CHAPITRE QUATRIEME
LA FORMATION D'UN DRAPEAU : UN
PROCESSUS GEOPOLITIQUE
Un changement de drapeau, dans la vision gottmanienne, est
directement conditionné par un rapport de force entre circulation et
iconographie tendant vers la première. Lorsque le décloisonnement
s'opère de façon nette, l'iconographie, par conséquent le
drapeau, doit s'adapter. Il en va de ces grands mouvements de l'Histoire.
Récemment, la décolonisation, la chute de l'URSS, et la
dislocation de l'ex-Yougoslavie sont les exemples les plus significatifs. A ces
facteurs de décloisonnement correspond une opération
iconographique de construction ou de reconstruction, et de formation de
nouvelles entités, de nouvelles régions, de nouveaux Etats. Le
drapeau tient le premier rôle de cette refonte de cloisons. C'est ici
tout le sujet de cette partie : comprendre comment s'opère la formation
d'un drapeau national, et à quelles lois et mécanismes
répond-elle.
A partir de cette analyse, quels seront les types de drapeaux
possibles, et qu'exprimeront-ils du pays qu'il représente ?
Que cherche-t-on à mettre le plus en valeur ? Quelles
stratégies envisagées pour quels résultats ? Comment
associer les intérêts nationaux (unification iconographique) avec
d'autres données extérieures ? Un drapeau peut-il atteindre une
forme de perfection iconographique satisfaisant tous les paramètres de
création ? Et quels sont ces paramètres ?
La construction d'un drapeau élabore une
géographie du drapeau. Cette géographie est parcourue de courants
géopolitiques qui la structurent. Le drapeau est donc un espace
géographique parcouru de dynamiques. Notre étude propose ainsi
une grille de lecture pour l'ensemble des drapeaux nationaux. Dans l'esprit de
Jean Gottmann, cette grille d'analyse de la formation des drapeaux nationaux
fonctionne sous trois dynamiques géopolitiques, elles-mêmes
déclinées aux échelles internes et externes d'un pays. En
d'autres termes, trois mécanismes iconographiques, conjugués aux
jeux d'échelles géographiques, forment l'appendice de
l'évolution du drapeau national, de sa création, jusqu'à
sa légitimité reconnue. Un mécanisme de
séparation vexillologique, un mécanisme
d'intégration vexillologique, et un mécanisme de
résistance vexillologique au sein même du nouveau drapeau
créé.
I - La séparation
vexillologique
Le premier des ces mécanismes est donc celui d'une
séparation vexillologique et iconographique dans laquelle le drapeau
national se mue, en réponse à un détachement par rapport
à une ancienne entité géopolitique : genèse d'un
régionalisme correspondant à la distance prise face une ancienne
autorité, il faut donc créer une nouvelle iconographie.
28
Sous cette appellation de séparation, on retrouvera
évidemment toutes les traces de la décolonisation, de
régimes autoritaires renversés, d'éclatement de l'URSS, de
dislocation d'entités dans lesquelles la diversité l'a
emporté sur l'unité (ex-Yougoslavie). C'est de ce point
départ de mise à distance, de détachement,
d'indépendance, dans des visées d'autodétermination que le
processus de formation iconographique débute. Les bouleversements
géopolitiques liés à ce que Gotmann nommerait la
circulation, deviennent des terreaux fertiles de nouvelles formes
iconographiques dont le drapeau en est l'expression ultime.
Cette séparation iconographique, dans laquelle le
drapeau occupe la place principale, évolue à deux
échelles.
Echelle interne
Une échelle interne, où, déjà
composé comme Etat-Nation, l'on veut seulement prendre symboliquement
ses distances avec le régime fraîchement renversé. C'est
tout le sens de la création d'un nouveau drapeau. Pour exemple, on
pourra citer le drapeau tricolore français marquant la rupture - quoique
pas toujours consommée (le blanc vaut toujours pour la royauté
dans certaines études) - avec la monarchie. On peut également
évoquer le drapeau de l'Union Soviétique des bolchéviks
qui remplace le drapeau russe des tsars en 1917.
C'est également le se sens du changement récent
de drapeau au Rwanda : l'ancien rappelle un régime lié aux
tragédies ethnique et à la colonisation française
(l'ancien drapeau rappelle le tricolore), il est doublement nécessaire
le modifier. Les couleurs changent d'ailleurs radicalement. Le Rwanda nous
expose une situation originale : le nouveau drapeau correspond à une
double séparation aux deux échelles, interne pour le
régime lié aux massacres ethniques, et externe pour mettre au
jour pour de bon la décolonisation. Lorsque que ces deux
séparations sont présentes, il s'agit souvent de pays dans des
situations de tensions latentes qui peuvent engendrer de graves
déséquilibres régionaux. Le Rwanda donc, citons
également à titre d'exemple le Kosovo, récemment
indépendant dont le drapeau, fruit d'une dislocation externe
(ex-Yougoslavie puis Serbie) et interne (régime serbe autoritaire)
exprime le nécessaire besoin d'un compromis.
Le changement d'emblèmes en Iran en 1980 après
la Révolution Islamique révèle la nécessité
de se séparer et de se détacher de l'ancien régime
impérial renversé. L'emblème du lion solaire est alors
remplacé par un nouvel emblème volontairement religieux, puisque
l'Iran était devenue une république islamique. Les cinq piliers
ainsi que l'expression stylisée « Allah akbar » font leur
apparition. Ici le passage d'un Empire à une république islamique
nécessite la modification du drapeau. « Tout ce qui pouvait
évoquer l'histoire des dynasties régnantes fut aussitôt
supprimé »1.
On peut également évoquer le cas de
l'Afghanistan, qui enterre symboliquement la période talibane par un
changement de drapeau. Le drapeau blanc des talibans (le blanc est la couleur
de Mahomet) est abandonné au profit du drapeau actuel qui reprend les
couleurs du Royaume
1 LUX-WURM, 2001 : 148
29
d'Afghanistan (1930-1973). Cette rupture interne au pays se
traduit donc par la modification du drapeau1.
Plus tragiquement, l'Allemagne nazie, voulant marquer la
rupture avec la République de Weimar, reprend le drapeau du parti nazi
pour l'officialiser. Cela n'allait pas de soi, il y avait quand même
risque de détourner une partie de l'Allemagne. Pourquoi finalement ne
pas avoir repris le drapeau de l'Empire, puisque Hitler lui-même, se
plaçait dans la continuité du Saint Empire qui dura mille ans
?2 Il y a ici double séparation symbolique : d'un
régime passé que l'on renverse, et d'une mise à distance
de ce de quoi l'on s'inspire, comme pour marquer un renouveau plutôt
qu'une continuité.
Echelle externe
A l'échelle externe, il s'agit là de se
détacher nettement d'une ancienne puissance ou autorité qui
régnaient alors sur le territoire national. C'est tout le sens des
indépendances suivies directement par la création ou le retour
à un ancien drapeau exprimant l'originalité du pays.
On peut penser évidemment à quelques drapeaux
postcoloniaux d'Afrique de l'Ouest. Celui du Bénin, qui par exemple, en
plus de se rattacher aux couleurs panafricaines, avait placé une
étoile symbolisant le régime socialiste pour mieux signaler la
rupture des liens avec l'ancienne puissance coloniale française. Ici,
l'appel à un régime idéologique met fin à ce que le
Bénin nommait alors la « Françafrique », cette
continuité de l'influence française sur cet espace africain.
Après un âpre débat, le Canada retire en
1965 de façon officielle l'Union Jack du canton de son drapeau et marque
symboliquement la fin de la supériorité de la couronne
britannique au Canada. Les Canadiens se dotent alors d'un nouveau drapeau qui
à présent fait l'unanimité (même si des provinces
intérieures conservent le drapeau britannique dans leur canton).
Une des dernières indépendances en date, celle
du Timor Oriental en 2002, s'accompagne d'un retour à un drapeau, celui
du Front Révolutionnaire pour l'Indépendance du Timor Oriental
(FRETILIN) qui luttait contre les colons portugais puis récemment contre
le joug indonésien. Ce drapeau qui n'est pas créé pour
l'occasion puisqu'il existait déjà auparavant ne possède
pas moins de légitimité qu'un autre nouvellement
élaboré. Ce drapeau que l'on reprend demeure même
peut-être encore plus symbolique puisqu'il correspond à deux
luttes successives contre une puissance extérieure. La séparation
symbolique du Timor Oriental par le drapeau est ici nette.
On a relevé que le drapeau du Timor Oriental reprenait
celui du FRETILIN. Il est un trait vexillologique qu'il nous faut analyser.
S'il existe une dynamique de séparation iconographique, elle est dans de
nombreux cas - particulièrement dans les anciens pays colonisés -
accompagnée par un retour à un drapeau préexistant. Mais
pas n'importe lequel. Il
1 cf Pierre C. LUX-WURM, 2001, Les
drapeaux de l'Islam, de Mahomet à nos jours, Buchet-Chastel,
Méta Editions, Paris, pp 15-29
2 Pascal Ory analyse très bien cette
question du choix du drapeau du régime nazi dans « L'histoire
culturelle face aux images : le drapeau, un enjeu oublié ? »,
conférence donnée en 2006 à l'ENS-Paris.
30
s'agit souvent du drapeau des partis, des fronts
révolutionnaires qui ont combattu l'ancienne puissance
colonisatrice1. Repris à l'identique, ou d'une grande
inspiration, les drapeaux de ces partis politiques indépendantistes,
parce qu'ils expriment sans doute le mieux la lutte pour la séparation,
deviennent d'office drapeau national. C'est quasiment une constante par exemple
en Afrique post coloniale. Citons à titre d'exemple le drapeau du Kenya,
repris du drapeau Kenyan African National Union (KANU), de la Namibie, dont les
couleurs rappellent celles du parti indépendantiste du South-West
African People's Organisation (SWAPU), de l'Algérie reprenant le drapeau
du Front de Libération National (FLN), enfin de l'Erythrée,
directement inspiré du Front Populaire de Libération de
l'Erythrée (FPLE). La dynamique de séparation iconographique ne
signifie pas toujours créer un nouveau drapeau jamais vu auparavant
(comme au Rwanda par exemple). Après tout, qu'est-ce qui
représente le mieux l'indépendance si ce n'est le drapeau de ceux
qui ont lutté politiquement et officiellement contre la puissance
étrangère ?
Un dernier exemple, celui du Soudan du Sud, récemment
indépendant, qui par le choix de son drapeau fait le choix de ses
alliés. En effet, le drapeau du Soudan du Sud largement inspiré
par celui de son voisin kenyan exprime bien l'orientation politique du nouveau
régime souhaitant rompre avec les alliances que le Soudan passe avec
d'autres Etats. Est en jeu ici une proximité ethnique et culturelle avec
le Kenya, mais aussi et surtout la séparation nette de son ancien mentor
le Soudan, en froid avec le Kenya2.
La séparation symbolique n'est pas toujours gage d'une
indépendance nette. L'exemple des drapeaux des anciennes colonies
françaises ou anglaises est à ce sujet parlant. L'Australie porte
encore l'Union Flag dans le canton de son drapeau malgré les
récents débats (de même en Nouvelle-Zélande et les
îles Fidji), marqueur de leur intégration au Commonwealth. La
République Centrafricaine possède un drapeau clairement
exposé comme trait d'union entre les valeurs africaines et
françaises... Dans cette optique comment ne pas penser au drapeau
français lorsque l'on aperçoit un drapeau
sénégalais ou malien, tant la disposition des couleurs et la
structure du drapeau font écho à l'ancien colonisateur. La trace
colonisatrice est par conséquent involontairement - ou non ? -
conservée.
Suite à la dislocation de l'URSS, les nouvelles
républiques fraîchement indépendantes se dotent de
nouvelles iconographies3. Mais ces distances prises par rapport
à un ancien pouvoir ne sont pas toujours clairement établies.
C'est là toute la complexité de la formation des drapeaux. Et
c'est là tout un questionnement géopolitique et
stratégique de choix d'une iconographie, qui doit répondre aux
attentes de beaucoup d'acteurs. Faut-il à tout prix se détacher
de notre ancien partenaire au risque de s'exposer à de vives tensions ?
Cette première étape de la formation du drapeau national
révèle toute la subtilité du processus de
1 Lire à ce sujet l'analyse de la
création des drapeaux postcoloniaux africains sur l'exemple des drapeaux
des partis et fronts indépendantistes : Patrice de la Condamine, 2005,
Vert, Jaune, Rouge, Noir, les couleurs panafricaines, Miroir et conscience
d'un continent, Les Enclaves Libres, pp.81-85
2 Lire l'analyse du Blog de la
SFV(Société Française de Vexillologie), 10/07/2011,
« Indépendance du Soudan du Sud »
3 Lire à ce sujet la brochure concernant les
drapeaux de l'ancienne URSS : Patrice de la Condamine, 2008, Les couleurs
de l'empire éclaté, les ex-républiques soviétiques
depuis 1991 : drapeaux, identités, pouvoirs, Les Enclaves
Libres.
31
séparation interne ou externe dans lequel
s'insère les nouvelles iconographies et le drapeau. Le dessin de
celui-ci, son choix n'est jamais purement libre.
Quelques drapeaux des nouvelles républiques d'Asie
Centrale ou d'Europe issues de la dislocation de l'URSS nous rappellent la
difficile mise à distance de l'ancien grand frère. Le drapeau du
Belarus nous expose comment un drapeau démontre des liens forts
étroits entre russes et biélorusses (il s'agit du même
drapeau que celui arboré du temps de la république socialiste,
sauf étoile et faucille ôtées). Il y a une proximité
iconographique qui s'exprime par parenté vexillologique,
révélant des liens politiques forts entre les deux entités
(Russie et Belarus). De la même manière, le drapeau du Tadjikistan
ainsi que celui du Kazakhstan, tout en montrant un écart pris avec
Moscou révèlent des affinités gardées avec l'ancien
grand frère. Le drapeau tadjik reprend les couleurs de l'ancienne RSS du
Tadjikistan et nous rappelle que l'élite dirigeante n'est simplement que
la continuité de l'ex nomenklatura soviétique1. Le
drapeau kazakh est un drapeau qui ne revendique pas son indépendance
vis-à-vis de la Russie. Dans un pays composé à 30% de
russes, le choix du drapeau ne s'est pas tourné vers l'implantation de
symboles musulmans, contrairement à ses voisins, qui auraient
marqué une nette rupture avec le régime
soviétique2.
La région sécessionniste de Transnistrie ne fait
quant à elle que reprendre l'ancien drapeau de la république
socialiste de Moldavie, et nous indique le visage de celui qui dans le secret
tire les ficelles de cette région, ici la Russie.
Finalement, la séparation vexillologique et
iconographique vis-à-vis d'une ancienne autorité peut simplement
opérer un rôle inverse. Jusqu'à en souligner les forts
liens entre les deux anciens amis devenus de fait rivaux. D'une
séparation, on revient à une réintégration
iconographique et vexillologique pas toujours volontaire... La
séparation symbolique dont le drapeau concrétise les attentes,
n'est pas toujours nette, particulièrement à l'échelle
externe. Il existe une hiérarchie dans ces séparations
vexillologiques, qui correspondent à l'intensité des rapports et
des échanges entre des pays hier opposés, devenus aujourd'hui
partenaires à des degrés divers. La réelle
séparation vexillologique, s'accompagne toujours d'une dynamique
d'intégration à un autre ensemble.
II - L'intégration
vexillologique
Après une séparation symbolique, il reste
à insérer le nouveau drapeau dans un nouveau schéma
structurel. L'on intègre alors son drapeau à d'autres familles
iconographiques, à d'autres filiations vexillologiques, a fortiori
à d'autres ensembles géopolitiques extérieurs. Mais pas
seulement, le drapeau sert également d'unificateur national, il faut
donc une intégration de l'ensemble des populations et des territoires de
l'intérieur. Le drapeau fait donc feu de tout bois : il s'intègre
à des ensembles géopolitiques extérieurs, et fait acte
d'intégration et de cohésion intérieures jusqu'à
rassembler des ancien territoires considérés comme
légitimement insérés à son territoire national. Le
drapeau devient alors dans certains cas revendicateur de territoires.
1 DE LA CONDAMINE, 2008 : 65
2 Ibid : 54-55
32
Echelle interne
La première étape est celle de
l'intégration nationale par le drapeau. De quoi parlons-nous
concrètement ? Il s'agit ici de comprendre comment le drapeau parvient
à intégrer, à faire cohabiter un peuple sur le même
territoire. Cette dynamique d'intégration à l'échelle
interne, est en fait la recherche d'unité. Se dédouble
en réalité à la dynamique d'intégration une
dynamique d'unification. Toute la question est ici de comprendre quel type
d'unité est mise en valeur ?
Un symbole unanime
Une des solutions est de trouver un emblème, ou symbole
que l'on appose sur le drapeau et qui fait l'unanimité. Par
conséquent, pas de contestations possibles. Ce symbole, ou cette couleur
spécifique doit parler à tous. Il exprime des traditions locales,
et évoque en chacun un sentiment de partage. Il en va de l'unité
même d'un pays et d'un peuple. On pense au cèdre libanais qui vise
à unir cette mosaïque de peuples. La feuille d'érable, pour
le Canada, doit opérer une unité nationale après
s'être symboliquement détaché de l'influence britannique.
Souvent, ces symboles auxquels l'on fait appel font écho à des
« âges d'or »1 (périodes historiques
glorieuses quasi sacralisées par un peuple, jusqu'à les rendre
erronées), ou bien des uchronies2 (des temps
mythifiés), qui par essence peuvent rassembler potentiellement le plus
de sujets possibles, puisque faisant appel à l'imaginaire collectif. Il
s'agit là d'une unité par héritage. L'on fait donc appel
à des mythes fondateurs connus de tous ou des figures d'ancêtres.
Le Bhoutan reprend à son compte le dragon, appelé «Druk
» directement issu de la mythologie bhoutanaise. Le Mexique, par son
blason qui évoque le mythe créateur de l'Empire aztèque,
(il fallait pour les aztèques trouver un cactus sur un rocher pour
pouvoir s'implanter, ils en trouvèrent un avec une aigle et un serpent
dessus), se rappelle aux glorieuses heures de l'Empire
Aztèque3. Derrière cette unification par le drapeau,
l'on remarque un « caractère » national. Certains pays peuvent
être considérés comme « nostalgiques » d'un
certain temps ; le Portugal par exemple, dont l'astrolabe sur le blason
rappelle un temps où l'empire portugais avec ses grands navigateurs
dominait le monde maritime4.
Des idées neuves
L'on fait appel également à de nouvelles
idées supposées réunir un peuple entier. C'est tout le
sens du drapeau brésilien, qui par sa devise « Ordem e Progresso
», emprunte la voie du positivisme pour se détacher de la
domination portugaise, mais également unir son peuple sous une
même idée de progrès5.
1 THUAL, 1999 : 112
2 Ibid 113
3 DOUBLET, 1987 : 123-124
4Cf analyse de la Condamine concernant la famille
vexillologique lusophone : Patrice de la Condamine, 2005,
Les drapeaux de l'archipel lusophone, Les Enclaves
Libres
5 DE LA CONDAMINE, 2005 : 29-34
33
Une unité des peuples
Cette unité nationale peut s'exprimer dans la
construction du drapeau. A travers le drapeau, c'est une entente entre ethnies
qui peut être en jeu. L'exemple du drapeau de l'Afrique du Sud est
à ce titre le plus significatif. Il y a une double opération
d'intégration interne historique. La première date de 1928,
lorsque l'union des colonies néerlandaises (peuplées
d'Afrikaners) et britanniques est opérée. Le drapeau
réalise alors l'union territoriale des deux colonisateurs : la structure
est celle de l'ancien Prinsenvlag néerlandais, et la bande blanche
centrale associe les territoires d'Oranje et du Transvaal aux mains des
néerlandais, et les colonies britanniques du Cap et de Natal par la
présence de l'Union Jack.
La première se situe après la fin de
l'apartheid, qui nécessite la création d'un nouveau drapeau
censé représenter l'unité et l'égalité
désormais acquises entre anciens colons et Bantous (autochtones
exploités durant l'apartheid). La lecture de la gauche vers la droite du
drapeau indique la recherche de la paix entre les ennemis d'hier. Les couleurs
de l'ancien drapeau sont conservées (rouge, bleu, blanc) mais les
couleurs représentant les Bantous sont désormais
présentes, et en première place si l'on lit le drapeau de gauche
à droite (vert, jaune, noir). L'agrégation des couleurs Bantous
à celles des Afrikaners invite à la cohésion nationale au
service d'une même cause : celle du pays et non plus celle des ses
propres intérêts, et celle du mélange territorial, non plus
celle de la ségrégation spatiale1.
La religion
La cohésion d'un groupe s'exprime dans pléthore
d'Etats par la religion dominante, et plus particulièrement l'Islam, une
religion qui inspire à l'heure actuelle le plus grand nombre de
drapeaux2. Par conséquent, le drapeau se fait l'ambassadeur
de cette union interne générée par la religion. Les
couleurs dites panarabes (vert, blanc, rouge, noir, pour les quatre grandes
dynasties ou courants de la religion musulmane : Hachémites, Omeyyades,
Fatimides et Abassides), tout comme le croissant et l'étoile deviennent
les représentants sur le drapeau de l'Islam, dénominateur commun
de tout un peuple. Pensons au drapeau des Emirats Arabes Unis. Celui-ci reprend
les couleurs panarabes, servant de fédérateur des sept
émirats qui les composent. Le drapeau irakien, dont un projet
proposé des Etats-Unis fut abandonné car la ressemblance avec le
drapeau israélien était flagrante, s'attache actuellement
à unifier le pays ruiné par les guerres et le régime de
Saddam Hussein. Les étoiles rappelant le régime de Saddam Hussein
sont retirées, on conserve la calligraphie « Allah akbar »
pour tenter l'unification par la religion, non plus par le régime.
Egalement, loin d'une religion dominante, l'intégration
interne par le drapeau est marquée par l'équilibre subtil des
religions sur un même territoire. Il s'agit en fait d'intégrer
symboliquement sur le drapeau l'ensemble des religions pratiquées sur un
territoire. Le drapeau de l'Albanie, en apposant l'aigle bicéphale, est
censé marquer la paix régnante entre la majorité musulmane
et la minorité chrétienne. Le drapeau de l'Irlande souligne par
le blanc
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 70-71
2 Lire à ce sujet l'introduction de Pierre
C.LUX-WURM, 2001, Les drapeaux de l'Islam, de Mahomet à nos jours,
Buchet-Chastel, Meta Editions, Paris
34
la paix entre protestants et catholiques. Si officiellement
les couleurs du drapeau du drapeau de l'Inde expriment des valeurs, il n'en
reste pas moins qu'elles semblent indiquer la volonté d'une cohabitation
et d'une unité des deux religions principales (le vert pour l'Islam, le
safran pour l'Hindouisme) autour d'une seule et même cause : le
développement de l'Inde. Dans ce même espace, le drapeau du
Népal, seul à ne pas être rectangulaire avec la Suisse,
obéit également à cette dynamique. Les deux pointes des
deux triangles symbolisent les deux religions majoritaires appelées
à s'entendre, le Bouddhisme et l'Hindouisme.
L'exemple malien est également patent. Le drapeau qui
précède l'actuel avait apposé sur la bande jaune centrale
une représentation stylisée de l'Homme, que l'on nomme «
kanaga ». Mais pour la communauté puriste musulmane malienne, toute
représentation de figure humaine, qui plus est sur un drapeau, est
formellement interdite. Par conséquent, pour ne pas attiser de tensions
supplémentaires, l'Etat central décida le retirement du
kanaga1. Le drapeau qui suivit est toujours le même
actuellement, malgré le flou concernant les indépendantistes de
l'Azawad qui arborent un drapeau subtil dont les couleurs sont panafricaines
mais la forme rappelle le drapeau palestinien2.
L'unité territoriale
Mais cette dynamique d'intégration à
l'échelle interne, visible sur le drapeau, est souvent liée
à des rattachements de territoires, ou dans certains cas à des
revendications territoriales. Est alors assignée au drapeau la fonction
de représentant suprême de l'unification territoriale d'une
nouvelle nation. Citons à titre d'exemple la Tanzanie, dont le drapeau
exprime la réunion de deux territoires (le Tanganyka en vert pour la
partie continentale, Zanzibar en bleu pour la partie insulaire3),
associés par la logique panafricaine. L'Union Jack appartient
également à ce type de drapeau, puisqu'il symbolise l'association
de quatre territoires au sein d'un même Royaume-Uni (Angleterre, Pays de
Galles, Ecosse, et Irlande du Nord). Dans ce sens, la Croatie réalise
l'unité territoriale par son drapeau : le blason central possède
cinq écus symbolisant les cinq grandes régions du pays. Comment
ne pas penser au drapeau des Etats-Unis, celui qui par son nombre
d'étoiles (50) unit tout un territoire pour autant d'Etats. Le drapeau
des Etats Fédérés de Micronésie assure
l'unité des territoires qui les composent (quatre étoiles pour le
Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Yap). Marquer sur le drapeau une unité des
territoires est un fait récurrent pour les pays insulaires ou
archipélagiques. Les îles Salomon illustrent bien cette
idée : les cinq étoiles représentent les cinq îles
qui composent l'archipel.
Le drapeau des revendications territoriales
Lorsque que cette unité territoriale n'est pas
réalisée, le drapeau devient le promoteur d'une revendication
territoriale. Il correspond en vérité à l'expression de
« rivalités de pouvoir sur un territoire ».
L'intégration interne passe ici par la réclamation de
territoires. Souvent inspiré par des « grandismes
»4 (en se référant à une entité
politique passée), le drapeau vise à
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 39-40
2 Au sujet de ce drapeau de l'Azawad, lire sur le Blog
de la SFV, « Un nouvel Etat », 07/04/2012
3 DE LA CONDAMINE, 2005 : 68
4 THUAL, 1999 : 113
35
revendiquer la souveraineté sur des terres qui
appartenaient à cette ancienne entité. Concrètement, les
Comores revendiquent toujours la souveraineté sur l'île de Mayotte
- désormais Département d'Outre-Mer de la France (DOM) - par le
drapeau (la bande blanche symbolise Mayotte). De même, le Venezuela a
ajouté une huitième étoile à son drapeau pour
mettre au jour sa volonté de rattacher la Guyane
vénézuélienne à son territoire (la Guyane
vénézuélienne se trouvant à l'heure actuelle sur le
territoire du Guyana).
Le drapeau de compromis
Il est des cas où l'intégration et
l'unité à l'échelle interne, ne s'opèrent pas de
manière aisée. L'on fait recours alors à des drapeaux
consensuels, neutres, ne favorisant aucun camp, qui expriment simplement le
besoin de paix pour des pays dont l'unité est encore remise en cause. La
fragilité et l'instabilité qui caractérise la
Bosnie-Herzégovine depuis l'éclatement de la Yougoslavie ont
orienté la création vers un drapeau de consensus,
nécessaire prérogative à l'entente des trois principales
communautés du pays. Les trois sommets du triangle jaune
représentent les Bosniaques, les Croates et les Serbes, tandis que les
étoiles évoquent l'Union Européenne (UE), dont
l'intégration apparaît comme le seul objectif commun de ces trois
communautés. Le dernier exemple en date est celui du Kosovo1.
Après une compétition où plus de 700 drapeaux furent
proposés, et malgré les lourdes contraintes imposées (pas
d'aigle bicéphale, pas de rouge évoquant l'Albanie, pas de
devises, et doit correspondre aux aspirations du Kosovo à se faire
reconnaître des institutions internationales), un drapeau de consensus
national est proposé. Et l'on se sert du territoire, seul
dénominateur commun de toutes les ethnies et des religions, pour
opérer l'éventuelle unité nationale. Il existe un autre
drapeau où la cartographie se fait l'apanage des diverses aspirations
des peuples vivant sur un même territoire. Il s'agit du drapeau de
Chypre. Celui-ci demeure vraisemblablement le plus neutre possible, au sens
où le blanc combiné avec les branches d'olivier offrent un socle
pacifique à l'éventuelle réunification des deux parties de
Chypre. La possibilité de placer la carte de son territoire sur le
drapeau apparait cependant comme la dernière étape de compromis
et de pacifisme avant l'implosion interne d'un territoire.
Finalement, on constate vite une typologie des drapeaux
nationaux dans leur dynamique d'intégration. C'est elle qui
détermine le choix d'un type de drapeau. La voie choisie pour unifier un
peuple et son territoire est directement matérialisée par le
drapeau.
Echelle externe
A l'échelle externe, on exprime ici l'idée que
le drapeau en formation choisit, dans la majorité des cas, de se fondre
dans des familles vexillologiques - a fortiori des ensembles politiques - qui
dépassent le cadre de la Nation. Le drapeau crée ou recrée
des liens. La proximité politique se double d'une proximité
vexillologique. C'est ici un jeu d'alliances politiques par drapeaux
interposés.
1 Lire à ce propose l'étude suivante :
Erwan Cobic, 2007, Kossovo, La bataille de l'éternité,
Paris, Artiz,
36
Les « panismes »1
L'exemple le plus frappant de cette intégration par le
drapeau à une entité extérieure est les pays qui arborent
des couleurs répondant à des volontés de panismes. Non pas
au sens premier du terme (réunir les peuples de même langue), mais
au sens géopolitique, c'est-à-dire créer des ensembles
homogènes de pays partageant des mêmes visées. Le plus
important mouvement vexillologique de panisme est celui du panafricanisme.
Ce mouvement de panafricanisme, né hors Afrique avant
et surtout pendant les mouvements d'indépendances africaines, trouve son
pendant vexillologique dans les couleurs dites « panafricaines »
(vert-jaune-rouge et noir). Symboliquement, ces couleurs ont pour origine le
drapeau éthiopien, en signe d'hommage au royaume d'Abyssinie (Ethiopie
actuelle) qui avait résisté à tous les assauts venants de
l'extérieur, arabes ou colonisateurs. C'était là un
symbole fort : ces couleurs éthiopiennes incarnaient de la meilleure
façon qui soit, l'indépendance et l'intégrité
territoriale. L'Afrique post coloniale entre alors dans l'ère
panafricaine. Les nouveaux drapeaux (qui reprennent souvent les couleurs des
partis politiques indépendantistes, eux-mêmes arborant les
couleurs panafricaines) deviennent des drapeaux du panafricanisme, apanage de
la conscience africaine. C'est ainsi donner par le drapeau une voix à
toute l'Afrique. Actuellement, sur cinquante cinq Etats reconnus
officiellement, trente-deux arborent des couleurs panafricaines de près
ou de loin. Ainsi dans les faits, les drapeaux traduisent une forme d'entente
cordiale et politique de pléthores d'Etats africains. En pratique, ces
drapeaux cachent de nombreuses divergences. Le problème du
panafricanisme2 est simple : il est plus une idée
philosophique qu'une application dans les faits malgré la volonté
symbolique d'accorder entre eux les Etats africains. Les couleurs panafricaines
correspondent ainsi plus à cette idée philosophique qu'à
une véritable unité africaine.
Dans cette optique, on soulignera également le
mouvement vexillologique panslave correspondant à la doctrine du
panslavisme. En simplifiant de manière très schématique,
ce mouvement qui apparaît au début du XIXème siècle
rassemble désormais plusieurs pays d'Europe de l'est et balkanique
autour de cette conscience d'être slave. Les couleurs panslaves choisis
furent celles du drapeau russe. L'aide russe dans les guerres de
sécessions de la majorité de ces pays contre l'occupant ottoman
n'y est pas étrangère. Pourtant, on aurait tort de parler ici
d'un ensemble homogène. Si l'on retrouve dans ces pays slaves les
mêmes couleurs (blanc-bleu-rouge), on a tendance à penser que la
Russie s'est servit de ce mouvement panslave pour asseoir son autorité
dans la région. A tort, car le monopole du panslavisme n'appartient
à personne, même si pendant l'ère soviétique,
l'argument slave était souvent avancé pour consolider des
alliances. Néanmoins, on imagine désormais mal la
République Tchèque s'allier avec la Russie avec le souvenir du
Printemps de Prague encore vivace dans les esprits tchèques, ceci
malgré la proximité vexillologique des deux drapeaux. Les
drapeaux ne sont pas toujours les vecteurs d'unité entre deux pays
arborant les mêmes couleurs. C'est ici toute la subtilité du jeu
vexillologique. Pourtant, dans le cas de la Serbie et de la Russie, ce jeu
d'alliance par drapeaux interposés semble fonctionner. D'ailleurs, le
1 THUAL, 1999 : 113
2 Lire à ce sujet Philippe Decreane, 1976,
Le Panafricanisme, Que sais-je n°847, PUF, Paris
37
drapeau serbe reprend dans la disposition inverse les couleurs
russes sur son drapeau. Le lien créé par une même religion
(ici l'Orthodoxie, dont les liens avec la Nation ont toujours été
étroits), ainsi que l'aide russe plus effective que dans d'autres Etats
slaves lors de la guerre d'indépendance contre les Ottomans au
XIXème siècle, sont de solides arguments pour pouvoir penser que
les couleurs panslaves réalisent ici une réelle
intégration politique de plusieurs Etats (ici Russie et Serbie
auxquelles on pourrait rajouter la Bulgarie).
De la même manière, les couleurs panarabes ne
sont pas l'expression d'une unité d'un monde arabe. D'ailleurs, l'Iran
perse arbore ces couleurs alors qu'elle n'est géographiquement et
culturellement pas de culture arabe. Aussi, les couleurs panarabes, qui
expriment l'adhésion d'un Etat à l'Islam, pourraient nous faire
oublier les grandes dissensions entre plusieurs Etats qui hissent ces couleurs.
On oublie trop souvent les nettes différences confessionnelles entre
l'Islam sunnite et l'Islam chiite. Et le drapeau ne montre pas ces
différences. Comme dans le cas des couleurs panslaves, le drapeau est
ici un piège. Il n'exprime pas, malgré l'apparente
homogénéité, des alliances fortes. Néanmoins, on
citera l'exemple d'Israël, qui peut servir de point d'ancrage d'une
politique commune antisioniste de nombre d'Etats musulmans
caractérisés par les mêmes couleurs panarabes. Il n'y a
cependant pas toujours de proximité politique derrière une
proximité vexillologique. Cela peut par conséquent servir des
thèses réductibles, comme celle du « choc des civilisations
»1. En effet, penser que le drapeau peut réunir par la
religion des dizaines de pays, c'est oublier les nombreux désaccords
entre ces mêmes pays, qui a fortiori ne permettent pas une
homogénéité religieuse et politique, que certains ont
prétendu.
Volonté de créer des alliances commerciales ou
politiques
Derrière des drapeaux arborant les mêmes
couleurs, on ne peut ne pas imaginer qu'il existe des intérêts
sous-jacents d'ordre politique et commercial. Plusieurs exemples viennent
à l'esprit. D'abord celui de la Roumanie et de la Moldavie. En effet, le
drapeau moldave exprime bien la volonté du gouvernement actuel de se
rapprocher de la Roumanie, pour accéder à l'Union
Européenne. Il est presque question ici d'une demande sous-jacente de
rattachement à la Roumanie, en soulignant le même héritage
de l'ancienne Valachie. A l'opposé, les sécessionnistes de
Transnistrie récupère l'héritage soviétique pour
soutenir la « vraie » Moldavie, qui selon eux n'a rien à voir
avec la Roumanie et l'Europe (le drapeau de Transnistrie est celui de
l'ancienne RSS de Moldavie). Deux visions politiques s'affrontent, que le
drapeau illustre particulièrement bien.
De la même façon, regardons le drapeau du Panama.
La ressemblance avec celui des Etats-Unis est flagrante (mêmes couleurs,
étoiles), et correspond en vérité à l'alliance
stratégique qui lie les deux protagonistes, même si l'on peut
penser que le poids des Etats-Unis étouffe quelque peu celui du Panama.
Le canal de Panama étant pour les Etats-Unis vital, on imagine donc que
ce drapeau sert les intérêts des Etats-Unis, en rendant officiel
la prépondérance états-unienne sur cet endroit du monde.
Il ya là derrière le drapeau une intégration à une
aire d'influence extérieure, ici celle des Etats-Unis.
1 cf Samuel Huntington, 1997, Le Choc des
Civilisations, Odile Jacob
38
Toujours en Amérique Centrale, un
phénomène vexillologique est éloquent. Quatre drapeaux,
pour quatre Etats arborent les mêmes couleurs, et quasiment sous la
même disposition. Seuls les blasons diffèrent d'un pays à
l'autre. Du nord au sud, le Guatemala, le Salvador, le Honduras, et le
Nicaragua. Ils ont en commun de hisser un drapeau qui rappelle celui des
Provinces unies d'Amérique centrale, ayant vues le jour en 1823. Cette
confédération regroupait les quatre pays
précédents, ainsi que le Costa Rica. A travers un drapeau
similaire, on pourrait imaginer, non pas un retour à cette
république fédérale, mais à la formation d'une
seule entité politique, économique et stratégique à
l'image de l'Union Européenne. Le traité d'intégration
économique de 1960 signé entre les quatre Etats illustre bien ces
liens forts entretenus par ces pays. Le drapeau quasi commun favorise bien
évidemment cette entente sur le plan symbolique.
La prise en compte du voisinage
L'intégration à l'échelle externe
correspond également pour le drapeau à se fondre dans son
environnement. Quelques drapeaux expriment la nécessité de jouer
la neutralité face aux voisins. Le compromis est ici de ne pas froisser
les pays proches. On pense au drapeau de Singapour, qui a placé le
croissant de lune et l'étoile au plus près de la hampe, non pas
pour exposer son rattachement à l'Islam (la majorité des
habitants est bouddhiste), mais simplement pour ne pas s'attirer les foudres de
ses proches pays (Malaisie et Indonésie) dont la religion dominante est
l'Islam. Il y a là une attitude purement géopolitique et
stratégique derrière ce drapeau de compromis à
l'échelle régionale.
On peut également évoquer de nouveau le cas du
Soudan du Sud fraîchement indépendant depuis 2011, qui par son
choix du drapeau, s'est non seulement détaché symboliquement et
religieusement du Soudan (couleurs panafricaines au lieu des panarabes du
Soudan), mais a également créer un lien culturel et politique
avec son voisin kenyan (reprise du drapeau kenyan en fond). Cela signifie une
alliance politique de poids, indispensable pour ce pays en proie à
l'isolationnisme. On soulignera également la proximité religieuse
avec le Kenya chrétien.
La prise en compte du voisinage peut trahir des ambitions
politiques cachées. L'exemple du drapeau ouzbek illustre la
volonté de l'Ouzbékistan de marquer son autorité sur
l'Asie Centrale, et devenir leader influent de cet espace. Le bleu du drapeau
est celui de Tamerlan, fondateur de la dynastie des Timourides qui régna
longtemps sur l'Asie centrale au XVème siècle. Ce héros
récupéré par l'Ouzbékistan, alors que d'autres pays
pouvaient légitimement réclamer cet héritage, souligne
bien l'influence que l'Etat ouzbek souhaite étendre sur l'Asie
centrale'.
' DE LA CONDAMINE, 2008 : 57-58
39
III - Forces vexillologiques
résistantes
Le sujet a été traité de manière
implicite dans les deux dynamiques précédentes, cependant il est
nécessaire de ne pas négliger cet aspect des nouvelles
iconographies et des nouveaux drapeaux. Il existe souvent au sein d'une
iconographie nationale des résistances. Des résistances qui se
dotent d'iconographies, a fortiori d'un drapeau ou qui arborent un
drapeau en provocation du drapeau national. La question soulevée ici est
la suivante : un drapeau national, ou dans une plus large mesure une
iconographie nationale ou un récit national, peuvent-ils être
reconnus de tous sans provoquer chez quelques communautés un sentiment
de rejet aboutissant sur l'élaboration d'iconographies de
résistance ou rivales ?
De la même manière que les deux dynamiques
précédentes, à deux échelles, des forces
iconographiques de résistance prennent part à la
légitimité du drapeau nouvellement créé.
Echelle interne
A cette échelle, il s'agit pour le plus souvent de
régions autonomistes, voire sécessionnistes au sein d'un Etat,
qui concurrencent l'iconographie officielle par leur propre iconographie. C'est
tout le sens des de certaines régions qui préfèrent
arborer leur propre drapeau, considérant l'officiel comme
illégitime, voire non-représentatif de la diversité du
pays. C'est ici le point de départ d'une remise en cause d'une
iconographie nationale, a fortiori d'un équilibre et d'une
stabilité nationale. Comment l'iconographie officielle peut elle
s'adapter ? C'est tout un système qui peut être remis en cause.
Car le drapeau, en tant que représentant ultime d'une iconographie
concurrente, se veut l'ambassadeur d'un autre système.
L'intérêt de cette résistance iconographique est bien de
comprendre quelles dynamiques arbitrent la création d'un drapeau
concurrent, et de voir quelles réponses offrent l'iconographie nationale
officielle.
Des orientations différentes régissent les
iconographies concurrentes. La première est une logique purement
autonomiste et indépendantiste et répond à une
volonté d'une communauté de se détacher d'un pouvoir
central. Le drapeau de ces iconographies concurrentes revêt alors des
couleurs locales sans attaches particulières à d'autres familles
vexillologiques. C'est le sens d'une voie autonomiste sans l'appui de
puissances extérieures qui pourraient instrumentaliser ces mouvements
autonomistes pour affaiblir l'Etat central. L'on pense au drapeau basque
à la frontière franco-espagnole, au drapeau breton, corse, et
kanak en France, qui sont l'expression d'une originalité locale forte
que Paris doit prendre en compte. Le choix de la France fut d'attacher de
l'importance à ces régions autonomistes en acceptant que les deux
drapeaux (celui de la France et celui du régionalisme) soient
arborés lors de cérémonies officielles. La reconnaissance
de ces drapeaux ne nuit pourtant pas à l'unanimité concernant le
tricolore.
Une autre orientation concerne - comme pour les drapeaux
officiels - un rattachement à des familles vexillologiques, ce qui
renforcerait ainsi la force de cette iconographie dissidente. La
majorité des mouvements revendicatifs d'Afrique emprunte cette voie. Ils
choisissent le rattachement aux couleurs panafricaines, s'inscrivant de cette
façon dans la lignée de leurs
40
aînés devenus indépendants1. Le
drapeau des Négro-Mauritaniens arborent un drapeau horizontal jaune,
noir et vert. L'ancien drapeau des indépendantiste du Biafra exprimait
l'appartenance à l'Afrique plus qu'au Nigéria (drapeau
très ressemblant à celui du Malawi actuel). Les autonomistes du
Haoussas (nord du Nigéria) utilise un drapeau purement panafricain (le
panel des couleurs est complet : vert, jaune, rouge, noir, et marron). Les
indépendantistes de l'enclave de Cabinda marque la rupture avec le
régime socialiste d'Angola en s'insérant à l'aire
panafricaine (drapeau de fond blanc, couleurs panafricaines avec un cercle
rouge apposé sur ces couleurs)2. Le cas de l'Azawad
(récemment à l'actualité internationale), partie nord du
Mali, sous contrôle touareg et islamiste, est très subtil. Le
drapeau arboré se rattache à deux familles vexillologiques. A la
famille panafricaine (les quatre couleurs sont vert, jaune, rouge et noir), et
à la famille panarabe, ou plutôt soutien de la Palestine. La
structure du drapeau avec le triangle jaune et les trois bandes aux couleurs
panarabes illustre ce rattachement à la famille panarabe.
L'équilibre des deux rattachements (qui exprime deux courant de
pensées : panafricain pour les touareg, panarabe pour les islamistes)
est ainsi complexe et souligne toute la finesse et tout le discernement
nécessaire pour l'analyse géopolitique de ce mouvement
indépendantiste. En Chine, le drapeau du Turkestan Oriental où
vivent des Ouïghours turcophones et musulmans, se rattache directement au
mouvement panarabe fixant définitivement une rupture avec le
régime communiste chinois au profit de revendications religieuses (le
drapeau sur fond bleu ou vert selon les endroits se pare du croissant et de
l'étoile3).
Enfin une dernière orientation correspond à
l'élaboration d'un drapeau autonomiste directement inspiré d'une
puissance étrangère qui dans certains cas peut instrumentaliser
le mouvement autonomiste pour ses propres intérêts afin
d'affaiblir l'Etat officiel considéré comme hostile. On a
déjà évoqué le cas de la Transnistrie dont le
drapeau est une réplique de l'ancienne RSS de Moldavie, on peut
évoquer le cas de l'Ossétie du Sud sur le territoire
géorgien. En vérité, le drapeau de l'Ossétie du
Sud, peuplé de russophones, est le même que celui de
l'Ossétie du Nord en territoire russe. Il s'agit là de clairement
exposer son orientation politique : le rattachement à l'espace russe. On
imagine aisément l'implication des autorités russes dans la
formation de ce drapeau, pour maintenir son assise dans la région et
s'opposer au régime géorgien. Dans cette même
région, le drapeau du Daghestan dont on a entendu les ardeurs
indépendantistes, est quasiment identique au drapeau russe, le vert
(pour l'Islam) se substituant au bleu russe. Que peut-on en conclure ? Le
Daghestan souhaite-t-il réellement l'indépendance ? Les
dirigeants sont-ils tant anti-russe comme on le dit en Russie ? Le drapeau
oriente simplement notre réflexion : le cas du Daghestan ressemble
à celui d'un mouvement autonomiste orchestré par Moscou pour
pouvoir intervenir fermement dans la région et retrouver de son
autorité passée.
Dernier cas d'étude : celui du
Haut-Karabagh4. Le drapeau de cette région disputée
par les autorités arméniennes et azéris menant même
parfois jusqu'au conflit, est l'exemple même d'un drapeau au service
d'une entité extérieure. Les marches blanches orientées
vers la
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 72
2 DE LA CONDAMINE, 2005, exemples tirés de cet
ouvrage
3 LUX-WURM, 2001 : 284
4 Cf DE LA CONDAMINE, 2008 : 47-49
41
gauche (vers l'ouest, vers l'Arménie) sur le fond des
couleurs arméniennes est une explication explicite du rattachement du
Haut-Karabagh à l'Arménie. De la même façon, le
drapeau de la République serbe de Bosnie arborant les couleurs panslaves
similaires donc aux couleurs serbes, exprime l'implication du régime
serbe dans le processus d'autonomisation de cette région à
majorité serbe orthodoxe pour rétablir à long terme le
rattachement à la Serbie.
Dans les deux cas, difficile de ne pas imaginer ces
régions autonomistes (et leurs drapeaux) en proie à des
intérêts qui dépasse largement le cadre du processus
séparatiste. En effet, comme dans le cas de la formation du drapeau
national, la formation ou les revendications vexillologiques de certaines
entités sont autant mués par les intérêts d'autres
acteurs que par leurs propres arguments autonomistes.
Echelle externe
Il s'agit ici de comprendre comment le choix des couleurs, des
symboles, des emblèmes, peut parfois induire de vives tensions entre
Etats. Par ailleurs, une certaine interprétation d'un drapeau peut
parfois conduire un drapeau officiel à se modifier clairement.
Ces tensions intra-étatiques autour du drapeau
correspondent en vérité le plus souvent à ce que Thual
nomme la « bataille de généalogie »1. Un
symbole devient disputé entre deux parties et peut conduire à la
rupture de relations diplomatiques. Trois exemples sont particulièrement
significatifs : le cas de la Macédoine et de la Grèce, celui de
la Slovaquie et de la Hongrie, ainsi que celui du Tchad et de la Roumanie.
A la querelle sémantique entre la Grèce et la
Macédoine2, s'est adjoint une querelle de drapeau concernant
un certain héritage. Sur le plan sémantique comme sur le plan
vexillologique, c'est l'accaparement d'un certain patrimoine qui
génère de lourdes tensions entre les deux protagonistes.
Après la fragmentation de l'ex-Yougoslavie en 1991, la Macédoine
devient indépendante sous l'appellation République de
Macédoine et se heurte dès lors l'hostilité de la
Grèce concernant son nom. Celui-ci, qui est utilisé pour une
province grecque, est considéré pour la Grèce comme un
héritage culturel de l'Antiquité ne pouvant être
revendiqué que par la Grèce elle-même. Les autorités
grecques, craignant d'éventuelles revendications de souveraineté
sur certains territoires grecs par l'autorité du nom, et par la
présence de populations slaves macédoniennes, décide un
embargo contre la Macédoine pour qu'elle change de nom. Cette querelle
sémantique s'est doublée d'une querelle de drapeaux. En effet,
parallèlement à son indépendance, la Macédoine se
dote de symboles et d'un drapeau reprenant le soleil de Vergina, symbole
retrouvé - vraisemblablement - sur la tombe de Philippe II, père
d'Alexandre le Grand, célèbre roi et héros grec, de langue
grecque de l'Antiquité. Cela exacerbe alors encore plus les tensions
entre les deux Etats. Paralysée par l'embargo, la Macédoine
accepte de changer ses symboles en 1994. Figure désormais une
étoile stylisée à huit rais sur le drapeau
macédonien, c'est un drapeau de compromis.
1 THUAL, 1999 : 45
2 Lire à ce propos l'étude très
précise suivante : Nadège Ragaru,
Macédoine-Grèce : les pouvoirs de la toponymie,
publications de Science-Po et du CERI.
42
Il est bien question ici d'une querelle iconographique dans
laquelle le drapeau a tenu le rôle principal à coté de la
dénomination. Nous finirons simplement par dire qu'aujourd'hui encore,
la Macédoine prend l'appellation d'Ancienne République Yougoslave
de Macédoine (ARYM) pour prendre place au sein des différentes
organisations dans le monde.
Les tensions entre la Hongrie et la Slovaquie sont elles
d'origines ethniques, surtout depuis l'apparition du parti extrémiste et
nationaliste slovaque anti-magyares du Parti National Slovaque (PNS). C'est la
minorité magyare de Slovaquie qui a cristallisé toutes les
attentions des deux Etats. En effet, les attaques perpétrées par
Jan Slotà (président du PNS) contre cette communauté ont
été mal reçues par les autorités hongroises. Le
drapeau va ici s'ajouter comme sujet de discorde entre les deux pays pour deux
raisons : à propos du blason slovaque, sensiblement similaire au
hongrois (les deux revendiquent un même héritage par la
présence sur les deux blasons nationaux de la double croix) ; et par la
présence symbolique dans le blason slovaque d'une montagne, le Matra,
aujourd'hui en Hongrie. L'héritage historique, culturel et linguistique
a donc déterminé des tensions latentes dont le drapeau se fait le
messager.
Le cas de la Roumanie et du Tchad est lui complètement
étranger à d'autres considérations que celles concernant
le drapeau. Simplement, les deux drapeaux arborent les mêmes couleurs
(bleu, jaune et rouge) dans le même ordre. Il existe une nuance de bleu,
mais elle n'est pas assez nette pour pouvoir différencier les deux
bannières. La Roumanie, de manière officieuse en a
référé à l'ONU pour que le Tchad change au moins
une couleur. En effet, la Roumanie avait expliqué que la
similarité des deux drapeaux avait entraîné une perte de
crédibilité de certaines entreprises roumaines qui arboraient les
couleurs nationales. Les relations diplomatiques entre le Tchad et la Roumanie
sont à l'heure actuelle froides.
On peut enfin évoquer dans le cadre d'une bataille de
généalogie, les tensions qui peuvent régner entre
plusieurs Etats arborant le même insigne central. Il s'agit dès
lors d'une bataille d'héritage. Prenons le cas de l'aigle
bicéphale, qui se retrouve sur pas moins de trois drapeaux officiels
(Monténégro, Albanie, et Serbie). Ce qui retient l'attention ici,
c'est de savoir qui s'inscrit dans la lignée de l'Empire Byzantin don
l'aigle bicéphale était l'emblème. Ces trois Etats sont
donc concurrents pour la main mise sur un symbole qui leur procure une aura
inestimable.
La réaction de l'iconographie
officielle.
Les réactions diffèrent d'un pays à
l'autre selon que l'unité nationale soit considérée comme
réalisée. Lorsque le pays est démocratique, tout du moins
d'apparence démocratique, les iconographies concurrentes sont
acceptées. Elles figurent à côté des officielles
créant une diversité iconographique dont la Nation s'en trouve
renforcée. Il n'est pas étonnant de retrouver sur les
bâtiments publics côte à côte drapeaux breton et
français en Bretagne. De la même façon, le drapeau du
Québec se déploie désormais aux côtés de
celui du Canada dans la province éponyme. De la même
manière, en Ecosse, au Pays de Galles, en Irlande du Nord et en
Angleterre, l'Union Jack se hisse à coté du drapeau
régional sans que cela porte préjudice au drapeau et à
l'unité du Royaume-Uni. Le drapeau officiel demeure néanmoins
l'unique
43
représentant du pays lors de grandes réunions
nationales ou internationales. Mais ces iconographies concurrentes ne remettent
pas en cause l'officielle. Elles demeurent en marge. Finalement, plus que se
vouloir se vouloir antagoniste, la présence des iconographies
concurrentes sur l'espace de l'iconographie nationale, ne fait que renforcer la
stabilité de cette dernière. Celle-ci apparaissant comme ouverte
à l'expression d'une opposition, mais en même temps suffisamment
ferme pour unifier tout un territoire.
Le cas des régimes que l'on peut qualifier
d'autoritaires diffère. Accepter une iconographie concurrente, c'est
accepter que son propre régime ne satisfasse pas l'ensemble des
individus. Tous, ne souscrivent pas à ce constat. Par conséquent,
l'interdiction de brandir un drapeau concurrent va de pair avec
l'élimination physique ou politique des opposants, avec le rejet
systématique de demandes de dialogues, et avec un mépris
concernant ceux qui s'opposent ou revendiquent une autre idée que celle
dite « officielle », ou tout simplement la prise en compte de leurs
intérêts. Ainsi, ces iconographies concurrentes peuvent être
étouffées. Viennent à l'esprit le cas du drapeau kurde,
totalement interdit sur le territoire turc (pourtant 20% de la population
totale), et le cas du brandissement d'un drapeau tibétain en Chine,
juridiquement punissable.
Inversement, si l'on s'aperçoit que certaines
pratiques, certains rites, certaines religions sont sanctionnées
durement ou tout simplement bannis par le pouvoir central, on en conclura que
le régime en place est autoritaire. On se rendra compte alors que le
régime sera de type nationaliste agressif et non plus « ordinaire
» comme c'est le cas en régime démocratique. L'exemple
syrien du moment est également significatif. Les
événements actuels en Syrie mettent au jour deux iconographies
rivales, deux drapeaux opposés1. Celui des rebelles, qui
reprend celui la Première République indépendante de Syrie
après le départ des Français, qui s'oppose au drapeau
officiel, digne héritier du drapeau de l'Union des républiques
arabes (1972-1980). Deux drapeaux concurrents, pour deux visions politiques
différentes.
IV - Quels drapeaux pour quels pays
?
Dans une vision géopolitique, quels types de pays cette
grille d'analyse détermine-t-elle ? C'est ici la confrontation de ces
trois dynamiques de formation d'un drapeau qui nous permet de les classifier et
de repérer les principaux traits des pays qu'ils représentent.
Une petite précision s'impose, un drapeau
n'obéit pas toujours à un seul type de drapeau, il peut
être concerné par plusieurs catégories.
-Les drapeaux dont l'aura a été conservée
par le temps, avec un certain héritage qui n'est pas renié. Ce
sont les drapeaux d'héritages. Il s'agit le plus souvent de
« vieux drapeaux », encore beaucoup plébiscités et
inspirant pour d'autres drapeaux. On pense aux vieux Etats-Nations d'Europe de
l'ouest (France, Espagne, Italie, Allemagne, Royaume-Uni, drapeaux de la
Scandinavie, Autriche...), aux drapeaux russe, japonais...
1 Lire Blog de la SFV, «Après la Libye, la
Syrie : réapparition de l'ancien drapeau », 28/01/2012
44
-Les drapeaux fédérateurs : on entend
ici parler de la famille vexillologique états-unienne. Ces drapeaux
mettent l'accent sur leur propre régime fédéral avant
d'être des drapeaux internationaux. On pense aux Etats-Unis donc, mais
aussi à la Malaisie, à l'Uruguay, au Libéria, aux Emirats
Arabes Unis, états archipélagiques du Pacifique, au Togo...
-Les drapeaux de type idéologique : on peut
évoquer ici les drapeaux qui mettent en avant leurs propres
régime - le plus souvent communiste (drapeaux
sécularisés), marxiste, et même monarchique (Chine, Cuba,
Corée du Nord, Bhoutan) voire même ces drapeaux revendiquant
clairement une religion d'Etat, la confondant ainsi avec une idéologie
(Iran, Arabie Saoudite)
-Les drapeaux correspondant à une démarche
volontariste, allant de la revendication territoriale aux alliances
politiques par le biais du drapeau, ou tout simplement l'unité
territoriale (Tanzanie). On pense aux mouvements nordiques (croix nordique),
panslaves (même si l'homogénéité politique est loin
d'être établie), panafricains (même constat : ce mouvement
demeure en marge d'un point de vue politique), panarabes (de même
l'homogénéité politique de ce groupe arborant ces couleurs
est à démontrer). Egalement les Etats d'Amérique centrale,
ou encore Singapour qui s'insère volontairement dans son environnement
musulman par son drapeau. On peut également évoquer ces
rapprochements culturels comme le bleu eurasiatique présent sur le
drapeau azéri, mongol, et kazakh rappelant les racines communes du
pantouranisme de ces Etats, après s'être séparé du
joug soviétique, ou encore le blanc et rouge commun à Madagascar
et à l'Indonésie soulignant le lointain mais réel lien
à l'aire civilisationelle indonésienne.
-Une place doit être faite, dans la lignée des
couleurs de « panismes », à ces drapeaux de la
religion, qui expriment l'unité nationale par la religion qui
correspond en vérité à une iconographie nationale dans sa
majorité religieuse, mais également un rattachement à une
entité religieuse qui dépasse le cadre national (on utilise alors
la croix pour la chrétienté, le croissant et l'étoile pour
l'Islam...). Evidemment les drapeaux aux couleurs panarabes illustrent bien
cette idée. Citons également la Turquie, l'Algérie, la
Tunisie, les Comores, les Maldives et Pakistan pour l'Islam. Pour la religion
chrétienne, on penser à Malte, au Vatican. Pour sa part,
Israël nous rappelle la primauté de la religion judaïque sur
son territoire.
-Les drapeaux consensuels : ce sont bien là
des drapeaux qui peuvent souligner la fragilité politique du pays qu'ils
représentent (Chypre, Kosovo, Bosnie), certains sont cependant
désormais bien ancrés dans les esprits (Afrique du Sud). Certains
d'entre eux ne trouvent pas mieux qu'un élément naturel pour
contenir les ardeurs des différentes communautés (le cèdre
au Liban). Dans ces Etats fragiles, les forces vexillologiques
résistantes sont très présentes et marquent la
difficulté de créer une iconographie nationale convenant à
l'ensemble des acteurs (drapeau albanais au Kosovo, drapeau du Hezbollah au
Liban, drapeau de Chypre du Nord à Chypre, drapeaux serbes et croates en
Bosnie...). Ces drapeaux consensuels peuvent au contraire établir une
unité nationale avérée souvent réalisée par
l'alliance de deux religions dominantes satisfaisant ainsi les deux parties
(Irlande, Albanie, Inde...).
45
-Une autre catégorie concerne ces drapeaux
d'allégeances à une entité extérieure : Ce
sont pour leplus souvent des drapeaux qui comportent la marque dans leur canton
d'une autorité étrangère. On pense aux drapeaux de
certains dominions britanniques, de l'Australie... On peut penser
également au drapeau du Belarus établissant clairement le lien
politique entre Russie et Belarus.
-Enfin une dernière catégorie recenserait ces
pays qui arborent des drapeaux neutres sans attaches particulières
à des groupements extérieurs, ne cherchant simplement qu'à
opérer une unité nationale la plus forte possible, souvent
nés - ou réapparus - après la colonisation. On pourrait
les nommer drapeaux de l'unité et de l'intégrité
nationale. On pense aux drapeaux d'Amérique du Sud (Brésil,
Argentine, Chili), quelques africains (Botswana, Namibie), d'ex-Indochine,
Mexique... Officiellement, la symbolique des couleurs tient souvent
d'explications par la nature (vert pour les forêts, bleu pour
l'océan...).
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