Session de Juin 2012
UFR 08 GEOGRAPHIE - UNIVERSITE PARIS 1 MASTER 1
GEOGRAPHIE, « PARCOURS GEOPOLITIQUE »
DRAPEAUX, ICONOGRAPHIES, ET
GEOPOLITIQUE
GERMAIN-BATISSE SIMON, sous la direction de
Georges Prévélakis.
Jury de soutenance : Georges Prévélakis
(Université Paris 1) Gilles Palsky (Université Paris
1)
2
Remerciements :
Mes remerciements et toute ma gratitude à
Cédric de Fougerolles et Patrice de la Condamine pour leurs conseils
éclairés.
A Cédric de Fougerolles, pour de longues et
enrichissantes conversations vexillologiques qui m'ont fait voyager dans le
temps et l'espace.
A Patrice de la Condamine, pour des correspondances
écrites, dans lesquelles il m'a transmis son profond
intérêt pour cette si passionnante discipline qu'est la
vexillologie.
Remerciements particuliers à Georges
Prévélakis, directeur de ce présent mémoire, pour
son aide précieuse et sa disponibilité, quant à la bonne
conduite de cet exposé.
Paris, le 17 juin 2012
3
Sommaire
Remerciements : 2
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 4
CHAPITRE PREMIER 8
UN DRAPEAU DE PARADOXES 8
I - Paradoxe quantitatif 8
II - Paradoxe qualitatif 9
III - Paradoxe structurel 10
IV - Paradoxe temporel 11
V - Des paradoxes éclairants 12
CHAPITRE SECOND 14
LE DRAPEAU DANS LE CADRE CONCEPTUEL DE JEAN GOTTMANN 14
I - La dialectique circulation/iconographie et sa
substitution réseaux/territoires 14
II - La place du drapeau dans ce cadre conceptuel
18
CHAPITRE TROISIEME 21
LES RACINES DE L'ATTACHEMENT AU DRAPEAU 21
I - Territoire et drapeau 21
II - Drapeau et désir territorial 21
III - Drapeau et imaginaire collectif 22
IV - Drapeau et quotidien 23
V - Drapeau et « nationalisme ordinaire »
25
VI - Drapeau et récupération politique
25
CHAPITRE QUATRIEME 27
LA FORMATION D'UN DRAPEAU : UN PROCESSUS GEOPOLITIQUE 27
I - La séparation vexillologique 27
II - L'intégration vexillologique 31
III - Forces vexillologiques résistantes 39
IV - Quels drapeaux pour quels pays ? 43
CHAPITRE CINQUIEME 75
L'AVENIR GEOPOLITIQUE DU DRAPEAU 75
I - Fin des frontières, fin des territoires, fin
des drapeaux ? 75
II - L'insatiable besoin d'identité 75
III - Le drapeau : Une carte d'identité
internationale 76
IV - Un retour aux sources militaires. 77
V - La fonction dissuasive du drapeau 78
VI - Le drapeau par lui-même, pour lui-même
79
CONCLUSION 82
BIBLIOGRAPHIE 84
ANNEXES 87
TABLE DES MATIERES 101
4
Introduction
T
ant d'énergie qu'il insuffle, tant de luttes qu'il
porte, tant de courage qu'il force, tant de respect qu'il inspire, tant de
combats qu'il anime, tant de haine qu'il suscite, tant d'hommes qu'il
rassemble, tant d'idées qu'il diffuse, tant de gloire qu'il procure,
tant de convoitises qu'il attise, tant de tragédies qu'il
commémore, et pourtant tant de méconnaissance et parfois de
désintérêt dont il est la victime. Le drapeau fait partie
de ces symboles, d'une caste d'objets qui savent déchainer passions,
haines, mais aussi sacrifices et violences en son nom.
On ne peut pas appréhender le monde du drapeau,
l'étude de ses couleurs et de son histoire (la vexillologie), sans
penser à ces images, à ces photographies, à ces
clichés célèbres1, à ces
tableaux2, et à ces discours dans lesquels le drapeau est
cité autant qu'il est présent autour de l'orateur. Et pourtant,
celui qui incarne la fierté de tout un peuple peut se retrouver parfois
objet de cristallisation de toutes les haines et de tous les maux.
Insérons-nous dans ce monde des drapeaux, où rien ne va de soi,
où rien n'est ni blanc ni noir.
Ce mémoire est directement inspiré par deux
événements récents où le drapeau tint le rôle
principal. Le premier s'est déroulé le 13 décembre 2011,
date à laquelle le drapeau palestinien est hissé parmi l'ensemble
des drapeaux des pays qui adhèrent à l'UNESCO, antenne de l'ONU
pour la promotion de l'éducation, des sciences et de la culture dans le
monde. Cet acte symbolique, faisait figure d'étape décisive dans
l'éventuelle reconnaissance de l'Etat de Palestine par la
communauté internationale. Evidemment, les réactions qui
s'ensuivirent furent nombreuses allant de la simple réponse positive
officielle à des oppositions cinglantes (Etat d'Israël et
Etats-Unis plus particulièrement3). Surtout, plus encore que
le nombre de réactions, c'est ici la diversité des acteurs qui
ont fait part de leurs réactions qui nous interpelle. Des acteurs
traditionnels comme les Etats, aux Organismes Non-Gouvernementaux (ONG), en
passant par de grandes entreprises ou encore la presse et les opinions
publiques, chacun possédait son propre avis sur la question. Chacun y
calculait ses propres stratégies pour l'avenir. Par exemple, Israël
a dès lors durcit son discours sur la Palestine ainsi que sur l'Iran,
allié de la Palestine, fragilisant encore plus une région
déjà instable. De leurs côtés, les grandes
multinationales du pétrole ont calculé les éventuelles
répercutions sur l'approvisionnement en hydrocarbures du Proche-Orient,
en fonction de cet événement qui risquait de modifier le cours
des extractions de pétrole de cette région Ce qui est en jeu
derrière cette image du drapeau palestinien à l'Unesco, c'est
bien ici l'équilibre politique, économique, et financier d'une
région, et dans une plus large mesure du monde.
1 On pense à cette photographie du drapeau
des Etats-Unis hissé sur l'île d'Iwo-Jima pendant la Seconde
Guerre Mondial, où les lignes de fuites se rassemblent toutes au niveau
du drapeau, fière incarnation de la victoire finale américaine.
Cliché pris par Joe Rosenthal.
2 On pense évidemment à « La
Liberté guidant le peuple » d'Eugène Delacroix, 1830
3 Courrier international, « Un drapeau
palestinien flotte à l'Unesco », 14/12/2011
5
Le deuxième événement s'est
déroulé en France en mars 2010. Pour un concours de photographies
organisé par une grande entreprise française, dans la
catégorie « politiquement incorrect, un cliché
représentant un homme en train de s'essuyer le postérieur avec le
drapeau tricolore, est présenté et
récompensé1. Là aussi, le déferlement
médiatique qui suivit cet événement fut sans limites.
Certains y voyaient une oeuvre d'art, quand d'autres s'insurgeaient contre ce
cliché jugé simulacre de la République Française.
Notre sujet n'est pas ici de s'insérer dans ce débat complexe,
mais de simplement constater que le drapeau tient une place particulière
au sein de ces objets quasi sacralisés qui représentent toute une
nation.
Que nous enseignent ces deux événements ?
Simplement qu'il ne faut ni transiger sur les usages du drapeau, ni
négliger son pouvoir symbolique, sur n'importe quel sujet qui soit, et
à n'importe quelle échelle. Car derrière un
étendard se cachent des réflexions et des intérêts
bien plus profonds que le caractère dérisoire du drapeau. En
effet, les deux affaires précédentes s'intègrent largement
au domaine politique. L'une concerne les répercutions à
l'échelle internationale de la mise en scène du drapeau
palestinien à l'Unesco, l'autre aborde la valeur et le caractère
sacré du drapeau dans les fondements d'un Etat (ici la France).
Ces deux événements insèrent directement
le drapeau dans des considérations géopolitiques. La
géopolitique, dans son étude des « rivalités de
pouvoir sur un territoire »2, propose l'analyse de l'espace
comme terrain d'enjeux de toutes natures. Or le drapeau, dans les exemples
précédents, se situe au coeur de cette relation entre espace et
pouvoir. A une échelle interne, puisque le drapeau constitue un
repère d'identité nationale, il est un outil au service de
l'instauration d'une autorité sur un territoire. A l'échelle
externe, puisque sa simple vue peut révéler des enjeux politiques
et économiques qui dépassent largement son caractère
matériellement dérisoire.
Trop peu d'ouvrages ou manuels géopolitiques appellent
à l'étude des symboles comme source intégrante de
l'analyse géopolitique. Pourtant, à l'heure où la mode est
à la mondialisation ou autre globalisation, on assiste paradoxalement
aux retours des frontières et des érections de murs, et à
l'affirmation des identités nationales. Parallèlement à
ces mouvements de protection face à la mondialisation, vue comme une
machine à broyer les identités et les souverainetés
nationales, le drapeau refait son apparition comme l'incarnation de cette
identité retrouvée. Néanmoins, on oublie vite que le
drapeau fut de toutes les luttes, de tous les combats, de tous les
bouleversements politiques de ce monde. On oublie vite que les hommes ont
toujours cherché à vivre en communauté et à se
doter de symboles pour les représenter. Les drapeaux nous semblent
aujourd'hui les plus anciens représentants des hommes. Comment peut-on
alors négliger ces représentants matériels des hommes, de
ceux qui font l'Histoire, et de ceux qui sont les décideurs des enjeux
géopolitiques dans l'espace et dans le temps ? D'ailleurs une question a
été formidablement bien posée par Whitney
Smith3 à ce sujet : « pourquoi, malgré l'absence
de tout règlement ou traités internationaux exigeant
1 L'Express, « Il utilise le drapeau
français comme papier toilette pour une photo », 21/04/2010
2 Yves Lacoste, Dictionnaire de
Géopolitique, 1993
3 Whitney Smith est considéré comme
le « pape » de la vexillologie (étude « scientifique
» des drapeaux) moderne. Il a même dessiné le modèle
du drapeau du Guyana. Il est l'un des premiers à avoir rapporté
le drapeau à la géopolitique. Il dirige actuellement le «
Flag Research Center » aux Etats-Unis.
6
l'adoption de drapeaux nationaux, tous les pays sans exception
se sont-ils forgés un drapeau ? »1
Certains manuels nous parlerons des «
représentations collectives » chères à Yves Lacoste,
quand d'autres insisteront sur le rôle des symboles en
géopolitique à propos de la souveraineté nationale sur une
page sur un ouvrage de cinq cent. Seul un géographe, Jean Gottmann, a
réellement doté les symboles, et les drapeaux, d'un rôle de
premier ordre en géographie
politique et en géopolitique. Dans son triptyque «
cloisonnement du monde/circulation/iconographie », le géographe
français propose un cadre conceptuel permettant l'étude de
l'instauration d'une autorité sur un territoire et sa
pérennité. La stabilité d'un Etat provient, chez Jean
Gottmann, de la force des iconographies, ce « ciment solide qui lie les
membres de la communauté »2 face à la
circulation, « système de mouvement »3, qui brasse
les hommes, les idées et les marchandises. C'est dans ces iconographies
que le drapeau trouve sa place, et qui nous permet de théoriquement
l'intégrer au domaine géopolitique.
Notre sujet sera donc d'appréhender le monde de la
géopolitique à travers le drapeau. En effet, la lecture de
celui-ci, non pas seulement l'analyse de ses couleurs et de son histoire, mais
également son replacement dans le cadre de l'établissement d'une
autorité sur un territoire, son étonnante faculté à
rassembler un peuple, sa force symbolique de projection d'autorité, sa
sacralité, et sa puissance photographique, sont autant de clés
pour saisir la complexité de certaines situations
géopolitiques.
Il nous faudra ainsi comprendre comment le drapeau peut se
retrouver au coeur d'enjeux géopolitiques majeurs, et expliquer comment
celui qui n'est à l'origine qu'un simple tissu représentant d'un
Etat, puisse se muer en véritable acteur géopolitique à
part entière à plusieurs échelles géographiques.
Enfin, il faudra analyser ce passage du pouvoir symbolique du drapeau au
pouvoir politique et géopolitique, pas toujours évident.
Evidemment, ce mémoire déborde du cadre
géopolitique. Des disciplines comme la géographie culturelle ou
humaine, l'histoire, la philosophie et la psychologie seront convoquées.
De plus, il ne sera question pour ce mémoire que du système
vexillologique moderne, c'est-à-dire de l'analyse des drapeaux nationaux
des Etats actuels. Les cas de certains régionalismes
séparatistes, autonomistes, ou indépendantistes seront
également incorporés. Par ailleurs, les élans lyriques que
le drapeau insuffle, ont tenté d'être évités ou de
se faire discrets, il est vrai que la tendance à se laisser bercer par
l'enthousiasmante et si intéressante analyse de quelques bouts de tissus
peut malencontreusement influer sur l'écriture adoptée. Enfin,
une dernière remarque paraît nécessaire. Le drapeau, au
même titre que beaucoup d'autres symboles, sont des objets
récupérables. Ils sont en quelque sorte sujets à
interprétations variables, ce qui nuit au sens originel du drapeau. Ce
mémoire s'est donc efforcé de ne faire dire aux drapeaux que ce
que les créateurs originels avaient imaginé. Il est vrai que
l'inclination à faire dire aux drapeaux ce qu'ils ne disent pas, y
compris officieusement, est parfois tentante.
1 WHITNEY SMITH, 1976 : 78
2 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
3 JEAN GOTTMANN, 1952 : 214
7
Le premier chapitre de ce mémoire relève de
nombreux paradoxes qui se font jour lorsqu'il est question du drapeau. Ils
démontrent simplement que l'étude des drapeaux se réalise
dans la nuance et dans le rejet des idées préconçues. Le
drapeau est certes un objet de communication extrêmement
élémentaire, il n'en demeure pas moins que le message qu'il porte
est toujours complexe.
Le second chapitre se propose de replacer le drapeau dans le
cadre conceptuel « cloisonnement du monde/circulation/iconographie »
formulé par Jean Gottmann. Il visera à saisir toute l'importance
et l'impact du drapeau dans la stabilisation, ou au contraire dans le
renversement d'une autorité sur un territoire.
Le troisième chapitre vise à repérer les
origines de l'attachement qu'un peuple puisse avoir pour son drapeau national.
De la territorialisation par le drapeau à l'expression d'un «
nationalisme ordinaire »1, le drapeau dévoilera ici
toute sa force fédératrice et créatrice d'unité,
parfois utilisée à dessein politique.
Le quatrième chapitre, le plus consistant,
s'intéresse à l'élaboration et à l'évolution
de la structure d'un drapeau (ses couleurs, ses formes, ses symboles...). Cette
analyse révélera trois dynamiques géopolitiques qui
président à la formation du drapeau. Cette étude sera
suivie d'un tableau récapitulatif de l'ensemble des drapeaux des pays du
monde, confrontés à ces trois dynamiques structurelles. Par ce
jeu des couleurs à résonnance géopolitique, on pourra
établir une typologie à teneur géopolitique des pays du
monde.
Le cinquième et dernier chapitre concerne l'avenir du
drapeau en géopolitique. A la théorie de la fin des cloisons
mondiales et à l'ouverture généralisée, on opposera
le drapeau comme un outil de redéfinition des Etats et de leurs
territoires sur la scène mondiale. Enfin, on exprimera que la puissance
symbolique du drapeau peut égaler, sinon supplanter, n'importe quel fait
géopolitique. En effet, on se souvient plus de l'image du drapeau des
Etats-Unis sur la Lune, que du nom du premier homme à avoir
marché sur cette Lune (Neil Armstrong).
Le drapeau des Etats-Unis sur la Lune, un fait
géopolitique de premier ordre
Source :
maxiscience.com
1 Michael Billig, Banal Nationalism, 1995
8
CHAPITRE PREMIER
UN DRAPEAU DE PARADOXES
Nous relevons ici des paradoxes, qui sont en
réalité interdépendants, mais qui soulignent les
idées reçues que nous devons à tout prix esquiver dans cet
exposé.
I - Paradoxe quantitatif
C'est vraisemblablement le paradoxe le plus net et pour cause,
puisqu'il concerne le nombre de drapeaux visibles sur l'espace
géographique. Il concerne le décalage entre l'absence de drapeaux
ou sa profusion.
Le cas français est particulièrement signifiant.
Il existe dans la société française un clair
déséquilibre entre la quantité de drapeaux arborés
dans l'espace public, et celle déployée lors
d'évènements sociaux ou sportifs. Comment interpréter ce
grand écart quantitatif du drapeau ? Nonobstant sa présence sur
le fronton des bâtiments publics et lors de cérémonies
officielles, force est de constater la relative absence du drapeau national
dans l'espace public et dans l'espace privé alors que l'on sait les
français très attachés à leur drapeau. A
contrario, dans les manifestations, dans les rencontres sportives, c'est
une démonstration de force du drapeau. Chaque spectateur en brandit un
pour encourager son équipe. Le drapeau devient le transmetteur
d'énergie d'un homme à l'équipe qui le représente.
Ce décalage - qui n'est pas proprement français mais qui est le
fait des « vieilles nations » - entre un relatif vide de drapeaux
dans l'espace public (dans la vie quotidienne) et sa présence abondante
lors de grandes réunions nationales (voire même excessive dans
certains cas) se traduit malencontreusement dans un certains cas par un
soi-disant désintérêt de la nation, et d'un trompeur
attachement au drapeau lors des grands évènements1. En
France, l'absence du drapeau est remarquée, tout comme sa
présence en quantité.
A l'opposé, il faut rappeler que le drapeau, par sa
prolifération, n'est pas toujours signe du bien-fondé du pouvoir
qu'il représente. On rappellera à ce titre la profusion du
drapeau nazi lors des grands rendez-vous politiques d'Hitler avec son peuple
lors des traditionnelles manifestations de Nuremberg.
L'absence de drapeaux serait-elle alors la marque d'une
faiblesse quelconque du pays ? Assurément non (le cas français
est significatif), mais dans certains cas oui. Dans tous les pays où le
pouvoir central n'est pas reconnu de tous, l'absence du drapeau national est
intrinsèquement liée à l'état de fragilité
de cet Etat. L'exemple le plus frappant serait la Somalie. Un gouvernement en
exil, et un drapeau national somalien qui ne se déploie que
1 Luc Doublet dans L'Aventure des
Drapeaux, 1987, souligne que « l'absence totale de drapeau a quelque
chose d'inquiétant, d'angoissant, voire de dangereux ».
9
virtuellement sur internet sur le site officiel du
gouvernement de transition, sont les marques d'un Etat failli. Sur place, les
drapeaux claniques et des régions autonomistes ont pris la
relève.
Le cas turc ainsi que le cas des Etats-Unis nous
éclairent encore davantage. Dans ces deux pays, inutile de
préciser que la présence du drapeau national est
inégalable, dans l'espace public comme dans l'espace privé.
L'idée reçue serait ici de penser que plus les drapeaux sont en
nombre conséquent, plus les hommes sont liés entre eux. Ces
dérives préconçues sont à bannir. En effet, la
forte abondance de drapeaux exprime ici un ralliement à une certaine
idée de l'Etat, à un idéal, non à une
réalité politique (l'exemple de l'Allemagne nazie,
déjà évoqué plus haut exprime cette méfiance
à l'égard d'un « trop » de drapeaux). Dans tous les cas
la forte présence des bannières ne signifie pas que tout le monde
coure sous cette même bannière. Il y a quelque chose
d'éphémère dans ces manifestations intempestives de
drapeaux. En effet, c'est dans une conception organiste de l'Etat que la
profusion de drapeaux trouve son origine. Celui-ci se nourrit des drapeaux, des
symboles pour survivre. Ce qui est éphémère ici, c'est
donc l'erreur de penser que les drapeaux seront toujours des objets
nourrissants. C'est oublier que les drapeaux savent également être
dotés d'une force de rejet de certaines autorités.
La surabondance de drapeaux cache également une toute
autre réalité, celle d'étouffer symboliquement des
communautés. Le cas turc est significatif1. Les drapeaux
turcs associés à la laïcité kémaliste,
même en nombre surabondant, ne peuvent cacher la réalité
kurde.
Derrière les décalages entre profusion ou
absence de drapeaux, se dessine en réalité des dérives
malheureuses que l'Histoire nous a révélées. L'Histoire
est faite d'images, et les drapeaux sont souvent présents sur les
images. Par conséquent, la prolifération de drapeaux sera
directement associée à l'expression d'un nationalisme fort et
hostile. Son absence marquera le démantèlement d'un Etat, ou sa
faiblesse de contrôle de son territoire. Il nous faudra bien entendu
nuancer pour notre propos.
Finalement, la quantité de drapeaux ne signifie pas une
assise plus stable pour un Etat. L'inquiétude est de mise lors de
l'absence de drapeaux, mais elle est aussi légitime lorsqu'il y a trop
de drapeaux. Présent ou absent, le drapeau est toujours
remarqué.
II - Paradoxe qualitatif
Qu'entend-on par qualitatif ? Il s'agit en fait ici de
l'étonnante faculté de déclinaison du drapeau. En effet,
les couleurs nationales proviennent du drapeau, on a souvent tendance à
l'oublier. Ce qui est intéressant ici, c'est de mesurer l'extraordinaire
capacité du drapeau national à se mouvoir dans tous les domaines
de la vie. Le paradoxe est ici simple : il y a un drapeau d'origine, et des
formes multiples de déclinaisons du drapeau (appropriation des couleurs
pour les vignettes automobiles, reprises des couleurs pour la publicité
ventant un
1 Cf Claire MAUSS-COPEAUX et Etienne
COPEAUX, 1998, « Le drapeau turc, emblème de la nation ou signe
politique ? », Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée
Orientale et le monde Turco-Iranien (CEMOTI), n°26, pp. 271-291,
Paris
10
produit fabriqué dans le pays d'origine du drapeau,
réutilisation de la dénomination - le tricolore par exemple,...).
Et le constat est surprenant : ces formes dérivées du drapeau
remplacent dans l'esprit des hommes le drapeau d'origine. La copie prend le
dessus sur l'original, et pour cause, le don d'ubiquité du drapeau par
« sa plasticité »1 n'y est pas étranger.
Pour autant, lors des évènements nationaux, lors des
commémorations, l'on brandit toujours l'original.
On peut bien entendu allier ces deux formes de « drapeaux
» puisque le but est toujours similaire - représenter un pays, il
n'en demeure pas moins que cet écart entre l'original et ses
dérivées ne se comble pas. Doit-on normaliser l'usage du drapeau
? Ou au contraire doit-il rester un objet quasi sacré ?
Imaginons un instant que les couleurs des vignettes
nationales, des partis politiques nationaux, des tenues de footballeurs ne
soient pas les mêmes que celles du drapeau, comment
réagirions-nous ? Imaginons nos footballeurs français arborant
une tenue verte associée à du orange. Imaginons la
publicité d'un produit ventant son origine française en utilisant
des roses et des jaunes. Cette amusante et irréelle vision
révèle bien l'ampleur de l'ancrage des formes
dérivées du drapeau. C'est simplement l'illustration de cette
citation qui concerne les couleurs : « à force de les avoir sous
les yeux, on finit par ne plus les [couleurs] voir »2. Il en
est de même pour les drapeaux : à force d'être
abreuvé par le biais de divers supports des couleurs nationales, on en
oublie le drapeau originel.
Le paradoxe qualitatif réside bien dans cette
dichotomie original/copie où le second semble avoir pris le dessus sur
le premier, normalisant le second et raréfiant le premier jusqu'à
en faire oublier qu'il fut bien le premier.
III - Paradoxe structurel
On qualifiera ainsi ce paradoxe par le drapeau en tant que
structure des esprits et des sociétés. Pour le présenter,
il faut partir de ce constat : pourquoi, alors qu'il n'est jamais question du
drapeau dans la vie quotidienne et qu'il est plus ou moins présent dans
l'espace public, le drapeau déchaîne-t-il tant de débats,
d'émotions, de fureur, de violences, voire même de cruauté,
seulement lorsqu'il est touché, changé, modifié,
maltraité ou même brulé ? Ce paradoxe soulevé
révèle toute la nécessité d'appréhender les
questions autour du drapeau avec beaucoup de précautions. C'est ici bien
la preuve insoupçonnée de la capacité structurelle des
esprits qu'un drapeau peut contenir dans une société. La
meilleure preuve se situant au niveau éducatif : on apprend toujours
à l'école, dans les atlas, ou dans d'autres mappemondes
légendées, le nom du pays, sa capitale... et son drapeau. Le
drapeau structure ici l'esprit des enfants, et caractérise une
société qui souhaite encore définir les pays par leurs
drapeaux.
En effet, en termes triviaux, on ne fait n'importe quoi avec
un drapeau. Le caractère dérisoire du drapeau n'est que
matériel. L'on pense ici à ce fait divers d'art
d'actualité en France où l'on avait assisté à un
débat houleux concernant cet artiste qui avait, pour un concours, mis
en
1 WHITNEY SMITH, 1976 : 8
2 Dominique Simonnet, Le Petit Livre des
Couleurs, 2005
11
scène le drapeau national en le remplaçant en
papier hygiénique. Toutes les polémiques qui s'ensuivirent
démontrent bien d'une part la sacralité d'un tel symbole (qui au
demeurant reste absent de l'espace public), et d'autre part les
réactions aussi diverses qu'inattendues que sa modification et
même les sévices qu'il subit, entrainent. Le paradoxe est donc
bien sensible ici, pourquoi l'on hurle à l'hérésie
seulement et seulement si le drapeau est jeté au dernier niveau dans la
fosse des loups. Les Etats-Unis en ont même tiré un
néologisme juridique : la « flag desecration » qui est
sanctionné pénalement, visant à punir ceux qui
brûlent le drapeau national, ou lui font subir des
maltraitances1.
« On se rend généralement pas compte du
sérieux que postule l'emploi des drapeaux »2. Ce n'est
en fait que lorsque le drapeau qui nous représente est mis en danger,
brûlé, modifié, que l'on y porte notre regard. Chacun
d'entre nous ne connaît pas toujours la signification des couleurs de son
drapeau (particulièrement en France), de ses insignes, mais chacun de
nous condamne quand il est brûlé, ou quand quelqu'un d'autre en
dehors de la communauté s'en empare. Brandir un autre drapeau dans un
pays qui dispose déjà d'un drapeau est également source de
débats.
Le changement de drapeau peut même être une
affaire d'Etat, tant sa force symbolique anime les foules. Pensons au
débat actuel en Australie sur l'adoption d'un nouveau drapeau pour
supprimer symboliquement l'allégeance à la couronne britannique
(présence de l'Union Jack dans le canton) qui est fortement sources de
discordes entre partisans d'une nécessaire prise de position pour un
camp dans le monde (ici le Royaume-Uni, a fortiori, les Etats-Unis) et les
partisans d'une unification nationale reconnaissant la place
prépondérante des aborigènes dans la construction du pays.
Que l'on y adhère ou pas, le drapeau est l'affaire de tous car chacun
possède sa vision de son pays et de ses intérêts.
IV - Paradoxe temporel
Celui-ci se forge sur l'idée reçue que lorsque
les régimes politiques changent, les drapeaux changent. On a coutume de
penser qu'il est toujours nécessaire de modifier les symboles quand le
temps l'impose. C'est ici que se situe ce paradoxe temporel : les temps
changent, mais les drapeaux n'en font qu'à leur tête. Le drapeau a
évidemment des liens avec les régimes qui l'utilisent, mais sa
logique lui est finalement propre, car c'est celle des hommes, et la logique
des hommes est parfois insaisissable.
Imaginons le nombre incalculable de drapeaux qu'il aurait
fallut inventer dans l'Afrique postcoloniale si l'on s'en tient aux nombres de
régimes renversés, de coups d'Etat, et de la multiplication des
régionalismes. Le fait est que les drapeaux africains ont peu - ou pas -
changé depuis l'indépendance des Etats africains. Plus de quatre
vingt coups d'Etat « réussis » sans compter ceux
avorté, ou non aboutis. En parallèle, depuis les
indépendances africaines après la période coloniale, seuls
une dizaine de ces Etats ont modifié voire changé leur drapeau de
manière significative (Ghana, Rwanda...). Ce décalage entre
renversements de pouvoir et changements de drapeaux nous indique combien le
drapeau est un objet
1 Civil liberties, « Flag Burning Laws -
Historic of U.S Laws against Flag Burning »
2 WHITNEY SMITH, 1976 : 8
12
symbolique singulier et que nous ne devons pas le traiter de
manière exhaustive. Autre exemple, il est récent, celui de la
Tunisie et de l'Egypte. Forts de leurs révolutions respectives, on
aurait pu imaginer, comme ce fut le cas en Libye, que le choix d'un nouveau
drapeau aurait pu concrétiser symboliquement le renversement des
régimes répressifs passés. Il n'en a pas été
question. C'est bien ici que réside ce paradoxe : les régimes
changent (et même sont même renversés dans le sang), mais
les drapeaux demeurent les mêmes. Lorsque le drapeau est sujet de
discussion, c'est bien lorsque l'on a épuisé tous les recours
possibles à d'autres solutions de type consensuel. Un changement de
drapeau est toujours significatif.
C'est toute l'ambiguïté des drapeaux : ils peuvent
changer pour des changements politiques qu'on pourrait qualifier de «
mineurs », mais ils ne se modifient pas toujours lors de grands
bouleversements géopolitiques (Printemps Arabe).
De la même façon, le drapeau tricolore est
toujours imbibé du blanc de la royauté et de ses heures les plus
sombres de son histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Le drapeau russe
repris par Elstin à la chute de l'URSS reprend le drapeau des tsars.
N'y-a-t-il pas là un paradoxe, suggéré par un attachement
au drapeau dans le temps, alors que celui-ci peut également incarner des
tragédies ou des heures sombres du pays représenté ?
Un drapeau se forme dans le temps et force est de constater
que plus le drapeau est ancien, moins il n'est remis en question. Pourtant,
à une vitesse effroyable, le temps fait insérer le drapeau dans
le cours de l'Histoire et dans ses heures les plus glorieuses comme dans les
plus sombres. Le drapeau des Etats-Unis était la marque du
libérateur et de la liberté pendant la Seconde Guerre Mondiale,
peut-on en dire de même aujourd'hui, au vue de la haine qu'il inspire
chez certains pays islamistes. Les vicissitudes du drapeau sont souvent
à double tranchant : soit le drapeau ressort de ces tribulations
renforcé et stabilisé, soit il demeure connoté et doit
ainsi être remplacé (au Rwanda par exemple).
Comment dès lors comprendre pourquoi dans certaines
sociétés le drapeau change plus souvent que dans d'autres ?
Comment dès lors comprendre la stabilité d'un drapeau alors qu'il
peut être trempé dans le sang et haï ?
V - Des paradoxes éclairants
Pourquoi avoir relevé tous ces paradoxes et fausses
idées autour du drapeau ? Simplement, le terrain de l'étude des
drapeaux est semé d'embûches de toutes sortes. Des idées
reçues, des généralisations, la non prise en compte de la
singularité de chaque drapeau, son caractère matériel
dérisoire, peuvent masquer son originalité et sa force
symbolique.
Son absence dans l'espace public ou sa présence en
abondance sont toujours remarquées. L'original drapeau national se
confond désormais avec les formes dérivées de ce
même drapeau. Les actes puis les réactions concernant la mise en
scène tragique, indécente, ou bien même le changement d'un
drapeau rappelle à tous sa force symbolique, quand bien même les
hommes semblent ne pas toujours y vouer un quelconque intérêt.
Enfin, cette formidable capacité à durer dans le temps contraste
avec les chamboulements politiques chroniques.
13
Ces remarques nous amène en vérité
à une seule et même idée : le drapeau est un
élément non seulement constitutif de nos sociétés,
mais il semble en mesure de pouvoir décupler les émotions qu'il
suscite (dans les stades, ou lorsqu'il est en danger). Il ne peut être
traité de façon univoque. Après avoir soulevé tous
ces questionnements sur le drapeau, il est temps désormais de
s'intéresser à ce qu'est le drapeau, et surtout dans quel
système conceptuel il peut s'insérer pour comprendre son
impérissable impact dans les esprits.
14
CHAPITRE SECOND
LE DRAPEAU DANS LE CADRE CONCEPTUEL
DE JEAN GOTTMANN
I - La dialectique circulation/iconographie et sa
substitution
réseaux/territoires
S'il est surtout connu pour son concept de «
mégalopolis », Jean Gottmann a développé une
réflexion avant-gardiste sur les relations entre l'espace
géographique (espace habité par les hommes) et la
politique1. Son livre majeur La Politique des Etats et leur
Géographie2 est ainsi l'expression menée à
son but ultime de sa pensée. Longtemps marginalisée, en lien avec
un relatif retrait de la Géopolitique encore trop connotée
à la Geopolitik allemande durant les années 1950-1980, la
pensée de Jean Gottmann propose une refonte méthodique de la
pensée géopolitique dans laquelle le drapeau occupe une place
prépondérante dans le cadre d'un système ingénieux.
Il propose ainsi un cadre conceptuel qui structure l'espace géographique
en perpétuel mouvement.
Peu de géographes, ou de géographes politiques,
ou même de géopoliticiens n'ont abordé, ni
intégré la question des symboles dans la géopolitique
autant que Jean Gotttmann ne l'a fait. En outre, aujourd'hui encore, la place
des symboles en géographie est encore marginalisée, à
l'image du peu d'études réalisées sur les drapeaux en
France. La vexillologie reste encore à l'heure actuelle une discipline
en marge de l'héraldique par exemple, et ne s'intègre que trop
peu dans les problématiques géographiques.
Le raisonnement de Jean Gottmann obéit à une
seule question philosophique qu'il applique à la géographie :
celle de la continuité du changement3. A cette question, son
point de départ pour son application dans la géographie
politique, est ce qu'il nomme le « cloisonnement du monde ». La
métaphore de la boule de billard pour incarner la terre fait
apparaître à Jean Gottmann l'impossibilité pour l'espace
géographique d'être « lisse ». Il existe un espace
géographique segmenté, fragmenté par des cloisons (d'un
point de vue matériel des frontières). Et toute sa pensée
se porte sur l'étude de l'évolution de ces cloisons, qui
créent alors des régions (qu'on appelle nous pays), ce qu'il
nomme lui l'évolution des régionalismes4.
1 Lire Georges Prévélakis, « Jean Gottmann
» dans Jacques Lévy, Michel Lussault (sous la direction),
Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des
Sociétés, Belin, Paris, 2003, p. 414-416.
2 Publié en 1952, sans réception
extraordinaire. La géopolitique est encore marquée du fer de la
« Geopolitik » allemande ayant conduit au désastre de la
Seconde Guerre Mondiale
3 PREVELAKIS, 2001 : 47
4 Lire le chapitre VIII « Genèse et
évolution des régionalismes », JEAN GOTTMANN, 1952 :
pp.213-225
15
C'est à ce moment que le géographe propose sa
dialectique circulation/iconographie pour bien saisir toute la
complexité des mouvances du cloisonnement du monde. N'importe quel
régionalisme politique emprunte toujours la voie de cette
dialectique.
Un régionalisme, a fortiori la formation d'un
Etat, se meut donc entre deux systèmes : un système de mouvement,
et un système de résistance au mouvement1, les deux
demeurant évidemment dépendant l'un de l'autre. On ne peut donc
pas étudier l'un sans l'autre. La question du drapeau doit donc
être traitée dans cet ensemble théorique.
A - La circulation :
Le premier système est ce qu'il nomme la circulation.
Il s'agit, dans la perspective vidalienne, du principe de
changement2. Dans trois domaines3 (politique,
économique et culturel) la circulation s'exerce sur l'espace
géographique et « déstabilise » celui-ci. Elle le
déstabilise dans le sens où elle opère des mouvements
déstructurant un ordre géographique déjà
établi. Gottmann nous parle ainsi du déplacement des «
hommes, des armées, des idées [...] des marchandises, des
capitaux, des marchés »4. La circulation
désorganise puis réorganise ainsi l'espace géographique.
Elle consiste à « déplacer » puis rassembler de nouveau
autour d'un lieu privilégié pour ses capacités de
captation de flux. Ces lieux se situeront aux croisements de voies de
circulation. Ceux-là mêmes deviendront des
privilégiés quand d'autres subiront les effets néfastes de
la nouvelle donne géographique.
Habilement, au concept de circulation se substitue celui de
réseaux5. Car qu'est-ce que la circulation si ce n'est un
réseau de connections entre plusieurs lieux déjà
créés par les évolutions de la circulation. C'est donc une
double dynamique que la circulation provoque sur l'espace géographique :
elle désorganise et décloisonne par ses mouvements aussi
inattendues que multi-scalaires (migrations de populations, de
marchandises...), puisqu'elle restructure tout un espace, et elle met en
connexion ces espaces par le biais des nouveaux réseaux qu'elle
élabore.
Malgré sa capacité à se renouveler en
permanence, la circulation reste dans une certaine mesure
déterminée par des contraintes physiques6. La
circulation n'est donc pas totalement libérée des contraintes
physiques. En effet, les voies navigables restent de formidables canaux de
circulation tant qu'elles ne sont pas objets de convoitises entre deux Etats
pour son contrôle. Et même si le progrès technique permet de
ne plus tenir compte du tout des données physiques, il n'en reste pas
moins que la mémoire des influences physiques demeurera7.
La circulation demeure donc une force déstabilisante
pour les sociétés, qui doivent en réponse proposer des
mécanismes de protection et de défense de leurs
intérêts. Face aux déséquilibres
géographiques que la circulation entraine (par exemples des
différences de richesses entre
1 JEAN GOTTMANN, 1952 : 214
2 PREVELEAKIS, 2001 : 43
3 JEAN GOTTMANN 1952 : 215
4 JEAN GOTTMANN, ibid
5 PREVELAKIS, 2001 : 47
6 JEAN GOTTMANN, 1952 : 215
7 PREVELAKIS, 2001 : 44
16
deux lieux d'une même région ou d'un même
pays), il faut, pour l'autorité politique en place, maintenir une
certaine cohésion sociale, une cause nationale, pour éviter les
ardeurs sécessionnistes.
B - L'iconographie :
C'est tout le rôle de l'iconographie, dans lequel
s'insère notre drapeau. Trop de changements dus à la circulation
seraient fatals pour les sociétés humaines, celles-ci se sont
donc dotées d'un instrument de résistance : l'iconographie. Le
terme d'iconographie, dont l'origine byzantine1 rappelle la fonction
religieuse, renvoie de manière générale à
l'ensemble de « tenaces attachements à des symboles, parfois fort
abstraits »2 d'une communauté. L'iconographie, au lieu
d'être un facteur de décloisonnement, est un facteur de
cloisonnement de l'espace géographique3.
Ces symboles forment alors un socle sociétal vers
lequel l'ensemble des individus formant une communauté, et/ou une
nation, converge face au changement. C'est même un « ciment solide
» qui « lie les membres de la communauté qui acceptent la
cohabitation sous la même autorité politique »4.
Acquis dès le plus jeune âge, ce besoin de symboles répond
au besoin de remplacer les frontières « matérielles »
trop poreuses, par des frontières dans les « esprits ». C'est
tout le sens de la célèbre formule « c'est ainsi que les
cloisons les plus importantes sont dans les esprits »5. Jean
Gottmann rajoute même que l'iconographie est le « noeud gordien
»6 de la communauté nationale. En effet, plus cette iconographie
nationale est vivace, plus la communauté est liée, plus il est
facile pour le pouvoir politique de s'opposer aux effets néfastes de la
circulation. De la même façon, une iconographie nationale
surabondante est peut-être plus facilement sujette à
l'instrumentalisation politique (pensons à l'époque nazie en
Allemagne). Mais une iconographie nationale fluctuante, sans racines
structurelles, peut également constituer une coquille de
résistance vide facilement exploitable pour d'autres iconographies
concurrentes.
L'on constate vite dans ce concept d'iconographie, et Jean
Gottmann le fait justement remarqué, un apparentement au concept de
« genre de vie » de la géographie vidalienne. Jean Gottmann le
cite lui-même parlant de l'iconographie comme « une
auto-défense d'un genre de vie »7.
1 Lire à ce sujet M.Bruneau, 2000, « De
l'icône à l'iconographie, du religieux au politique,
réflexion sur l'origine byzantine d'un concept gottmanien »,
Annales de Géographie, n°616, Paris, pp. 563-579
2 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
3Voici une définition de l'iconographie
donnée par Jean Gottmann: «L'iconographie, ensemble des symboles,
abstraits et concrets, qui résument les croyances et les
intérêts communs à une collectivité, constitue le
ciment donnant sa cohésion et sa personnalité politique à
cette collectivité; elle est donc un facteur de stabilisation politique,
un mole de résistance au changement, à moins que celui-ci ne soit
sous une forme dynamique introduit dans l'iconographie même de la
collectivité». Jean Gottmann, «La politique et le
concret», paru d'abord dans Politique Étrangère,
Paris, 1963, nos 4-5, p. 273-302 et publié à nouveau dans
id., p. 55-76, p. 62-63.
4 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
5 JEAN GOTTMANN, ibid
6 JEAN GOTTMANN, ibid
7 JEAN GOTTMANN, 1952: 156-157
17
L'iconographie nationale se divise en trois branches : «
la religion, le passé politique, et l'organisation sociale
»1. Ces branches iconographiques, par leurs actions limitatives
de la circulation, enracinent un peuple sur son territoire, et participent de
l'instauration et de la stabilité d'une autorité sur un
territoire (« facteur de stabilisation politique »2). Ces
symboles sont donc l'appendice de toute formation d'une entité politique
sur un espace donné, de sa stabilité et de sa
pérennité.
A l'instar de la circulation qui peut devenir réseau,
l'iconographie dérive vers la notion de territoire. Puisque
l'iconographie permet de fixer, de créer un lien vertical entre un
espace et un peuple, ne doit-on pas parler de processus de territorialisation,
aboutissant à la formation du territoire d'un peuple ? L'iconographie
érige des frontières dans les esprits, bien plus que dans les
faits matériels, elle devient ainsi une machine à créer un
« nous » qui habitons dans ces frontières spirituelles
partagées (sur notre territoire), et des « autres » en dehors
de ces cloisons mentales3. C'est toute la définition du
territoire en géographie. Il devient un espace vécu puis
sacralisé4.
L'iconographie n'est pas toujours autant stabilisante que l'on
pourrait l'imaginer. « Les symboles de l'iconographies ne sont pas
rivés au sol »5. En effet les iconographies se diffusent
par les voies de la circulation. Elles ne sont d'ailleurs pas inactives. Elles
peuvent se modifier, pour le besoin inévitable de changement («
elles ne sont pas inamovibles »6). Toutefois, il s'agit de
symboles tenaces. Intervenir de façon trop radicale et directe en
changeant les iconographies revient à risquer l'implosion du socle de
cohésion sociale d'un Etat. Jean Gottmann rajoute : « refaire les
iconographies, c'est refaire les esprits »7.
C - L'association de cette dichotomie.
Evidemment, ces deux pôles, ces deux dynamiques se
confrontent, ils sont concurrents, et établissent un rapport de
force.
Lorsque la circulation est plus forte, l'iconographie
s'adapte. L'exemple de l'Union Européenne (UE) est
significatif8. Au profit d'une libre circulation des hommes et des
marchandises, une monnaie unique est crée l'euro (la plus signifiante
des iconographies européennes) et ... un drapeau européen est
instauré.
A l'inverse, lorsque que les iconographies nationales sont
vivaces, la circulation fait face à la matérialisation des
frontières mentales : érections de murs, douanes, contrôles
aux frontières, jusqu'à la fermeture totale d'un Etat
(Corée du Nord actuelle).
1 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
2 JEAN GOTTMANN, 1952 : 221
3 On pense ici à l'ouvrage de Tzvetan Todorov,
2008, La Peur des barbares, au-delà du choc des civilisations,
Robert Lafont, Paris
4 cf Armant Frémont, 1999, La
région, espace vécu, collection Champs, éd
Flammarion, 288p
5 JEAN GOTTMANN, 1952 : 223
6 JEAN GOTTMANN, 1952 : 158
7 JEAN GOTTMANN, 1952 : 157
8 Lire à ce propos Georges
Prévélakis, 2004, «L'Europe, territoire ou
réseau?», R. Frank, R. Greenstein (sous la direction),
Gouvernance et identités en Europe , Bruyland, , L.G.D.J.,
Bruxelles, Paris, 2004, p. 53-60.
18
Pourtant concurrents, ces deux facteurs d'évolution du
cloisonnement du monde sont par ailleurs concordants. La circulation peut
conduire au cloisonnement. Reprenons l'exemple de l'Union Européenne :
outre l'ouverture des frontières, la circulation participe de la
construction iconographique de l'UE. Pareillement, l'iconographie peut devenir
facteur de décloisonnement. On pense à de nombreux Etats
nouvellement crées, qui ont décloisonné leur territoire
par la mise en place d'une iconographie nationale reléguant au second
plans les iconographies de régionalismes, dans le seul but d'une
unification nationale.
Plus loin encore, et c'est pour ainsi dire la
démonstration finale de la combinaison de ces deux dynamiques de
mouvement et de résistance au mouvement, Jean Gottmann constate qu'un
lieu privilégié fait la synthèse de ces deux
systèmes : le carrefour. (« Quel est le noeud essentiel,
organisateur de la circulation? Le carrefour. Où rencontre-t-on le plus
souvent les grands monuments religieux? Aux carrefours »1). En
effet, le carrefour devient un carrefour, car il se trouve au centre de flux et
de réseaux. Ce lieu devient alors une base de projection iconographique,
de cloisonnement puis de territorialisation.
A première vue antagonistes, les deux couples
circulation/iconographie et réseaux/territoires deviennent compatibles,
et finalement s'entraident dans une même destinée : le temps. Le
temps est ainsi marqué par du changement mais également par des
continuités. Il a ainsi constaté le renouvellement de
réseaux (des grandes voies maritimes de circulation aux réseaux
internet), et les vicissitudes des territoires.
Cette longue mais nécessaire exposition
schématique de la pensée de Jean Gottmann nous amène donc
désormais à trouver la place précise du drapeau dans cette
théorie.
II - La place du drapeau dans ce cadre conceptuel
Jean Gottmann le cite lui-même, le drapeau prend
évidemment part à l'iconographie nationale. S'intéresser
à l'origine du drapeau, c'est remonter vers les origines iconographiques
d'une communauté, et suivre de la genèse à ses
évolutions les tribulations des territoires. Etudier l'attachement,
voire dans certains cas le culte voué au drapeau national, c'est
également confronter l'iconographie avec le domaine psychologique. Le
drapeau se voit, se montre, il entre dès lors dans le conscient ou
l'inconscient des hommes.
Le drapeau occupe en vérité une place
particulière dans l'iconographie nationale. Si l'on devait
hiérarchiser, il occuperait certainement le plus haut rang symbolique.
Jean Gottmann pense que l'iconographie s'établit sous trois pôles
dominants: dans la religion, dans le passé politique, et dans
l'organisation sociale de la société. Force est de constater que
le drapeau correspond de manière significative à ces trois
déclinaisons de l'iconographie. Ce n'est pas le cas de toutes les
iconographies. Dans la religion, le drapeau est rassembleur des fidèles,
il fut même un étendard pour les croisades. Dans le passé
politique qui se confond dans certaines sociétés avec le
passé militaire, les images et les faits politiques sont directement
associés aux drapeaux (la Révolution de 1789 est désormais
associé au drapeau tricolore, tout comme les Trois Glorieuses
immortalisées par Delacroix dans sa « Liberté guidant le
peuple », par
1 JEAN GOTMMANN, 1952 : 222
19
ailleurs ne trouve-t-on pas encore en l'Eglise Saint-Louis des
Invalides les étendards pris à l'ennemi lors de conquêtes
françaises ?). Enfin, dans l'organisation sociale, pas une seule
manifestation ou événement culturel ou sportif n'est pas
accompagnée de drapeaux. Ces marques du drapeau dans l'iconographie
place incontestablement celui-ci comme haut représentant des
systèmes d'auto-défense des sociétés.
Si l'on suit la logique gottmanienne, le drapeau est donc un
outil de résistance à la circulation, cette dernière
déstabilisant les sociétés. Brandir son drapeau national
est un signe fort : il s'agit bien de montrer à quel point les effets de
la circulation ne sont plus supportables pour les sociétés. Pas
seulement. En effet, arborer le drapeau national ne signifie pas toujours une
opposition. C'est bien là la subtilité du raisonnement de Jean
Gottmann. L'on peut agiter le drapeau pour justement faire l'inverse :
provoquer du changement1. Et c'est ici que réside le pouvoir
du drapeau : même s'il s'agit d'une solide iconographie, elle ne tend pas
toujours vers la stabilisation d'une société. Elle peut se mettre
au diapason du changement.
Toutes les manifestations sociales dans le monde entier sont
des exemples éloquents. Toujours, dans ces événements
nationaux, le drapeau national est brandi. En vérité, le drapeau
obéit à une double dynamique iconographique. La première
est le système de défense. Si l'on agite le drapeau, c'est pour
se protéger. L'on manifestera alors pour contrer un gouvernement
jugé complice des velléités nocives de la circulation. On
associera souvent, dans cette logique, au drapeau national un drapeau rouge
exprimant le rejet total d'un système capitaliste évocateur de la
circulation2. L'agitation du drapeau, dans cette optique, est donc
une façon d'exprimer la volonté d'être
protégé. La seconde répond à un besoin de
changement qui est en fait en parfaite symbiose avec le besoin
d'auto-défense vu précédemment. En effet, si l'on souhaite
initialement se protéger, c'est que dans un second temps, il faut
changer. Et au nom de ce drapeau, aux valeurs qu'il véhicule, à
la spécificité nationale qu'il incarne, et aux batailles
militaires et sociales que le drapeau - a fortiori le pays - a
traversées, il faut changer un système politique contre lequel on
se bat. Le drapeau devient alors objet de revendications pour le changement.
Ces deux mécaniques se conjuguent parfaitement ensemble.
De plus, le drapeau comme iconographie peut se retrouver
artisan de la circulation dans des visions géopolitiques et dans
l'expression de puissance. L'exemple du drapeau des Etats-Unis est manifeste.
Au service d'un « soft power »3 visant à
standardiser dans le monde entier ses propres normes, le drapeau
américain a largement servi les intérêts des Etats-Unis
dans cette quête de puissance. Ce n'est pas le drapeau, à
proprement parlé dont on parle ici, mais de ses dérivés,
de ces vignettes, de ces marques célèbres qui reprennent en fond
les couleurs, les formes, voire même le drapeau américain en fond
d'étiquette. En vérité le drapeau des Etats-Unis est
entré dans une logique de circulation généralisée
des standards américains par le biais des marchandises, des
idées, et des capitaux pour servir la projection de puissance
états-unienne. Le drapeau créé une « marque
»4 Etats-Unis. C'est toute la théorie de Joseph
Nye1
1 PREVELAKIS, 2001
2 cf chapitre « Le drapeau rouge » in Luc
Doublet, 1987, L'Aventure des drapeaux, éd Le Cherche Midi,
Paris, 192p
3 cf Joseph Nye, Soft Power: The
Means to Success in World Politics, 2004
4 Au sens où Michel Foucher l'emploie dans
son dernier ouvrage La Bataille des Cartes, la « marque »
comme la reconnaissance internationale volontaire ou involontaire de la
supériorité d'un Etat dans tel ou tel domaine.
20
matérialisée par le drapeau. Il est
désormais utilisé pour standardiser les produits des Etats-Unis
dans le monde entier. Il est devenu une marque, un repère de la
puissance américaine en dehors des actions militaires bien
évidemment. Plus le drapeau et ses dérivés sont
présents sur des étiquettes ou sur d'autres supports
publicitaires, plus la puissance états-unienne s'en trouve
renforcée. Le drapeau national sort donc de son rôle
prépondérant « d'iconographie des iconographies » pour
devenir fer de lance de la diffusion d'une iconographie (d'un modèle
social) par la circulation à l'échelle mondiale.
C'est grâce à cette double mécanique que
l'on peut certainement dire que le drapeau occupe une place
privilégiée dans les iconographies nationales. En effet, les
autres types d'iconographies (religion, coutumes...) demeurent trop
centrés sur un domaine iconographique. Le drapeau possède cette
faculté de se décliner puis de se propager dans n'importe quel
domaine iconographique, et surtout de subtilement être un facteur de
stabilisation politique voire même d'auto-défense, mais
également un messager au service du changement. D'ailleurs, la structure
d'un drapeau sur un mât immobile, statique, stable, combiné au
tissu lui-même qui se déploie aux vents, aux changements, peut
nous rappeler ce double-rôle que tient le drapeau, au service de
l'iconographie mais qui sait se mettre au diapason du changement.
Enfin, Jean Gottmann faisait justement remarquer que le point
de rencontre entre la circulation et l'iconographie était le carrefour.
L'on fera seulement remarquer qu'à l'heure actuelle, les drapeaux les
plus visibles se trouvent le plus souvent à des intersections :
là où les voies de circulation se croisent, et là
où les bâtiments publics et cultuels se sont le plus
implantés. Le drapeau peut être ainsi considéré
comme la clé de voûte de l'association chronique entre la
circulation et l'iconographie. Le tout sans n'être jamais remis en
question.
Toute la question est maintenant de comprendre comment le
drapeau national atteint-il ce rang d'objet social, politique et
géographique que l'on pourrait qualifier « d'intouchable ».
1 cf Joseph Nye, Soft Power: The
Means to Success in World Politics, 2004
21
CHAPITRE TROISIEME
LES RACINES DE L'ATTACHEMENT AU
DRAPEAU
I - Territoire et drapeau
Comprendre l'impact général du drapeau, le
respect et la dignité qu'il inspire, l'énergie et le courage
qu'il transmet, l'unité collective et la gloire passé qu'il
immortalise, c'est simplement étudier la genèse et
l'évolution d'une iconographie. C'est comprendre par quels processus le
drapeau, dans un système iconographique national, parvient à se
rendre légitime aux yeux de tous, perdurer dans le temps, devenir objet
quasi sacré, et repère spatial hautement symbolique.
La première idée qui vient à l'esprit est
l'association presque spontanée entre le drapeau et le territoire. On
suit toujours la logique de Jean Gottmann. L'on évoquait plus haut le
rapport racinaire qu'entretenait un peuple avec son territoire avec les
iconographies. Le drapeau en est l'expression ultime. En effet, le drapeau
comporte en lui des représentations spatiales. Par syllogisme presque
inconscient, l'on associe toujours à un territoire un drapeau
(n'associe-t-on pas à l'école encore maintenant un pays avec un
drapeau ?). L'on pourrait même parler de carte mentale directement
inspirée du drapeau. Le drapeau devient alors - en plus d'être
l'opérateur d'association d'un peuple et de son territoire - un, si ce
n'est LE repère spatial par excellence. J'aperçois un drapeau, je
le confronte directement à mes frontières mentales, qui engendre
une cartographie mentale. D'où l'expression de « cloisons dans les
esprits ». Le drapeau agit donc ici comme l'agent repère entre les
esprits (les hommes) et leur territoire. Le drapeau opère une
territorialisation objective et subjective d'un espace. C'est là toute
sa puissance.
Objective, il en va de soi tant le drapeau est présent
aux postes frontières, sur les édifices publics... Subjective,
dans la mesure où il enclenche un ensemble de syllogismes mentaux chez
n'importe quel individu, avec comme fin ultime la sensation unique d'être
sur son propre territoire qu'il faut interdire aux autres, ou plutôt le
filtrer. Le territoire se substitue objectivement et subjectivement aux
drapeaux, aux iconographies. C'est tout le sens de la pensée de Jean
Gottmann : « donner un sentiment entre la nation et le territoire
»1.
II - Drapeau et désir territorial
Jean Gottmann évoque l'inévitable besoin de
stabilité d'une société, parallèlement, il est
difficile d'imaginer une société humaine sans drapeau.
Derrière ces deux constantes se cache
1 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
22
l'original pouvoir du drapeau : le drapeau se situe en amont
et en aval de l'évolution des sociétés, de l'origine
à l'achèvement en passant par les accrochages de l'Histoire. Il
est le fidèle représentant des évolutions de chaque
société. Et c'est parce que le drapeau est l'indéfectible
fidèle de bout en bout des sociétés humaines, qu'il en
devient pour les hommes leur absolu représentant. Ce constant report au
drapeau pour les hommes, correspond au désir permanent d'être, ou
de posséder un lieu à soi, son propre territoire.
Le territoire est l'ultime preuve d'intégrité
physique des hommes. Il faut avoir son propre territoire. Mais à quoi ce
« désir de territoire »1 correspond-il ? Ce
désir de territoire répond en vérité à des
besoins. Le premier est économique : posséder un territoire,
c'est posséder ses richesses. Le second est d'ordre culturel : le
territoire représente la propriété. Le troisième
est purement stratégique : posséder un territoire est une
expression de la puissance. Posséder un territoire perdu, c'est renouer
avec un passé glorieux ou un temps jugée brillant. Mais surtout,
posséder un territoire, c'est la possibilité de pouvoir
s'épanouir. Le territoire est repère psychologique de l'Homme.
S'il en possède un, où encore s'il en aperçoit un qui lui
est familier, l'Homme se rassure. Enfin, le besoin de territoire obéit
également à une logique de sécurité : si j'ai un
territoire, si je me situe sur mon territoire, on ne peut pas m'en faire
départir à la hâte. Mais quel rapport avec le drapeau ?
Il est simple : ce désir de territoire et l'ensemble
des origines de ce désir, s'est mentalisé et en même temps
doit pouvoir s'exprimer clairement. Et c'est ici qu'intervient notre
bannière. Par de nombreux avantages inhérents, le drapeau est le
catalyseur de ce désir et son expression la plus simplifiée et la
plus lisible. En effet, planter le drapeau sur un territoire revient à
matérialiser de la façon la plus symbolique qui soit, l'ensemble
des besoins inhérents au désir de territoire. Le drapeau,
incarnant symboliquement ces besoins, devient repère psychologique de
l'Homme. Celui-ci évolue avec son drapeau, de l'enfance à la
vieillesse, il s'émancipe avec son drapeau, tout comme il se meut avec
et sur son territoire. Là encore, le drapeau sert de repère
mental puis matériel de ce désir de territoire2.
III - Drapeau et imaginaire
collectif3
Jean Gottmann faisait correspondre à l'iconographie des
symboles parfois « fort abstraits » auxquels « l'attachement est
tenace »4. Mais quelle est la nature de cet attachement ?
Comment comprendre qu'une communauté, qui peut contenir des milliers et
des millions d'individus, puisse adhérer à la même
iconographie, au même drapeau ?
1 Evidemment on évoque ici la théorie
de Francis Thual, largement développée dans son livre
éponyme : Francis Thual, Le désir de territoire,
Morphogénèses territoriales et identités, 1999,
Ellipses, Paris. Il s'agit ici de mettre en évidence les liens existant
entre le désir de territoire et le drapeau, lien qui n'est pas
développé dans l'ouvrage de Francis Thual.
2 « le désir de territoire s'est mentalisé
collectivement sous forme de représentation [on pense notamment au
drapeau] » (THUAL, 1999 : 85)
3 Notion empruntés à B.Anderson,
L'imaginaire collectif, 1995, La Découverte, Paris, oeuvre
originale : B.Anderson, 1991, Communities. Reflections on the Origin and
Spread of Nationalism, Revised and extended ed, London and New York
4 JEAN GOTTMANN, 1952 : 157
23
Une explication de cette adhésion collective est
esquissée par Jean Gottmann lorsqu'il emploie le terme de «
sentiment »1 pour comprendre le rapport entre une iconographie,
un espace géographique donné qui deviendra territoire, et un
peuple. La nature de ce sentiment, qui déclenche la formation de «
cloisons dans les esprits », est loin d'être spontanée. Un
sentiment est de l'ordre du subjectif, du virtuel, de l'imaginaire. Comment
alors faire cohabiter tous les « sentiments » de tous les membres
d'une communauté ?
C'est ici qu'intervient le drapeau, au même titre que
les iconographies, qui servent d'instrument de la communion des
subjectivités de tous les membres d'une même communauté,
qui de facto ne se connaîtront jamais tous2. C'est
parce que je pense que mon voisin reconnait le même drapeau que moi qu'il
est mon semblable, qu'il appartient à la même communauté
que moi. De la même façon, tous les individus qui côtoient
le même territoire que moi honorent le même drapeau. « Dans
l'esprit de chacun vit l'image d'une communion »3. Cette «
image de communion » est virtuellement une communauté, et
concrètement un symbole matériel comme le drapeau. C'est un
processus de « communauté imaginaire »4 qui se fait
jour, dans laquelle les iconographies apparaissent comme les incarnations
matérielles et/ou spirituelles du lien social virtuel ou imaginaire qui
unit tous ces individus vivant sur le même territoire. Le drapeau occupe
ainsi la place centrale de cette assimilation subjective à une
communauté. Il est le repère matériel de toutes les
subjectivités, qui combinées, forment un imaginaire d'une nation,
un « imaginaire national »5, dont le drapeau accapare dans
le réel le rôle unifiant. Il existe dès lors cette
communion des subjectivités, fruit du sentiment que l'on
s'émancipe tous de la même manière, et que l'on croit aux
mêmes symboles. D'ailleurs, on pourrait même ajouter que le drapeau
tient un rôle prépondérant dans ce que l'on pourrait
appeler un « inconscient collectif » de la Nation. Cette dialectique
conscient/inconscient se réalise au niveau des « motivations »
humaines6. La gloire, l'honneur, le sacrifice font partie de ces
« motivations » conscientes de l'utilisation du drapeau, alors que
l'insatiable besoin d'appartenir à un groupe humain
déterminé illustre les « motivations » inconscientes du
ralliement au drapeau national.
Une fois réalisée, cette
intersubjectivité doit être stabilisée,
perpétuée, et consolidée par le drapeau, mais comment y
parvient-elle ?
IV - Drapeau et quotidien
Jean Gottmann insistait sur la formidable propension des
iconographies à s'installer, à se rendre légitimes,
à se stabiliser, et surtout à se renouveler lorsqu'il
l'était nécessaire. « Les iconographies ne sont donc pas
inamovibles; elles se déplacent, tout en évoluant un peu à
chaque transplantation, avec les courants de migration et autres faits de
circulation »7. La
1 JEAN GOTTMANN, 1952 : 221
2 Constat réalisé par B.Anderson, 1996,
L'imaginaire national, La Découverte, Paris
3 ANDERSON, 1996 : 23
4 Traduction de « imagining communities »
(ANDERSON, 1995 : 12)
5 ANDERSON, 1995 :14
6 Pierre C. Lux-Wurm, Les Drapeaux de l'Islam de
Mahomet à nos jours, 2001
7 JEAN GOTMANN, 1952 : 158
24
capacité stabilisatrice d'une iconographie, par
conséquent du drapeau peut se mesurer par le degré d'assimilation
consciente ou inconsciente de cette iconographie.
La force du drapeau est d'être à la fois «
présent partout, visible nulle part »1. En effet, le
drapeau se fond dans les paysages, se mêle à l'urbanisme. On le
trouve ainsi, sans y prêter une attention particulière, sur les
édifices publics, sur des vitrines de commerces... Au contraire, l'on
est interpellé par son déploiement, que l'on peut juger excessif
parfois, lors de commémorations, de journées symboliques
nationales (passations de pouvoir, célébrations d'anniversaires
de la Nation...), ou encore de cérémonies officielles. Nous
relevons ici en réalité la capacité d'intégration
et d'assimilation rapide du drapeau dans les esprits de façon à
la fois consciente et inconsciente.
Consciente, car il est impossible de ne pas le voir lors de
ces grandes fêtes nationales. Il s'agit des drapeaux dont la fonction est
purement symbolique, celle que Raymond Firth2 nommait «
symbolic function », que l'on catégorise comme des « waved
flags »3 ou « saluted flags »4 (traduction
difficile). C'est le drapeau qui flotte, celui qu'on voit nécessairement
et pour lequel nous possédons de l'inclination et du respect. C'est le
drapeau qui parle. Il donne ainsi du sens à la Nation dont il est le
digne représentant. On le retrouvera par exemple sur des cercueils des
soldats morts au combat, ou en fond d'écran lors d'interventions
télévisées.
Les autres drapeaux, ceux que l'on ne voit pas,
présents et invisibles à la fois, car faisant partie du paysage
mais pas mis en valeur, et qui s'insèrent au champ de l'image, ont une
fonction signalétique (« signaletic function » chez Firth).
Ils sont généralement catégorisés comme «
unwaved flags »5 ou « unsaluted flags » pour
s'opposer aux drapeaux sacrés. Ce sont ces drapeaux que l'on voit
quotidiennement sans n'y prêter aucun égard et qui deviennent des
drapeaux de la routine (« routine flags »6) qui ne donnent
pas du sens à la nation mais en contiennent. Inconsciemment, ces
drapeaux invisibles interpellent notre esprit.
Mais ces drapeaux routiniers, au même titre que ceux que
l'on sacralise, ont un impact dans notre esprit et participent de la formation
et de la stabilisation d'une iconographie nationale. En effet, les
différences structurelles du drapeau (nature sacrée du drapeau et
nature routinière), dont l'oeil se fait le témoin, agissent en
faveur d'une relation permanente entre une Nation et son peuple. C'est la
fonction phatique du drapeau7 : il maintient continuellement le
1 On utilise volontairement cette citation de
Gustave Flaubert, qui lui parlait de la présence de l'auteur dans son
texte : « L'auteur, dans son oeuvre, doit être comme Dieu dans
l'univers, présent partout et visible nulle part », in Gustave
Flaubert, Correspondances, vol II, 1980, coll «
Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, Paris, p 204. Il en
est de même ici : le drapeau a créé une identité, et
pourtant on ne le voit pas forcément comme l'artisan de cette
identité.
2 Ethnologue néo-zélandais qui a
développé sa théorie sur les impact du drapeau dans le
quotidien en distinguant « symbolic flags » et « signaletic
flags », in Raymond FIRTH, 1973, Symbols : Public and Private,
George Allen&Unwin, London.
3 On peut traduire cette idée de Michael Billig
comme le drapeau qui flotte, celui devant lequel on se prosterne, le drapeau
sacré, déployé lors des grandes occasions (BILLIG, 1995 :
39-43)
4 Id, ibid
5 BILLIG, 1995 : 40, traduction difficile, on pourrait
dire les drapeaux « coutumiers ».
6 Ibid, p.41
7 Lire à ce sujet une étude du
drapeau turc, où la fonction phatique du drapeau est abordée :
Claire MAUSS-COPEAUX et Etienne COPEAUX, 1998, « Le drapeau turc,
emblème de la nation ou signe politique ? », Cahiers d'Etudes
sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien
(CEMOTI), n°26, pp. 271-291, Paris
25
lien entre un locuteur (ici la Nation ou le pouvoir en place)
et son interlocuteur (son peuple). Roman Jakobson voyait dans la fonction
phatique du langage le moyen de « vérifier que l'attention de
l'interlocuteur [...] ne se relâche pas »1. Dans notre
cas, le drapeau assure et mesure en affectivité la liaison permanente
entre la Nation et le peuple. Le drapeau balise la Nation, il l'a
présente au peuple, jusqu'à ce que celui-ci y adhère.
V - Drapeau et « nationalisme ordinaire
»2
Baigné dans un océan conscient et inconscient de
drapeaux, l'esprit développe alors une sensibilité et un
attachement accrus pour le drapeau, et par conséquent pour le pays qu'il
représente. C'est ici toute l'origine d'un nationalisme normalisé
ou ordinaire3 (« banal nationalism »), qui confère
au drapeau un caractère d'intouchable. En effet, il ne s'agit pas
là d'un nationalisme agressif, mais plutôt passif. Un nationalisme
qui ne s'exprime que lorsque le drapeau, ou les iconographies nationales sont
jugés maltraités par la population. C'est tout le sens des
nombreuses réactions, parfois violentes, générées
lorsque le drapeau qui nous représente est brûlé. Le
drapeau jouit ainsi d'un culte conscient ou inconscient, volontaire ou
involontaire qui se nourrit de ce « nationalisme ordinaire », qui le
maintient dans cette position d'intouchable. Ce qui est étonnant ici,
c'est de s'imaginer que le drapeau est à l'origine de ce nationalisme
ordinaire, qu'il l'entretient, et qu'il peut l'exprimer si il est victime
d'actes répréhensibles.
Sans rentrer dans les tréfonds du nationalisme
ordinaire, il nous faut cependant faire remarquer que par ce processus
d'assimilation consciente et inconsciente du drapeau, celui-ci réalise
une double opération. D'abord il s'impose de lui-même et par
lui-même au peuple (il sert donc ses propres intérêts), et
se pose ensuite comme le levier de l'adhésion d'un peuple à
l'autorité qui le gouverne. En servant de thermomètre politique
et social d'une Nation, le drapeau impose son once de respect. Dès lors,
l'iconographie nationale se dote d'un outil qui lui confère un pouvoir
de stabilisation politique supplémentaire. La Nation s'assure ainsi de
l'agrément de son peuple face aux enjeux de la circulation.
VI - Drapeau et récupération
politique
Evidemment, il existe un certain danger dans ce «
nationalisme ordinaire », c'est que celui-ci devienne plus agressif.
Comment ? Et bien c'est toute la place centrale occupée par le drapeau
dans cette évolution. Cette fois-ci le drapeau se retrouverait en
position de vecteur d'ambitions politiques de manipulation. Dans ce cas, c'est
le politique qui se sert du drapeau et de ses composantes à des fins
très clairement stratégiques, non seulement pour asseoir son
autorité, mais également susciter l'animosité envers un
ennemi commun, pour éventuellement
1 Roman Jakobson, 1960, « Closing statements :
Linguistic and Poetics », Style in language, T.A Sebeok, New
York, traduction de Nicolas Ruwet, 1963, « Linguistique et Poétique
», Essais de linguistique générale, Editions de
Minuit, Paris.
2 Concept repris à Michael Billig, Banal
Nationalism, 1995
3 Traduction différente d'une étude
à l'autre : il s'agit du nationalisme banal pour Pascal Ory dans sa
conférence tenue à l'ENS-Paris en 2006 intitulée «
L'histoire culturelle face à l'image : le drapeau, un enjeu
oublié ? ». Vincent Martigny préfère lui la
traduction de nationalisme ordinaire (cf « Penser le nationalisme
ordinaire », 2010, Raisons Politiques n°37, pp 5-15. Ce
mémoire préfère utiliser cette seconde traduction plus
« francisée ».
26
faire oublier le caractère autoritaire de cette
politique. Il s'agit d'instrumentaliser le drapeau, pour instrumentaliser les
peuples. Comment ? Simplement en le multipliant. On rappellera à cet
égard deux données de l'Histoire : on ne peut pas ne pas associer
le IIIème Reich sans les drapeaux nazis et leur profusion lors de
grandes réunions nationales comme à Nuremberg. De la même
manière, on n'imagine pas les congrès géants du parti
communiste dans l'ex-URSS sans un foisonnement de drapeaux rouges. Il y a
derrière cela une marche en avant d'un nationalisme ordinaire vers un
nationalisme agressif, dans laquelle le drapeau est directement impliqué
par sa puissance fédératrice et par l'imaginaire collectif qu'il
génère. Sa multiplication dans l'espace public suivant le cours
d'une propagande, va parallèlement décupler les émotions
vers l'agressivité. Pas toujours bien évidemment, le nationalisme
ordinaire ne converge pas toujours vers un nationalisme agressif, mais nous
devons souligner cette dérive, dont le drapeau en est une, sinon la
cause involontaire.
Le drapeau n'est tellement pas dérisoire, tellement
associé à l'identité, tellement associé à un
territoire, à son propre territoire, que son pouvoir n'en peut
être que démultiplié. Les grands mouvements de l'Histoire
ont prouvé qu'avec les drapeaux, certains régimes
possédaient en plus de la force, une image. On évoque souvent
l'exemple des Romains, les premiers à défiler dans les villes
conquises toutes bannières déployées. Ces
démonstrations de force participaient à créer une image
d'invincible armée. Les régimes politiques n'ont jamais
sous-estimé la force du drapeau, jusqu'à s'en servir de
propagande.
Drapeau nazi utilisé à des fins de propagande
: un exemple de récupération politique du drapeau
Source :
urba-actu.blogspot.fr
27
CHAPITRE QUATRIEME
LA FORMATION D'UN DRAPEAU : UN
PROCESSUS GEOPOLITIQUE
Un changement de drapeau, dans la vision gottmanienne, est
directement conditionné par un rapport de force entre circulation et
iconographie tendant vers la première. Lorsque le décloisonnement
s'opère de façon nette, l'iconographie, par conséquent le
drapeau, doit s'adapter. Il en va de ces grands mouvements de l'Histoire.
Récemment, la décolonisation, la chute de l'URSS, et la
dislocation de l'ex-Yougoslavie sont les exemples les plus significatifs. A ces
facteurs de décloisonnement correspond une opération
iconographique de construction ou de reconstruction, et de formation de
nouvelles entités, de nouvelles régions, de nouveaux Etats. Le
drapeau tient le premier rôle de cette refonte de cloisons. C'est ici
tout le sujet de cette partie : comprendre comment s'opère la formation
d'un drapeau national, et à quelles lois et mécanismes
répond-elle.
A partir de cette analyse, quels seront les types de drapeaux
possibles, et qu'exprimeront-ils du pays qu'il représente ?
Que cherche-t-on à mettre le plus en valeur ? Quelles
stratégies envisagées pour quels résultats ? Comment
associer les intérêts nationaux (unification iconographique) avec
d'autres données extérieures ? Un drapeau peut-il atteindre une
forme de perfection iconographique satisfaisant tous les paramètres de
création ? Et quels sont ces paramètres ?
La construction d'un drapeau élabore une
géographie du drapeau. Cette géographie est parcourue de courants
géopolitiques qui la structurent. Le drapeau est donc un espace
géographique parcouru de dynamiques. Notre étude propose ainsi
une grille de lecture pour l'ensemble des drapeaux nationaux. Dans l'esprit de
Jean Gottmann, cette grille d'analyse de la formation des drapeaux nationaux
fonctionne sous trois dynamiques géopolitiques, elles-mêmes
déclinées aux échelles internes et externes d'un pays. En
d'autres termes, trois mécanismes iconographiques, conjugués aux
jeux d'échelles géographiques, forment l'appendice de
l'évolution du drapeau national, de sa création, jusqu'à
sa légitimité reconnue. Un mécanisme de
séparation vexillologique, un mécanisme
d'intégration vexillologique, et un mécanisme de
résistance vexillologique au sein même du nouveau drapeau
créé.
I - La séparation
vexillologique
Le premier des ces mécanismes est donc celui d'une
séparation vexillologique et iconographique dans laquelle le drapeau
national se mue, en réponse à un détachement par rapport
à une ancienne entité géopolitique : genèse d'un
régionalisme correspondant à la distance prise face une ancienne
autorité, il faut donc créer une nouvelle iconographie.
28
Sous cette appellation de séparation, on retrouvera
évidemment toutes les traces de la décolonisation, de
régimes autoritaires renversés, d'éclatement de l'URSS, de
dislocation d'entités dans lesquelles la diversité l'a
emporté sur l'unité (ex-Yougoslavie). C'est de ce point
départ de mise à distance, de détachement,
d'indépendance, dans des visées d'autodétermination que le
processus de formation iconographique débute. Les bouleversements
géopolitiques liés à ce que Gotmann nommerait la
circulation, deviennent des terreaux fertiles de nouvelles formes
iconographiques dont le drapeau en est l'expression ultime.
Cette séparation iconographique, dans laquelle le
drapeau occupe la place principale, évolue à deux
échelles.
Echelle interne
Une échelle interne, où, déjà
composé comme Etat-Nation, l'on veut seulement prendre symboliquement
ses distances avec le régime fraîchement renversé. C'est
tout le sens de la création d'un nouveau drapeau. Pour exemple, on
pourra citer le drapeau tricolore français marquant la rupture - quoique
pas toujours consommée (le blanc vaut toujours pour la royauté
dans certaines études) - avec la monarchie. On peut également
évoquer le drapeau de l'Union Soviétique des bolchéviks
qui remplace le drapeau russe des tsars en 1917.
C'est également le se sens du changement récent
de drapeau au Rwanda : l'ancien rappelle un régime lié aux
tragédies ethnique et à la colonisation française
(l'ancien drapeau rappelle le tricolore), il est doublement nécessaire
le modifier. Les couleurs changent d'ailleurs radicalement. Le Rwanda nous
expose une situation originale : le nouveau drapeau correspond à une
double séparation aux deux échelles, interne pour le
régime lié aux massacres ethniques, et externe pour mettre au
jour pour de bon la décolonisation. Lorsque que ces deux
séparations sont présentes, il s'agit souvent de pays dans des
situations de tensions latentes qui peuvent engendrer de graves
déséquilibres régionaux. Le Rwanda donc, citons
également à titre d'exemple le Kosovo, récemment
indépendant dont le drapeau, fruit d'une dislocation externe
(ex-Yougoslavie puis Serbie) et interne (régime serbe autoritaire)
exprime le nécessaire besoin d'un compromis.
Le changement d'emblèmes en Iran en 1980 après
la Révolution Islamique révèle la nécessité
de se séparer et de se détacher de l'ancien régime
impérial renversé. L'emblème du lion solaire est alors
remplacé par un nouvel emblème volontairement religieux, puisque
l'Iran était devenue une république islamique. Les cinq piliers
ainsi que l'expression stylisée « Allah akbar » font leur
apparition. Ici le passage d'un Empire à une république islamique
nécessite la modification du drapeau. « Tout ce qui pouvait
évoquer l'histoire des dynasties régnantes fut aussitôt
supprimé »1.
On peut également évoquer le cas de
l'Afghanistan, qui enterre symboliquement la période talibane par un
changement de drapeau. Le drapeau blanc des talibans (le blanc est la couleur
de Mahomet) est abandonné au profit du drapeau actuel qui reprend les
couleurs du Royaume
1 LUX-WURM, 2001 : 148
29
d'Afghanistan (1930-1973). Cette rupture interne au pays se
traduit donc par la modification du drapeau1.
Plus tragiquement, l'Allemagne nazie, voulant marquer la
rupture avec la République de Weimar, reprend le drapeau du parti nazi
pour l'officialiser. Cela n'allait pas de soi, il y avait quand même
risque de détourner une partie de l'Allemagne. Pourquoi finalement ne
pas avoir repris le drapeau de l'Empire, puisque Hitler lui-même, se
plaçait dans la continuité du Saint Empire qui dura mille ans
?2 Il y a ici double séparation symbolique : d'un
régime passé que l'on renverse, et d'une mise à distance
de ce de quoi l'on s'inspire, comme pour marquer un renouveau plutôt
qu'une continuité.
Echelle externe
A l'échelle externe, il s'agit là de se
détacher nettement d'une ancienne puissance ou autorité qui
régnaient alors sur le territoire national. C'est tout le sens des
indépendances suivies directement par la création ou le retour
à un ancien drapeau exprimant l'originalité du pays.
On peut penser évidemment à quelques drapeaux
postcoloniaux d'Afrique de l'Ouest. Celui du Bénin, qui par exemple, en
plus de se rattacher aux couleurs panafricaines, avait placé une
étoile symbolisant le régime socialiste pour mieux signaler la
rupture des liens avec l'ancienne puissance coloniale française. Ici,
l'appel à un régime idéologique met fin à ce que le
Bénin nommait alors la « Françafrique », cette
continuité de l'influence française sur cet espace africain.
Après un âpre débat, le Canada retire en
1965 de façon officielle l'Union Jack du canton de son drapeau et marque
symboliquement la fin de la supériorité de la couronne
britannique au Canada. Les Canadiens se dotent alors d'un nouveau drapeau qui
à présent fait l'unanimité (même si des provinces
intérieures conservent le drapeau britannique dans leur canton).
Une des dernières indépendances en date, celle
du Timor Oriental en 2002, s'accompagne d'un retour à un drapeau, celui
du Front Révolutionnaire pour l'Indépendance du Timor Oriental
(FRETILIN) qui luttait contre les colons portugais puis récemment contre
le joug indonésien. Ce drapeau qui n'est pas créé pour
l'occasion puisqu'il existait déjà auparavant ne possède
pas moins de légitimité qu'un autre nouvellement
élaboré. Ce drapeau que l'on reprend demeure même
peut-être encore plus symbolique puisqu'il correspond à deux
luttes successives contre une puissance extérieure. La séparation
symbolique du Timor Oriental par le drapeau est ici nette.
On a relevé que le drapeau du Timor Oriental reprenait
celui du FRETILIN. Il est un trait vexillologique qu'il nous faut analyser.
S'il existe une dynamique de séparation iconographique, elle est dans de
nombreux cas - particulièrement dans les anciens pays colonisés -
accompagnée par un retour à un drapeau préexistant. Mais
pas n'importe lequel. Il
1 cf Pierre C. LUX-WURM, 2001, Les
drapeaux de l'Islam, de Mahomet à nos jours, Buchet-Chastel,
Méta Editions, Paris, pp 15-29
2 Pascal Ory analyse très bien cette
question du choix du drapeau du régime nazi dans « L'histoire
culturelle face aux images : le drapeau, un enjeu oublié ? »,
conférence donnée en 2006 à l'ENS-Paris.
30
s'agit souvent du drapeau des partis, des fronts
révolutionnaires qui ont combattu l'ancienne puissance
colonisatrice1. Repris à l'identique, ou d'une grande
inspiration, les drapeaux de ces partis politiques indépendantistes,
parce qu'ils expriment sans doute le mieux la lutte pour la séparation,
deviennent d'office drapeau national. C'est quasiment une constante par exemple
en Afrique post coloniale. Citons à titre d'exemple le drapeau du Kenya,
repris du drapeau Kenyan African National Union (KANU), de la Namibie, dont les
couleurs rappellent celles du parti indépendantiste du South-West
African People's Organisation (SWAPU), de l'Algérie reprenant le drapeau
du Front de Libération National (FLN), enfin de l'Erythrée,
directement inspiré du Front Populaire de Libération de
l'Erythrée (FPLE). La dynamique de séparation iconographique ne
signifie pas toujours créer un nouveau drapeau jamais vu auparavant
(comme au Rwanda par exemple). Après tout, qu'est-ce qui
représente le mieux l'indépendance si ce n'est le drapeau de ceux
qui ont lutté politiquement et officiellement contre la puissance
étrangère ?
Un dernier exemple, celui du Soudan du Sud, récemment
indépendant, qui par le choix de son drapeau fait le choix de ses
alliés. En effet, le drapeau du Soudan du Sud largement inspiré
par celui de son voisin kenyan exprime bien l'orientation politique du nouveau
régime souhaitant rompre avec les alliances que le Soudan passe avec
d'autres Etats. Est en jeu ici une proximité ethnique et culturelle avec
le Kenya, mais aussi et surtout la séparation nette de son ancien mentor
le Soudan, en froid avec le Kenya2.
La séparation symbolique n'est pas toujours gage d'une
indépendance nette. L'exemple des drapeaux des anciennes colonies
françaises ou anglaises est à ce sujet parlant. L'Australie porte
encore l'Union Flag dans le canton de son drapeau malgré les
récents débats (de même en Nouvelle-Zélande et les
îles Fidji), marqueur de leur intégration au Commonwealth. La
République Centrafricaine possède un drapeau clairement
exposé comme trait d'union entre les valeurs africaines et
françaises... Dans cette optique comment ne pas penser au drapeau
français lorsque l'on aperçoit un drapeau
sénégalais ou malien, tant la disposition des couleurs et la
structure du drapeau font écho à l'ancien colonisateur. La trace
colonisatrice est par conséquent involontairement - ou non ? -
conservée.
Suite à la dislocation de l'URSS, les nouvelles
républiques fraîchement indépendantes se dotent de
nouvelles iconographies3. Mais ces distances prises par rapport
à un ancien pouvoir ne sont pas toujours clairement établies.
C'est là toute la complexité de la formation des drapeaux. Et
c'est là tout un questionnement géopolitique et
stratégique de choix d'une iconographie, qui doit répondre aux
attentes de beaucoup d'acteurs. Faut-il à tout prix se détacher
de notre ancien partenaire au risque de s'exposer à de vives tensions ?
Cette première étape de la formation du drapeau national
révèle toute la subtilité du processus de
1 Lire à ce sujet l'analyse de la
création des drapeaux postcoloniaux africains sur l'exemple des drapeaux
des partis et fronts indépendantistes : Patrice de la Condamine, 2005,
Vert, Jaune, Rouge, Noir, les couleurs panafricaines, Miroir et conscience
d'un continent, Les Enclaves Libres, pp.81-85
2 Lire l'analyse du Blog de la
SFV(Société Française de Vexillologie), 10/07/2011,
« Indépendance du Soudan du Sud »
3 Lire à ce sujet la brochure concernant les
drapeaux de l'ancienne URSS : Patrice de la Condamine, 2008, Les couleurs
de l'empire éclaté, les ex-républiques soviétiques
depuis 1991 : drapeaux, identités, pouvoirs, Les Enclaves
Libres.
31
séparation interne ou externe dans lequel
s'insère les nouvelles iconographies et le drapeau. Le dessin de
celui-ci, son choix n'est jamais purement libre.
Quelques drapeaux des nouvelles républiques d'Asie
Centrale ou d'Europe issues de la dislocation de l'URSS nous rappellent la
difficile mise à distance de l'ancien grand frère. Le drapeau du
Belarus nous expose comment un drapeau démontre des liens forts
étroits entre russes et biélorusses (il s'agit du même
drapeau que celui arboré du temps de la république socialiste,
sauf étoile et faucille ôtées). Il y a une proximité
iconographique qui s'exprime par parenté vexillologique,
révélant des liens politiques forts entre les deux entités
(Russie et Belarus). De la même manière, le drapeau du Tadjikistan
ainsi que celui du Kazakhstan, tout en montrant un écart pris avec
Moscou révèlent des affinités gardées avec l'ancien
grand frère. Le drapeau tadjik reprend les couleurs de l'ancienne RSS du
Tadjikistan et nous rappelle que l'élite dirigeante n'est simplement que
la continuité de l'ex nomenklatura soviétique1. Le
drapeau kazakh est un drapeau qui ne revendique pas son indépendance
vis-à-vis de la Russie. Dans un pays composé à 30% de
russes, le choix du drapeau ne s'est pas tourné vers l'implantation de
symboles musulmans, contrairement à ses voisins, qui auraient
marqué une nette rupture avec le régime
soviétique2.
La région sécessionniste de Transnistrie ne fait
quant à elle que reprendre l'ancien drapeau de la république
socialiste de Moldavie, et nous indique le visage de celui qui dans le secret
tire les ficelles de cette région, ici la Russie.
Finalement, la séparation vexillologique et
iconographique vis-à-vis d'une ancienne autorité peut simplement
opérer un rôle inverse. Jusqu'à en souligner les forts
liens entre les deux anciens amis devenus de fait rivaux. D'une
séparation, on revient à une réintégration
iconographique et vexillologique pas toujours volontaire... La
séparation symbolique dont le drapeau concrétise les attentes,
n'est pas toujours nette, particulièrement à l'échelle
externe. Il existe une hiérarchie dans ces séparations
vexillologiques, qui correspondent à l'intensité des rapports et
des échanges entre des pays hier opposés, devenus aujourd'hui
partenaires à des degrés divers. La réelle
séparation vexillologique, s'accompagne toujours d'une dynamique
d'intégration à un autre ensemble.
II - L'intégration
vexillologique
Après une séparation symbolique, il reste
à insérer le nouveau drapeau dans un nouveau schéma
structurel. L'on intègre alors son drapeau à d'autres familles
iconographiques, à d'autres filiations vexillologiques, a fortiori
à d'autres ensembles géopolitiques extérieurs. Mais pas
seulement, le drapeau sert également d'unificateur national, il faut
donc une intégration de l'ensemble des populations et des territoires de
l'intérieur. Le drapeau fait donc feu de tout bois : il s'intègre
à des ensembles géopolitiques extérieurs, et fait acte
d'intégration et de cohésion intérieures jusqu'à
rassembler des ancien territoires considérés comme
légitimement insérés à son territoire national. Le
drapeau devient alors dans certains cas revendicateur de territoires.
1 DE LA CONDAMINE, 2008 : 65
2 Ibid : 54-55
32
Echelle interne
La première étape est celle de
l'intégration nationale par le drapeau. De quoi parlons-nous
concrètement ? Il s'agit ici de comprendre comment le drapeau parvient
à intégrer, à faire cohabiter un peuple sur le même
territoire. Cette dynamique d'intégration à l'échelle
interne, est en fait la recherche d'unité. Se dédouble
en réalité à la dynamique d'intégration une
dynamique d'unification. Toute la question est ici de comprendre quel type
d'unité est mise en valeur ?
Un symbole unanime
Une des solutions est de trouver un emblème, ou symbole
que l'on appose sur le drapeau et qui fait l'unanimité. Par
conséquent, pas de contestations possibles. Ce symbole, ou cette couleur
spécifique doit parler à tous. Il exprime des traditions locales,
et évoque en chacun un sentiment de partage. Il en va de l'unité
même d'un pays et d'un peuple. On pense au cèdre libanais qui vise
à unir cette mosaïque de peuples. La feuille d'érable, pour
le Canada, doit opérer une unité nationale après
s'être symboliquement détaché de l'influence britannique.
Souvent, ces symboles auxquels l'on fait appel font écho à des
« âges d'or »1 (périodes historiques
glorieuses quasi sacralisées par un peuple, jusqu'à les rendre
erronées), ou bien des uchronies2 (des temps
mythifiés), qui par essence peuvent rassembler potentiellement le plus
de sujets possibles, puisque faisant appel à l'imaginaire collectif. Il
s'agit là d'une unité par héritage. L'on fait donc appel
à des mythes fondateurs connus de tous ou des figures d'ancêtres.
Le Bhoutan reprend à son compte le dragon, appelé «Druk
» directement issu de la mythologie bhoutanaise. Le Mexique, par son
blason qui évoque le mythe créateur de l'Empire aztèque,
(il fallait pour les aztèques trouver un cactus sur un rocher pour
pouvoir s'implanter, ils en trouvèrent un avec une aigle et un serpent
dessus), se rappelle aux glorieuses heures de l'Empire
Aztèque3. Derrière cette unification par le drapeau,
l'on remarque un « caractère » national. Certains pays peuvent
être considérés comme « nostalgiques » d'un
certain temps ; le Portugal par exemple, dont l'astrolabe sur le blason
rappelle un temps où l'empire portugais avec ses grands navigateurs
dominait le monde maritime4.
Des idées neuves
L'on fait appel également à de nouvelles
idées supposées réunir un peuple entier. C'est tout le
sens du drapeau brésilien, qui par sa devise « Ordem e Progresso
», emprunte la voie du positivisme pour se détacher de la
domination portugaise, mais également unir son peuple sous une
même idée de progrès5.
1 THUAL, 1999 : 112
2 Ibid 113
3 DOUBLET, 1987 : 123-124
4Cf analyse de la Condamine concernant la famille
vexillologique lusophone : Patrice de la Condamine, 2005,
Les drapeaux de l'archipel lusophone, Les Enclaves
Libres
5 DE LA CONDAMINE, 2005 : 29-34
33
Une unité des peuples
Cette unité nationale peut s'exprimer dans la
construction du drapeau. A travers le drapeau, c'est une entente entre ethnies
qui peut être en jeu. L'exemple du drapeau de l'Afrique du Sud est
à ce titre le plus significatif. Il y a une double opération
d'intégration interne historique. La première date de 1928,
lorsque l'union des colonies néerlandaises (peuplées
d'Afrikaners) et britanniques est opérée. Le drapeau
réalise alors l'union territoriale des deux colonisateurs : la structure
est celle de l'ancien Prinsenvlag néerlandais, et la bande blanche
centrale associe les territoires d'Oranje et du Transvaal aux mains des
néerlandais, et les colonies britanniques du Cap et de Natal par la
présence de l'Union Jack.
La première se situe après la fin de
l'apartheid, qui nécessite la création d'un nouveau drapeau
censé représenter l'unité et l'égalité
désormais acquises entre anciens colons et Bantous (autochtones
exploités durant l'apartheid). La lecture de la gauche vers la droite du
drapeau indique la recherche de la paix entre les ennemis d'hier. Les couleurs
de l'ancien drapeau sont conservées (rouge, bleu, blanc) mais les
couleurs représentant les Bantous sont désormais
présentes, et en première place si l'on lit le drapeau de gauche
à droite (vert, jaune, noir). L'agrégation des couleurs Bantous
à celles des Afrikaners invite à la cohésion nationale au
service d'une même cause : celle du pays et non plus celle des ses
propres intérêts, et celle du mélange territorial, non plus
celle de la ségrégation spatiale1.
La religion
La cohésion d'un groupe s'exprime dans pléthore
d'Etats par la religion dominante, et plus particulièrement l'Islam, une
religion qui inspire à l'heure actuelle le plus grand nombre de
drapeaux2. Par conséquent, le drapeau se fait l'ambassadeur
de cette union interne générée par la religion. Les
couleurs dites panarabes (vert, blanc, rouge, noir, pour les quatre grandes
dynasties ou courants de la religion musulmane : Hachémites, Omeyyades,
Fatimides et Abassides), tout comme le croissant et l'étoile deviennent
les représentants sur le drapeau de l'Islam, dénominateur commun
de tout un peuple. Pensons au drapeau des Emirats Arabes Unis. Celui-ci reprend
les couleurs panarabes, servant de fédérateur des sept
émirats qui les composent. Le drapeau irakien, dont un projet
proposé des Etats-Unis fut abandonné car la ressemblance avec le
drapeau israélien était flagrante, s'attache actuellement
à unifier le pays ruiné par les guerres et le régime de
Saddam Hussein. Les étoiles rappelant le régime de Saddam Hussein
sont retirées, on conserve la calligraphie « Allah akbar »
pour tenter l'unification par la religion, non plus par le régime.
Egalement, loin d'une religion dominante, l'intégration
interne par le drapeau est marquée par l'équilibre subtil des
religions sur un même territoire. Il s'agit en fait d'intégrer
symboliquement sur le drapeau l'ensemble des religions pratiquées sur un
territoire. Le drapeau de l'Albanie, en apposant l'aigle bicéphale, est
censé marquer la paix régnante entre la majorité musulmane
et la minorité chrétienne. Le drapeau de l'Irlande souligne par
le blanc
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 70-71
2 Lire à ce sujet l'introduction de Pierre
C.LUX-WURM, 2001, Les drapeaux de l'Islam, de Mahomet à nos jours,
Buchet-Chastel, Meta Editions, Paris
34
la paix entre protestants et catholiques. Si officiellement
les couleurs du drapeau du drapeau de l'Inde expriment des valeurs, il n'en
reste pas moins qu'elles semblent indiquer la volonté d'une cohabitation
et d'une unité des deux religions principales (le vert pour l'Islam, le
safran pour l'Hindouisme) autour d'une seule et même cause : le
développement de l'Inde. Dans ce même espace, le drapeau du
Népal, seul à ne pas être rectangulaire avec la Suisse,
obéit également à cette dynamique. Les deux pointes des
deux triangles symbolisent les deux religions majoritaires appelées
à s'entendre, le Bouddhisme et l'Hindouisme.
L'exemple malien est également patent. Le drapeau qui
précède l'actuel avait apposé sur la bande jaune centrale
une représentation stylisée de l'Homme, que l'on nomme «
kanaga ». Mais pour la communauté puriste musulmane malienne, toute
représentation de figure humaine, qui plus est sur un drapeau, est
formellement interdite. Par conséquent, pour ne pas attiser de tensions
supplémentaires, l'Etat central décida le retirement du
kanaga1. Le drapeau qui suivit est toujours le même
actuellement, malgré le flou concernant les indépendantistes de
l'Azawad qui arborent un drapeau subtil dont les couleurs sont panafricaines
mais la forme rappelle le drapeau palestinien2.
L'unité territoriale
Mais cette dynamique d'intégration à
l'échelle interne, visible sur le drapeau, est souvent liée
à des rattachements de territoires, ou dans certains cas à des
revendications territoriales. Est alors assignée au drapeau la fonction
de représentant suprême de l'unification territoriale d'une
nouvelle nation. Citons à titre d'exemple la Tanzanie, dont le drapeau
exprime la réunion de deux territoires (le Tanganyka en vert pour la
partie continentale, Zanzibar en bleu pour la partie insulaire3),
associés par la logique panafricaine. L'Union Jack appartient
également à ce type de drapeau, puisqu'il symbolise l'association
de quatre territoires au sein d'un même Royaume-Uni (Angleterre, Pays de
Galles, Ecosse, et Irlande du Nord). Dans ce sens, la Croatie réalise
l'unité territoriale par son drapeau : le blason central possède
cinq écus symbolisant les cinq grandes régions du pays. Comment
ne pas penser au drapeau des Etats-Unis, celui qui par son nombre
d'étoiles (50) unit tout un territoire pour autant d'Etats. Le drapeau
des Etats Fédérés de Micronésie assure
l'unité des territoires qui les composent (quatre étoiles pour le
Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Yap). Marquer sur le drapeau une unité des
territoires est un fait récurrent pour les pays insulaires ou
archipélagiques. Les îles Salomon illustrent bien cette
idée : les cinq étoiles représentent les cinq îles
qui composent l'archipel.
Le drapeau des revendications territoriales
Lorsque que cette unité territoriale n'est pas
réalisée, le drapeau devient le promoteur d'une revendication
territoriale. Il correspond en vérité à l'expression de
« rivalités de pouvoir sur un territoire ».
L'intégration interne passe ici par la réclamation de
territoires. Souvent inspiré par des « grandismes
»4 (en se référant à une entité
politique passée), le drapeau vise à
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 39-40
2 Au sujet de ce drapeau de l'Azawad, lire sur le Blog
de la SFV, « Un nouvel Etat », 07/04/2012
3 DE LA CONDAMINE, 2005 : 68
4 THUAL, 1999 : 113
35
revendiquer la souveraineté sur des terres qui
appartenaient à cette ancienne entité. Concrètement, les
Comores revendiquent toujours la souveraineté sur l'île de Mayotte
- désormais Département d'Outre-Mer de la France (DOM) - par le
drapeau (la bande blanche symbolise Mayotte). De même, le Venezuela a
ajouté une huitième étoile à son drapeau pour
mettre au jour sa volonté de rattacher la Guyane
vénézuélienne à son territoire (la Guyane
vénézuélienne se trouvant à l'heure actuelle sur le
territoire du Guyana).
Le drapeau de compromis
Il est des cas où l'intégration et
l'unité à l'échelle interne, ne s'opèrent pas de
manière aisée. L'on fait recours alors à des drapeaux
consensuels, neutres, ne favorisant aucun camp, qui expriment simplement le
besoin de paix pour des pays dont l'unité est encore remise en cause. La
fragilité et l'instabilité qui caractérise la
Bosnie-Herzégovine depuis l'éclatement de la Yougoslavie ont
orienté la création vers un drapeau de consensus,
nécessaire prérogative à l'entente des trois principales
communautés du pays. Les trois sommets du triangle jaune
représentent les Bosniaques, les Croates et les Serbes, tandis que les
étoiles évoquent l'Union Européenne (UE), dont
l'intégration apparaît comme le seul objectif commun de ces trois
communautés. Le dernier exemple en date est celui du Kosovo1.
Après une compétition où plus de 700 drapeaux furent
proposés, et malgré les lourdes contraintes imposées (pas
d'aigle bicéphale, pas de rouge évoquant l'Albanie, pas de
devises, et doit correspondre aux aspirations du Kosovo à se faire
reconnaître des institutions internationales), un drapeau de consensus
national est proposé. Et l'on se sert du territoire, seul
dénominateur commun de toutes les ethnies et des religions, pour
opérer l'éventuelle unité nationale. Il existe un autre
drapeau où la cartographie se fait l'apanage des diverses aspirations
des peuples vivant sur un même territoire. Il s'agit du drapeau de
Chypre. Celui-ci demeure vraisemblablement le plus neutre possible, au sens
où le blanc combiné avec les branches d'olivier offrent un socle
pacifique à l'éventuelle réunification des deux parties de
Chypre. La possibilité de placer la carte de son territoire sur le
drapeau apparait cependant comme la dernière étape de compromis
et de pacifisme avant l'implosion interne d'un territoire.
Finalement, on constate vite une typologie des drapeaux
nationaux dans leur dynamique d'intégration. C'est elle qui
détermine le choix d'un type de drapeau. La voie choisie pour unifier un
peuple et son territoire est directement matérialisée par le
drapeau.
Echelle externe
A l'échelle externe, on exprime ici l'idée que
le drapeau en formation choisit, dans la majorité des cas, de se fondre
dans des familles vexillologiques - a fortiori des ensembles politiques - qui
dépassent le cadre de la Nation. Le drapeau crée ou recrée
des liens. La proximité politique se double d'une proximité
vexillologique. C'est ici un jeu d'alliances politiques par drapeaux
interposés.
1 Lire à ce propose l'étude suivante :
Erwan Cobic, 2007, Kossovo, La bataille de l'éternité,
Paris, Artiz,
36
Les « panismes »1
L'exemple le plus frappant de cette intégration par le
drapeau à une entité extérieure est les pays qui arborent
des couleurs répondant à des volontés de panismes. Non pas
au sens premier du terme (réunir les peuples de même langue), mais
au sens géopolitique, c'est-à-dire créer des ensembles
homogènes de pays partageant des mêmes visées. Le plus
important mouvement vexillologique de panisme est celui du panafricanisme.
Ce mouvement de panafricanisme, né hors Afrique avant
et surtout pendant les mouvements d'indépendances africaines, trouve son
pendant vexillologique dans les couleurs dites « panafricaines »
(vert-jaune-rouge et noir). Symboliquement, ces couleurs ont pour origine le
drapeau éthiopien, en signe d'hommage au royaume d'Abyssinie (Ethiopie
actuelle) qui avait résisté à tous les assauts venants de
l'extérieur, arabes ou colonisateurs. C'était là un
symbole fort : ces couleurs éthiopiennes incarnaient de la meilleure
façon qui soit, l'indépendance et l'intégrité
territoriale. L'Afrique post coloniale entre alors dans l'ère
panafricaine. Les nouveaux drapeaux (qui reprennent souvent les couleurs des
partis politiques indépendantistes, eux-mêmes arborant les
couleurs panafricaines) deviennent des drapeaux du panafricanisme, apanage de
la conscience africaine. C'est ainsi donner par le drapeau une voix à
toute l'Afrique. Actuellement, sur cinquante cinq Etats reconnus
officiellement, trente-deux arborent des couleurs panafricaines de près
ou de loin. Ainsi dans les faits, les drapeaux traduisent une forme d'entente
cordiale et politique de pléthores d'Etats africains. En pratique, ces
drapeaux cachent de nombreuses divergences. Le problème du
panafricanisme2 est simple : il est plus une idée
philosophique qu'une application dans les faits malgré la volonté
symbolique d'accorder entre eux les Etats africains. Les couleurs panafricaines
correspondent ainsi plus à cette idée philosophique qu'à
une véritable unité africaine.
Dans cette optique, on soulignera également le
mouvement vexillologique panslave correspondant à la doctrine du
panslavisme. En simplifiant de manière très schématique,
ce mouvement qui apparaît au début du XIXème siècle
rassemble désormais plusieurs pays d'Europe de l'est et balkanique
autour de cette conscience d'être slave. Les couleurs panslaves choisis
furent celles du drapeau russe. L'aide russe dans les guerres de
sécessions de la majorité de ces pays contre l'occupant ottoman
n'y est pas étrangère. Pourtant, on aurait tort de parler ici
d'un ensemble homogène. Si l'on retrouve dans ces pays slaves les
mêmes couleurs (blanc-bleu-rouge), on a tendance à penser que la
Russie s'est servit de ce mouvement panslave pour asseoir son autorité
dans la région. A tort, car le monopole du panslavisme n'appartient
à personne, même si pendant l'ère soviétique,
l'argument slave était souvent avancé pour consolider des
alliances. Néanmoins, on imagine désormais mal la
République Tchèque s'allier avec la Russie avec le souvenir du
Printemps de Prague encore vivace dans les esprits tchèques, ceci
malgré la proximité vexillologique des deux drapeaux. Les
drapeaux ne sont pas toujours les vecteurs d'unité entre deux pays
arborant les mêmes couleurs. C'est ici toute la subtilité du jeu
vexillologique. Pourtant, dans le cas de la Serbie et de la Russie, ce jeu
d'alliance par drapeaux interposés semble fonctionner. D'ailleurs, le
1 THUAL, 1999 : 113
2 Lire à ce sujet Philippe Decreane, 1976,
Le Panafricanisme, Que sais-je n°847, PUF, Paris
37
drapeau serbe reprend dans la disposition inverse les couleurs
russes sur son drapeau. Le lien créé par une même religion
(ici l'Orthodoxie, dont les liens avec la Nation ont toujours été
étroits), ainsi que l'aide russe plus effective que dans d'autres Etats
slaves lors de la guerre d'indépendance contre les Ottomans au
XIXème siècle, sont de solides arguments pour pouvoir penser que
les couleurs panslaves réalisent ici une réelle
intégration politique de plusieurs Etats (ici Russie et Serbie
auxquelles on pourrait rajouter la Bulgarie).
De la même manière, les couleurs panarabes ne
sont pas l'expression d'une unité d'un monde arabe. D'ailleurs, l'Iran
perse arbore ces couleurs alors qu'elle n'est géographiquement et
culturellement pas de culture arabe. Aussi, les couleurs panarabes, qui
expriment l'adhésion d'un Etat à l'Islam, pourraient nous faire
oublier les grandes dissensions entre plusieurs Etats qui hissent ces couleurs.
On oublie trop souvent les nettes différences confessionnelles entre
l'Islam sunnite et l'Islam chiite. Et le drapeau ne montre pas ces
différences. Comme dans le cas des couleurs panslaves, le drapeau est
ici un piège. Il n'exprime pas, malgré l'apparente
homogénéité, des alliances fortes. Néanmoins, on
citera l'exemple d'Israël, qui peut servir de point d'ancrage d'une
politique commune antisioniste de nombre d'Etats musulmans
caractérisés par les mêmes couleurs panarabes. Il n'y a
cependant pas toujours de proximité politique derrière une
proximité vexillologique. Cela peut par conséquent servir des
thèses réductibles, comme celle du « choc des civilisations
»1. En effet, penser que le drapeau peut réunir par la
religion des dizaines de pays, c'est oublier les nombreux désaccords
entre ces mêmes pays, qui a fortiori ne permettent pas une
homogénéité religieuse et politique, que certains ont
prétendu.
Volonté de créer des alliances commerciales ou
politiques
Derrière des drapeaux arborant les mêmes
couleurs, on ne peut ne pas imaginer qu'il existe des intérêts
sous-jacents d'ordre politique et commercial. Plusieurs exemples viennent
à l'esprit. D'abord celui de la Roumanie et de la Moldavie. En effet, le
drapeau moldave exprime bien la volonté du gouvernement actuel de se
rapprocher de la Roumanie, pour accéder à l'Union
Européenne. Il est presque question ici d'une demande sous-jacente de
rattachement à la Roumanie, en soulignant le même héritage
de l'ancienne Valachie. A l'opposé, les sécessionnistes de
Transnistrie récupère l'héritage soviétique pour
soutenir la « vraie » Moldavie, qui selon eux n'a rien à voir
avec la Roumanie et l'Europe (le drapeau de Transnistrie est celui de
l'ancienne RSS de Moldavie). Deux visions politiques s'affrontent, que le
drapeau illustre particulièrement bien.
De la même façon, regardons le drapeau du Panama.
La ressemblance avec celui des Etats-Unis est flagrante (mêmes couleurs,
étoiles), et correspond en vérité à l'alliance
stratégique qui lie les deux protagonistes, même si l'on peut
penser que le poids des Etats-Unis étouffe quelque peu celui du Panama.
Le canal de Panama étant pour les Etats-Unis vital, on imagine donc que
ce drapeau sert les intérêts des Etats-Unis, en rendant officiel
la prépondérance états-unienne sur cet endroit du monde.
Il ya là derrière le drapeau une intégration à une
aire d'influence extérieure, ici celle des Etats-Unis.
1 cf Samuel Huntington, 1997, Le Choc des
Civilisations, Odile Jacob
38
Toujours en Amérique Centrale, un
phénomène vexillologique est éloquent. Quatre drapeaux,
pour quatre Etats arborent les mêmes couleurs, et quasiment sous la
même disposition. Seuls les blasons diffèrent d'un pays à
l'autre. Du nord au sud, le Guatemala, le Salvador, le Honduras, et le
Nicaragua. Ils ont en commun de hisser un drapeau qui rappelle celui des
Provinces unies d'Amérique centrale, ayant vues le jour en 1823. Cette
confédération regroupait les quatre pays
précédents, ainsi que le Costa Rica. A travers un drapeau
similaire, on pourrait imaginer, non pas un retour à cette
république fédérale, mais à la formation d'une
seule entité politique, économique et stratégique à
l'image de l'Union Européenne. Le traité d'intégration
économique de 1960 signé entre les quatre Etats illustre bien ces
liens forts entretenus par ces pays. Le drapeau quasi commun favorise bien
évidemment cette entente sur le plan symbolique.
La prise en compte du voisinage
L'intégration à l'échelle externe
correspond également pour le drapeau à se fondre dans son
environnement. Quelques drapeaux expriment la nécessité de jouer
la neutralité face aux voisins. Le compromis est ici de ne pas froisser
les pays proches. On pense au drapeau de Singapour, qui a placé le
croissant de lune et l'étoile au plus près de la hampe, non pas
pour exposer son rattachement à l'Islam (la majorité des
habitants est bouddhiste), mais simplement pour ne pas s'attirer les foudres de
ses proches pays (Malaisie et Indonésie) dont la religion dominante est
l'Islam. Il y a là une attitude purement géopolitique et
stratégique derrière ce drapeau de compromis à
l'échelle régionale.
On peut également évoquer de nouveau le cas du
Soudan du Sud fraîchement indépendant depuis 2011, qui par son
choix du drapeau, s'est non seulement détaché symboliquement et
religieusement du Soudan (couleurs panafricaines au lieu des panarabes du
Soudan), mais a également créer un lien culturel et politique
avec son voisin kenyan (reprise du drapeau kenyan en fond). Cela signifie une
alliance politique de poids, indispensable pour ce pays en proie à
l'isolationnisme. On soulignera également la proximité religieuse
avec le Kenya chrétien.
La prise en compte du voisinage peut trahir des ambitions
politiques cachées. L'exemple du drapeau ouzbek illustre la
volonté de l'Ouzbékistan de marquer son autorité sur
l'Asie Centrale, et devenir leader influent de cet espace. Le bleu du drapeau
est celui de Tamerlan, fondateur de la dynastie des Timourides qui régna
longtemps sur l'Asie centrale au XVème siècle. Ce héros
récupéré par l'Ouzbékistan, alors que d'autres pays
pouvaient légitimement réclamer cet héritage, souligne
bien l'influence que l'Etat ouzbek souhaite étendre sur l'Asie
centrale'.
' DE LA CONDAMINE, 2008 : 57-58
39
III - Forces vexillologiques
résistantes
Le sujet a été traité de manière
implicite dans les deux dynamiques précédentes, cependant il est
nécessaire de ne pas négliger cet aspect des nouvelles
iconographies et des nouveaux drapeaux. Il existe souvent au sein d'une
iconographie nationale des résistances. Des résistances qui se
dotent d'iconographies, a fortiori d'un drapeau ou qui arborent un
drapeau en provocation du drapeau national. La question soulevée ici est
la suivante : un drapeau national, ou dans une plus large mesure une
iconographie nationale ou un récit national, peuvent-ils être
reconnus de tous sans provoquer chez quelques communautés un sentiment
de rejet aboutissant sur l'élaboration d'iconographies de
résistance ou rivales ?
De la même manière que les deux dynamiques
précédentes, à deux échelles, des forces
iconographiques de résistance prennent part à la
légitimité du drapeau nouvellement créé.
Echelle interne
A cette échelle, il s'agit pour le plus souvent de
régions autonomistes, voire sécessionnistes au sein d'un Etat,
qui concurrencent l'iconographie officielle par leur propre iconographie. C'est
tout le sens des de certaines régions qui préfèrent
arborer leur propre drapeau, considérant l'officiel comme
illégitime, voire non-représentatif de la diversité du
pays. C'est ici le point de départ d'une remise en cause d'une
iconographie nationale, a fortiori d'un équilibre et d'une
stabilité nationale. Comment l'iconographie officielle peut elle
s'adapter ? C'est tout un système qui peut être remis en cause.
Car le drapeau, en tant que représentant ultime d'une iconographie
concurrente, se veut l'ambassadeur d'un autre système.
L'intérêt de cette résistance iconographique est bien de
comprendre quelles dynamiques arbitrent la création d'un drapeau
concurrent, et de voir quelles réponses offrent l'iconographie nationale
officielle.
Des orientations différentes régissent les
iconographies concurrentes. La première est une logique purement
autonomiste et indépendantiste et répond à une
volonté d'une communauté de se détacher d'un pouvoir
central. Le drapeau de ces iconographies concurrentes revêt alors des
couleurs locales sans attaches particulières à d'autres familles
vexillologiques. C'est le sens d'une voie autonomiste sans l'appui de
puissances extérieures qui pourraient instrumentaliser ces mouvements
autonomistes pour affaiblir l'Etat central. L'on pense au drapeau basque
à la frontière franco-espagnole, au drapeau breton, corse, et
kanak en France, qui sont l'expression d'une originalité locale forte
que Paris doit prendre en compte. Le choix de la France fut d'attacher de
l'importance à ces régions autonomistes en acceptant que les deux
drapeaux (celui de la France et celui du régionalisme) soient
arborés lors de cérémonies officielles. La reconnaissance
de ces drapeaux ne nuit pourtant pas à l'unanimité concernant le
tricolore.
Une autre orientation concerne - comme pour les drapeaux
officiels - un rattachement à des familles vexillologiques, ce qui
renforcerait ainsi la force de cette iconographie dissidente. La
majorité des mouvements revendicatifs d'Afrique emprunte cette voie. Ils
choisissent le rattachement aux couleurs panafricaines, s'inscrivant de cette
façon dans la lignée de leurs
40
aînés devenus indépendants1. Le
drapeau des Négro-Mauritaniens arborent un drapeau horizontal jaune,
noir et vert. L'ancien drapeau des indépendantiste du Biafra exprimait
l'appartenance à l'Afrique plus qu'au Nigéria (drapeau
très ressemblant à celui du Malawi actuel). Les autonomistes du
Haoussas (nord du Nigéria) utilise un drapeau purement panafricain (le
panel des couleurs est complet : vert, jaune, rouge, noir, et marron). Les
indépendantistes de l'enclave de Cabinda marque la rupture avec le
régime socialiste d'Angola en s'insérant à l'aire
panafricaine (drapeau de fond blanc, couleurs panafricaines avec un cercle
rouge apposé sur ces couleurs)2. Le cas de l'Azawad
(récemment à l'actualité internationale), partie nord du
Mali, sous contrôle touareg et islamiste, est très subtil. Le
drapeau arboré se rattache à deux familles vexillologiques. A la
famille panafricaine (les quatre couleurs sont vert, jaune, rouge et noir), et
à la famille panarabe, ou plutôt soutien de la Palestine. La
structure du drapeau avec le triangle jaune et les trois bandes aux couleurs
panarabes illustre ce rattachement à la famille panarabe.
L'équilibre des deux rattachements (qui exprime deux courant de
pensées : panafricain pour les touareg, panarabe pour les islamistes)
est ainsi complexe et souligne toute la finesse et tout le discernement
nécessaire pour l'analyse géopolitique de ce mouvement
indépendantiste. En Chine, le drapeau du Turkestan Oriental où
vivent des Ouïghours turcophones et musulmans, se rattache directement au
mouvement panarabe fixant définitivement une rupture avec le
régime communiste chinois au profit de revendications religieuses (le
drapeau sur fond bleu ou vert selon les endroits se pare du croissant et de
l'étoile3).
Enfin une dernière orientation correspond à
l'élaboration d'un drapeau autonomiste directement inspiré d'une
puissance étrangère qui dans certains cas peut instrumentaliser
le mouvement autonomiste pour ses propres intérêts afin
d'affaiblir l'Etat officiel considéré comme hostile. On a
déjà évoqué le cas de la Transnistrie dont le
drapeau est une réplique de l'ancienne RSS de Moldavie, on peut
évoquer le cas de l'Ossétie du Sud sur le territoire
géorgien. En vérité, le drapeau de l'Ossétie du
Sud, peuplé de russophones, est le même que celui de
l'Ossétie du Nord en territoire russe. Il s'agit là de clairement
exposer son orientation politique : le rattachement à l'espace russe. On
imagine aisément l'implication des autorités russes dans la
formation de ce drapeau, pour maintenir son assise dans la région et
s'opposer au régime géorgien. Dans cette même
région, le drapeau du Daghestan dont on a entendu les ardeurs
indépendantistes, est quasiment identique au drapeau russe, le vert
(pour l'Islam) se substituant au bleu russe. Que peut-on en conclure ? Le
Daghestan souhaite-t-il réellement l'indépendance ? Les
dirigeants sont-ils tant anti-russe comme on le dit en Russie ? Le drapeau
oriente simplement notre réflexion : le cas du Daghestan ressemble
à celui d'un mouvement autonomiste orchestré par Moscou pour
pouvoir intervenir fermement dans la région et retrouver de son
autorité passée.
Dernier cas d'étude : celui du
Haut-Karabagh4. Le drapeau de cette région disputée
par les autorités arméniennes et azéris menant même
parfois jusqu'au conflit, est l'exemple même d'un drapeau au service
d'une entité extérieure. Les marches blanches orientées
vers la
1 DE LA CONDAMINE, 2005 : 72
2 DE LA CONDAMINE, 2005, exemples tirés de cet
ouvrage
3 LUX-WURM, 2001 : 284
4 Cf DE LA CONDAMINE, 2008 : 47-49
41
gauche (vers l'ouest, vers l'Arménie) sur le fond des
couleurs arméniennes est une explication explicite du rattachement du
Haut-Karabagh à l'Arménie. De la même façon, le
drapeau de la République serbe de Bosnie arborant les couleurs panslaves
similaires donc aux couleurs serbes, exprime l'implication du régime
serbe dans le processus d'autonomisation de cette région à
majorité serbe orthodoxe pour rétablir à long terme le
rattachement à la Serbie.
Dans les deux cas, difficile de ne pas imaginer ces
régions autonomistes (et leurs drapeaux) en proie à des
intérêts qui dépasse largement le cadre du processus
séparatiste. En effet, comme dans le cas de la formation du drapeau
national, la formation ou les revendications vexillologiques de certaines
entités sont autant mués par les intérêts d'autres
acteurs que par leurs propres arguments autonomistes.
Echelle externe
Il s'agit ici de comprendre comment le choix des couleurs, des
symboles, des emblèmes, peut parfois induire de vives tensions entre
Etats. Par ailleurs, une certaine interprétation d'un drapeau peut
parfois conduire un drapeau officiel à se modifier clairement.
Ces tensions intra-étatiques autour du drapeau
correspondent en vérité le plus souvent à ce que Thual
nomme la « bataille de généalogie »1. Un
symbole devient disputé entre deux parties et peut conduire à la
rupture de relations diplomatiques. Trois exemples sont particulièrement
significatifs : le cas de la Macédoine et de la Grèce, celui de
la Slovaquie et de la Hongrie, ainsi que celui du Tchad et de la Roumanie.
A la querelle sémantique entre la Grèce et la
Macédoine2, s'est adjoint une querelle de drapeau concernant
un certain héritage. Sur le plan sémantique comme sur le plan
vexillologique, c'est l'accaparement d'un certain patrimoine qui
génère de lourdes tensions entre les deux protagonistes.
Après la fragmentation de l'ex-Yougoslavie en 1991, la Macédoine
devient indépendante sous l'appellation République de
Macédoine et se heurte dès lors l'hostilité de la
Grèce concernant son nom. Celui-ci, qui est utilisé pour une
province grecque, est considéré pour la Grèce comme un
héritage culturel de l'Antiquité ne pouvant être
revendiqué que par la Grèce elle-même. Les autorités
grecques, craignant d'éventuelles revendications de souveraineté
sur certains territoires grecs par l'autorité du nom, et par la
présence de populations slaves macédoniennes, décide un
embargo contre la Macédoine pour qu'elle change de nom. Cette querelle
sémantique s'est doublée d'une querelle de drapeaux. En effet,
parallèlement à son indépendance, la Macédoine se
dote de symboles et d'un drapeau reprenant le soleil de Vergina, symbole
retrouvé - vraisemblablement - sur la tombe de Philippe II, père
d'Alexandre le Grand, célèbre roi et héros grec, de langue
grecque de l'Antiquité. Cela exacerbe alors encore plus les tensions
entre les deux Etats. Paralysée par l'embargo, la Macédoine
accepte de changer ses symboles en 1994. Figure désormais une
étoile stylisée à huit rais sur le drapeau
macédonien, c'est un drapeau de compromis.
1 THUAL, 1999 : 45
2 Lire à ce propos l'étude très
précise suivante : Nadège Ragaru,
Macédoine-Grèce : les pouvoirs de la toponymie,
publications de Science-Po et du CERI.
42
Il est bien question ici d'une querelle iconographique dans
laquelle le drapeau a tenu le rôle principal à coté de la
dénomination. Nous finirons simplement par dire qu'aujourd'hui encore,
la Macédoine prend l'appellation d'Ancienne République Yougoslave
de Macédoine (ARYM) pour prendre place au sein des différentes
organisations dans le monde.
Les tensions entre la Hongrie et la Slovaquie sont elles
d'origines ethniques, surtout depuis l'apparition du parti extrémiste et
nationaliste slovaque anti-magyares du Parti National Slovaque (PNS). C'est la
minorité magyare de Slovaquie qui a cristallisé toutes les
attentions des deux Etats. En effet, les attaques perpétrées par
Jan Slotà (président du PNS) contre cette communauté ont
été mal reçues par les autorités hongroises. Le
drapeau va ici s'ajouter comme sujet de discorde entre les deux pays pour deux
raisons : à propos du blason slovaque, sensiblement similaire au
hongrois (les deux revendiquent un même héritage par la
présence sur les deux blasons nationaux de la double croix) ; et par la
présence symbolique dans le blason slovaque d'une montagne, le Matra,
aujourd'hui en Hongrie. L'héritage historique, culturel et linguistique
a donc déterminé des tensions latentes dont le drapeau se fait le
messager.
Le cas de la Roumanie et du Tchad est lui complètement
étranger à d'autres considérations que celles concernant
le drapeau. Simplement, les deux drapeaux arborent les mêmes couleurs
(bleu, jaune et rouge) dans le même ordre. Il existe une nuance de bleu,
mais elle n'est pas assez nette pour pouvoir différencier les deux
bannières. La Roumanie, de manière officieuse en a
référé à l'ONU pour que le Tchad change au moins
une couleur. En effet, la Roumanie avait expliqué que la
similarité des deux drapeaux avait entraîné une perte de
crédibilité de certaines entreprises roumaines qui arboraient les
couleurs nationales. Les relations diplomatiques entre le Tchad et la Roumanie
sont à l'heure actuelle froides.
On peut enfin évoquer dans le cadre d'une bataille de
généalogie, les tensions qui peuvent régner entre
plusieurs Etats arborant le même insigne central. Il s'agit dès
lors d'une bataille d'héritage. Prenons le cas de l'aigle
bicéphale, qui se retrouve sur pas moins de trois drapeaux officiels
(Monténégro, Albanie, et Serbie). Ce qui retient l'attention ici,
c'est de savoir qui s'inscrit dans la lignée de l'Empire Byzantin don
l'aigle bicéphale était l'emblème. Ces trois Etats sont
donc concurrents pour la main mise sur un symbole qui leur procure une aura
inestimable.
La réaction de l'iconographie
officielle.
Les réactions diffèrent d'un pays à
l'autre selon que l'unité nationale soit considérée comme
réalisée. Lorsque le pays est démocratique, tout du moins
d'apparence démocratique, les iconographies concurrentes sont
acceptées. Elles figurent à côté des officielles
créant une diversité iconographique dont la Nation s'en trouve
renforcée. Il n'est pas étonnant de retrouver sur les
bâtiments publics côte à côte drapeaux breton et
français en Bretagne. De la même façon, le drapeau du
Québec se déploie désormais aux côtés de
celui du Canada dans la province éponyme. De la même
manière, en Ecosse, au Pays de Galles, en Irlande du Nord et en
Angleterre, l'Union Jack se hisse à coté du drapeau
régional sans que cela porte préjudice au drapeau et à
l'unité du Royaume-Uni. Le drapeau officiel demeure néanmoins
l'unique
43
représentant du pays lors de grandes réunions
nationales ou internationales. Mais ces iconographies concurrentes ne remettent
pas en cause l'officielle. Elles demeurent en marge. Finalement, plus que se
vouloir se vouloir antagoniste, la présence des iconographies
concurrentes sur l'espace de l'iconographie nationale, ne fait que renforcer la
stabilité de cette dernière. Celle-ci apparaissant comme ouverte
à l'expression d'une opposition, mais en même temps suffisamment
ferme pour unifier tout un territoire.
Le cas des régimes que l'on peut qualifier
d'autoritaires diffère. Accepter une iconographie concurrente, c'est
accepter que son propre régime ne satisfasse pas l'ensemble des
individus. Tous, ne souscrivent pas à ce constat. Par conséquent,
l'interdiction de brandir un drapeau concurrent va de pair avec
l'élimination physique ou politique des opposants, avec le rejet
systématique de demandes de dialogues, et avec un mépris
concernant ceux qui s'opposent ou revendiquent une autre idée que celle
dite « officielle », ou tout simplement la prise en compte de leurs
intérêts. Ainsi, ces iconographies concurrentes peuvent être
étouffées. Viennent à l'esprit le cas du drapeau kurde,
totalement interdit sur le territoire turc (pourtant 20% de la population
totale), et le cas du brandissement d'un drapeau tibétain en Chine,
juridiquement punissable.
Inversement, si l'on s'aperçoit que certaines
pratiques, certains rites, certaines religions sont sanctionnées
durement ou tout simplement bannis par le pouvoir central, on en conclura que
le régime en place est autoritaire. On se rendra compte alors que le
régime sera de type nationaliste agressif et non plus « ordinaire
» comme c'est le cas en régime démocratique. L'exemple
syrien du moment est également significatif. Les
événements actuels en Syrie mettent au jour deux iconographies
rivales, deux drapeaux opposés1. Celui des rebelles, qui
reprend celui la Première République indépendante de Syrie
après le départ des Français, qui s'oppose au drapeau
officiel, digne héritier du drapeau de l'Union des républiques
arabes (1972-1980). Deux drapeaux concurrents, pour deux visions politiques
différentes.
IV - Quels drapeaux pour quels pays
?
Dans une vision géopolitique, quels types de pays cette
grille d'analyse détermine-t-elle ? C'est ici la confrontation de ces
trois dynamiques de formation d'un drapeau qui nous permet de les classifier et
de repérer les principaux traits des pays qu'ils représentent.
Une petite précision s'impose, un drapeau
n'obéit pas toujours à un seul type de drapeau, il peut
être concerné par plusieurs catégories.
-Les drapeaux dont l'aura a été conservée
par le temps, avec un certain héritage qui n'est pas renié. Ce
sont les drapeaux d'héritages. Il s'agit le plus souvent de
« vieux drapeaux », encore beaucoup plébiscités et
inspirant pour d'autres drapeaux. On pense aux vieux Etats-Nations d'Europe de
l'ouest (France, Espagne, Italie, Allemagne, Royaume-Uni, drapeaux de la
Scandinavie, Autriche...), aux drapeaux russe, japonais...
1 Lire Blog de la SFV, «Après la Libye, la
Syrie : réapparition de l'ancien drapeau », 28/01/2012
44
-Les drapeaux fédérateurs : on entend
ici parler de la famille vexillologique états-unienne. Ces drapeaux
mettent l'accent sur leur propre régime fédéral avant
d'être des drapeaux internationaux. On pense aux Etats-Unis donc, mais
aussi à la Malaisie, à l'Uruguay, au Libéria, aux Emirats
Arabes Unis, états archipélagiques du Pacifique, au Togo...
-Les drapeaux de type idéologique : on peut
évoquer ici les drapeaux qui mettent en avant leurs propres
régime - le plus souvent communiste (drapeaux
sécularisés), marxiste, et même monarchique (Chine, Cuba,
Corée du Nord, Bhoutan) voire même ces drapeaux revendiquant
clairement une religion d'Etat, la confondant ainsi avec une idéologie
(Iran, Arabie Saoudite)
-Les drapeaux correspondant à une démarche
volontariste, allant de la revendication territoriale aux alliances
politiques par le biais du drapeau, ou tout simplement l'unité
territoriale (Tanzanie). On pense aux mouvements nordiques (croix nordique),
panslaves (même si l'homogénéité politique est loin
d'être établie), panafricains (même constat : ce mouvement
demeure en marge d'un point de vue politique), panarabes (de même
l'homogénéité politique de ce groupe arborant ces couleurs
est à démontrer). Egalement les Etats d'Amérique centrale,
ou encore Singapour qui s'insère volontairement dans son environnement
musulman par son drapeau. On peut également évoquer ces
rapprochements culturels comme le bleu eurasiatique présent sur le
drapeau azéri, mongol, et kazakh rappelant les racines communes du
pantouranisme de ces Etats, après s'être séparé du
joug soviétique, ou encore le blanc et rouge commun à Madagascar
et à l'Indonésie soulignant le lointain mais réel lien
à l'aire civilisationelle indonésienne.
-Une place doit être faite, dans la lignée des
couleurs de « panismes », à ces drapeaux de la
religion, qui expriment l'unité nationale par la religion qui
correspond en vérité à une iconographie nationale dans sa
majorité religieuse, mais également un rattachement à une
entité religieuse qui dépasse le cadre national (on utilise alors
la croix pour la chrétienté, le croissant et l'étoile pour
l'Islam...). Evidemment les drapeaux aux couleurs panarabes illustrent bien
cette idée. Citons également la Turquie, l'Algérie, la
Tunisie, les Comores, les Maldives et Pakistan pour l'Islam. Pour la religion
chrétienne, on penser à Malte, au Vatican. Pour sa part,
Israël nous rappelle la primauté de la religion judaïque sur
son territoire.
-Les drapeaux consensuels : ce sont bien là
des drapeaux qui peuvent souligner la fragilité politique du pays qu'ils
représentent (Chypre, Kosovo, Bosnie), certains sont cependant
désormais bien ancrés dans les esprits (Afrique du Sud). Certains
d'entre eux ne trouvent pas mieux qu'un élément naturel pour
contenir les ardeurs des différentes communautés (le cèdre
au Liban). Dans ces Etats fragiles, les forces vexillologiques
résistantes sont très présentes et marquent la
difficulté de créer une iconographie nationale convenant à
l'ensemble des acteurs (drapeau albanais au Kosovo, drapeau du Hezbollah au
Liban, drapeau de Chypre du Nord à Chypre, drapeaux serbes et croates en
Bosnie...). Ces drapeaux consensuels peuvent au contraire établir une
unité nationale avérée souvent réalisée par
l'alliance de deux religions dominantes satisfaisant ainsi les deux parties
(Irlande, Albanie, Inde...).
45
-Une autre catégorie concerne ces drapeaux
d'allégeances à une entité extérieure : Ce
sont pour leplus souvent des drapeaux qui comportent la marque dans leur canton
d'une autorité étrangère. On pense aux drapeaux de
certains dominions britanniques, de l'Australie... On peut penser
également au drapeau du Belarus établissant clairement le lien
politique entre Russie et Belarus.
-Enfin une dernière catégorie recenserait ces
pays qui arborent des drapeaux neutres sans attaches particulières
à des groupements extérieurs, ne cherchant simplement qu'à
opérer une unité nationale la plus forte possible, souvent
nés - ou réapparus - après la colonisation. On pourrait
les nommer drapeaux de l'unité et de l'intégrité
nationale. On pense aux drapeaux d'Amérique du Sud (Brésil,
Argentine, Chili), quelques africains (Botswana, Namibie), d'ex-Indochine,
Mexique... Officiellement, la symbolique des couleurs tient souvent
d'explications par la nature (vert pour les forêts, bleu pour
l'océan...).
Conclusion sur la formation des drapeaux
L'on s'aperçoit finalement que la
longévité d'un drapeau tient dans le subtil équilibre des
trois dynamiques structurelles de formation du drapeau national. Le drapeau
national se veut d'être le fruit d'un changement (nécessité
d'opposition) interne et/ou externe, mais se doit également d'être
un outil d'intégration intérieur (unification nationale,
unité de territoires, revendication de territoires pour retrouver
l'intégralité territoriale que l'on juge légitime) et/ou
extérieur (rattachement à des mouvements transnationaux, à
des idées, à des politiques extérieures...). Enfin, le
drapeau national ne doit pas esquiver, voire étouffer des forces
iconographiques résistantes, car il est toujours rattrapé par la
ténacité de ces iconographies rivales et des idées
qu'elles véhiculent. Lorsque le drapeau national exécute au mieux
cette synthèse, il en devient quasi sacré et recouvre toute sa
légitimité.
Imaginons un drapeau cumulant une séparation nette par
rapport à une ancienne puissance, une intégration réussie
à l'échelle interne (unité par le caractère
original des couleurs) et externe (volonté d'approcher un « autre
monde »), et dont les forces de résistances sont nulles. Ils sont
très peu, mais expriment clairement la force d'une iconographie.
L'exemple de l'Estonie est éloquent1. Les couleurs originales
(blanc, bleu, noir) créent une unité nationale, en se
séparant totalement de l'ancienne bannière communiste, tandis que
le projet d'apposer une croix scandinave pour exprimer l'appartenance à
l'ensemble scandinave et a fortiori à l'Europe, vient réaliser
symboliquement l'émancipation du nouvel Etat, choisissant
désormais de son propre chef ses orientations géopolitiques.
Cette grille d'analyse nous permet de bien saisir toute la
subtilité de la formation d'un drapeau, du choix des couleurs
jusqu'à ses contraintes géopolitiques environnantes.
L'étude de la construction d'un drapeau révèle les
stratégies géopolitiques de n'importe quelle autorité
tentant d'unir tout un pays tout en s'insérant dans un contexte
régional voire international. Chaque drapeau possède sa propre
originalité parallèlement à la situation
géopolitique particulière du pays qu'il incarne.
1 DE LA CONDAMINE, 2008 : 15-17
46
Ce mémoire se propose maintenant d'insérer au
sein du corps du texte un tableau récapitulatif de l'ensemble des
drapeaux du monde et de leur analyse d'un point vue géopolitique en
utilisant la grille de lecture vue précédemment. Les nombreux
exemples cités auparavant sont directement tirés de ce
tableau.
L'analyse des drapeaux est réalisée avec les
ouvrages cités en notes de fin de pages. Pour les autres
références, se reporter à la partie « ouvrages de
vexillologie » en bibliographie.
47
Ce mémoire fait délibérément le
choix de s'insérer dans le système vexillologique moderne. Il ne
sera question dans ce tableau que des drapeaux actuels. Les pays sont
classés par ordre alphabétique, il ne s'agit que des pays membres
de l'ONU, sauf Palestine et Kosovo dont les cas diffèrent.
Pays
|
Dynamique de séparation
|
Dynamique d'intégration
|
Forces résistantes
|
AFGHANISTAN
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne, le
noir exprime l'avant colonisation, le rouge la lutte pour
l'indépendance, le vert l'espoir
|
-Couleurs pan-arabiques,
intégration à l'entité musulmane. --
Revendication de l'Islam.
|
Non-reconnu par l'ensemble des afghans. Les talibans arborent le
drapeau taliban blanc avec l'inscription coranique.
|
AFRIQUE DU SUD
|
Apartheid. Ancien drapeau représentant les colons
hollandais et l'allégeance à la couronne britannique.
|
-Nécessaire modification du drapeau faisant cohabiter
l'ensemble des habitants sur le même territoire (ancien colons hollandais
puis britannique et bochimans). Lecture pacifique du drapeau de gauche à
droite pour une même destinée des peuples sud-africains
-Présence des couleurs panafricaines.
|
Unanimité du drapeau.
|
ALBANIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire Ottoman, puis
détachement de l'URSS (on enlève l'étoile communiste en
1992)
|
-Aigle bicéphale rappelle
l'attachement à l'héritage byzantin, et à la
Rome antique. -Les deux têtes symbolisent la cohabitation interne entre
musulmans et chrétiens.
|
Revendication du Kosovo pour la majorité albanaise vivant
au Kosovo. Le Kosovo a arboré le drapeau albanais pour montrer son
indépendance vis-à-vis des serbes.
|
ALGERIE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-Couleurs pan-arabiques, avec les emblèmes de l'Islam
(croissant et étoile). Intégration aux pays revendiquant l'Islam
religion d'Etat.
-Couleurs de l'union nord-africaine (des trois pays de
Maghreb)
|
Unanimité du drapeau.
|
48
ALLEMAGNE
|
Oubli du drapeau nazi. Origine des couleurs remontent aux
couleurs du Saint-Empire (heures glorieuses de l'ancienne Allemagne), ainsi
qu'aux uniformes portés par les soldats en 1813 mettant fin à la
domination napoléonienne.
|
-Intégration de l'Allemagne de l'Est en enlevant les
emblèmes marxistes-léninistes.
|
L'Allemagne comportant un système
fédéraliste, les drapeaux de chaque lander côtoient le
national.
|
ANDORRE
|
Séparation de la France et de l'Espagne
|
-Système de paréage dont le drapeau en est
l'expression. Le tricolore rappelle la protection française, les rouge
et jaune rappelle la protection espagnole.
|
Les drapeaux français et espagnols sont également
présents.
|
ANGOLA
|
Indépendance vis-à- vis du Portugal
|
-rappelle à l'aide de l'URSS pour l'indépendance
(faucille et marteau)
|
Un nouveau projet a été déposé,
drapeau pacifique revendiquant l'évolution démocratique. Drapeau
concurrent dans l'enclave de Cabinda (mouvement indépendantiste)
|
ANTIGUA ET BARBUDA
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
Association habile de plusieurs échelles :
-Couleurs panafricaines rappellent l'héritage africain.
-Soleil et mer (bleu) invite au pacifisme et rappellent
l'authenticité du pays.
-Rouge, bleu et blanc rappellent quant à eux
l'appartenance du pays au Commonwealth.
|
Unanimité du drapeau.
|
ARABIE SAOUDITE
|
Plusieurs provinces séparées des Ottomans.
|
-Union de ces provinces sous la protection et la force de
l'Islam. Le vert est la couleur de l'Islam, le sabre exprime sa grandeur et sa
force. Faut-il y voir un signe de meneur de l'ensemble des pays arabes ?
|
Unanimité du drapeau.
|
49
ARGENTINE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-Bleu et blanc sont les couleurs de la dynastie des Bourbons.
Pour les anciennes colonies espagnoles en Argentine, arborer ce drapeau
signifiait apporter son soutien au roi espagnol contre Napoléon.
Appartient donc à la famille vexillologique hispanique.
-De même ces couleurs et leur disposition créent un
lien avec l'Amérique Centrale. -Déclaration
d'auto-détermination dans ce drapeau.
|
Unanimité du drapeau.
|
ARMENIE
|
Indépendance vis-à- vis de la Russie.
|
-Combinaison de couleurs
inhabituelle : l'Arménie montre son
indépendance.
-Bleu et rouge rappelle le drapeau russe, les arméniens
n'oublient pas que les russes sont leurs alliés face au voisin turc.
-Le rouge rappelle à ce propos le génocide
arménien non-reconnu par les turcs. Intégration d'une idée
politique sur le drapeau.
-Le drapeau du Haut-Karabagh intégré
désormais à l'Arménie reprend les couleurs
arméniennes, la flèche en escalier incarne la route à
suivre pour être totalement
intégré à l'Arménie.
|
Unanimité du drapeau.
|
AUSTRALIE
|
Volonté de n'être plus une colonie britannique.
Devient dominion.
|
Intégration au Commonwealth par la présence de
l'Union Jack dans le canton.
|
A l'image de l'Afrique du Sud, le débat est lancé
depuis quelques années pour intégrer sur le drapeau les peuples
autochtones (aborigènes) sur le drapeau, et se détacher
totalement symboliquement du Royaume-Uni.
|
AUTRICHE
|
Drapeau quasi- millénaire, on l'arbore de nouveau
après la période nazi.
|
|
Unanimité du drapeau.
|
50
AZERBAIDJAN
|
Eclatement de l'URSS
|
-Rattachement au monde turcophone et musulman.
- Le bleu est le bleu turc (les huit rais de l'étoile
rappellent les huit grands peuples turcs)
- le vert la couleur de l'Islam tout comme le rattachement du
croissant et de l'étoile à l'Islam.
|
Unanimité du drapeau
|
BAHAMAS
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-Couleurs représentant la nature, pacifisme
|
Unanimité du drapeau.
|
BAHREÏN
|
Séparation vis-à-vis des Emirats Arabes Unis
|
-Rouge des musulmans khâridjites, intégration aux
pays revendiquant leur foi musulmane (les cinq pointes évoquent les cinq
piliers de l'Islam)
-Le blanc est un héritage
britannique (Bahreïn est un allié de la couronne
britannique).
|
Unanimité du drapeau malgré les récents
événements.
|
BANGLADESH
|
Indépendance vis-à- vis du Pakistan. Le rouge
exprime cette lutte. L'on appose même le territoire en jaune
sacralisé au centre du disque lorsqu'il est hissé pour la
première fois à Dacca.
|
-Le vert exprime l'appartenance à l'Islam. Ne pas le
négliger à coté de l'Inde à majorité
Hindouiste.
|
Unanimité du drapeau
|
BARBADE
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-Le trident figurait déjà sur l'ancien drapeau de
la colonie britannique : lien toujours actuel.
|
Unanimité du drapeau
|
BELGIQUE
|
Indépendance en 1830
|
-origine française du drapeau pour la forme.
|
Etat fédéral. Guerre des drapeaux correspondant aux
tensions actuelles. Le coq wallon s'oppose au lion des Flandres lors des
manifestations.
|
51
BELIZE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-intégration au monde britannique : l'emblème
ressemble fortement à l'emblème du temps où le Belize
était le Honduras Britannique -Intégration des mouvements
politiques intérieurs : le bleu et blanc pour le Parti Unique, les
bandes rouges représentant le Parti Démocrate Uni
|
Unanimité du drapeau.
|
BENIN
|
Indépendance vis-à- vis de la France, puis
séparation de la République Populaire du Benin en 1990.
|
-couleurs panafricaines, intégration à la cause
africaine d'émancipation.
|
Unanimité du drapeau.
|
BHOUTAN
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni puis de
l'Inde
|
-légitimité de la monarchie par le jaune
-appartenance au monde bouddhiste par la couleur orange
|
Unanimité du drapeau
|
BIELORUSSIE
|
Résulte de
l'éclatement de l'URSS
|
-Liens très forts entretenus avec l'ancien grand
frère russe, le drapeau actuel est semblable à celui pendant
l'ère soviétique.
|
L'opposition à ce drapeau jugé parfois trop
pro-russe arbore le drapeau blanc et rouge adopté en 1918.
|
BOLIVIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-Prise en compte de ses propres ressources minières
(jaune) non livrées aux acteurs extérieurs. -le vert-jaune-rouge
n'a rien à voir avec les couleurs panafricaines
|
Unanimité du drapeau
|
BOSNIE-HERZEGOVINE
|
Dislocation de l'ex Yougoslavie
|
-Intégration des ethnies majoritaires du pays
symbolisée par les trois sommets du triangle jaune inspirant l'espoir
(serbes, croates, musulmans bosniaques). -inspiration du drapeau de l'UE
(étoiles et fond bleu) pour deux raisons : la Bosnie-Herzégovine
demeure toujours sous mandat de surveillance du Conseil de l'Europe et de son
représentant, et ces couleurs européennes visent à
pacifier le territoire.
|
Nombreux drapeaux appartenant au monde musulman sont
arborés en signe de protestation (Turquie particulièrement qui
rappelle l'héritage ottoman).
Drapeaux croate et serbe souvent présents lors des grands
événements sociaux.
|
52
BOTSWANA
|
Indépendance vis-à- vis de la couronne
britannique
|
Intégration pacifique des deux couleurs de peau pour
l'unité (bandes blanches et bande noire cohabitent).
|
Unanimité du drapeau
|
BRESIL
|
-Indépendance vis-à- vis du Portugal
-la devise « ordem e progresso » rappelle la voie du
positivisme et du progrès empruntée par les brésiliens
pour s'écarter de la famille vexillologique lusophone
|
-Intégration intérieure de
l'ensemble des régions (autant que d'étoiles sur la
constellation). Aucune n'est oubliée.
|
Unanimité du drapeau
|
BRUNEI
|
Indépendance progressive vis-à-vis du
Royaume-Uni
|
-Intégration au monde musulman par la présence du
croissant
|
Unanimité du drapeau
|
BULGARIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire ottoman
|
-ressemblance frappante avec le drapeau russe (signe de
ralliement ?)
|
Unanimité du drapeau
|
BURKINA FASO
|
Indépendance de la Haute-Volta vis-à- vis de la
France puis changement de nom
|
-couleurs panafricaines, volonté de s'inscrire dans la
cause africaine. -étoile jaune et fond rouge rappelle l'inspiration
socialiste de la révolution.
|
Unanimité du drapeau
|
BURUNDI
|
Indépendance vis-à- vis de la Belgique
|
-couleurs panafricaines,
volontairement brisées par la croix de Saint-André
blanche, en signe de réconciliation nationale et de paix pour ne pas
sombrer de nouveau dans les guerres ethniques.
-les trois étoiles les trois ethnies majoritaires capables
de vivre ensemble (Tutsis, Hutus, et pygmées Twas). Volonté
d'intégration interne de toutes les ethnies.
|
Unanimité du drapeau
|
53
CAMBODGE
|
Indépendance vis-à- vis de la France, puis distance
par rapport au régime des Khmers rouges.
|
-présence du temple d'Angkor fait intégrer aux
cambodgiens l'ancien puissant et glorieux passé.
-bleu monarchique
|
Unanimité du drapeau.
|
CAMEROUN
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaines (intégration claire à
l'espace africain). -intégration des minorités par
l'étoile à cinq rais en signe d'unité.
|
Unanimité du drapeau.
|
CANADA
|
Prise de distance par rapport au Royaume- Uni (on remplace
l'Union Flag).
|
-Unité nationale autour d'un même symbole : la
feuille d'érable
|
L'Union Flag reste la composante de plusieurs drapeaux de
provinces par sa présence dans le canton.
|
CAP-VERT
|
Indépendance vis-à- vis du Portugal, et
séparation vis-à-vis de la Guinée-Bissau
|
-Remplacement des couleurs panafricaines (rappelant le
régime autoritaire de la Guinée-Bissau) par des couleurs
opérant la synthèse des drapeaux de l'Europe et des
Etats-Unis.
|
Unanimité du drapeau
|
CENTRAFRIQUE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-Lien couleurs panafricaines et francophones (redevance par
rapport à la France pour avoir chassé Bokassa ?)
-l'ensemble des couleurs avancent l'idée d'une grande
République Fédérale des anciens Etats d'Afrique
Equatoriale.
|
Unanimité générale
|
CHILI
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-hommage à la nature pour pacifier cet Etat longtemps
soumis aux coups d'Etats.
|
Unanimité du drapeau
|
CHINE
|
Séparation vis-à-vis du Kuomintang
|
-intégration à la famille vexillologique
communiste
|
Deux drapeaux concurrents font résistance face au drapeau
chinois : le drapeau du Tibet, et le drapeau de Taïwan.
|
CHYPRE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-Neutralité du drapeau (traçage de territoire dans
son intégralité sur fond de paix blanc) pour pouvoir
intégrer les deux communautés grecques et turques sur le
même territoire.
|
La République turque du Nord arbore son propre drapeau
mettant en valeur l'Islam comme valeur rassemblante.
|
54
COLOMBIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne (temps de la
Grande Colombie, le jaune valant pour l'Amérique, le rouge l'Espagne au
sud du continent, le jaune pour la Colombie)
|
-intégration à un espace distinct :
l'Amérique Latine.
|
Unanimité du drapeau
|
COMORES
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-intégration des îles de l'archipel pour une union
des Comores dont Mayotte revendiquée par le drapeau (bande blanche)
-Le vert de l'Islam rattache les Comores aux drapeaux pan-
arabiques (croissant)
|
Revendication de Mayotte, où flotte le drapeau
français (Mayotte étant un Département d'Outre-Mer
(DOM).
|
CONGO (République Démocratique du)
|
Indépendance vis-à- vis de la Belgique puis rupture
avec le régime de Mobutu (instaurant un drapeau aux couleurs
panafricaines)
|
-les couleurs utilisées sont les mêmes que sous la
domination française...
|
Concurrence du
drapeau rwandais dans l'est du pays.
|
CONGO
KINSHASA
|
Indépendance vis-à- vis de la France, puis distance
avec le régime marxiste.
|
-Couleurs panafricaines, intégration à la cause
africaine.
|
Unanimité du drapeau
|
COREE DU
NORD
|
Séparation des deux Corées.
|
-mise en avant du régime socialiste par l'étoile
rouge
|
Unanimité du drapeau
|
COREE DU SUD
|
Séparation des deux Corées en 1948
|
-invitation au pacifisme avec son voisin, arborant des symboles
de paix et de la nature
|
Unanimité du drapeau
|
COSTA RICA
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne, puis
séparation des Provinces Unies d'Amérique Latine (la plupart de
ses voisins arborent encore les couleurs de ce temps)
|
-drapeau qui s'intègre aux drapeaux pacifiques
|
Unanimité du drapeau
|
55
COTE
D'IVOIRE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-intégration inconsciente à la vexillologie
française, ce drapeau rappelle le tricolore. Les liens entretenus avec
la France n'y sont pas étrangers.
|
Unanimité du drapeau
|
CROATIE
|
Eclatement de l'ex- Yougoslavie, rupture avec le blason
évoquant le temps où la Croatie était satellite de
l'Allemagne nazie (le rouge et blanc du blason ont été
inversés symboliquement)
|
-couleurs panslaves, en hommage à l'aide russe en 1848
contre les Ottomans. Intégration de facto au monde des alliés de
Moscou -unité nationale à travers les cinq écus du blason
représentant les cinq grandes régions croates.
|
Unanimité du drapeau
|
CUBA
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-intégration aux régimes socialistes du monde
|
Unanimité du drapeau
|
DANEMARK
|
Pas d'origine séparatiste
|
-intégration au monde scandinave (croix)
|
Unanimité du drapeau (le plus vieux du monde)
|
DJIBOUTI
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-drapeau pacifiste
-intégration des deux ethnies principales qui s'affrontent
rudement (Afars, en bleu et Issas, en vert) pour la paix et l'unité
(étoile)
|
Drapeau unanime
|
DOMINIQUE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-rattachement aux drapeaux mettant en avant la religion
catholique
|
Unanimité du drapeau
|
DOMINICAINE , République
|
Sécession par rapport à Haïti
|
-rattachement aux drapeaux mettant en avant la religion
catholique
|
Unanimité du drapeau
|
56
EGYPTE
|
Fin de la domination ottomane puis du protectorat britannique
(représenté en noir)
|
-couleurs pan-arabiques. Seul le faucon de Saladin fait penser
que ce drapeau n'est plus celui de la République Arabe Unie.
|
Unanimité du drapeau
|
EMIRATS
ARABES UNIS
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-les couleurs panarabes réalisent l'unité et
l'intégration des sept émirats
|
Unanimité du drapeau
|
EQUATEUR
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-rappelle la Grande Colombie, on peut y voir la volonté
d'intégrer une Amérique Latine émancipée
|
Unanimité du drapeau
|
ERYTHREE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Ethiopie
|
-couleurs panafricaines
-volonté pacifique (bleu et l'olivier rappelle l'ONU).
|
Unanimité du drapeau
|
ESPAGNE
|
Jaune et rouge sont les couleurs d'origine. Reprend le drapeau
actuel pour se séparer du régime de Franco (le violet exprimait
le rejet de la monarchie)
|
-couleurs d'unité dans un pays qui est une
fédération (jaune et rouge sont les couleurs de la
quasi-totalité des régions).
|
Les drapeaux des régionalismes, particulièrement en
Catalogne sont parfois plus présents que le drapeau espagnol.
|
ESTONIE
|
Eclatement de l'URSS, puis séparation du monde des
états baltiques
|
-proche du monde finnois par les couleurs (pays proches)
-intégration au monde scandinave -intégration par le monde
scandinave à l'Europe
|
Projet de remplacement du drapeau, en gardant les couleurs,
apposer la croix scandinaves pour symboliquement intégrer le monde
scandinave et l'Europe plus généralement, et couper
définitivement les ponts avec la Russie.
|
57
ETATS- UNIS
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-intégration territoriale des nouveaux états de
façon symbolique (étoiles) : unité nationale
|
Unanimité du drapeau Souvent contesté à
l'étranger, symbolisant l'impérialisme américain.
|
ETHIOPIE
|
Pas d'origine de séparation, héritage du royaume.
Mise a distance du régime marxiste (on enlève le blason
évoquant le régime socialiste)
|
-à l'origine des couleurs panafricaines
-intégration de l'ensemble des territoires
symbolisée par l'étoile
|
Le drapeau du Front National de Libération de l'Ogaden
(FNLO) flotte dans l'est du pays.
|
FIDJI, îles
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-intégration au Commonwealth par la présence de
l'Union Jack dans le canton (malgré les exclusions récentes suite
aux coups d'Etat).
|
Mouvements autonomistes qui arborent le drapeau kanak.
|
FINLANDE
|
Indépendance vis-à- vis de la Russie
|
-intégration au monde scandinave et l'entité
géopolitique scandinave (croix scandinave)
|
Unanimité du drapeau
|
FRANCE
|
Renversement de la Monarchie
|
-longtemps intégré dans les drapeaux des anciennes
colonies (souvent le tricolore s'apposait dans le canton)
|
Très largement contesté dans des régions aux
ardeurs autonomistes (Corse, pays Basque, Bretagne...) et dans les DOM-TOM
(Nouvelle-Calédonie dont les deux drapeaux, français et kanaks
sont officiels). Drapeau contesté dans les anciennes colonies.
|
GABON
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaines
-intégration au cercle des drapeaux pacifiques
-le drapeau trahit les liens forts qui existent encore entre la
France et le Gabon (le même drapeau avant et après
l'indépendance sauf qu'on a retiré du canton le drapeau
français)
|
Unanimité du drapeau
|
58
GAMBIE
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande Bretagne
|
-drapeau pacifique
-intégration par le jeu des couleurs (rouge et bleu) au
Commonwealth
|
Unanimité du drapeau
|
GEORGIE
|
Eclatement de l'URSS, puis séparation de l'ancien
régime associé aux temps difficiles des conflits juste
après l'indépendance
|
-drapeau mettant en avant la religion chrétienne dans le
Caucase partagé. Appel aux peuples chrétiens d'Ossétie et
d'Abkhazie
|
Unanimité du drapeau
|
GHANA
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande- Bretagne
|
-premier pays à arborer les couleurs panafricaines
|
Unanimité du drapeau
|
GRECE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire Ottoman
|
-mise en valeur de la foi chrétienne
|
Unanimité du drapeau
|
GRENADE
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande-Bretagne
|
-drapeau pacifique
|
Unanimité du drapeau
|
GROENLAND
|
Autonomie par rapport au Danemark
|
-drapeau qui ne fait pas oublier les liens avec le Danemark
(mêmes couleurs)
|
Unanimité du drapeau
|
GUATEMALA
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-couleurs rappelant les Provinces Unies d'Amérique
Centrale. -Volonté d'une coopération dans l'Amérique
Centrale
|
Unanimité du drapeau
|
GUINEE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaines
-la disposition rappelle le tricolore français
|
Unanimité du drapeau
|
59
GUINEE-BISSAU
|
Indépendance vis-à- vis du Portugal
|
-intégration à la cause africaine (couleurs
panafricaines)
|
Unanimité du drapeau
|
GUINEE
EQUATORIALE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne, puis rupture
(en changeant le blason) avec la dictature de Macias
|
-drapeau qui s'insère dans les drapeaux pacifiques
|
Unanimité du drapeau
|
GUYANA
|
Indépendance au sein du
Commonwealth
|
-la lecture vers la droite du drapeau ne revendique pas la pleine
indépendance (le Guyana reste membre du Commonwealth)
|
Unanimité du drapeau
|
HAÏTI
|
Indépendance vis-à- vis de la France Distance par
rapport à l'ancienne dictature des Duvalier
|
-inspiration française
|
Unanimité du drapeau
|
HONDURAS
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-c'est l'ancien drapeau des Provinces Unies d'Amérique
Centrale (volonté de coopérer entre les pays issus de cette
fédération).
|
Unanimité drapeau
|
HONGRIE
|
Drapeau des révolutionnaires pour la souveraineté
de la Hongrie dans l'Empire des Habsbourg
|
-inspiration française (héritage
révolutionnaire)
|
Unanimité du drapeau
|
INDE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-unification interne des religions (vert pour l'Islam, safran
pour l'Hindouisme)
|
Concurrence du drapeau pakistanais dans le Cachemire Mouvements
séparatistes en Inde qui arborent des drapeaux rivaux (au Khalistan, au
Tripura...)
|
60
INDONESIE
|
Indépendance vis-à- vis des Pays-Bas
|
-unification interne par des couleurs rappelant un Empire sur
l'île de Java du XIIIème siècle (Majapahit)
|
Mouvement séparatistes arborant leurs propres drapeaux
(à Aceh, aux Moluques, en Nouvelle-Guinée)
|
IRAK
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume- Uni, puis
distance par rapport au
régime de Saddam Hussein (on retire les étoiles)
|
-unification interne par la religion islamique
|
Projet de 2004 non adopté, trop similaire au drapeau
israélien
|
IRAN
|
Rupture avec l'ancien régime (Empire) par le changement de
blason
|
-l'unification se fait désormais par la religion
islamique. Drapeau très religieux
|
Unanimité du drapeau
|
IRLANDE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-intégration interne de deux religions (catholiques en
vert, protestants en orange) pour la paix (blanc)
|
Unanimité du drapeau. Il est arboré par les
partisans du rattachement de l'Irlande du Nord à l'Eire
|
ISLANDE
|
Brandi lorsque l'Islande devient république
|
-intégration à l'espace nordique par la croix
nordique
|
Unanimité du drapeau
|
ISRAEL
|
Création d'Etat en 1948
|
-la religion judaïque fait office de lien entre les
israéliens
|
Souvent victime de maltraitances dans des pays musulmans
hostiles
|
ITALIE
|
Issus des guerres d'indépendances du XIXème
siècle
|
-drapeau d'unité nationale, dont les couleurs reprennent
celles de la république cispadane
|
Unanimité du drapeau
|
JAMAIQUE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines dont le mouvement fut pensé en
Jamaique -intégration au Commonwealth par le pavillon
hérité du temps de la colonisation britannique
|
Unanimité du drapeau
|
JAPON
|
Renversement en 1870 de la dynastie du Shogunat Tokugawa
|
-inspiration universaliste du drapeau par le soleil rouge
représentant le Japon centre du monde
|
Unanimité du drapeau
|
61
JORDANIE
|
Séparation de l'Empire Ottoman
|
-couleurs panarabes, unité intérieur par
l'Islam
|
Unanimité du drapeau
|
KAZAKHSTAN
|
Indépendance suite à la dislocation de l'URSS
|
-drapeau faisant la part belle aux coutumes locales
-drapeau neutre qui n'exprime pas une claire indépendance
vis-à-vis de l'ancien grand frère soviétique
|
Unanimité du drapeau
|
KENYA
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines
-Unité nationale autour du bouclier masaï.
|
Unanimité du drapeau
|
KIRGHIZISTAN
|
Indépendance suite à la dislocation de l'URSS
|
-Unité nationale par la yourte, symbole local. Le rouge
qui pourrait intégrer ce drapeau à l'ancienne URSS, était
présent avant l'époque soviétique.
|
Unanimité du drapeau
|
KIRIBATI
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume- Uni, et
séparation des Tuvalu
|
-unité territoriale par les trois vagues
représentant les trois archipels composant l'Etat
|
Unanimité du drapeau
|
KOWEIT
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-unité nationale par la religion islamique
|
Unanimité du drapeau
|
LAOS
|
Indépendance vis-à- vis de la France puis
renversement de la monarchie
|
-unité idéologique nationale par le disque
solaire représentant l'unité derrière le système
communiste
|
Unanimité du drapeau
|
LESOTHO
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume- Uni, puis coups
d'Etats successifs
|
-couleurs locales en plus du chapeau traditionnel pour
créer l'unité nationale
|
Unanimité du drapeau
|
LETTONIE
|
Dislocation de l'URSS
|
-couleur spécifique à la Lettonie comme pour
marquer l'originalité du pays face à l'ancien grand frère
soviétique
|
Unanimité du drapeau
|
62
LIBAN
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-le cèdre libanais représente la paix à
construire entre la mosaïque de communautés vivant au Liban.
Drapeau résolument neutre.
|
Forte présence du drapeau vert du Hezbollah, favorable
à un islam radical
|
LIBERIA
|
Processus d'auto- détermination d'anciens esclaves noirs
américains
|
-drapeau fédérateur d'unité
nationale, reprenant celui des Etats-Unis
|
Unanimité du drapeau
|
LIBYE
|
Renversement du régime du colonel Kadhafi
|
-drapeau aux couleurs panarabes. -unité territoriale par
le choix des couleurs (noir pour la Cyrénaïque, rouge pour le
Fezzan, vert pour la Tripolitaine)
|
Unanimité du drapeau
|
LIECHTENSTEIN
|
Séparation progressive de l'Empire des Habsbourg
|
-mise en valeur de la royauté par la couronne
|
Unanimité du drapeau
|
LITUANIE
|
Dislocation de l'URSS
|
-Couleurs spécifiquement lituanienne, identité
forte
|
Unanimité du drapeau
|
LUXEMBOURG
|
Pas d'origine de séparation
|
Couleurs traditionnelles du grand duché
|
Projet de remplacer le drapeau par le pavillon national
(alternance bandes bleues et blanches, un lion rouge au centre)
|
MACEDOINE
|
Dislocation de l'ex- Yougoslavie
|
-reprise d'un symbole ayant appartenu à Philippe II de
Macédoine (soleil de Vergina) de l'ère grecque antique. Drapeau
stylisé.
|
-Opposition ferme grecque pensant que la Macédoine
récupérait l'héritage culturel grec.
|
MADAGASCAR
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-affinité culturelle avec l'Indonésie (rouge et
blanc)
|
Unanimité du drapeau
|
63
MALAISIE
|
Indépendance vis-à- vis des britanniques.
Séparation de l'Indonésie
|
-drapeau fédérateur pour l'unité
nationale
-Unité nationale par la religion islamique (croissant et
étoile)
|
Unanimité du drapeau
|
MALAWI
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines
|
Unanimité du drapeau
|
MALDIVES
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-rattachement aux drapeaux exprimant l'unité par la
religion islamique
|
Unanimité du drapeau
|
MALI
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaines
|
Drapeau concurrent dans la région séparatiste de
l'Azawad qui possède un drapeau liant les couleurs panafricaines avec la
religion islamique
|
MALTE
|
Indépendance vis-à- vis de la couronne
britannique
|
-héritage des croisés, de la religion catholique
pour l'unité nationale
|
Unanimité du drapeau
|
MAROC
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-même drapeau que sous
protectorat français (faut-il y voir quelconques
intérêts entre les deux pays ?)
|
Le drapeau du Front Polisario (qui rappelle celui de la
Palestine) au Sahara Occidental exprime la volonté
d'indépendantisme de ce mouvement.
|
MARSHALL, îles
|
Indépendance vis-à- vis des Etats-Unis
|
-drapeau unitaire, pacifique, qui intègre les deux
îles principales par le blanc et l'orange (Ralik et Ratak)
|
Unanimité du drapeau
|
MAURICE
|
Indépendance vis-à- vis de la France et du
Royaume-Uni
|
-drapeau pacifique, hommage à la nature
|
Unanimité du drapeau
|
64
MAURITANIE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaine
-rattachement à l'Islam comme religion nationale
|
Unanimité du drapeau
|
MEXIQUE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-drapeau d'unité nationale rappelant par le blason le
mythe fondateur de l'Empire Aztèque (Mexique : continuité de
l'Empire Aztèque ?)
|
Unanimité du drapeau
|
MICRONESIE
|
Rupture avec la tutelle des Etats- Unis
|
-drapeau fédérateur, quatre étoiles pour
quatre iles.
-Ressemblance avec le drapeau de l'UE
|
Unanimité du drapeau
|
MOLDAVIE
|
Dislocation de l'URSS
|
-Drapeau en rattachement avec la Roumanie, a fortiori
à l'UE.
|
Mouvement séparatiste de Transnistrie soutenu par la
Russie, qui arbore un drapeau similaire à celui de l'ancienne RSS de
Moldavie.
|
MONACO
|
Principauté autonome de la France et de l'Italie
|
-les couleurs reprennent celles du blason royal
|
Unanimité du drapeau
|
MONGOLIE
|
Dislocation de l'URSS
|
-le bleu évoque le bloc culturel eurasiatique
-drapeau encore très imprégné de celui de la
République Populaire de Mongolie, seul l'étoile communiste
disparait
|
Unanimité du drapeau
|
MONTENEGRO
|
Eclatement de l'ex- Yougoslavie puis indépendance
vis-à-vis de la Serbie
|
-Rouge lié au Monténégro historique
|
Unanimité du drapeau
|
65
MOZAMBIQUE
|
Indépendance vis-à- vis du Portugal
|
-couleurs panafricaines
-idéologie et imagerie socialiste
|
Le projet de retirer le fusil provoqua un tollé
général
|
MYANMAR
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume- Uni, puis
détachement vis-à- vis du régime communiste
|
-couleurs locales
-l'ancien drapeau révélait les liens politiques
unissant Chine et Myanmar
|
Unanimité du drapeau
|
NAMIBIE
|
Indépendance vis-à- vis du Sud-Ouest Africain
|
-couleurs panafricaines
|
Unanimité du drapeau
|
NAURU
|
Indépendance vis-à- vis de l'Australie
|
-drapeau d'unité nationale autour de sa
géographie
|
Unanimité du drapeau
|
NEPAL
|
Séparation vis-à-vis d'un régime
parlementaire
|
-Unité religieuse par les deux sommets du triangle
symbolisant Hindouisme et Bouddhisme
|
Unanimité du drapeau
|
NICARAGUA
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-volonté de revenir à une entité politique
commune d'Amérique centrale (drapeau inspiré du drapeau de celui
des Provinces unies d'Amérique centrale avec le même
emblème central)
|
Unanimité du drapeau
|
NIGER
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-drapeau de neutralité (pacifique, référence
aux éléments naturels)
|
Beaucoup de mouvements autonomistes à la frontière
avec le Nigéria, arborant d'autres bannières.
|
NIGERIA
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-drapeau volontairement neutre (vert pour la forêt, blanc
pour la paix) pour contenter toutes les communautés religieuses
(chrétiennes et musulmanes)
|
Nombreux mouvements autonomistes s'opposant à
l'autorité nigériane dont le plus célèbre est celui
du Biafra arborant des couleurs
panafricaines.
|
66
NORVEGE
|
Séparation vis-à-vis du Danemark
|
-croix nordique symbolisant une unité culturelle nordique
-référence au drapeau danois avec qui la Norvège
possédait un même royaume (début XIXème
siècle)
|
Unanimité du drapeau
|
NOUVELLE- ZELANDE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-présence du drapeau britannique dans le canton exprime
l'allégeance à la couronne britannique
|
Projet similaire à celui de l'Australie : volonté
de changement pour se séparer du Royaume-Uni et évoquer les
racines culturelle néo-zélandaises (la couleur locale est le
noir)
|
OMAN
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panarabes
|
Unanimité du drapeau
|
OUGANDA
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines
-la répétition deux fois de ces couleurs symbolise
le peuple et le parti (la condamine)
|
Unanimité du drapeau
|
OUZBEKISTAN
|
Dislocation de l'URSS
|
-intégration aux pays musulmans -intégration au
bloc culturel eurasiatique et turcophone (bleu) -revendication du leadership de
l'Asie centrale
|
Unanimité du drapeau
|
PAKISTAN
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume- Uni, puis
séparation de l'Inde
|
-pays présentant l'Islam comme religion d'Etat
|
Deux points chauds où d'autres drapeaux pointent leur nez
: drapeaux indiens et chinois au Cachemire, drapeaux rivaux au Baloutchistan
|
PALAOS
|
Indépendance vis-à- vis des Etats-Unis
|
-le symbole de la pleine lune rassemble les seize Etats de
Palaos.
|
Unanimité du drapeau
|
PANAMA
|
Indépendance vis-à- vis de la Grande Colombie
|
-ressemblance au drapeau des Etats-Unis, l'enjeu
stratégique du contrôle du canal de Panama pour les Etats-Unis
n'est pas étranger à la similitude des deux drapeaux
|
Unanimité du drapeau
|
67
PAPOUASIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Australie
|
-couleurs et symboles locaux
|
Unanimité du drapeau
|
PARAGUAY
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne, puis rejet de
troupes britanniques
|
-inspiration du modèle français de type
d'unité nationale
|
Unanimité du drapeau
|
PAYS- BAS
|
Pas d'origine de séparation
|
-drapeau princier conservé malgré l'orange
remplaçant le rouge pendant quelques décennies avant un retour au
rouge
|
Unanimité du drapeau
|
PEROU
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-couleurs locales rappelant l'Empire Incas.
|
Unanimité du drapeau
|
PHILIPPINES
|
Indépendance vis-à- vis des Pays-Bas
|
-unité territoriale par les couleurs et par les trois
étoiles aux extrémités du triangle blanc : elles
représentent les trois principales îles des Philippines
|
Unanimité du drapeau
|
POLOGNE
|
Dislocation de l'URSS
|
-couleurs originales polonaises contenues dans le blason
officiel
|
Unanimité du drapeau
|
PORTUGAL
|
Rupture avec la monarchie
|
-couleurs républicaines
-blason évoquant la gloire des navigateurs portugais du
XVème siècle.
|
Unanimité du drapeau y compris à Madère et
dans les Açores ou le drapeau portugais est hissé à
côté des drapeaux des îles.
|
QATAR
|
Détachement des Emirats Arabes Unis
|
-les neufs pointes représentent les neuf émirats du
Golfe arabo-persique. Volonté de s'intégrer à ce groupe,
pour être le leader ?
|
Unanimité du drapeau
|
ROUMANIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire Ottoman, puis
détachement de l'ancien régime communiste de Ceausescu.
|
-trois couleurs pour trois anciennes provinces (Moldavie,
Valachie, et Transylvanie).
-drapeau des peuples roumanophones
|
Unanimité du drapeau
|
68
ROYAUME-UNI
|
Pas d'origine de séparation
|
-Union de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord.
-Superposition symbolique par croix interposées des
différents territoires composant le Royaume- Uni
|
Quelques mouvements autonomistes en Ecosse et surtout en Irlande
du Nord où l'on prône parfois le rattachement à l'Eire,
arborent des drapeaux concurrents.
|
RUSSIE
|
Fin de l'URSS mais présent avant l'URSS
|
-Couleurs ayant déterminé la famille vexillologique
panslave. -Les drapeaux arborant ces couleurs ne signifient pas une
proximité politique avec la Russie (exemple de la République
Tchèque).
|
Ce drapeau tsariste n'est pas compris de tous. Son rattachement
à des idéaux de contrôle absolu n'est pas du goût de
toutes les républiques autonomes victimes de répression de la
part de l'Etat central.
|
RWANDA
|
Indépendance vis-à- vis de la France, puis
séparation d'une période historique tragique que le drapeau
précédent rappelait.
|
-volonté de pacifier par le choix de couleurs neutres
inspirées de la nature.
-on enlève le rouge associé au génocide
|
Unanimité du drapeau
|
ST KITTS ET NEVIS
|
Indépendance vis-à- vis de la couronne
britannique
|
-couleurs panafricaines, pourtant l'origine panafricaine n'est
pas avérée.
-unité territoriale des deux îles par les deux
étoiles
|
Unanimité du drapeau
|
ST
MARIN
|
Principauté en dehors du processus d'unification nationale
italienne
|
-unité territoriale par le blason qui montre trois tours,
les trois tours de garde de la principauté
|
Unanimité du drapeau
|
ST VINCENT LES
GRENADINES
|
Séparation de la couronne britannique
|
-drapeau neutre exprimant les richesses naturelles de l'île
-l'île est toujours dominion, on peut le repérer par le
caractère non revendicatif du drapeau
|
Unanimité du drapeau
|
SAINTE LUCIE
|
Indépendance vis-à- vis de lu Royaume-Uni dans le
cadre du Commonwealth
|
-drapeau neutre évoquant la nature
|
Unanimité du drapeau
|
SAMOA
|
Indépendance vis-à- vis de la Nouvelle-
Zélande
|
-intégration au Commonwealth par le jeu des couleurs
|
Unanimité du drapeau
|
69
SAO TOME ET
PRINCIPE
|
Indépendance vis-à- vis du Portugal
|
-unité territoriale des deux îles par les deux
étoiles -couleurs panafricaines pour marquer symboliquement
l'indépendance
|
Unanimité du drapeau
|
SALOMON, iles
|
Indépendance vis-à- vis des Etats-Unis
|
-unité territoriale par les cinq étoiles
représentant les cinq groupements d'îles principaux
|
Unanimité du drapeau
|
SALVADOR
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-intégration à un espace commun de
l'Amérique centrale par un drapeau directement inspiré du drapeau
des Provinces unies d'Amérique centrale
|
Unanimité du drapeau
|
SENEGAL
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panafricaines pour marquer symboliquement
l'indépendance
-la structure du drapeau rappelle celle du tricolore, signe de
l'influence encore présente de la France ?
|
Unanimité du drapeau
|
SERBIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire Ottoman, puis
dislocation de la Yougoslavie
|
-couleurs panslaves en hommage à la Russie qui aida la
Serbie lors de son accession à l'indépendance. -ces couleurs
expriment la proximité politique et religieuse entre Russie et Serbie
|
Non reconnaissance du drapeau kosovar, province non reconnue
indépendante par la Serbie et ses alliés
|
SEYCHELLES
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-unité politique nationale par le drapeau qui fait
cohabiter les couleurs des deux principaux partis politiques (Parti
démocratique et Parti uni du peuple des Seychelles)
|
Unanimité du drapeau
|
SIERRA LEONE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-drapeau délibérément neutre (blanc de la
paix et de la justice). -Appel à la paix dans ce paix en proie aux
luttes ethniques
|
Unanimité du drapeau
|
SINGAPOUR
|
Indépendance vis-à- vis de la Malaisie
|
-couleurs locales
-intégration à son environnement musulman
(croissant et étoile) alors que Singapour est à majorité
bouddhiste
|
Unanimité du drapeau
|
70
SLOVAQUIE
|
Séparation de la fédération
tchécoslovaque
|
-couleurs panslaves exprimant son rattachement à
l'entité culturelle slave
|
Tensions avec la Hongrie, car le blason central possède
comme la Hongrie la double croix et revendique dans son héritage une
Montagne, le Matra qui se situe en Hongrie.
|
SLOVENIE
|
Dislocation de l'ex- Yougoslavie
|
-couleurs panslaves exprimant son rattachement à
l'entité culturelle slave.
|
Mise en valeur sur le blason de la façade maritime
slovène, source de discorde avec la Croatie.
|
SOMALIE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni et de
l'Italie
|
-ressemblance au drapeau de l'ONU de façon à
exprimer la paix nécessaire pour stabiliser le pays. -les cinq branches
symbolisent les cinq zones où vivent les
Somalis dont l'Ogaden déjà source de conflit avec
l'Ethiopie.
-drapeau officiellement neutre, mais officieusement revendicatif
de territoires
|
Ce drapeau n'est que virtuel. Les drapeaux du Somaliland et du
Puntland sont plus hissés que l'officiel n'étant associé
qu'au chaos généralisé.
|
SOUDAN
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni puis
instauration du régime islamique radical de Nimeiry (le premier drapeau
du Soudan n'appartenait à aucune ethnie).
|
-couleurs panarabes
-le rouge immortalise la révolution socialiste
|
Nombreux mouvements autonomistes au Darfour et dans le sud du
Soudan qui est désormais indépendant depuis 2011
|
SOUDAN DU SUD
|
Indépendance vis-à- vis du Soudan
|
-couleurs panafricaines contrairement à son voisin
soudanais
-choix de son allié kenyan (reprise du drapeau kenyan en
fond) pour ne pas être isolé diplomatiquement.
|
Unanimité du drapeau
|
SRI LANKA
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-intégration symbolique de toutes les ethnies dont celle
des Tamoul par la bande orange
-mise en valeur de la religion bouddhiste,
décrétée d'Etat
|
Le drapeau du mouvement indépendantiste tamoul rouge avec
un tigre et deux armes est présent en signe d'opposition à la
politique répressive du gouvernement actuel
|
71
SUEDE
|
Séparation de la Suède et de la Norvège
|
-croix scandinave intégrant la Suède à
l'espace nordique
|
Unanimité du drapeau
|
SUISSE
|
Retrait des troupes françaises
|
-la croix fédère les 16 cantons
|
Unanimité du drapeau
|
SURINAME
|
Indépendance vis-à- vis des Pays-Bas
|
-diversité ethnique unie derrière cette
étoile jaune et sur un territoire neutre (vert pour l'Amazonie, blanc
pour la paix)
|
Unanimité du drapeau
|
SWAZILAND
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-bouclier de tradition locale représentant l'ethnie
Swazi.
|
Unanimité du drapeau
|
SYRIE
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-couleurs panarabes, exprimant l'Islam religion d'Etat.
-drapeau actuel est le même que celui de la
République Arabe Unie avec l'Egypte.
|
Les événements récents soulignent que les
rebelles arborent un autre drapeau : le premier de la Syrie après
l'indépendance, celui de la République Syrienne.
|
TADJIKISTAN
|
Eclatement de l'URSS
|
-couleurs panarabes, ressemblance avec le drapeau iranien (liens
culturels forts).
-La structure du drapeau rappelle cependant celle de l'ancienne
RSS du Tadjikistan
|
Unanimité du drapeau
|
TANZANIE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-intégration des deux territoires formant la Tanzanie, par
la réunion symbolique sur le drapeau du Tanganyka et de Zanzibar (vert
pour le continent, bleu pour l'île) autour des idées panafricaines
alliant les deux territoires.
|
Unanimité du drapeau
|
TCHAD
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-drapeau fortement inspiré du tricolore, il exprime
l'intégration du Tchad à la sphère d'influence
française dans cette région d'Afrique centrale.
|
Problèmes internationaux avec la Roumanie, qui
possède les mêmes couleurs.
|
72
TCHEUE, République
|
Eclatement de l'URSS, puis séparation avec la Slovaquie
|
-couleurs panslaves mais elle n'exprime pas une quelconque
amitié avec Moscou. Le souvenir du Printemps de Prague est palpable chez
les tchèques.
-ce drapeau est l'héritier de la
Tchécoslovaquie, or les deux pays sont désormais
séparés. Le triangle bleu, qui incarnait la Slovaquie est
officiellement associé à la Moravie
|
Unanimité du drapeau
|
THAILANDE
|
Pas de dynamique de séparation
|
-continuité des couleurs royales thaïlandaises.
-mêmes couleurs que le drapeau du Laos et du Cambodge,
signe d'une unité culturelle, mais pas politique
|
Unanimité du drapeau
|
TIMOR- LESTE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Indonésie
|
-la lecture de gauche à droite insiste sur le rouge, sur
la lutte pour l'indépendance contre d'abord les portugais puis contre
les indonésiens. C'est cette lutte qui rassemble les timorais.
|
Unanimité du drapeau
|
TOGO
|
Indépendance vis-à- vis de la France
|
-drapeau de type fédérateur appelant à unir
son peuple, mais peut-être les Etats d'Afrique au nom des valeurs
panafricaines, dont les couleurs sont reprises sur le drapeau.
|
Unanimité du drapeau
|
TONGA
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-religion chrétienne fait office de
fédérateur des descendants d'autochtones et des descendants des
colons britanniques
|
Unanimité du drapeau
|
TRINIDAD ET TOBAGO
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-Unité territoriale par la géographie du drapeau :
les deux îles sont associées, autour du noir unitaire.
|
Unanimité du drapeau
|
TUNISIE
|
Indépendance vis-à- vis de l'Empire Ottoman puis de
la France
|
-intégration aux drapeaux exprimant l'Islam religion
majoritaire
-Forte ressemblance avec le drapeau turc, dont les liens depuis
l'Empire Ottoman ont toujours été réels.
|
Depuis le renversement de Ben Ali en 2011, certains
souhaiteraient la création d'un nouveau drapeau, pour marquer
symboliquement la rupture avec l'ancien régime sur proposition de
Marzouki.
|
73
TURKMENISTAN
|
Eclatement de l'URSS.
|
-cinq étoiles pour les régions de l'Etat pour
former une unité et une intégrité territoriale
-le croissant et le vert (symbole de l'Islam) expriment le
caractère musulman de ce pays (88% des habitants sont musulmans)
|
Unanimité du drapeau
|
TURQUIE
|
Rupture avec l'Empire Ottoman.
|
-la rupture avec l'empire n'est pas nette mais elle est
symbolique : la forme de la lune s'est affinée. Elle exprime un nouveau
régime républicain.
-croissant et étoile évoque l'Islam, religion
majoritaire en Turquie
|
Drapeau concurrent du Kurdistan en territoire kurde, que le
régime turc sanctionne s'il est brandit.
|
TUVALU
|
Séparation des Kiribati, puis retour à un
régime monarchique qui supprime l'ancien drapeau républicain
|
-ce drapeau souligne l'influence britannique sur ces îles
avec la présence de l'Union Jack dans le canton
-unité territoriale des 9 îles par les 9
étoiles
|
Les républicains souhaitant mettre fin à la
monarchie arborent l'ancien drapeau républicain officiel de 1995
à 1997
|
UKRAINE
|
Chute de l'URSS
|
-le drapeau national exprime une identité ukrainienne
distincte de la russe : les couleurs sont celles de la Galicie.
-drapeau résolument neutre pour ne pas froisser les
intérêts russes, mais en même temps pour affirmer sa propre
identité
|
Unanimité du drapeau
|
URUGUAY
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-drapeau de type fédérateur qui unit les neuf
provinces originelles.
|
Unanimité du drapeau
|
VANUATU
|
Fin du condominium franco-britannique
|
-couleurs locales exprimant une identité propre
-mise en valeur du christianisme par la forme en Y
évoquant la lumière céleste arrivant sur l'archipel
|
Unanimité du drapeau
|
74
VENEZUELA
|
Indépendance vis-à- vis de l'Espagne
|
-couleurs de la Grande Colombie passée, signe d'une
position de leader de cette région du nord de l'Amérique du Sud ?
-revendication territoriale par le biais de la huitième étoile
ajoutée en 2006, marquant la volonté du Venezuela de rattacher
à son territoire nationale la Guyane vénézuélienne
actuellement en Guyana.
-Liens entretenus avec l'Espagne (couleurs espagnoles contenues
dans ce drapeau, séparées par le bleu de l'océan
Atlantique).
|
Unanimité du drapeau
|
VIETNAM
|
Indépendance vis-à- vis du Japon, puis de la
France
|
-drapeau exprimant l'appartenance à l'idéologie
marxiste-léniniste -similitudes avec le drapeau chinois que l'on
retrouve sur le plan politique
|
Unanimité du drapeau
|
YEMEN
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-Union des deux Yémen par les couleurs panarabes exprimant
l'Islam comme source d'unité nationale
|
Les drapeaux des deux anciens Yémen (du Nord et du Sud)
resurgissent régulièrement et souligne la fragilité d'un
Etat quasi faillit.
|
ZAMBIE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines
|
Unanimité du drapeau
|
ZIMBABWE
|
Indépendance vis-à- vis du Royaume-Uni
|
-couleurs panafricaines
-unité nationale par le régime socialiste en place
(étoile rouge)
|
Unanimité du drapeau
|
75
CHAPITRE CINQUIEME
L'AVENIR GEOPOLITIQUE DU DRAPEAU
A l'heure de la mondialisation ou autre globalisation, quels
rôles peuvent encore tenir les drapeaux ?
I - Fin des frontières, fin des territoires, fin
des
drapeaux ?
On annonçait à la fin du XXème
siècle plusieurs « fins »1. La « fin de
l'Histoire » (ré)annoncée par Fukuyama en juin 1989 avec
« l'universalisation de la démocratie libérale
»2, la « fin des territoires »
révélée par Badie parallèlement à
l'épuisement des conflits possédant des enjeux
territoriaux3, et la « fin de la géographie
»4 signalée par O'Brien en 1992 constatant
l'achèvement des localisations géographiques par les techniques
modernes. Qu'ont en commun toutes ces fins annoncées ? Et bien
simplement la remise en cause du rôle des Etats, des territoires et des
iconographies et par conséquent du drapeau national.
Notre théorie gottmanienne, qui expliquait le constant
rapport de force entre circulation et iconographie, s'écroulerait
complètement. La circulation aurait étouffé toutes les
iconographies, aurait détruit toutes les frontières,
décloisonné l'espace géographique, aurait condamné
le rôle des iconographies. Le territoire aurait pris fin par la perte de
sa fonction refuge, perdue au détriment des logiques de circulation des
armes, de la portée toujours plus lointaine des missiles et autres armes
de dissuasions. La circulation aurait donc annihilé le rôle des
drapeaux, ces derniers perdant alors leur rôle de lien symbolique
d'unification d'un peuple et de son territoire. Est-ce pour autant une victoire
finale de la circulation ?
II - L'insatiable besoin
d'identité
Nous serions tentés de dire non. Les conjonctures
actuelles prouvent le contraire. L'importance de la frontière en
Afrique, ou encore ces murs qui s'érigent aux frontières par
delà le monde exprime l'idée que les territoires ne sont pas
finis. Par conséquent les iconographies non plus.
En temps normal, la circulation entraîne progressivement
la fin des identités fortes et indivisibles, ou du moins les
fragilisent. Or l'Histoire n'a cessé de démontrer que les
identités finissaient toujours par resurgir. En vérité, il
n'y pas de fin de l'iconographie. Celle-ci, et plus particulièrement les
drapeaux, permettent la formation d'un équilibre identitaire. Celui-ci
est nécessaire pour le maintien d'un ordre mondial, oeuvrant pour la
paix. Il réalise la symbiose entre cloisons mentales et identité
nationale d'un côté, et ouverture à la mondialisation de
l'autre. Nos drapeaux ne sont pas prêts de sombrer. Il n'y a qu'à
voir leur profusion lors de
1 PREVELAKIS, 1996 : 85
2 FUKUYAMA, 1992
3 BADIE, 1995
4 O'BRIEN, 1992
76
rencontres de football. Celles-ci sont d'ailleurs
éloquentes : elles associent circulation et iconographie. En effet, on
se présente à des compétitions internationales nées
de la circulation, mais on soutient sa propre équipe nationale.
La préservation de spécificités
nationales1 est ainsi loin d'être détruite par les lois
de la circulation, particulièrement dans les pays récemment
indépendants. Même si le rôle des territoires est
différent qu'auparavant (de protecteur, il passe désormais au
rôle de cadre identitaire), les iconographies sont elles toujours
tenaces. C'est là toute la subtilité du raisonnement de Jean
Gottmann : ce qu'elles ont créé (des territoires pour les
protéger), les iconographies savent le perdre, et leur donner de
nouveaux rôles. Le territoire sert désormais de cadre de
préservation d'une identité. Le drapeau n'exprime plus le
caractère intangible des frontières du territoire qu'il
représente, il catalyse des spécificités nationales
inhérentes à un territoire. Le drapeau s'adapte donc à
l'évolution des territoires2.
Plus un modèle universel est diffusé, plus les
hommes se tournent vers des territoires où les iconographies sont
spécifiques3.
III - Le drapeau : Une carte d'identité
internationale4
Le territoire emprunte désormais une autre voie, celle
de la reconnaissance internationale. La légitimité d'un Etat
n'est reconnue que si elle s'accompagne de la maîtrise d'un
territoire5. En représentant le territoire, le drapeau agit,
par métonymie du territoire, pour la légitimation d'une
autorité sur un espace donné.
En arborant un drapeau lors de cérémonies
officielles, ou à l'ONU, l'on sait que ce pays possède un
territoire définit reconnu par la majorité des Etats
déjà officiellement indépendants. Par conséquent,
des querelles peuvent alors éclater et elles découlent de
logiques géopolitiques. Le cas récent du drapeau palestinien
hissé à l'UNESCO à Paris est particulièrement
révélateur du nouveau rôle du drapeau, lié à
l'évolution des rôles du territoire. Avoir ajouté ce
drapeau aux cotés, entre autres, d'Israël, c'est reconnaitre la
Palestine dans son intégrité territoriale telle qu'on la connait
maintenant, ce qui n'est évidemment pas sans créer des tensions
politiques entre ceux qui souhaitent la reconnaissance officielle du territoire
palestinien et ceux qui ne le veulent pas. Le rapport s'inverse : il fallait
auparavant un territoire avant que le drapeau ne le sacralise, c'est
désormais le drapeau qui crée et fait reconnaître un
territoire. Il le crée en le précédant sur la scène
mondiale. Remarquons le récent exemple de la Libye : le drapeau des
rebelles a longtemps précédé la reconnaissance
internationale de la souveraineté de ce mouvement rebelle sur le
territoire libyen. Le drapeau possède donc cette faculté de
donner l'accès6 d'un territoire et de l'autorité
exercée sur celui-ci à la reconnaissance de la communauté
internationale. Finalement, le drapeau réactualise en permanence le
territoire en le dotant d'un argument
1 PREVELAKIS, 1996 : 86
2 JEAN GOTTMANN, 1973
3 PREVELAKIS, 1996 : 86
4 Jean Gottmann parle lui de « union card
»
5 PREVELAKIS, 1996, 87
6 Lire sur la « faculté d'accès
», concept gottmanien l'étude suivante : Olivier Labussière,
« La norme et le mouvant : éléments pour une relecture de
Jean Gottmann », 2011, Géographie et cultures n°72,
pp.7-23
77
supplémentaire et d'une carte de souveraineté
crédible avant l'éventuelle reconnaissance internationale.
Le drapeau palestinien hissé à l'UNESCO en
décembre 2011
Source :
unesco.org
IV - Un retour aux sources militaires.
En fait si le drapeau a toujours eu et aura toujours le
même impact dans les sociétés humaines politisées,
c'est qu'il dote n'importe quel acte politique d'une puissance symbolique sans
égale. Et que retient-on finalement ? Le symbole plutôt que
l'action, les images d'un drapeau que l'on plante plutôt que tous les
combats qui les ont précédées.
Ce n'est pas sans rappeler le rôle militaire du drapeau
qui prédominait dans les siècles passés et que notre monde
moderne ne fait que perdurer sous l'angle géopolitique. D'ailleurs,
l'inversion du rouge et du bleu en cas de conflit aux Philippines souligne bien
ce lien jamais estompé entre le drapeau et le domaine militaire.
Souvenons-nous. Dans le passé, l'objectif ultime d'une
bataille est de prendre le drapeau ennemi, et de le remplacer par son propre
étendard de manière à immortaliser la victoire.
D'ailleurs, on allait jusqu'à comptabiliser dans les pertes «
officielles » (mors, blessés, canons perdus) le nombre de drapeaux
pris à l'ennemi, et le nombre de drapeaux perdus au combat (exemple de
la bataille d'Austerlitz qui recense la perte d'un drapeau pour les forces
napoléoniennes, quarante cinq pour la coalition russo-autrichienne). On
ajoutait ainsi la part symbolique aux débats humains et
matériels, le symbole se situant même au même niveau qu'aux
pertes humaines. Dans un sens, les guerres d'aujourd'hui prolongent cette
fonction symbolique militaire de façon récurrente. Lors
d'invasions territoriales, ou de batailles pour la paix, on hisse toujours
à la fin des combats le drapeau de celui qui gagne. Ce sera le drapeau
de l'ONU pour symboliser la paix comme au Kosovo dans les années
1990-2000, ou en
78
Somalie au milieu des années 1990, ou alors le drapeau
éthiopien sur un quart du territoire érythréen lors de la
guerre d'indépendance entre 1998 et 2000.
V - La fonction dissuasive du drapeau
Le rôle militaire symbolique du drapeau a en
vérité mué au XXème siècle vers un
rôle de dissuasion et de projection. Le drapeau devient alors, dans
l'optique géopolitique, un instrument au service de la projection de
puissance d'un pays, de revendications territoriales d'un Etat, et de
dissuasion de conflits. Lorsqu'on plante désormais un drapeau, ce n'est
plus pour marquer une victoire dans un conflit, c'est justement pour
prévenir d'un éventuel conflit. Le drapeau est ainsi le seul
outil symbolique capable de détourner l'audience internationale vers lui
pour réaliser les projections territoriales d'un Etat. Il devient celui
qui informe au monde les vues de certains Etats, et il sert en même temps
d'agent de dissuasion des autres Etats qui pourraient contester cette
projection de puissance. C'est la fonction d'exposition1 du
drapeau. Il expose les envies d'acteurs et en avertit les autres.
On foisonne d'exemples exprimant le drapeau comme agent
symbolique des revendications de territoires ou d'affirmation de puissance. Il
s'agit le pus souvent de mise en scènes comme au théâtre.
On pense notamment au drapeau des Etats-Unis planté sur la Lune,
immortalisant la puissance états-unienne capable désormais de
régner dans l'espace, puissance remise en cause par les indiens en 2008,
lorsqu'une sonde aux couleurs indiennes plante à son tour le drapeau
indien sur le satellite de la Terre. L'exemple du drapeau russe, planté
sous une zone polaire de l'Arctique sujette à différentes
revendications territoriales de la part des Etats-Unis, du Canada et de la
Norvège en vue de l'éventuelle réserve d'hydrocarbures,
marque bien la projection territoriale qu'établissent les
autorités russes dans cet endroit du monde. De la même
façon, la présence d'un drapeau chinois sur les îles
Paracels, archipel perdu en Mer de Chine Méridionale mais qui
procurerait la prédominance pour l'Etat qui les possède sur les
sous-sols riches en hydrocarbures et en ressources halieutiques, souligne la
volonté des autorités chinoises de dissuader les pays riverains
de cette Mer de s'approcher des rivages de cet archipel (Brunei, Vietnam,
Philippines, Malaisie) alors que celui-ci n'est officiellement pas chinois.
D'ailleurs, pour beaucoup d'ilots inhabités de l'Océan Indien ou
Pacifique, la seule image qu'on ait est celle d'un drapeau servant à
affirmer la souveraineté d'un Etat sur ce territoire, mais surtout sur
les eaux environnantes. Le drapeau se fait alors le vecteur de domination
maritime par le jeu des Zones Economiques Exclusives (ZEE). Pensons à
l'ilot de Clipperton2 au large du Mexique dominé par les
Français, ou aux îles Eparses, Juan de Nova, Glorieuses sous
souveraineté française, scellant le passage des navires
empruntant le canal du Mozambique. De la même manière les rochers
Liancourt entre la Corée du Sud et le Japon servent de point de
cristallisation des tensions entre les deux Etats qui reviennent au coeur des
débats régulièrement. La présence d'un drapeau
coréen contrarie en effet les autorités japonaises.
1 Pascal Ory, dans « L'histoire culturelle
face aux images : le drapeau, un enjeu oublié ? »,
conférence tenue à l'ENS-Paris en 2006
2 Frédéric Encel, dans Comprendre
la géopolitique, 2009, Point, Seuil, p.94, mentionne l'importance
de la vue du simple drapeau français sur l'îlot inhabité de
Clipperton. Il y voit là un signe fort de souveraineté
nationale.
79
En caméra sous-marine, le drapeau russe est
planté sous la banquise, au Pôle Nord
Source :
lemonde.fr
Ici le drapeau agit par lui-même. Il est le contenant
d'un contenu géopolitique. Par sa vue, l'on reconnait les aspirations de
souveraineté de tel ou tel pays.
Finalement ce n'est plus le territoire qui importe, mais le
symbole de la revendication : le drapeau. C'est celui-ci qui fait réagir
plus que la présence avérée de telle ou telle
autorité sur tel territoire. La puissance symbolique éclipse et
supplante les faits.
VI - Le drapeau par lui-même, pour lui-même
Ce que révèlent les considérations
géopolitiques précédentes, c'est tout simplement la
faculté du drapeau à se transformer en véritable acteur
géopolitique à part entière. La puissance symbolique se
mue en acte géopolitique.
On a jamais autant brûlé de drapeaux dans le
monde que maintenant. Qu'il s'agisse du drapeau des Etats-Unis, ou de drapeaux
mettant en avant la religion musulmane, qu'il s'agisse brûler le drapeau
de son voisin ou de son ennemi, le fait que le drapeau ne peut pas subir ces
sévices sans que l'on comprenne qu'il ne se fait pas seulement le
représentant d'un pays, signifie qu'il est en lui-même un objet
politique à part entière. L'acte symbolique est ici purement
géopolitique. Lorsque l'on brûle des drapeaux, on accepte plus
l'influence étrangère, les revendications extérieures ou
encore des interventions étrangères jugées néfastes
pour la souveraineté nationale.
On pourrait simplement doter au drapeau le rôle de
simple remplacement matériel d'un pays, il représente tout
simplement les intérêts du pays qu'il incarne. Mais le drapeau
comporte un autre rôle, un rôle original, son propre rôle. Il
représente, au sens où il agit par lui-même. Il expose et
s'expose dans un premier temps, puis il exprime et s'exprime dans un
second1. Il est
1 Pascal Ory, « L'histoire culturelle face aux
images : le drapeau, un enjeu oublié ? ».
comme au théâtre. Sur la scène du monde,
le drapeau est une représentation1 : il remplace un acteur
(un pays) mais est lui-même acteur. Brûler un drapeau est
doublement symbolique : on attaque le pays qu'il représente, mais on
l'attaque lui-même, c'est-à-dire que l'on s'attaque au symbole non
plus au pays. S'attaquer aux symboles, aux iconographies de manière
générale, c'était pour Gottmann « refaire les esprits
». On imagine bien toute la portée que peut incarner la destruction
par le feu : c'est une potentielle et officielle source de conflits. Il y
là par ailleurs matière à une étude
spécifique : comment les différents systèmes juridiques de
tous les Etats du monde réagissent-ils à la « flag
desecration » (actes de maltraitance du drapeau) et au « flag burning
» (le fait de brûler un drapeau, vocable absent dans le
français...) ? Que cela révèle-t-il ?
De la même manière, on a montré que
l'image d'un drapeau éclipsait provisoirement les intérêts
politiques qui orbitent autour. Lorsque le président géorgien,
pendant la guerre d'Ossétie du Sud contre les russes en 2009, s'affiche
lors d'un discours officiel avec deux drapeaux côte à côte
derrière lui, celui de la Géorgie et celui de l'Union
Européenne (UE), il n'y a pas de doute concernant l'orientation des
choix géopolitiques de la Géorgie. En d'autres termes, le drapeau
a dans ce cas remplacé tous les mots, toutes les paroles qu'il aurait
fallu pour expliquer sa nouvelle position et sa provocation politique. La
présence d'un drapeau fournit ici l'essentiel des données
géopolitiques, et dans le même temps a conditionné certains
comportements géopolitiques (la Russie a ainsi durcit son action en
Ossétie). L'exemple désormais célèbre de cet
étudiant japonais qui avait déchiré le drapeau chinois
dans les années 1980, avait précipité le gèle des
relations diplomatiques entre les deux Etats2. D'où cette
impression que la force symbolique du drapeau le double d'une force
géopolitique insoupçonnable. Par lui-même, le drapeau fait
acte géopolitique. Un acte qui s'est retrouvé en amont de
dynamiques géopolitiques qui découlent de la simple vue d'un
drapeau. Il n'est plus simplement au service de visées
géopolitiques, il tient un premier rôle géopolitique. C'est
tout lui redonner sa noblesse passée, son impact que l'on sous-estime,
et sa place prédominante dans la géopolitique. Le drapeau est
bien une arme géopolitique.
80
1 Lire la définition des
représentations en géopolitique d'Yves Lacoste dans Le
Dictionnaire de Géopolitique, 1993
2 SMITH, 1976 : 87
81
Le président Sakashvili de Géorgie lors d'une
intervention télévisée avec les drapeaux de la
Géorgie et de l'Union Européenne (UE)
côte-à-côte, signe géopolitique fort envoyé
à Moscou.
Source :
france24.fr
A l'image des certains comportements radicaux qu'il peut
précipiter (ne disons-nous pas que nous « mourrons pour l'honneur
du drapeau ? »), du courage à la haine, le drapeau, par sa simple
présence, peut contenir des enjeux qui le dépasse largement.
C'est bien ici toute la puissance symbolique et géopolitique du
drapeau.
Une analyse géopolitique se doit ainsi de prendre en
compte diverses données. Elle ne doit plus oublier le rôle des
symboles, des iconographies, et du drapeau. Ce dernier est même une porte
d'accès aux études géopolitiques. En entrant par le
drapeau en géopolitique, on peut accéder au lien qui unit un
territoire et son peuple, on peut lire l'histoire politique d'un pays, on peut
comprendre ce qui motive les autorités qui gouvernent ce pays, on peut
analyser les aspirations de ce même Etat et les sources potentielles
d'opposition à celui-ci.
82
Conclusion
Notre parcours « vexillo-géopolitique »
touche à sa fin, il nous faut désormais tirer plusieurs
enseignements.
La définition générale de la
géopolitique, étude de l'établissement d'un pouvoir sur un
territoire, et de ses corollaires (enjeux, acteurs...), nous avait servie de
point de départ de tout notre exposé. Or, au cours de cette
étude, on a constaté la capacité du drapeau à se
mouvoir en amont et en aval de cette large définition de la
géopolitique. Plus loin encore, on s'est même engouffré en
géopolitique par le biais du drapeau.
C'est ici une donnée importante que la mise en valeur
géopolitique par le drapeau. Ce dernier se situe au coeur du lien
contracté entre un espace, un pouvoir et un peuple. Le drapeau se trouve
l'appendice de ces trois pôles. Il est d'abord la marque symbolique de la
souveraineté d'une autorité sur un espace donné (on plante
un drapeau), rôle quasi militaire. Il est ensuite le lien permanent
entretenu entre cette autorité et son peuple, débouchant sur un
nationalisme qui peut revêtir différentes formes (passif, «
ordinaire », voire agressif). Il est également pour un peuple un
moyen d'émancipation, un repère psychologique de premier ordre
dans l'équilibre mental d'un individu. Il est un créateur
d'identité et objet matériel de cohésion et d'unité
nationale, tant ses couleurs, qui paraissent la forme la plus
élémentaire de lecture et de ralliement, l'ont
précipité objet coutumier et en même temps
sacralisé. Enfin il permet à un espace donné de se
territorialiser. En effet, le drapeau invite chaque esprit à une
cartographie mentale de son propre territoire.
Pour tous ces paramètres, le drapeau, et plus largement
les iconographies sont des données ultra nécessaires pour la
force et la stabilité d'un pouvoir en place. Plus l'iconographie est
forte, mieux un pays est paré contre les effets néfastes de
l'ouverture généralisée. Il y a néanmoins danger
lorsque l'iconographie dépasse largement la circulation (trop de
drapeaux cache toujours une autre réalité qu'une simple
inclination pour son pays).
Le drapeau nous a ainsi exposé qu'un territoire n'est
pas la propriété d'un pouvoir, mais d'un peuple, qui a
sacralisé ce même territoire par le drapeau. Par
conséquent, les régimes politiques peuvent varier, le drapeau
ainsi que le territoire ne suivent pas toujours ces mêmes variations. Le
lien drapeau-territoire est bien le caractère essentiel d'un point de
vue géopolitique de l'étude du drapeau.
Ce mémoire a également démontré
que l'élaboration d'un drapeau ainsi que son évolution
étaient tributaires de données et de dynamiques
géopolitiques qui gouvernaient sa structure et sa
légitimité. En inversant, l'étude de la formation d'un
drapeau a révélé, et parfois précipité de
grands courants géopolitiques, ainsi que d'autres plus subtils, que
seuls les drapeaux parviennent à signaler de manière
concrète. Il ne s'agit pas là de savoir qui fut avant l'autre (le
drapeau ou les données géopolitiques), il n'en reste pas moins
que la géopolitique et l'évolution des drapeaux constituent deux
agents en interaction permanente.
83
Cet exposé a en outre souligné la
capacité du drapeau à être par lui-même un acteur
géopolitique à part entière en se positionnant en amont de
certaines attitudes géopolitiques. C'est toute la force dont est capable
le drapeau : passer aisément d'un message symbolique à un message
politique, a fortiori géopolitique. Les deux portées,
symbolique et géopolitique, se confondent dès lors, et ne se
conçoivent plus l'une sans l'autre. Du symbolique au
géopolitique, il n'y a qu'un pas...
De plus, l'intégration de l'étude du drapeau
dans le cadre conceptuel de Jean Gottmann a ainsi ouvert à
l'étude des symboles une perspective d'intégration aux
considérations géopolitiques majeures de ce monde. L'examen de la
formation parallèle d'un régionalisme, d'un territoire et d'une
iconographie, face aux effets des différentes circulations et autres
mouvements de déstabilisation, demeure essentiel pour la
compréhension de n'importe quel comportement de type géopolitique
à n'importe quelle échelle géographique. La prise en
compte du drapeau en géopolitique a donc trouvé
théoriquement un terrain d'étude qui se renouvelle à
mesure que se créent de nouvelles entités communautaires avant
d'être politiques. C'est une fin légitime pour celui qui nous
accompagne tous les jours sans que l'on y prenne garde.
Pour systématiser, on peut penser d'un point de vue
géopolitique que le drapeau donne du sens (il dote une
communauté, un peuple, une nation, d'un référent
identitaire pour la reconnaissance), mais également qu'il contient
du sens (particularités nationales et aspirations
géopolitiques des Etats). Enfin, il fait sens (il est un acteur
majeur décisionnel en amont des problématiques
géopolitiques, déterminant par lui-même, par sa puissance
symbolique, des comportements géopolitiques).
Finalement, avoir confronté le drapeau avec la
géopolitique, c'est avoir appréhendé la
géopolitique par une autre voie d'accès, celle des couleurs. Quoi
de plus naturel et accessible puisqu'elles sont présentes partout !
84
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages et références :
Anderson, B, 1996, L'imaginaire national. Réflexions
sur l'origine et l'essor du
nationalisme, Paris, La Découverte, 214 p.
Badie B, 1995, La fin des territoires, Paris, Fayard
Billig M, 1995, Banal Nationalism, London: Sage Publications, 200
p.
Bruneau M, 2000. «De l'icône à l'iconographie,
du religieux au politique, réflexions sur l'origine byzantine d'un
concept gottmanien», Annales de géographie, no 616, p.
563-579.
Decreane P, 1976, Paris, Le Panafricanisme, Que
sais-je n°847, PUF
Encel F, 2009, Comprendre la géopolitique, Paris,
Seuil, p. 91-96 (Chapitre 3)
Firth R, 1973, Symbols: Public and private, London,
Geroge Allen & Unwin
Foucher M, 2010, La bataille des cartes, Ed
François Bourin
Frémont A, 1999, La région espace
vécu, Paris, Flammarion, 290 p.
Fukuyama F, 1992, La fin de l'Histoire et le dernier
homme, Paris, Flammarion
Gottmann J, 1952, La politique des Etats et leur
géographie, Paris, Editions du CTHS, 266 p.
Gottmann J, 1973, The significance of territory,
Charlottesville, University Press of Virginia.
Huntington S, 1997, Le choc des civilisations, Paris,
Odile Jacob, 548 p.
Jakobson R, 1960, « Closing statements : Linguistic and
Poetics », Style in language, T.A Sebeok, New York, traduction de
Nicolas Ruwet, 1963, « Linguistique et Poétique », Essais
de linguistique générale, Editions de Minuit, Paris.
Lacoste Y (sous la direction de), 1993, Dictionnaire
géopolitique des Etats, Paris, Flammarion
Martigny V, 2010, « Penser le nationalisme ordinaire »,
Paris, Raisons Politiques, n°37, pp. 5-15
Muscara L, «Bibliographie complète de Jean
Gottmann». Cybergéo, 27/11/98, 28 p.
85
Muscara L, « Les mots justes de Jean Gottmann
», Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne],
Politique, Culture, Représentations, article 54, mis en ligne le 26 mars
1998, consulté le 18 juin 2012.
http://cybergeo.revues.org/5308
Nye J, 2004, The means to success in world politics, New
York:Public Affairs Press
O'Brien R, 1992, Global financial integration: the end of
Geography, Londres, Chatham House
Ory P, 2006, L'histoire culturelle face à l'image :
le drapeau, un enjeu oublié ?, conférence donnée
à l'ENS-Paris, février 2006
Prévélakis G, 2004, « L'Europe, territoire
ou réseau? », R. Frank, R. Greenstein (sous la direction),
Gouvernance et identités en Europe , Bruyland, , L.G.D.J.,
Bruxelles, Paris, p. 53-60.
Prévélakis G, 1996, "La notion de territoire
dans la pensée de Jean Gottmann", Géographie et
Cultures, L'Harmattan, Paris, no 20, p.81-92.
Prévélakis G, 2003, « Jean Gottmann »
dans Jacques Lévy, Michel Lussault (sous la direction), Dictionnaire
de la Géographie et de l'espace des Sociétés, Belin,
Paris, 2003, p. 414-416.
Prévélakis G, 2001,
«Circulation/Iconographie contre Homme/Nature: Jean Gottmann et la
«délicatesse de la causalité»», Pierre-Jean
Thumerelle (éditeur), Explications en géographie.
Démarches, stratégies et modèles, DIEM/SEDES, Paris,
p. 40-55
Prévélakis G, Sanguin A.-L., "Jean Gottmann, un
pionnier de la géographie politique", Annales de
Géographie, no 587, Janv.-Fév. 1996, p. 73-78.
Prévélakis G, 2009, « Balkans ou Europe du
Sud-Est ? Une énigme pour la géographie régionale »,
in M. Foucher, L'Europe : entre géopolitiques et
géographies, Paris, Cned-Sedes, pp. 137-158
Ragaru N, 2010, Macédoine-Grèce : les
pouvoirs de la toponymie, publications de Science-Po et du CERI.
Thual F, 1999, Le désir de territoire.
Morphogénèses territoriales et identités, Paris,
Ellipse, 192 p.
Todorov T, 2008, La Peur des barbares. Au-delà du choc
des civilisations, Paris, Laffont, 352 p.
86
Ouvrages généraux et particuliers de
vexillologie :
AA, 21/08/2008, « Drapeaux d'ex-Yougoslavie »,
Dzana Bosnie, Dzana,
http://www.dzana.net/173-drapeaux-yougoslavie.html
Bednar S, 2007, Drapeaux, un pays, une histoire,
Paris, La Martinière, 416 p.
Bodlore-Penlaez M(sous la direction de), 2010, Atlas des
Nations sans Etat en Europe, Peuples minoritaires en quête de
reconnaissance, Fouesnant, Yohann Embanner, 160 p.
de la Condamine P, 2005, Les drapeaux de l'archipel
lusophone, Cette-Eygun, Les Enclaves livres, 82 p.
de la Condamine P, 2008, Les couleurs de l'empire
éclaté, Les ex-républiques soviétiques et leurs
nouveaux drapeaux depuis 1991: drapeaux, identités, pouvoirs,
Montfort-de-Béarn, Les Enclaves libres, 84 p.
de la Condamine P, 2005, Vert, jaune, rouge, noir, Les
couleurs panafricaines, Miroir et conscience d'un continent, Cette-Eygun,
Les Enclaves libres, 96 p.
Corbic E, 2007, Kossovo, La bataille de
l'éternité, Paris, Artiz, 190 p Doublet L, 1987,
L'aventure des drapeaux, Paris, Cherche Midi, 192 p.
Lux-Wurm P.C, Zaragoza M.M, 2001, Les Drapeaux de l'Islam
: De Mahomet à nos jours, Paris, Buchet-Chastel, 344 p.
Mauss-Copeaux C, Copeaux E, 1998, « Le drapeau turc,
emblème de la nation ou signe politique ? », Cahiers
d'études sur la Méditerranée orientale et sur le Monde
turco-iranien (CEMOTI), n°26, pp. 271-291
Pastoureau M, Simonnet D, 2007, Le petit livre des
couleurs, Paris, Seuil (Point histoire), 122 p.
Smith W, 1976, Les drapeaux à travers les
âges dans le monde entier, Paris, Fayard (trad. française),
355 p.
Znamierowski A, 1999, The world encyclopedia of the
flags, New-York, Lorenz Books, 256 p.
La plupart des descriptions de drapeaux et leurs replacements
dans les contextes géopolitiques ont également été
inspirés d'un site internet servant d'autorité en la
matière :
Flags of the World, Rob Raeside,16/06/2012,
http://www.crwflags.com/fotw/flags/
Pour chaque drapeau, une description officielle est toujours
fournie sur les sites internet des gouvernements.
Afghanistan :
|
|
Ancien drapeau des talibans :
|
|
Afrique du Sud : Ancien drapeau
:
Albanie :
Andorre :
Angola : Proposition de
nouveau drapeau :
Algérie : Allemagne :
Antigue-et-Barbuda : Arabie Saoudite :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Argentine : Arménie : Haut-Karabagh
:
|
ANNEXES
87
Par ordre alphabétique, l'ensemble des drapeaux du
monde sont exposés ici en respectant leur forme. On ajoutera parfois
l'ancien drapeau pour établir la nette séparation vexillologique,
et quelques projets de modification des emblèmes.
Autriche : Azerbaïdjan :
Belarus :
Ancien drapeau . ·
Bosnie-Herzégovine :
Bolivie :
Barbade :
|
|
Belgique :
|
|
|
Belize :
|
|
|
|
|
|
|
Bénin :
|
|
Bhoutan
|
|
|
|
|
Australie : Nouvelle proposition
. ·
Bahamas : Bahreïn : Bangladesh :
88
Brunei :
Botswana : Brésil :
Canada :
Cap-Vert :
Chili :
Chine :
Centrafrique :
Bulgarie :
Burkina Faso :
Burundi : Cambodge :
Cameroun :
Chypre : Colombie :
Comores :
Congo : Congo-Kinshasa :
89
Corée du Sud :
Costa Rica : Côte d'Ivoire :
Croatie : Cuba : Danemark :
Djibouti : Dominique :
République Dominicaine : Egypte :
Emirats Arabes Unis :
Equateur :
Erythrée : Espagne :
90
Etats-Unis : Ethiopie :
Gabon :
Gambie : Géorgie :
Fidji : Finlande : France :
Ghana : Grèce : Grenade :
Groenland : Guatemala :
Guyana : Haïti : Honduras :
91
|
|
|
|
|
Guinée-Bissau :
|
|
|
Guinée Equatoriale :
|
|
|
|
|
|
|
Islande : Israël :
Irlande :
Jamaïque : Japon :
Italie :
Hongrie : Inde : Indonésie :
Irak : Projet avorté :
Iran :
Jordanie : Kazakhstan :
Kenya : Kirghizistan :
Kiribati : Kosovo :
92
Laos :
Lesotho : Lettonie :
Liban : Libéria : Libye :
Liechtenstein : Lituanie :
|
|
|
|
|
|
|
|
Malawi :
|
Maldives :
|
|
Mali :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Malte :
|
|
Maroc :
|
|
Marshall :
|
|
|
|
|
|
|
|
93
Luxembourg : Macédoine :
Malaisie :
Madagascar :
94
Mexique :
Maurice : Mauritanie :
Mongolie :
Monténégro :
Norvège :
Nicaragua :
Mozambique : Myanmar : Namibie :
Nauru : Népal :
Moldavie :
Micronésie :
Niger : Nigéria :
Transnistrie sécessionniste :
Monaco :
Nouvelle-Zélande : Oman :
Panama :
Pakistan :
Palaos :
Papouasie : Paraguay : Pays-Bas :
Philippines : Pologne :
Pérou :
Portugal : Qatar : Roumanie :
Royaume-Uni : Russie :
Rwanda :
95
Ouganda : Ouzbékistan :
Saint-Kitts et Nevis : Saint-Marin :
Saint-Vincent les Grenadines :
|
|
Sainte-Lucie :
|
|
Samoa : São Tome et Principe :
Salomon : Salvador : Sénégal :
Serbie :
Seychelles : Sierra-Leone :
Singapour : Slovaquie : Slovénie :
Somalie
Soudan : Soudan du Sud
96
Suriname :
Swaziland :
Suède : Suisse :
Sri Lanka :
|
|
|
|
Syrie (officiel) : Drapeau des rebelles
:
|
|
|
|
97
Timor : Togo :
Trinidad et Tobago : Tunisie :
Tonga :
République Tchèque : Thaïlande
:
Tadjikistan : Tanzanie : Tchad :
Zambie :
Zimbabwe :
Tuvalu
Turkménistan : Turquie
Ukraine : Uruguay Vanuatu :
Venezuela :
Yémen
Vietnam
98
Drapeaux des mouvements autonomistes,
séparatistes ou indépendantistes évoqués dans ce
mémoire :
Flandre :
Wallonie :
Bretagne : Corse : Catalogne
Front Polisario : Azawad :
Palestine : Hezbollah au Liban :
99
Biafra : Haoussas :
Turkestan Oriental
|
|
Kurdistan
|
|
Tibet :
|
|
Taiwan :
|
|
|
|
|
|
100
Daghestan : Ossétie du Nord et Ossétie du
Sud :
101
Table des matières
Remerciements : 2
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 4
CHAPITRE PREMIER 8
UN DRAPEAU DE PARADOXES 8
I - Paradoxe quantitatif 8
II - Paradoxe qualitatif 9
III - Paradoxe structurel 10
IV - Paradoxe temporel 11
V - Des paradoxes éclairants 12
CHAPITRE SECOND 14
LE DRAPEAU DANS LE CADRE CONCEPTUEL DE JEAN GOTTMANN 14
I - La dialectique circulation/iconographie et sa
substitution réseaux/territoires 14
A - La circulation : 15
B - L'iconographie : 16
C - L'association de cette dichotomie. 17
II - La place du drapeau dans ce cadre conceptuel 18
CHAPITRE TROISIEME 21
LES RACINES DE L'ATTACHEMENT AU DRAPEAU 21
I - Territoire et drapeau 21
II - Drapeau et désir territorial 21
III - Drapeau et imaginaire collectif 22
IV - Drapeau et quotidien 23
V - Drapeau et « nationalisme ordinaire »
25
VI - Drapeau et récupération politique
25
CHAPITRE QUATRIEME 27
LA FORMATION D'UN DRAPEAU : UN PROCESSUS GEOPOLITIQUE 27
I - La séparation vexillologique 27
Echelle interne 28
Echelle externe 29
II - L'intégration vexillologique 31
Echelle interne 32
Un symbole unanime 32
Des idées neuves 32
Une unité des peuples 33
La religion 33
L'unité territoriale 34
Le drapeau des revendications territoriales 34
Le drapeau de compromis 35
Echelle externe 35
Les « panismes » 36
Volonté de créer des alliances commerciales ou
politiques 37
La prise en compte du voisinage 38
III - Forces vexillologiques résistantes 39
Echelle interne 39
Echelle externe 41
102
La réaction de l'iconographie officielle. 42
IV - Quels drapeaux pour quels pays ? 43
Conclusion sur la formation des drapeaux 45
CHAPITRE CINQUIEME 75
L'AVENIR GEOPOLITIQUE DU DRAPEAU 75
I - Fin des frontières, fin des territoires, fin des
drapeaux ? 75
II - L'insatiable besoin d'identité 75
III - Le drapeau : Une carte d'identité internationale
76
IV - Un retour aux sources militaires. 77
V - La fonction dissuasive du drapeau 78
VI - Le drapeau par lui-même, pour lui-même
79
CONCLUSION 82
BIBLIOGRAPHIE 84
ANNEXES 87
TABLE DES MATIERES 101
|
|