Conclusion
Notre parcours « vexillo-géopolitique »
touche à sa fin, il nous faut désormais tirer plusieurs
enseignements.
La définition générale de la
géopolitique, étude de l'établissement d'un pouvoir sur un
territoire, et de ses corollaires (enjeux, acteurs...), nous avait servie de
point de départ de tout notre exposé. Or, au cours de cette
étude, on a constaté la capacité du drapeau à se
mouvoir en amont et en aval de cette large définition de la
géopolitique. Plus loin encore, on s'est même engouffré en
géopolitique par le biais du drapeau.
C'est ici une donnée importante que la mise en valeur
géopolitique par le drapeau. Ce dernier se situe au coeur du lien
contracté entre un espace, un pouvoir et un peuple. Le drapeau se trouve
l'appendice de ces trois pôles. Il est d'abord la marque symbolique de la
souveraineté d'une autorité sur un espace donné (on plante
un drapeau), rôle quasi militaire. Il est ensuite le lien permanent
entretenu entre cette autorité et son peuple, débouchant sur un
nationalisme qui peut revêtir différentes formes (passif, «
ordinaire », voire agressif). Il est également pour un peuple un
moyen d'émancipation, un repère psychologique de premier ordre
dans l'équilibre mental d'un individu. Il est un créateur
d'identité et objet matériel de cohésion et d'unité
nationale, tant ses couleurs, qui paraissent la forme la plus
élémentaire de lecture et de ralliement, l'ont
précipité objet coutumier et en même temps
sacralisé. Enfin il permet à un espace donné de se
territorialiser. En effet, le drapeau invite chaque esprit à une
cartographie mentale de son propre territoire.
Pour tous ces paramètres, le drapeau, et plus largement
les iconographies sont des données ultra nécessaires pour la
force et la stabilité d'un pouvoir en place. Plus l'iconographie est
forte, mieux un pays est paré contre les effets néfastes de
l'ouverture généralisée. Il y a néanmoins danger
lorsque l'iconographie dépasse largement la circulation (trop de
drapeaux cache toujours une autre réalité qu'une simple
inclination pour son pays).
Le drapeau nous a ainsi exposé qu'un territoire n'est
pas la propriété d'un pouvoir, mais d'un peuple, qui a
sacralisé ce même territoire par le drapeau. Par
conséquent, les régimes politiques peuvent varier, le drapeau
ainsi que le territoire ne suivent pas toujours ces mêmes variations. Le
lien drapeau-territoire est bien le caractère essentiel d'un point de
vue géopolitique de l'étude du drapeau.
Ce mémoire a également démontré
que l'élaboration d'un drapeau ainsi que son évolution
étaient tributaires de données et de dynamiques
géopolitiques qui gouvernaient sa structure et sa
légitimité. En inversant, l'étude de la formation d'un
drapeau a révélé, et parfois précipité de
grands courants géopolitiques, ainsi que d'autres plus subtils, que
seuls les drapeaux parviennent à signaler de manière
concrète. Il ne s'agit pas là de savoir qui fut avant l'autre (le
drapeau ou les données géopolitiques), il n'en reste pas moins
que la géopolitique et l'évolution des drapeaux constituent deux
agents en interaction permanente.
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Cet exposé a en outre souligné la
capacité du drapeau à être par lui-même un acteur
géopolitique à part entière en se positionnant en amont de
certaines attitudes géopolitiques. C'est toute la force dont est capable
le drapeau : passer aisément d'un message symbolique à un message
politique, a fortiori géopolitique. Les deux portées,
symbolique et géopolitique, se confondent dès lors, et ne se
conçoivent plus l'une sans l'autre. Du symbolique au
géopolitique, il n'y a qu'un pas...
De plus, l'intégration de l'étude du drapeau
dans le cadre conceptuel de Jean Gottmann a ainsi ouvert à
l'étude des symboles une perspective d'intégration aux
considérations géopolitiques majeures de ce monde. L'examen de la
formation parallèle d'un régionalisme, d'un territoire et d'une
iconographie, face aux effets des différentes circulations et autres
mouvements de déstabilisation, demeure essentiel pour la
compréhension de n'importe quel comportement de type géopolitique
à n'importe quelle échelle géographique. La prise en
compte du drapeau en géopolitique a donc trouvé
théoriquement un terrain d'étude qui se renouvelle à
mesure que se créent de nouvelles entités communautaires avant
d'être politiques. C'est une fin légitime pour celui qui nous
accompagne tous les jours sans que l'on y prenne garde.
Pour systématiser, on peut penser d'un point de vue
géopolitique que le drapeau donne du sens (il dote une
communauté, un peuple, une nation, d'un référent
identitaire pour la reconnaissance), mais également qu'il contient
du sens (particularités nationales et aspirations
géopolitiques des Etats). Enfin, il fait sens (il est un acteur
majeur décisionnel en amont des problématiques
géopolitiques, déterminant par lui-même, par sa puissance
symbolique, des comportements géopolitiques).
Finalement, avoir confronté le drapeau avec la
géopolitique, c'est avoir appréhendé la
géopolitique par une autre voie d'accès, celle des couleurs. Quoi
de plus naturel et accessible puisqu'elles sont présentes partout !
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