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La prime pour l'emploi (PPE) un outil de politique publique à  fonctions multiples, un sujet permanent de réforme et de redéfinition.

( Télécharger le fichier original )
par Thierry GATINES
UPMF Grenoble 2  - Master 2 Evaluation et management des politiques sociales 2015
  

Disponible en mode multipage

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MASTER 2

EVALUATION ET MANAGEMENT DES POLITIQUES SOCIALES

LA PRIME POUR L'EMPLOI (PPE) :

UN OUTIL DE POLITIQUE PUBLIQUE A FONCTIONS MULTIPLES, UN SUJET PERMANENT DE REFORME

ET DE REDEFINITION

Présenté par Thierry GATINES

Sous la direction de Monsieur Bruno LAMOTTE Année Universitaire 2014/2015

Faculté d'Economie de Grenoble

1241, rue de résidences - BP 47 - 38040 Grenoble Cedex

I

AVERTISSEMENT

La Faculté d'Economie de l'Université Pierre Mendès France de Grenoble n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires des candidats au Master ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

Le mémoire est un essai d'application des méthodes et outils au cours de la formation.

Il ne saurait donc être considéré comme un travail achevé auquel l'Université conférerait un label de qualité qui l'engagerait.

Ce travail est considéré a priori comme un document confidentiel qui ne saurait être diffusé qu'avec l'accord de son signataire.

II

REMERCIEMENTS

Je remercie toute l'équipe pédagogique du Master 2 EMPS de la Faculté d'Economie de l'Université Pierre Mendès France de Grenoble pour la richesse de l'enseignement dispensé toute au long de cette année universitaire.

Je tiens à remercier Monsieur Charles Benezra, pour ses enseignements en Master 1 sur la méthodologie et sur le respect des règles académiques appliquées à la construction et à la rédaction d'un mémoire de fin d'études.

Enfin, je remercie tout particulièrement Monsieur Bruno Lamotte pour son encadrement rigoureux, ses conseils avisés, et ses bonnes idées, tout au long de la réalisation de ce travail universitaire.

III

RESUME

« La Prime pour l'emploi est un dispositif, mis en place en 2001, prenant la forme d'un crédit d'impôt, sur le modèle du Earned Income Tax Credit américain et du Working Family Tax Credit britannique » (Elbaum, 2011 : p. 331).

Dans les derniers mois de vie de la Prime pour l'emploi, remplacée en 2016 par une Prime d'activité, l'objectif est d'apprécier sa pertinence, son efficacité, et son efficience.

Les cadres théoriques utilisés en support à l'analyse de la PPE seront les grilles de travail proposées par Charles O. Jones (analyse séquentielle des politiques publiques), par Pierre Muller (analyse cognitive des politiques publiques), et par Amartya Sen, s'agissant des critères de justice sociale (approche par les capabilités).

L'objectif de redistribution de la PPE n'est pas atteint, et il peut être également affirmé que la PPE a un impact très faible sur l'offre de travail et très incertain sur l'emploi, notamment pour les femmes. Le même instrument ne peut être à la fois incitatif et redistributif. Concernant le respect du principe de justice sociale, la PPE, tout en gommant certaines inégalités, en créé d'autres. Enfin, elle met en jeu l'effet Matthieu, ne profitant seulement qu'à ceux qui ont un emploi.

Mots clefs : Bas salaires, justice sociale, politique de l'emploi, Prime pour l'emploi (PPE), redistribution, trappe à inactivité.

ABSTRACT

« The Prime pour l'emploi (PPE) is a device introduced in 2001, taking the form of a tax credit, modeled on the US Earned Income Tax Credit and the UK Working Family Tax Credit " (Elbaum, 2011: p. 331).

In the last months of life of the Prime pour l'emploi (PPE), replaced in 2016 by a Prime d'activité, the objective is to assess the relevance, effectiveness, and efficiency of the device.

The theoretical frameworks used will include Charles O. Jones's analysis grids (sequential analysis of public policies), Pierre Muller's (cognitive analysis of public policies) and Amartya Sen's, as regards social justice criteria.

The goal's PPE's redistribution is not reached, and it can be also said that it has very low impact on labor supply and very uncertain impact on employment, especially for women. The same instrument cannot be both incentive and redistributive. Concerning the principle of social justice, the Prime pour l'emploi, while erasing certain inequalities, creates others. Finally, it involves the Matthew effect, benefitting only to those who have a job.

Key words : Low wages, social justice, employment policy, Prime pour l'emploi (PPE), redistribution, inactivity trap.

IV

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT.......................................... I REMERCIEMENTS................................. II RESUME / ABSTRACT.................................... III SOMMAIRE............... IV

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES................................ V

LISTE DES TABLEAUX....................................... VII

LISTE DES GRAPHIQUES................................. VIII LISTE DES SCHEMAS....................................... IX LISTE DES ENCADRES................................. X LISTE DES ANNEXES....................................... XI INTRODUCTION GENERALE................................. 1

CHAPITRE I - Présentation du dispositif de la Prime pour l'emploi (PPE) ...... 6

CHAPITRE II - L'actualité du dispositif PPE......................... 37

CONCLUSION GENERALE................................. 67

BIBLIOGRAPHIE................................... 76

TABLE DES MATIERES.................................... 84

ANNEXES............................................. 86

V

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

AAH Allocation adulte handicapé

ACR Allocation compensatrice de revenu

AEEH Allocation d'éducation de l'enfant handicapé

AES Allocation d'éducation spéciale (remplacée par l'AEEH)

AF Allocations familiales

ANPE Agence nationale pour l'emploi

APA Allocation personnalisée d'autonomie

APE Allocation parentale d'éducation (remplacée par le CLCA)

API Allocation parent isolé

APJE Allocation pour jeune enfant

ARS Allocation de rentrée scolaire

ASF Allocation de soutien familial

ASI Allocation supplémentaire d'invalidité

ASPA Allocation de solidarité aux personnes âgées

ASSEDIC Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce

CAE Conseil d'analyse économique

CAF Caisse d'allocation familiale

CCAS Centre communal d'action sociale

CCMSA Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

CDD Contrat à durée déterminée

CERC Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion sociale

CGI Code général des impôts

CGP Commissariat général au Plan

CLCA Complément de libre choix d'activité

CNAF Caisse nationale d'allocations familiales

CNAV Caisse nationale d'assurance vieillesse

CNRS Centre national de la recherche scientifique

CRDS Contribution au remboursement de la dette sociale

CSG Contribution sociale généralisée

DARES Direction de l'animation de la recherche, des études, et des

statistiques

DGESCO Direction générale de l'enseignement scolaire

DGI Direction général des impôts

DGFIP Direction générale des finances publiques

DREES Direction de la recherche, des études, de l'évaluation, et des

statistiques

EDF Electricité de France

EITC Earned income tax credit

ERF Etude sur les revenus familiaux

VI

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES (suite)

FNDSA Foyer Notre Dame des sans abris

GDF Gaz de France

GREQAM Groupe de recherche en économie quantitative d'Aix-Marseille

IDEP Institut d'économie publique

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

INED Institut national d'études démographiques

IRPP Impôt sur le revenu des personnes physiques

IEFP Institut pour l'éducation financière du public

IEP Institut d'études politiques

ISF Impôt sur la fortune

LIEPP Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OFCE Observatoire français des conjonctures économiques

ONPES Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale

ONU Organisation des Nation unies

PACS Pacte civil de solidarité

PAJE Prestation d'accueil, des jeunes enfants

PIB Produit intérieur brut

PLFSS Projet de loi de financement de la sécurité sociale

PPE Prime pour l'emploi

PUF Presses universitaires de France

RGS Rapport global sectoriel

RMI Revenu minimum d'insertion

RSA Revenu de solidarité active

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

UNEDIC Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie

et le commerce

VRP Voyageur représentant placier

WFTC Working family tax credit

VII

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les effets des dispositifs d'impôt négatifs ... ...... 11

Tableau 2 : Répartition des personnes pauvres selon leur activité... ....13

Tableau 3 : Composition des actifs pauvres selon le statut d'emploi

dominant dans l'année 2004... ... ... ...... .....14

Tableau 4 : Décomposition des instruments de soutien aux bas

revenus en 2001... ... ...... ...... ...16

Tableau 5 : Évolution du montant total de la PPE et du nombre de ses

bénéficiaires depuis sa création 29

Tableau 6 : Législations successives de la PPE : nombre de ménages

bénéficiaires et montants alloués... ... ...... .....31

Tableau 7 : Contribution des différents transferts à la réduction

des inégalités de niveau de vie en 2011...... ... ... 43

Tableau 8 : Effet de la PPE sur l'emploi des femmes (en milliers)...... ...49

VIII

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 : Répartition par statut des personnes pauvres ... 14

Graphique 2 : Personnes salariées en emploi qui souhaitent effectuer un nombre d'heures plus important et qui sont disponibles

pour cela selon la situation familiale et le temps de travail 60

IX

LISTE DES SCHEMAS

Schéma 1 : Un impôt négatif lié au revenu d'activité... ... 11

Schéma 2 : Récapitulatif des différents concepts de revenu et

contour du champ de la redistribution ... ... ..........41

X

LISTE DES ENCADRES

Encadré 1 : Conditions d'éligibilité à la prime pour l'emploi au titre

des revenusde2001 ... ... ... ...

..........12

Encadré 2 : Les instruments de soutien des bas taux de salaires... ...

.....15

Encadré 3 : Le Working Families Tax Credit (WFTC)... ... ...

....21

Encadré 4 : L'Earned Income Tax Credit (EITC)... ... ......

...21

Encadré 5: Quelques remarques à mi-chemin entre redistribution et

incitation à l'emploi ... ... ...

.............24

Encadré 6 : Les réformes successives de la PPE... ... ...... 32

Encadré 7 : Quelques chiffres sur la PPE... ... ... ...... .....35

XI

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Description du modèle de micro simulation Ines ... 87

Annexe 2 : Schéma de présentation du modèle Ines... ... ... ....88

Annexe 3 : Brève description du modèle de micro-simulation

MYRIADE... ... ... ...... ... ..........89

Annexe 4 : Récapitulatif de l'évolution du barème de la PPE depuis

sa création... ...... ... ... ......... .....90

Annexe 5 : Comment se calcule la PPE d'un foyer fiscal ... ... 91

Annexe 6 : Enquête PPE Pôle-Emploi Saint-Chamond (Loire)... ... ... 92

Annexe 7 : Enquête PPE Viadeo (base contacts) 93

Annexe 8 : Enquête PPE LinkedIn (base contacts) 94

1

INTRODUCTION GENERALE

Le cadre général du sujet est celui des politiques publiques sociales. Il concerne la redistribution des revenus, en aide aux bas salaires1, la fiscalité, en réduction des inégalités, et l'incitation à l'emploi (reprise et/ou maintien de l'activité professionnelle) (Direction de l'information légale et administrative, 2015). « À la fin des années 1990 émerge en France un débat important sur les thèmes de l'incitation au travail des titulaires de minima sociaux et de la pauvreté de certains travailleurs. Ce débat conduit notamment en 1998 au renforcement du mécanisme d'intéressement des minima sociaux (RMI, API)2. Plus largement, une réflexion s'engage sur l'opportunité d'instaurer, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, un dispositif à la fois destiné à encourager l'emploi et à réduire la pauvreté des travailleurs. Une Prime pour l'emploi (PPE) est finalement créée en 2001, « afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité »3 en complétant les revenus des travailleurs faiblement rémunérés. Depuis sa création, la Prime pour l'emploi a été réformée et revalorisée à plusieurs reprises, traduisant la volonté des gouvernements successifs de soutenir le revenu des travailleurs modestes autrement que par les revenus du travail » (Bonnefoy et al., 2009 : p. 87). A la même époque, les réformes des aides au logement et de la taxe d'habitation, avec l'arrivée de la Prime pour l'emploi, ont eu à la fois des objectifs d'incitation et de redistribution, à un moment où la diminution de l'impôt sur le revenu conduisait à rechercher des compensations pour les ménages à revenus modestes ou moyens (Elbaum, 2007).

Sur le principe, « la Prime pour l'emploi est un dispositif, mis en place en 2001, prenant la forme d'un crédit d'impôt, sur le modèle du Earned Income Tax Credit américain et du Working Family Tax Credit britannique » (Elbaum, 2011 : p. 331). « La Prime pour l'emploi (PPE) est une aide au retour à l'emploi et au maintien de l'activité professionnelle. Elle est attribuée aux personnes exerçant une activité professionnelle salariée ou non salariée sous conditions de ressources. Son montant est calculé en pourcentage du revenu d'activité. Elle est déduite de l'impôt sur le revenu à payer ou versée directement au bénéficiaire s'il n'est pas imposable. Pour percevoir la PPE, il suffit de remplir les rubriques concernant cette aide sur la déclaration d'impôts ». (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015). La Prime est croissante jusqu'au SMIC, puis décroissante ensuite (Hagneré, Trannoy, 2001).

En pratique, « la Prime pour l'emploi (PPE) est attribuée aux foyers fiscaux dont l'un des membres au moins exerce une activité professionnelle et dont les revenus ne dépassent pas certaines limites. Il s'agit d'un crédit d'impôt : le montant de la PPE est, selon le cas, automatiquement déduit de l'impôt sur le revenu à payer, ou versé par chèque ou virement du Trésor public » ( Service-public.fr, 2015). La PPE est « individuelle » car son calcul porte sur le montant du salaire individuel et le droit est conditionné à une activité

1 « Par convention, les bas salaires sont les salaires inférieurs aux deux tiers du salaire médian de l'ensemble de la population » (Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 2015).

2 Revenu minimum d'insertion (RMI) et Allocation parent isolé (API).

3 Extrait de l'exposé des motifs de la loi du 30 mai 2001.

2

minimale individuelle, mais la condition de ressources repose elle sur les revenus globaux du ménage (Périvier, 2003).

« Selon la définition classique qu'en donne Jean-Claude Thoenig4 ("L'analyse des politiques publiques" in Traité de science politique sous la direction de Leca et Grawitz, 1985), une politique publique est un programme d'action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales. Les politiques publiques sont donc des outils et des moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour atteindre des objectifs dans un domaine particulier de la société. Elles recouvrent un vaste champ d'intervention possible » (Le Politiste, 2012).

L'intérêt du sujet est représenté par la singularité du dispositif de la PPE. Elle est considérée comme « une innovation très importante dans le paysage socio-fiscal » (Courtioux, Le Minez, 2004 : p. 617). En effet, la Prime pour l'emploi est vertueuse au-delà de ses objectifs premiers5. A ce titre, elle permet par exemple de créer un écart entre revenu du travail et revenus d'inactivité, de contrer les « trappes à inactivité »6 et les « trappes à pauvreté », d'être une mesure à effet global (système socio-fiscal), d'être une mesure contra cyclique, venant en amortisseur de chocs exogènes (la crise de 2008, par exemple), ou encore d'éviter « l'effet Matthieu »7 (consistant à donner davantage à ceux qui ont déjà : c'est-à-dire accorder des avantages sociaux plus élevés aux classes moyennes qu'aux classes pauvres) (Elbaum, 2011).

La Prime pour l'emploi est-elle en accord avec le principe de justice sociale ? (aspect sociologique : primer des actifs au travail quand plus de 3 500 000 actifs sans emploi étaient inscrits en catégorie A sur les listes de Pôle-Emploi à fin avril 2015 ? (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015 - 2). Le dispositif de la PPE suscite de nombreuses interrogations. Par exemple, la Prime pour l'emploi ne devrait-elle pas porter un autre nom ? Quelle est sa principale fonction aujourd'hui ? Pour quelles raisons cette mesure est-elle appelée si souvent à être réformée ? La Prime pour l'emploi n'est-elle pas victime de sa fonction multiple ?

Modifiée régulièrement depuis sa création en 2001, la PPE est d'ailleurs à nouveau appelée à être réformée en 2016. L'intérêt du sujet est donc également représenté par son actualité.

4 Jean-Claude Thoenig est un sociologue d'origine suisse, il est directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

5 « Donner un supplément de revenu aux personnes qui occupent un emploi faiblement rémunéré, afin d'inciter à la reprise d'emploi » (Elbaum, 2011 : p. 330), « abonder les revenus des ménages comportant des salariés faiblement rémunérés » (Elbaum, 2011 : p. 331).

6 « On parle de « trappe à inactivité » pour décrire une situation où la reprise d'un emploi faiblement rémunéré par un allocataire de minimum social conduit à une stagnation, voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d'assistance » (Sénat, 2015). « Désigne les incitations éventuelles qui encourageraient une personne à demeurer inactive (cas des allocataires de minima sociaux ou des dispensés de recherche d'emploi) ou ne pas accepter de reprendre un emploi alors qu'elle est au chômage, en raison de la perte des avantages sociaux auxquels elle devrait alors renoncer » (Alternatives économique, 2015).

7 En référence à la formule de l'Evangile selon Matthieu : « A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l'abondance... ».

3

Ce dispositif a toujours suscité de riches interrogations : il existe en effet une multitude de questions autour de la PPE, provenant de nombreux auteurs.

Les principales questions retenues sont : la Prime pour l'emploi a-t-elle un impact redistributif, stimule-t-elle l'emploi (Pisany-Ferry in OFCE, 2003), notamment l'emploi des femmes (Cahuc, 2002), est-elle socialement juste (Dupond, Sterdyniak, 2001), est-elle compréhensible, attractive, et efficace (Sirugue, 2013), peut-elle poursuivre plusieurs objectifs en même temps (Dupond, Sterdyniak, 2001) ? Enfin, quelles sont les perspectives d'avenir pour la Prime pour l'emploi (Sirugue, 2013) ?

Les propositions et préconisations des auteurs sont également nombreuses (thèses en présence). Il peut être cité, à titre d'exemple, des propositions alternatives à la PPE comme la ristourne de Contribution sociale généralisée et de Contribution au remboursement de la dette sociale (CSG/CRDS) (votée à l'automne 2000 mais censurée par le Conseil constitutionnel) ou l'Allocation compensatrice de revenu (ACR), proposition formulée par Roger Godino8 en 1999 (Arnaud et al., 2008 ) ; une faveur en direction d'aides puissantes mais limitées dans le temps, au moment où des efforts sont demandés aux familles, soit à l'occasion du retour à l'emploi, d'une mobilité géographique ou d'un changement de métier (Brongniart, 2006) ; une volonté de réforme des règles de revalorisation du salaire minimum, des minima sociaux et des prestations liées à l'activité (unifier les minima sociaux et les prestations liées à l'activité, en améliorant leur lisibilité et l'activation des dépenses, et ouvrir les minima sociaux et ces prestations à tous les adultes dès 18 ans), un allégement des cotisations sociales et des minima salariaux de branche (Cahuc et al., 2008) ; une volonté de simplifier de façon importante l'ensemble des prestations sociales, en fusionnant le Revenu de solidarité active « activité » (RSA activité) et la Prime pour l'emploi (Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2013) ; et enfin les douze propositions du rapport Sirugue, rapport précurseur de la réforme à venir, fusionnant en 2016 le RSA activité et la PPE, et créant ainsi la Prime d'activité) (Sirugue, 2013).

En position de neutralité face aux thèses en présence, une réponse sera apportée aux questions centrales retenues. Ces réponses s'articuleront autour d'une reformulation simplifiée du questionnement : pourquoi la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ?

Le sujet sera traité à l'aune de la pertinence, de l'efficacité, et de l'efficience du dispositif de la Prime pour l'emploi (problématique).

La PPE, dispositif appliqué en France, sera comparé aux Earned Income Tax Credit (EITC) américain et au Working Family Tax Credit (WFTC) britannique, afin d'établir les similitudes et différences, et d'essayer d'identifier les raisons de l'échec relatif du dispositif français. L'analyse couvrira toute la période d'application de la PPE, de 2001 à

8 Roger Godino a notamment été conseiller du Premier ministre Michel Rocard.

4

aujourd'hui, et abordera spécifiquement chacune des réformes et revalorisations appliquées au modèle originel. La réforme majeure de la PPE prévue pour 2016 (nouvelle Prime d'activité venant remplacer la Prime pour l'emploi), ne sera abordée qu'en prolongement avec l'actuel dispositif afin d'en dégager les grandes orientations politiques et stratégiques. Le sujet de la Prime d'activité ne sera volontairement pas abordé dans le détail. Enfin, la difficile gestion administrative de la PPE, ayant été confrontée à des difficultés d'adaptation à des situations familiales ou professionnelles de plus en plus mouvantes (Elbaum, 2007), sera de la même façon volontairement mise de côté dans l'analyse générale du dispositif étudié.

Dans un premier temps, la genèse de la Prime pour l'emploi sera présentée : le problème social à résoudre, les acteurs de l'époque, le contexte politique. A la suite, un historique sera fait des réformes et revalorisations opérées.

Dans un deuxième temps, le dispositif sera présenté sous sa forme actuelle, en mettant en évidence ses points forts et ses points faibles, du point de vue de sa pertinence, de son efficacité, et de son efficience (problématique et questions de Sirugue en 2013). Il sera distinctement vérifié si les deux objectifs de la PPE sont atteints : l'impact redistributif et la stimulation de l'emploi (l'emploi des femmes en particulier) (questions respectives de Pisani-Ferry en 2003 et de Cahuc en 2002). Il sera également vérifié si ces deux « missions » sont en mesure de cohabiter : est-ce qu'un dispositif peut poursuivre deux objectifs distincts ? (question de Dupond, Sterdyniak en 2001 ; Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 ; Cour des comptes, 2011).

Enfin, une toile de fond permettra d'observer la PPE sous l'angle de la justice sociale (question de Dupond, Sterdyniak en 2001). Il sera question de vérifier si la PPE créé et/ou gomme des inégalités sociales. Il sera également question de savoir si elle apporte une aide adaptée et équitable aux travailleurs, particulièrement aux femmes en situation d'emploi. Enfin, le dispositif sera abordé, tant sur le plan pécuniaire que sur celui des capabilités, selon la grille d'analyse proposée par Amartya Sen (Sen, 2003), afin de dépasser l'approche seulement monétaire des situations de pauvreté laborieuse. Lors de la conclusion, l'avenir du dispositif sera évoqué (question de Sirugue en 2013).

Le matériau empirique utilisé dans l'analyse, en argumentation et outil de démonstration, sera tiré des travaux existant sur la PPE depuis sa création. En effet, le sujet dispose d'une complétude bibliographique permettant de traiter la problématique et d'apporter ainsi réponse à la question centrale. Cependant, deux enquêtes « terrain » viendront compléter ce matériau : l'une, réalisée au sein de l'agence Pôle-Emploi de Saint-Chamond (Loire) en questionnement des demandeurs d'emploi présents sur la connaissance qu'ils ont du dispositif de la PPE (enquête de notoriété), et l'autre, de même nature, réalisée via les réseaux sociaux professionnels Linkedin et Viadeo (Network) sur une cible de cadres en activité (catégorie de personnes non concernée par le dispositif du fait de leur niveau de revenus). Enfin, deux exemples, l'un américain et

5

l'autre britannique9, seront utilisés à titre de comparatif dans l'analyse des impacts de la PPE. En effet, ces outils suivent le même objectif et sont de même nature que le dispositif français (crédit d'impôt).

Les cadres théoriques utilisés en démonstration des critères de pertinence, d'efficacité, et d'efficience, seront les grilles d'analyse de Charles O. Jones (analyse séquentielle des politiques publiques) (Jones, 1970), et de Pierre Muller (Analyse cognitive des politiques publiques) (Jobert, Muller, 1987 ; Muller 2000, 2013 ; Muller, Surel, 2000). Le cadre théorique utilisé en démonstration du critère de justice sociale sera la grille d'analyse d'Amartya Sen (Approche par les capabilités) (Sen, 2003).

La spécificité de l'analyse présentée, en réponse à la question principale, réside dans une approche non monétaire des problèmes que le dispositif est sensé résoudre, notamment du point de vue des principes de justice sociale10 (Sen, 2003). Elle réside aussi, dans une projection, rendue possible par la réforme annoncée en 2016 (transformation de la Prime pour l'emploi en Prime d'activité), permettant d'envisager l'analyse du dispositif du point de vue de sa transversalité temporelle (passé - présent - futur), et de vérifier, à la lumière de sa trajectoire, si le dispositif prend la direction d'un solutionnement offrant plus de pertinence, d'efficace, et d'efficience.

Le sujet sera traité à l'aide d'un plan en deux parties. Une première partie présentera le dispositif de la PPE (chapitre I) : sa genèse, le problème et le besoin social, le contexte de l'époque, les exemples étrangers, la réponse apportée, l'évolution du dispositif dans le temps selon ses différentes réformes et revalorisations.

Une deuxième partie (chapitre II) traitera de l'actualité du dispositif : son impact en redistribution des revenus (réduction des inégalités et aide aux bas salaires), son impact en stimulation de l'emploi, l'analyse du dispositif actuel à l'aide des cadres théoriques (analyse séquentielle et cognitive : du besoin social au dispositif, du problème social au rôle des acteurs, l'approche par les référentiels). La PPE sera abordée sous l'angle de la justice sociale (réduction ou création d'inégalités), notamment par une approche non monétaire (Sen, 2003). La conclusion générale permettra l'ouverture du sujet vers l'avenir du dispositif : la Prime d'activité à horizon 2016.

9 L'Earned Income Tax Credit américain (EITC), et le Working Families Tax Credit britanique (WFTC)

10 Selon l'Organisation des Nations unies (ONU), « La justice sociale est fondée sur l'égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C'est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d'expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d'autonomie économique, sociale et politique » (ONU, 2015).

6

CHAPITRE I - Présentation du dispositif
de la Prime pour l'emploi (PPE)

L'objet du premier chapitre est de présenter le dispositif de la PPE. L'objectif est de comprendre cet outil de politique publique en partant de sa genèse : le besoin social du début des années 2000 (dans un contexte d'interpénétration croissante de l'assistance et de l'emploi précaire) (Martin, Paugam, 2009), le contexte politique de l'époque, les exemples étrangers à disposition (notamment britannique et américain). L'objectif est également de comprendre les principales applications du dispositif : la redistribution des revenus et l'incitation à l'emploi, ce dernier exprimant un nouveau régime de mise au travail (Martin, Paugam, 2009). Enfin, l'examen de ses évolutions (réformes et revalorisations) est un moyen de comprendre les directions que le dispositif a pu prendre au fil du temps.

Au-delà de l'incitation au travail et de sa mécanique redistributive, la PPE contribue aussi à réduire la pauvreté, les inégalités, et l'exclusion sociale.

Il peut être affirmé que « désormais activité et pauvreté font bon ménage » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

« Selon l'Observatoire de la pauvreté, il y avait en 2001, 3,6 millions de personnes dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté défini à 50 % du niveau de vie médian11. Un million d'entre elles travaillaient » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1). En 2006, en France, il y avait 1,3 à 1,4 millions de travailleurs pauvres à 50 % du revenu médian, et 2,4 à 2,5 millions de travailleurs pauvres à 60 % du revenu médian (Foyer Notre Dame des Sans Abris (FNDSA), 2008).

Quelle équation sociale permettrait de lutter contre la pauvreté par l'activité, quand des travailleurs restent dans la pauvreté12, quand un emploi précaire n'est plus forcément un tremplin vers un emploi stable ? (Allègre, Périvier, 2005 - 1)

L'étude de la PPE, tant dans sa genèse que dans les modifications qui ont pu être apportée au dispositif originel, permet de comprendre l'enjeu et la difficulté du combat contre la pauvreté (laborieuse), les inégalités, l'exclusion, mais aussi, sur un plan plus

11 « Le seuil de pauvreté généralement utilisé en France correspond à 50 % du revenu médian, cependant la majorité des pays européens utilise un seuil de pauvreté correspondant à 60 % de ce revenu. Néanmoins, les ménages dont les revenus se situent juste au-dessus de ces seuils, définis arbitrairement, ne sont pas riches pour autant. Nous parlons donc de pauvreté au sens statistique » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

12 « La définition généralement retenue du travailleur pauvre est celle d'un individu qui a un emploi, mais dont les revenus du foyer auquel il appartient ne dépassent pas le seuil de pauvreté. Selon cette définition, un travailleur à bas salaire n'est pas considéré comme pauvre s'il appartient à un ménage dont les revenus sont supérieurs à ce seuil » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2).

7

technique, contre les trappes à inactivité pouvant être créées par le système socio-fiscal13, ou tout simplement par des aspects pratiques de la vie14 (Périvier, 2003 ; Portail des Sciences Economiques et Sociales, 2008).

A - La Genèse du dispositif

« À la fin des années 1990 émerge en France un débat important sur les thèmes de l'incitation au travail des titulaires de minima sociaux et de la pauvreté de certains travailleurs. Ce débat conduit notamment en 1998 au renforcement du mécanisme d'intéressement des minima sociaux (RMI, API). Plus largement, une réflexion s'engage sur l'opportunité d'instaurer, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis15, un dispositif à la fois destiné à encourager l'emploi et à réduire la pauvreté des travailleurs. Une Prime pour l'emploi (PPE) est finalement créée en 2001, « afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité16 » en complétant les revenus des travailleurs faiblement rémunérés » (Bonnefoy et al., 2009 : p. 87). Sa création s'est inscrite en 2001 dans un ensemble de réformes portant tant sur l'allocation-logement, que sur la taxe d'habitation ou l'impôt sur le revenu (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

Plus dans le détail, une réflexion avait été conduite afin de mettre en évidence certains des effets pervers du système français de prélèvements et de transferts, en particulier l'existence de «trappes à inactivité17 », c'est-à-dire de situations dans lesquelles l'emploi est, d'un point de vue strictement financier, moins attractif que le non emploi, en raison notamment du niveau très élevé des taux marginaux de prélèvement effectif en bas de l'échelle des revenus18. De plus, « l'idée qu'il existerait des « trappes à inactivité » se

13 Ce phénomène pouvait d'ailleurs être aggravé également par la perte au niveau local d'un ensemble de prestations sociales (aides au transport, prise en charge de factures d'eau ou d'électricité, etc.) à la reprise d'un emploi comme l'ont montré les travaux d'Anne et L'Horty en 2002.

14 « Les allocataires de minima sociaux ne seraient pas incités financièrement à prendre un emploi : les revenus issus de l'activité, diminués des coûts qu'elle engendre (transport, habillement, frais de garde des enfants...) seraient insuffisants pour rendre l'emploi attractif au regard du niveau des transferts sociaux (financiers et en nature) dont disposent les individus lorsqu'ils ne travaillent pas » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).

15 L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas nouvelle. Les États-Unis ont développé massivement, à partir du milieu des années 1990, l'Earned Income Tax Credit (EITC) dans cette optique d'incitation à l'emploi. De même, à la fin des années 1990, le Royaume-Uni a suivi cette voie avec le Working Family Tax Credit, (WFTC) (Périvier, 2003).

16 Code général des impôts (CGI), article 200 sexies.

17 Déjà largement évoquées en 1999, trois ans avant le lancement de la PPE (Laroque, Salanié, 1999).

18 Une enquête de mars 1997 identifie trois groupes de chômeurs : le non-emploi volontaire (57 % du panel), le non-emploi classique (20 % du panel), et 23 % de « chômage réel ». Le premier groupe est intéressant car il englobe des personnes qui n'ont pas intérêt à travailler du fait d'un jeu complexe de prélèvements sociaux et de transferts sociaux (Laroque, Salanié, 2000). « Le trop faible écart entre les plus bas salaires et les minima sociaux créeraient des «trappes à inactivité », des désincitations au travail » (Palier, 2008 : p 164). « Aujourd'hui, les personnes qui retrouvent un emploi à temps partiel peu qualifié subissent un taux d'imposition de leur revenu parfois supérieur à 100 %. Ainsi, un allocataire du RMI qui retrouve un emploi à mi-temps payé sur la base du Smic ne gagne en réalité que 260 francs de plus par mois, voire moins, compte tenu de la perte de certaines allocations qu'entraîne la reprise d'activité. En améliorant la rémunération nette du travail, le crédit d'impôt vise à corriger cette distorsion » (Raulin, 2001 - 2), (lecture : Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)).

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trouve accréditée par le nombre croissant de personnes qui bénéficient des mesures d'intéressement permettant de cumuler prestations et salaires » (Palier, 2008 : p. 165). Pour pallier à ces défauts, plusieurs réformes de la législation sociale et fiscale ont été mises en oeuvre dès 1998, concernant notamment les aides au logement, les dégrèvements de taxe d'habitation, le barème de l'impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, et la possibilité de cumuler temporairement un minimum social et des revenus d'activité. La création de la Prime pour l'emploi a en fait représenté une étape supplémentaire dans cette démarche globale de correction des trappes à inactivité (Cour des comptes, 2006 ; Portail des Sciences Economiques et Sociales, 2008).

Il n'était pas dans les intentions premières du Gouvernement de rattacher ce dispositif à l'impôt sur le revenu. Au début, la Prime pour l'emploi devait prendre la forme d'une réduction de Contribution sociale généralisée (CSG) et de Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) accordées aux personnes disposant de revenus d'activité, salariée ou non salariée, d'un montant inférieur à un plafond correspondant à 1,4 salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Le Conseil constitutionnel avait censuré ce mécanisme de « ristourne dégressive » de CSG et de CRDS, prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2001, car il n'était pas conforme au principe d'égalité des contribuables devant l'impôt. La solution retenue - en urgence - a consisté à le convertir en un droit à récupération fiscale sur l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) (Cour des comptes, 2006) représentant une prime liée à l'exercice d'une activité professionnelle (51 heures minimum par mois sur la base d'une rémunération au SMIC) (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 ; Hagneré, Trannoy, 2001). Il peut être également souligné que la PPE, étant à la fois une mesure sociale et fiscale, était tributaire d'un mode de décision publique réduit 19 (Doligé, 2008).

« Le dispositif poursuit simultanément deux objectifs : encourager l'exercice d'une activité professionnelle et redistribuer du pouvoir d'achat aux travailleurs à bas revenus » (Cour des comptes, 2006 : p. 284). La PPE consiste en une allocation dégressive dont le taux plein, pour les inactifs, décroît au fur-et-à-mesure que les revenus de l'individu augmentent : on doit à l'économiste néo-classique Milton Friedmann20 les origines de ce mécanisme. Pour que le mécanisme de la PPE soit incitatif, le taux de baisse du crédit d'impôt est moins élevé que celui de la hausse des revenus, ce qui va dans le sens de

19 « Dans ce cas, il s'agissait des scènes politico-administratives que sont le commissariat général au Plan (CGP), le Conseil d'analyse économique (CAE) ou le cabinet du Premier ministre » (Colomb, 2012-1 : p. 33).

20 Milton Friedman est un économiste américain né le 31 juillet 1912 à New York et mort le 16 novembre 2006 à San Francisco, considéré comme l'un des économistes les plus influents du XX? siècle.

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l'unique article de la loi du 30 mai 200121 : la poursuite de l'objectif d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité (Colomb, 2012 - 1).

« L'histoire des politiques de l'emploi se caractérise par une tendance cognitive majeure : par couches successives se sont rajoutés des instruments aux fondements normatifs pluriels et contradictoires. Entre la genèse en 1963 de la catégorie « politiques de l'emploi » avec le Fonds national de l'emploi et la réduction permanente des cotisations sociales sur les bas salaires en 1993, en passant par la mise en place massive de contrats aidés au cours des années 1980, se sont succédés des programmes défendant chacun une définition spécifique des politiques de l'emploi. Au-delà de cette diversité, se dessine une tendance significative : les acteurs à l'origine des politiques de l'emploi valorisent - avec des nuances - le retour à l'emploi salarié et défendent l'absence de responsabilité des chômeurs dans leur situation. Ils considèrent que le marché du travail doit être régulé de manière distincte des autres marchés. C'est en ce sens que la PPE marque une rupture cognitive. Plus que l'ajout d'une nouvelle couche aux dispositifs en vigueur à la fin des années 1990 (réduction du temps de travail, contrats emploi jeunes, exonération de cotisations sociales), ce mécanisme signifie une contestation des anciennes logiques donnant lieu à une remise en cause des principes fondamentaux sur lesquels reposaient les politiques de l'emploi depuis plus de quarante ans » (Colomb 2012 - 1 : p. 32).

Le processus de construction de la Prime pour l'emploi à la fin des années 199022, par la création d'un crédit d'impôt, est significatif d'un tournant cognitif au sein des politiques de l'emploi. L'arrivée de nouveaux profils d'acteurs décisifs au sein de ce secteur a conduit à l'époque à favoriser une orientation libérale, d'autant plus qu'une série de rapports administratifs et de productions d'experts a donné du crédit scientifique et politique à une mesure en contradiction avec les orientations socialistes du moment. Ce processus a produit une définition originale des politiques de l'emploi : le chômeur est compris comme responsable de sa situation, et l'emploi est plutôt conçu comme une activité que comme un statut. Ce tournant majeur signe l'arrivée de la thématique du «making work pay23 » : les incitations financières ont, d'une part, acquis une place

21 La loi du 30 mai 2008 précise : « Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé Prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques domiciliées en France » (Arnaud et al., 2008).

22 Les années 1990 ont donné lieu à un « tournant néolibéral » dans les politiques publiques (Jobert, 1994).

23 L'expression est traduite par « valoriser le travail ». Sa logique peut être décomposée en trois temps : -le chômage est dû non pas à un manque d'emploi mais aux comportements de ceux qui le proposent ; -de ce fait, il faut corriger leur comportement en envoyant des signaux mettant l'accent sur le gain financier au retour à l'emploi ;

-les signaux doivent être lisibles et donc pérennes pour être efficaces. Le « Making work pay » peut être mis en place en passant par une pluralité d'instruments, tels que la baisse des allocations chômage, des avantages en nature ou l'augmentation des salaires. Ces outils sont présidés par une même représentation de l'individu : le chômeur peut arbitrer en fonction de ses gains potentiels.

L'efficacité de cette série causale de propositions repose sur le couple simplicité/ pérennité du dispositif. Sans ces caractéristiques, les « anticipations des agents » ne peuvent se faire que de manière biaisée (Colomb, 2012-1).

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prépondérante dans l'orientation des politiques de l'emploi en France et ont, d'autre part, produit une nouvelle compréhension de ces politiques (Colomb, 2012 - 1).

En conclusion, et en expression des référentiels de l'époque, l'emploi est désormais considéré comme une activité et non comme un statut, et le chômeur est perçu comme étant responsable de sa situation. La création de la PPE, découlant de ces nouvelles considérations, représente davantage que la création d'un nouvel instrument, puisque on y observe une véritable rupture cognitive, remettant en cause le coeur des politiques de l'emploi menées depuis plus de 40 ans en France (Colomb, 2012 - 1). Elle a été votée et appliquée en 200124, faisant obstacle aux propositions alternatives telle que la ristourne de CSG/CRDS (votée à l'automne 2000 mais censurée par le Conseil constitutionnel) ou l'Allocation compensatrice de revenu (ACR), proposition alternative formulée par Roger Godino en 199925 (Arnaud et al., 2008 ).

« La prime se classe dans la catégorie des instruments visant à majorer le taux de salaire net sans accroître le coût salarial ; son montant est d'autant plus élevé que l'emploi est à temps plein et payé au voisinage du SMIC. En cela, la Prime pour l'emploi ne diffère pas fondamentalement de la ristourne de CSG et de CRDS. Elle ne cherche pas, en revanche, à compenser l'insuffisance de revenu liée à des faibles durées de travail annuel. La présentation qui en est faite par le gouvernement insiste d'ailleurs sur ce point, en soulignant le fait que la troncature à 0,3 SMIC, introduite dans la prime (et qui n'existait pas pour la CSG), vise à favoriser les sorties de situations d'activité réduite et à ne pas inciter au temps très partiel » (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 : p. 88). La PPE fonctionne par le biais d'un crédit d'impôt, un impôt négatif lié au revenu d'activité tel que le représente le schéma 1 et le tableau 1.

24 Loi du 30 mai 2001.

25 « Le principe d'une prestation dégressive a été proposé dès la fin des années quatre-vingt-dix par Godino (1999). Il lui a alors été préféré la mise en place d'une prestation positivement liée au revenu d'activité : la Prime pour l'emploi (PPE). Cette logique dégressive est celle du Revenu de solidarité active (RSA) » (Cahuc et al., 2008 : p.59).

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Schéma 1 : Un impôt négatif lié au revenu d'activité

Source : Cahuc et al., 2008 : p. 62.

Tableau 1 : Les effets des dispositifs d'impôt négatifs

Source : Cahuc et al., 2008 : p. 62.

« Moins souvent mis en avant que l'objectif incitatif - comme l'atteste d'ailleurs la dénomination de la Prime pour l'emploi - l'objectif redistributif de la PPE n'en est pas moins central » (Cour des comptes, 2006 : p. 285). L'aspect redistributif du dispositif PPE vise à redistribuer les revenus afin de contribuer à la réduction des inégalités, d'aider les bas salaires, et de lutter contre la pauvreté et la précarité26 (par opposition à son aspect incitatif qui lui vise la pauvreté laborieuse, les trappes à inactivité, et l'exclusion sociale qui peut découler du choix de ne pas travailler).

26 « La précarité est l'absence d'une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible » (Wresinski, 1987 : p. 6).

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Encadré 1 :

Conditions d'éligibilité à la Prime pour l'emploi au titre des revenus de 2001

La Prime pour l'emploi ne s'adresse qu'aux foyers fiscaux dont le revenu est inférieur à un plafond variable, en fonction de la composition du foyer, et dans lesquels une personne au moins a exercé une activité au cours de l'année civile (annexe 5). La PPE est attribuée à chaque personne du foyer fiscal qui remplit les conditions suivantes pour le revenu d'activité et le revenu de référence du foyer. Eligibilité individuelle et condition d'activité professionnelle : exercice d'une activité professionnelle dans l'année de référence.

Le revenu annuel d'activité professionnelle doit être au-dessus de 0,3 fois le SMIC annuel (3 186 euros pour 2001). Par ailleurs, le revenu d'activité, calculé en équivalent temps plein sur l'année, doit être inférieur à 1,4 fois le SMIC annuel (14 872 euros pour 2001). Ainsi, un célibataire ayant travaillé 6 mois pour un salaire égal à 2 fois le SMIC (ayant donc un revenu total annuel inférieur à 1,4 fois le SMIC annuel, mais un salaire en équivalent temps plein égal à 2 fois le Smic) ne pourra pas être destinataire de la PPE. Cette limite supérieure est portée à 2,13 fois le SMIC (soit 22 654 euros en 2001) pour les couples mono-actifs et les personnes isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants. L'éligibilité se fait au niveau du foyer fiscal et le revenu fiscal de référence du foyer doit se situer en dessous d'un seuil de 11 772 euros pour les personnes seules, et de 23 185 euros pour les deux parts des couples soumis à une imposition commune (avec une majoration de 3 253 euros pour chaque personne à charge) (Arnaud et al., 2008 ; Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion sociale, 2006 ; La finance pour tous.com, 2009 ).

L'ensemble de ces aspects demandent à être abordés plus en détail. a - Pauvreté laborieuse, trappes à inactivité, et exclusion sociale

La pauvreté laborieuse est présente en France, touchant tant les salariés que les travailleurs indépendants (notamment les agriculteurs). En 2008, on comptait

1,5 millions de travailleurs pauvres (Hirsch, 2008). Il existe de plus des situations familiales susceptibles d'améliorer ou d'aggraver la situation des travailleurs pauvres. A ce niveau, le poids des prestations sociales dans le revenu des ménages pauvres représente une nécessité absolue (Lagarenne, Legendre, 2000).

Les trappes à inactivité représentent des situations dans lesquelles l'emploi, sur le plan strictement financier, est moins attractif que le non emploi, en raison notamment du niveau très élevé des taux marginaux de prélèvement effectif en bas de l'échelle des revenus (Cour des comptes, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005).

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Le chômage, la pauvreté laborieuse, les trappes à inactivité, peuvent contribuer, en tout ou partie, à des situations d'exclusion sociale et/ou de marginalisation (Foyer Notre Dame des Sans Abris (FNDSA), 2008). Dans cette perspective, l'emploi se positionne comme une source principale d'inclusion sociale (OCDE, 2007).

Ces sujets, qui méritent d'être abordés plus en détail, font partie du thème général de « la lutte contre la pauvreté, les inégalités, et l'exclusion ». Ils seront toutefois abordés ici sous l'angle unique de l'emploi.

1 - La pauvreté laborieuse

« L'emploi n'est pas un rempart absolu contre la pauvreté, 33 % des personnes vivant dans des ménages pauvres (et même 41 % si l'on se limite aux personnes de moins de 65 ans) étaient des actifs occupés en 2004, ce qui représentait 5 % de la population. La France se situe dans une situation moyenne par rapport aux autres pays de l'OCDE en termes de pauvreté au travail et par rapport à la moyenne des pays de l'Europe... » (OCDE, 2007 :

p. 54).

La répartition des pauvres varie notamment selon leur activité, tel que le démontre le tableau 2.

Tableau 2 - Répartition des personnes pauvres selon leur activité
Seuil de 60 % du revenu médian, 2004

Source : INSEE-DGI27, enquête Revenus fiscaux in OCDE, 2007 : p. 55.

La répartition des pauvres varie également selon le statut de l'emploi, tel que le démontre, pour l'année 2004 à titre d'exemple, le tableau 3.

27 Direction générale des impôts (DGI).

Tableau 3 - Composition des actifs pauvres selon le statut d'emploi
dominant dans l'année 2004

(en pourcentage)

Source : Rapport de l'ONPES28 (2006) in OCDE, 2007 : p. 55.

Quelle équation sociale pour lutter contre la pauvreté grâce à l'activité ? La lutte contre la pauvreté est-elle possible par l'emploi sans générer de pauvreté laborieuse ? La redistribution suffit-elle à réduire le nombre de pauvres ? (Allègre, Périvier, 2005 - 1). Comment éviter une « France des travailleurs pauvre », entre petits boulots, contrats à durée déterminée (CDD), intérim, et bien souvent grande précarité (Clerc, 2008) ?

L'examen des problèmes posés par la Prime pour l'emploi, met en lumière la question de la cible visée dans les politiques de soutien aux bas revenus : veut-on soutenir le pouvoir d'achat des bas salaires ou veut-on soutenir le niveau de vie des ménages des travailleurs pauvres ? Les deux projets ne sont pas incompatibles (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001). Cependant, par construction, la PPE ne bénéficie pas aux ménages les plus pauvres, mais aux déciles 2 à 5 de la population (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

L'équation principale à résoudre, tant face au problème de pauvreté laborieuse qu'à celui des trappes à inactivité ou de l'exclusion sociale qu'elles génèrent, réside dans le fait d'accroître les gains financiers de l'emploi, et de fait accroître l'emploi. La pauvreté gagne du terrain au fil du temps chez les actifs, tant en situation d'emploi qu'en situation de chômage, comme le démontre le graphique 1.

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28 Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES).

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Graphique 1 : Répartition par statut des personnes pauvres

Lecture : les salariés représentaient 12,6 % des personnes pauvres en 1984 et 20 % en 1995. Champ : individus de 17 ans et plus à l'exclusion de ceux qui appartiennent à un ménage dont la personne de référence est étudiante.

Source : Insee, enquêtes budget des familles in Conseil de l'emploi,
des revenus et de la cohésion sociale, 2001 : p. 57.

La PPE se positionne alors parmi les instruments de soutien aux bas salaires, visant notamment à accroître les gains financiers de l'emploi (sans alourdir le coût du travail). Pour lutter avec plus d'efficacité contre la pauvreté, la PPE, le SMIC et les allégements de cotisations sociales doivent être utilisés de façon cohérente. A cet égard, il peut être affirmé que la PPE représente une meilleure solution que des hausses de SMIC combinées à de nouveaux allégements de cotisations sociales. Le SMIC devrait progresser plus lentement que le salaire médian ce qui réduirait le coût relatif du travail peu qualifié et réduirait mécaniquement le poids des allégements de cotisations sociales, qui sont proportionnels au SMIC, dans le Produit intérieur brut (PIB). Selon ce courant de pensée, une partie des ressources disponibles pourrait être mobilisée pour accroître la Prime pour l'emploi et celle-ci pourrait être mieux ciblée sur les publics les plus exposés aux « trappes à bas salaires » et aux situations de pauvreté (OCDE, 2007).

Encadré 2 :

Les instruments de soutien des bas taux de salaires

Dans les débats récents, on a souvent présenté deux autres possibilités de relever les bas salaires sans affecter le coût du travail et donc sans risque de réduire la demande de travail peu qualifié par les entreprises :

- l'augmentation du SMIC brut compensée par un allègement correspondant des cotisations patronales (par exemple jusqu'à 1,4 SMIC) ;

- le maintien du niveau du SMIC et la réduction des prélèvements sociaux à son niveau, mesure dégressive jusqu'à 1,4 SMIC (dont la ristourne de CSG et de CRDS).

Ces mesures ne sont pourtant pas tout à fait équivalentes (notamment à l'époque de la mise en place de la réduction du temps de travail). Une augmentation du SMIC a tendance à se diffuser sur les salaires immédiatement supérieurs, mais l'effet s'épuise

progressivement. On a pu estimer que la diffusion s'éteignait vers 1,4 SMIC. Selon cette hypothèse, la phase dégressive des allègements de cotisations patronales compense l'effet de l'augmentation du Smic et la distribution des coûts salariaux reste inchangée. Il est alors assez indifférent d'agir sur les cotisations patronales ou salariales, cependant, un allègement des cotisations salariales ou des cotisations patronales donnent souvent lieu à des perceptions et opinions variées.

A l'époque de la période de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, et compte tenu du jeu de la garantie mensuelle de salaires pour les salariés payés au SMIC, le relèvement du salaire minimum aurait eu des effets particuliers (extinction plus rapide du complément de salaire et choc salarial plus important dans la période finale). Un relèvement du SMIC, même s'il est compensé par un allègement de charges, rendrait également plus difficile la reprise souhaitable de la politique de relèvement des minima salariaux conventionnels de branche. Il est d'autre part difficile de baisser les taux de cotisations affectant les revenus de remplacement (retraites), même en compensant leur réduction par un transfert budgétaire, alors même que l'équilibre à terme des régimes de retraite n'est pas assuré. Ceci serait un signal assez peu compréhensible ; de même, affecter les taux de cotisations de chômage pouvait prêter lieu à débat après les discussions ayant eu lieu autour de la nouvelle convention UNEDIC29 de l'époque.

Pour finir, imputer la réduction à la Contribution sociale généralisée (CSG) posait d'autres questions relatives à la nature de ce prélèvement qui constitue un impôt direct sur les revenus, et aussi marquait un retour en arrière par rapport au mouvement qui avait conduit à introduire un impôt universel pour financer partiellement la protection sociale. La solution de la Prime pour l'emploi s'inscrit donc dans cette gamme d'instruments, en cherchant à éviter certains de leurs écueils (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

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La Prime pour l'emploi fait partie des instruments de soutien nationaux aux bas revenus, comme le démontre le tableau 4.

Tableau 4 : Décomposition des instruments de soutien aux bas revenus en 2001

Lecture : en grisé figure le champ couvert par les études antérieures. On entend ici par « aides locales » des aides dont le montant est variable selon la localisation des bénéficiaires, indépendamment de toutes autres caractéristiques personnelles ou familiales. Electricité de France - Gaz de France (EDF-GDF).

Source : Anne, L'Horty, 2012 : p. 50.

29 Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

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La Prime pour l'emploi va ainsi majorer les revenus faibles d'activité compris entre

0,3 et 1,4 SMIC, du fait de la troncature à 0,3 SMIC introduite dans la prime et visant à favoriser les sorties de situations d'activité réduite et à ne pas inciter au temps très partiel. Selon les estimations de 2001, un peu moins de 30 % de l'ensemble des ménages bénéficiait de la Prime pour l'emploi. Parmi les bénéficiaires, un ménage sur dix (1/10) était dans le premier décile de niveau de vie (les 10 % les plus faibles des niveaux de vie) et six sur dix (6/10) se répartissaient de manière a peu près identique entre le deuxième et le cinquième décile de niveau de vie (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

2 - Les trappes à inactivité

Les trappes à inactivité ont clairement été mises en lumière par une enquête réalisée en mars 1997 (Laroque, Salanié, 2000). Lors de celle-ci, trois groupes avaient été identifiés : le non-emploi volontaire (57 % du panel), le non-emploi classique (20 % du panel), et 23 % de « chômage réel ». Le premier groupe était particulièrement intéressant car il englobait des personnes qui n'avaient pas intérêt à travailler du fait d'un jeu complexe de prélèvements sociaux et de transferts sociaux. L'idée est ainsi émise, dès 2000, que des problèmes d'offre affectaient le marché de travail (alors que jusqu'à la fin des années 1990, les politiques de l'emploi ont essentiellement visé à stimuler la demande de travail, notamment à travers de baisses dégressives de cotisations patronales) (Arnaud et al., 2008).

« On parle de « trappe à inactivité » pour décrire une situation où la reprise d'un emploi faiblement rémunéré par un allocataire de minimum social conduit à une stagnation, voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d'assistance » (Sénat, 2015). La trappe à inactivité « désigne les incitations éventuelles qui encourageraient une personne à demeurer inactive (cas des allocataires de minima sociaux ou des dispensés de recherche d'emploi) ou ne pas accepter de reprendre un emploi alors qu'elle est au chômage, en raison de la perte des avantages sociaux auxquels elle devrait alors renoncer » (Alternatives économique, 2015).

Les propositions alternatives pour remédier au problème des trappes à inactivité se sont succédées : les mesures d'intéressement temporaire adoptées en 1998, l'Allocation compensatrice de revenu proposée par Godino (1999), puis la ristourne CSG (2000) et finalement la Prime pour l'emploi en 2001(les projets de l'ACR et de la ristourne CSG n'ont jamais été mis en oeuvre) (Arnaud et al., 2008 ; Bourgeois, Buffeteau, 2008).

Les réformes effectivement engagées depuis 2000 pour réduire les trappes à inactivité sont la réforme de la taxe d'habitation, la modification du barème des aides au logement, la modification de la décote et du barème de l'impôt sur le revenu, et la création de la Prime pour l'emploi (Sénat, 2015-1).

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Le caractère faiblement incitatif d'une reprise d'emploi à mi-temps pour un allocataire de minima sociaux était unanimement décrié avant l'instauration de la loi dite Aubry. Celle-ci, conjuguée à d'autres mesures, dont la Prime pour l'emploi, modifia la situation des personnes concernées. Désormais, le revenu disponible est une fonction croissante de la durée du travail, quel que soit l'horizon temporel adopté (Hagneré, Trannoy, 2001).

3 - L'exclusion sociale

« La croissance économique améliore le bien-être général mais peut laisser de côté un ensemble de personnes qui sont confrontées à des situations de pauvreté et, parfois, à l'exclusion sociale. En plus des conséquences néfastes pour les personnes concernées, la pauvreté et l'exclusion sociale sont à l'origine d'externalités négatives, engendrant des problèmes de criminalité» (OCDE, 2007 : p.48).

« L'accès à l'emploi est l'élément déterminant de l'insertion sociale. Les revenus d'activité représentent en moyenne près de 70 % du revenu d'un ménage. Mais, plus qu'un revenu, l'emploi intègre les personnes dans un cadre social. Il doit donc être préféré à une situation de non-emploi qui pourrait fournir à la personne le même niveau de ressource mais qui ne l'intègre pas dans la société » (OCDE, 2007 : p. 54). De plus, « ... l'emploi n'est pas seulement un moyen de subvenir à des besoins matériels. Il s'accompagne d'une reconnaissance sociale nécessaire à l'intégration dans la société » (Périvier, 2003 : p. 285).

B - Contexte politique de l'époque et exemples étrangers

Tant le contexte politique d'une époque, assorti de ses acteurs, que les exemples étrangers de dispositifs proches ou similaires, participent à la création de référentiels. Ils sont donc à considérer afin de situer la genèse de la PPE.

1 - Le contexte politique de l'époque

Président d'Action contre la Faim de 1999 à 2000, Roger Godino a été conseiller du premier ministre Michel Rocard de 1988 à 1991 et intimement associé à la création du RMI. Il avait proposé en 1997 la création d'une Allocation compensatrice du revenu (ACR) destinée à permettre aux individus travaillant à temps partiel de percevoir une fraction dégressive du RMI tant que leur revenu total (activité et fraction du RMI) n'excédait pas le revenu net d'activité d'un salarié travaillant à temps plein au SMIC. Cette proposition a fait l'objet de nombreux commentaires et d'études, jusqu'à ce que, en mai 2001, le gouvernement de Lionel Jospin, dans une décision des plus importantes de sa législature selon Piketty, lui préfère le dispositif de la Prime pour l'emploi (Gravel, 2002).

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« La PPE était en fait l'improvisation accidentelle d'une année préélectorale, mais consolidée par les gouvernements Raffarin et Villepin » (Mongin, 2010) : « Défendue par Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi, l'idée d'un crédit d'impôt prenant la forme d'un remboursement de la Contribution sociale généralisée (CSG) a été écartée... ... au profit de l'allègement direct de la CSG sur les bas salaires, préconisé par Laurent Fabius. Le ministre de l'Economie et des Finances avait un argument massue à faire valoir auprès du Premier ministre : contrairement au crédit d'impôt, techniquement difficile à mettre en place, les allègements de CSG, appliqués directement sur la fiche de paie, permettaient une hausse du pouvoir d'achat des salariés modestes dès janvier 2001, donc juste avant les municipales. Va donc pour l'allègement de CSG. Et puis patatras. Le 19 décembre, le Conseil constitutionnel annule la mesure, déséquilibrant au profit des ménages aisés le plan de baisses d'impôts présenté par Fabius le 31 août. Le gouvernement devait trouver d'urgence une solution de rechange30. Du coup, Matignon a ressorti des tiroirs l'idée du crédit d'impôt, rebaptisé... ... par Lionel Jospin Prime pour l'emploi » (Raulin, 2001 - 2)

La Prime pour l'emploi (PPE), instaurée en 2001 en France, relève d'une logique qui consiste à rendre l'emploi plus rémunérateur afin d'encourager les individus à travailler. L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas nouvelle. « La décision d'adopter en France l'instrument fiscal novateur que constitue la PPE a également été influencée par la mise en place de crédits d'impôt sur le revenu aux Etats-Unis (Earned Income Tax Credit (EITC) créé en 1975) et au Royaume-Uni (Working Families Tax Credit (WFTC) créé en 1999 puis réformé en 2003), pour stimuler l'activité et lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres » (Cour des comptes, 2006 : p. 285). Ces expériences étrangères ont fourni un terrain d'analyse fertile concernant les effets incitatifs et redistributifs des crédits d'impôt (Périvier, 2003). En effet, à cette époque, les politiques visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de la protection sociale se multipliaient déjà en France. Elles n'étaient donc pas cantonnées aux pays anglo-saxons où dominait le répertoire libéral de protection sociale (Palier, 2008).

Sur un fond de débat important sur l'impôt négatif et l'allocation universelle qu'il était susceptible de représenter en 2000 (Vanderborght, 2001), Michel Rocard avait fait une large promotion du crédit d'impôt (Rocard, 2001).

Enfin « ... à la suite de l' « affaire de la cagnotte fiscale » qui dégageait « un trésor fiscal caché », le gouvernement était appelé à produire une mesure favorable au pouvoir d'achat des ménages» (Colomb, 2012 - 1 : p. 32).

30 « Le projet de loi portant création de la PPE s'est improvisé en quelques semaines, après que le Conseil Constitutionnel eut annulée en décembre 2000 la ristourne de Contribution sociale généralisée (CSG) que le gouvernement avait initialement prévue. Le rapporteur du projet à l'Assemblée Nationale, D. Migaud, traduisait son embarras ainsi : « Il n'est guère courant que la Commission des finances ait à connaître dans l'urgence, au mois de janvier, mais instructif de relire l'exposé des motifs malingre et décalé qui fait suite à cette entrée en matière » (Mongin, 2008 : p. 442).

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« Eléments de division de la gauche : Pourquoi la mesure divise-t-elle à gauche ? Rien de «théologique» là-dedans. D'inspiration ultralibérale (le concept a été créé par l'économiste américain Milton Friedman), le crédit d'impôt est un élément central des politiques sociales des Etats-Unis et du Royaume-Uni, pays où la réduction des inégalités est loin d'être une priorité. L'Earned Income Tax Credit et le Working Family Tax Credit justifient au contraire là-bas l'absence de salaire minimum légal. De quoi susciter une crainte diffuse dans les rangs de la gauche française : la généralisation du crédit d'impôt ne menace-t-elle pas à terme l'existence du SMIC ? Réponse de Jean Pisani-Ferry, ancien conseillé de Dominique Strauss-Kahn et membre du Conseil d'analyse économique, dans Libération... : L'Etat n'a aucun intérêt à ce que les bénéfices du crédit d'impôt reviennent aux entreprises. Pour baisser les salaires, il faudrait que l'employeur le puisse. L'existence du SMIC l'en empêcherait. Le crédit d'impôt conforte le SMIC, il ne l'affaiblit pas.» (Raulin, 2001 - 2).

2 - Les exemples étrangers

Comme évoqué précédemment, la PPE a son équivalent aux Etats-Unis sous le nom de Earned Income Tax Credit (depuis 1975) et au Royaume-Uni, sous le nom de Working Tax Credit (depuis 1986), avec cependant une différence notable : des montants alloués plus élevés, mais sur une assiette de population plus restreinte (donc un impact plus perceptible et plus mesurable).

L'Earned Income Tax Credit américain (EITC), est un crédit d'impôt remboursable, crédit qui tient compte des revenus du ménage, et est donc recalculé sur la base des revenus annuels déclarés au fisc. Le dispositif de paiement d'impôt par retenue à la source permet cependant, aux Etats-Unis, un versement mensuel de l'EITC : les allocataires peuvent choisir entre un versement mensuel ou un versement annuel décalé. Il est très remarquable que plus de 95 % des bénéficiaires de l'EITC choisissent le versement annuel décalé (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001)31

Le Working Families Tax Credit britanique (WFTC) instauré en 1999, est beaucoup plus ciblé que l'EITC (et la PPE) puisque seul cinq pour cent des foyers en bénéficient. Accessible aux foyers dont l'un des adultes travaille au moins 16 heures par semaine, et dont l'un des enfants a moins de 16 ans, ce crédit d'impôt est par ailleurs conditionné au niveau d'épargne du foyer, qui doit être inférieur à un certain plafond (12000 € en 2008). Les montants accordés sont par conséquent plus élevés (en 2008 : jusqu'à 6 000 euros annuels). Ainsi, la prestation peut atteindre 160 % du revenu déclaré. Cependant, le WFTC est considéré comme un revenu pour le calcul des autres aides. Ainsi, les bénéfices liés au WFTC peuvent entraîner une réduction des autres aides accordées au foyer (Arnaud et al., 2008 ; Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 2003).

31 Egalement, il sera vu plus loin que la mensualisation de la PPE a eu le même impact.

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A l'inverse des mesures adoptées dans les pays anglo-saxons, la France, avec la PPE, a opté pour une mesure largement diffusée dans la population. Mais ce manque de ciblage se traduit par de faibles montants (Arnaud et al., 2008).

Encadré 3:

Le Working Families Tax Credit (WFTC)

« Le WFTC britannique, instauré en 1999, est beaucoup plus ciblé que l'EITC et la PPE puisque seul un foyer sur vingt en bénéficie. Accessible aux foyers dont l'un des adultes travaille au moins 16 heures par semaine et dont l'un des enfants a moins de 16 ans, ce crédit d'impôt est par ailleurs conditionnel au niveau d'épargne du foyer, qui doit être aujourd'hui inférieur à 12 000 euros. Les montants accordés sont par conséquent plus élevés (jusqu'à 6 000 euros annuels). Ainsi, la prestation peut atteindre 160 % du revenu déclaré. Cependant, il faut relativiser ces chiffres car le WFTC est considéré comme un revenu pour le calcul des autres aides. Ainsi, les bénéfices liés au WFTC peuvent entraîner une réduction des autres aides accordées à la famille. Le dispositif a induit une augmentation du taux d'activité de 0,15 %. Cependant, rapporté au coût net du WFTC, l'impact est faible et le rapport coût / efficacité est médiocre, chaque nouvel entrant sur le marché du travail coûtant 60 000 livres » (Arnaud et al., 2008 : p. 60).

Encadré 4:

L'Earned Income Tax Credit (EITC)

« Créé en 1975 aux États-Unis, l'EITC, qui devait être une mesure temporaire, a finalement été développé et renforcé. Ce crédit d'impôt conjugalisé est appliqué aux foyers à bas revenus dans lesquels au moins une personne travaille. Pour être éligible, il faut de plus satisfaire à certaines conditions de ressources qui dépendent de la situation matrimoniale et du nombre d'enfants. Le barème de calcul comprend toujours trois phases, quel que soit le nombre d'enfants : une phase d'entrée dans laquelle la prestation augmente proportionnellement aux revenus, une phase de plateau et une phase de sortie où l'EITC décroît linéairement jusqu'à s'annuler à un certain niveau de revenu. L'EITC est une mesure plus ciblée que la PPE puisque seul un foyer sur cinq en bénéficie, contre un foyer sur quatre pour la PPE. Les montants alloués sont également plus importants : l'EITC peut accroître de près de 40 % le revenu des ménages ayant deux enfants et dont un seul membre travaille à temps plein avec un salaire minimum. C'est également une mesure ciblée principalement sur les foyers avec enfant. Ainsi, un couple biactif, dont les deux membres travaillent à temps plein au niveau du salaire minimum, n'est pas éligible à l'EITC si celui-ci n'a pas d'enfant. En revanche, avec deux enfants, il touchera 2 000 dollars. Le montant distribué ne devient d'ailleurs nul pour les foyers à deux enfants que lorsque les personnes travaillent à temps plein au niveau du salaire médian. L'EITC est une mesure

particulièrement incitative pour les foyers mono-actifs avec enfant. Il est estimé ainsi que l'EITC a fait passer le taux d'activité pour cette catégorie de la population de 65,5 % à

72,1 % entre 1993 et 1996, ce qui représente 146 millions d'heures. En revanche, la mesure semble avoir un effet désincitatif sur l'activité des femmes mariées. En effet, pour les couples biactifs se trouvant dans la phase de sortie, le passage de l'emploi au non-emploi du conjoint peut être intéressant car il permet de toucher plus d'allocations. On estime cette perte à 8,9 millions d'heures de travail. Quant aux personnes déjà actives, l'EITC a un impact faiblement négatif sur le volume d'heures travaillées mais qui est largement compensé par le passage du non emploi à l'emploi » (Arnaud et al., 2008 : p. 60).

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E - Redistribution et politique de l'emploi

Le système français de redistribution peut être ramené schématiquement à la combinaison de trois types de transferts : une prestation différentielle, purement dégressive, une prestation mixte, d'abord forfaitaire puis dégressive, et une prestation forfaitaire sous plafond de ressources. Les transferts sociaux français peuvent être répartis entre ces trois catégories. Certains sont d'un montant forfaitaire puis s'annulent au-dessus d'un plafond de ressources, d'autres sont forfaitaires sans condition de ressources, comme les allocations familiales, d'autres sont dégressifs avec le revenu, d'autres enfin sont d'abord forfaitaires puis dégressifs avec le revenu, à l'exemple de la Prime pour l'emploi. Les prélèvements fiscaux sont, quant à eux, globalement progressifs avec le revenu. L'agrégation de ces prestations et prélèvements divers conduit à un profil de l'ensemble des transferts nets, globalement dégressif avec le revenu pour toutes les configurations familiales. La dégressivité est plus forte pour les plus bas revenus. Le revenu net de prélèvements et de transferts est alors insensible aux hausses du revenu brut. En d'autres termes, le taux marginal de prélèvement est proche de 100 % si l'on ne considère pas en première analyse le mécanisme d'intéressement32. Puis, au fur et à mesure que l'on s'élève dans les niveaux de revenus, les prestations sont de moins en moins dégressives, jusqu'à devenir complètement séparées et indépendantes du revenu. Le taux marginal de prélèvement diminue avec le revenu brut avant de remonter lorsque l'on atteint la zone d'imposition sur le revenu ; il prend ainsi globalement la forme d'un « U » (Anne, L'Horty, 2002).

S'agissant de l'emploi, l'effet d'une modification du revenu d'activité sur le montant des transferts peut exercer une influence déterminante dans la décision d'un bénéficiaire de reprendre un travail (Anne, L'Horty, 2002). L'idée est émise, dès 2000, que des problèmes d'offre affectaient le marché de travail, alors que jusqu'à la fin des années

32 L'intéressement permettait à un bénéficiaire du RMI reprenant une activité salariée, par exemple, de ne pas prendre en compte son salaire dans le calcul du RMI au cours du trimestre de la reprise d'emploi et durant le trimestre suivant, et à hauteur de 50 % les neuf mois suivants. De même, l'exonération totale de la taxe d'habitation était conservée durant une année pour les anciens bénéficiaires du RMI. L'intéressement permettait donc de réduire les taux de prélèvements des bénéficiaires retrouvant un emploi (Anne, L'Horty, 2002).

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1990 les politiques de l'emploi ont essentiellement visé à stimuler la demande de travail, notamment à travers les baisses dégressives de cotisations patronales (Arnaud, et al., 2008).

S'agissant de la PPE, les trappes à inactivité sont alors évoquées, notamment pour les bénéficiaires de minima sociaux et d'allocations chômage, dans l'esprit même de la loi du 30 mai 2001 : « Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé Prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques domiciliées en France » (Arnaud, et al., 2008).

1 - La redistribution des revenus

La PPE « est devenue, malgré des coûts budgétaires aujourd'hui colossaux33, une des vaches sacrées de la redistribution publique en France » (Mongin, 2010). Dans cette lutte « égalisatrice », et dans la redistribution des revenus, les prestations ont plus d'impact que les prélèvements sur l'égalisation des niveaux de vie. L'IRPP et la PPE sont largement « redistributifs». Ils contribuent à eux deux à 30 % de la réduction des inégalités (suivi des prestations familiales, avec 27 % de « contributivité », et enfin, des aides au logement et des minima sociaux qui contribuent respectivement à 17 et 15 % de la réduction des inégalités) (Elbaum, 2011).

Concernant l'effet redistributif de la PPE, ce sont de fait les classes moyennes, et non les ménages les plus modestes, qui bénéficient majoritairement de la Prime pour l'emploi (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001). Compte tenu des conditions d'attribution de la PPE, les bénéficiaires de la prime se situent à mi-chemin entre deux catégories de publics : la première est constituée de chômeurs ou de salariés occupant des emplois très précaires ou à temps très partiel. La deuxième comprend des individus installés dans l'emploi de manière plus stable et ayant un salaire plus élevé (Arnaud, et al., 2008).

La PPE est largement distribuée dans la population puisqu'elle touchait huit millions de foyers fiscaux, soit près d'un quart, en 2001. Son coût s'est élevé dès le départ, au titre des revenus 2000, à environ 2,5 milliards d'euros34. Même si près de 70 % du montant global de la PPE bénéficie à la moitié la moins aisée de la population, le dispositif n'est pas ciblé sur les foyers les plus modestes, mais plutôt sur les déciles 2 à 6. En effet, seuls 9,7 % des ménages bénéficiaires faisaient partie du premier décile, tandis que la PPE se diffuse jusque dans le haut de la distribution des niveaux de vie (Arnaud, et al., 2008).

33 La prime pour l'emploi était la troisième dépense fiscale la plus importante en 2008 par exemple, elle concernait 8,7 millions de salariés (Laurent, 2010).

34 La montée en charge du dispositif est importante : à titre de comparaison, le coût de la Prime pour l'emploi a atteint 2,3 milliards d'euros en 2002 au titre des revenus 2001, 2,3 milliards d'euros en 2003, 2,4 milliards d'euros en 2004 et 2,9 milliards d'euros en 2005.

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Il apparaît que la Prime pour l'emploi a des effets redistributifs assez diffus, mais également qu'elle aide insuffisamment les ménages les plus situés aux franges de l'emploi : les travailleurs pauvres (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale 2001). Ce constat n'est guère étonnant puisque son but est l'incitation au travail et la redistribution vers les actifs pauvres, et non la redistribution en soi. Par construction, la PPE, visant à inciter au travail, est moins redistributive que ne pourrait l'être une mesure spécifiquement redistributive, mais qui aurait le défaut d'être désincitative au travail (Stancanelli, Sterdyniak, 2004). Cependant, et dans l'idéal, « vouloir le plein emploi implique aussi de subordonner des décisions fiscales ou sociales à caractère redistributif au critère de leur contribution à l'emploi, et de préférer systématiquement la redistribution par l'emploi à d'autres formes de répartition du revenu » (Pisani-Ferry, 2000 : p. 60). Cet aspect représente un point positif en faveur de la PPE s'agissant de sa fonction redistributive.

Encadré 5 :

Quelques remarques à mi-chemin entre redistribution et incitation à l'emploi

L'analyse de la redistributivité de la PPE pose quelques problèmes. La PPE part du postulat que les travailleurs non-qualifiés ne sont que faiblement rémunérés par rapport aux personnes qui ne travaillent pas. La redistribution qu'elle opère ne peut donc pas être jugée en soi (dans ce cas la PPE apparaîtrait toujours moins redistributive que la hausse des minima sociaux) ; elle ne peut être jugée qu'à travers le principe : « Il faut que le travail paie ».

Cette affirmation n'a de sens que si les personnes peuvent choisir de travailler ou de rester inactives. Autant il est normal que le travail paie en situation de plein emploi, autant cette règle est contestable en situation de chômage de masse, c'est-à-dire la situation d'aujourd'hui. Jean et Pierre postulent à un emploi, si Jean l'obtient, faut-il que les pouvoirs publics subventionnent Jean au détriment de Pierre, qui préférerait travailler ? La PPE comporte obligatoirement des effets d'aubaine (on subventionne Jean qui aurait travaillé sans cette prime) et des injustices (le revenu relatif de Pierre est minimisé alors qu'on ne peut savoir si Pierre est un vrai chômeur ou quelqu'un qui préfère rester sans emploi). La PPE, en elle-même, augmente le revenu des travailleurs pauvres sans diminuer l'allocation versée aux personnes inactives. On peut être tenté de dire : « Après tout, augmenter le revenu des travailleurs pauvres est toujours une bonne chose ». Le problème est qu'une fois que l'objectif politique devient de maintenir un écart important entre le revenu des sans emplois et celui des actifs et, compte tenu des contraintes budgétaires, le risque est grand que les revenus minima en pâtissent : augmenter le RSA par exemple devient plus coûteux puisqu'il faut en même temps augmenter le revenu des « Smicards » pour ne pas affaiblir les effets incitatifs (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

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2 - L'incitation à l'emploi

L'incitation à l'emploi, outre son rôle socialisateur et intégrateur, vient également largement se poser en lutte contre la pauvreté, qui peut s'expliquer en partie, selon Allègre et Périvier, par la mono activité35 des couples. Favoriser l'accès des femmes au marché du travail serait donc un point essentiel de lutte contre ce phénomène. L'emploi des femmes n'a cessé d'augmenter depuis les années 1960, mais sa croissance est désormais remise en cause. En effet, depuis le milieu des années 1990, l'activité féminine stagne et les projections de population active ne sont guère optimistes sur ce point. Les explications de ce recul sont multiples : le développement du temps partiel, la mise en place de politiques dites « familiales » visant au retrait du marché du travail des mères, et l'interaction des systèmes fiscal et social défavorable à l'activité des femmes. Par ailleurs, des facteurs socioculturels contraires à l'engagement des femmes dans la sphère du travail persistent. Pour lutter contre le risque de pauvreté, ces contraintes qui pèsent sur l'emploi féminin devraient être levées. Les deux autres facteurs créatifs de pauvreté laborieuse sont la précarité de l'emploi et le développement du temps partiel (Allègre, Périvier, 2005 - 1).

S'agissant des incitations sur l'offre de travail, la Prime pour l'emploi a quatre caractéristiques :

- le seuil d'entrée à 0,3 SMIC vise à ne pas inciter à occuper durablement des activités à temps réduit ou des temps partiels très courts ;

- son individualisation conduit à limiter les effets de détermination conjointe des décisions d'activité au sein du couple, et ce dans toute la zone d'éligibilité. La majoration annuelle pour un couple mono actif est trop faible pour avoir un effet désincitatif important sur le deuxième emploi. Concernant le tiers de temps et le temps plein payé au SMIC, la mesure est incitative à occuper un travail à temps plein plutôt qu'un temps partiel ;

- la zone de moindre incitation correspond aux taux de salaire situés entre 1 et 1,4 SMIC horaire : il devient moins bénéfique qu'avant la mesure d'avoir dans cette zone une augmentation de taux de salaire, la mesure produisant un accroissement de 13 % du taux de prélèvement, et la prime se réduisant à compter de ce taux pour s'annuler à

1,4 Smic (Périvier, 2003).

La théorie qui justifie de « rendre le travail payant » (Making work pay) repose sur le modèle classique d'offre de travail qui définit un « salaire de réservation » en deçà duquel un individu ne souhaite pas travailler. Si l'impact d'un crédit d'impôt sur le nombre d'heures travaillées est ambigu, il devrait en revanche inciter à travailler les

35 Les couples mono actifs sont les couples dans lesquels un seul des deux travaille (Allègre, Périvier, 2005 - 1).

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personnes dont le revenu d'activité devient supérieur au salaire de réservation, grâce au supplément de revenu induit par le crédit d'impôt. Cependant, la faiblesse des sommes distribuées (conjuguée à une distribution peu ciblée), et les modalités de versement de cette prime36 (versement décalé dans le temps de 9 à 18 mois) font donc de la PPE une mesure peu lisible en faveur de l'incitation au travail (Cahuc et al., 2008 ; Périvier, 2003). De plus, « la familiarisation partielle de la PPE peut désinciter à la bi-activité dans les ménages comportant deux adultes » (Cahuc et al., 2008 : p. 77).

B - L'historique des réformes et revalorisations

La PPE a été créée sous le gouvernement Jospin en 2001, puis a été augmentée sous le gouvernement Raffarin en 2003, pour être à nouveau augmentée sous le gouvernement De Villepin, entre 2004 et 2005. Depuis sa création, la Prime pour l'emploi a été réformée et revalorisée à plusieurs reprises (quasiment tous les ans), à la recherche d'une optimalité (Hagneré et al., 2005), et traduisant la volonté des gouvernements successifs de soutenir le revenu des travailleurs modestes autrement que par les revenus du travail (Bonnefoy et al, 2009).

Les modifications de la PPE depuis sa création suivent deux directions : celle d'une croissance significative des montants de prime versés aux bénéficiaires et celle d'un soutien accru aux personnes travaillant à temps partiel, ou sur une partie de l'année seulement, via des majorations spécifiques de leur prime (annexe 4). Ces évolutions ont sensiblement accentué le pouvoir redistributif de la PPE au bénéfice des ménages modestes, diminuant le taux de pauvreté relatif de 0,2 % toutes choses égales par ailleurs (à structures de population et de revenus constantes) (Bonnefoy et al., 2009).

a - Les réformes

Une première réforme essentielle est venue modifier le dispositif de base : « la première version de la PPE favorisait les travailleurs à temps plein plutôt que les travailleurs à temps partiel ; ceci a été corrigé par la réforme du barème survenue en 2003, mais les travailleurs à temps très partiel (moins de 12 heures par semaine) restent exclus du dispositif » (Stancanelli, Sterdyniak, 2004 : p 18). La législation de 2003 (PPE perçue en 2003, sur revenus de 2002) introduit donc la première modification du barème de la prime avec la majoration pour temps partiel (Bonnefoy, Buffeteau, Cazenave, 2009). La PPE a ainsi été recentrée sur le temps partiel à cette époque avec un montant maximal pour 0,8 SMIC contre 1,4 dans la version précédente (Périvier, 2003).

Sur le fondement des résultats obtenus aux États-Unis, les modifications du dispositif initial de la PPE inscrites dans la Loi de finances de 2003 étaient supposées accentuer l'incitation au travail. Il était cependant peu probable que la PPE induise les effets positifs sur la participation au marché du travail observés aux États-Unis, et dans une

36 Cette objection a souvent été relancée (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

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moindre mesure au Royaume-Uni, et ceci pour deux raisons principales : d'une part les différences entre les dispositifs sont trop importantes pour que les mêmes effets se produisent, et d'autre part les contextes économiques anglo-saxons et français ne sont pas équivalents (particulièrement concernant le marché du travail) (Périvier, 2003).

Pour réduire le délai entre une reprise d'emploi et le versement de la prime, un acompte de 250 euros a été versé à partir de 2004 aux personnes retrouvant un emploi. Pour cette même raison, un dispositif de versement mensuel anticipé avait été mis en place depuis, à partir du 1er janvier 2006, pour les contribuables ayant déjà bénéficié de la PPE au titre de l'année précédente (Bonnefoy et al., 2009).

La seconde réforme essentielle a tenté de résoudre la contradiction qui consistait à donner plus de pouvoir d'achat sans augmenter le coût du travail. De ce fait, le gouvernement De Villepin avait décidé une hausse de la PPE de 50 %, et sa mensualisation37. Cette prime qui s'élevait à un peu plus de 500 euros par an a atteint 800 euros en 2006 (Chavigné, 2005).

L'année 2007 ne concerne qu'une revalorisation de la PPE (Amar et al., 2008).

Bien que très critiquée, et après discussion au printemps 2008, la PPE a été maintenue (la PPE subsistait, ce qui était particulièrement discutable quand elle allait aux tranches fiscales supérieures). Un compromis subtil avait permis de fusionner la PPE et le RSA quand les deux allocations pouvaient se cumuler et que le RSA dépassait la PPE, ce qui arrivait sur l'intervalle de 0,3 à 1 SMIC pour un allocataire isolé (Mongin, 2010).

De 2002 et 2008 il s'est affirmée la volonté de compléter davantage les revenus des travailleurs faiblement rémunérés ; cet objectif s'est notamment exprimé dans le Projet de loi de finances présentant la réforme de 2006 comme visant à transformer la PPE en véritable complément de rémunération pour les bas revenus, incitant effectivement à la reprise d'activité (Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 2005). La PPE a donc été fortement majorée pour les personnes travaillant à temps partiel, ou sur une partie de l'année, pour renforcer l'incitation à la reprise d'emploi à temps partiel, jugée particulièrement découragée encore en 2006 (Bonnefoy, et al., 2009). Ces mesures ont participé à une montée en charge rapide du dispositif. Cette croissance du volume et des effectifs est due effectivement et principalement aux changements législatifs intervenus pendant cette période, mais s'explique aussi par l'évolution de la population entre 2002 et 2008, notamment en matière d'emploi et de revenu (elle peut aussi s'expliquer par l'amélioration du degré de connaissance du dispositif qu'en ont les potentiels destinataires) (Bonnefoy et al., 2009).

37 « ...le versement de la prime sera mensualisé à compter de janvier 2006 au moyen d'acomptes versés par l'administration fiscale (sous forme de virements). Cette mesure raccourcira le délai entre la période d'activité ouvrant droit à la prime et son versement, ce qui vise à renforcer le caractère incitatif du dispositif » (Cour des comptes, 2006 : p. 294).

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La législation de 2009 est identique à celle de 2008, le barème n'est pas revalorisé, mais la PPE est articulée avec le RSA (Bonnefoy, et al., 2009 ; Sénat, 2015 - 2). Cette articulation, représente la troisième réforme majeure38 du dispositif. « Mis en place le 1er juin 2009, le RSA a pour objectif de lutter contre la pauvreté, accroître le niveau d'activité et améliorer l'efficacité de la dépense publique. Il assure un revenu minimum pour les personnes sans ressources, tout en constituant un complément de revenu durable pour les personnes à faible revenu d'activité ; ces deux volets du dispositif sont respectivement appelés RSA « socle » et RSA « chapeau »39. La composante « socle » du RSA résulte de la fusion du RMI et de l'API réalisée « à droit constant », c'est-à-dire sans changement pour les personnes éligibles. La composante « chapeau » est un complément du revenu pour les travailleurs à revenu modeste : il est fonction du revenu d'activité du foyer étant données sa configuration familiale et ses autres ressources. Dans le cadre de la mise en oeuvre du RSA, la PPE a été révisée pour garantir une articulation entre les deux dispositifs. Cela s'est traduit par une non-revalorisation du barème de la PPE et par l'instauration d'un mécanisme de non cumul entre le RSA et la PPE. Ce non cumul ne concerne que la partie « chapeau » du RSA : le RSA « chapeau » perçu chaque année représente une avance de la PPE à percevoir l'année suivante, le complément de PPE (PPE « résiduelle ») n'étant alors versé que pour les bénéficiaires ayant des droits à PPE supérieurs à ce qu'ils ont déjà perçu via le RSA « chapeau ». Le versement d'une PPE «résiduelle» à des ménages percevant le RSA est plus ou moins fréquent selon les configurations familiales. Il est plutôt rare au sein des couples ayant deux enfants lorsqu'un seul des deux conjoints travaille. En revanche, il est plus fréquent pour les familles de deux enfants où les deux conjoints travaillent » (Bonnefoy, Buffeteau, Cazenave, 2009 : p. 94).

b - Les revalorisations

La législation de 2002 (PPE perçue en 2002, sur les revenus de 2001) correspond à la première version de la Prime pour l'emploi montée en charge, les taux de prime en vigueur ayant été doublés (Bonnefoy, et al., 2009). Le doublement de la Prime pour l'emploi est inscrit au budget 2002 et de ce fait présente un caractère irréversible (Hagneré, Trannoy, 2001). Il est à souligné que la PPE 2002 n'apporte que peu de solution à l'endroit où une trappe à inactivité est susceptible d'apparaître au niveau du temps partiel, car elle y est très faible (Margolis, Starzec, 2005 ; Périvier, 2003).

La législation de 2003 (PPE perçue en 2003, sur revenus de 2002) introduit la première modification du barème de la prime avec la majoration pour temps partiel (Bonnefoy et al., 2009). La réforme de 2003 génère une augmentation de la prime de 102 euros par

38 L'association de la PPE et du RSA forme ainsi un nouveau système de complément aux bas revenus d'activité, davantage centré sur un objectif de lutte contre la pauvreté des familles de travailleurs (Bonnefoy et al., 2009).

39 « À la différence de l'intéressement instauré pour le RMI et l'API, le RSA « chapeau » est un dispositif qui, au-delà de l'aide incitative à la reprise d'un emploi, assure un complément de revenus pérenne aux personnes en activité » (Bonnefoy, Buffeteau, Cazenave, 2009 : p. 94).

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an au maximum pour un emploi à mi-temps d'un salarié seul40 (Périvier, 2003). Pour ce faire, la PPE est majorée de 45 % lorsque la durée annuelle travaillée est inférieure à un mi-temps. La majoration décroît ensuite progressivement, à mesure que la quotité travaillée augmente (Legendre et al., 2004). La réforme est donc essentiellement orientée cette année vers les temps partiel, avec cependant une augmentation faisant apparaître une « bosse » dans le traditionnel profil en « dos d'âne » de la PPE, en fonction du revenu total (Legendre et al., 2004).

La législation de 2006 augmente les taux de prime et revalorise la majoration pour temps partiel. La législation de 2007 est une simple revalorisation des barèmes, de l'ordre de 30 % (Bonnefoy, et al., 2009 ; Clerc, 2006). Le montant maximal de la prime est porté de 714 euros au titre des revenus de 2005, et à 948 euros pour les revenus de 2006 (Amar et al., 2008).

La législation de 2008, la dernière en date avant le gel du barème, est équivalente à la législation 2007 (barèmes simplement revalorisés), relevant à nouveau les taux de prime et la majoration pour temps partiel (Gomel, Méda, 2014). Toutefois, faits majeurs, 2008 est la dernière année d'existence du RMI et de l'API, et sonne par là-même l'arrivée du RSA et de son articulation avec la Prime pour l'emploi, qui comme lui, complète les revenus d'activité (Marical, 2009).

Depuis 2001, année de sa création, et jusqu'en 2008, la PPE n'a cessé de prendre de l'ampleur (annexe 4). La valorisation globale de la PPE a plus que doublé depuis 2002, passant de 2,1 à 4,5 milliards d'euros entre 2002 et 2008, et le nombre de foyers bénéficiaires de la PPE est passé de 8,5 millions en 2002 à 9 millions en 2008, tel que le démontre le tableau 5 (Bonnefoy et al., 2009).

Tableau 5 : Évolution du montant total de la PPE et du nombre de ses bénéficiaires depuis sa création

Source : DGFIP in Bonnefoy et al 2009 : p. 90

40 « ...L'augmentation du montant de Prime pour l'emploi versée aux travailleurs à temps partiel a permis de cibler davantage cet impôt négatif sur les travailleurs les plus modestes. En effet, le premier décile de niveau de vie a reçu 24 % du surcroît de la masse de Prime pour l'emploi induit par la mesure et la répartition de ce surcroît est décroissante avec le niveau de vie. Les effets redistributifs sont donc importants » (Legendre et al. 2004 : p. 53).

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D'un point de vue législatif, deux sortes de changements ont participé à la montée en charge de la PPE. D'abord, les taux de prime de la PPE ont augmenté significativement en 2006 puis en 2007. Au cours de la période 2001-2008, ils passent de 4,4 % à 7,7 % du revenu d'activité pour la partie constante du barème (taux appliqué tant que le revenu annuel en équivalent temps plein est inférieur à un SMIC). Ensuite, une majoration de la PPE pour les personnes ayant exercé une activité à temps partiel, ou sur une partie de l'année, a été créée en 2003 puis relevée en 2006 et en 2007. Égal à 45 % en 2003, le coefficient technique déterminant cette majoration s'élevait à 85 % en 2008. L'augmentation des montants en euros s'explique aussi par les revalorisations annuelles du barème de la PPE, le revenu fiscal de référence et les majorations évoluant chaque année au même rythme que le montant annuel du SMIC net imposable. Le montant de la PPE cesse de croître en 2009, son barème n'ayant pas été revalorisé (barème gelé au niveau de la législation de 2008) (Bonnefoy et al., 2009).

« A structure de population et revenus constants (euros 2008), les évolutions législatives conduisent à un accroissement du montant de la PPE de presque 2 milliards d'euros entre la législation 2002 et 2008. Cette hausse est liée non pas à un accroissement du nombre de bénéficiaires (le nombre de ménages bénéficiaires de la PPE baisse même légèrement et leurs caractéristiques restent les mêmes) mais à une forte augmentation des montants alloués (+ 90 % entre les législations 2002 et 2008). Cette hausse est plus sensible pour les personnes travaillant à temps partiel ou sur une partie de l'année (« temps incomplet »), sous l'effet des relèvements successifs de la majoration pour temps partiel, ainsi que pour les couples où les deux conjoints travaillent. Ainsi, dans ce raisonnement, sur une population figée, l'augmentation de PPE entre 2002 et 2008 est en moyenne de 330 euros pour les ménages bénéficiaires dont au moins un des membres travaille à « temps incomplet » contre 220 euros pour les autres ménages bénéficiaires. Elle est de 330 euros pour les couples où les deux conjoints ont un emploi, contre 160 euros pour les couples dont seul un des conjoints travaille » (Bonnefoy et al., 2009 : p. 92).

Globalement, jusqu'en 2008, les réformes de la PPE ont davantage porté sur les montants alloués que sur les publics visés, tel que le démontre le tableau 6 (Bonnefoy et al., 2009).

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Tableau 6 : Législations successives de la PPE : nombre de ménages
bénéficiaires et montants alloués

1 Un ménage bénéficie de la Prime pour l'emploi si au moins un foyer fiscal qui le compose en bénéficie. Lecture : en appliquant la législation 2008 à la population caractéristique de France métropolitaine en 2008, 7,2 millions de ménages bénéficient de la PPE pour un montant total de 4,2 milliards d'euros. Lorsqu'on applique la législation de 2002 à cette même population, 7,4 millions de ménages bénéficient de la PPE pour un montant total s'élevant à 2,3 milliards d'euros (en euros 2008).

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires bénéficiant de la Prime pour l'emploi (hors ménages dont la personne de référence est étudiante), à structure de population et revenus de 2008.

Source : Bonnefoy et al., 2009, in Insee-DGI, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2006
(actualisée en 2008) : p 92.

La PPE, en qualification d'action publique, est une action automatique (sans demande, sans revendication). Elle a émergé, ainsi que ses différentes réformes, de façon progressive par canaux multiples (Favre, 1992). Elle permet à la fois de répondre à un besoin social, et de répondre à une nécessité de politique économique de l'Exécutif (à l'exemple de son aspect « redistributif »).

Il semblerait que la PPE, depuis sa création en 2001 sous le gouvernement Jospin, n'ait pas été impactée, sur le plan cognitif, par des actions issues de « politiques électorales » (voire politiciennes), desquelles elle n'aurait pas pu être déduite41 (Leca, 1996). Elle a bien vécu, tant par ses réformes que par ses revalorisations, les passages d'alternances et de cohabitations de 2001 à aujourd'hui (pas d'articulation complexe de programmes, le « liant » venant de la méthode, et ne se réduisant pas à une stratégie d'acteurs). Etant une mesure fiscale (et sociale), son mode de décision publique est réduit (Gouvernement, Assemblée Nationale, Loi de finances publiques) (Doligé, 2008). Elle est extraite des forums et autres arènes politiques (Jobert, 1994). Sa mise sur agenda est également simplifiée (simple programmation fiscale).

La PPE, à travers de ses différentes réformes, a contribué à gommer les externalités négatives induites par les inégalités, certains niveaux d'inégalité restant moralement et socialement inacceptables (Piketty, 1997).

41 Il n'a pas existé de bataille politique particulière autours de la PPE, elle a autant associé, au long de son histoire, la droite que la gauche (les néolibéraux y compris).

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Encadré 6 :

Les réformes successives de la PPE

« Lors de la création de la PPE en 2001, il était prévu de doubler la partie individualisable de la prime en 2002. Ce doublement a en réalité été introduit dès 2001 (au titre des revenus 2000) par la loi de finances rectificative. Les taux ont donc été maintenus en 2002 (au titre des revenus 2001) et les seuils d'éligibilité réactualisés. En 2003 (pour les revenus de 2002), en revanche, le triplement de la partie individualisable de la prime initialement programmé a été abandonné et la PPE s'est vue dotée d'une nouvelle majoration ciblée sur les travailleurs à temps partiel, assortie d'une revalorisation des seuils d'éligibilité

de 1,7 %. Cette majoration pour les temps partiels est maximale pour un demi-SMIC et s'annule au niveau du SMIC. Elle se calcule ainsi : Pour un temps de travail inférieur au mi-temps, la prime est majorée de 45 %. Pour un temps de travail supérieur au mi-temps, le calcul de la prime se fait par la formule : PPE = 0,55 (PPE hors majoration) + 0,45 (PPE de base) (la prime de base est la prime calculée sur le revenu converti en équivalent temps plein). Le projet de loi de finances 2004 (concernant la PPE versée en 2004 au titre des revenus 2003) a ensuite revalorisé tous les seuils, plafonds et limites de revenus servant au calcul de la PPE. Par ailleurs, les taux permettant le calcul du montant de la prime ont également été rehaussés (passant respectivement de 4,4 % à 4,6 % et de 11 % à 11,5 %). Mais surtout, ce projet de loi instaure la possibilité de versement d'un acompte forfaitaire qui permettrait de percevoir environ la moitié de la prime bien avant la date de paiement de l'impôt sur le revenu : les personnes qui justifient d'une activité professionnelle d'une durée au moins égale à 6 mois débutée au plus tôt le 1er octobre de l'année précédente et qui ont été, pendant les 6 mois précédents, sans activité professionnelle et inscrites comme demandeurs d'emploi ou titulaires de certains minima sociaux peuvent demander un acompte de PPE d'un montant forfaitaire de 250 euros. Entre 2005 et 2007 (pour les revenus de 2004 à 2006), la Prime pour l'emploi a pris de l'ampleur en tant qu'outil redistributif du fait de la forte augmentation des montants distribués. Le renforcement de la majoration temps partiel (ou incomplet) a également accentué son caractère potentiellement incitatif. Les montants de PPE ont été majorés de près de 75 % en deux ans. Ainsi, le montant maximal de la part individuelle passe de 538 euros en 2005 à 714 euros en 2006 et 948 euros en 2007 (les taux utilisés pour le calcul de la prime ont été rehaussés de 4,6 % à 7,7 % et de 11,5 % à 19,3 % entre 2005 et 2007). Par ailleurs, les conditions de versement de l'acompte ont été assouplies (elles concernent désormais les personnes justifiant d'une activité professionnelle d'une durée au moins égale à 4 mois) et les montants augmentés (de 250 à 300 puis 400 euros). Enfin, un système de mensualisation de la prime a été instauré pour les personnes ayant bénéficié de la PPE l'année précédente » (Arnaud et al., 2008).

c - Le dispositif aujourd'hui

L'actualité du dispositif de la PPE est la résultante des réformes et revalorisations appliquées jusqu'en 2009.

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1 - Le dispositif actuel

La Prime pour l'emploi « est attribuée aux personnes exerçant une activité professionnelle salariée ou non salariée sous conditions de ressources. Son montant est calculé en pourcentage du revenu d'activité. Elle est déduite de l'impôt sur le revenu à payer ou versée directement au bénéficiaire s'il n'est pas imposable. Pour percevoir la PPE, il suffit de remplir les rubriques concernant cette aide sur la déclaration d'impôts ». (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015)42. Contrairement au RSA, la demande de PPE n'implique aucune démarche de la part du contribuable, elle est automatiquement calculée par l'administration fiscale (Gomel, Serverin, 2013), ce qui va dans le sens de la justice sociale (au sens de l'égalité des chances), évitant ainsi certaines situations de non-recours (Warin, 2010).

Pour obtenir la PPE, l'un, au moins, des membres du foyer fiscal doit avoir une activité salariée ou non salariée, à temps partiel ou non, du secteur public ou privé (annexe 5). Les personnes éligibles à la PPE doivent être fiscalement domiciliées en France. Dans les faits, il est demandé de déclarer son nombre total d'heures travaillées dans l'année (ou de déclarer avoir travaillé à plein temps toute l'année). Cette prime est « payée » par l'Etat dans le but de favoriser le passage d'une prestation sociale (de type RSA par exemple) à l'emploi, en augmentant l'écart entre revenus du travail et revenus d'inactivité (Raulin, 2001 - 2). La PPE prend la forme d'un impôt négatif (crédit d'impôt récupérable).

2 - Un accès sous conditions de ressources et d'activité

En 2015, le revenu fiscal de référence du demandeur (revenu 2014) ne doit pas excéder 32 498 € pour un couple marié (ou pacsé43), ou 16 251 € pour les célibataires, veufs ou divorcés. Ces montants sont majorés de 4 490 € pour chaque demi-part s'ajoutant à une part (personne seule) ou à deux parts (couple marié ou pacsé).

La majoration s'élève à 4 490 € divisés par deux pour chaque quart de part lié à la présence d'un enfant en résidence alternée. De plus, le foyer fiscal du bénéficiaire de la prime ne doit pas être assujetti à l'impôt sur la fortune (ISF). « Le montant total de la PPE accordée au foyer fiscal est minoré des sommes perçues au cours de l'année civile par les membres de ce foyer fiscal au titre du RSA, à l'exclusion des montants correspondant à la différence entre le montant forfaitaire du RSA (dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge) et les ressources du foyer prises en compte pour apprécier le droit au RSA » (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015).

42 A ce titre, il est important de souligner que les conditions de bénéfice de la PPE sont déclaratives, et pour certaines (par exemple le caractère incomplet de l'activité) coûteuses à contrôler dans le cadre de déclarations fiscales, ce qui aboutit à une proportion non négligeable de paiements indus (Cahuc et al., 2008 ; Cour des comptes, 2006 ; Elbaum, 2007).

43 De Pacte civil de solidarité (PACS).

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« Pour l'année 2014 (PPE versée en 2015), le montant des revenus d'activité de chaque personne susceptible de bénéficier dans le foyer fiscal de la PPE doit être d'au moins

3 743 euros (cette limite n'est jamais proratisée même en cas de changement de situation de famille en cours d'année) sans excéder les plafonds suivants :

17 451 euros si la personne est célibataire, veuve, divorcée sans enfant ou avec des enfants qu'elle n'élève pas seule ; ou si elle est mariée ou pacsée, lorsque le couple est soumis à imposition commune et que chacun des conjoints occupe un emploi lui procurant au moins 3 743 euros ; ou si le bénéficiaire éventuel de la prime est une personne à charge du foyer exerçant une activité professionnelle.

26 572 euros si la personne est mariée ou pacsée, lorsque le couple est soumis à imposition commune et que seul l'un des deux conjoints occupent un emploi lui procurant au moins 3 743 euros ; ou si la personne est célibataire, veuve ou divorcée et élève seule un ou plusieurs enfants à charge.

Les revenus exonérés d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires ou complémentaires sont retenus dans le montant des traitements et salaires pris en compte pour apprécier les limites de revenus conditionnant le bénéfice ou le montant de la Prime pour l'emploi.

En cas de travail à temps partiel ou de travail à temps plein sur une partie de l'année seulement, le revenu d'activité est recalculé en « équivalent temps plein » sur une année entière pour apprécier les plafonds de revenus respectifs de 17 451 euros et 26 572 euros. Sur ce point, on peut se renseigner auprès de son centre des impôts » (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015).

3 - Quel est le montant de la PPE ?

« Le montant de la PPE individuelle est calculé en pourcentage du revenu d'activité déclaré. Le pourcentage appliqué varie selon le montant de ce revenu. La prime attribuée au foyer fiscal correspond au total des primes individuelles éventuellement majoré en fonction du nombre de personnes à la charge du foyer (majoration de 36 ou 72 euros selon le cas). Le montant de la prime tel que calculé par l'administration fiscale, apparaît sur l'avis d'imposition de l'année en question. La prime n'est pas due lorsque son montant total, au titre du foyer fiscal, est inférieur à 30 euros » (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015).

Il est à préciser qu'il existe des dispositions particulières s'agissant des journalistes, et d'autres professions à statut particulier (Cadres au forfait, Voyageurs représentants placiers (VRP), assistantes maternelles, gardiens d'immeuble, employés de maison, saisonniers agricoles, auteurs compositeurs...).

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Encadré 7 : Quelques chiffres sur la PPE

En 2006, la PPE touchait un foyer sur quatre, avec une moyenne de 377 €. Son coût total est de 3,2 milliards d'euros en 2008, elle est versée à 8,7 millions de salariés modestes (Laurent, 2010). En 2011, elle touchait 6,7 millions de foyers, avec une moyenne annuelle de 450 € (Lévêque, 2012).

Depuis sa création en 2001, la PPE n'a cessé de prendre de l'ampleur. Par exemple, le montant global de la PPE a plus que doublé depuis 2002, passant de 2,1 à 4,5 milliards d'euros entre 2002 et 2008, et le nombre de foyers bénéficiaires de la PPE est passé de 8,5 millions en 2002 à 9 millions en 2008 (Bonnefoy et al., 2009 ).

Roger Godino, conseiller du premier ministre Michel Rocard de 1988 à 1991, avait proposé en 1997 la création d'une Allocation compensatrice du revenu (ACR) destinée à permettre aux individus travaillant à temps partiel de percevoir une fraction dégressive du RMI. Cette proposition avait fait l'objet de nombreux commentaires et d'études, mais n'avait pas été retenue (Gravel, 2002). « Défendue par Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi, l'idée d'un crédit d'impôt prenant la forme d'un remboursement de la contribution sociale généralisée (CSG) a été écartée... ... au profit de l'allègement direct de la CSG sur les bas salaires, préconisé par Laurent Fabius... ...contrairement au crédit d'impôt, techniquement difficile à mettre en place, les allègements de CSG, appliqués directement sur la fiche de paie, permettaient une hausse du pouvoir d'achat des salariés modestes... ...le Conseil constitutionnel annule la mesure... Le gouvernement devait trouver d'urgence une solution de rechange. Du coup, Matignon a ressorti des tiroirs l'idée du crédit d'impôt, rebaptisé... ... par Lionel Jospin Prime pour l'emploi » (Raulin, 2001 - 2).

La PPE a été influencée par la mise en place de crédits d'impôt sur le revenu aux Etats-Unis (Earned Income Tax Credit) et au Royaume-Uni (Working Families Tax Credit), pour stimuler l'activité et lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres (Cour des comptes, 2006). Ces expériences étrangères ont fourni un terrain d'analyse fertile s'agissant des effets incitatifs et redistributifs des crédits d'impôt (Périvier, 2003). Mais à l'inverse des mesures adoptées dans les pays anglo-saxons, la France, avec la PPE, a opté pour une mesure largement diffusée dans la population, et ce défaut de ciblage s'est traduit par de faibles montants distribués (Arnaud et al., 2008).

Le caractère faiblement incitatif d'une reprise d'emploi à mi-temps (trappe à inactivité) pour un allocataire de minima sociaux était unanimement décrié avant l'instauration de la loi dite « Aubry ». Celle-ci, conjuguée à d'autres mesures, dont la Prime pour l'emploi, modifia la situation des personnes concernées. Désormais, le revenu disponible est une fonction croissante de la durée du travail, quel que soit l'horizon temporel adopté (Hagneré, Trannoy, 2001). A cet égard, comme sur celui de la lutte contre la pauvreté

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laborieuse et les inégalités, la PPE affiche des points positifs, mais de nombreuses questions subsistent. En effet, la PPE a de tout temps suscité de sincères critiques, et de réelles interrogations, alors même qu'elle n'a pas été impactée, sur le plan cognitif, par des actions issues de politiques électorales ou politiciennes. Ses impacts ont été rapidement remis en cause, soulevant même la question de savoir s'il était utile de la maintenir (Dupond, Sterdyniak, 2001).

La PPE, par le biais d'un crédit d'impôt récupérable, a une fonction redistributive centrale à travers l'incitation au retour à l'emploi et au maintien de l'activité (particulièrement par l'intéressement des minimas sociaux). Elle ne cherche pas cependant à compenser l'insuffisance des revenus liée à une faible durée de travail annuel. Elle ne concerne que les actifs au travail ayant des revenus se situant entre 0,3 et 1,4 SMIC, selon leur configuration familiale (triple condition de ressources individuelles et familiales, et d'activité). Elle se pose en double lutte : celle contre la pauvreté laborieuse, en redistribuant du pouvoir d'achat aux travailleurs et aux ménages pauvres, et celle contre les trappes à inactivité (et l'exclusion sociale qui peut en découler), en créant un écart entre revenu d'activité et d'inactivité, rendant le travail plus rémunérateur (Making work pay) sur l'exemple britannique et américain. La PPE est à la fois une mesure sociale et fiscale qui permet de majorer le taux de salaire net sans accroître le coût salarial, en maintien de la rentabilité des entreprises et de la compétitivité du modèle français (Périvier, 2003).

Il a été vérifié que, bien que fondée sur les mêmes principes, la PPE se différencie assez fortement des exemples étrangers (le Working Families Tax Credit (WFTC) britannique et L'Earned Income Tax Credit (EITC) américain). La PPE est en effet moins ciblée et les montants alloués sont moins importants (certains auteurs font état d'un « saupoudrage » et non d'un ciblage de la PPE).

La PPE semble peu visible en faveur de l'incitation au travail, de part la faiblesse des sommes distribuées (conjuguée à une distribution peu ciblée), et de part ses modalités de versement qui la décalent de 9 à 18 mois. De plus, « la familiarisation partielle de la PPE peut désinciter à la bi-activité dans les ménages comportant deux adultes » (Cahuc et al., 2008 : p. 77). Enfin, les conditions d'accès et le fonctionnement général du dispositif sont-ils suffisamment connus, tant des populations concernées que de celles qui n'y ont pas droit (Annexe 6, 7, et 8 ; Cour des comptes, 2006) ?

Depuis sa création, la Prime pour l'emploi a été réformée et revalorisée à plusieurs reprises, traduisant la volonté des gouvernements successifs de soutenir le revenu des travailleurs modestes autrement que par les revenus du travail (Bonnefoy et al, 2009), alors même que la PPE, dès son lancement en 2001, avait fait l'objet de vives critiques et interrogations. En effet, ses impacts ont été rapidement remis en cause, jusqu'à soulever même la question de savoir s'il était utile de la maintenir (Dupond, Sterdyniak, 2001). Alors qu'en est-il réellement ?

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CHAPITRE II - L'actualité du dispositif PPE

La Prime pour l'emploi est assortie de vives interrogations : par exemple, ne devrait-elle pas porter un autre nom ? Quelle est sa principale fonction aujourd'hui ? Pour quelles raisons cette mesure est-elle appelée si souvent à être réformée ? La Prime pour l'emploi n'est-elle pas victime de sa fonction multiple ?

Principalement, la Prime pour l'emploi a-t-elle un impact redistributif, stimule-t-elle l'emploi (Pisany-Ferry in OFCE, 2003), notamment l'emploi des femmes (Cahuc, 2002),

est-elle socialement juste (Dupond, Sterdyniak, 2001), est-elle compréhensible,
attractive, et efficace (Sirugue, 2013), peut-elle poursuivre plusieurs objectifs en même temps (Dupond, Sterdyniak, 2001) ? Enfin, quelles perspectives sont-elles à venir pour la Prime pour l'emploi (Sirugue, 2013) ?

L'objet de ce second chapitre est de mesurer la pertinence, l'efficacité, et l'efficience du dispositif de la Prime pour l'emploi (problématique).

L'objectif est de vérifier la pertinence du dispositif face à ses objectifs premiers : l'incitation à la reprise et au maintien dans l'emploi, et la lutte contre la pauvreté laborieuse (et in fine la lutte contre les inégalités, du moins dans la catégorie des actifs au travail). Ces deux principaux objectifs sont-ils atteints, et quel sont réellement leurs impacts redistributifs et ceux sur la stimulation de l'emploi (l'emploi des femmes en particulier) (Pisani-Ferry, 2003 ; Cahuc, 2002) ? D'autre part, ces deux « missions » sont-elles en mesure de cohabiter : en l'espèce, ce dispositif peut-il poursuivre en même temps deux objectifs distincts (Dupond, Sterdyniak, 2001 ; Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 ; Cour des comptes, 2011) ?

En position de neutralité face aux thèses en présence, l'objectif est par là-même d'apporter une réponse aux questions centrales. Ces réponses s'articuleront autour d'une reformulation simplifiée du questionnement : pourquoi finalement la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ? A ce titre, l'analyse mettra en évidence, en démonstration, les avantages et les inconvénients de cet outil de politique publique.

Pour poursuivre, la question de la justice sociale sera abordée, dépassant une approche seulement monétaire de l'aide qui peut être apportée aux personnes en situation de reprise d'emploi, ou de maintien dans un emploi faiblement rémunéré : la PPE est-elle socialement juste (Dupond, Sterdyniak, 2001) ? Notamment s'agissant de primer des actifs au travail quand plus de 3 500 000 actifs sans emploi étaient inscrits en catégorie A sur les listes de Pôle-Emploi fin avril 2015 (Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et du Dialogue social, 2015 - 2). La PPE créé-t-elle et/ou gomme-t-elle des inégalités sociales ? Apporte-t-elle une aide adaptée et équitable aux travailleurs, particulièrement aux femmes en situation d'emploi ?

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Enfin, le dispositif sera abordé sous l'angle des capabilités, selon la grille d'analyse proposée par Amartya Sen, afin de dépasser l'approche seulement monétaire des situations de pauvreté laborieuse et des solutions qui peuvent y être apportées.

Pour cette démonstration, des cadres théoriques d'analyse seront mobilisés. Il sera particulièrement fait usage de l'analyse séquentielle des politiques publiques (Jones) et de l'analyse cognitive des politiques publiques (Muller). L'Approche par les capabilités (Sen) sera utilisée s'agissant de l'approche non monétaire qui peut être faîte des aides à apporter aux situations de reprise ou de maintien dans l'emploi faiblement rémunéré.

La PPE est-elle assez ciblée ? Les montants versés sont-ils substantiels ? Les bénéficiaires comprennent-ils vraiment le fonctionnement du dispositif ? (Annexe 6, 7, et 8 ; Cour des comptes, 2006). La PPE est-elle réellement incitative alors qu'elle est versée avec un décalage dans le temps de 9 à 18 mois (Cour des comptes, 2006) ?

Sur les exemples étrangers, L'EITC américain est une mesure plus ciblée que la PPE puisque seul un foyer sur cinq (1/5) en bénéficie, contre un foyer sur quatre (1/4) pour la PPE. Les montants alloués sont également plus importants : l'EITC peut par exemple accroître de près de 40 % le revenu des ménages ayant deux enfants et dont un seul membre travaille à temps plein avec un salaire minimum (Arnaud et al., 2008 ; OFCE, 2003). Le WFTC britannique est beaucoup plus ciblé que l'EITC et la PPE, puisque seul un foyer sur vingt (1/20) en bénéficie. Les montants accordés sont également plus élevés. Ainsi, la prestation peut atteindre 160 % du revenu déclaré. Cependant, ces chiffres sont à relativiser car le WFTC est considéré comme un revenu pour le calcul des autres aides et peut entraîner une réduction des aides globales accordées au ménage (Arnaud et al., 2008 ; OFCE, 2003).

A titre d'exemple, L'EITC est une mesure particulièrement incitative pour les foyers mono-actifs avec enfant. Il est estimé ainsi que l'EITC a fait passer le taux d'activité pour cette catégorie de la population de 65,5 % à 72,1 % entre 1993 et 1996, ce qui représente 146 millions d'heures de travail. En revanche, la mesure semble avoir un effet désincitatif sur l'activité des femmes mariées. On estime à cet égard, et pour la même période, une perte à 8,9 millions d'heures de travail (Arnaud et al., 2008 ; OFCE, 2003). Le WFTC britannique a induit de son côté une augmentation du taux d'activité de 0,15 %. Cependant, rapporté au coût net du WFTC, l'impact est faible et le rapport coût / efficacité est médiocre (6000 livres par nouvel entrant) (Arnaud et al., 2008).

Dans ce contexte, pourquoi la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ?

39

A - De la non-optimalité à la contreperformance de l'impact redistributif et de la stimulation de l'emploi

Même si le coût budgétaire de la Prime pour l'emploi est loin d'être négligeable, la faible contribution de la PPE à la redistribution totale s'explique en partie par sa masse financière qui est sans commune mesure avec celles de l'impôt sur le revenu ou des prestations familiales44. Il est également important de souligner que l'exclusion de son bénéfice des personnes ayant des revenus d'activité inférieurs à 0,3 SMIC, et son extension à des personnes ayant des revenus d'activité supérieurs à 1,4 SMIC, en amoindrissent le caractère purement redistributif , puisque la prise en compte de certaines situations familiales permet notamment à des personnes disposant d'un revenu d'activité atteignant 2,1 SMIC d'en bénéficier (Bonnefoy et al., 2008 - 2). Pour les personnes ayant des revenus d'activité compris entre 0,3 et 1,4 SMIC (« le coeur de cible»), les gains financiers sont toutefois substantiels : le supplément de ressources s'élève à 9 % du revenu d'activité pour les personnes percevant entre 0,3 et 0,7 SMIC annuel, et de 5 à 6 % pour celles dont les revenus d'activité se situent autour du SMIC, soit 760 euros environ en 2007 pour les personnes ayant des revenus proches du SMIC (Arnaud et al., 2008 - 2). Loin d'être négligeable pour les personnes aux revenus modestes, la PPE joue néanmoins un rôle redistributif limité (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

Le Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion sociale (CERC), qui avait examiné le projet initial de PPE (rapport n° 1, « Accès à l'emploi et protection sociale »), avait déjà souligné à cette époque que le coût budgétaire était important pour un faible effet redistributif, notamment en raison du niveau des plafonds retenus pour le revenu total du foyer fiscal pour les couples avec ou sans enfants à charge. Il préconisait une refonte visant à réduire ces plafonds. Cette refonte aurait permis de concentrer les effets budgétaires sur les ménages ne disposant que de faibles revenus du fait d'un accès insuffisant à l'emploi et aurait également eu des effets d'incitation plus marqués au retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux (Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion sociale, 2006).

Au cours des trente dernières années, la montée du chômage et de la précarité des emplois ont suscité des interrogations croissantes sur l'approche essentiellement « réparatrice » de l'assurance chômage et sur les désincitations qu'elle pouvait induire, tant du point de vue de l'offre que de la demande de travail. Il est donc apparu nécessaire de développer des politiques actives de l'emploi : des politiques de subvention visant à renforcer la demande de travail des employeurs, et des politiques d'intéressement visant à stimuler l'offre de travail des salariés. Parmi les dispositifs d'intéressement mis en place figure la Prime pour l'emploi, visant à la fois à soutenir l'offre de travail et à assurer une meilleure redistribution des revenus (Bonnefoy et al.,

44 En 2006, la prime pour l'emploi représentait 0,4 % du revenu disponible, l'impôt sur le revenu avant PPE 6,5 %, les prestations familiales 4,1 %, les aides au logement locatif 1,3 % et les minima sociaux 1,1% (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

40

2008 - 2). Faisant partie des politiques actives de l'emploi, la PPE (comme le RSA) a entre autres pour but de connecter les minima sociaux au travail, en référence aux modèles britannique et américain (ou au Kombilohn allemand) (Hirsch, 2008).

Dans son rapport annuel de 2005, la Cour des comptes indiquait que peu d'études sur le volet incitatif de la PPE avaient été réalisées, les seuls éléments chiffrés disponibles étant issus de simulations économétriques ex ante, et non de données observées sur le marché du travail ex post. Ces simulations sont néanmoins riches d'enseignement, et montrent que l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (+0,2 à

+0,4 % selon les études). Ces simulations présentent certes des faiblesses, mais les enquêtes réalisées auprès des ménages corroborent en définitive ces conclusions : ainsi, en juin 2003, dans les réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des ménages interrogés ont indiqué être incités par la PPE à reprendre une activité, 4% seulement à travailler davantage et 31 % à continuer à travailler. L'effet de la PPE sur l'emploi, selon ces modèles économétriques ex ante, paraît donc incertain, et compte tenu du coût budgétaire, son rapport coût/efficacité paraît faible (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

Pour promouvoir l'emploi et les revenus des salariés faiblement rémunérés, le système français dispose essentiellement de trois instruments : le SMIC, les charges sociales et la Prime pour l'emploi. « Trois instruments pour atteindre deux objectifs, c'est, du point de vue de l'arithmétique, plus qu'il n'en faut » (Cahuc et al., 2008 : p. 110).

a - Impact redistributif

« Le modèle simple de redistribution optimale a été introduit dans la littérature économique il y a presque 30 ans par Mirrlees45. Il met parfaitement en lumière les enjeux essentiels de la redistribution, et en particulier les termes de l'opposition entre équité et efficacité » en terme d'arbitrage (Bourguignon, 2012 : p. 188). A ce titre, la Prime pour l'emploi a-t-elle un réel impact redistributif (Pisany-Ferry in OFCE, 2003) ?

L'aspect redistributif, doit s'entendre ici uniquement au sens de la modification de la distribution des revenus. En effet, et idéalement, les choix des agents ne doivent être modifiés que par l'effet revenu, tandis que les prix relatifs de l'économie restent inchangés (prix relatifs entre biens, entre travail et loisir, et entre facteurs de production ou entre facteurs de consommations) (Conseil d'orientation pour l'emploi, 2006).

En rappel, il est utile de préciser les concepts de revenu et le contour du champ de la redistribution dans le système français, tel que l'image le schéma 2.

45 Sir James Alexander Mirrlees est un économiste écossais, né le 5 juillet 1936 au Royaume-Uni. Il a reçu en 1996 le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel et a été fait chevalier en 1997.

41

Schéma 2 : Récapitulatif des différents concepts de revenu et
contour du champ de la redistribution

Source : Marical 2009 : p. 77.

Dans une première évaluation de la Prime pour l'emploi à l'aide du modèle de micro-simulation « Myriade46 » de la caisse nationale des allocations familiales (destiné à l'analyse des politiques sociales et fiscales), il est démontré que « la Prime pour l'emploi permet de réduire le taux moyen de prélèvements nets de deux catégories d'individus : les individus les plus modestes qui sont membres d'une famille comprenant un actif occupé, et les individus dont le niveau de vie est moyen mais qui supportent un taux moyen de prélèvements nets particulièrement élevé » (Legendre et al., 2002 : p. 557). Les revalorisations successives appliquées au modèle de 2001 n'ont pas modifié cet aspect.

En définitive, on présente la Prime pour l'emploi comme un crédit d'impôt réservé aux titulaires d'un revenu d'activité compris entre 0,3 SMIC et 1,4 SMIC à temps plein et dont le montant est maximal pour un revenu équivalant au SMIC à temps plein. Ainsi, le montant de la Prime présente un profil, en fonction du revenu, en « dos d'âne ». Pour des revenus inférieurs au SMIC la Prime pour l'emploi s'apparenterait à une ristourne de CSG, en étant une fonction croissante du revenu. Cependant, la prime est une fonction décroissante de la rémunération horaire lorsque celle-ci est supérieure au SMIC horaire (Legendre et al., 2002).

46 Voir annexe 3.

42

Les modèles français de simulation (« Myriade » pour la CNAF47 et « Ines48 » pour l'INSEE)49 offrent une représentation assez fidèle du dispositif et donnent donc un chiffrage précis des effets redistributifs (Périvier, 2003). Ainsi, selon ces deux modèles de simulation, il ressort que la faiblesse des sommes allouées, associées à une distribution insuffisamment ciblée, font de la PPE une mesure peu redistributive, dont l'impact sur la pauvreté, les inégalités, ou encore la progressivité de l'impôt sur le revenu est limité (Arnaud et al., 2008).

En démonstration, « en 2006, 1,9 million de personnes sont considérées comme des travailleurs pauvres, c'est-à- dire qui exercent une activité professionnelle mais ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. La moitié d'entre elles ne bénéficie pas de la PPE. Dans 70 % des cas, cela s'explique par leur trop faible revenu d'activité inférieur à

0,3 SMIC annuel. Les personnes pauvres exclues de la PPE bien qu'ayant exercé un emploi, n'ont souvent travaillé qu'une partie de l'année (la moitié d'entre elles déclarent avoir travaillé moins de trois mois dans l'année), mais 35 % des personnes pauvres qui ne bénéficient pas de la PPE déclarent avoir exercé un emploi durant toute l'année. La non-éligibilité à la PPE peut s'expliquer par un faible nombre d'heures travaillées. Dans ce cas, soit le revenu d'activité annuel est inférieur à 0,3 SMIC, soit au contraire, il est trop élevé en équivalent temps plein. La non-éligibilité à la PPE de travailleurs pauvres peut aussi s'expliquer par leur appartenance à une famille nombreuse : dans ce cas, le revenu de leur foyer fiscal est trop élevé pour être éligible mais leur niveau de vie est faible en raison de la présence d'enfants... ... Sur l'ensemble des travailleurs pauvres, seuls 6 % sortent ainsi de la pauvreté grâce à la prime. Les changements de barèmes en 2007 augmentent sensiblement les montants de PPE versés, mais l'impact sur la pauvreté reste limité » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 14).

Globalement, la PPE profitent aux ménages du bas de la distribution des revenus. Cependant, elle est davantage ciblée sur le troisième décile et s'étale très haut dans la distribution des revenus50/ 51 (Périvier, 2003). A titre d'exemple, en 2010, la Prime pour l'emploi, en tant que crédit d'impôt destiné aux travailleurs à bas revenu, améliore le pouvoir redistributif de l'impôt sur le revenu et contribue pour un peu moins de 4 % à la réduction des inégalités (Cazenave et al., 2011). Les prestations réduisent davantage les inégalités de niveau de vie que les prélèvements, telle que le démontre, au titre de l'année 2011 le tableau 7.

47 Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

48 Voir annexe 1 et 2.

49 « Myriade » et « Ines » sont des appellations qui ne représentent des sigles ou acronymes.

50 Un tiers du budget de la PPE bénéficie à des individus appartenant aux cinq déciles supérieurs de la population (Hirsch, 2008).

51 Les personnes des deux premiers quintiles sont en effet non imposables, sauf exception selon la configuration du foyer fiscal, et la baisse de niveau de vie est plus forte pour les ménages du dernier quintile que pour les ménages des troisième et quatrième quintiles (Cazenave, 2011).

43

Tableau 7 : Contribution des différents transferts à la réduction
des inégalités de niveau de vie en 2011

1. Les cotisations sociales retenues ici regroupent les cotisations patronales et salariales famille, les taxes logement, transport et apprentissage.

2. Allocation de soutien familial, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, compléments de libre choix d'activité et de libre choix du mode de garde de la PAJE52, subventions publiques pour la garde d'enfants en crèches collectives et familiales.

3. Complément familial, allocation de base de la PAJE, allocation de rentrée scolaire, bourses du secondaire.

4. Partie « socle » du revenu de solidarité active, minimum vieillesse (ASPA53), allocation supplémentaire d'invalidité, allocation pour adulte handicapé et son complément.

Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.

Lecture : les prestations représentent en moyenne 7,3 % du niveau de vie et contribuent pour 66,2 % à la réduction des inégalités.

Note : la colonne (A) représente le rapport moyen entre le prélèvement ou la prestation considéré et le niveau de vie. La colonne (B) estime la progressivité du transfert via la différence entre son pseudo-Gini et le Gini du niveau de vie avant redistribution. La colonne (C) estime la contribution (en %) de chaque transfert à la réduction des inégalités. Elle s'obtient en faisant le produit des valeurs absolues des colonnes (A) et (B) pour le transfert et en divisant ce produit par la somme des produits sur tous les transferts.

Sources : INSEE ; DGFIP54 ; CNAF ; CNAV55 ; CCMSA56, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2009 (actualisée
2011), modèle « Ines », calculs DREES57 et INSEE, in Duval et al. 2012 : p. 81.

Les personnes appartenant aux 10 % les plus pauvres ne peuvent bénéficier de la PPE (Périvier, 2003). Ce fait s'explique par les caractéristiques du marché du travail français : le salaire minimum élevé implique que les individus ayant une productivité

52 Prestation d'accueil des jeunes enfants (PAJE).

53 Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

54 Direction générale des finances publiques (DGFIP).

55 Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

56 Caisse centrale de la mutualité sociale et agricole (CCMSA).

57 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation, et des statistiques (DREES).

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trop faible ne peuvent trouver un emploi et donc ne peuvent pas bénéficier de la mesure (Cahuc, 2002). D'autre part, le montant de la prime est croissant avec le nombre d'heures travaillées pour des rémunérations horaires inférieures au SMIC, puis, au-delà, il décroît à mesure que le temps de travail augmente. Ce principe implique une certaine ambiguïté vis-à-vis de la cible visée. D'un côté, elle est défavorable aux travailleurs à temps partiel subi (alors que ceux-ci constituent l'essentiel des travailleurs pauvres), mais d'un autre côté, elle favorise les travailleurs ayant une rémunération horaire faible, et devrait donc malgré tout cibler une partie de cette catégorie d'individus (Périvier, 2003). D'un point de vue plus technique, l'exclusion des travailleurs ayant gagné moins de 0,3 SMIC dans l'année, une condition de ressources assez peu restrictive notamment pour les couples, et le fait que le calcul de la prime se fasse essentiellement sur une base individuelle, en dépit de l'existence de conditions de revenus au niveau du foyer fiscal, limitent le pouvoir redistributif de la PPE. Or, aucune de ces caractéristiques n'a été modifiée depuis 2001. Ainsi, même si le dispositif a été revalorisé fortement à plusieurs reprises, ces hausses ont concerné tous les groupes de bénéficiaires, quel que soit leur niveau de vie, mais n'ont pas modifié la configuration redistributive (Bonnefoy et al., 2009).

En conclusion, les montants distribués via la PPE sont de faible importance et le bénéfice de ce crédit d'impôt n'est pas particulièrement ciblé sur les individus de faible niveau de vie (Legendre et al., 2004), d'autre part, « peu ciblée et excluant les salariés et non-salariés ayant de faibles revenus d'activité (inférieurs à 0,3 SMIC), la Prime pour l'emploi ne réduit que de 0,5 point le taux de pauvreté des personnes en emploi » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 4).

b - Stimulation de l'emploi

Selon Hagneré et alii en 2003, il existe six modèles où interviennent, d'une manière tantôt substituable tantôt complémentaire, trois facteurs de non-emploi : la faiblesse des incitations financières, une productivité inférieure au coût du SMIC et des dysfonctionnements du marché du travail (Hagneré et al., 2003). La PPE s'attaque à l'incitation financière.

Les modèles français de simulation (« Myriade » pour la CNAF et « Ines » pour l'INSEE) n'intègrent pas les réactions comportementales des agents (anticipations) et ne permettent donc pas d'évaluer ex ante les effets de la PPE sur l'offre de travail des individus (Périvier, 2003).

A ce stade, seul un questionnement de la population concernée peut révéler les effets de la PPE sur l'offre de travail des individus. En effet, s'agissant de la stimulation à l'emploi, le point essentiel à vérifier est celui de la connaissance même du dispositif par la population concernée (condition indispensable à la production d'une stimulation) (Annexe 6, 7, et 8 ; Cour des comptes, 2006).

45

La Direction de l'animation de la recherche, des études, et des statistiques (DARES) et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ont conduit à cet effet une enquête auprès des bénéficiaires potentiels de la Prime pour l'emploi en 2007 (cible : les personnes âgées de 23 à 55 ans qui percevaient, en 2005, des revenus d'activité inférieurs à 1,5 SMIC net). Environ 90 % des personnes interrogées déclaraient avoir déjà entendu parler de la Prime pour l'emploi. Une majorité d'entre elles connaissait également les grands principes de ce dispositif. Les règles précises de fixation du montant de la PPE, comme le seuil minimum de revenu requis pour la percevoir ou le fait que la PPE versée dépendait pour partie des revenus du conjoint, échappaient cependant à la majorité des répondants. Les bénéficiaires mettaient en outre du temps à s'adapter aux modifications réglementaires des modalités de la PPE. Par exemple, l'augmentation de 30 % du barème de la PPE en 2006 n'était pas encore connue de la plupart des répondants plus d'un an après son application (Bonnefoy et al., 2008 - 1).

En résumé de cette enquête, une majorité d'enquêtés connaissait les grands principes de la Prime pour l'emploi, cependant les règles précises de fixation du montant de la PPE leur échappaient. De plus, l'augmentation récente du barème de la PPE n'était pas encore connue par la plupart. Il a été observé que les bénéficiaires de la PPE avait une connaissance du dispositif légèrement meilleure que celle des non-bénéficiaires (Bonnefoy et al., 2008 - 1). Ces résultats ont largement été vérifiés, en réponse d'ailleurs à l'interrogation de la Cour des comptes en 2006, lors des trois enquêtes « terrain » présentées en annexes 6, 7, et 8 (une menée à Pôle-Emploi de Saint-Chamond (Loire) les 6 et 7 août 2015 ; la seconde menée sur le réseau Network « LinkedIn »58, finalisée le 6 août 2015 ; et en fin la troisième menée sur le réseau Network « Viadeo »59 finalisée le 7 août 2015). Les enquêtes « terrain » réalisées (annexes 6, 7, et 8) ont démontré une faible connaissance du dispositif, particulièrement en catégorie « employés et ouvriers » (essentiellement le coeur de cible de la PPE).

En théorie, un crédit d'impôt sur l'offre de travail permet de rendre l'accès à l'emploi plus attractif financièrement pour les travailleurs faiblement qualifiés, et donc de les inciter à prendre un emploi. Cependant, il peut également générer des conséquences négatives sur l'offre de travail de certaines catégories de travailleurs. D'une part, il peut induire une incitation à la réduction de l'offre de travail des individus qui, déjà en activité, ont un revenu situé dans la tranche où l'aide diminue. D'autre part, il est susceptible de jouer un rôle négatif sur l'emploi du travailleur le moins bien rémunéré dit « travailleur secondaire » dans le couple. Imposer un taux marginal relativement élevé sur le salaire de ces deux catégories d'individus est difficile à éviter (Périvier,

58 « LinkedIn » est un réseau social professionnel en ligne créé en 2003 à Mountain View. Début 2014, le site revendique plus de 300 millions de membres à travers plus de 170 secteurs d'activités, et ce dans plus de 200 pays

59 « Viadeo » est un réseau social professionnel lancé en France en 2004. En 2015, il compte 65 millions de membres à travers le monde (dont 10 millions en France). Viadeo s'implante avec une stratégie multi-locale.

46

2003). Cette mesure, centrée sur les emplois à temps plein, a donc globalement des effets incitatifs faibles, comme on peut l'appréhender au travers de la modification limitée qu'elle induit sur le profil du revenu total en fonction du revenu d'activité (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).

L'analyse grandeur nature réalisée à partir du logiciel de micro simulation SYSIFF98 en 2003 confirme que les taux marginaux effectifs de prélèvement et les gains financiers à la reprise d'emploi font que, déjà à cette époque, et malgré les premières réformes et revalorisations, la PPE n'atteint que modestement ses objectifs incitatifs. D'autre part, la majoration pour les salariés à temps partiel reste également trop modeste pour rendre vraiment intéressante une reprise d'activité à mi-temps (Bargain, Terraz, 2003 ; Courtioux, Le Minez, 2004).

Enfin, la PPE est perçue tous les ans dans le cadre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Cette modalité de versement rend le dispositif moins apparent pour les individus qui, de fait, sont moins enclins à ajuster leur offre de travail. Le versement d'un acompte simplifié directement sur le salaire mensuel pourrait améliorer le caractère incitatif de la PPE, d'autant plus que l'aide est élevée dans son montant, mais cette mesure reste peu sollicitée60 (Périvier, 2003), alors que « la question financière, sans être un frein déterminant à la recherche d'emploi, constitue un sujet de préoccupation central » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 5).

Au final, il apparaît que « la Prime pour l'emploi ne profite pas majoritairement aux plus pauvres et incite les employeurs à multiplier les emplois paupérisants » (Clerc, 2006).

1 - L'emploi en général

Il semblerait que le faible caractère incitatif de la PPE sur l'emploi s'expliquent d'une part par la faiblesse des montants distribués, particulièrement en 2001, et d'autre part sans doute aussi, par le décalage important entre la reprise d'une activité et le versement effectif de la PPE (qui peut atteindre jusqu'à 18 mois), ce fait réduisant sa visibilité61 (Arnaud et al., 2008 ; Attali, 2008 ; Cahuc et al., 2008 ; Cour des comptes 2006 ; Cour des comptes 2011). Enfin, la population concernée, comme vu précédemment, n'a pas assez connaissance du dispositif (par manque d'information selon la Cour des comptes en 2006) (Annexes 6, 7, et 8 ; Cour des comptes, 2006). L'ensemble de ces éléments fait que « la PPE est particulièrement diluée, ce qui est largement dénoncé » (Hirsch, 2008 : p. 197).

60 « Alors que près de 90 % des personnes n'ayant pas fait la demande de mensualisation pour 2007 (possibilité introduite dans la loi de finances de 2006 au titre des revenus de 2005 et qui a concerné en 2006 17 % des bénéficiaires) déclarent connaître cette nouvelle disposition » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 4).

61 Cependant, et comme observé à l'étranger, la mensualisation (introduite par la loi de finances 2006), offrant la possibilité de contrecarrer cet inconvénient temporel, n'intéresse dans les faits que peu de bénéficiaires (Bonnefoy et al., 2008 - 1).

47

En complément, et en toile de fond, il est important de souligner que « l'effet favorable sur l'emploi de réformes fiscales incitatives à l'offre de travail dépend fortement des conditions de fonctionnement du marché du travail et de son état. Dans des pays souffrant d'un taux de chômage élevé des travailleurs peu qualifiés et en présence d'un salaire minimum (ce qui est le cas de la France), il y a peu de chance que l'instauration d'un crédit d'impôt ayant pour but d'accroître l'offre de travail permette de réduire le taux de chômage. Par ailleurs, s'agissant de stimuler l'emploi des personnes peu qualifiées, il semble que ce segment du marché du travail souffre davantage d'un problème de demande que d'un problème d'offre. » (Périvier, 2003 : p. 308).

Enfin, des trappes à inactivité demeurent pour certains groupes d'individus. A titre d'exemple, malgré l'introduction de dispositifs incitatifs en faveur de l'emploi (dont la PPE), les incitations, pour une personne appartenant à un ménage avec deux enfants, à accepter un emploi rémunéré au salaire minimum sont toujours faibles (Anne et l'Horty, 2002), même sans tenir compte des transferts locaux car le taux marginal effectif d'imposition est élevé (Jamet, 2006).

Les flux d'entrants ou de sortants du dispositif de la PPE représentent chacun environ 30 % du nombre de bénéficiaires chaque année. L'entrée se fait majoritairement « par le bas ». C'est le cas des foyers jeunes qui entrent pour la première fois sur le marché du travail ou des reprises d'activité après une période chômée. La sortie du dispositif est équitablement répartie « par le haut et par le bas » du barème, faisant suite à une progression ou à une diminution des revenus, par exemple, et dans ce dernier cas, après une perte d'emploi ou une mise à la retraite. Cependant, d'autres facteurs, indépendants du marché du travail, peuvent entrer en jeu dans l'accès au dispositif : la modification de la structure du foyer fiscal et/ou la revalorisation des seuils du barème (Duval, 2010).

En conclusion et globalement, tant pour le retour que pour le maintien dans l'emploi, « la PPE ne semble pas être un facteur déterminant » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 5).

2 - L'emploi des femmes

« Le quotient familial est depuis sa création en 1946, le coeur du dispositif assurant la familiarisation de l'impôt sur le revenu français. A ce titre, il fait l'objet de fréquentes critiques. Les plus anciennes et les plus nombreuses discutent de son incidence redistributive soulignant qu'il confèrerait aux familles bénéficiaires un avantage croissant avec le revenu et le nombre des enfants. Plus récemment, des travaux s'inscrivant dans une perspective de genre ont contesté son influence sur les choix des femmes en matière d'emploi. En effet, selon les approches courantes en termes de genre qui étudient les dispositifs sociaux en fonction de leur incidence sur les comportements féminins de participation au marché du travail, les droits dérivés tels que le quotient familial, exercent une influence défavorable sur l'activité professionnelle des femmes. Le quotient familial apparaît d'une certaine manière comme exemplaire des problèmes posés par la non-individualisation des droits sociaux » (Monnier, 2010 : p. 2).

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L'insertion professionnelle des femmes a été favorisée par l'élévation de leur niveau de formation, mais elle a des caractéristiques qui lui sont également propres. La croissance de l'activité féminine s'est faite en partie grâce au développement du temps partiel, cependant les conditions d'emploi et de rémunération des femmes sont en moyenne moins favorables que celles des hommes. Dans les pays développés, dont la France, les femmes gagnent en moyenne 18 % de moins que les hommes. (Châteauneuf-Malclès, 2011).

Une partie des inégalités professionnelles entre femmes et hommes prend racine en dehors du contexte professionnel. L'insertion massive des femmes sur le marché du travail s'est traduite par la « double journée de travail » puisque les femmes ont continué à prendre en charge l'essentiel des responsabilités au sein du foyer. Cette situation les a poussées à développer des stratégies de conciliation vie entre vie professionnelle et vie familiale : « choix » (sous contrainte) de temps partiel, interruptions de carrière pour certaines (notamment facilitées par les congés parentaux), carrières plus modestes que celles auxquelles elles peuvent prétendre avec leur niveau de formation, préférence pour des secteurs ou des professions avec des organisations plus adaptées à la vie familiale) (Châteauneuf-Malclès, 2011).

Selon Olivier Thévenon62, il faut distinguer trois types de politiques familiales favorisant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale : les politiques d'aides financières sous forme de prestations ou d'avantages fiscaux (dont la PPE) ; les politiques d'offre de services en matière d'accueil de la petite enfance ; et les politiques d'aides en temps, sous forme d'octroi de congés parentaux ou d'autorisation en matière de temps partiel et de flexibilité des horaires de travail (Châteauneuf-Malclès, 2011). Il est intéressant à ce titre d'observé que sur ces trois types de politiques familiales, une seule est financière (en référence aux capablités de Sen en 2003).

La PPE est un dispositif impactant la fiscalité du foyer (annexe5). A une très grande majorité, au sein du ménage, l'homme a des revenus prépondérants. Or, dans une famille, l'impôt sur le revenu dépend du revenu du foyer fiscal et pas du revenu individuel. En conséquence, dans un couple dont les niveaux de revenus sont très différents, le taux marginal d'imposition de la personne qui a le plus bas revenu (majoritairement la femme) peut être beaucoup plus élevé que pour une personne seule au même niveau de revenus. En considération du coût de la garde d'enfants, de la pénibilité du travail ou du manque de temps libre, le salaire de réservation accepté peut excéder le gain à attendre de l'exercice d'un emploi (Jamet, 2006). De plus, certaines analyses montrent que le chômage et le faible taux d'activité de certains groupes, notamment celui des femmes ayant de jeunes enfants, peuvent s'expliquer pour partie

62 Olivier Thévenon est chercheur à l'Institut national d'études démographiques (INED). Ses domaines de recherche sont les politiques familiales et la conciliation emploi-famille dans les pays de l'OCDE, l'activité des femmes et la formation de la famille en Europe, et la comparaison des systèmes d'emploi et de protection sociale.

par la faible incitation à prendre un emploi (Laroque et Salanié, 2000). Les femmes ayant un faible niveau de qualification sont concernées en premier lieu. Pour elles, le risque est grand de tomber durablement dans une trappe à inactivité (Jamet, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005). Enfin, une question se pose vis-à-vis des effets pervers de la PPE, qui, s'ils incitent au travail certains individus, peuvent peser sur l'activité des femmes ou favoriser le temps partiel (OFCE, 2003).

Une évaluation sur la sensibilité de l'offre de travail des femmes en France à la PPE a révélé que l'offre de travail des femmes est discrète et maximise l'utilité du ménage, sous contrainte budgétaire, et compte tenu de leurs chances de trouver un emploi. Dans cette évaluation, le revenu disponible du ménage, pour chaque horaire de travail, est évalué à l'aide du modèle de micro simulation « Ines », qui impute sur barème les transferts socio-fiscaux de la législation française aux ménages des enquêtes « Revenus fiscaux de l'INSEE ». L'élasticité de l'offre de travail au revenu d'activité est ainsi estimée à 0,3 pour les femmes isolées et 0,8 pour les femmes en couple et l'impact de la PPE demeure limité (Fugazza et al., 2003).

L'élasticité de l'offre de travail des femmes est plus élevée que celle de l'ensemble de la population. En effet, et selon des contraintes qui leur sont propres, elles peuvent être amenées à choisir de ne pas travailler, ou de travailler à temps plein ou partiel (Arnaud et al., 2008). « La garde des jeunes enfants freine l'activité des mères : face à la pénurie de places en crèche, et au coût souvent prohibitif des autres modes de garde, elles renoncent à l'activité. L'exclusion du marché du travail jusqu'à la scolarisation de l'enfant compromet leur retour à l'emploi, surtout en l'absence de programmes de formation adaptés » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2).

Une étude proposée par Laroque et Salanié en 2001 offre une lumière indicative sur l'emploi des femmes, comme le montre le tableau 8. Ils simulent les conséquences de la PPE sous le barème de 2003 (tel qu'il était prévu par le gouvernement Jospin), « rétropôlé » pour l'année 1999 sur l'emploi des femmes (Périvier, 2003).

Tableau 8 : Effet de la PPE sur l'emploi des femmes (en milliers)

Source : Laroque et Salanié, 2001, in Périvier 2003 : p. 303.

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Globalement, selon cette étude, la PPE aurait un effet positif sur l'emploi des femmes dans la mesure où 9 000 d'entre elles prendraient un emploi à mi-temps pour

4 000 femmes, et à plein temps pour les 5 000 autres. Mais eu égard la taille de l'échantillon analysé (5 029 000 personnes), cet effet est extrêmement faible. La PPE ferait passer 10 000 femmes du non-emploi à un emploi à plein temps, mais parallèlement, elle impliquerait que 5 000 femmes qui avaient un emploi à plein temps quittent le marché du travail et que 2 000 femmes réduisent leur temps de travail pour prendre un emploi à mi-temps (Périvier, 2003). Ces résultats démontrent les effets théoriques attendus, dans la mesure où celles qui augmentent leur offre de travail sont celles qui se situent à l'entrée du barème et, par ailleurs, les femmes mariées à un travailleur bénéficiant de la PPE réduisent leur offre de travail. Ceci démontre également que l'effet du caractère individuel de la PPE est compensé par l'effet du caractère familial de la condition de ressources. De ce fait, et de la même façon que le WFTC ou que l'EITC, le travailleur secondaire du couple est désincité à travailler (Périvier, 2003 ; OFCE, 2003).

A contrario, selon une étude menée en 2008, il n'apparaît pas d'effet significatif de la PPE sur l'emploi, y compris en se focalisant sur l'emploi des femmes mariées (Arnaud et al., 2008). En « utilisant les données des enquêtes sur l'emploi réalisées par l'INSEE entre 1999 et 2002, et limitant son analyse à l'examen des effets de la PPE sur le taux d'emploi des femmes, Stancanelli en 2006 trouve que ce dispositif fiscal n'a eu aucun effet significatif. Il aurait même eu un effet négatif, quoique statistiquement non significatif, sur l'offre de travail des femmes mariées » (Fougère, 2006 : p. 29).

« Ainsi, les effets théoriques d'un crédit d'impôt sur l'offre de travail sont d'une part une stimulation de la participation au marché du travail et d'autre part une réduction des heures de travail des individus qui travaillaient déjà et un effet négatif sur l'emploi du travailleur secondaire au sein du couple. La résultante sur l'emploi total est donc indéterminée » (Périvier, 2003 : p. 301). De plus, et selon l'étude de Laroque et Salanié sur le temps partiel féminin et les incitations financières à l'emploi, il apparaît que la Prime pour emploi induit des transitions très faibles concernant essentiellement des mouvements entre non-emploi et temps plein. Les transitions inverses sont le fait de femmes dont le mari travaille. A ce titre, selon les auteurs, la Prime pour l'emploi doit être considérée plus comme une mesure redistributive que comme une mesure d'incitation au travail des femmes (Laroque, Salanié, 2002).

B - Analyse séquentielle de la Prime pour l'emploi : un recentrage

L'analyse séquentielle (C.O. Jones) et l'analyse cognitive des politiques publiques

(P. Muller) représentent, à l'égard de la PPE et de ses objectifs originels, des cadres théoriques qui vont permettre un recentrage. Partant du contexte et de l'analyse qui a conduit du besoin social au dispositif, analysant le problème social et déterminant le rôle des acteurs dans le processus public, et enfin, partant des référentiels global et sectoriel du début des années 2000, en identifiant le rapport entre eux (RGS), représentent les

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actions constitutives d'une démarche conduisant à la compréhension de cette politique publique de lutte contre la pauvreté (laborieuse), les inégalités, l'exclusion induite, et les trappes à inactivité possibles, et ce par la mise en oeuvre d'une politique active de l'emploi.

a - Contexte et analyse qui conduit du besoin social au dispositif

S'agissant de la période de création du dispositif de la PPE, le contexte économique était celui de la fin des années 90. Le contexte politique de cette même époque, assorti d'exemples étrangers ayant de fortes similitudes avec ce qui deviendra en 2001, en France, la Prime pour l'emploi, déboucha (de façon un peu hasardeuse, après censure du Conseil constitutionnel, comme il a été vu) sur la mise en oeuvre d'un dispositif singulier utilisant le crédit d'impôt. Dans les faits, c'est bien l'analyse du contexte de l'époque qui pose les fondations du dispositif mis en oeuvre en réponse au besoin social.

Le besoin social était de faire baisser la pauvreté, et de réduire les inégalités, ces deux points étant une source d'exclusion sociale (problème à résoudre).

Politiquement, afin d'éviter une assistance coûteuse, le dispositif à mettre en place devait induire une lutte contre la pauvreté passant par le travail (ou la mise au travail), et se devait donc aussi de lutter contre la pauvreté laborieuse63. Pousser la population au travail nécessitait qu'il existe une différence substantielle entre revenu d'activité et d'inactivité (afin de lutter contre les trappes), et imposait de rendre le travail des personnes peu qualifiées plus rémunérateur, plus intéressant (au sens « intéressement ») (« Making work pay »).

« Selon l'INSEE, un travailleur pauvre est une personne qui s'est déclarée active (ayant un emploi ou au chômage) six mois ou plus dans l'année, dont au moins un mois en emploi, et qui vit au sein d'un ménage pauvre. Selon l'INSEE, il y avait 1,09 million de travailleurs pauvres en 1997 et 0,99 million en 2001 (au seuil à 50% du revenu médian). Au seuil à 60% du revenu médian, les travailleurs pauvres sont au nombre de 2,08 millions en 1997 et de 1.97 million en 2001 » (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 : p. 26).

A titre d'exemple, « 93% des français déclaraient en 2004 être préoccupés à titre personnel par la pauvreté. La pauvreté est ainsi la principale préoccupation des français, avant le cancer (90%), le chômage (90%) et les problèmes liés à l'environnement (87%). Pour 82% des français interrogés, la pauvreté a augmenté en 2004. Les français sont ainsi 14% de plus qu'en 2002 à ressentir que la situation se dégrade. Pour un français sur trois (30%), la pauvreté c'est ne pas avoir de logement ; pour 45% c'est ne pas manger à sa

faim ; pour 10% seulement c'est être au chômage depuis plus de 10 ans » (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 : p. 106).

63 Selon le proverbe du XVème siècle « aide toi et le ciel t'aidera », et pour éviter que « le paresseux appelle chance le succès du travailleur » (proverbe d'origine britannique).

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Sous contrainte budgétaire, la solution de lutte contre la pauvreté (situation extrême des inégalités) passait prioritairement par la mise au travail. Mais même en situation d'emploi, dans certains cas, la pauvreté persistait : c'est la pauvreté laborieuse. Alors « comment pouvoir vivre dignement de son travail ? Un travail qui procure les moyens d'une existence décente ? Un travail qui permette d'envisager plus sereinement l'avenir de ses enfants ? » (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 : p. 23).

La nouvelle équation sociale a rapidement été de combiner les revenus du travail et les revenus de la solidarité (en évitant ainsi les trappes à inactivité). Elle a été également d'avoir une politique économique et sociale plus favorable à l'emploi et plus redistributive, conjuguant ainsi solidarité et dignité, notamment en lutte contre l'exclusion sociale (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005).

Ainsi, avec la PPE, une nouvelle figure du travailleur précaire assisté prenait forme, en témoignage d'une interpénétration croissante de l'assistance et de l'emploi précaire (Martin, Paugam, 2009). De plus, outre leur condition de vie et le lien complexe qui peut exister entre le fait d'avoir un emploi (souvent un emploi aidé ou à temps partiel) tout en bénéficiant d'un minimum social, l'accès à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux a été pris en considération (Pla, 2006), donnant ainsi naissance à un nouveau régime de mise au travail (Martin, Paugam, 2009).

S'agissant des réformes de la PPE, seule celle de 2009 présente une réelle singularité de contexte. En effet, cette dernière réforme, traitant de l'articulation entre RSA et PPE (la réforme considérée comme la plus importante), a été entreprise sur fond de crise économique majeure, bien qu'à cette époque, l'importance de celle-ci n'était pas encore perçue : forte montée du chômage, de la pauvreté, des inégalités, et des situations de précarité face au problème de l'emploi, avec détérioration rapide des finances publiques (DARES, 2012).

Le dispositif de la PPE contribue donc à une réduction de la pauvreté (laborieuse), rendant le travail plus rémunérateur (Making work pay), luttant contre l'exclusion sociale qui peut en découler, et luttant pour une diminution des inégalités (vertu redistributive). Elle va dans la direction d'une mise au travail (par intéressement), en luttant contre les trappes à inactivité (notamment pour les minima sociaux et les temps partiels).

b - Problème social et rôle des acteurs

Face au problème social, « au possible nous sommes tenus » (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 : p. 5), au sens où les pouvoirs publics se doivent d'appliquer un remède au problème, ou du moins en rechercher un. L'Etat ne peut, en protection de sa légitimité et de son hégémonie, laisser pour comptes une population, victime des imperfections du marché, ou simplement victimes d'elle-même (par exemple, par incapacité à se prendre en charge, par manque de moyens, vieillesse,

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mauvaise santé, handicap, chômage structurel etc.). L'Etat a un devoir d'assistance vis-à-vis de la population, au-delà des systèmes d'assurance qu'il peut mettre en place, afin de pallier, par exemple, au manque d'anticipation des agents (chômage, retraite, santé...), ou à une « myopie spatio-temporelle » (peu ou pas de visibilité dans le temps pour une situation donnée). L'Etat tire ainsi de ses actions publiques sa légitimité et son pouvoir.

C'est ainsi qu'un problème, général, visible, touchant une assiette significative de la population, et humainement ou moralement (ou politiquement) intolérable, (ici la pauvreté laborieuse, les inégalités, et l'exclusion qui peut en résulter), appelle à une action des pouvoirs publics, allant du besoin social au dispositif, en surveillance du seuil d'intensité à partir duquel l'action publique se doit d'intervenir (notamment seuil de pauvreté, minima sociaux, et SMIC).

Le rôle de l'Etat est d'être « responsive » (conscient des problèmes et des demandes de la population), « accountable » (rendant des comptes), et « problem solving » (étant capable de résoudre les problèmes). C'est ainsi que les pouvoirs publics peuvent mener une politique économique et sociale plus favorable à l'emploi et plus redistributive, en créant également un engagement collectif sur la qualité des emplois (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005).

Concernant la PPE, l'action s'est mobilisée au coeur des gouvernements successifs (du gouvernement Jospin, en 2001, au gouvernement Fillon, pour la dernière réforme). « C'est parce que pour une part de plus en plus importante de la population, les minima sociaux sont devenus des maxima indépassables et que, pour une proportion de plus en plus importante des ménages, le travail ne permet pas de franchir le seuil de pauvreté, qu'il faut transformer nos prestations sociales » (Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 : p. 23).

S'agissant d'une mesure fiscale (et sociale), la PPE dispose d'un mode de décision publique réduit : Gouvernement, Assemblée Nationale, Loi de finances publiques (Doligé, 2008), avec la participation pour son époque du commissariat général au Plan (CGP), du Conseil d'analyse économique (CAE) ou du cabinet du Premier ministre (Colomb, 2012-1). Outre les aspects de cohésion sociale, d'emploi, et de travail, la PPE met en oeuvre, pour l'essentiel, le Ministère des finances.

Ces politiques ne sont pas organisées autour d'une profession ou de groupes de pression. Essentiellement, les hauts fonctionnaires ont la main sur la définition des orientations des politiques de l'emploi. Ces acteurs décisifs détiennent, en un certain sens, le bénéfice de la définition de la politique publique pendant un temps donné. Ils sont, pour un temps, en charge de produire la politique publique. La composition de ce groupe évolue toutefois au gré des nominations ministérielles et des mobilités professionnelles (Colomb, 2012- 1).

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c - Référentiel global, référentiel sectoriel, et rapport global sectoriel (RGS)

Cette analyse s'inscrit dans les travaux de science politique et de sociologie traitant de l'analyse cognitive des politiques publiques (Colomb, 2012-2). « De ce point de vue, nous comprenons les politiques publiques moins comme des fonctions visant à réduire les désajustements sociaux que comme des manières de voir et de transformer la réalité » (Colomb, 2012-2 : p. 33). A ce titre, « la catégorie politique de l'emploi correspond alors à une représentation du monde, construite par l'interaction entre une série d'acteurs décisifs au sein des scènes de production de politique publique et alimentée par des influences politiques, économiques, idéologiques extérieures. Ces scènes ne fonctionnent pas en vase clos, mais c'est en leur sein que sont interprétés les discours extérieurs et formulées les orientations des politiques publiques » (Colomb, 2012-2 : p. 33).

Ainsi, naît le référentiel sectoriel d'une politique publique, plus ou moins intégré dans le référentiel global du « Monde dans lequel chacun vit », et en interrelation permanente avec lui. Le concept de référentiel doit être compris comme « un système de représentation produit par et faisant sens pour les acteurs du secteur dans une situation donnée » (Jobert et Muller, 1987 : p. 15). Ce référentiel est imprégné par la domination au Monde, en balisage des controverses et des conflits, donnant les contraintes aux politiques, notamment face au contexte du moment. En effet, ce référentiel est le champ au sein duquel s'organisent les conflits et les affrontements de la Société, il est un rapport au Monde, en ce sens, que les groupes sociaux pensent leur position par rapport au Monde.

Les acteurs de l'époque ont ainsi analysé ces référentiels et ont défini la représentation du système à réguler pour traiter l'intervention, de façon qu'elle soit acceptée par l'opinion publique et « compatible » et « missible » au référentiel global. Cette approche a permis de traiter le sujet par le biais de l'image que se font les intéressés du problème et des mesures envisagées en solution (avec prise en compte des décalages et des distorsions possibles). Ce travail concoure au processus de globalisation et d'hégémonie de l'Exécutif.

A cheval entre deux Mondes (le référentiel global et le référentiel sectoriel), le travail de médiation peut ainsi s'accomplir. Conduit par les acteurs du moment (les médiateurs), il permet de décoder et recoder le réel afin de mettre les idées en actions, en les faisant accepter par la population, et en présentant ce changement comme inévitable, comme une réalité du moment, s'appuyant sur la Société toute entière (hiérarchie des normes légitimée). L'intégration des référentiels sectoriels au global est bien une image codé du réel, donnant du sens au travers des normes et des référents politiques concernés. Les médiateurs chargés de décoder et de recoder l'action (l'Etat en action), doivent en effet particulièrement considérer la manière dont est perçue la politique par les individus, sur le plan sociologique (Perret, 2008).

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Pour la PPE, nous ne pouvons pas parler strictement de « médiateurs », au sens de Jobert et Muller, car il n'est pas retrouvé de groupe professionnel sectoriel construisant ces politiques (Jobert, Muller, 1987). La PPE a été une représentation du réel, une théorie de l'action, et elle a donné du sens, ce qui, dans toutes ses différentes lectures, a contribué à donner les conditions de la régulation et de l'hégémonie à l'Exécutif.

Quels sont, dans le dispositif de la PPE, l'image véhiculée, les valeurs de bien ou de mal, les normes (l'impératif de l'action), voire la relation causale exprimant la théorie de l'action, jusqu'à l'image même de l'action (exprimant un sens immédiat) ? Le sens est à trouver dans une approche qui se fait par l'action et non par les idées. En effet, selon la définition de Meny et Thoenig, la politique publique est un ensemble de mesures concrètes, de décisions plus ou moins autoritaires et normatives, inscrites dans un cadre général d'actions, concernant un ou plusieurs destinataires ou objectifs à atteindre. Elle permet notamment d'observer l'Etat par le bas et en détail (l'action de l'Etat). Elle est nécessaire à la Société à gérer sa propre historicité, c'est-à-dire à générer sa propre reproduction et évolution.

Dans tous les cas, elle n'est pas la transformation d'un paradigme, car elle met en oeuvre les croyances des acteurs, et non une vérification expérimentale. Elle est une simple mise en cohérence, par l'élite dirigeante, d'une Société sectorisée face au global, mêlant valeurs, normes, algorithmes, et images (notamment les classes riches et les classes pauvres, dans le cas de la PPE). Dans l'image véhiculée, il pouvait être déchiffré que les pouvoirs publics oeuvraient en direction d'un lissage des inégalités, d'une aide en direction des travailleurs pauvres, d'une main tendue en faveur d'une reprise d'activité ou d'un maintien dans l'emploi, en lutte contre la pauvreté. Cette image était colorée d'un principe méritocratique (« aidez-vous et le ciel vous aidera » : entendre « travaillez et l'Etat vous aidera »). Le message véhiculé en direction du patronat était que cette mesure fiscale ne mettait pas à contribution les employeurs et n'alourdissait pas le coût du travail, en maintien de la rentabilité et de la compétitivité.

Deux référentiels sectoriels sont essentiellement concernés par la PPE : celui de la pauvreté et des inégalités et celui du marché du travail.

Le premier référentiel des politiques de l'emploi prend naissance dans les années 60. Le second référentiel des politiques de l'emploi naît progressivement dans la seconde moitié des années 70, dans un contexte de crise économique durable (Colomb, 2012-1). Il est à préciser qu'il n'y a un changement de référentiel uniquement quand il y a une dissonance insupportable dans le rapport entre le référentiel global et le référentiel sectoriel (RGS), ce qui a été le cas ici face désormais à la fin sonnée des Trente Glorieuses et l'apparition d'une crise économique chronique. Se développèrent alors « de nombreux instruments de politiques de l'emploi qui feront florès par la suite » (Colomb, 2012-1 : p. 63). C'est ainsi que les réformes progressives du système d'assurance chômage, par exemple, permettent de comprendre ce passage progressif vers un nouveau référentiel avec notamment la mise en cause progressive du chômeur comme victime de la

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conjoncture économique (Colomb, 2012-1). Le référentiel sectoriel de l'emploi représente l'image dominante du secteur (l'image sociale).

Ce référentiel sectoriel appelle une mise en cohérence, sur le plan de la construction sociale, avec les autres référentiels sectoriels, et avec le référentiel global (encastrement du sectoriel dans le global avec hiérarchisation des objectifs).

Le second référentiel sectoriel concerné par la PPE est celui de la lutte contre la pauvreté et les inégalités. « Même si la question de l'accès aux droits sociaux a une longue histoire, elle allait être placée au centre de l'action sociale à partir des années 1960, et être constituée en tant que référentiel de la lutte contre la pauvreté. Des acteurs administratifs ainsi que des acteurs professionnels, surtout associatifs, allaient être au centre de la traduction d'un référentiel sectoriel compatible avec le référentiel global » (Hamel, 2009). L'accès aux droits sociaux, notamment les minimas sociaux, ont donné la substance à ce référentiel sectoriel.

Il est à souligner, qu'il peut être considéré que la pauvreté et le chômage (au sens de la politique de l'emploi qui s'y rattache) ne relèvent plus complètement d'une logique de découpage sectoriel, vu aujourd'hui son ampleur et son atomisation (Hamel, 2009).

S'agissant d'une mesure de nature « assistancielle », la PPE n'a pas subie de critique ou tension majeure de l'opinion publique (les critiques sont arrivées dans les faits des personnalités politiques, toutes tendances confondues, et ont été inhérentes à la pertinence et aux impacts même du dispositif). L'imbrication de cette mesure sectorielle dans le global (RGS) s'est réalisée sans tension particulière, elle a été naturellement intégrée et acceptée par l'opinion publique, sans dissonance particulière, sûrement aidée par les exemples étrangers.

C - Prime pour l'emploi et justice sociale

Selon l'ONU, « la justice sociale est fondée sur l'égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C'est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d'expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d'autonomie économique, sociale et politique » (ONU, 2015).

Les nouvelles théories du bien-être ont contribué à promouvoir une vision des politiques sociales davantage centrée sur la liberté et la responsabilité individuelles, lesquelles sont mises en regard des objectifs de réduction des inégalités, par le biais de principes de justice distributive. Outre les difficultés de l'approche utilitariste à aboutir à une fonction collective de bien-être social, ces théories « post-welfaristes » ont pour intérêt de prendre parti sur ce qui doit faire l'objet de redistribution et sur les règles qui doivent guider cette dernière, avec des implications directes pour les politiques sociales.

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Selon John Rawls64 en 1971, la priorité devrait ainsi être donnée à l'égalisation des ressources dans le domaine des « biens sociaux premiers » : c'est-à-dire la priorité aux droits et libertés de base, l'égalité des chances pour l'accès aux positions et aux fonctions, l'acceptation des inégalités de revenu et de richesse dans la mesure où elles améliorent la situation des membres les plus désavantagés de la Société, les objectifs et les goûts des individus restant du domaine de leur responsabilité personnelle. Pour Ronald Dworkin65 en 1981, l'égalisation des ressources devrait tenir compte des talents et des handicaps dont disposent les individus, mais pas des conséquences de leurs préférences et aspirations, qui elles relèvent de la responsabilité individuelle et ne devaient pas faire l'objet de compensation par les politiques publiques, lesquelles devaient se limiter aux inégalités dont les individus ne sont pas responsables (Elbaum, 2007). Les orientations politiques contemporaines, qui veulent concilier égalité des chances et responsabilités individuelles, ne prennent toutefois pas suffisamment en compte les obstacles que rencontrent effectivement les personnes pour faire valoir leur liberté de choix dans l'environnement social dans lequel elles évoluent. Elles ne tiennent pas non plus compte du fait que certains individus ou groupes sociaux se trouvent dans des positions socialement dominées, les empêchant de faire valoir l'intégralité de leurs droits et d'employer avec les mêmes chances d'efficacité les ressources qui leur sont consenties (Elbaum, 2007).

C'est pourquoi on peut souhaiter que les politiques sociales s'inspirent davantage de théories de justice sociale comme celles promues par Amartya Sen66, en y recherchant des implications concrètes. Selon Sen, l'accent doit être mis sur les «capabilités de base», c'est-à-dire sur les capacités qu'ont effectivement les individus de choisir leur projet de vie en considérant leurs caractéristiques et leur environnement, et donc les conditions leur permettant réellement d'accéder à des modes de vie (ou de fonctionnement) considérés comme équivalents (Sen, 2003).

Selon le cadre théorique de Mirrlees sur la fiscalité optimale, et notamment sur l'équilibre en équité et en efficacité, et indépendamment des objectifs d'incitation au travail ou de redistribution des revenus, la PPE peut se justifier au moins du point de vue de l'équité fiscale : en effet, elle permet de faire profiter, à des ménages non imposables, de la baisse de l'impôt (Allègre, Périvier, 2005-2 ; Bourguignon, 2002). Et, « Réduire les taux de prélèvement existant, de fait, sur les plus faibles revenus d'activité

64 John Rawls est un philosophe américain né en 1921 à Baltimore et mort en 2002 à Lexington. Rawls est l'un des philosophes politiques les plus étudiés du XXe siècle.

65 Ronald Dworkin est un philosophe américain né en 1931 à Worcester (Massachusetts) et mort en 2013 à Londres. Il était professeur de philosophie à Londres et New York.

66 Amartya Kumar Sen, né le 3 novembre 1933 en Inde, est un économiste. Il a reçu le prix Nobel d'économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l'économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté, et sur le libéralisme politique. Il est l'initiateur de l'approche par les capabilités.

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répond à un principe de justice fiscale ou sociale » (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 : p. 67).

En premier lieu, la Prime pour l'emploi est bien le moyen d'alléger le prélèvement net des individus les plus modestes qui sont membres d'une famille comprenant au moins un actif occupé et qui ne peuvent pas bénéficier d'une baisse de l'impôt sur le revenu parce que non imposables. En second lieu, elle contribue à la réduction, au sein des «classes moyennes », des prélèvements que supportent les individus les plus fiscalisés. A ce titre, la mise en place de la Prime pour l'emploi pourrait être justifiée par des considérations d'équité sociale sans faire nécessairement référence aux incitations financières au travail (Legendre et al., 2002).

Toutefois, le premier décile de niveau de vie concentre une proportion élevée de ménages touchés par le chômage, qui par définition ne peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ciblé sur les personnes ayant exercé une activité professionnelle (Legendre et al., 2004). C'est probablement à cet égard, dans un contexte de chômage élevé et croissant causé par l'insuffisance de la demande de travail, que la PPE affiche une injustice sociale. A titre d'exemple, en 2002, la Prime pour l'emploi concerne 30,6% des ménages. Cependant, les plus modestes d'entre eux en sont moins souvent bénéficiaires. De ce point de vue, la Prime pour l'emploi ne concerne que 27,6% des ménages pauvres cette même année (Courtioux, Le Minez, 2004).

Le système d'attribution de la PPE permet toutefois de contrer le phénomène de non-recours aux droits sociaux (Warin, 2010), ce qui va en faveur, à cet égard, d'une égalité des chances.

a - Un creusement des inégalités entre situation de temps pleins, de temps partiels, et de chômage

Dans l'objectif de lutte contre les inégalités, l'importance « dépend des préférences des pouvoirs publics. Ces préférences sont résumées par une aversion plus ou moins grande pour les inégalités. La réduction des inégalités concerne aussi bien la pauvreté des personnes sans emploi que la pauvreté laborieuse. Cette précision est importante, car les instruments ne sont pas nécessairement les mêmes pour ces deux types de pauvreté. Enfin, les situations de pauvreté peuvent dépendre de multiples facteurs, parmi lesquels la formation et les revenus mais aussi la situation familiale. L'efficacité des politiques de lutte contre la pauvreté appelle donc la possibilité de les cibler selon les différents facteurs de pauvreté » (Cahuc et al., 2002 : pp. 63-64), ce qui n'est pas le cas de la PPE qui en l'occurrence ne bénéficie pas aux pauvres sans emploi.

Cet aspect créé une inégalité entre personnes pauvres avec ou sans emploi. Il met en outre en exergue l'effet Matthieu67 de la PPE : donner à ceux qui ont déjà. En effet, « la

67 En référence à la formule de l'Evangile selon Matthieu : « A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l'abondance... »

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Prime pour l'emploi ne profite donc pas majoritairement aux plus pauvres » (Clerc, 2006), mais seulement à ceux qui travaillent (Barnaud, Bescond, 2006).

Il peut ainsi être affirmé que la PPE, gommant certaines inégalités, est créatrice d'autres inégalités sociales. D'une part elle ne concerne que les actifs au travail, par opposition aux chômeurs, et d'autre part, elle ne concerne que la part de la population percevant plus de 0,3 SMIG (par troncature). Cette double condition d'activité et de niveau de revenu, particulièrement dans le cadre actuel de présence d'un chômage de masse structurel, et par opposition à la situation du début des années 80, est génératrice d'injustices sociales vis-à-vis des personnes privées d'emploi, et vis-à-vis des travailleurs à certains temps partiels (très partiels).

b - Les femmes en emploi

« L'insertion professionnelle des femmes a été favorisée par l'élévation de leur niveau de formation mais elle a des caractéristiques propres. La croissance de l'activité féminine s'est faite en partie grâce au développement du temps partiel et les conditions d'emploi et de rémunération des femmes sont moins favorables que celles des hommes » (Châteauneuf-

Maclès, 2011 : p. 4). Cependant leur situation au sein du ménage les prédispose au temps partiel et/ou au sous-emploi en raison d'une difficulté de conciliation entre travail et famille (Châteauneuf-Maclès, 2011).

« Si le travailleur principal est peu sensible aux incitations, ce n'est pas le cas des personnes appartenant à un ménage où il existe déjà des revenus d'activité. Leur offre de travail est plus sensible aux gains à l'emploi. Ce sont le plus souvent des femmes dont le mari travaille. Assumant toujours l'essentiel des tâches domestiques, leur désir de travailler est souvent confronté aux difficultés d'organisation qu'elles rencontrent surtout lorsqu'elles ont des enfants en bas âge. Elles mettent en balance le coût de la sous-traitance de ces tâches, le coût de la garde des enfants, et le salaire qu'elles reçoivent si elles travaillent. Cependant, la réactivité de l'offre de travail de cette catégorie de personnes dépend fortement des montants versés » (Allègre, Périvier, 2005-2 : p. 7). Cet aspect témoigne d'une trappe à inactivité.

« La garde des jeunes enfants freine l'activité des mères : face à la pénurie de places en crèche, et au coût souvent prohibitif des autres modes de garde, elles renoncent à l'activité. L'exclusion du marché du travail jusqu'à la scolarisation de l'enfant compromet leur retour à l'emploi, surtout en l'absence de programmes de formation adaptés » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2). D'autre part, les femmes déjà en situation d'emploi, et bien que volontaires pour travailler davantage, n'en n'ont en moyenne moins la disponibilité, contrairement aux hommes, selon la situation familiale et le temps de travail, comme le démontre le graphique 2. Cet aspect témoigne d'une inégalité de situation et de moyen selon le genre, représentant une source d'injustice sociale.

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Graphique 2 : Personnes salariées en emploi qui souhaitent effectuer un nombre
d'heures plus important et qui sont disponibles pour cela

selon la situation familiale et le temps de travail

Champ : Personnes exerçant un emploi salarié, âgées de 23 à 55 ans en 2007, dont les revenus d'activité annuels en 2005 étaient inférieurs à 1,5 SMIC annuel. Elles représentent 64 % des personnes interrogées.

Source : Enquête sur la Prime pour l'emploi et les obstacles à la reprise d'emploi (DARES et DREES) in
Bonnefoy et al., 2008 : p. 41.

En conclusion, la balance entre le coût de la sous-traitance de certaines tâches au sein du foyer, le coût de la garde des enfants, et le salaire que les femmes reçoivent si elles travaillent, peut être créatrice de trappe à inactivé structurelle et spécifiquement féminine. Le fait que cet aspect ne concerne que les femmes en opposition aux hommes, et ce dans un contexte d'absence d'aides spécifiques venant atténué cet état de fait, est créateur d'une injustice sociale de genre.

c - Analyse par les capabilités

Amartya Sen, prix Nobel d'économie en 1998 et professeur au Trinity College de Cambridge, offre une nouvelle lecture du modèle économique, inspirée de développement, de justice, et de liberté. Cette nouvelle grille d'analyse part du postulat que le monde n'est pas seulement partagé entre les riches et les pauvres (dans une unique vision monétaire). Le concept des capabilités de Sen apporte une réponse à la question « comment faire en sorte que la prospérité économique permette à chacun de vivre comme il le souhaite » (Sen, 2013 : 4ème de couverture). D'autre part, ce concept part d'un second postulat établissant que « notre qualité de vie ne se mesure pas à notre richesse, mais à notre liberté » (Kofi Annan68 in Sen, 2013 : 4ème de couverture). En effet, Sen s'attache à bien discerner, en toute situation, revenus, ressources, et liberté, mais aussi à faire la différence entre la pauvreté par le revenu et celle par les capacités, ou encore à voir le chômage comme une privation de capacités (et non seulement une privation d'emploi et de ressources pécuniaires). Enfin, une question subsiste en toile de

68 Kofi Annan, né en 1938 au Ghana, fut le septième secrétaire général des Nations unies et le premier à sortir des rangs du personnel de l'organisation. Il a occupé cette fonction de 1997 à 2006.

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fonds à ses travaux : « la contrainte est-elle efficace » (Sen, 2013 : p. 290) vis-à-vis des effets secondaires qu'elle génère, jusqu'au risque de tentations autoritaires (Sen, 2013 : pp. 290-294) ? En effet, ne porte-t-elle pas atteinte au capital humain, et ce au travers de la mise en oeuvre des capacités humaines (privation de capabilités par privation de capacités) ?

Selon Sen, la mission des politiques sociales est, au-delà de la compensation financière des handicaps, d'agir sur la multiplicité des difficultés auxquelles les personnes sont concrètement confrontées dans les différentes dimensions de leur vie, en tenant compte du fait qu'elles conditionnent l'exercice de leur responsabilité économique : prise en charge précoce des problèmes de santé, égalisation de l'accès aux soins et à la prévention, capacités d'accueil suffisantes et financièrement accessibles pour les enfants et les personnes âgées, permettant notamment aux femmes d'exercer la plénitude de leurs choix professionnels, engagement de la collectivité dans l'accompagnement des chômeurs et des salariés précaires vers des emplois de meilleure qualité, prise en compte des problèmes de transport ou des difficultés qu'ont certains parents à assurer le suivi scolaire de leurs enfants, etc. Ceci implique qu'au-delà des simples aspects financiers, les politiques sociales assurent une offre suffisante et équitablement répartie de services sociaux de qualité, en en faisant prioritairement bénéficier les populations qui ont des difficultés à y accéder du fait de leur environnement social ou géographique (Elbaum, 2007). Ces aspects semblent concerner particulièrement la population cible de la PPE.

« Et même la perspective d'une égalisation des « capabilités » ou d'une réelle parité de participation n'exclut pas, pour les politiques sociales, de tenter de limiter les inégalités effectives de situations, dans la mesure où il est très difficile de faire la part entre responsabilités sociales et individuelles (déterminisme versus libre arbitre), et où l'on ne peut nier que les choix des individus, par exemple en matière de cursus scolaire ou de comportements de santé, restent pour une large part conditionnés par leur milieu social d'origine » (Elbaum, 2007 : p. 564).

La définition seulement monétaire de la pauvreté (ou de la pauvreté laborieuse s'agissant de la PPE) ne va pas non plus sans poser de problèmes. D'autre part, concernant la PPE et la pauvreté laborieuse, « travailler » est une situation individuelle, tandis que la pauvreté s'apprécie sur la base de variables mesurées au niveau du ménage : la catégorie des travailleurs pauvres se trouve ainsi définie à l'intersection de deux unités statistiques, l'individu et le ménage. De plus, la construction

statistique «individu-travailleur / ménage-pauvre », rend l'analyse du phénomène particulièrement complexe, puisque la construction oblige en effet à démêler, en aval, le rôle des facteurs individuels et des facteurs familiaux (Ponthieux, 2009). Enfin, la définition monétaire est tant aussi critiquable vis-à-vis de son caractère « tranchant » : à quelques centimes d'euro près, une personne ne percevra pas telle ou telle allocation, telle ou telle prestation, alors que son niveau de vie est identique à celui qui, à quelques centimes d'euro près, va la percevoir.

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L'emploi est pourvu de nombreux avantages (dont la rémunération et l'intégration) mais suppose de pouvoir d'abord y accéder : « de multiples contraintes pèsent sur la reprise d'activité. La recherche d'un emploi est une démarche coûteuse (coût de transport, de correspondance, d'habillement....), ce qui accentue les difficultés de reprise d'activité des personnes les plus pauvres, qui ne peuvent payer cet « investissement ». Les personnes ayant à charge des dépendants (enfants ou personnes âgées) ne peuvent pas prendre un emploi en l'absence de services leur permettant d'associer ces charges familiales et l'activité. Ces services doivent être de qualité, accessibles financièrement et suffisamment présents pour faciliter l'organisation quotidienne de ces travailleurs » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2). Ce serait particulièrement à ce titre que des aides non monétaires, en développement des capabilités des individus, seraient utiles et justes socialement en direction de la population cible de la PPE. Bien entendu, les personnes ayant à charge des dépendants sont les premières visées, mais aussi les femmes dont le mari travaille, car assumant souvent l'essentiel des tâches domestiques, bien que leur désir de travailler soit souvent confronté aux difficultés d'organisation qu'elles rencontrent (Allègre, Périvier, 2005-2).

De plus, « l'absence de formation est le premier motif qui explique la persistance du chômage » (Pla, 2007 : p. 6), et à ce titre, le fait d'« offrir à chacun un accompagnement social et professionnel performant pour accroître ses perspectives d'insertion » (Hirsch, 2008, p. 194) doit devenir une priorité, insérée entre justice et liberté, en expression de l'individu et de ses capabilités au sens de Sen. Cet aspect viendrait en renforcement de l'employabilité des personnes, car il existe pour chacun des chances inégales d'occuper un emploi, au-delà déjà du niveau de formation : santé, âge, contexte local de l'emploi, ancienneté dans le chômage, etc. (Pla, 2007).

Concernant la pauvreté et les inégalités, l'approche de Sen estime qu' « il est juste de considérer la pauvreté comme une privation de capacités de base plutôt que, simplement, comme un revenu faible » (Sen, 2013 : p. 36). A ce même titre, et selon la même approche, « le chômage ne se résume pas, par exemple, à un déficit de revenus que des transferts par l'Etat peuvent contrebalancer... ...Il provoque aussi d'autres effets à long terme, nuisibles pour les libertés individuelles, les capacités d'initiative et la valorisation des savoir-faire... ...Entre autres, le chômage est source d'exclusion sociale... » (Sen, 2013 : p. 37).

En conclusion, il peut être affirmé que les politiques sociales ont un rapport avec la croissance, selon notamment les priorités données aux services sociaux (particulièrement en santé et en éducation) qui aide à réduire la mortalité et à améliorer la qualité de vie (Sen, 2013). Elles peuvent, dans une approche non monétaire, intervenir au titre des capabilités. Par exemple, s'agissant de la PPE, il pourrait être adjoint, en complément ou en remplacement d'une partie de l'aide monétaire, une palette de services concernant les freins à la reprise ou au maintien dans l'emploi : participation au coût du transport, de la correspondance, de l'habillement, structure d'accueil publique en garde de jeunes enfants, des personnes âgées etc. Il est une fois de

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plus dommage que les personnes sans emploi ou faiblement employés (en dessous de 0,3 SMIC) ne puissent bénéficier de la PPE, tant sur le plan pécuniaire que sur celui des capabilités qu'il aurait été possible de mettre en oeuvre ou de développer. Cet aspect est d'autant plus dommageable pour les femmes et/ou les personnes à charge de dépendants. En effet, c'est précisément cette catégorie de personnes qui subit le plus de privations au sens de Sen.

L'objectif de redistribution de la PPE n'est pas atteint. En effet, la Prime pour l'emploi n'a qu'un effet redistributif limité, de part un ciblage insuffisant et de part la modicité des montants distribués (Legendre et al., 2004). D'autre part, elle ne bénéficie qu'aux personnes en emploi, les plus démunis, les personnes sans emploi, ou à temps très partiel, ne font pas partie de la cible. De ce fait, 84,5 % des bénéficiaires de la PPE ne sont pas en situation de pauvreté (Cour des comptes 2006 ; Cour des comptes, 2011), et « la Prime pour l'emploi ne réduit que de 0,5 point le taux de pauvreté des personnes en emploi » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 4).

D'autre part, il est également important de souligner que l'exclusion de son bénéfice des personnes ayant des revenus d'activité inférieurs à 0,3 SMIC, et son extension à des personnes ayant des revenus d'activité supérieurs à 1,4 SMIC, en amoindrissent le caractère purement redistributif dans la mesure où la prise en compte de certaines situations familiales permet notamment à des personnes disposant d'un revenu d'activité atteignant 2,1 SMIC d'en bénéficier (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

La PPE a un impact très faible sur l'offre de travail et très incertain sur l'emploi. En augmentant le gain financier procuré par l'emploi, la PPE cherche à stimuler l'offre de travail. Mais, en réalité, la prime peut exercer deux types d'effets antagonistes sur les comportements d'activité :

-un effet de substitution : la hausse de la rémunération du travail rend celui-ci plus attractif que l'inactivité (impact positif) ;

-un effet de revenu : l'augmentation du pouvoir d'achat de chaque heure travaillée permet aux individus, à revenu constant, de travailler moins (impact négatif).

La Prime pour l'emploi peut par ailleurs décourager l'activité du second travailleur dans les couples biactifs, en raison de la contrainte du plafond de revenu global, calculé au niveau du ménage (Cour des comptes, 2006). De plus, les dispositifs fiscaux proposant des crédits d'impôt aux ménages dont un des membres, préalablement inactif, reprend un emploi, visent à augmenter l'offre de travail, mais leur efficacité reste toutefois faible tant que leur impact anticipé est réduit par les effets désincitatifs d'autres transferts (Fougère, 2006).

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L'ensemble des études menées montrent que l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (de + 0,2 à +0,4 % selon les études). Egalement, les enquêtes réalisées auprès des ménages corroborent ces conclusions : en juin 2003, dans leurs réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des ménages interrogés ont indiqué être incités par la PPE à « reprendre une activité », 4 % seulement à « travailler davantage » et 31 % à « continuer à travailler » (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

L'effet sur l'emploi est encore plus incertain que sur celui de l'offre de travail, l'efficacité de la PPE sur l'emploi étant tributaire du contexte économique général. Les évaluations disponibles montrent que la PPE n'a qu'un impact très faible sur l'emploi, notamment au niveau des femmes (Laroque, Salanié, 2002 ; Périvier, 2003). L'une des études conclut que la PPE ne permettrait qu'une hausse du taux d'emploi de 0,2 point (de 47,3 à 47,5 %) pour les femmes, et de 0,3 point (de 84,6 à 84,9 %) pour les hommes (Cour des comptes, 2006). Enfin, des trappes à inactivité demeurent pour certains groupes d'individus (Anne et l'Horty, 2002), notamment pour les femmes (Jamet, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005). Certes, la PPE n'a pas pour seul but de stimuler l'emploi, mais compte tenu de son coût budgétaire, son rapport coût/efficacité est faible (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

S'agissant du mode de résolution du problème social, au début des années 80, dans l'image véhiculée il pouvait être déchiffré que les pouvoirs publics oeuvraient en direction d'un lissage des inégalités, d'une aide en direction des travailleurs pauvres, d'une main tendue en faveur d'une reprise d'activité ou d'un maintien dans l'emploi, en lutte contre la pauvreté. Cette image était colorée d'un principe Méritocratique (« aidez-vous et le ciel vous aidera » : entendre « travaillez et l'Etat vous aidera »). Le message véhiculé en direction du patronat était que cette mesure fiscale ne mettait pas à contribution les employeurs et n'alourdissait pas le coût du travail, en maintien de la rentabilité des entreprises et de la compétitivité du modèle français. La PPE n'a pas subie de critique ou tension majeure de l'opinion publique (les critiques sont arrivées des personnalités politiques, toutes tendances confondues, et ont été inhérentes à la pertinence et aux impacts même du dispositif). L'imbrication de cette mesure sectorielle dans le référentiel global (rapport global / sectoriel, RGS) s'est réalisée sans tension particulière, elle a été naturellement intégrée et acceptée.

Concernant le respect des principes de justice sociale, il peut être affirmé que la PPE, tout en gommant certaines inégalités, est créatrice d'autres inégalités sociales. D'une part elle ne concerne que les actifs au travail, par opposition aux chômeurs, et d'autre part, elle ne concerne que la part de la population percevant plus de 0,3 SMIG (par troncature). Cette double condition d'activité et de niveau de revenu, particulièrement dans le cadre actuel de présence d'un chômage de masse structurel, et par opposition à la situation du début des années 80, fait que la PPE est génératrice d'injustices sociales vis-à-vis des personnes privées d'emploi, et vis-à-vis des travailleurs à certains temps partiels (très partiels). Elle est également créatrice d'inégalité entre personnes pauvres

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avec ou sans emploi. Enfin, elle met en exergue l'effet Matthieu : donner à ceux qui ont déjà. En effet, « la Prime pour l'emploi ne profite donc pas majoritairement aux plus pauvres » (Clerc, 2006), mais seulement à ceux qui travaillent (Barnaud, Bescond, 2006).

Concernant les femmes, la balance entre le coût de la sous-traitance de certaines tâches au sein du foyer, le coût de la garde des enfants, et le salaire que les femmes reçoivent si elles travaillent, peut être créatrice de trappe à inactivé structurelle et spécifiquement féminine. Le fait que cet aspect ne concerne que les femmes en opposition aux hommes, et ce dans un contexte d'absence d'aides spécifiques venant atténué cet état de fait, est créateur d'une injustice sociale de genre.

En point positif, le système d'attribution de la PPE (automatisation fiscale et crédit d'impôt) permet toutefois de contrer le phénomène de non-recours aux droits sociaux (Warin, 2010), ce qui va en faveur, à cet égard, d'une égalité des chances.

Les politiques sociales pourraient, dans une approche non monétaire, intervenir au titre des capabilités au sens de Sen. Par exemple, s'agissant de la PPE, il pourrait être adjoint, en complément ou en remplacement d'une partie de l'aide monétaire, une palette de services concernant les freins à la reprise ou au maintien dans l'emploi. Il est une fois de plus dommage que les personnes sans emploi ou faiblement employés (en dessous de 0,3 SMIC) ne puissent bénéficier de la PPE, tant sur le plan pécuniaire que sur celui des capabilités qu'il serait possible de mettre en oeuvre. Cet aspect est d'autant plus dommageable pour les femmes et/ou les personnes à charge de dépendants. En effet, c'est précisément cette catégorie de personnes qui subit le plus de privations au sens de Sen.

En résumé, la Prime pour l'emploi présente trois principaux défauts qui altèrent son efficacité incitative et redistributive. Le dispositif est peu ciblé (premier défaut) et induit de faibles montants unitaires distribués (second défaut). Enfin, la Prime pour l'emploi manque de visibilité tant pour ses bénéficiaires effectifs que pour ses bénéficiaires potentiels (troisième défaut). Ce manque de visibilité vient d'une méconnaissance du dispositif, par manque d'information, de la complexité du dispositif, difficile à comprendre sur certains aspects, et d'un différé de 9 à 18 mois dans la perception de cette aide (Cour des comptes, 2006). Au final, la PPE a un impact limité tant sur l'offre de travail que sur son aspect redistributif (Cour des comptes, 2006).

Le manque de visibilité de la Prime pour l'emploi lui tient à trois facteurs. D'abord, la prime n'est perçue qu'avec un important décalage dans le temps (9 à 18 mois). Ce décalage, dû au rattachement de la PPE à l'impôt sur le revenu, affaiblit le message selon lequel « le travail paie » (Making work pay) (Arnaud et al., 2008 ; Attali, 2008 ; Cahuc et al., 2008 ; Cour des comptes 2006 ; Cour des comptes 2011). Afin d'y remédier, la loi de finances pour 2004 a instauré un système d'acompte pour certains demandeurs d'emploi et titulaires de minima sociaux reprenant une activité. Mais, complexe, mal connu et mal compris, ce dispositif est très peu utilisé (Cour des comptes, 2006).

En second lieu, la complexité du mode de calcul de la PPE et de ses conditions d'attribution et de versement a pour conséquence qu'un bénéficiaire sur quatre de la PPE, une année donnée, n'est pas en mesure de déterminer si, au vu de son comportement d'activité, il en bénéficiera encore l'année suivante. Ce manque de prévisibilité affecte de la même façon les personnes qui reprennent pour la première fois une activité professionnelle (ils ignorent si elle leur ouvrira droit à la prime).Ce manque de visibilité affaiblit d'autant plus la dimension incitative de la PPE que les personnes concernées font souvent face à d'importantes contraintes de liquidité (Cour des comptes, 2006).

Enfin, l'information sur la Prime pour l'emploi est lacunaire (Bonnefoy et al., 2008 - 1), comme cela est également démontré en annexes 6, 7, et 8 : Les enquêtes « terrain » réalisées ont démontré une faible connaissance du dispositif, particulièrement en catégorie « employés et ouvriers » (essentiellement le coeur de cible de la PPE). La prime étant un avantage fiscal et non un élément de paie, elle ne figure pas sur le bulletin de salaire. A cet égard, une forte communication aurait été nécessaire pour faire percevoir le dispositif au grand public. Mais le service public de l'emploi ne relaie pas l'information auprès des demandeurs d'emploi, ce qui représente une incohérence. L'ANPE, par exemple, ne formule aucune instruction visant à ce que la question de la PPE soit abordée lors des entretiens d'accompagnement. Le constat est similaire dans les autres administrations et services sociaux (caisses d'allocations familiales, ASSEDIC69, centres communaux d'action sociale(CCAS)). La Prime pour l'emploi souffre de ce fait d'un réel déficit de notoriété : si une enquête de l'INSEE a montré que 81 % des ménages interrogés avaient déjà « entendu parler » de la PPE, cela signifie, a contrario, que près de 20 % d'entre eux ignoraient jusqu'à son existence (Cour des comptes, 2006).

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69 Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC).

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CONCLUSION GENERALE

La PPE depuis 2001, par le biais d'un crédit d'impôt récupérable, a une fonction redistributive centrale à travers l'incitation au retour à l'emploi et au maintien de l'activité (particulièrement par l'intéressement des minimas sociaux). Elle ne cherche pas cependant à compenser l'insuffisance des revenus liée à une faible durée de travail annuelle. Elle ne concerne que les actifs au travail ayant des revenus se situant entre

0,3 et 1,4 SMIC (triple condition de ressources, d'activité, et de revenu et configuration du foyer fiscal : voir annexe 5). Elle se pose en double lutte : celle contre la pauvreté laborieuse, en redistribuant du pouvoir d'achat aux travailleurs et aux ménages pauvres, et celle contre les trappes à inactivité (et l'exclusion sociale qui peut en découler), en créant un écart entre revenu d'activité et d'inactivité, rendant le travail plus rémunérateur (Making work pay) sur l'exemple proche des dispositifs britannique et américain. La PPE, instrument de soutien aux bas revenus, est à la fois une mesure sociale et fiscale (effet global), qui permet de majorer le taux de salaire net sans accroître le coût salarial, en maintien d'une rentabilité des entreprises et d'une compétitivité du modèle français (Périvier, 2003). La PPE est d'autre part une mesure contra cyclique, venant en amortisseur de chocs exogènes, et elle permet également d'éviter « l'effet Matthieu » (consistant à donner davantage à ceux qui ont déjà : c'est-à-dire accorder des avantages sociaux plus élevés aux classes moyennes qu'aux classes pauvres) (Elbaum, 2011). Enfin, elle induit un principe Méritocratique, au sens du proverbe du XVème siècle « aidez-vous et le ciel vous aidera » : au sens «travaillez et l'Etat vous aidera » (aide par le travail).

D'initiative socialiste, partant du contexte économique et politique de son époque, mais aussi d'exemples étrangers l'ayant en partie inspirée, la PPE est passée par plusieurs réformes et revalorisations, l'ayant « modelée » et « précisée » au fil du temps et des périodes d'alternance et de cohabitation vécues depuis 1981, traduisant ainsi la volonté des gouvernements successifs de soutenir le revenu des travailleurs modestes autrement que par les revenus du travail (Bonnefoy et al, 2009). La PPE, au travers de ses différentes réformes, a contribué à gommer certaines externalités négatives découlant d'inégalités sociales. Cependant, il subsiste encore des niveaux d'inégalité moralement et socialement inacceptables (Piketty, 1997).

Ce dispositif a cependant toujours suscité de riches interrogations : la Prime pour l'emploi a-t-elle un impact redistributif, stimule-t-elle l'emploi (Pisany-Ferry in OFCE, 2003), notamment l'emploi des femmes (Cahuc, 2002), est-elle socialement juste (Dupond, Sterdyniak, 2001), est-elle compréhensible, attractive, et efficace (Sirugue, 2013), peut-elle poursuivre plusieurs objectifs en même temps (Dupond, Sterdyniak, 2001) ? Enfin, quelles perspectives d'avenir pour la Prime pour l'emploi (Sirugue, 2013) ?

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Une reformulation simplifiée du questionnement permet de poser une question plus claire : pourquoi la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ? (question centrale).

L'analyse a été conduite à l'aune de la pertinence, de l'efficacité, et de l'efficience du dispositif de la Prime pour l'emploi (problématique), s'appuyant sur un comparatif avec des dispositifs étrangers présentant des similitudes avec la PPE (l'EITC américain et le WFTC britannique), et s'appuyant notamment sur les cadres théoriques proposés par Charles O. Jones (analyse séquentielle des politiques publiques) (Jones, 1970), par Pierre Muller (Analyse cognitive des politiques publiques) (Jobert, Muller, 1987 ; Muller 2000, 2013 ; Muller, Surel, 2000), et par Amartya Sen, s'agissant des aspects de justice sociale (Approche par les capabilités) (Sen, 2003).

En réponse à la question de Pisany-Ferry en 2003, et selon la démonstration et l'analyse menées, il peut être affirmé que l'objectif de redistribution de la PPE n'est pas atteint. La redistribution est insuffisante en volume, et décentrée par rapport à la réelle cible de la pauvreté, même laborieuse. En effet, la Prime pour l'emploi n'a qu'un effet redistributif limité, de part un ciblage insuffisant et de part la modicité des montants distribués (Legendre et al., 2004). D'autre part, elle ne bénéficie qu'aux personnes en emploi, les plus démunis, les personnes sans emploi, ou à temps très partiel, ne font en effet pas partie de la cible. De ce fait, 84,5 % des bénéficiaires de la PPE ne sont pas en situation de pauvreté (Cour des comptes 2006 ; Cour des comptes, 2011), et « la Prime pour l'emploi ne réduit que de 0,5 point le taux de pauvreté des personnes en emploi » (Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 4).

Enfin, son « décentrage » vient de l'exclusion de son bénéfice des personnes ayant des revenus d'activité inférieurs à 0,3 SMIC, et son extension à des personnes ayant des revenus d'activité supérieurs à 1,4 SMIC. Cet aspect, à l'évidence, amoindrit le caractère purement redistributif de la PPE dans la mesure où la prise en compte de certaines situations familiales permet notamment à des personnes disposant d'un revenu d'activité atteignant 2,1 SMIC d'en bénéficier (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

Déjà en 2008, il pouvait être lu que « la PPE devrait disparaître au profit du RSA qui en récupérerait ainsi l'enveloppe budgétaire » (Cahuc et al., 2008 : p. 158), et que du moins, dans tous les cas, il conviendrait d'organiser autrement son recentrage sur les premiers déciles : « ce serait un objectif que d'annuler dès que possible la prime dont bénéficient les 50 % plus aisés » (Cahuc et al., 2008 : p. 159). Dans tous les cas « aujourd'hui, la PPE est particulièrement diluée, ce qui est largement dénoncé... ... Ce constat justifie d'envisager des mesures de recentrage » (Hirsch, 2008 : p. 197).

« Quoi qu'il en soit, l'introduction de la PPE a permis de réduire le taux moyen des prélèvements nets sur les individus les plus modestes appartenant à un ménage mono-actif qui ne pouvaient profiter des baisses d'impôts car ils étaient non imposables » (Périvier, 2003 : p. 307).

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En réponse à la question de Pisany-Ferry en 2003, il peut être affirmé que la PPE a un impact très faible sur l'offre de travail et très incertain sur l'emploi. En augmentant le gain financier procuré par l'emploi, la PPE cherche à stimuler l'offre de travail. Mais, en réalité, la prime peut exercer deux types d'effets antagonistes sur les comportements d'activité :

-un effet de substitution : la hausse de la rémunération du travail rend celui-ci plus attractif que l'inactivité (impact positif) ;

-un effet de revenu : l'augmentation du pouvoir d'achat de chaque heure travaillée permet aux individus, à revenu constant, de travailler moins (impact négatif).

La Prime pour l'emploi peut par ailleurs décourager l'activité du second travailleur dans les couples biactifs, en raison de la contrainte du plafond de revenu global, calculé au niveau du ménage (Cour des comptes, 2006). De plus, les dispositifs fiscaux proposant des crédits d'impôt aux ménages dont un des membres, préalablement inactif, reprend un emploi, visent à augmenter l'offre de travail, mais leur efficacité reste toutefois faible tant que leur impact anticipé est réduit par les effets désincitatifs d'autres transferts (Fougère, 2006).

L'ensemble des études menées montrent que l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (de + 0,2 à +0,4 % selon les études). Egalement, les enquêtes réalisées auprès des ménages corroborent ces conclusions : en juin 2003, dans leurs réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des ménages interrogés ont indiqué être incités par la PPE à « reprendre une activité », 4 % seulement à « travailler davantage » et 31 % à « continuer à travailler » (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

L'effet sur l'emploi est encore plus incertain que sur celui de l'offre de travail, l'efficacité de la PPE sur l'emploi étant tributaire du contexte économique général.

En réponse à la question de Cahuc en 2002, les évaluations disponibles montrent que la PPE n'a qu'un impact très faible sur l'emploi, notamment sur celui des femmes (Laroque, Salanié, 2002 ; Périvier, 2003). L'une des études conclut que la PPE ne permettrait qu'une hausse du taux d'emploi de 0,2 point (de 47,3 à 47,5 %) pour les femmes, et de 0,3 point (de 84,6 à 84,9 %) pour les hommes (Cour des comptes, 2006). Enfin, des trappes à inactivité demeurent pour certains groupes d'individus (Anne et l'Horty, 2002), notamment pour les femmes (Jamet, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005). Certes, la PPE n'a pas pour seul but de stimuler l'emploi, mais compte tenu de son coût budgétaire, son rapport coût/efficacité est faible (Bonnefoy et al., 2008 - 2).

Selon la Cour des comptes en 2006, le montant de la PPE est à la fois trop faible pour créer un réel effet d'incitation de retour à l'emploi et mal distribuée (Cour des comptes, 2006).

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En réponse à la question de Dupond et Sterdyniak en 2001, en 2006 les magistrats de la rue Cambon soulignaient que le choix n'avait pas été fait entre deux objectifs : inciter à la reprise d'un emploi et redistribuer du pouvoir d'achat à des travailleurs à faible revenu (Cour des comptes, 2006). A cet égard, et selon eux, la PPE n'est pas un outil adéquat pour accroître l'emploi et en même temps pour venir en aide aux travailleurs les plus pauvres. Pour être potentiellement efficace, un instrument d'incitation au travail doit être individualisé. À l'opposé, pour être redistributif, un transfert doit tenir compte de l'ensemble des ressources du ménage afin d'en faire bénéficier les plus pauvres. Ainsi, le même instrument ne peut être à la fois incitatif et redistributif. Or ces deux objectifs sont bien assignés à la PPE. De ce fait, le dispositif n'atteint ni l'un ni l'autre (Allègre, Périvier, 2005-2 ; Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, 2005 ; Cour des comptes, 2011). Il serait également illusoire d'espérer concevoir un dispositif miraculeux qui permettrait d'atteindre de multiples objectifs dans le même temps (Allègre, 2013).

Sur le plan de sa mise en oeuvre, et selon l'analyse menée en application des cadres théoriques de Charles O. Jones (analyse séquentielle des politiques publiques) et de Pierre Muller (Analyse cognitive des politiques publiques) il est constaté que la PPE n'a pas subie de critique ou tension majeure de l'opinion publique (les critiques sont plutôt arrivées des personnalités politiques, toutes tendances confondues, et ont été inhérentes à la pertinence et aux impacts même du dispositif). L'imbrication de cette mesure sectorielle dans le référentiel global (RGS) s'est réalisée sans tension particulière, elle a été naturellement intégrée et acceptée. Une particularité se dégage du dispositif de la PPE : s'agissant d'une mesure fiscale (et sociale), la PPE dispose d'un mode de décision publique réduit : Gouvernement, Assemblée Nationale, Loi de finances publiques (Doligé, 2008), avec la participation, pour son époque, du commissariat général au Plan (CGP), du Conseil d'analyse économique (CAE) ou du cabinet du Premier ministre (Colomb, 2012-1). Outre les aspects de cohésion sociale, d'emploi, et de travail, la PPE met en oeuvre, pour l'essentiel, le Ministère des finances.

En réponse à la question de Dupond et Sterdyniak en 2001 concernant le respect des principes de justice sociale, selon la démonstration et l'analyse menée, il peut être affirmé que la PPE, tout en gommant certaines inégalités, est créatrice d'autres inégalités sociales. D'une part elle ne concerne que les actifs au travail, par opposition aux chômeurs, et d'autre part, elle ne concerne que la part de la population percevant plus de 0,3 SMIG (par troncature). Cette double condition d'activité et de niveau de revenu, particulièrement dans le cadre actuel de présence d'un chômage de masse structurel, et par opposition à la situation du début des années 80, fait que la PPE est génératrice d'injustices sociales vis-à-vis des personnes privées d'emploi, et vis-à-vis des travailleurs à certains temps partiels (très partiels). Elle est également créatrice d'inégalité entre personnes pauvres avec ou sans emploi. Enfin, elle met en exergue l'effet Matthieu : donner à ceux qui ont déjà, puisque « la Prime pour l'emploi ne profite donc pas majoritairement aux plus pauvres » (Clerc, 2006), mais seulement à ceux qui travaillent (Barnaud, Bescond, 2006).

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Concernant les femmes, la balance entre le coût de la sous-traitance de certaines tâches au sein du foyer, le coût de la garde des enfants, et le salaire que les femmes reçoivent si elles travaillent, peut être créatrice de trappe à inactivé structurelle et spécifiquement féminine. Le fait que cet aspect ne concerne que les femmes, en opposition aux hommes, et ce dans un contexte d'absence d'aides spécifiques venant atténué cet état de fait, est créateur d'une injustice sociale de genre.

En point positif, le système d'attribution de la PPE (automatisation fiscale et crédit d'impôt) permet toutefois de contrer le phénomène de non-recours aux droits sociaux (Warin, 2010), ce qui va en faveur, à cet égard, d'une égalité des chances.

Les politiques sociales pourraient, dans une approche non monétaire, intervenir au titre des capabilités au sens de Sen. Par exemple, s'agissant de la PPE, il pourrait être adjoint, en complément ou en remplacement d'une partie de l'aide monétaire, une palette de services concernant les freins à la reprise ou au maintien dans l'emploi. Il est une fois de plus dommage que les personnes sans emploi ou faiblement employées (en dessous de 0,3 SMIC) ne puissent bénéficier de la PPE, tant sur le plan pécuniaire que sur celui des capabilités qu'il serait possible de mettre (ou remettre) en oeuvre. Cet aspect est d'autant plus dommageable pour les femmes et/ou les personnes à charge de dépendants. En effet, c'est précisément cette catégorie de personnes qui subit le plus de privations au sens de Sen (Sen, 2003).

A la lumière des enseignements ainsi obtenus quelle réponse apporter à la question centrale : pourquoi la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ?

En résumé, la Prime pour l'emploi présente trois principaux défauts qui altèrent son efficacité incitative et redistributive. Le dispositif est peu ciblé (premier défaut) et induit de faibles montants unitaires distribués (second défaut). Enfin, la Prime pour l'emploi manque de visibilité tant pour ses bénéficiaires effectifs que pour ses bénéficiaires potentiels (troisième défaut). Au final, la PPE a un impact limité tant sur l'offre de travail et l'emploi que sur son aspect redistributif (Cour des comptes, 2006).

Le manque de visibilité de la Prime pour l'emploi lui tient à trois facteurs. D'abord, la prime n'est perçue qu'avec un important décalage dans le temps (9 à 18 mois). Ce décalage, dû au rattachement de la PPE à l'impôt sur le revenu, affaiblit le message selon lequel « le travail paie » (Making work pay) (Arnaud et al., 2008 ; Attali, 2008 ; Cahuc et al., 2008 ; Cour des comptes 2006 ; Cour des comptes 2011). Afin d'y remédier, la loi de finances pour 2004 a instauré un système d'acompte pour certains demandeurs d'emploi et titulaires de minima sociaux reprenant une activité. Mais, complexe, mal connu et mal compris, ce dispositif est très peu utilisé (Cour des comptes, 2006).

En second lieu, la complexité du mode de calcul de la PPE et de ses conditions d'attribution et de versement a pour conséquence qu'un bénéficiaire sur quatre de la

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PPE, une année donnée, n'est pas en mesure de déterminer si, au vu de son comportement d'activité, il en bénéficiera encore l'année suivante. Ce manque de prévisibilité affecte de la même façon les personnes qui reprennent pour la première fois une activité professionnelle (ils ignorent si elle leur ouvrira droit à la prime).

Ce manque de visibilité affaiblit d'autant plus la dimension incitative de la PPE que les personnes concernées font souvent face à d'importantes contraintes de liquidité (Cour des comptes, 2006).

Enfin, et en réponse à la question de Sirugue en 2013, l'information faite sur la Prime pour l'emploi est lacunaire (Bonnefoy et al., 2008 - 1), tel que le démontre les annexes 6, 7, et 8 : les enquêtes « terrain » réalisées ont démontré une faible connaissance du dispositif, particulièrement en catégorie « employés et ouvriers » (essentiellement le coeur de cible de la PPE). La prime étant un avantage fiscal et non un élément de paie, elle ne figure pas sur le bulletin de salaire. A cet égard, une forte communication aurait été nécessaire pour faire clairement percevoir le dispositif au grand public. Mais le service public de l'emploi ne relaie pas l'information auprès des demandeurs d'emploi, ce qui représente une incohérence. L'ANPE70/71, par exemple, ne formulait aucune instruction visant à ce que la question de la PPE soit abordée lors des entretiens d'accompagnement. Le constat est similaire dans les autres administrations et services sociaux (caisses d'allocations familiales, ASSEDIC, centres communaux d'action sociale (CCAS)). La Prime pour l'emploi souffre de ce fait d'un réel déficit de notoriété : si une enquête de l'INSEE a montré que 81 % des ménages interrogés avaient déjà « entendu parler » de la PPE, cela signifie, a contrario, que près de 20 % d'entre eux ignoraient jusqu'à son existence (Cour des comptes, 2006). Ce point très important constituerait, selon la Cour des comptes en 2006, une des raisons essentielles de l'échec du dispositif sur l'incitation au travail (Cour des comptes, 2006).

La PPE a fait l'objet de critiques répétées de la Cour des comptes, qui la juge trop complexe, pas assez redistributive et illisible. La complexité du barème de la PPE rend effectivement sa lisibilité difficile (Legendre et al., 2004).

Pour conclure sur le dispositif de la PPE, il peut être souligné en point positif que d'aspect financier (matériel et repérable) le dispositif a permis des actions immatérielles (discours, etc.) valorisant son existence, et l'intérêt porté à la pauvreté (laborieuse notamment), aux inégalités, et à l'exclusion sociale. D'autre part, bien que créant une segmentation (les assujettis et les non assujettis), elle a permis de préserver une confidentialité, évitant la stigmatisation (car utilisant le canal fiscal).

L'évaluation de l'impact de la PPE est difficile à mettre en oeuvre dans une analyse « coût-bénéfice », la Prime pour l'emploi étant de montant réduit mais d'assiette large (contrairement au modèle du « Earned Income Tax Credit » américain et du « Working

70 Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

71 Pôle-Emploi aujourd'hui a le même comportement, après renseignement pris par téléphone le 11 juin 2015 auprès de Madame Sophie Sourisse, conseillère emploi à l'agence de Saint-Chamond dans la Loire.

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Family Tax Credit » britannique qui comprennent des montants plus importants car ciblés sur une population réduite, donc plus facilement mesurable). L'optimalité résiderait dans une solution permettant de réaliser le meilleur arbitrage entre la redistribution souhaitée et la perte d'efficacité économique qu'elle engendre, tout en préservant le principe de justice sociale.

La difficulté récemment rencontrée par le gouvernement pour baisser les cotisations sociales salariées sur les bas salaires (mesure censurée par le Conseil constitutionnel) a relancé le débat sur les réformes des dispositifs existants pour les plus bas revenus: la Prime pour l'emploi et le Revenu de solidarité active (Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), 2014 ; Ministère des Finances et des Comptes Publics, Secrétariat d'Etat au Budget, 2014). La tentation de désactiver une dépense « passive » a été à plusieurs reprises abordée. De plus, malgré que l'Europe ait été favorable à une époque aux incitations financières des Etats membres pour l'emploi (« afin de rendre l'emploi attrayant et d'encourager les hommes et les femmes à rechercher, occuper et conserver un emploi »), le Conseil européen déclarait pour la France que « le système d'incitation et les finances publiques auraient tout à gagner de la suppression de la PPE, compte tenu notamment de son coût budgétaire (environ 4 milliards d'euros par an) ». La PPE, présentée comme la seule voie efficace de soutien aux bas revenus, était en fait dénoncée depuis plusieurs années comme étant une « dépense passive » (Gomel, Serverin, 2013).

Les débats sur la fusion de la PPE avec le RSA activité ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat. La loi de finances rectificative pour 2014 fait annonce du projet de Prime d'activité, par fusion du RSA activité et de la PPE, pour une mise en oeuvre en 2016. Elle annonce également, à cet effet, la suppression de la PPE (en appui des conclusions du rapport Sirugue et du rapport Lefebvre et Auvigne sur la fiscalité des ménages) (Assemblée Nationale, 2014 ; Auvigne et Lefebvre, 2014 ; De Mongolfier, 2014 ; Mouiller, 2014 ; Puren, 2015 ; Sirugue, 2013).

La PPE doit donc disparaître fin 2015 au profit d'une Prime d'activité. Pour l'économiste Thomas Piketty, auteur de l'ouvrage Pour une révolution fiscale, la suppression de la PPE est une bonne chose car elle est versée avec un an de retard (Lévêque, 2012).

Concernant l'évolution annoncée du dispositif pour 2016, il est à souligner que déjà en 2000, soit avant le vote instituant la PPE, le rapport Belorgey72 sur les minima sociaux, les revenus d'activité, et la précarité, préconisait d'approfondir les débats autour de l'éventuelle fusion des minima sociaux et de leur relation avec les autres prestations, et de prolonger les réflexions du rapport Boissonnat73 sur la continuité de la protection sociale et la sécurisation de la relation de travail (« flexicurité », stratégie de Lisbonne,

72 Jean-Michel Bélorgey est un Énarque (promotion Turgot). Il est membre du Conseil d'État dont il présida la Section du rapport et des études jusqu'au 3 novembre 2009.

73 Jean Boissonnat est un économiste, journaliste et homme de presse français.

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2000). Ce rapport proposait d'étudier l'articulation des minima sociaux et des revenus d'activité, pour en apprécier les conséquences sur les incitations à l'activité, et émettait des propositions visant à harmoniser les minima sociaux et à encourager l'activité (et à plus long terme à rechercher une articulation entre minima et dispositif social et fiscal).

Plus récemment, le diagnostic dressé dans le rapport Sirugue est relativement consensuel : RSA activité et PPE n'atteignent pas les objectifs d'incitation et de redistribution. Le rapport souligne ainsi que les effets redistributifs des deux instruments sont limités et l'impact sur le retour et le maintien dans l'emploi est relativement faible. Il souligne toutefois que le fait de rapprocher les deux dispositifs dans cette critique est trompeur puisque leurs limites proviennent de spécificités diamétralement opposées.

En effet, la PPE est un crédit d'impôt essentiellement individualisé, dont le montant maximal est atteint au niveau d'un SMIC à temps plein. Son impact redistributif est

faible : le dispositif verse de faibles primes à beaucoup de foyers (il bénéficie à 6,3 millions de foyers fiscaux pour un montant moyen mensuel de 36 euros, en 2012), ce qui dilue son éventuel impact incitatif (Allègre, 2013). « De plus, la PPE n'est pas particulièrement ciblée sur les plus pauvres : près de 30 % des foyers fiscaux bénéficiaires ont un niveau de vie supérieur à la médiane nationale » (Allègre, 2013 : p. 1).

Concernant le RSA activité, « il s'agit d'une prestation sociale « familialisée » bénéficiant à environ 700 000 foyers pour un montant moyen de 170 euros mensuel, en 2012. Le dispositif est ciblé sur les foyers les plus pauvres : environ les deux tiers des dépenses sont perçues par des ménages des deux premiers déciles de niveau de vie. En fait, la limite redistributive du RSA activité est liée au non-recours à la prestation, estimé à 68 % en 2011 » (Allègre, 2013 : p. 2). Selon certains auteurs, le passage du recours partiel au plein recours au RSA activité ferait sortir près de 500 000 individus de la pauvreté (Allègre, 2013). « Si les motifs de non-recours sont multiples, deux causes essentielles peuvent être mises en avant : la complexité des formalités de demande et la non-demande volontaire (par peur de stigmatisation, peur de devoir rembourser des sommes indues ou dans une volonté d'autonomie...) -le RSA activité restant associé à l'image de minimum social- ces deux explications étant évidemment complémentaires » (Allègre, 2013 : p. 2).

Le rapport Sirugue proposait l'instauration d'un dispositif hybride entre RSA activité et PPE qui se substituerait aux deux instruments74 (Sirugue, 2013). « La Prime d'activité serait individualisée mais sous conditions de ressources familiales (de même que la PPE) ; elle serait maximale pour des revenus équivalent à 0,7 SMIC, donc plus faibles que pour la PPE, mais plus élevés que pour le RSA activité. La prestation serait versée mensuellement et reposerait sur une déclaration de revenus trimestrielle (de même que le RSA activité) » (Allègre, 2013 : p. 2). « Le rapport propose de « compenser les effets de l'individualisation du complément financier » avec des mesures à destination des enfants (complément enfant,

74 Sachant que l'OCDE en mars 2013 arrivait aux mêmes conclusions : l'idée de fusion de la PPE et du RSA (OCDE, 2013).

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majoration de l'Allocation rentrée scolaire) » (Allègre, 2013 : p. 3). « En termes d'incitation au travail, la réforme proposée permet, pour les couples, d'augmenter les gains de retour à l'emploi du travailleur additionnel - le plus souvent la femme - ce qui serait plutôt favorable à l'égalité au sein des couples. Toutefois, l'individualisation avec prime maximale au niveau de 0,7 SMIC comporte un risque : celui du développement de l'offre et la demande d'emplois au SMIC à temps partiel long (4/5e) » (Allègre, 2013 : p. 5).

Déjà évoqué en avant-gardisme en 2008, pour finalement une application avortée en 2009 (Mongin, 2008), la PPE va enfin être abandonnée en 2016 au profit d'une « Prime d'activité » (fusion de la PPE et du RSA activité), allant peut-être en direction du modèle américain ou britannique, suivant le paradigme international, l'Etat semblant se positionner en Etat régulateur. La future prime d'activité touchera en effet moins de bénéficiaires mais sera plus efficace au travers de sommes distribuées plus substantielles (Julia, 2015).

« La fusion des deux aides devrait permettre de créer une prime plus cohérente, elle sera versée tous les mois mais calculée par trimestre. Et concentrée sur les travailleurs qui gagnent entre 570 et 1360 euros nets, soit entre 0.5 et 1.2 SMIC. Elle devrait au final concerner 4 millions de bénéficiaires, et pour une enveloppe de 4 milliards d'euros. Ce qui correspond au budget du RSA activité et de la Prime pour l'emploi cumulés. Son montant maximum avoisinera les 200 euros. Autre nouveauté, cette prime sera ouverte aussi aux 18/25 ans qui n'ont pas accès aujourd'hui au RSA. Ce qui répond à une demande forte des associations caritatives » (Julia, 2015). « Fusionner les deux aides va permettre d'en créer une nouvelle - la Prime d'activité - plus incitative et mieux ciblée. Une aide non fiscale qui sera accordée à toute personne dont les revenus ne dépassent pas 1,2 SMIC par mois

(1 734 € sur la base du SMIC 2014), et dont le montant maximal pourrait atteindre 215 € par mois pour ceux gagnant moins de 0,7 SMIC par mois » (Puren, 2015).

La Prime activité touchera 4 à 5 millions de bénéficiaires (Puren, 2015).

Cependant, bien que l'assiette des bénéficiaires soit plus réduite et que les montants distribués soient plus importants, sur le modèle britannique et américain, la fourchette de bénéfice ouverte (de 0.5 à 1.2 SMIC pour la Prime d'activité, contre une fourchette de 0.3 à 1.4 SMIC pour la PPE) semble ne rien résoudre, en ces périodes de présence d'un chômage de masse structurel, au problème de la pauvreté liée à l'absence d'emploi ou à celle représentée par un temps de travail discontinu ou très partiel. Toutefois, au sein du nouveau dispositif, il est à constaté qu'un choix a enfin été fait en faveur de l'incitation au travail, préférentiellement à celui de la redistribution des revenus.

« Grande est notre faute, si la misère de nos pauvres découle non pas de lois
naturelles, mais de nos institutions »

(Charles Darwin, Le voyage du Beagle in Laroque, Salanié, 2000)

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84

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT... ... ... ... ... ... ...... I

REMERCIEMENTS ... ... ... ......... II

RESUME... ... ...... ... ...... ... III

SOMMAIRE ... ... ... ......... ...... IV

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES... ... ... ...... ... V

LISTE DES TABLEAUX... ... ...... VII

LISTE DES GRAPHIQUES ... ...... ... ...... VIII

LISTE DES SHEMAS...... ...... ... ......... ... IX

LISTE DES ENCADRES ... ... ... ......... ..... X

LISTE DES ANNEXES...... ... ... ... ... ...... XI

INTRODUCTION GENERALE... ... ... ... ...... 1

CHAPITRE I - Présentation du dispositif de la Prime pour l'emploi (PPE) 6

A - La Genèse du dispositif... ... ...

7

a - Pauvreté laborieuse, trappes à inactivité, et exclusion sociale

...... 12

1 - La pauvreté laborieuse... ... ... ... ......

...... 13

2 - Les trappes à inactivité... ... ... ...

17

3 - L'exclusion sociale... ...... ... ......

18

b - Contexte politique de l'époque et exemples étrangers... ...

...... 18

1 - Le contexte politique de l'époque ... ... ... ......

18

2 - Les exemples étrangers... ...... ...

20

e - Redistribution et politique de l'emploi... ... ......

.... 22

1 - La redistribution des revenus... ... ... ... ......

...... 23

2 - L'incitation à l'emploi... ... ... ... ......

25

B - L'historique des réformes et revalorisations... ... ......

...... 26

a - Les réformes... ... ...... ... ......

26

b- Les revalorisations... ... ......

28

e - Le dispositif aujourd'hui ... ...... ... ......

....32

1 - Le dispositif actuel... ... ... ...... ... ......

33

2 - Un accès sous conditions de ressources et d'activité ...

......... 33

3 - Quel est le montant de la PPE ?

34

85

CHAPITRE II - L'actualité du dispositif PPE ... ...... 37

A - De la non-optimalité à la contreperformance de l'impact

redistributif et de la stimulation de l'emploi...... ...... 39

a - Impact redistributif ... ... ...... ... ...... 40

b - Stimulation de l'emploi ...... ... 44

1 - L'emploi en général...... ...... ... ...... 46

2 - L'emploi des femmes... ... ... ... 47

B - Analyse séquentielle de la Prime pour l'emploi : un recentrage ... 50

a - Contexte et analyse qui conduit du besoin social au dispositif ... ..... 51

b - Problème social et rôle des acteurs... ... ... ...... ...... 52
e - Référentiel global, référentiel sectoriel, et rapport

global sectoriel (RGS) ... ... ... ... ... 54

C - Prime pour l'emploi et justice sociale.. ... ... 56

a - Un creusement des inégalités entre situation de temps pleins,

de temps partiels, et de chômage ... ... ... ...... ..... 58

b - Les femmes en emploi... ...... ... ...... ....... 59

e - Analyse par les capabilités... ... ... ...... ... 60

CONCLUSION GENERALE ... ... ... ... ...... 67

BIBLIOGRAPHIE ... ...... ... ...... 76

ANNEXES... ... ... ... ... ...... ...... 86

ANNEXE 1... ... ... ... ... ......... 87

ANNEXE 2... ... ... ... ... ...... 88

ANNEXE 3... ... ... ... ... ...... 89

ANNEXE 4... ... ... ... ... ...... 90

ANNEXE 5... ... ... ... ... ...... 91

ANNEXE 6... ... ... ... ... ...... 92

ANNEXE 7... ... ... ... ... ...... 93

ANNEXE 8... ... ... ... ... ...... 94

86

ANNEXES

87

ANNEXES 1

Description du modèle de micro simulation Ines

Source : Duval et al., 2012 : p. 72.

88

ANNEXES 2

Schéma de présentation du modèle Ines

Lecture : Dans l'ordre de citation : Etude des revenus familiaux (ERF) ; Allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ; Allocation adulte handicapé (AAH) ; Allocation de rentrée scolaire (ARS) ; Allocation de soutien familial (ASF) ; Allocation d'éducation spéciale (AES) remplacée par l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ; Allocation pour jeune enfant (APJE) ; Allocation parentale d'éducation (APE) remplacée par le Complément de libre choix d'activité (CLCA) ; Allocations familiales (AF) ; Caisse d'allocation familiale (CAF).

Source : Fugazza, Le Minez, Pucci, 2003 : p. 84

89

ANNEXES 3

Brève description du modèle de micro-simulation MYRIADE

« Le nom de MYRIADE n'est pas d'un acronyme : il symbolise le très grand nombre d'individus dont le modèle cherche à reproduire la situation économique et sociale. Les nouvelles enquêtes revenus fiscaux de l'INSEE constituent le point de départ de MYRIADE. Notre année de base est toutefois l'année 2000. Nous avons recours à deux procédés pour faire « vieillir » les données. D'une part, les pondérations de l'enquête sont redressées pour, en particulier, rendre compte des statuts d'activité de l'année d'intérêt - ces derniers étant évalués à partir de l'enquête emploi de l'année 2000. D'autre part, les revenus individuels sont actualisés en fonction de leur taux de croissance moyen, évalué par la Comptabilité nationale. Par ailleurs, un retraitement achevé des données est réalisé, qui poursuit trois objectifs. D'abord, il permet d'avoir une représentation à taux constant de la population française de métropole : chaque individu du modèle a le même poids.

Ensuite, il vise à reconstituer les foyers fiscaux afin de recalculer au mieux l'impôt sur le revenu. Enfin, il permet de renseigner correctement l'année de base du modèle, en se calant sur la pyramide des âges correspondante, en imputant sur barème les revenus bruts et en étalonnant un certain nombre de transferts sociaux. Parallèlement, MYRIADE reproduit la plupart des éléments de notre système redistributif. Bien sûr, il nous a fallu arbitrer entre simplicité de la modélisation et complexité de la « réalité » - par exemple, pour les cotisations sociales des non-salariés, nous avons simulé trois régimes «représentatifs » pour chacun des trois revenus catégoriels distingués dans la déclaration fiscale. Il nous faut cependant concéder l'absence de deux grands prélèvements considérés habituellement à la charge des ménages : la taxe à la valeur ajoutée et la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Nous souffrons là de ne pas disposer d'informations relatives à la consommation des familles. Côté transferts, nous n'intégrons pas certaines contreparties des prélèvements obligatoires qui peuvent être, plus ou moins, individualisées : les remboursements de l'assurance maladie, les dépenses publiques d'éducation, l'aide sociale locale...

Enfin, le pas temporel de MYRIADE est l'année car les données qui proviennent de la source fiscale sont des grandeurs de flux, relatives à l'année précédente écoulée, et que nous ne voulons pas nous priver de cette information a priori robuste. Ce choix de modélisation a notamment pour conséquence l'affectation à chaque individu du modèle d'un et un seul statut d'occupation dans l'année défini à partir du calendrier d'activité mensuel de l'enquête emploi : pour MYRIADE, un individu est par exemple chômeur si ce statut est celui qui présente la plus forte occurrence dans l'année. Deux approximations sont ainsi commises. En premier lieu, le revenu annuel porté dans la déclaration fiscale est considéré comme relevant en totalité du statut d'occupation dominant. Par exemple, le revenu d'un individu dont le statut dans MYRIADE est salarié est traité dans son intégralité comme un salaire : il supporte les cotisations sociales à ce titre, la contribution sociale généralisée à ce titre, etc. En second lieu, la législation est, quand cela est nécessaire, « annualisée ». Par exemple, la condition de ressources du revenu minimum d'insertion porte sur un revenu trimestriel ; dans MYRIADE, elle porte sur le montant annuel correspondant ».

Source : Legendre, Lorgnet, Thibault, 2002 : p. 561.

90

ANNEXES 4

Récapitulatif de l'évolution du barème de la PPE depuis sa création

Sources : Guide de l'impôt sur le revenu (2002, 2003, 2006, 2008) et calculs Dress in
Bonnefoy, Buffeteau, Cazenave, 2009 : p. 101.

91

ANNEXES 5

Comment se calcule la PPE d'un foyer fiscal

Source : Guide de l'impôt sur le revenu 2008 in Bonnefoy, Buffeteau, Cazenave, 2009 : p. 102.

92

ANNEXES 6

Enquête PPE

Pôle-Emploi de Saint-Chamond (Loire)
Les 6 et 7 août 2015

Synthèse des réponses au questionnaire

Question 1 :

OUI

NON

Connaissez-vous l'existence de la PPE ?

78 %

22

%

Question 2 :

79 %

21

%

Savez-vous si vous en avez bénéficié, ou pas ?

Question 3 :

63 %

37

%

Si vous en avez bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 4 :

59 %

41

%

Si vous n'en avez pas bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 5* :

7 %

93

%

Vous semble-t-il connaître précisément le dispositif (conditions d'éligibilité, critères de calcul, mode et délai de paiement) ?

Question 6 :

61 %

39

%

Savez-vous que ce dispositif est appelé à disparaître ?

Lecture : 157 personnes ont été questionnées, en face-à-face, sur l'ensemble des deux journées.

L'ensemble des questionnés faisait partie de la catégorie « ouvriers-employés ».

Les réponses ont été exprimées en pourcentages (%) arrondis.

(*) Cette question n'a pas fondé ses réponses sur l'avis que les questionnés avaient d'eux-mêmes, mais sur leur réelle connaissance du dispositif, avec un questionnement d'approfondissement précis sur les conditions d'éligibilité, les critères de calcul, et les modes et délai de paiement. Cet aspect sous-tend que ceux qui ont répondu « oui » à la question 3 et 4, n'ont pas une réelle connaissance de la réponse apportée à la question posée. Ainsi, il peut être estimé que seulement 7 % d'entre eux avaient répondu en réelle connaissance de cause.

93

ANNEXES 7

Enquête PPE

Viadeo (base contacts)

Le 7 août 2015 (finalisation et compilation des réponses)

Synthèse des réponses au questionnaire

Question 1 :

OUI

NON

Connaissez-vous l'existence de la PPE ?

99 %

1 %

Question 2 :

93 %

7 %

Savez-vous si vous en avez bénéficié, ou pas ?

Question 3 :

71 %

29 %

Si vous en avez bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 4 :

82%

18 %

Si vous n'en avez pas bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 5* :

42 %

58 %

Vous semble-t-il connaître précisément le dispositif (conditions d'éligibilité, critères de calcul, mode et délai de paiement) ?

Question 6 :

95%

5 %

Savez-vous que ce dispositif est appelé à disparaître ?

Lecture : 230 personnes ont été questionnées par mail (base contacts Viadeo) 136 ont réellement répondu.

L'ensemble des questionnés faisait partie de la catégorie « agents de maîtrise et cadres».

Les réponses ont été exprimées en pourcentages (%) arrondis.

L'ensemble des réponses ont été fondées sur ce que pensaient les interrogés d'eux-mêmes (sans question d'approfondissement, sans réelle vérification des réponses apportées aux questions).

94

ANNEXES 8

Enquête PPE

LinkedIn (base contacts)

Le 6 août 2015 (finalisation et compilation des réponses)

Synthèse des réponses au questionnaire

Question 1 :

OUI

%

NON

Connaissez-vous l'existence de la PPE ?

100

0

%

Question 2 :

96

%

4

%

Savez-vous si vous en avez bénéficié, ou pas ?

Question 3 :

85

%

15

%

Si vous en avez bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 4 :

95

%

5

%

Si vous n'en avez pas bénéficié, savez-vous pourquoi ?

Question 5* :

51

%

49

%

Vous semble-t-il connaître précisément le dispositif (conditions d'éligibilité, critères de calcul, mode et délai de paiement) ?

Question 6 :

98

%

2

%

Savez-vous que ce dispositif est appelé à disparaître ?

Lecture : 150 personnes ont été questionnées par mail (base contacts LinkedIn) 102 ont réellement répondu.

L'ensemble des questionnés faisait partie de la catégorie « agents de maîtrise et cadres». Il est à noté que la catégorie « cadres » comprenait 11 % de cadres supérieurs ou dirigeants.

Les réponses ont été exprimées en pourcentages (%) arrondis.

L'ensemble des réponses ont été fondées sur ce que pensaient les interrogés d'eux-mêmes (sans question d'approfondissement, sans réelle vérification des réponses apportées aux questions).






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams