Conclusion partielle
Nous avons présenté tout au long de ce chapitre
les principales causes du problème d'approvisionnement de la ville de
Bangangté en eau potable. Elles nous ont permis de confirmer les
hypothèses suivantes : les ouvrages hydrauliques existants ne sont plus
capables de satisfaire la demande des populations en eau potable; la croissance
démographique et les facteurs anthropiques rendent l'approvisionnement
en eau potable difficile; l'absence d'une plate-forme de concertation
regroupant tous les acteurs sont des facteurs qui entravent la
résolution du problème d'approvisionnement en eau potable et
limitent l'augmentation des taux de desserte et enfin milieu physique fortement
contrasté est aussi un facteur à ne pas négliger dans la
résolution de ce problème.
DEUXIÈME PARTIE : PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
AU PROBLEME D'ACCES DES POPULATIONS DU QUARTIER I À BANGANGTE EN
L'EAU POTABLE
59
INTRODUCTION
Les solutions techniques sont de nature à
résoudre définitivement, ou du moins à long terme, le
problème d'approvisionnement des populations du quartier I à
Bangangté en eau potable. Dans cette deuxième partie, nous
proposons des solutions efficaces et efficientes en vue de résoudre ce
problème donc souffrent les populations de ce quartier.
CHAPITRE III : CONSTRUCTION DES POINTS D'EAU
AUTONOMES COMME SOLUTION AU PROBLEME D'APPROVISIONNEMENT DU QUARTIER I EN
EAU POTABLE
60
INTRODUCTION
Après avoir fait une classification des ouvrages d'AEP
utilisés au quartier I et ayant donné leurs avantages et
inconvénients respectifs, il sera maintenant question de faire le choix
du type d'ouvrage à construire en vue de résorber le
problème d'eau dans ce quartier. Ensuite nous donnerons les orientations
à prendre pour mieux protéger la ressource en relation avec les
solutions techniques mises en oeuvre sur le terrain.
III.1- TYPES D'OUVRAGES À CONSTRUIRE AU QUARTIER
I
Face à l'incapacité de la CAM WATER à
satisfaire leurs besoins en eau potable, les populations du quartier I ont
opté pour la création des points d'eau autonomes (puits,
forages)10(figure 11).
Source : Enquête de terrain
Figure 11: Pourcentage des ménages
ayant émis un avis favorable à la construction
des
points d'eau
10 Données issues d'enquêtes de
terrain.
61
Afin de garantir un accès de tous à l'eau
potable, de bannir les corvées des femmes et des enfants, de diminuer
les distances parcourues à la recherche de l'eau, nous abonderons dans
le même sens que les populations en matière de recherche des
solutions au problème d'approvisionnement du quartier I en eau potable
c'est-à-dire la construction des points d'eau. Tout en proposant la
réhabilitation du réseau existant. Car la construction des points
d'eau ne saurait à elle seule faire disparaître totalement le
problème d'approvisionnement du quartier I à Bangangté en
eau potable.
? 1ère solution
Pour améliorer l'approvisionnement de la ville de
Bangangté en eau potable, il faudra premièrement engager les
travaux de réhabilitation, d'extension et de renforcement des
capacités de production. Ceci passe par :
1°) La reconstruction du captage sur la
rivière « Ngam ».
2°) La réhabilitation des ouvrages
de génie civil (captage, stockage, traitement).
3°) La réhabilitation des
équipements électromécaniques de pompage, de traitement et
d'entretien.
4°) La réhabilitation de la station
de traitement.
5°) Le redimensionnement de la station de
reprise d'eau traitée ou la construction d'un
nouveau barrage de reprise d'eau traitée.
6°) La réhabilitation des
réservoirs de stockage (Brasseries, Penko)
7°) Le renforcement du réseau de
distribution.
8°) La réhabilitation des
bornes-fontaines publiques.
CLICHE TOUMGUEU, Mai 2012
Photo 10: Borne - fontaine hors
état
62
9°) L'extension et la densification du
réseau.
10°) L'intensification des campagnes
promotionnelles de branchement sociaux.
? 2ème solution
Nous avons noté lors de nos enquêtes que,
malgré l'intensification des campagnes promotionnelles de branchements
sociaux, certaines couches seront, faute de moyens financiers, toujours
incapables de disposer d'un branchement donc dans l'incapacité de payer
les factures d'eau toutes les fins de mois. C'est pour apporter un
coup-de-pousse au réseau classique de distribution et pour voler au
secours de cette couche vulnérable et défavorisée que nous
proposons la construction des points d'eau autonomes. Mais il serait tout de
même judicieux de préciser que les solutions techniques à
elles seules (points d'eau autonomes) ne sauraient résoudre le
problème d'eau à Bangangté. Elles doivent être
accompagnées d'un certains nombres de mesures.
III.1.1. Comment persuader les populations de se rendre aux
points d'eau collectifs payants ?
Comme le dit un Proverbe malien : « On peut
mener l'âne au ruisseau ; on ne peut pas le forcer à boire dedans
». Face aux difficultés des systèmes
classiques de desserte en eau par branchements particuliers à
répondre aux besoins des quartiers populaires urbains et des centres
secondaires (manque de ressources financières, forte croissance
démographique, trame urbaine en évolution, etc.), la distribution
collective de l'eau par borne-fontaine ou postes d'eau autonomes s'est
considérablement développée dans la plupart des pays
d'Afrique occidentale. Parallèlement, les politiques nationales visent
à l'équilibre financier de l'exploitation de ces systèmes
par leur prise en charge par les usagers. Or, ces systèmes sont le plus
souvent en concurrence avec des sources gratuites d'approvisionnement en eau
(puits, sources, fleuves, marigots, recueil d'eau de pluie, etc.). Il serait
illusoire de penser que la seule mise à disposition de points d'eau
améliorés, collectifs et payants, et le résultat des
enquêtes menées à cet effet suffira à convaincre les
habitants d'abandonner leurs sources traditionnelles. Les
bénéfices sanitaires et la rentabilité de ces
systèmes d'alimentation en eau potable dépendent de leur
utilisation effective et de la quantité d'eau qui y sera vendue ;
elles-mêmes étroitement liées à la qualité du
service fourni comparativement aux points d'eau traditionnels. La
qualité des prévisions de la demande de service est par
conséquent capitale. Comment et en fonction de quels critères les
ménages décideront-ils de recourir ou non à ces points
d'eau collectifs payants ? Quels prix sont-ils disposés à payer
et pour quel service?
63
Comment la distance à parcourir, la qualité de
l'eau et le temps à attendre pour se faire servir influent-ils sur leurs
décisions, sur leur satisfaction et sur leur niveau de consommation ?
C'est à ces questions, pas encore abordées dans le cadre des
projets de construction des points d'eau autonomes que nous tenterons
d'apporter des éléments de réponse.
Une recherche, financée par le Secrétariat
d'État à la Coopération dans le cadre du programme «
Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les
petits centres » et sur la base d'une série d'enquêtes
réalisées par le CERGRENE 2 (bureau d'étude
indépendant spécialisé dans l'eau et l'environnement
possédant une expérience de plus de 50 ans dans la
définition et la mise en oeuvre des projets eau et assainissement) et
BURGEAP entre 1994 et 1996 dans 14 villes secondaires répartis dans 4
pays (Niger, Bénin, Guinée, Mali, plus d'un millier de
ménages enquêtés au total). On a pu montrer que la
disponibilité des puits est l'élément qui a la plus grande
influence. Sur les centres secondaires où les puits sont rares, presque
tous les ménages recourent aux bornes-fontaines (points d'eau autonome)
pour leur eau de boisson en saison sèche. Ils sont encore 9 sur 10
à y recourir lorsque les puits sont nombreux. Mais, en saison des
pluies, seul 1 ménage sur 2 boit l'eau des bornes-fontaines et cette
proportion est réduite à 16 % seulement en raison de la
présence de nombreux puits. L'abondance des puits a un effet encore plus
marqué pour les autres usages qui ne nécessitent pas une eau
potable. Ainsi, seul 1 ménage sur 3 utilise l'eau des bornes-fontaines
pour la lessive en saison sèche si des puits sont facilement
accessibles. Comme les usages autres que la boisson ou la cuisine
nécessitent naturellement des quantités d'eau bien
supérieures, l'effet de la disponibilité de ressources
traditionnelles sur le niveau des consommations individuelles est aussi
fortement marqué sur l'ensemble des quartiers et petits centres
étudiés. La consommation moyenne par personne est de 12 litres
par jour lorsque les puits sont rares et de 7 seulement lorsqu'ils sont
nombreux. Le prix de vente de l'eau a également une influence
significative sur le niveau de consommation aux bornes-fontaines. L'influence
de la distance à parcourir, quoique moins nette, peut être
notée : la consommation décroît (faiblement) avec la
distance jusqu'à 250 mètres environ, puis augmente nettement
à partir de ce seuil, manifestement parce que les usagers qui n'ont plus
d'autre choix sont alors proportionnellement plus nombreux.
La connaissance de la distance maximum acceptable pour les
usagers des bornes-fontaines et des facteurs qui influent sur l'opinion des
ménages revêt une importance toute particulière car cette
distance intervient dans le dimensionnement du réseau en termes de
densité des points de distribution. La « norme » en la
matière ou plutôt la pratique la plus
64
courante consiste à adopter un espacement moyen de 300
mètres entre deux points d'eau (soit 150 mètres au maximum
à parcourir pour s'approvisionner). Mais ceci varie largement en
fonction des projets, des opérateurs, des bureaux d'étude et des
pays. On a cherché à établir la « distance-seuil
» au-delà de laquelle, en moyenne, les usagers ne sont plus
satisfaits (c'est-à-dire ne considèrent plus que la distance est
proche). Dans l'ensemble, ce seuil est de 200 mètres. Mais il n'est que
de 120 mètres environ dans les quartiers urbains et
s'élève à plus du double dans les petits centres. La
disponibilité des ressources alternatives revêt une importance
cruciale. Ainsi, dans les quartiers urbains où les puits sont rares, les
usagers des bornes-fontaines trouvent normal de parcourir jusqu'à 200
mètres alors que ce seuil diminue de moitié dans les quartiers
où les puits privatifs sont monnaie courante.
Il en résulte que la poursuite d'un objectif
réaliste d'optimisation et de satisfaction consisterait à faire
en sorte qu'aucun usager n'ait à parcourir une distance
supérieure au seuil d'indifférence. Ce qui pourrait être
obtenu en adoptant un espacement maximal de 400 mètres entre les
bornes-fontaines. Ceci pourra être porté à 500
mètres dans les petits centres où les puits sont rares, mais
devra être ramené à 200 mètres lorsqu'il s'agira des
quartiers urbains où les puits sont nombreux.
De la même façon que pour la distance à
parcourir, on a recherché le seuil d'insatisfaction concernant le temps
d'attente qu'il faut subir aux bornes-fontaines avant d'être servi.
Globalement, ce seuil s'établit nettement à 20 minutes : 85 % des
enquêtés qui attendent moins de 20 minutes à la
borne-fontaine estiment que le temps d'attente est « court », tandis
que 94 % de ceux qui attendent davantage le jugent « moyen ou long ».
Là encore, les citadins sont plus exigeants que les usagers des petits
centres puisque ces derniers considèrent normaux des temps d'attente
allant jusqu'à près de 50 minutes alors que les citadins les
trouvent longs à partir de 15 minutes. La rareté des puits
conduit les usagers à accepter de patienter en moyenne 30 minutes. Mais
leur grand nombre rend, à leurs yeux, inacceptables des durées
d'attente supérieures à 15 minutes. Enfin, la même approche
a été entreprise à propos des prix de vente et nous avons
trouvé la solution à ce problème lors de nos
enquêtes de ménage présentées plus haut. Pour ce qui
est de notre projet, nous situerons la zone d'influence d'un puits à 300
mètres. Ceci permettra aux populations de s'approvisionner dans l'un ou
l'autre puits plus facilement. Ceci réduirait le temps d'attente au
point d'eau11.
Au regard de tout ce qui précède, nous
constatons qu'une opération d'aménagement visant à
construire les ouvrages d'AEP doit tenir compte non seulement des exigences de
la population
11 Enquêtes réalisées par le
CERGRENE 2 et BURGEAP entre 1994 et 1996 dans 14 villes ou centres secondaires
répartis dans 4 pays (Niger, Bénin, Guinée, Mali, plus
d'un millier de ménages enquêtés au total)
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bénéficiaire mais, aussi du milieu où on
se trouve (ville, village). Un aménagement opéré dans les
quartiers d'un grand centre urbain ne doit pas être le même que
celui d'un centre secondaire. Ce sont là des exigences que doivent
prendre en compte l'aménageur en vue de rendre plus efficace le projet
et de pérenniser l'ouvrage à construire.
Dans un projet d'aménagement, il est toujours
souhaitable de proposer plusieurs scénarios d'aménagement
possible. Pour ce qui est de ce projet nous aurions aimé en proposer
trois : le scénario minimaliste, le scénario intermédiaire
et le scénario maximaliste. Mais compte tenu de la complexité du
sujet que nous traitons, nous allons dans le cadre de nos propositions
d'aménagement ne proposer que deux scénarios
d'aménagement. La possibilité reviendra à la population ou
à la municipalité de choisir lequel réaliser.
? 1er scénario intermédiaire
: la construction des puits aménagés
Nous construirons les puits aménagés à
parois busés et équipés d'une pompe manuelle (figure 12).
Bien que son coût de construction et d'entretien soit élevé
par rapport au PSA, ce scénario est considéré comme
intermédiaire parce qu'il est moins coûteux et peut être
réalisé plus rapidement qu'un scénario maximaliste. Il
s'applique dans les projets où les moyens financiers sont insuffisants.
Donc, à défaut de réaliser « l'idéal »,
on réalise le « moins idéal ».
? Quelques indicateurs à l' intention des
décideurs
Il faudra combattre l'idée suivant laquelle les puits
et les sources font concurrence à la CDE. Les populations même les
plus pauvres aspirent elles aussi au confort avec par exemple de l'eau courante
dans leur habitation ; ce que les puits et les forages ne leur permettent pas.
Aujourd'hui, elles s'approvisionnent aux puits et aux sources par
nécessité et cela semble ne pas être bien perçu. Les
concessionnaires des réseaux d'eau potable comme la CDE feraient mieux
de répondre aux nombreuses demandes de branchement classés sans
suite qui s'accumulent dans leurs bureaux plutôt que de
s'inquiéter de la concurrence des puits et sources. Pour mener à
bien ce projet, il faudra éviter les mesures qui inciteraient les
populations à combattre les éventuelles actions positives des
pouvoirs publics. Au Cameroun, certains responsables des services techniques
municipaux envisagent de proposer qu'il y ait des taxes sur l'exploitation des
points d'eau tels que les puits, les sources ; ceci dans le but de dissuader
les populations de les utiliser. Cette démarche participe du fait que
l'on pense que ces eaux sont mauvaises. Des analyses ont prouvé que
certaines sources pourraient répondre aux exigences de qualité
requise pour l'alimentation moyennant des traitements à
définir.
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Figure 12: Cartes de la distribution des
puits à construire au quartier I
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Figure 13: Carte indiquant le rayon
d'influence de chaque puits
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