Relation Banque-Entreprise et croissance économique au
Cameroun
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INTRODUCTION GENERALE
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Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
I. CONTEXTE DE L'ETUDE
Le problème de financement bancaire des entreprises a
toujours été l'objet de controverses et de discussions entre les
banquiers, les investisseurs et les universitaires. Aussi bien dans les pays
développés que dans ceux en voie de développement. Certes,
de par la nature des structures économiques de ces derniers, ce
problème revêt ici une coloration toute particulière. Dans
un monde de plus en plus mis à contribution par la mondialisation,
l'accès au financement bancaire des entreprises est une
préoccupation permanente pour leur compétitivité.
Il reste cependant que, si la relation banque-entreprise pose
moins de problèmes dans les pays développés, c'est parce
qu'une certaine relation de confiance s'est établie entre-elles. Il n'en
va pas de même dans les pays en voie de développement. En effet,
dans ces pays, cette relation se caractérise par une défiance des
banques vis-à-vis des entreprises.
En général, les entreprises attendent des
banques deux types de financement : les cré dits à moyen et long
terme pour le financement des investissements, et les crédits à
court terme pour le financement du cycle d'exploitation.
Au Cameroun par exemple, où 90% des entreprises sont
des PME, les banques ont financé avec plus ou moins de réussite
les entreprises, depuis 1960 qui est l'année d'accession du pays
à l'indépendance. On peut donc distinguer dans cette optique
quatre grandes périodes.
La première période est celle qui court de 1960
à 1972 ; le système bancaire pendant cette période est
dominé par les filiales des banques françaises à savoir :
le CL, la BIAO, la SGB et la BNP. Celles-ci vont à travers leurs
politiques de crédit soutenir prioritairement les entreprises
françaises alors installées au Cameroun et de façon
marginale, les entreprises camerounaises.
Il n'y a rien de surprenant dans ce comportement car, comme le
note ATTOUH(1980)1 ; le secteur privé camerounais naissant
à l'époque ne pouvait pas encore bénéficier de la
confiance de ces filiales des banques françaises.
1 ATTOUH M : Appareil
Financier et Structure Economique en Afrique noire. Thèse de
doctorat III ème cycle, Université de Paris X-Nanterre, janvier
1980.
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Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
La BCD créée en 1960 n'a pas dès le
démarrage de ses activités orienté ses financements en
direction des entreprises camerounaises pendant les quinze premières
années de son existence. Tout en intervenant de façon marginale
dans le financement de l'agriculture, la BCD a prioritairement financé
la consommation (acquisition de l'électroménager, du mobilier de
maison... etc) et l'immobilier (acquisition des terrains et logements,
construction de logements). Cette première période se
caractérise donc par une politique du système bancaire pas du
tout favorable aux entreprises camerounaises, qui par ailleurs étaient
presque inexistantes (ATTOUH, 1980).
La deuxième période va de 1972 à 1988 ;
elle se caractérise par une réforme du système
monétaire lancée par les pouvoirs publics de la CEMAC
(Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale)
dès novembre 1972. Il existe donc deux étapes dans cette
réforme : d'abord au niveau sous régional ; les accords de
Brazzaville des 22 et 23 novembre 1972 avaient pour objectif de faire jouer
à la politique monétaire de la BEAC (Banque des Etats d'Afrique
Centrale) un important rôle dans le financement du développement
des pays membres. Cela s'est traduit d'une part par la distinction qui a
été faite entre les plafonds de reinscompte des opérations
privilégiées et les plafonds de reinscompte des opérations
ordinaires.
Les opérations privilégiées
étaient celles que les gouvernements de la CEMAC devaient encourager et
qui pouvaient avoir un impact positif sur le développement
économique (les PME et l'artisanat, l'agriculture vivrière, les
sociétés coopératives, les campagnes agricoles, les
marchés publics, certaines opérations spéciales comme par
exemple l'importation des denrées alimentaires pour résoudre les
problèmes liés aux mauvaises récoltes du fait soit de la
sécheresse, soit des inondations). Les opérations ordinaires
concernaient toutes celles qui n'étaient pas dans la catégorie
d'opérations privilégiées. A la suite des mesures prises
au niveau du refinancement, on a pu noter que les crédits à
l'économie de la banque centrale sont passés de 17,776 millions
de FCFA en décembre 1972 à 47,821 millions de FCFA en 1978 ; soit
un coefficient de multiplication de 2,690. Les taux de reinscompte
privilégiés s'appliquaient aux opérations
privilégiées tandis que les taux de reinscompte ordinaires
s'appliquaient aux opérations ordinaires. En décembre 1989, ces
taux étaient respectivement de 5,25% et 8,50%.
2 Au niveau des banques, à la suite des
accords de
2 Bulletins mensuels de la BEAC : Etudes Statistique, de 1986
à1988
Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
Brazzaville, chaque pays de la CEMAC a entrepris une
réforme de son système monétaire. Il s'agissait pour les
gouvernements de l'époque de maitriser la politique de crédit des
banques et de la canaliser prioritairement vers le financement du secteur
privé national. Pour atteindre ces objectifs, deux mesures importantes
ont été prises par le gouvernement camerounais : la
détention dans le capital des banques installées sur le
territoire d'au moins 51% des parts sociales par les intérêts
publics et privés nationaux d'une part, et d'autres parts ; la
nomination des cadres nationaux aux postes de décision dont notamment la
présidence du conseil d'administration, la direction
générale, la direction du crédit et la direction
d'exploitation.
Ces deux mesures ont eu un impact positif sur la distribution
des crédits. A cet effet, on a pu noter pendant cette période,
une rapide évolution à la hausse des crédits au secteur
privé3. Ceux-ci ont été
multipliés par 20,8 passant ainsi de 49,146 millions de FCFA en 1971
à 1023,928 millions en 1988. Une telle évolution est la preuve
que les banques alors installées au Cameroun ont effectivement
financé le secteur privé. Mais dans cette évolution, le
financement plus accru des entreprises n'a été possible que parce
que, dès 1978, à la suite de sa restructuration, les
interventions de la BCD privilégiaient désormais le financement
des entreprises industrielles, commerciales et de services. C'est ce qui
explique que les banques camerounaises créatrices de monnaie ont pu
ainsi participer activement au financement des entreprises telles que : NOBRA,
CAMLAIT, UCE, SITABAC, AUX BONNE COURSES (supermarché), HOTEL ARCADE,
HOTEL IBIS, SOCAPALM, HEVECAM, ZAPI-EST, SODECOTON, UCCAO. On peut
également noter plusieurs immeubles à usage de commerces ou de
bureaux et/ou d'habitations, des cliniques, des établissements
scolaires... etc.
D'autres part, pendant longtemps, la BCD a été
emmenée à financer seule les PME et les TPE, la création
du FOGAPE en 1975 a incité les banques créatrices de monnaie
à s'intéresser à ce type d'entreprises. C'est pourquoi,
grâce à la contre garantie du FOGAPE, plusieurs PME et TPE dans
tous les secteurs de l'économie furent financés par la SCB, la
BIAOC et la BICIC.
Même si les crédits au secteur privé ont
enregistré une hausse continue pendant la période ; l'analyse par
termes montre une prépondérance de crédits à court
terme (99,95% en
3 Les crédits au secteur privé selon la BEAC
regroupent les crédits aux particuliers et aux entreprises. Les
statistiques de la BEAC sur la question sont agrégées.
C'est-à-dire qu'il n'est pas possible de distinguer la part des
crédits aux particuliers de la part des crédits aux entreprises.
Ceci est d'autant plus vrai que les particuliers ont la possibilité de
créer des entreprises individuelles
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au Cameroun
1972, 89,69% en 1978 et 82,3% en 1988) au détriment des
crédits à moyen terme (0,05% en 1972, 10,31% en 1978 et 17,7% en
1988) et à long terme (0% en 1972, 0% en 1978 et 0.03% en 1988).
Le faible pourcentage des crédits à moyen terme
et la quasi-inexistence des crédits à long terme n'ont pas
véritablement milité en faveur de la création et/ou de
l'extension des entreprises. Au total, on peut dire que les accords de
Brazzaville des 22 et 23 novembre 1972 ont eu un impact positif sur le
financement des entreprises. La politique de crédit qualifiée de
rigide (ATTOUH, 1980) de la période 1960-1972 a donc fait place à
une politique souple de crédit entre 1972 et 1988 et
caractérisée par des taux bon marché. Mais cette politique
de crédit souple a conduit les banques à prendre des risques
démesurés, ce qui a contribué à mettre en
difficulté l'équilibre financier des banques, ceci à cause
des créances compromises et irrécouvrables. Il en a
résulté une crise du système bancaire camerounais,
laquelle a compromis le financement des entreprises entre 1989 et 1998.
La troisième période s'étend de 1989
à 1998. En 1987, le Cameroun connaît sa première grande
crise économique4 ; pour faire face à
celle-ci, le gouvernement camerounais va négocier avec le FMI et la
Banque Mondiale, la mise en place d'un plan d'ajustement structurel. Dans ce
plan, la nécessité de restructurer le système
monétaire déjà sinistré est mise en
évidence. Cette restructuration au niveau des banques passait par trois
volets : la liquidation, la scission-liquidation et la recapitalisation.
A la fin de la restructuration, quatre banques furent
liquidées (la BCD, la BCCC, la CAMBANK et PARIS-BAS) ; trois furent
soumises à la scission-liquidation (la SCB, la BICIC et la MERIDIAN
BIAO) et enfin deux furent recapitalisées à savoir la SGBC et la
STANDARD CHARTERED BANK.
Au niveau de la Banque Centrale, la mise en oeuvre de la
programmation monétaire s'est traduite par un contrôle beaucoup
plus strict de la politique de crédit au niveau des banques.
4 Cette crise s'est traduite par des
difficultés à trois niveaux : finances publiques (où
l'Etat ne pouvait plus honorer ses engagements). Les entreprises publiques et
privées (un certain nombre d'entreprises publiques et privées on
dû être liquidées), et au niveau du système bancaire
qui a été complètement sinistré.
Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
Au regard de ce qui précède, il vient que la
fermeture de quelque entreprises publiques et privées conjuguée
le long de la restructuration bancaire (environs 10 ans) aura eu un impact
négatif sur le financement des PME. Les crédits au secteur
privé ont à cet effet enregistré une baisse sensible de
54% entre 1988 et 1998, passant ainsi de 1023,928 millions de FCFA à
474,426 millions de FCA pendant cette période.
La quatrième période (1999 à nos jours)
est celle où le Cameroun renoue avec la croissance. Le secteur bancaire
ayant été assaini, on peut noter que le crédit au secteur
privé enregistre une croissance régulière. Par contre, du
fait de la programmation monétaire, la Banque Centrale (BEAC) a plus
axé son intervention sur la régulation monétaire et non
sur le financement de l'économie. Les banques, malgré la
surliquidité hésitent à se lancer à nouveau
à corps perdu dans le financement des
entreprises5, ce qui pose quand même un
problème aux opérateurs économiques qui ont des
opportunités d'investissements.
La question de financement de l'économie par le
système bancaire camerounais se pose de ce fait avec acuité au
moment où le pays se veut émergent à l'horizon 2035. Le
gouvernement camerounais a d'ailleurs entrepris dans le DSCE (Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi à l'horizon 2035) un
ensemble de mesures incitatives fortement axées sur le secteur bancaire.
Ces mesures sont destinées à favoriser ou à faciliter
l'accès au crédit pour la création de richesses. La
présente étude vise examiner les raisons ou les motivations qui
rendent les banques méfiantes lorsqu'il s'agit de financer les PME
malgré les nombreuses mesures qui sont entreprises par l'Etat en vue
d'accroître la concurrence bancaire et l'efficience de
l'intermédiation financière pour faciliter l'accès au
crédit bancaire6.
D'où la problématique suivante :
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