et
caractéristique majeure : le rock, qui peu à peu, a perdu son
caractère fédérateur146 et qui ne peut plus
prétendre à englober toutes les caractéristiques que
l'appellation «musiques actuelles» peut permettre de réunir.
Toutefois, ce terme ne fait pas l'unanimité au sein de l'environnement
des chercheurs, professionnels et acteurs de terrain. En effet, l'emploi de
l'adjectif «actuel» ne semble pas véritablement pouvoir
désigner l'ensemble des esthétiques qui la constitue, en niant,
par opposition, l'actuel à l'ancien, en dénigrant, d'une certaine
manière, le «passé» de ces musiques et même leur
futur.
144 Touché Marc, « Les lieux de
répétitions de musiques amplifiées », in Annales
de recherche urbaine, n°70, 1996, p. 58.
145 Guibert Gérôme, «Les musiques
amplifiées en France», Phénomènes de surfaces et
dynamiques invisibles, Réseaux, 2007/2 n°141-142, p.299
146 Teillet Philippe, «Publics et Politiques des Musiques
Actuelles, in O. Donnat, P.Tolila, Le(s) public(s) de la culture,
Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p.155
122
«Musiques actuelles, terres de contrastes, ou
l'histoire d'une appellation qui pose plus de problèmes qu'elle n'en
résout.»147
Pourquoi désigner ces musiques par leur
temporalité, si ce n'est par un manque de reconnaissance restreignant
leur compréhension et donc leur désignation ? Il est important de
souligner les limites d'une telle appellation afin d'anticiper les possibles
incompréhensions et éviter tout flou autour de sa
définition. Musiques populaires, musiques urbaines, musiques jeunes,
etc., jusqu'au milieu des années 1990, on employait même
le terme de «musiques d'aujourd'hui», ce qui là aussi, ne
permettait qu'une approche temporelle de ces musiques, une notion
éphémère, de vogue, presque
périssable148. Philippe Teillet parlera même d'une
«incompréhension ministérielle» pour qualifier ce vaste
champ de production musicale relativement unifié, mais qui, après
observation, relève de multiples oppositions et différences.
Concept un peu «fourre-tout» qui manque de
crédibilité et qui n'améliore pas l'image ni la
nécessité d'une reconnaissance institutionnelle, l'appellation de
musiques actuelles a beaucoup de difficultés à faire consensus.
Toutefois, la Commission Nationale pour les Musiques Actuelles, lancée
par le ministère de la Culture en décembre 1997,
participera grandement à l'institutionnalisation de l'expression,
qui deviendra, de ce fait, l'expression de référence des pouvoirs
publics. Ainsi, malgré les débats et diverses réticences
suscitées par l'appellation, celles-ci se sont atténuées,
notamment auprès des professionnels, au fur à mesure par une
cohabitation fréquente des termes « actuelles » et «
amplifiées ». Chacun est libre d'utiliser la dénomination
qui le satisfait, et il n'est pas rare de retrouver l'association «
musiques actuelles et amplifiées », bien que le recours au terme de
«musiques actuelles» semble aujourd'hui primer. Enfin, pour de plus
amples approfondissements sur cette problématique, il convient de se
pencher sur les travaux de Marc Touché149 et de Philippe
Teillet150, qui ont largement contribués à la
compréhension du débat. *
Reconnaissance progressive des musiques actuelles et
intervention publique
C'est réellement à partir de 1981,
à l'initiative de Jack Lang, puis sous la direction de Maurice
Fleuret, l'année suivante (directeur de la Musique et de la Danse), que
les premières
147 Rapport de la Commission Nationale des Musiques Actuelles,
juin, 1998, p.14
148 Philippe Teillet, « Pourquoi un «pas de
côté» ? », Volume!, 4:2, 2005, p.3
149 Marc Touché, Mémoire vive #1,
Association Musiques Amplifiées, Annecy, juin 1998
150 Philippe Teillet, « « Musiques
amplifiées, « Musiques actuelles », Musiques populaires
», « Musiques d'aujourd'hui », etc., ou la querelle des
principes de vision et de division », in Actes des 2ème Rencontres
Nationales « Politiques publiques et musiques amplifiées/actuelles
», La Scène, Le magazine professionnel des spectacles,
Hors série, Ed. Millénaire, Avril 1999, p.115
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mesures - fondatrices - de soutien vont être mises en
place. Aide aux projets, actions culturelles en direction des
fédérations d'amateurs, de fanfares ou encore de chorales, les
musiques du monde, le jazz et les musiques traditionnelles profiteront des
premières initiatives ministérielles. D'autres mesures marquantes
verront ensuite le jour151. Il faudra attendre l'arrivée de
Bruno Lion152 au cabinet du ministre de la culture, auprès de
Michel Schneider, alors Directeur de la Musique et de la Danse, en 1988, pour
que d'autres esthétiques constitutives des musiques actuelles soient
intégrées, comme le rock, le reggae, les musiques dites alors
«amplifiées». En 1991, le programme interministériel
des «Cafés-Musique», soutenu par les collectivités, les
politiques de la Ville et le Fonds d'Action Sociale, sera crée puis
abandonné en 1995 au profit des SMAC (Scènes de Musiques
Actuelles). Ces lieux sont ainsi reconnus, labellisés,
subventionnés et deviennent officiellement les partenaires des
collectivités territoriales. C'est un pas décisif vers la
reconnaissance institutionnelle des musiques actuelles, qui investissent
symboliquement les territoires et la vie des populations.
151 La Fête de la musique marquera
considérablement cette volonté d'ouverture des politiques
culturelles à la diversité des formes musicales, des musiciens
professionnels ou amateurs. (1982, Jack Lang) ; Les prémices dès
1981, du programme Zénith, destiné à l'amélioration
et à la création d'équipements et de lieux de diffusion
des musiques populaires. Le Zénith du Parc de la Villette,
inauguré en 1984, est la première salle du genre à voir le
jour. Aujourd'hui, on en compte 17 répartis sur tout le territoire. Le
projet d'un dix-huitième zénith situé à la
Réunion, initié en 2008, ne trouve désormais plus le
soutien de l'actuel maire ;Les mesures de soutien aux petites salles et aux
festivals ; La création d'un diplôme d'Etat (DE) et d'un
certificat d'aptitude (CA) pour l'enseignement du jazz et des musiques
traditionnelles ; La création d'opérateurs associatifs visant
à assurer, sur le terrain, la politique enclenchée, comme le
Studio des Variétés, le Centre d'information du rock (le futur
centre d'informations et de ressources des musiques actuelles, l'IRMA) ,
l'Orchestre National de Jazz ainsi que le Fond d'Actions et d'Initiatives Rock
(FAIR).
Sur le plan législatif et économique, de
nouvelles mesures vont venir solidifier la place essentielle de ces expressions
musicales, parmi celles-ci notons notamment: la promulgation de la loi sur les
droits voisins (destinés aux interprètes et producteurs de
phonogrammes) de 1985 et l'extension des sociétés civiles
à la gestion collective de ces droits (Jack Lang) ; la création
du Fonds de Soutien Chanson Variétés et Jazz en 1986,
désormais repris par le CNV151 ; la première baisse de
TVA 19,6% sur la vente de disque, jusqu'alors taxée comme une
marchandise de luxe à hauteur de 33,3%, initiée par
François Léotard en 1987, impactera sur le secteur privé ;
la mise en place du Plan Rock, en 1989, participera à la
rénovation et à l'aménagement de près de 200 salles
de concert sur tout le territoire.
152 Bruno Lion est une figure du militantisme pour la
reconnaissance politique des musiques amplifiées et notamment du rock.
Chargé de mission pour le rock et les variétés par Jack
Lang en 1989, il participera au développement et à la prise en
compte des pratiques amateurs et des lieux musicaux. Il est également le
co-fondateur du Centre d'Information du Rock et des Variétés en
1986, devenu désormais l'IRMA, le Centre d'Information et de Ressources
pour les Musiques Actuelles. De 2008 à 2010, il présidera au FCM
(le Fonds pour la Création Musical).
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