INTRODUCTION :
Le présent mémoire traite de la
problématique de l'exclusion sociale des enfants et jeunes en situation
de rue à Bamako, un phénomène nouveau, mais
préoccupant vu son ampleur.
Ce phénomène est lié à plusieurs
facteurs, et l'on pourrait citer en premier lieu l'urbanisation exponentielle
de la ville de Bamako depuis le début des années 2000. Mais cette
situation est à la fois révélateur d'un
développement économique inégalement réparti sur le
territoire national, et d'une mutation vers les centres urbains des populations
des campagnes. Cette croissance urbaine mal maîtrisée
génère une population grandissante de personnes vivant en
situation de grande précarité et de marginalisation dans la
capitale du Mali.
Parmi celle-ci, les enfants et les jeunes de la rue sont
aujourd'hui une source d'attention particulière, non seulement pour les
autorités politiques et administratives mais également pour les
collectivités et l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance.
Il convient de rappeler ici la définition « enfant de la
rue » retenue par les acteurs du domaine. Il s'agit d'une population
d'enfants vivant en permanence dans la rue, de jour comme de nuit, ce qui
signifie une rupture profonde avec leur famille. Cette rupture exclut l'enfant
de la protection familiale et sociale d'ordre physique, affectif, ou
éducatif et de la possibilité d'avoir un représentant
légal. Cette définition ne recouvre donc pas l'ensemble des
enfants vivant dans la rue, mais plutôt, ceux qui n'ont plus que la rue
pour vivre. Cette distinction entre « enfant de la rue » et
« enfant dans la rue » est ainsi résumé par
Bernard PIROT : « les enfants de la rue désignent ainsi
un enfant en rupture totale avec sa famille, dans laquelle il ne peut pas ou ne
veut pas retourner. De ce fait il vit et dort en permanence dans la rue. [...]
A la différence des enfants de la rue, les enfants dans la rue ne sont
pas en rupture totale avec leur cellule familiale et ils gardent le plus
souvent un contact régulier avec leurs parents. Ils passent cependant la
plus grande partie de leur temps dans la rue pour y travailler, jour et nuit
s'il le faut »1(*). Si de plus en plus la communauté
internationale recommande de parler d'enfants en situation de rue, le choix a
été fait de conserver, pour plus de clarté, la
terminologie « enfant de la rue ».
Si l'origine et les causes de leur arrivée en rue ont
été cernées récemment (2010) par l'étude
« Nous venons tous d'une maison » du Samusocial Mali2(*), diverses études et
recensements conduits à Bamako3(*) ont fourni une estimation sur une fourchette
très large variant de 400 à 4000 enfants. Le Samusocial a pour sa
part, depuis sa création D'octobre en 2001, à la date du 31
décembre 2014, identifié 2931 enfants et jeunes et suit chaque
année une cohorte d'environ 700 à 800 d'entre eux4(*).
En outre, la crise politico-militaire qui s'est
installée au Mali à partir de janvier 2012 vient aggraver cette
situation de base. Dans un pays coupé en deux, où le Nord est
tombé sous le joug des extrémistes armés, les populations
fuyant l'emprise des islamistes affluent dans la ville de Bamako par milliers.
Ces populations déplacées, dans un premier temps auprès de
leurs propres familles, proches ou connaissances, viennent
accélérer la précarisation grandissante des couches les
plus pauvres de la société. Au bout de ce processus, les enfants
sont les premières victimes, poussés vers la mendicité ou
les « petits métiers de la rue », ils basculent dès
lors dans la vie en rue et la spirale de l'exclusion sociale dans laquelle ils
s'engouffrent les réduit rapidement au stade de la simple survie dans la
rue.
Privés de protection et d'affection, sans soutien
familial, les enfants de la rue sont exclus des structures sanitaires, sociales
et éducatives de droit commun et sont trop faibles ou trop
désocialisés pour se rendre d'eux-mêmes vers les structures
d'aide existantes telles que les centres d'accueil et d'hébergement.
Leur état, tant au niveau physique que psychologique, se
détériore donc très vite, d'autant qu'ils sont
confrontés à des conditions de vie très dures dans la rue.
Ils n'ont pas d'autre choix que de développer des stratégies de
survie dans la rue en se forgeant de nouveaux repères, par le biais
notamment de l'appartenance à un groupe d'enfants et d'une
identification à un territoire dans la rue.
Dans un document datant de 1994, le chef de division de
l'Action Sociale de l'époque, M.AttaherMaiga, résume ainsi que
l'on peut retenir de l'enfant de la rue nécessitant une protection
spéciale : « Qu'il est plus sale et parait plus
misérable que les enfants de son âge. Il souffre plus de la faim
et est plus violent et méfiant. Sa vie n'est pas facile ; il
rencontre l'hostilité presque partout où il va ... il est
considéré comme indésirable, malhonnête et fauteur
de trouble. Chaque adulte pense qu'il a un droit sur lui et il est victime
d'une répression sans fondement. On pourrait presque dire qu'il est
préventivement traité comme délinquant. Il est
dépouillé de tous ses droits
élémentaires ».
Motivation du choix du sujet:
Notre intérêt pour le phénomène des
enfants et jeunes des rues s'explique à la fois par des raisons d'ordre
personnel et subjectif et des motivations d'ordre scientifique.
En effet, de nos jours à Bamako, la capitale du Mali,
le spectacle frappe l'attention de tout visiteur. Au-delà des
infrastructures modernes pouvant susciter l'admiration, des enfants prennent
d'assaut les grandes artères, rivalisant avec les engins de circulation,
occupant les places publiques et déambulant dans les stations de
service, devant les mosquées tout comme dans les marchés.
L'enfant a droit à l'éducation, aux soins de la santé et
doit être inséré dans la société dans
laquelle il vit. Le temps de l'enfance est synonyme d'amour parental, de
protection familiale, de joie, d'univers ludiques, d'apprentissage en
société. Pourtant, pour des milliers d'enfants et jeunes, ce
temps-là n'est ou ne sera qu'un triste et sombre souvenir, qu'il leur
faudra essayer d'atténuer ou effacer, souvent en vain, une fois devenus
adultes. Les enfants de la rue vivent trop souvent dans des conditions
déplorables et sont l'objet d'abus de toutes sortes. Ils sont nombreux
à souffrir de maladies diverses en raison de leurs conditions de vie
déplorables. Beaucoup d'entre eux n'ont pas fréquenté
l'école.
Notre sensibilité à ce drame est l'une des
raisons qui nous ont poussés à nous intéresser à ce
thème. Aussi, nous voudrions apporter notre contribution à une
meilleure compréhension du phénomène des enfants et jeunes
des rues, un passage obligé pour le combattre efficacement. Nous nous
intéresserons particulièrement aux interventions du Samusocial
Mali, une organisation de la société civile malienne qui a
dédié son intervention à la lutte contre l'exclusion
sociale des enfants et jeunes des rues à Bamako.
Problématique
Essentiellement urbain, le phénomène des enfants
et jeunes des rues est relativement récent en Afrique et
particulièrement au Mali, pays longtemps marqué par le
collectivisme où, dit-on, l'enfant appartient à tous. C'est
seulement avec l'avènement de la démocratie au début des
années 1990, que des ONG et quelques individualités ont
alerté l'Etat, l'opinion nationale et internationale sur l'existence des
enfants en situation de rue à Bamako qui développent des
stratégies de survie en dehors de la famille. Aussi, l'Etat a-t-il
placé le phénomène des enfants des rues dans son cadre
stratégique de lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale.
Ainsi, grâce aux soutiens des partenaires au
développement en l'occurrence l'Unicef et Enda
Tiers Monde- Mali, des centres d'écoute et/ou de
formation ont été créés pour la prise en charge des
enfants en situation difficile en général et des enfants des rues
en particulier. Le décret N°02-067/P-RM du 12 Février 2002 a
même réglementé la création et les modalités
de fonctionnement des institutions privées d'accueil, d'écoute,
d'orientation ou d'hébergement pour enfants, comme pour attester que
l'Etat accorde un grand prix à la gestion des enfants ayant besoin de
mesures spéciales de protection afin que ceux-ci ne versent dans la
petite ou la grande délinquance. Dans cette logique, tous les
intervenants du secteur orientent leurs prestations dans le sens de la lutte
contre l'exclusion sociale (octroi de l'hébergement, des soins de
santé, d'habits, des apprentissages scolaires et/ou de métier),
prestations vainement destinées à tirer ces jeunes de leur mode
de vie non normative car, selon les responsables de centre d'écoute,
toutes les actions menées dans ce sens ont montré leur limite.
Nonobstant les efforts consentis par l'Etat et la
société civile, le nombre d'enfants et jeunes vivanthors de
l'espace familial est toujours préoccupant, même si, à
cause de leur grande mobilité, leur effectif n'a jamais pu être
cerné avec précision.
En 2006, le Centre National de Documentation et d'Information
sur la Femme et l'Enfant(CNDIFE) a recensé 1924 enfants des rues
comprenant 1320 garçons et 604 filles.
Cependant, derrière ces chiffres, se cache une
réalité beaucoup plus profonde et beaucoup plus interpellateur.
Cette population est victime de marginalisation et d'exclusion sociale, et
c'est cet aspect du phénomène qui nous intéresse dans la
présente étude. Afin de mieux cerner l'exclusion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue, nous nous attèlerons à
l'analyse de l'expérience d'une structure qui a dédié sa
mission à la lutte contre ce fléau dans la ville de Bamako. Il
s'agit de l'ONG Samusocial Mali.
Pour ce faire, nous partirons des questions principales
suivantes :
ü Quelle est l'origine du phénomène des
enfants et jeunes en situation de rue à Bamako ?
ü Comment se manifeste l'exclusion sociale des enfants et
jeunes en situation de rue à Bamako ?
ü En quoi consiste l'approche du Samusocial
Mali dans la lutte contre le phénomène de l'exclusion
sociale des enfants et jeunes en situation de rue ?
ü Quelles sont les difficultés et les limites de
l'intervention du Samusocial Mali ?
ü Quelles sont les pistes à explorer en vue d'un
renforcement de la lutte contre l'exclusion sociales enfants et jeunes en
situation de rue à Bamako ?
Les objectifs
L'objectif général
Ce mémoire veut contribuer à une meilleure
compréhension du phénomène de l'exclusion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue à Bamakoet vise à cerner
également le principe et le contenu de l'intervention du Samusocial
Mali.
Les objectifs spécifiques
- Comprendre les facteurs explicatifs du
phénomène de l'exclusion sociale des enfants et jeunes en
situation de rue à Bamako.
- Cerner les dimensions de l'exclusion sociale des enfants et
jeunes en situation de rue,
- Analyser l'intervention du Samusocial Mali dans la lutte
contre le phénomène,
- Identifier les difficultés rencontrées par le
Samusocial Mali dans son intervention,
- Proposer des solutions en vue de l'amélioration de la
prise en charge des enfants et jeunes en situation de rue à Bamako.
Les hypothèses de recherche
ü le phénomène des enfants et jeunes en
situation de rue a plusieurs facteurs. Il s'explique autant par des facteurs
économiques, démographiques et socio-culturels,
ü l'exclusion sociale des enfants et jeunes en situation
de rue est multidimensionnelle, touchant plusieurs domaines :
santé, éducation, justice, état civil, le sport et les
loisirs, la participation à la vie économique et sociale,
ü l'intervention du Samusocial Mali consiste à
apporter une aide médicale et psychosociale quotidienne afin de
répondre à la détresse quotidienne des enfants et jeunes
vivant en situation de rue,
ü les difficultés rencontrées par le
Samusocial Mali dans son intervention sont liées à la population
bénéficiaires, à la population et aux familles des enfants
et jeunes pris en charge, à la faiblesse du dispositif de protection de
l'enfant au Mali et au Samusocial Mali, lui-même,
ü le renforcement de la lutte contre l'exclusion sociale
des enfants et jeunes vivant en situation de rue passe par une plus grande
implication de l'Etat et des collectivités locales, de la
société civile et de la population d'une manière
générale dans la recherche de solutions au
phénomène.
Le présent mémoire comprend trois parties. La
première partie traite le cadre théorique de l'étude. La
seconde porte sur le phénomène des enfants et jeunes des rues
à Bamako. Après un bref aperçu sur l'historique de ce
phénomène en Afrique, son évolution à Bamako au
cours des dernières années est évoquée. Dans cette
partie également les principaux domaines d'exclusion sociale des enfants
et jeunes des rues sont exposés. Dans la troisième partie du
mémoire, les interventions du Samusocial Mali dans le cadre de la
lutte contre l'exclusion sociale des enfants et jeunes des rues sont
présentées. Cette dernière partie termine par des
propositions de solution pour le renforcement de la lutte contre le
phénomène des enfants et jeunes des rues à Bamako.
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
Pages
CHAPITRE I : démarche
méthodologique ...................................................................8
CHAPITRE II : clarification des concepts et revue
de littérature ............................... 14
CHAPITRE I: DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Pour Legendre (1988), la méthode correspond à un
ensemble de techniques ordonnées selon des règles et mises en
oeuvre consciemment pour atteindre un but.
De Robertis et Pascal (1987, p. 79) abondent dans le
même sens: « [...] c'est l'ordre et la succession dans l'utilisation
d'un ensemble de techniques ». On comprend le rôle et l'importance
de la méthode dans le processus de la recherche. Par conséquent
la réalisation de notre étude a nécessité un
certain nombre d'outils de collecte de données et de techniques
d'analyse qui en ont balisé les étapes. Aussi, dans cette partie,
nous expliquons comment nous avons recueilli nos données, comment nous
les avons analysées pour répondre ainsi aux objectifs que nous
avons formulés.
1.1 La Recherche documentaire
Selon Yin (1998, p. 246) la documentation a un double
rôle essentiel dans la recherche. Elle est importante pour corroborer et
ajouter des informations obtenues par d'autres sources (Yin, 1998, p. 246-247).
Pour notre part, nous avons utilisé deux sources de documentation: La
littérature scientifique et la littérature dite «grise
», c'est-à-dire les documents internes des organismes
consultés.
Pour cela nous avons été à la
bibliothèque nationale, à l'institut français de Bamako,
au centre Djoliba, au CNDIFE, et à l'INFTS.
La recension des écrits nous a permis d'avoir une
idée générale sur la situation de ces enfants, leurs
pratiques que certains auteurs qualifient de «sous-culture », de
« socialisation marginalisée» ou de « logique de survie
», les facteurs qui conduisent les enfants à élire domicile
dans la rue et les actions initiées en leur faveur. Nous avons, par
ailleurs, bénéficié des résultats de certaines
recherches sur le phénomène au Mali. Ces recherches nous ont
permis d'une part, de saisir la particularité du phénomène
au mali, les programmes mis en place et d'autre part, de poursuivre la mise
à jour de ce type de littérature afin d'élaborer notre
problématique.
Pour avoir une connaissance précise du cas particulier
malien, nous nous sommes intéressés également à la
littérature grise, c'est-à-dire aux rapports d'activités
du Samusocial Mali, qui ont été une précieuse source
d'informations. Ils nous ont permis en effet d'avoir une connaissance
précise sur les activités, les projets mis en place et la
philosophie d'intervention de l'organisme.
La recension des écrits nous a aidé à
constituer un échantillon de base qui nous a permis de mener notre
enquête de terrain et répondre ainsi à nos questions de
recherche.
1.2. Techniques de collecte des données
Pour collecter les données nécessaires à
cette étude, nous avons utilisé la documentation, la constitution
d'un échantillon, un questionnaire semi-structuré nous a servi de
guide d'entretien et enfin l'observation directe. L'enquête, menée
auprès des professionnels de la protection de l'enfance (Samusocial Mali
et ses partenaires de lutte l'exclusion sociale), s'est déroulée
dans la ville de Bamako compte tenu de l'ampleur du phénomène des
enfants de la rue et de la forte présence des institutions de prise en
charge de ceux-ci dans cette ville. Quant au guide d'entretien adressé
aux enfants, nous avons effectués des tournées de nuit avec
l'équipe du Samusocial afin de recueillir les propos des enfants et
jeunes des rues.
1.2.1 Entretien
Selon Mayer et al (2000, p. 116), « L'entrevue est
importante en recherche sociale car les autres procédés
d'observation peuvent être impossibles à utiliser ou ne pas
assurer aussi adéquatement la collecte des données
nécessaires ». L'entretien dans le domaine de la recherche
qualitative permet donc d'entrer en contact direct et personnel avec des sujets
pour obtenir des données de recherches. Elle permet de s'adresser aux
individus eux-mêmes que d'observer leurs conduites et leur rendement
à certaines tâches ou d'obtenir une autoévaluation à
l'aide de divers questionnaires (Daunais, 1992, p.274).
Nous avons estimé en ce sens qu'il était
essentiel dans cette recherche d'avoir un entretien avec certains responsables
des centres, éducateurs/travailleurs sociaux et responsables des
organismes impliqués dans la lutte contre l'exclusion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue à Bamako. Notre guide d'entretien
fut destiné au professionnel de la protection de l'enfance de 15
organismes (des organismes concernés) impliqués dans la lutte
contre ce phénomène. Quant aux enfants et jeunes en situation de
rue, ils sont au nombre de 20 personnes interrogées. Le choix de
l'entretien qui constitue le coeur de notre démarche
méthodologique s'explique par le fait qu'il peut nous permettre de
comprendre le processus, la méthode de prise en charge des enfants de la
rue que nous ne pourrions saisir avec un questionnaire fermé. Nous
souhaitons également, par ces entrevues, rendre compte du discours des
intervenants sur les enfants de la rue, sur leur perception de leur
clientèle. Aussi les discours des enfants sur leur histoire de vie, leur
vécus nous ont particulièrement intéressé.
1.2.2 Aspects techniques de l'entrevue
Nos entrevues avec les intervenants des différents
services furent élaborées en tenant compte des objectifs de notre
étude. A cet égard, essentiellement qualitatives elles furent
réalisées dans les mois de Mai2015 à Bamako. Avant
l'entrevue, nous avons fait lire et signer un consentement éthique par
l'intervenant. Après ce consentement, nous avons administré le
questionnaire d'entrevue d'une durée moyenne de 40 minutes. La
retranscription s'est faite juste à la fin de chaque entrevue afin de
respecter la fidélité des propos des personnes
interviewées. Nos entrevues ont traité principalement des
thèmes suivants:
v Compréhension du phénomène de
l'exclusion sociale des enfants et jeune en situation de rue à Bamako :
Ce thème nous a permis de comprendre l'origine du
phénomène, ses causes et ses conséquences, son ampleur et
les différents domaines d'exclusion des enfants et jeunes en situation
de rue à Bamako.
v L'intervention du Samusocial Mali auprès des enfants
et jeunes situation de rue : ce thème adressé au personnel
du Samusocial et aux structures partenaires, nous a permis de comprendre, d'un
côté, les missions du Samusocial Mali, ses activités, sa
méthode d'intervention et ses difficultés, et de l'autre
côté, l'historique du partenariat entre avec d'autres structures
et protection de l'enfant, les domaines de coopération, l'avis des
partenaires sur l'intervention du Samusocial Mali et leur proposition en vue
d'un renforcement de la lutte contre le phénomène de l'exclusion
sociale des enfants et jeunes de la rue à Bamako.
1.2.3 Observation directe
L'observation directe peut être définie, selon
Friedrichss et Ludtkee (cité par Laperrière, 1993, p. 254), comme
« [...] l'enregistrement des actions perceptibles dans leur contexte
naturel ». Elle permet donc de [...] décrire de façon
exhaustive, les composantes d'une situation sociale donnée (lieux,
actes, événements, personnes, groupes, objets, structure) pour
ensuite en extraire des typologies [.. .]. D'autre part dans l'observation
directe, les significations que les acteurs sociaux attribuent à leurs
actes deviennent un élément essentiel de la description
adéquate d'une situation (Friedrichss et Ludtkee, cité par
Laperrière, 1993, p. 254).
Dans la présente recherche, l'utilisation de
l'observation directe s'est avérée nécessaire parce
qu'elle nous a permis d'explorer le quotidien des enfants, leurs
activités à l'intérieur des programmes de
réinsertion. Pour ce faire nous avons accompagné l'équipe
du Samusocial Mali lors des maraudes et permanences à fin de nous
imprégner l'environnement de vie de ces enfants.
1.2.4 Méthodes d'analyse des données
Compte tenu des objectifs de cette recherche qui vise à
contribuer à une meilleure compréhension du
phénomène de l'exclusion sociale des enfants et jeunes en
situation de rue à Bamako à mieux appréhender le principe
et le contenu de l'intervention du Samusocial Mali , nous avons analysé
les données recueillies en utilisant essentiellement la méthode
qualitative. À cet effet, les propos recueillis lors de nos entrevues
ont été codés et analysés selon des
thématiques définies pour cerner l'exclusion sociale de ces
enfants. Les principales variables ont pu être précisées au
fur et à mesure de l'analyse des verbatims afin de saisir le mode de
désignation de la clientèle des intervenants sociaux, la
définition des enfants en difficulté ou les discours
desintervenants sur les enfants de la rue. L'analyse de la pratique
elle-même provient des demandes sociales des enfants
énoncées par les intervenants interviewés et des types de
services ou d'intervention qui leur sont offerts.
L'étude de la structure de services des organismes, a
servi à décrire et à analyser par la suite la
stratégie d'intervention utilisée par les institutions. Nos
observations qui se sont faites au cours de notre visite dans l'organisme se
rattachent à un objectif précis, la participation des enfants
dans les différentes activités, leurs rapports avec les
intervenants, leur capacité à prendre la parole et à
influencer les actions ou les décisions les concernant. En observant
l'organisation des activités des organismes, nous avons pu identifier
les différents acteurs et leurs rôles, l'existence ou non
d'indices d'une intervention pouvant relever d'une ou plusieurs
représentations sociales.
Finalement, une analyse approfondie a été
réalisée sur l'intervention du Samusocial Mali.
1.3 L'échantillonnage :
Notre échantillon est constitué de vingt
intervenants oeuvrant au sein de 15 institutions: le Samusocial Mali, le Centre
Kanuya, le Centre d'Accueil,d'Ecoute et d'Orientation pour Enfant( CEAO), IEDA
Relief, AJDM,APROFEM, le Service du Développement Social et l'Economie
Solidaire de la Commune II, Commune IV,commune V et commune VI, le Bureau
National Catholique pour l'Enfance (BNCE-Mali), la Communauté Catholique
des Béatitudes,le Centre d'Ecoute Communautaire de Sikoro, le Service de
la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille Commune II, . Ces quinze
organismes représentent respectivement des ONG locales, des Associations
et des institutions publiques.
Ces structures ont été choisies parce qu'elles
représentent des exemples typiques des formes d'intervention
utilisées en direction des enfants de la rue au Mali, en l'occurrence
à Bamako. Elles sont également partenaires du Samusocial Mali
dans son combat contre l'exclusion sociale à Bamako.
Le choix des organismes répondants s'est donc fait de
façon non probabiliste. Nous avons sélectionné par la
suite unepersonne par organisme selon leur fonction dans l'organisme. Et 6
personnes au niveau du Samusocial Mali. Ces critères répondent au
souci de diversifier nos sources d'informations et de recueillir des discours
hétérogènes reflétant le rapport de partenariat qui
les liens au Samu social. Dans chacun des quinze organismes nous avons
rencontré un intervenant. La répartition des intervenants par
organisme répond par ailleurs au besoin de croiser les réponses
des intervenants pour voir les différences internes et externes, de
prendre en compte la diversité des pratiques d'intervention des
institutions et, d'autre part, à la nécessité de toucher
les institutions( ONG locales, Associations et institutions publiques)
travaillant en direction des enfants en circonstances extrêmement
difficiles, particulièrement les enfants et jeunes en situation de rue
au Mali.
A cela il faut ajouter 20 enfants et jeunes en situations de
rue interrogées.
C'est au total quinze institutions (à raison de 1
intervenant par institution et 6 au SamusocialMali) oeuvrant en direction des
enfants de la rue qui ont été contactées pour des
entrevues semi dirigées. 20 enfants et jeunes en situations de rue ont
également concernés notre entrevue.
Tableau N°1: Caractéristiques de
l'échantillon
N°
|
Groupes
|
Total
|
1
|
Personnels du Samusocial Mali
|
06
|
2
|
Professionnels de la protection de l'enfant des
organismes impliqués dans la lutte contre l'exclusion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue à Bamako
|
14
|
3
|
Enfants et jeunes en situation de rue
|
20
|
|
Total
|
40
|
Source : Enquêtes
personnelle
Commentaire : A la
lumière de ce tableau, nous constatons que notre échantillon est
large regroupant à la fois les autorités publiques, les
organisations de la société civile, les parents et les enfants
eux-mêmes.
1.4 Difficultés rencontrées
Dans l'ensemble, notre enquête s'est
déroulée dans des bonnes conditions. La principale
difficulté rencontrée est relative au manque de statistiques
actualisées sur le phénomène des enfants et jeunes des
rues à Bamako. Également, au niveau des cibles, nous avons
été confrontés à quelques difficultés dans
la collecte des informations. Il s'agit surtout des enfants et jeunes en
situation de rue, notamment au début de notre enquête. D'une
manière générale, cette population est très
réservée et assez méfiante envers tout nouveau
intervenant. Nous étions souvent quelque peu frustrés, de la
méfiance de certains enfants à notre égard. Avec les
conseils des membres de l'EMA du Samusocial, nous avons pu surmonter ces
difficultés et mener à bien notre enquête auprès de
cette cible.
CHAPITRE II : CLARIFICATION DES CONCEPTS ET REVUE
DE LITTERATURE
2.1 Les concepts et leurs définitions
Emile Durkheim dans son ouvrage intitulé
« les règles de la méthode sociologique »,
à propos affirme que « le savant doit d'abord
définir les choses dont il traite afin que l'on sache et qu'il sache de
quoi il est question », c'est pourquoi pour mieux cerner l'objet
de notre étude, il est important de clarifier les concepts
clés5(*)
Enfant
L'enfant est défini selon les dispositions de la
convention relative aux droits de l'enfant, comme « tout être
humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est
atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est
applicable ».
Rue
La rue est un large espace de vie et d'activités
caractérisé par la débrouille, la misère, la
violence, les dangers et l'anonymat.
La rue signifie un endroit quelconque
autre qu'une famille ou une institution d'accueil tels les édifices
publics comprenant bâtiments, cours, trottoirs. Elle est à la fois
lieu de passage, lieu de sociabilité, lieu des activités
commerciales, et devient pour les enfants, le lieu de vie permanent, lieu de la
rupture avec le milieu familial. Ils grandissent à l'écart des
modes d'éducation traditionnelle, sont privés de l'accompagnement
des adultes pourtant indispensable.
Enfant en situation
difficile
Un enfant en situation difficile est un enfant qui vit en
rupture avec les normes de son milieu social soit par le fait de
défaillances intellectuelles, socioculturelles ou de déficiences
d'ordre psychologique, physique ou affectif.
Enfant de la
rue
Le terme enfant de la rue désigne une multitude
d'enfants et de définitions. Il ne sera pas facile de trouver la
définition type de l'enfant de la rue mais certains critères le
déterminent. En fait cinq critères caractérisent un enfant
de la rue : l'âge, la rue, les relations avec les parents, les
activités et les conditions de vie.
Selon l'article du code de protection
de l'enfant, est considéré comme « enfant de la
rue » tout mineur, résident urbain âgé de moins
de 18 ans, qui passe tout son temps dans la rue, travaillant ou pas, et qui
entretient peu ou pas des rapports avec ses parents, tuteurs ou la personne
chargée de sa garde ou de sa protection. La rue demeure le cadre
exclusif et permanent de vie de cet enfant et la source de ses moyens
d'existence.
En dehors de cette définition
purement juridique du concept « enfants de la rue » nous
pouvons donner une définition sociale « les enfants de la rue
sont les filles et les garçons pour qui la rue est devenue un lieu
d'habitation. Ils en tirent leurs propres moyens de subsistance. Ils y sont
sans protection, en rupture temporaire, partielle ou totale avec leur famille
et même la société ».
Tessier Stéphan le
définit aussi comme un enfant qui joue dans la rue, se promène et
travaille, mais en plus, qui y vit et y dort ; il y fait
l'expérience de la vie, de l'amour et de la mort. Il est en rupture
totale avec sa famille d'origine.
Il faut préciser que le concept
enfant de la rue ne fait pas l'unanimité au sein des professionnels de
la protection de l'enfant. Il est décrié par nombre de
professionnels qui estiment son inadaptation au contexte culturel et
sociologique malien. En plus les enfants qui sont désignés par ce
terme le rejettent, estimant que chaque enfant de la rue vient d'une maison et
que la rue n'a jamais pu enfanter un enfant. Aujourd'hui, le terme couramment
utilisé pour désigner les enfants en situation de rupture
familiale et vivant presqu'en permanence en rue est celui d'enfant en situation
de rue.
Enfant dans la rue
Selon Tessier Stephan c'est un enfant qui se trouve par
périodes non continues dans l'espace d'une zone urbaine ou péri
urbain. Les enfants « dans » la rue y ont des
activités ludiques, jeux, promenade, travail en restant bien souvent en
contact avec la famille. Ils gardent leur identité propre et
culturelle.
L'UNICEF, en 1986, a
opéré une distinction entre les différents enfants qui
sont dans la rue en déterminant trois groupes :
- les enfants conservant des contacts continuels avec la
famille (groupe A) ;
- les enfants conservant des contacts occasionnels avec la
famille (Groupe B) ;
- les enfants qui n'ont aucun contact avec la famille (Groupe
C)
De ceci va émaner la distinction entre les enfants dans
la rue et les enfants de la rue.
Les premiers sont ceux du groupe A et B qui mènent des
activités dans la rue y passent la nuit ou pas et qui sont en contact
avec la famille. Ils sont appelés « enfants dans la
rue ».
Les seconds sont ceux du groupe C qui n'ont plus de contact
avec la famille. Ils sont appelés « enfant de la
rue ».
Certaines ONG continuent toujours d'utiliser ces termes
même si l'UNICEF l'a abandonné au profit des « enfants
nécessitant une protection spéciale ».
Exclusion
sociale
C'est la rupture des liens entre un individu ou un groupe
d'individus et sa communauté, tant sur le plan symbolique (attributs
négatifs) que sur le plan des relations sociales. (Lexique du terme
usuel du secteur de l'action sociale).
Une personne en situation d'exclusion est une victime qui se
retrouve « en dehors des règles» de la société,
en marge. L'exclusion peut être conçue comme une
dépossession : perte des liens, perte des repères, perte de
l'estime de soi...
Il est essentiel de bien distinguer exclusion et
pauvreté, l'exclusion renvoyant à un phénomène de
perte de repères et de lien social extrêmement complexe. Ces
enfants se retrouvent exclus de la société, privés de
droits, privés d'avenir.
Violences sur les enfants
Il est difficile de donner une définition universelle
de l'enfance maltraitée et négligée. Ce qui est
perçu comme de l'abus par certains est considéré comme
normal et acceptable par d'autres. La plupart des spécialistes de la
protection de l'enfance, toutefois, s'entendent sur une définition
commune de la violence envers les enfants. Il s'agit de mauvais traitements
infligés à un enfant ou de négligence des besoins
liés au développement de ce dernier par un parent, un tuteur ou
une personne qui en prend soin, entraînant ainsi ou pouvant
entraîner des blessures ou des effets néfastes sur les plans
affectif ou psychologique. Pour simplifier les choses, l'expression violence
envers les enfants sera utilisée dans ce mémoire pour
désigner toutes les formes de violence et de négligence envers
les enfants.
Protection de l'enfant
La protection de l'enfant s'entend de la prévention et
de la lutte contre toute forme d'abus, de négligence, d'exploitation et
de violence infligés aux enfants.
La protection de l'enfance a pour but de prévenir les
difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés
dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives,
d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon
des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en
charge partielle ou totale des mineurs. Elle comporte à cet effet un
ensemble d'interventions en faveur de ceux-ci et de leurs parents. Ces
interventions peuvent également être destinées à des
majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés
susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. La protection de
l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés
que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou
définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise
en charge
Droits de l'enfant :
Les droits de l'enfant: des droits
humains
Les droits de l'enfant sont des droits humains. Ils ont pour
vocation de protéger l'enfant en tant qu'être humain. Ainsi tout
comme les droits de l'homme de manière générale, les
droits de l'enfant sont constitués de garanties fondamentales et de
droits humains essentiels :
· Les droits de l'enfant consacrent les garanties
fondamentales à tous les êtres humains : le droit à la
vie, le principe de non-discrimination, le droit à la dignité
à travers la protection de l'intégrité physique et mentale
(la protection contre l'esclavage, la torture et les mauvais traitements,
etc.).
· Les droits de l'enfant sont des droits civils et
politiques, tels que le droit à une identité, le droit
à une nationalité, etc.
· Les droits de l'enfant sont des droits
économiques, sociaux et culturels, tels que le droit à
l'éducation, le droit à un niveau de vie décent, le droit
de jouir du meilleur état de santé susceptible d'être
atteint, etc.
· Les droits de l'enfant comprennent des droits
individuels : le droit de vivre avec ses parents, le droit à
l'éducation, le droit de bénéficier d'une protection,
etc.
· Les droits de l'enfant comprennent des droits
collectifs : le droit des enfants réfugiés, le droit des enfants
handicapés et le droit des enfants issus de minorités ou de
groupes autochtones.
Les droits de l'enfant: des droits
adaptés aux enfants
Les droits de l'enfant sont des droits humains
spécifiquement adaptés à l'enfant car ils tiennent compte
de sa fragilité, de ses spécificités et des besoins
propres à son âge.
Les droits de l'enfant tiennent compte de la
nécessité de développement de l'enfant. Les enfants
ont donc le droit de vivre et de se développer convenablement tant
physiquement qu'intellectuellement.
Les droits de l'enfant prévoient ainsi de satisfaire
les besoins essentiels au bon développement de l'enfant, tels que
l'accès à une alimentation appropriée, aux soins
nécessaires, à l'éducation, etc.
Les droits de l'enfant prennent en considération le
caractère vulnérable de l'enfant. Ils impliquent la
nécessité de leur apporter un cadre protecteur. Il s'agit d'une
part, d'accorder une assistance particulière aux enfants, et, d'autre
part, une protection adaptée à leur âge et à leur
degré de maturité.
Ainsi, les enfants doivent bénéficier des
services d'aide et de soutien dont ils ont besoin et doivent être
protégés contre l'exploitation par le travail,
l'enlèvement, la maltraitance, etc.
Services sociaux de base
Les services sociaux de base définissent l'ensemble des
services indispensables pour promouvoir la dignité humaine, la
qualité de vie et la durabilité des moyens d'existence.
Il s'agit de l'éducation, la formation, la
santé, la justice, l'état civil, la participation à la vie
économique,
2.2 Revue documentaire
Le thème qui nous intéresse dans cette
étude a fait l'objet de réflexions et d'études chez de
nombreux auteurs. Nous résumons ici, certains des travaux ayant
porté sur le phénomène de l'exclusion sociale en
général, et celle des enfants et jeunes en situation de rue en
particulier.
v Dr Xavier Emmanuelli, Dernier avis avant la fin
du monde, (édition Albin Michel SA, 248 Pages, paris 1994).
Le Père fondateur du Samusocial International, nous
avertit dans cet ouvrage, sans détour, en précisant que nous
vivons des temps apocalyptiques. Il considère que l'exclusion est un
phénomène ancien, mais qui prend de nos jours des proportions
proprement diaboliques, et en plus est en train de disloquer silencieusement
notre civilisation. Il expose dans cet ouvrage, ce qui va être par la
suite la méthode de travail des Samusociaux auprès des personnes
vivant dans la grande exclusion. Cette méthode, appelée
méthode d'urgence, s'articule autour de quatre priorité.
- Mettre les gens à l'abri, les sortir des contraintes,
des intempéries et leur donnée un endroit à eux, pour
qu'ils s'y sentent en sécurité et s'y réfugient ;
- Leur assurer l'hygiène, pour se laver, pour
évacuer les eaux sales, les ordures, les toilettes et leur donner
à boire ;
- Leur faire comprendre qu'ils sont légitimes, et leur
donner un statut (carte d'identité par exemple) ;
- Assurer la santé, l'accès aux soins.
En tant que médecin de formation, il précise
tout de même que si l'on commence par cette dernière
priorité on est sûr de ne pas réussir.
v Dr Xavier Emmanuelli, un dispositif de sauvetage
dans la lutte contre la grande exclusion (Dominique VESINI, 39 pages
)
Cet ouvrage aide à comprendre le mécanisme de
l'exclusion sociale des personnes vivant en situation d'extrême
précarité. Selon le fondateur du Samusocial de Paris, plus on est
exclu, moins on a facilement accès aux dispositifs d'assistance. Les
personnes exclues sont trop délaissée pour savoir formuler
d'elles-mêmes des appels à l'aide et parfois même pour se
les formuler. Malgré toutes les facilités d'accès que l'on
a pu examiner, elles sont, la plupart du temps condamnées à
rester en dehors des systèmes pourtant créer pour les aider. Les
personnes exclues sont trop déprimées, trop
désocialisées, trop perdues pour atteindre quoi que ce soit de
l'institution dont elles ne connaissent plus les rouages.
S'agissant de la lutte contre l'exclusion sociale, l'auteur
énumère quelques principes. Selon, lui, il faut beaucoup de
doigté, de patience et de professionnalisme. Il faut leur approcher avec
tact et humanité pour leur rendre la dignité à laquelle
ils ont droit, à laquelle chacun a droit, avec amitié et sans
brusquerie, en se faisant admettre, en leur paraissant un recours possible pour
recréer un lien qu'ils avaient rompus.
Il souligne également que combattre l'exclusion demande
que l'on regarde chacun comme un cas particulier dans la mesure où il
n'existe pas de procédure automatique pour sortir de l'exclusion.
Ce document est d'une importance capitale dans la lutte
contre l'exclusion sociale des enfants et jeunes de la rue.
v Pierre Tap et Malewskapeyre,
marginalisation et trouble de la socialisation, (Presse
Universitaire de France, 334 pages, Paris 1993)
Dans cet ouvrage collectif, les auteurs mettent en exergue les
effets de la socialisation sur le développement de l'enfant. Il la
définit comment étant une appropriation active par les individus,
des normes, des valeurs et des conduites sociales.
La socialisation ainsi définie peut être
troublée dès l'enfance, la pauvreté, la marginalisation
sociale, voire l'aliénation des familles (éclatées et
conflictuelles peuvent sérieusement entraver l'intégration
sociale des enfants, leur réussite scolaire et leur développement
personnel).
Selon ces auteurs, les effets de ces troubles de la
socialisation sont surtout visibles à l'adolescence avec les
difficultés d'insertion (échecs et retards et professionnelles,
les processus dépressifs et les tentatives de suicide, l'attirance vers
les drogues et vers l'alcool, la transgression des règles et des lois et
l'intrusion de la violence individuelle et collective).
v Ives Marguerat et DanièlePoitoux, A
l'écoute des enfants de la rue en Afrique noire
(Marjuvia1994)
Ces deux auteurs nous montrent qu'aider les enfants en
détresse, signifie aussi lutter contre ce dont ils souffrent le plus en
eux-mêmes : le mépris, le regard hostile dont les accable la
société, dont ils sont en fait les victimes.
Pour amorcer leur réinsertion, il faut rétablir
un dialogue et leur donner enfin à eux aussi la parole : il faut se
mettre « à l'écoute des enfants de la
rue ».
v Samusocial International et SamusocialMali, Nous
venons tous d'une famille, (étude à propos des enfants et
jeunes de la rue à Bamako, 125 pages, 2010)
Cet ouvrage, fruit d'une collaboration entre le Samusocial
International, le Samusocial Mali et un groupe de chercheurs maliens, est une
réflexion sur les raisons de départ des familles des enfants et
jeunes en situation de rue à Bamako. Le but est d'amener les acteurs
à mieux penser, ou repenser les interventions en leur faveur. Dans cet
ouvrage, les auteurs mettent l'accent sur le fait que nous ne pouvons pas
comprendre le passage à la vie en rue, sans connaitre la vie avant la
rue de ces enfants et adolescents. Par conséquent, dans les
études des cas à propos des enfants rencontrés par le
Samusocial, les raisons évoquées sont multiples : le conflit
avec les parents (violence physique, violence verbale dans des disputes,
négligence qu'il ressent et qu'il exprime très clairement comme
celle liée à l'exploitation économique).
v Samusocial International, L'intervention
auprès des enfants et jeunes de la rue,(PhilippeBoyrivent, 69 pages,
2013)
Dans cet ouvrage de description de la méthode de
travail d'un dispositif Samusocial, le Dr. Xavier Emmanuelli sur les facteurs
de l'exclusion sociale, un phénomène devenu universel de nos
jours. Il affirme que l'exclusion est une urgence sociale permanente. Selon lui
l'urbanisation affaiblit voire détruit les mécanismes de
cohésion sociale traditionnels. La conséquence pour les plus
fragiles se traduit par l'exclusion. Il définit une personne en
situation d'exclusion comme étant « une personne qui se
trouve en dehors du regard des autres, mais également en dehors des
institutions », ayant perdu, en vivant dans la simple survie, les
codes de la vie en collectivité : perte des liens familiaux,
sociétaux, perte du code du temps, de l'espace et du corps, souvent
accentuées par l'addiction à des substance toxique (alcool,
drogues ...) pour laisser place au seul impératif de survie.
Il affirme en fin que le Samusocial par sa doctrine et ses
méthodes agit contre ce phénomène.
v Stéphane Tessier, A la recherche des
enfants des rues, paris-Karthala 1998, 480 p
Cet auteur met l'accent sur le fait que dans la
société traditionnelle Africaine l'enfant était à
la fois comme don de Dieu, réincarnation des défunts, lien entre
l'invisible et le visible, sécurité sociale des parents, valeurs
du couple ... par conséquent l'éducation de l'enfant était
une affaire de toute la communauté. Mais sous l'influence de plusieurs
facteurs comme l'urbanisation rapide, l'explosion démographique, la
crise économique et la crise de la famille en ville, l'enfant est devenu
une charge et l'objet de processus d'exclusion de la famille, de l'école
et de la société dans l'Afrique actuelle. Selon l'auteur c'est
compte tenu de ces situations qu'on assiste dès lors au
phénomène d'enfants des rues et à une inflation
d'organisation de prise en charge.
v Amadou SIMAGA, la rééducation des
enfants de la rue dans le district de Bamako : problème et
perspective, mémoire de fin d'étude, ENSUP, 1996,
57p :
Dans son mémoire de fin de cycle, cet étudiant
en Psychopédagogie, affirme son optimisme pour l'éradication du
phénomène enfant de la rue. Pour ce faire, la seule condition
réside dans la solidarité nationale et internationale, la justice
et l'équité, plus d'affection pour nos enfants et peut être
un peu plus de sacrifice à leur égard. Il affirme aussi que le
terme « enfant de la rue » crée un amalgame entre
les situations différentes qui se rencontrent dans un même
environnement qui est la rue. Il faudrait donc pousser la réflexion sur
la terminologie en vue l'adopter à nos réalités. L'auteur
propose les termes comme « enfant en difficulté » ou
« enfant marginalisé).
DEUXIEME PARTIE : DU PHENOMENE DES ENFANTS ET
JEUNES EN SITUATION DE RUE A BAMAKO
Pages
CHAPITRE I : présentation du
milieu d'étude
..................................................................
24
CHAPITRE II : historique et
évolution du phénomène des enfants et jeunes des
rues......26
CHAPITRE III : les domaines
d'exclusion sociale des enfants et jeunes en situation de rue à
Bamako..................................................................................................................................38
CHAPITRE I : PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE
L'armature urbaine du Mali est classiquement
macrocéphale, comme dans beaucoup de pays africains. Situé sur le
7°59' de longitude Ouest et le 12°40' de latitude Nord sur les deux
rives du fleuve, la position particulière de Bamako provoque la
concentration de toutes les ressources et fonctions économiques dans la
capitale. Son dynamisme à l'échelle nationale lui vaut
néanmoins d'être le principal pôle malien de migration. La
diversité de la population bamakoise est liée à l'histoire
de la capitale, qui n'a cessé d'être un point de rencontre entre
des groupes d'origines diverses. Au 18ème siècle, la
ville est une place de marché vers laquelle convergent des groupes de
marchands itinérants.
Avec l'installation des colons français, la ville de
Bamako se voit doter d'un statut administratif et devient capitale en 1908. Son
rôle de pôle politique est confirmé en 1920 par sa
constitution en capitale officielle du Soudan français. En 1918, elle
devient une commune mixte administrée par un administrateur maire, et en
1955, son autonomie est consolidée. La ville confirme sa
prépondérance à l'indépendance en 1960 : les
régimes autoritaires et centralisés qui prennent le pouvoir
permettent à la capitale de la nouvelle République de rassembler
les fonctions politiques, administratives et culturelles.
Le District était, selon l'ordonnance n°78-32/CMLN
(Comité Militaire de Libération Nationale) du 18 août 1978,
à la fois une circonscription administrative de l'État,
situé au même titre que la région, et une
collectivité décentralisée dotée de la
personnalité morale et de l'autonomie financière. La ville de
Bamako est divisée en 6 communes urbaines en comprend 73 quartiers. La
population du District a atteint 658 278 habitants en 1987 et 1 809 106 en
2009. Elle se caractérise par sa jeunesse (plus
de 50 % de la population ont moins de 20 ans). Par rapport à l'ensemble
du pays, Bamako concentre 39 % de la population urbaine.
Bamako est le principal carrefour malien aujourd'hui
grâce à la convergence des principales voies routières du
pays (Route Nationale 6 (RN6) vers Ségou, Mopti, Gao et ouvrant la voie
vers le Burkina, RN7 vers Sikasso ouvrant la voie vers la Côte d' Ivoire,
RN5 vers la Guinée, RN3 vers Kayes et Dakar). Ces routes qui traversent
Bamako marquent d'ailleurs fortement la structure de l'urbanisation.
Capitale administrative et économique du Mali, Bamako
est aussi la plus grande ville. Elle est le siège des grandes
institutions administratives et financières.
On y trouve les grands hôpitaux ainsi que la plupart des
grandes écoles du pays. Plus des 3/4 des entreprises industrielles et
artisanales y sont localisées. Le potentiel de Bamako en tant que centre
de diffusion des innovations et des résultats à la fois
l'évolution des caractéristiques sociales et culturelles. Du
point de vue social, l'augmentation de la population, la rapidité des
évolutions économiques, et des infrastructures sociales sont
combinés pour créer une synergie. Bamako a été
considéré comme une ville hautement centralisée avec les
populations urbaines et les fonctions industrielles concentrées dans un
espace limité (KELLERMAN, 1993).
CHAPITRE II : HISTORIQUE ET EVOLUTION DU
PHENOMENE DES ENFANTS ET JEUNES DES RUES
2.1Les enfants des rues au nord et au sud
Selon l'ONU (1998), la famille est le cadre idéal pour
l'épanouissement et le développement harmonieux de la
personnalité d'un enfant. Tout enfant devrait par conséquent
grandir au sein d'une famille, dans une atmosphère de protection et de
sécurité. Cependant, à travers le monde, de 50 à 80
millions d'enfants vivent sans famille, dans la rue (Combier, 1994, p. 26).
Lorsqu'aux heures tardives les citadins des grandes métropoles se
pressent pour rentrer chez eux, ces enfants abandonnés, pour qui il n'y
a pas de foyers où ils puissent se rendre en toute
sécurité, sont obligés de dormir dans la rue, sous les
ponts, dans les allées et dans les maisons abandonnées.
Ils sont contraints de vivre dans la rue et de la rue. Dans
cette vie de rue, pour survivre quotidiennement, les gestes simples comme
manger, boire, se soigner et dormir deviennent complexes et incertains.
Au Nord comme au Sud, les situations sont relativement
comparables sauf en ce qui les conditions matérielles associées
à la vie de rue et aux facteurs explicatifs (Lucchini, 1996, p.
226-227). En Amérique du Nord, ce sont en général,
l'individualisme, la mauvaise redistribution des richesses,
l'inaccessibilité des loyers aux populations les plus démunies,
les violences physiques et psychologiques qui ont conduit de nombreux jeunes,
dans les rues, dans des familles d'accueil, dans des foyers ou refuges publics.
Ici, on parle beaucoup plus de jeunes de la rue (Parazelli, 2002,O'reilly,
1993) que d'enfants de la rue; car dans ces pays les enfants (mineurs)
abandonnés ou victimes de violence sont rapidement recueillis par les
organismes de protection des enfants et placés dans des institutions
(centres jeunesse ) ou en famille d'accueil toujours sous l'égide des
directions de protections de la jeunesse.
D'autre part, la notion de jeunes ou d'enfants de la rue est
socioculturelle et expliquerait, en partie, la différence des
expressions utilisées dans les recherches sur ce phénomène
de marginalisation urbaine. En effet, en Occident le statut d'enfance ou de
jeunesse est plus lié à l'âge chronologique et l'on fait
ainsi une nette distinction entre l'adolescent, l'enfant et le jeune (on parle
même de «jeune adulte »). Par contre, en Afrique un jeune peut
être considéré comme un enfant car la notion d'enfant ou de
jeune n'est pas liée au seul critère de l'âge, mais surtout
au statut social. Le terme jeune désigne lui-même souvent une
tranche d'âge relativement large, allant de l'adolescent à
l'adulte de 30 ans. Aussi, un jeune célibataire de 20 ou 25 ans au
chômage, toujours dépendant et n'ayant aucune charge sociale ne
peut êtredésignésuccessivement comme un enfant ou un jeune.
Les écrits africains sur la marginalité de cette tranche
d'âge témoignent de cette confusion et de l'utilisation
fréquente de l'expression «enfants de la rue» contrairement
aux recherches nord-américaines ou européennes (Arnaud,
2001;Combier, 1994; Ebigbo, 2003).
Cela ne signifie pas cependant qu'il n'y ait pas d'enfants
dans les rues de ces capitales nord-américaines (Boster, 1991, p. 173)
où l'on observe, en marge de l'abondance de certains, la misère
d'un nombre de plus en plus important de familles pauvres qui ont besoin d'une
aide de l'État (sous forme de sécurité sociale ou d'aide
sociale) pour survivre.
2.2 L'émergence du phénomène en
Afrique
En Afrique, les enfants de la rue représentent la
catégorie des sans-abris la plus visible dans les rues des grandes
villes et sont souvent sans ressources. C'est un phénomène
nouveau qui a pourtant pris des proportions inquiétantes sur le
continent.
Jusqu'à une période récente, plusieurs
sociétés africaines ne connaissaient pas ce
phénomène à cause de l'organisation et de la structure
sociale traditionnelle qui y prévalaient (Kuyu, cité par Tessier,
1998, p. 178). En effet, dans les fondements de la famille traditionnelle
africaine, les relations sociales étaient organisées selon un
modèle communautaire favorisant l'intégration sociale. L'individu
vivait dans un réseau de dépendance fort où la richesse se
mesurait au nombre de personnes qui vous entourent et non à la
quantité de biens matériels acquis. L'éducation des
enfants, dans cette société, était donc une affaire de
communauté et se faisait à travers les classes d'âge sous
l'autorité d'un chef religieux ou du patriarche. L'enfant ne se sentait
donc pas complètement orphelin ou désorienté à la
mort de ses parents ou lorsque ceux-ci n'arrivaient pas à satisfaire ses
besoins (affection, éducation, nourriture, etc.), car il y avait
toujours un toit dans la famille élargie pour recevoir l'orphelin ou
l'enfant laissé à lui-même ou encore l'enfant en fugue,
parti de lui-même pour cause de mauvais traitement. En outre, lorsque
l'enfant fuyait son domicile ou était abandonné, il ne se rendait
pas dans la rue mais plutôt chez un proche parent car dans ces
sociétés où les ménages sont rarement
limités au couple, l'enfant n'avait pas de père ou de mère
mais plutôt des pères et des mères et la prise en charge de
parents démunis ou de leurs enfants était une pratique courante.
Cependant, sous l'influence de plusieurs facteurs tels que la
désintégration de la famille, l'exode rural, l'explosion
démographique, la crise économique, on assiste à une
monétarisation généralisée de l'échange
social et à un processus de marginalisation sociale des enfants sur le
continent africain (Tessier 1998, p. 220).
2.3 Le phénomène des enfants et jeunes
des rues à Bamako
Au Mali, le phénomène des enfants et jeunes en
situation de rue prend de plus en plus de l'ampleur, surtout dans la ville de
Bamako, la capitale. Plusieurs facteurs sont évoqués pour
expliquer l'avènement nouveau. Les conséquences des politiques
d'ajustement structurel imposées par le Fonds Monétaire
International (FMI) aux pays en voie de développement, la
dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, la crise
alimentaire et économique qui sévit le pays depuis plusieurs
années, l'insuffisance de « filets » en termes de
protection sociale capable d'aider les familles démunies à
assurer une meilleure protection aux enfants, l'urbanisation galopante de la
ville de Bamako, conséquence d'une répartition inégale du
développement économique sur le territoire national, la
persistance de pratiques néfastes aux enfants et de multiples violations
de leur droits. Nous exposons ici, les propos recueillis auprès de
différentes sources sur les causes et l'évolution du
phénomène des enfants et jeunes des rues à Bamako.
R.S., chef de division accueil, écoute,
orientation au centre d'Accueil, d'Ecoute et d'Orientation pour Enfants.
« Depuis 1996 je suis dans le domaine de
l'enfance en difficulté. Je suis de très près les
différentes évolutions. Le phénomène est en train
de prendre une proportion très importante et inquiétante dans le
district de Bamako avec de nouvelles stratégies de survie sur le
terrain.
Nous pouvons dénombrer aujourd'hui en termes
d'enfants et jeunes en situation de rue tous les sexes confondus plus de
20 000 personnes.
Ce phénomène s'explique par la
démission des parents, la dislocation des structures de base, la
prolifération des écoles coraniques ou certains maitres
coraniques pour raison de gain envoient les enfants dans la rue. Un peu la
pauvreté derrière laquelle les gens se sont masqués
pour faire fi de leurs obligations. Sinon la pauvreté a toujours
existé mais les enfants des pauvres étaient bien
éduqués. Mais il faut reconnaitre également l'effet de la
mondialisation avec les nations qui ont aggravé la déperdition,
la dislocation de nos moeurs avec des divorces fréquentes et
également le poids de la tradition avec l'exploitation des enfants
jumeaux.
Ces enfants sont abandonnés, marginalisés,
stigmatisés parce que les gens les jugent mal sans pour autant
chercher à comprendre pourquoi ils sont dans cette situation. Chaque
enfant est un cas et en analysant profondément nous nous rendons compte
que toujours un adulte est à la base. Donc nous pouvons affirmer que ces
enfants sont victimes d'exclusion. Ils sont exclus de la société,
de la famille et des services sociaux de bases (santé, éducation,
justice...).
Selon la convention des droits des enfants chaque enfant a
droit à une famille, à la participation, aux loisirs. Nos enfants
qui sont dans la rue sont privés de tout cela ».
Dans l'explication des causes du phénomène des
enfants et jeunes des rues, cet éducateur expérimenté met
en exergue la démission des parents, la dislocation des structures de
bases, la prolifération des écoles coraniques. Ensuite il met
l'accent sur le fait que les enfants de la rue sont exclus des services sociaux
de bases et sont privés de leurs droits les plus fondamentaux qui sont
le droit à une famille, le droit à la participation, au
loisir...
Y.T., Coordinateur social
« Le phénomène enfant et jeune en
situation de rue est un phénomène lié à
l'urbanisation incontrôlée, présente dans toute la
sous-région, l'effritement de nos valeurs sociétales. Tout cela
concourt à la fragilisation des couches les plus vulnérables qui
sont les enfants et les femmes. Ces populations sont également victimes
d'une maltraitance physique ou de négligence au niveau des familles, qui
les poussent dans la rue. Il faut noter également la négligence
des parents qui n'ont plus de temps pour s'occuper de leurs enfants. Les
enfants sont laissés à eux-mêmes. Comme on le dit en
travail social « une violence modérée vaut mieux
qu'une négligence chez l'enfant ».
Je crois qu'il n'est pas évident de parler des
causes d'arrivée en rue mais plutôt les raisons du
départ.
Ce phénomène, je l'ai connu depuis
1982-1983. Mais cerner tout le contour du phénomène c'est en 2004
lors de mon stage au CEAO.
Aujourd'hui on peut dénombrer 3000 enfants et
jeunes en situation de rue à Bamako.
Il ressort de ce discours que le phénomène
enfants et jeunes de la rue est lié à l'urbanisation galopante et
incontrôlée de la ville de Bamako, l'effritement de nos valeurs
sociétales qui concourent à la fragilisation des couches les plus
vulnérables dont les enfants.
X.Y., Directeur du centre d'écoute communautaire
« Ce phénomène peut être
dû à plusieurs raisons : la pauvreté et la
misère dans les familles, les conflits familiaux, le divorce des
parents, le manque d'attention et de responsabilité des parents
vis-à-vis de ses enfants. Il y a aussi le gout de la vie en
liberté et l'inadéquation de la réponse des
centres.
Je n'ai aucune idée sur le nombre. Le
phénomène a commencé dans les quartiers
périphériques et s'étend à toute la ville
aujourd'hui. Il s'est amplifié à partir des années de
sècheresse et au moment de la conjoncture internationale. On peut
également évoquer le fanatisme et la méconnaissance de la
religion musulmane et la démission des parents expliquent le
phénomène, l'exploitation des enfants par les maîtres
coraniques, les violences familiales.
Ce responsable d'une structure communautaire de protection de
l'enfant met l'accent sur les difficultés des familles à subvenir
aux besoins matériels des enfants, les conflits intra familiaux, les
divorces des parents, le manque d'attention et de responsabilité
parentales vis-à-vis des enfants, l'inadéquation de la
réponse des centres qui sont des raisons de venue en rue de ses enfants.
Il cite également, les dérives de l'enseignement coranique parmi
les causes du phénomène.
D.D. Educateur Social
« Le phénomène enfants et jeunes
en situation de rue est plus que notoire à ce jour à Bamako. Il
est une conséquence des défaillances du système
éducatif. Ce phénomène est très ancien. J'estime la
population des enfants et jeunes des rues à plus de 2000 dans la ville
de Bamako. Au Mali, ce phénomène est dû d'une part
à la pauvreté mais aussi d'autre part au laxisme de tous les
acteurs intervenant dans l'éducation des enfants : les
autorités, les parents, l'Etat entre autre.
En plus de leur exclusion sociale, ces enfants sont
victimes de leur milieu d'évolution. Ils sont laissés à
eux-mêmes ».
Pour cet éducateur social, le phénomène
existe depuis longtemps, mais a pris ces dernières années des
proportions inquiétantes. Evoquant ses causes, il met l'accent sur la
pauvreté des familles, le laxisme des acteurs intervenant dans le
domaine de l'enfance.
A.D. éducatrice sociale
« C'est un phénomène qui touche
beaucoup de filles et garçons dans notre société. Il a
tendance à prendre de l'ampleur. Je pense que c'est un
phénomène social qu'on doit vite éradiquer. Les causes ou
les facteurs déterminants sont : la pauvreté, la
séparation des parents, le « confiage »,
l'adoption... ».
Pour cette éducatrice, l'ampleur du
phénomène interpelle tous les acteurs. Selon lui, les causes sont
liées à la pauvreté, la séparation des parents, le
« confiage » et l'adoption.
S.K. Administrateur de l'Action Sociale
« Ce phénomène s'explique par le
fait que les autorités publiques, les parents ont
démissionné devant leurs responsabilités. La
pauvreté et le manque d'éducation sont les causes principales de
ce phénomène. Depuis des années, nous avons
constaté ce phénomène. Aujourd'hui il est en train de
prendre de l'ampleur dans notre pays plus particulièrement à
Bamako ».
Dans son discours, cet intervenant désigne les
pouvoirs publics et les parents comme étant à l'origine du
phénomène des enfants et jeunes des rues. L'incapacité des
familles et des pouvoirs publics à assurer une bonne éducation
aux enfants seraient les principales causes de ce phénomène.
Y.C. Educateur social
« Ce phénomène devient de plus en
plus inquiétant. Aujourd'hui, nous constatons une augmentation du nombre
d'enfant de la rue. Malgré l'intervention des ONG le nombre s'accroit
du jour en jour.Dans tous les gares routiers, dans les marchés publics,
nous constatons un nombre incalculable des enfants et jeunes de la rue. C'est
très difficile de donner une estimation à ce
phénomène.
L'Etat n'arrive plus à prendre des initiatives pour
éradiquer le phénomène. Le phénomène est
surtout dû à la pauvreté, la perte de l'autorité
parentale.
Cet éducateur explique le phénomène par
la pauvreté et la perte de l'autorité parentale et estime que
ces enfants manquent de socialisation d'où leur l'exclusion sociale.
F.S. Administrateur de l'Action Sociale
« Le phénomène enfants et jeunes
en situation de rue est causé par la délinquance juvénile
et la prostitution.Depuis longtemps nous, nous avons constaté ce
phénomène qui prend de l'ampleur si toute fois les
autorités ne prennent des mesures conséquentes.
L'extrême pauvreté des familles et la
méconnaissance de droit de l'enfant expliquent en grande partie
l'ampleur de ce phénomène ».
Cet administrateur de l'action sociale constate que ce
phénomène s'aggrave petit à petit dans la ville de Bamako.
Il pointe le doigt sur l'extrême pauvreté et la
méconnaissance de droit des enfants comme étant des causes de ce
phénomène.
M .D. Educatrice sociale
« J'ai constaté ce
phénomène dans la ville de Bamako il y a de cela 15 ans. Ce
phénomène peut s'expliquer par l'explosion démographique,
la pauvreté, l'effritement des liens sociaux, la forte urbanisation,
l'abandon de nos coutumes »
Dans son discours, notre éducatrice dit avoir
constaté le phénomène depuis à Bamako depuis 15 ans
et que l'explosion démographique, la pauvreté, l'effritement des
liens sociaux, la forte urbanisation et l'abandon de nos moeurs sont autant des
facteurs explicatifs de ce phénomène.
Y.S. Travailleur social
« Le phénomène enfant et jeune en
situation de rue est un problème d'urbanisation car il y a beaucoup des
enfants qui quittent leur village pour venir quémander à
Bamako.
Les causes sont entre autre la pauvreté, la
maltraitance, le décès d'un ou de deux parents, le mariage
forcé, les grossesses non désirées et la négligence
des parents.
Il ressort dans ce discours que l'urbanisation est l'un des
facteurs explicatifs du phénomène des enfants et jeunes des rues.
I.S. Educateur Social
« Lorsque les parents sont pauvres et avec une
grande famille à nourrir, les enfants vont dans la rue pour chercher du
travail, de l'argent pour satisfaire leurs besoins personnels et aider la
famille ». « Les disputes multiples des parents », « le
décès» d'un ou des deux parents, « la polygamie »,
« les mauvaises fréquentations» ou « l'influence des
pairs sont autant les raison de ce phénomène »
Il ressort dans ce discours que la situation économique
et sociale difficile des familles peut pousser les enfants dans la rue.
M.K. Educateur Social
« Les enfants et jeunes en situation de rue sont
très vulnérables car ils sont soumis à la cruauté
de certaines personnes. Certains sont forcés à se prostituer pour
assurer leur survie quotidienne. Nous estimons donc que la rue est mauvaise;
elle constitue un milieu dangereux pour le développement de l'enfant.
Nous devons tout mettre en oeuvre pour ce fléau ».
Dans ce discours nous remarquons que la rue constitue un
milieu dangereux pour le développent de l'enfant.
S.D.T. Maitresse principale, éducatrice
sociale,
« Le Mali est un pays de solidarité et de
dignité. Il est inconcevable de voir les enfants de ce pays dans une
situation de rupture familiale. Je ne peux faire une estimation de leur nombre
dans la mesure où chaque jour de nouveaux enfants s'ajoutent à
eux. Ce phénomène peut s'expliquer par le manque
d'éducation au sein de nos familles, la mauvaise fréquentation et
l'accroissement démographique »
Il ressort de ce discours que le manque d'éducation
familiale, la mauvaise fréquentation et l'accroissement
démographique seraient les facteurs explicatifs du
phénomène.
O.C. Administrateur de l'Action Sociale,
« Mon appréciation est que cela donne une
mauvaise image du pays tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur.
La présence d'un tel phénomène
dénote d'une situation de paupérisation générale,
de précarité, de manque d'autorité parentale,
l'analphabétisme, le manque d'éducation et d'instruction des
parents et de l'effritement des relations sociales qui avait fait la gloire de
ce pays.
J'ai constaté ce phénomène depuis
fort longtemps mais la situation est telle aujourd'hui que même l'Etat ne
peut rien. Quant au nombre, je n'ai aucune idée sur leur nombre».
Dans cette intervention, nous retenons essentiellement que le
phénomène de l'exclusion sociale des enfants et jeunes de la rue
peut s'expliquer par la précarité, le manque d'autorité
parentale, l'analphabétisme, le manque d'éducation et
d'instruction des parents ainsi que l'effritement de nos valeurs
sociétale.
M.D.Éducateur sociale
« Force est de mettre en cause la
responsabilité des parents, les enfants ne tombent pas du ciel. Pour
certains parents c'est l'irresponsabilité vis-à-vis de leur
devoir, pour d'autre c'est la pauvreté. La polygamie est aussi l'une des
causes. Ce phénomène est un facteur pouvant souligner
l'irresponsabilité des parents dans les ménages.
Mon constat date de ces quelques dernières
années, son ampleur augmente beaucoup aujourd'hui par rapport aux cinq
dernières années».
Cet intervenant pense que l'irresponsabilité des
parents et la polygamie sont les facteurs explicatifs de ce
phénomène
A.S. Educateur social au Samusocial Mali
« Le phénomène de l'exclusion
sociale des enfants et jeunes en situation de rue a pris de l'ampleur dans
notre capitale. C'est un phénomène négligé par bon
nombre de population.
Lutter contre ce phénomène diminuerait peut
être le vol, la délinquance, la prostitution, la drogue, l'alcool
et tous ceux qui s'en suivent. Ce serait une forme d'assainissement des rues de
la capitale de Bamako
Toutes les villes connaissent cette évolution et
plus elles grandissent plus l'individualisme s'accroit et l'exclusion s'en
suit.
Ce phénomène a commencé il ya
longtemps et s'est accentué avec l'avènement de la
démocratie, au mali surtout vers 1994 jusqu'à 2002.
Sauf enquête ou recensement sinon cette population
est inestimable.
D'une part l'ampleur de ce phénomène
s'explique par l'accroissement de la population, la pauvreté, le manque
d'emploi, d'autre part, par l'individualisme, le manque de
solidarité ».
Il ressort de ce discours que la lutte contre le
phénomène des enfants et jeunes en situation de rue mettrait un
frein sur la délinquance, la prostitution et l'alcoolisme. Selon
l'auteur l'accroissement de la population, la pauvreté, le
chômage, la montée de l'individualisme seraient les facteurs
explicatifs de ce phénomène.
Au-delà des professionnels du secteur de la protection
de l'enfant, nous nous sommes intéressés aux discours des enfants
et jeunes en situation de rue pour comprendre d'avantage leurs raisons de
départ des familles. Les conflits intrafamiliaux, les violences
physiques et psychologiques subies chez les parents, tuteurs, maîtres
coraniques ou employeurs, les raisons économiques, l'influence des
camarades déjà en situation de rue, ressortent des discours des
enfants comme principales raisons d'arrivée en rue pour de nombreux
enfants et jeunes en rupture avec la famille.
S.D. 12 ans,
« J'ai quitté Sikasso il
Ya de cela 2mois. Quand je suis venu à Bamako je vendais de l'eau
glacée pour une dame qui me frappait et insultait tout le temps. Un jour
un ami est venu me chercher pour que je sois son «nenfani »
c'est ainsi que j'ai décidé de l'accompagner dans la
rue.Arrivée dans la rue, je faisais de la mendicité pour subvenir
à mes besoins ».
Cet enfant visiblement arrivé à Bamako pour
raison économique est ensuite maltraité par son employeur. La
fréquentation et l'influence des enfants et jeunes en situation de rue
vont l'entrainer par la suite dans la rue.
C.D. 14ans,originaire de Mopti, 6 mois dans la rue :
« Mes parents m'ont confié à un
maitre coranique pour l'apprentissage du coran. Ce dernier me maltraitait
beaucoup. C'est ainsi que j'ai fugué de chez lui. Je suis venu à
Bamako avec mon ami qui faisait de l'apprenti sotrama qui à son tour m'a
initié ».
Il ressort de ce discours que cet enfant est venu dans la rue
suite aux maltraitances de son maître coranique.
S.K.14 ans, nouvellement arrivé dans la
rue
« J'ai quitté Sikasso pour venir chercher
mon frère ici à Bamako. Une fois venue je n'ai plus vu mon
frère et je suis resté dans la rue. Je vis de la
mendicité ».
I.T.16 ans, originaire de Kati, 3 mois dans la rue
« Mon frère a
fugué suite aux violences de notre père. Je suis venu à sa
recherche ici à Bamako. Je travaillais dans une salle de jeu au compte
d'un ami, jusqu'au jour où j'ai rencontré le Samusocial à
qui j'ai demandé une orientation dans un centre. C'est ainsi que je me
suis retrouvé ici à kanuya. Je ne compte pas retourner à
la maison maintenant, car j'ai promis à ma mère de l'argent
à mon retour »
Ce garçon, tout comme le précédent, est
arrivé à Bamako à la recherche de son frère. Au
cours de cette recherche la rencontre avec d'autres enfants et jeunes en
situation de rue va l'entrainer dans la rue. Mais nous constatons chez ce
garçon, qu'une motivation économique se cache dernière la
raison de son départ de la maison pour venir chercher son frère.
C.M. 15 ans,originaire de Sikasso, 3 moisdans la
rue
« Mon frère me
maltraitait à la maison. Il me frappait et me grondait tout le temps.
C'est la raison pour laquelle je suis venu en rue. Arrivé ici, je fais
le porteur pour avoir de l'argent mais les ainés me retirent
tout ».
Cet enfant s'est retrouvé dans la rue suite à la
violence physique et verbale qu'il subissait de la part de son frère.
S.S.14 ans, 2 ans dans la rue
« En famille à Sikasso, on me faisait
vendre de l'eau glacée et on me frappait permanemment. C'est pourquoi je
suis venu à Bamako. J'étais dans la rue et vivais de la
mendicité. Samusocial passait fréquemment pour nous donner des
bouillies et nous soigner. C'est ainsi qu'ils m'ont proposé une
orientation àKanuya. Maintenant Je suis en train de faire une formation
en menuiserie métallique. Je ne souhaite pas retourner à la
maison maintenant parce qu'on continuera de me
maltraite ».
Cet enfant évoque come raison de son départ de
la maison, la violence et l'exploitation économique.
B. T.16 ans, originaire de Koulikoro, 2 ans dans la
rue :
« Quand j'étais très
petit mes parents m'ont confié à un maître coranique. Ce
dernier aussi m'a envoyé chez un autre maître coranique à
Bamako (...). Chez le maître j'étais avec d'autres enfants plus
grands que moi. Nous devions tous aller mendier et chaque enfant devait
retourner avec le montant fixé par le maître ; chaque petit
était sous la responsabilité d'un autre enfant plus grand.
Après chaque tournée de mendicité, mon responsable
exigeait que je lui remette mon gain pour qu'il le remette lui-même au
maître. En réalité, il ne remettait qu'une partie du
montant au maître. Ce dernier trouvait que c'était peu et il me
punissait et me frappait. Après je me faisais encore battre par mon
responsable qui craignait que je ne dise la vérité au
maître. Fatigué d'être battu et de toujours mendier pour les
autres, j'ai préféré fuir de chez le maître.
Arrivée dans la rue je fais la mendicité pour avoir à
manger ».
Cet enfant est également venu dans la rue suite aux
violences subies chez le maître coranique.
H.K.11ans, originaire de Sikasso, 1 an dans la rue :
« J'ai quitté de chez
moi pour venir chercher de l'argent. Je ne retournerai que lorsque j'aurais de
l'argent. Dans la rue je vis de la
mendicité».
Le motif économique est la principale raison de
départ de cet enfant de la famille.
CHAPITRE III : LES DOMAINES D'EXCLUSION SOCIALE
DES ENFANTS ET JEUNES EN SITUATION DE RUEA BAMAKO
Dr Xavier Emmanuelli définitune personne en situation
d'exclusion comme étant une victime qui se trouve
« en dehors du regard des autres, mais également
en dehors des institutions », ayant perdu, en
vivant dans la simple survie, les codes de la vie en collectivité :
perte des liens familiaux, sociétaux, perte du code du temps, de
l'espace et du corps, souvent accentuées par l'addiction à des
substances toxiques (alcool, drogues, ...) pour laisser place au seul
impératif de survie.
Selon
l'avis des professionnels de la protection de l'enfant et d'autres acteurs que
nous avons rencontrés au cours de nos enquêtes, la rupture avec
la famille et la vie en rue privent les enfants et jeunes de leurs droits
fondamentaux et les exclus de l'accès aux services sociaux de base,
notamment, l'éducation, la santé, la protection, la justice.
Visiblement, l'exclusion de l'éducation familiale, de
l'éducation scolaire et du processus global de la socialisation est la
première conséquence pour les enfants de la rupture avec la
famille et la vie en rue citée par nos enquêtés. Elle est
évoquée par l'ensemble des quinze personnes interrogées
sur la question.
Un autre domaine d'exclusion des enfants et jeunes en
situation de rue fréquemment évoqué est la santé.
Selon nos sources d'information, l'une des difficultés
rencontrées par ces populations est l'accès aux soins
médicaux, en raison des contraintes économiques, de la
stigmatisation dont elles font objet au niveau des services de santé, et
du fait qu'à un moment donnée ces populations ne sont plus en
capacité d'aller vers les services pour solliciter de l'aide, car elles
s'auto-exclues de ces services, en raison de leur exclusion sociale. Sur quinze
personnes enquêtées, treize ont évoqué la
santé comme domaine d'exclusion pour les enfants et jeunes des rues.
La privation de la protection comme conséquence de la
rupture avec la famille revient régulièrement dans les discours
de nos informateurs. Elle expose ces enfants aux risques sanitaires, aux
violences physiques, à des pratiques néfastes pour l'enfant,
telles que la prostitution, la consommation des toxiques, l'exploitation
économique et sexuelle, et de nombreuses autres formes de violences et
d'abus. Cinq personnes sur quinze ont évoqué la protection comme
domaine d'exclusion pour les enfants et jeunes en situation de rue.
L'exclusion de la justice, et l'incapacité de faire
recours aux services judiciaires est aussi une contrainte pour les enfants et
jeunes vivant en situation de rue. Ces populations ne sont plus en
capacité de réclamer leur droit en cas d'injustice et de
violation de leurs droits. En raison de leur exclusion sociale, ces population
à un moment donné ne se considèrent comme des sujets de
droits et subissent de nombreuses formes de violences et d'abus. Cinq des
personnes enquêtes ont cité la justice comme un domaine
d'exclusion pour les enfants et jeunes des rues.
D'autres domaines d'exclusion sociale pour les enfants et
jeunes des rues sont ressortis lors des entretiens avec les professionnels de
la protection et d'autres acteurs rencontrés. Le non-accès
à une alimentation régulière, à un logement
sécurisé, l'exclusion de la participation à la vie
économique et sociale, aux espaces de loisir et de sport, sont
évoqués comme étant des domaines d'exclusion pour les
enfants et jeunes en situation de rue.
Le tableau ci-dessous résume la fréquence des
différents domaines d'exclusion selon notre enquête.
Tableau n°2 : Domaines d'exclusion
sociale des enfants et jeunes en situation de rue
Domaines d'exclusion
|
Fréquence
|
%
|
Education
|
15
|
100
|
Santé
|
13
|
87
|
Protection
|
5
|
34
|
Justice
|
5
|
34
|
Participation à la vie économique et sociale
|
5
|
34
|
Logement
|
4
|
27
|
Nourriture
|
2
|
14
|
Loisirs et sport
|
1
|
7
|
Source : Enquêtes
personnelles
Selon les résultats d'un diagnostic6(*) sur la situation des enfants et
jeunes en situation difficile, quatre principaux domaines d'exclusion sociale
des enfants et jeunes en situation de rue ont été
recensés. Ils concernent (i) la santé, (ii) l'éducation,
(iii) la protection, (iiii) la participation à la vie économique
et sociale. Dans chaque domaine, des problématiques spécifiques
ont été dégagées en termes de sous domaines.
- (i) domaine santé : santé physique,
santé mentale et psychologique, santé sexuelle et
reproductive.
- (ii) domaine éducation : éducation familiale
et socialisation, scolarisation, formation professionnelle.
- (iii) domaine protection : protection contre les violences
physiques et sexuelles, Etat civil et protection juridique.
- (iiii) domaine vie économique et sociale : travail et
emploi, vie associative et politique, culture, sport.
3.1. Domaine de la santé
3.1.1 Santé physique : Dans le
sous-domaine de la santé physique, trois besoins essentiels ont
été dégagés : besoin de protection contre les
risques sanitaires (risque infectieux, risque épidémique), besoin
en éducation pour la santé, besoin de prise en charge en soins
(soins médicaux préventifs, curatifs et de
réadaptation).
3.1.2 Santé mentale : Dans le
sous-domaine de la santé mentale, trois besoins ont été
priorisés : un besoin général d'écoute pour
tous les enfants et jeunes de la rue, d'où la nécessité de
conduire les entretiens individuels, un besoin général
d'information et d'éducation à la protection contre les
phénomènes de violence en rue et enfin, un besoin de prise en
charge psychologique spécialisée pour les enfants
présentant des troubles psychologiques importants.
3.1.3 Santé sexuelle et
reproductive : Dans ce sous-domaine, on considère les
trois priorités suivantes : besoin d'information et
d'éducation (IEC) sur la santé sexuelle et reproductive, besoin
d'accompagnement médical (vers le soin préventif comme les
consultations prénatales par exemple, ou vers le soin curatif ou
promotionnel) et besoin spécifique des enfants et jeunes de la rue en
matière de dépistage et de prise en charge des IST et du
VIH/SIDA.
3.2Domaine de l'éducation et formation
3.2.1 Education familiale et
socialisation : Dans ce sous-domaine, nous considérons que
le besoin d'affection, le besoin de connaissance des valeurs sociétales,
le maintien d'un lien familial et l'accès à l'information en
général sont des besoins fondamentaux.
3.2.2 Scolarisation, alphabétisation, prise en
charge pédagogique :Dans ce sous-domaine, il nous est
apparu que la scolarisation et la réinsertion scolaire,
l'alphabétisation et enfin le suivi scolaire sont les trois besoins
prioritaire
3.2.3 Apprentissage et formation
professionnelle :La formation et l'apprentissage d'un
métier, la dotation en équipements pour permettre une
installation, l'insertion professionnelle et le suivi des jeunes placés
en apprentissage et/ou en formation constituent les axes prioritaires de ce
sous-domaine.
3.3Domaine de la protection
3.3.1 Protection contre les violences
physiques :Les besoins fondamentaux portent sur la
sensibilisation des enfants (aux risques d'exploitation sexuelle,
d'exploitation par le travail et de violences), l'accès à un
hébergement (tout d'abord à un hébergement d'urgence, puis
à un hébergement stable et durable et à un logement
autonome) et enfin sur la médiation familiale et le renouement des liens
familiaux.
3.3.2 Etat civil : L'accès
à des pièces d'état civil et notamment
l'établissement d'actes de naissance sont à considérer
comme des droits fondamentaux.
3.3.3 Protection juridique : Les enfants
et jeunes de la rue ont droit à des mesures judiciaires de protection
s'ils sont en danger. Ils ont également droit au respect des
procédures judiciaires s'ils sont en conflit avec la loi et notamment
à l'assistance d'un avocat. Enfin, ils ont droit à
réparation s'ils sont victimes et les auteurs d'agressions, notamment
sexuelles, envers des enfants, doivent être poursuivis.
3.4 Domaine de la vie économique et sociale
3.4.1 Travail et emploi : dans ce
sous-domaine, l'accès au travail et à l'emploi, la formation
continue et le développement d'activités
génératrices de revenus pour ces enfants sont
considérés comme des besoins prioritaires.
3.4.2 Vie associative et politique :
dans ce sous-domaine, la formation et l'éducation à la
citoyenneté de tous les enfants et jeunes de la rue et leur association
à la prise de décision dans les politiques publiques les
concernant sont également des priorités.
3.4.3 Culture, sports et loisirs :
l'accès aux espaces de sports et de loisirs, la création et
l'expression artistique, l'éducation physique, sportive et culturelle
sont des besoins fondamentaux pour la population des enfants et jeunes de la
rue.
TROISIEME PARTIE
LE SAMUSOCIAL MALI : UN DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE
L'EXCLUSION SOCIALE DES ENFANTS ET JEUNES DES RUES A BAMAKO
Pages
CHAPITRE I:Présentation du
samusocial
mali...............................................................44
CHAPITRE II : Les
interventions du samusocial mali dans la lutte contre l'exclusion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue à
Bamako...............................................................46
CHAPITRE I: PRESENTATION DU
SAMUSOCIAL MALI
1.1Historique du Samusocial Mali
Une mission exploratoire menée par le Dr Xavier
Emmanuelli, Président fondateur du Samusocial International, en mai
2000, a posé les jalons d'une collaboration officielle entre le
Samusocial International et le Ministère de la Promotion de la femme, de
l'enfant et de la famille.
En mars 2001 le Samusocial Mali fut créé sous la
forme d'association malienne et obtient le statut d'ONG malienne en vertu de
l'accord signé avec le Gouvernement de la République du Mali sous
le récépissé n° 0338 / MATCL- DNI du 14 mai 2001,
modifié le 15 avril 2008 sous le numéro n°0436/001594.La
première maraude a été effectuée en octobre
2001.
Le Samusocial Mali est placé sous la tutelle technique
du Ministère de la Femme de l'Enfant et de la Famille.
Son action a évolué avec le temps, s'est
progressivement perfectionnée et affinée avec la formation
continue des équipes et de ses partenaires opérationnels. Le
Samusocial Mali prend en compte des problèmes spécifiques
à chaque genre avec la création en 2004 d'une équipe
« jeunes filles de la rue ».
1.2 Objectifs et mission du
Samusocial Mali
Le Samusocial, Service d'Aide Mobile d'Urgence Sociale, a pour
vocation d'intervenir auprès des personnes vivant en situation
d'exclusion sociale et de marginalisation, particulièrement dans les
grandes villes où les repères et les solidarités
communautaires traditionnelles sont profondément altérés.
Au Mali, le Samusocial a pour objectif fondamental d'intervenir auprès
des enfants et les jeunes en situation de rue à Bamako, une population
extrêmement vulnérable.
Le programme du Samusocial Mali a été
conçu pour répondre à la détresse quotidienne et
lutter contre l'exclusion sociale des enfants de la rue, c'est-à-dire
les garçons et filles de 0 à 18 ans, et parfois au-delà de
cet âge « légal », spécialement pour
les jeunes filles/jeunes mères en rue, qui vivent et dorment dans les
rues de Bamako. L'équipe apporte une assistance médicale,
psychosociale et éducative à ces enfants et jeunes sur leur lieu
de vie, grâce à une intervention d'urgence de nuit,
complétée par un suivi en journée, à travers les
prises en charge aussi bien médicales que psychosociales à
l'appui notamment, d'orientations vers un réseau de structures
partenaires spécialisées.
La mission des équipes du Samusocial Mali est
d'identifier les pathologies physiques et les traumatismes psychologiques des
enfants rencontrés en rue, afin d'y apporter une réponse
adaptée. Il s'agit, aussi, de rétablir une relation de confiance
entre l'enfant et le monde des adultes. Ce lien social renoué permet
ensuite d'envisager un travail avec la famille de l'enfant, et
l'élaboration d'un projet de sortie de rue personnalisé.
1.3 Méthode
d'intervention du Samusocial Mali
Le Samusocial Mali travaille en priorité avec l'enfant
en danger ou en détresse psychologique dans la rue, dans le cadre d'une
approche clinique et psychosociale. Il s'agit de le mettre à l'abri des
dangers qui l'environnent, avant d'envisager, avec lui, un possible sorti de la
rue. En d'autres termes, soigner les blessures physiques et psychiques de
l'enfant, par le soin corporel, l'écoute et la parole, pour qu'il puisse
restaurer une image positive de lui-même et se sente capable
d'élaborer un projet personnel.
L'intervention du Samusocial Mali repose sur une approche
mobile auprès des enfants et des jeunes de la rue, au moyen de
tournées nocturnes quotidiennes appelées « maraudes ».
Les équipes vont à la rencontre des enfants et jeunes de la rue,
sur une quinzaine de sites identifiés dans la ville de Bamako. Deux
tournées dans la semaine, effectuées par une équipe
féminine, sont spécifiquement dédiées aux jeunes
filles de la rue.
Le jour, les mêmes équipes effectuent le suivi
des enfants nécessitant une prise en charge particulière,
médicale, psychologique et sociale ainsi que les démarches autour
de l'identification des nouveaux enfants, de resocialisation des enfants et des
jeunes, du renouement des liens familiaux et sociaux et des interventions de
médiation familiale. Dans ce cadre, les équipes effectuent des
visites à domicile ou des entretiens avec des tiers, identifiés
comme un relais possible pour ces enfants. Lorsqu'un retour en famille est
envisageable, il s'agit encore de préparer ce retour, tant du
côté de l'enfant que du côté de la famille, ou encore
d'assurer un suivi des enfants retournés en famille.
CHAPITRE II : LES
INTERVENTIONS DU SAMUSOCIAL MALI DANS LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION SOCIALE DES
ENFANTS ET JEUNES EN SITUATION DE RUE A BAMAKO
Les interventions du Samusocial Mali auprès des enfants
et jeunes en situation de rue couvrent deux principaux domaines. Ils'agit du
domaine médicalet du domaine psychosocial.
2.1 La prise en charge médicale des enfants et
jeunes en situation de rue
Le soin médical occupe une place importante dans les
activités du Samusocial Mali auprès des enfants et jeunes en
situation de rue. Ces populations sont exposées à
d'énormes risques sanitaires et vulnérables à plusieurs
maladies. L'offre de soins médicaux occupe de ce fait une place
prépondérante dans la réponse à la détresse
quotidienne de ces enfants. Il faut toutefois préciser que le soin
médical représente une sorte de porte d'entrée, un moyen
rapide de nouer le contact avec l'enfant en besoin d'un soulagement
physiologique pour ensuite gagner sa confiance permettant un suivi psychosocial
sur la longue durée.
Par ailleurs, la prise en charge médicale comprend
d'une part, les soins ambulatoires en rue ou en centre social et d'autre part,
les orientations médicales en hospitalisation ainsi que les
accompagnements des enfants vers des soins spécialisés.
2.1.1 Les soins médicaux en ambulatoire
Selon les informations recueillies à travers les
rapports d'activités annuels du Samusocial Mali, chaque année des
centaines de soins sont assurés directement aux enfants par les
soignants du Samusocial au cours des maraudes ou dans les centres partenaires.
Ainsi au cours des trois dernières années, 3315
soins ambulatoires ont été procurés par les équipes
médicales du Samusocial Mali en rue, principalement lors des maraudes de
nuit, ou en centres. Ils ont concerné les garçons dans 68% des
cas (2246 soins sur 3315), les jeunes filles dans 22% des cas (732 soins sur
3315) et les bébés/enfants de moins de 5 ans dans 10% des cas
(337 soins sur 3315). Cette répartition peut être illustrée
par le graphique ci-contre.
Graphique 1 : Soins ambulatoires
de 2012 à 2014
A la lumière de cette graphique, nous constatons que
les soinsen ambulatoire sont procurés majoritairement aux
garçons. Cela s'explique par le nombre plus important de garçons
dans la rue par rapport aux filles. Il faut noter également que les
maraudes filles sont moins outillées pour les soins. Elles proposent
plutôt des référencements.
2.1.2. Les soins médicaux en hospitalisation et
accompagnements
Lorsque la prise en charge médicale ne peut pas se
faire en ambulatoire, les équipes du Samusocial Mali proposent aux
enfants et jeunes nécessiteux une orientation vers les structures
sanitaires pour une prise en charge médicale adéquate. C'est
ainsi que certains enfants et jeunes sont hospitalisés dans les
structures médicales partenaires et d'autres bénéficient
d'un accompagnement pour un soin médical intensif, un examen
complémentaire ou bilan médical.
Dans le cadre des hospitalisons, de 2012 à 2014, ce sont
au total 203 hospitalisations qui ont été effectuées.
Pour les accompagnements médicaux, au total 526 ont
été réalisées au cours des trois dernières
années.
2.1.3 Les autres activités médicales
Le Samusocial Mali participe régulièrement
à des actions de santé publique d'envergure nationale, telles que
les campagnes de vaccination, de déparasitage systématique ou de
prévention.
En 2013, une campagne de distribution de moustiquaires
imprégnées a été effectuée dans le cadre de
la prévention du paludisme. 200 moustiquaires ont été
ainsi distribuées sur les sites où dorment les enfants, jeunes
filles et nourrissons, et dans les centres d'hébergement partenaires,
grâce à un don de la Fondation Orange Mali.
Dans le cadre de la prévention des IST et du VIH Sida
chez les enfants et jeunes des rues, des préservatifs
sontdistribués lors des maraudes aux jeunes garçons et filles.
En 2014, une campagne de distribution de prazigantel a
été effectuée dans le cadre de la lutte contre la
bilharziose chez les enfants et jeunes de la rue. La campagne a touché
environ 300 enfants.
Dans le cadre de l'épidémie de la maladie
à virus Ebola, le Samusocial Mali a été très actif
dans la sensibilisation des enfants et jeunes face à cette
épidémie.
2.1.4. L'impact des soins médicaux dans la lutte
contre l'exclusion sociale des enfants et jeunes des rues
LeSamusocial Mali représente aux yeux de nombreux
enfants et jeunes en situation de rue le seul recours pour le soin
médical. Le Samusocial Mali est surtout connu par les enfants et jeunes
des rues pour ses interventions dans le cadre de la prise en charge sanitaire
de ces populations. Pour mieux appréhender l'importance pour les enfants
et jeunes des rues de l'activité médicale du Samusocial Mali,
écoutons quelques discours des enfants, du personnel du Samusocial et
des professionnels d'autres structures de protection de l'enfant.
A.T. enfant de la rue
« J'ai 16 ans et je suis originaire de Sikasso.
Je suis dans la rue il y a de cela 4 mois. J'ai connu le Samusocial à
travers le soin médical qu'il m'a apporté. J'avais une plaie qui
me fatiguait beaucoup. Un jour ils sont venus avec leur voiture et m'ont
demandé de rentrer dans la voiture. C'est ainsi que je recevais tout le
temps le pansement jusqu'à ce que je sois guéri. Vraiment
j'apprécie beaucoup le Samusocial. Ils sont très gentils avec
nous ».
O.B. fille de la rue
« J'ai 17 ans je viens de Koulikoro. Je suis
dans la rue depuis 6 mois. J'ai connu le Samusocial à travers ces
interventions quotidiennes. Il nous apporte non seulement de la bouillie mais
nous soigne lorsqu'on est malade. Il nous distribue des préservatifs et
nous donne beaucoup de conseils par rapport à notre santé
physique. Vraiment je dirai que notre seul parent c'est
Samusocial».
Dans ce discours nous remarquons que grâce à
l'intervention médicale, cet enfant arrive jusqu'à affirmer que
son seul parent c'est Samusocial. N'est-ce pas là une confiance
établie ?
H.K. jeune-mère,
« Je suis de Sikasso. J'ai 17 ans. Je suis
maintenant à la communauté catholique des béatitudes avec
mon Bébé. Le Samusocial passe ici fréquemment pour nous
apporter des soins. Les causeries que nous faisons avec l'infirmière du
Samusocial nous permettent de prendre soins de nous et de nos
bébés. Il nous apporte aussi des médicaments quand on
tombe malade .Vraiment nous ne savons pas comment les
remercier »
A travers ces témoignages, les enfants et jeunes des
rues, filles et garçons soulignent l'importance des soins
médicaux procurés par les soignants du Samusocial Mali. Pour
nombreux enfants et jeunes en situation de rue, le Samusocial Mali est la
possibilité d'accéder aux soins lorsqu'ils sont malades.
Les propos des professionnels du Samusocial Mali et d'autres
structures de protection de l'enfant aident également à mieux
comprendre l'impact des activités médicales du Samusocial sur les
enfants et jeunes en situation de rue.
Y.T.Coordinateur social
« Le soin médical est, en outre,
conçu à la fois comme une préservation de la santé
physique et comme un moyen visant à permettre aux enfants et jeunes de
la rue de reprendre confiance en eux en réapprenant à prendre
soin d'eux. Compte tenu de l'impact de la vie dans la rue sur le rapport au
corps, le soin médical permet un soin du corps. Une personne qui ne sait
pas ou plus prendre soin d'elle, ne pourra que difficilement être
soignée »
Nous retenons dans ce discours que le soin médical
permet aux enfant et jeunes en situation de rue de reprendre confiance en
eux.
Y.T. coordinateur médicale du Samusocial
Mali
« Le soin médical est souvent une
« porte d'entrée » de la relation avec les enfants
et jeunes de la rue. Il crée un lien immédiat, concret, qui
permet de poser les bases d'une relation de confiance indispensable à la
co-construction de la relation d'aide.
Ainsi le rôle du médecin ou de l'infirmier
s'inscrit ainsi tout autant dans la prise en charge médicale que dans
l'accompagnement psychologique et éducatif ».
Il ressort dans ce discours que la prise en charge
médicale est la porte d'entrée des interventions du Samusocial
car ça permet à l'équipe de gagner la confiance des
enfants et lui assurer un accompagnement psychosocial dans la durée.
A. D. Infirmière auSamusocial Mali :
« La prise en charge médicale est
indispensable dans l'accompagnement des enfants et jeunes de la rue,
exposés aux pathologies liées aux conditions de vie dans la rue
(principalement maladies de peau, parasitoses, plaies diverses, pneumopathies,
infections gastriques, traumatologie, et selon les pays, paludisme), aux
risques de violences physiques et /ou sexuelles et aux conduites à
risque (blessures, IST et VIH/SIDA, toxicomanie).Les adolescentes et les jeunes
femmes sont particulièrement vulnérables en terme de santé
reproductive (grossesses non désirées avec les dangers
afférents de tentatives d'avortement non médicalisé). La
santé maternelle et infantile constitue une préoccupation
essentielle dans la prise en charge des jeunes mères compte tenu des
conditions d'extrême précarité sociale et, souvent, de
détresse post partum ».
Il ressort de ce discours que compte tenu des conditions de
vie difficile des enfants et jeunes en situation de rue, la prise en charge
médicale est indispensable dans l'intervention du Samusocial
Mali.
A.S.éducateur social au Samusocial Mali
« Le soin est une façon pour s'approcher
d'eux, une porte d'entrée médicale vers une trajectoire humaine.
Les professionnels s'appliquent alors à leur faire perdre leurs codes de
la rue et regagner ceux de la société. Leur faire accepter des
horaires, une autorité, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il
faut du temps, de l'expérience : c'est un métier. Et c'est au
sortir de cette urgence sociale, qu'on pourra accompagner ces enfants, au
côté de nos partenaires, vers un projet de sortie de rue :
l'alphabétisation, l'école, l'apprentissage d'un métier ou
le renouement familial. »
Il ressort de ce discours que le soin médical est la
porte d'entrée, le point de départ des activités du
Samusocial Mali.
Au-delà des soins procurés aux enfants et jeunes
des rues, le Samusocial Mali s'investit beaucoup dans l'inclusion de ces
populations dans la couverture médicale nationale, en facilitant leur
accès aux soins dans les structures de santé publiques. Il
intervient dans le cadre de la sensibilisation et de la formation des
professionnels de santé au niveau des structures publiques. En 2014, le
Samusocial a organisé une session de formation au profit de 347(*)professionnels de santé et
agents des services sociaux hospitaliers, sur l'accès aux soins
médicaux des enfants et jeunes en situation de rue dans les structures
publiques.
Ila signé des conventions de partenariat avec de
nombreuses structures médicales privées et publiques (cabinets
privés, hôpitaux, Cs Réf). Il envisage la signature de
convention de partenariat avec une dizaine de Scom dans le district de Bamako
en 2015 afin d'améliorer l'accès aux soins pour les enfants au
niveau de ces structures.
Le Samusocial Mali a également noué un
partenariat avec l'ANAM afin de faciliter l'accès aux soins
médicaux des enfants et jeunes des rues à travers le RAMED. Il a
organisé en 2013 un atelier de réflexion sur le RAMED afin de
mieux faire comprendre aux structures de protection de l'enfant le
fonctionnement de ce dispositif dédié à la prise en charge
des personnes démunies. En 2014, plus de 1036 enfants et jeunes en
situation difficile ont été immatriculés au RAMED par les
structures de protection de l'enfant dans le district Bamako.
2.2. La prise en charge psychosociale
L'aide psychosociale comprend d'une part les entretiens
psychosociaux individuels, d'autre part les orientations vers un centre
d'hébergement social et enfin les démarches en vue d'une
réinsertion : accompagnements des projets de sortie de rue,
interventions de médiation familiale et retours en famille
2.2.1. Les entretiens
psychosociaux individuels
Ils constituent le support de la relation d'aide que
l'équipe du Samusocial tente d'établir avec chaque enfant. Elle
repose sur une confiance suscitée par les différents intervenants
sociaux et médicaux et accordée par l'enfant : elle se
renforce progressivement, au rythme de l'enfant et du suivi qui en est fait.
Au
cours des trois dernières années, 2638 entretiens individuels ont
été menés par les équipes du Samusocial Mali
auprès des enfants et jeunes des rues. Ils ont concerné les
garçons dans 2091 cas et les filles dans 547 cas, soit respectivement
79% et 21%.
Graphique 2 : Entretiens
psychosociaux de 2012 à 2014
Les entretiens psychosociaux avec les garçons sont
plus fréquents qu'avec les jeunes filles. Comme explication, les
équipes soulignent la faible disponibilité des jeunes filles pour
les entretiens, en raison de leur activité de prostitution.
2.2.2 L'orientation vers des structures partenaires pour
la réinsertion
Les enfants et jeunes qui le souhaitent peuvent
également être accompagnés par le Samusocial Mali dans un
projet de sortie de rue. Ces projets se traduisent le plus souvent par une
orientation vers une structure partenaire, principalement des centres
d'hébergement sociaux. La resocialisation à travers un
hébergement stable semble en effet la première étape
incontournable dans un processus de réinsertion. L'équipe du
Samusocial continue ensuite à suivre le dossier de l'enfant, qu'elle
rencontre lors des permanences chez le partenaire ou lors de visites
dédiées à ce suivi ; mais c'est alors le centre
partenaire qui prend en charge le projet de sortie de rue du jeune.
De 2012 à 2014, 152 enfants dont 32 filles et 120
garçons ont été orientés vers les structures
partenaires pour la réinsertion. Le pourcentage des filles est de 21% et
celui des garçons est de 79%.
2.2.3 L'accompagnement des projets de sortie de rue et de
renouement familial
Ø L'accompagnement des projets par le
Samusocial Mali depuis la rue
D'autres jeunes souhaitent l'appui du Samusocial Mali pour un
renouement familial depuis la rue, parfois dans la perspective de retourner
vivre en famille, parfois simplement pour bénéficier d'une
médiation dans la réconciliation avec la famille. L'équipe
du Samusocial Mali peut alors prendre contact avec les familles, et si cela
semble possible et souhaitable, préparer l'enfant et la famille à
un retour en famille, que l'équipe suit ensuite lors de visites et /ou
d'appels téléphoniques. C'est dans ce cadre que plusieurs visites
à domicile (VAD) sont réalisées chaque semaine par les
éducateurs et les soignants de l'équipe mobile d'aide du
Samusocial Mali.
Ø Le renouement des liens familiaux et les
retours en famille
Le renouement des liens familiaux et les retours en famille
des enfants et jeunes en situation de rue nécessitent un long travail de
préparation en amont, avec l'enfant d'une part et avec la famille
d'autre part. Dans certains cas, un retour en famille n'est même pas
envisageable, soit du fait que l'enfant n'a plus véritablement de
famille, soit du fait qu'il n'a plus sa place au sein de cette famille.
Toutefois, le renouement des liens avec les parents reste une
possibilité pour pallier une rupture familiale totale. De 2012
à 2014, 89 épisodes de retour en famille ont été
réalisés. Au total, 424 visites à domicile.
Ø Projets de scolarisation, de formation
professionnelle et d'apprentissage
Les projets de ré-scolarisation, de formation
professionnelle et d'apprentissage ont pu être menés à bien
pour certains enfants hébergés à Kanuya. Sur les 68
enfants et jeunes orientés dans ce centre en 2014, 16 ont accepté
un retour en famille, 30 sont retournés sur leurs sites après un
séjour au centre (parfois en abandonnant leur projet de formation ou de
scolarisation), et 22 ont pu être accompagnés dans des projets de
scolarisation, formation professionnelle et d'emploi salarié.
2.2.4 La prise en charge
éducative
Elle se traduit par l'animation de causeries éducatives
de groupe avec les enfants et jeunes de la rue en journée comme de nuit,
en rue aussi bien qu'en centres partenaires au cours des permanences. Les
différents thèmes abordés ont trait d'une part à la
santé et d'autre part à des thématiques de
société. Dans le champ sanitaire, les principaux sujets
abordés ont trait au paludisme, les consultations prénatales,
l'hygiène corporel et Vestimentaire, la vaccination, les IST/VIH Sida,
l'hygiène buccodentaire, la contraception, l'entretien des
bébés, la maladie à Virus Ebola, les dermatoses, le lavage
des mains, l'hygiène alimentaire.
Les sujets de société les plus
fréquemment débattus avec les enfants ont trait aux risques et
conséquences de la vie en rue, à la vie en groupe, à la
mendicité, à la responsabilité pénale, aux projets
de sortie de rue et de retours en famille, la mission du Samusocial, les
relations avec les forces de l'ordre, l'importance des pièces
d'état civil.
De 2012 à 2014 au total, 2460 causeries
éducatives ont été effectuées, dont 1104 sur un
sujet de santé et 1356 sur un sujet de société.
2.2.5 L'impact de la prise en charge psychosociale
La prise en charge psychosociale a pour but de créer le
lien social avec les enfants des rues, établir une relation de confiance
avec l'enfant, servir d'un pont entre l'enfant et le reste de la
société. A travers sa méthode qui consiste à aller
vers les populations exclues, le Samusocial fait comprendre aux enfants et
jeunes des rues que la population ne les abandonne pas et qui leur tend la
main. Le travail psychosocial vise à restaurer la dignité des
enfants, à leur redonner l'espoir et à les aider progressivement
à sortir de la rue.
Y.T. coordinateur social
« La prise en charge psychosociale occupe une
place importante dans l'intervention du Samusocial Mali auprès des
enfants et jeunes en situation de rue. Les membres de l'équipe vont
à la rencontre des enfants et vont établir, dans la mesure du
possible, un dialogue. Cela permet d'instaurer un dialogue avec les clients
afin de reconstituer leur histoire et de savoir dans quelles circonstances ils
se sont retrouvés dans la rue. Par la suite, lorsqu'une relationdite de
confiance vient s'installer, il s'agit de préparer les enfants et jeunes
en situation de rue à une orientation vers une structure poste
d'urgence ».
Il ressort ici que la prise en charge psychosociale permet
d'instaurer un dialogue, reconstituer l'histoire de vie des enfants et jeunes
en situation de rue afin de leur orienter vers un centre
d'hébergement.
R.S.chef de division accueil et orientation
« La prise en charge psychosociale consiste
à développer auprès des enfants et jeunes en situation de
rue une estime de soi. Elle amène les amène à
décliner leur projet de vie, à découvrir leur famille en
amenant les parents à prendre leur responsabilités soit à
Bamako ou à l'intérieur du pays. Les actions du Samusocial ont
valorisé le métier d'éducateur de rue à
Bamako ».
Il ressort dans ce discours que la prise en charge
psychosociale permet de développer l'estime de soi chez l'enfant afin de
faciliter sa réinsertion socio professionnelle.
A.S, éducateur social
« L'entretien individuel permet, à partir
d'un diagnostic de situation de l'enfant sur le plan physique, relationnel,
familial et psychologique, une prise en charge psychosociale adaptée
à la situation de chacun.la prise en charge psychosociale permet aux
enfants et jeunes en situations de rue d'avoir confiance en eux-mêmes et
de sortir de la rue »
Nous retenons dans ce discours que la prise en charge
psychosociale permet aux enfants et jeunes en situation de rue d'avoir la
confiance en eux et de sortir de la rue.
A.T. Éducateur social
« La prise en charge psychosociale consiste
d'abord à un entretien individuel qui permet de comprendre l'histoire de
vie de l'enfants, les raisons de venu en rue. Une fois cela, les travailleurs
sociaux en fonction de la situation de l'enfant entreprennent les
démarches pour sa réinsertion sociale »
Dans ce discours nous retenons que la prise en charge
psychosociale permet de mieux appréhender la situation de l'enfant afin
d'adopter une démarche conforme à sa situation.
F.D. Administrateur de l'Action Sociale
« La prise en charge psychosociale du Samusocial
auprès des enfants et jeunes en situation de rue Mali est un acte
salutaire. Il y a beaucoup de structures étatiques et ONG qui oeuvrent
pour la même cause que le Samusocial Mali. Certaines structures
attendent que les enfants viennent à eux par contre le Samusocial va
vers les jeunes de la rue et fait leur prise en charge sur place. Parmi
l'ensemble des structures qui ont les mêmes activités que lui il
est la seule qui est présente sur le terrain 7/7 auprès de ces
enfants et jeunes de la rue pour les écouter afin de facilité
leur réinsertion socioprofessionnelle »
Il ressort dans ce discours que le Samusocial est la seule
structure au mali qui est présente permanemment auprès des
enfants et jeunes en situation de rue pour les écouter afin de
promouvoir leur réinsertion socio professionnelle.
2.2.6. Les difficultés et les limites de
l'intervention du Samusocial Mali dans la lutte contre l'exclusion sociale
des enfants et jeunes des rues
Le Samusocial Mali a pour mission de répondre à
l'urgence médicale et psychosociale, c'est-à-dire répondre
à la détresse quotidienne des enfants et jeunes des rues. Sa
mission n'étant véritablementpas la réinsertion sociale de
ces derniers, les équipe du Samusocial réfèrent leurs
groupes-cibles vers d'autres structures de protection afin de les accompagner
dans le processus de la réinsertion, en continuant de les appuyer dans
ce cadre.
Ainsi des volets importants de la lutte contre l'exclusion
sociale des enfants et jeunes des rues ne relèvent pas des domaines de
compétences du Samusocial Mali. La réinsertion
socioprofessionnelle de type scolaire, la formation professionnelle,
l'apprentissage², l'accompagnement dans l'accès aux pièces
d'état civil, l'assistance juridique aux enfants en conflits avec la loi
ne font pas bonne figure dans la mission du Samusocial Mali, quoiqu'ils soient
déterminants dans la lutte contre l'exclusion sociale et la
réinsertion des enfants des rues.
Aussi, dans le cadre des processus de médiation
familiale et de la réinsertion sociale, les professionnels du Samusocial
Mali et des structures partenaires rencontrent des difficultés au niveau
des familles, dont certaines ne coopèrent pas à hauteur de
souhait.
En matière d'accès aux soins, certaines prises
en charge médicale s'avèrent lourdes et extrêmement
coûteuses. Dans ce même domaine, l'instabilité des enfants
ainsi que leur ²inobservance au traitement posent d'énormes
problèmes aux équipes.
En matière d'intervention psychosociale, on soulignera
les faiblesses au niveau des structures partenaires dans le suivi des enfants
et jeunes référés pour une prise en charge.
Comme autres difficultés rencontrées par le
Samusocial Mali dans la lutte contre l'exclusion sociale des enfants et jeunes
en situation de rue à Bamako, on peut citer :
- La faible implication des services techniques
déconcentrés de l'Etat dans le processus de réinsertion
des enfants et jeunes des rues,
- L'insuffisance des structures spécialisées et
adaptées à l'insertion socioprofessionnelle des enfants et jeunes
des rues,
- La faiblesse de connaissance mutuelle et de coordination
entre les structures publiques et associatives pour assurer
l'efficacité, l'efficience et la continuité des services
proposés dans la prise en charge des enfants et jeunes en situation
difficile,
- Insuffisance de ressources humaines, matérielles et
financières pour assurer une prise en charge adaptée aux
problèmes spécifiques des enfants et jeunes des rues,
CHAPITRE III : SYNTHESE, DISCUSSION DES RESULTATS
ET PROPOSITION DE SOLUTIONS
Dans ce chapitre, nous procédons à une
synthèse des résultats de nos travaux, ainsi qu'à leur
confrontation à nos hypothèses de départ. Nous tenterons
également de formuler quelques propositions de solution en vue du
renforcement de la lutte contre l'exclusion sociale des enfants et jeunes en
situation de rue.
A travers notre première hypothèse, nous avions
estimé que le phénomène des enfants et jeunes en situation
de rue s'explique par plusieurs facteurs, notamment d'ordre économiques,
démographiques et socioculturels. En effet dans la compréhension
du phénomène des enfants et jeunes des rues, nous avons
identifié plusieurs facteurs explicatifs de ce fléau.
L'urbanisation galopante de la ville de Bamako, résultat d'un
développement économique déséquilibré sur le
territoire, avec un taux d'accroissement démographique
particulièrement élevé ces dernières années
pour la capitale permet d'expliquer ce phénomène. L'effritement
des valeurs sociales traditionnelles, particulièrement en milieu urbain,
la persistance de pratiques sociales néfastes aux enfants, et les
multiples formes d'abus et d'exploitations qu'ils subissent, en famille, chez
les tuteurs ou maîtres coraniques, les conflits intrafamiliaux,
exacerbés par les difficultés économiques, sont aussi des
facteurs explicatifs du phénomène des enfants et jeunes des rues.
Dans notre seconde hypothèse, nous soulignions le
caractère multidimensionnel de l'exclusion sociale des enfants et jeunes
en situation de rue, car touchant plusieurs domaines : santé,
éducation, justice, état civil, le sport et les loisirs, la
participation à la vie économique et sociale, etc. A la
lumière des résultats auxquels nous sommes parvenus aux termes de
notre étude, nous pouvons ainsi affirmer que la rupture avec la famille
et la vie en rue est source de vulnérabilité pour les enfants et
jeunes. Ces derniers sont ainsi confrontés à des
difficultés pour se nourrir, se soigner, avoir un abri adéquat
pour dormir. Ils sont exclus des services sociaux de base d'une manière
générale, c'est-à-dire l'éducation, la justice, la
santé, l'état civil, etc.
A travers la troisième hypothèse, nous avions
supposé que l'intervention du Samusocial Mali consiste à apporter
une aide médicale et psychosociale quotidienne afin de répondre
à la détresse quotidienne des enfants et jeunes vivant en
situation de rue,
La plupart des professionnels et enfants et jeunes en
situation de rue interviewée ont mis en exergue les soins
médicaux et l'assistance psychosociale dont bénéficient
ces populations auprès des équipes du Samusocial mali. Une
équipe composée d'un médecin, d'un éducateur social
et d'un chauffeur effectue quotidiennement des tournées de nuit et de
jour auprès de ces enfants et jeunes en situation de rue pour leur prise
en charge médicale et psychosociale. La prise en charge sanitaire a
été citée en long et en large par nos
enquêtés comme étant la porte d'entrée de
l'intervention du Samusocial. Au-delà des soins curatifs, elle permet
d'établir une relation de confiance entre l'enfant et les professionnels
du Samusocial Mali gage du succès.
Quant à la prise en charge psychosociale, elle est
perçue comme étant un moyen permettant de développer
auprès des enfants et jeunes en situation de rue une estime de soi. Elle
les amène à décliner leur projet de vie, à
découvrir leur famille en amenant les parents à prendre leur
responsabilités.
Dans notre dernière hypothèse, nous avions
estimé que les difficultés rencontrées par le Samusocial
Mali dans son intervention sont liées à la population
bénéficiaires, à la population et aux familles des enfants
et jeunes pris en charge, à la faiblesse du dispositif de protection de
l'enfant au Mali et au Samusocial Mali, lui-même. Partant des
résultats de notre analyse sur les difficultés et limites de
l'intervention du Samusocial, nous pouvons dire que cette hypothèse est
confirmée. Les difficultés évoquées sont relatives
à celles liées aux parents et aux familles dans le cadre du
processus de médiation familiale et de la réinsertion sociale des
enfants et jeunes en situation de rue. Egalement, la réinsertion sociale
qui est une étape importante dans la lutte contre l'exclusion des
enfants et jeunes en situation de rue, n'est pas un volet bien
développé dans les interventions du Samusocial, dont la mission
est de répondre à l'urgence médicale et psychosociale des
victimes d'exclusion sociale.
Au terme de notre analyse, en notre qualité de futur
travailleur social, nous pensons que cette situation interpelle tout le monde
notamment les autorités publiques, les parents, la société
civile, les professionnels, les partenaires financiers ainsi que les enfants
eux-mêmes. Dans l'union on peut redonner l'espoir à ces enfants et
jeunes qui ne sont que des victimes de la faiblesse du système de
protection de l'enfant dans notre pays.
Partant de là, nous proposons les solutions
suivantes :
ü Renforcer la prévention du
phénomène, car mieux vaut prévenir que guérir. A
cet effet, il faudraaccentuer les campagnes de sensibilisation des
communautés sur les droits de l'enfant. La prévention permettra
de mettre un frein à l'évolution du phénomène des
enfants et jeunes situation de rue.
ü Améliorer l'applicabilité des textes en
matière de protection et promotion des droits de l'enfant.
C'est-à-dire prendre des mesures concrètes pour lutter contre les
violences faites aux enfants,
ü Equiper la rue avec des infrastructures publique :
salles de jeux, espaces de loisir, espace d'hygiène publique,
ü Renforcer d'avantage l'implication des services
techniques de l'Etat le suivi des enfants retournés en famille,
ü Continuer à renforcer les capacités du
Samusocial Mali dans son intervention auprès des enfants et jeunes en
situation de rue,
ü impliquer davantage les collectivités locales
dans la lutte contre l'exclusion sociale, et en particulier celle des enfants
et jeunes des rues, à travers des actions concrètes inscrites
dans les programmes de développement économique, social et
culturel (PDESC),
ü Renforcer les capacités d'accueil et
d'encadrement des centres de jour sur le territoire de Bamako,
ü renforcer la coordination des actions des
différents intervenants dans la prise en charge des enfants et jeunes en
situation difficile,
ü renforcer le plaidoyer auprès de l'Etat et de
partenaires techniques pour plus de soutien aux acteurs de la lutte contre
l'exclusion sociale des enfants et jeunes en situation de rue.
CONCLUSION :
En somme, le Samusocial Mali, nous semble-t-il, une
institution ayant fait ses preuves dans la lutte contre l'exclusion sociale des
enfants nécessitant une protection spéciale.
Quant à la lutte contre l'exclusion sociale des enfants
et jeunes en situation de rue, nous pensons que beaucoup reste à faire
encore.
Nous estimons donc, qu'il est nécessaire que ce
phénomène soit mieux compris par les plus hautes autorités
politiques et administratives du pays, les collectivités locales, mais
également par les populations. Une plus grande mobilisation des acteurs
étatiques et des organisations de la société civile est
nécessaire pour lutter efficacement contre ce phénomène
multidimensionnel.
Aussi, nous encourageons vivement l'application des
différents textes et lois en faveur des enfants que le gouvernement de
la République du Mali a ratifiés. L'accent doit être mis
sur le renforcement des campagnes de sensibilisation et de conscientisation des
populations par rapport au respect des droits de l'enfant.
L'accompagnement des partenaires techniques et financiers dans
ce combat est indispensable, non seulement pour consolider les acquis, mais
également pour faire face à de nouveaux autres défis
auxquels les acteurs sont confrontés.
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des enfants de la rue ; mémoire de fin d'étude. FLASH
2009
3. KONE Jean Daouda : le Samusocial Mali et la prise en
charge-médico-psycho-sociale des enfants de la rue en situation
d'urgence sociale. Quelles problématiques pour quelles prises en
charges. INFTS 2010
LES RAPPORTS :
1. Samusocial Mali : rapport d'activité 2012
2. Samusocial Mali : rapport d'activité 2013
3. Samusocial Mali : rapport d'activité 2014
4. Samusocial international: Formation à l'urgence
sociale, 34 pages, paris 2001
5. Rapport final CNDIFE 2008, Etat des lieux de la situation des
enfants en conflit avec la loi au Mali, Page 4 à 5
6. E.PELIGRI, à la rencontre des enfants des rues de
Bamako Abord des enfants des rues mégalopoles 2004
7. Baret Julie université paris XII
Créteil « abord des enfants errants, en danger dans les
rues des mégapoles »2004.
* 1 PIROT B., Enfants des
rues d'Afrique centrale, Ed. L'Harmattan, 2004, P.17.
* 2 Source : Samusocial
Mali « Nous venons tous d'une maison », 2010.
* 3Source : Magassa H.,
Soumaré M., Samaké J., Recensement des enfants errants, District
de Bamako, Direction nationale de la Promotion de l'enfant et de la famille,
SERNES, octobre 2002.
* 4Source : SamusocialMali,
Rapport d'activités 2013 et 2014.
* 5 Emile Durkheim, les
règles de la méthode sociologique, Flammarion, 1998
* 6Samusocial Mali,
schéma consolidé des interventions en faveur des enfants et
jeunes de la rue Bamako (2013 - 2016), Bamako, 2013, PP 11-16
* 7 Samusocial Mali, Rapport
d'activité 2014, P.30
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