1
Mémoire du Master 2 Recherche, Mention «
Géographie,
Aménagement, Environnement et Logistique des
Échanges»
Spécialité: Mondialisation, dynamiques
spatiales et développement durable dans les pays du Sud
Awa Drabo
Année universitaire 2017-2018
Contribution de la culture maraîchère
(échalotes et pommes de terre) aux revenus des exploitations agricoles
dans la zone office du Niger : Cas de la zone agricole de
Niono
Source : DRABO A, (Bamako, CAI, Bagadadji km36) Janvier
à Avril 2018
Directrice de mémoire : Madame Florence
Brondeau, Maître de Conférences à
Paris-Sorbonne
2
« La poule connaît l'aube, mais elle
attend le chant du coq » (à
chacun son rôle dans la
société) - Proverbe Baoulé.
Ainsi ceux qui nous
nourrissent sont nos agriculteurs et nul ne
peut se vanter de pouvoir se
passer d'eux. Je mangerai que si
eux le consentent. Négliger ceux qui
nous nourrissent, c'est
littéralement se vider le
ventre.
3
Dédicaces
Ë
- Ma famille, particulièrement à ma
soeur jumelle et à mon père, qui ont toujours su comment
m'apprendre à donner le meilleur de moi même. Merci à
vous.
- Aux agriculteurs maliens, qui ne lésinent pas
dans le don de soi pour nourrir leur famille,
- Mr Kassoum Denon, que j'admire. Sa carrière
professionnelle riche et son acharnement pour le développement de
l'agriculture malienne continueront de me fasciner.
4
Remerciements
Retourner dans mon pays pour y découvrir le Mali «
profond », a été pour moi une expérience si riche et
si belle que je me dois de remercier les personnes qui m'ont aidé de
près ou de loin à réaliser ce mémoire.
Ë
- Madame Florence Brondeau, Maitre de
Conférence à Paris-Sorbonne, qui a accepté de m'encadrer
pour ce mémoire et qui m'a conseillé sur des pistes de sujets
avant mon départ,
- Monsieur Kassoum Denon, ex-Ministre de
l'Agriculture (2016-2017) et ancien PDG de l'Office du Niger, pour m'avoir
ouvert son carnet d'adresses si riche, sa grande expérience ainsi que
son incommensurable connaissance qui m'ont permit de réaliser
aisément mes enquêtes de terrain et m'a facilité
l'accès aux données,
- Monsieur Mamadou M'baré Coulibaly,
Chercheur Agronome et actuel PDG de l'Office du Niger, pour m'avoir introduite
dans sa structure,
- Monsieur Bamoye Ke
·ta, Directeur
de l'Appui au Monde Rural à l'Office du Niger, pour m'avoir
facilité la rencontre avec les maraichers et la rédaction de mon
questionnaire,
- Monsieur Mahamadou Issa MAIGA, Chef
Division Vulgarisation Formation à l'Office du Niger Ségou, pour
son temps et sa patience. Etre accompagné par vous m'a permis de
comprendre les codes du monde rural malien. Merci infiniment pour les
indications bibliographiques, la transmission de votre savoir et votre grande
disponibilité,
- Aux agents de vulgarisation de l'Office du Niger,
Dianka, Dabo, pour leur accompagnement tout le long de mon
séjour,
5
- Enfin aux maraichers, sans qui la réalisation de ce
mémoire n'aurait pas été possible. Merci de m'avoir
donné cet amour de votre travail.
Que tous, trouve ici ma reconnaissance. Merci, de m'avoir
guidé tout au long du chemin de ce travail laborieux.
6
Sigle
APD : Aide Publique au développement
APROFA : Agence pour la Promotion des Filières
Agricole
ARPON : Amélioration de la Riziculture Paysanne
à l'Office du Niger
BNDA : Banque Nationale de Développement Agricole
CAE : Centre Agro-Entreprise
CAI : Complexe Agro Industriel
CEDEAO : Communauté Économique des États
de l'Afrique de l'Ouest
CMDT : Compagnie Malienne de Développement du Texte
EDM : Énergie du Mali
EES : Échalote écrasée
séchée
EST : Échalote séchée en tranche
FCFA : Franc de la Communauté Financière en
Afrique
IER : Institut d'Économie Rurale
IPR/IFRA: Institut Polytechnique Rurale de Formation et de
Recherche Appliquée
LOA : Loi d'Orientation Agricole
ON : Office du Niger
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OMD : Objectif du Millénaire pour le
Développement
PAFA : Projet d'Appui au Filière Agricole
PAS : Plan d'Ajustement Structurel
PCDA : Programme Compétitivité et
Diversification Agricole
PDA : Politique de Développement Agricole du Mali
PDDAA : Programme Détaillé pour le
Développement de l'Agriculture en Afrique
PFA : Politique Foncière Agricole du Mali
RTE : Référentiel Technico Économique
SDDR : Schéma Directeur du Développement
Rural
SOCAFON : Société Coopérative des
Forgerons de l'Office du Niger
URDOC : Unité de Recherche Développement et
Observatoire du Changement
WAPP : West African Power Pool Organization
7
Sommaire
Introduction P8
I. Présentation générale du terrain
d'étude et de la méthodologie d'enquête
1. État de l'art P13
2. Approche méthodologique P19
3. Le delta intérieur du Niger une richesse pour le Mali,
mais une zone en
développement, en proie à des problèmes
sécuritaires P28
4. L'émergence du maraichage dans la zone Office du Niger
P34
5. Présentation générale du maraichage
à Niono et l'articulation des cultures de l'échalote et de la
pomme de terre dans la zone : Cas des villages de
Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km 36 P48
II. Le maraichage source de richesse pour les
exploitants ?
1. Le maraichage une activité auxiliaire pour les
ménages P56
2. Une activité gage de justice sociale et
d'équité en genre et en âge P62
3. Dans un contexte d'urbanisation galopante, le maraichage,
perçu comme
l'aboutissement de l'inéluctable changement des
régimes alimentaires P67
III. Le maraichage de la zone ON : un succès en
demi-teinte.
1. Une pression foncière croissante : germe de la
théorie malthusienne ? P72
2. Des contraintes face à l'accès à l'eau,
aux semences de qualité et en quantité,
et aux engrais P79
3. La conservation et la transformation : de véritables
défis à relever P86
4. Une commercialisation peu rémunératrice pour
les producteurs ainsi que pour
les autres maillons de la chaine P96
IV. Perspectives : Immobilisme masqué pour les
maraichers ?
1. Le développement inclusif demeure un leurre pour les
exploitants sans
soutien de l'État P107
2. Le développement d'unités industrielles et
semi-industrielles P118
Conclusion P128
Bibliographie P130
Annexes P137
8
Introduction
L'utilité du maraichage n'est plus à exposer. En
France, depuis la loi de santé publique de 2007, il suffit pour s'en
rendre compte de regarder les publicités sur les produits alimentaires,
conseillant de « manger au moins cinq fruits et légumes par jour
» par exemple, pour rester en bonne santé.
Au cours de notre vie, les fruits et des légumes ne
manqueront pas de se trouver dans nos assiettes. L'Afrique n'y fait pas
exception, et le maraichage s'y développe à vitesse grand «
V ».
En ce sens, ces dix dernières années, le
maraichage connaît une véritable évolution en Afrique de
l'Ouest. Entre 2004 et 2014, les productions de fruits et légumes ont
augmenté de 50 %1 et ont été
accompagnées d'une augmentation des surfaces cultivées (+ quatre
millions d'hectares en dix ans). Ceci prouve les avancées de la
production de fruits et légumes en Afrique, qui sans conteste est
aujourd'hui une activité de rente pour les exploitants (Lalande, 1996).
Elle permet certes en partie l'autoconsommation, mais constitue surtout un gage
de gain monétaire par sa commercialisation.
Dans le cas du Mali, l'avancée de cette filière
porteuse est très visible dans la zone Office du Niger (ON). C'est un
grand bassin de production au Mali, disposant d'eau en abondance et de terres
arables. La culture commerciale de légumes s'est inscrite dans le
paysage de la zone. En contre-saison, les casiers rizicoles accueillent les
échalotes, tomates, gombos, piments, pommes de terre, entre autres. Car
les terres de l'ON sont aujourd'hui plurifonctionnelles, basées sur une
ou plusieurs activités (Adamczewski, et al 2013). On y trouve des «
sols » maraichers (MA) (Pasquier, 1996), des casiers rizicoles (R) ainsi
que des parcelles double saison (DS) qui sont occupées par le maraichage
ou la riziculture en contre-saison, et par la riziculture en hivernage.
C'est une activité d'une grande importance ; elle
génère un chiffre d'affaires de 30 milliards de FCFA dans la zone
ON (FAO, 2010), soit plus de 45 Millions d'euros, avec une
prééminence la culture d'échalotes. Spéculation
dominante, celle-ci est pratiquée dans toute la zone.
1 Douet, M (2017) Agriculture : Succès du maraichage en
Afrique Francophone, Jeune Afrique, [en ligne] 19 avril 2017.
9
Aujourd'hui, c'est une activité commerciale qui
s'inscrit dans une activité professionnelle ; c'est la raison pour
laquelle elle est qualifiée de maraichage. C'est une activité
gage de diversification des activités, d'amélioration des revenus
des exploitations agricoles, mais aussi d'amélioration de la valeur
nutritionnelle des ménages.
Elle est relativement récente en zone ON. La
coopération entre le Mali et le Pays-Bas a été le
véritable catalyseur de son émergence. Leur savoir en la
matière a permis de mettre en valeur des potentialités encore
aujourd'hui sous-exploitées, et de promouvoir une chaine de valeur
maraichère plus moderne.
L'échalote constitue l'assaisonnement de base dans les
plats maliens ; elle est donc très demandée par les
cuisinières maliennes. Elle provient à 100% de la zone ON de mars
à août. Aujourd'hui, dans un pays comme le Mali, le maraichage est
présenté comme une filière d'avenir, capable de relever
les défis liés aux problématiques alimentaires, qui sont
toujours une réalité. Le pays est toujours victime de la
malnutrition et de la pauvreté « ordinaire ».
En période de soudure, de juin à août
2018, plus de trois millions de personnes seront en situation critique. En
d'autres termes, 10 % de la population, si elle n'est pas aidée, n'aura
pas de quoi manger jusqu'à la récolte en septembre de cette
même année2. L'insuffisance de la production pour se
nourrir toute l'année entraine des carences alimentaires.
En février 2017, un peu plus d'un quart des
ménages maliens, soit 25,6 %, étaient en situation
d'insécurité alimentaire au niveau national3
(essentiellement dans sa forme modérée, 22 %, contre 3,6 % pour
la forme sévère). Ce qui reste considérable dans un pays
essentiellement agricole. En ce sens, « la situation nutritionnelle reste
préoccupante dans le pays du fait de l'insécurité
alimentaire, de l'insécurité civile et de la prévalence
des maladies liées aux mauvaises conditions d'hygiène »
indique le Food Security Cluster.
Les défis demeurent donc très nombreux.
L'agriculture malienne devra relever le double défi de la
sécurité alimentaire ainsi que celui de la sécurité
nutritionnelle. Ses exploitants doivent être mis au centre des politiques
s'ils veulent éradiquer la faim
2 Site de l'ON.
3 ENSAN « ENQUETE NATIONALE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE ET
NUTRITIONNELLE » Février 2017.
10
(Brunel, 2017). Le Mali doit assurer une augmentation rapide
de sa production agricole afin de pouvoir nourrir sa population, au regard de
sa démographie galopante. Il devra également envisager
l'inéluctable diversification des régimes alimentaires avec
l'émergence des classes moyennes et l'urbanisation croissante, dans un
contexte de changement climatique.
Au delà de la dimension nutritive, le Mali doit aussi
se doter d'un système de santé efficace, éduquer sa
population, la protéger et la maintenir sur son territoire ; autant de
défis difficiles à relever dans un contexte de conflits (au nord
et au centre du pays), hypothéquant le développement agricole du
pays.
Ainsi dans la théorie, l'agriculture est mise au centre
des préoccupations. On tente de minimiser l'exode rural en menant des
politiques visant à améliorer les techniques agricoles en les
modernisant et en les réhabilitant, afin d'augmenter les rendements et
atteindre une autosuffisance alimentaire.
Politiquement, des efforts sont faits ; des lois donnent des
directives et un cadre stratégique pour le développement
agricole.
Ainsi, les accords de Maputo datent de juillet 2003. L'Union
Africaine (UA) et la CEDEAO4 ont adopté le Programme
Détaillé pour le Développement de l'Agriculture en Afrique
(PDDAA). Il vise une augmentation de 6 % de la production agricole annuelle
(Brunel, 2014) ; les pays doivent en outre consacrer 10 % de leur budget
national à ce secteur. En ce sens, depuis 2013, le Mali consacre 15 % de
son budget au secteur agricole, selon l'ex-ministre de l'agriculture Kassoum
Dénon (2016-2017)
Le Mali s'est également doté d'une loi
d'orientation agricole (2006), d'une grande importance pour les plans d'actions
de développement agricole. La LOA a été promulguée
en 2006 et pause les jalons de la stratégie agricole du Mali. Elle
indique les directions à prendre et les actions à mener, et met
au coeur de sa stratégie les exploitations familiales et les entreprises
agricoles notamment les industries agroalimentaires. Son but est l'accès
à une agriculture compétitive moderne et durable, pour des
produits de qualité à des prix abordables. Afin de «
garantir la souveraineté alimentaire et à faire du secteur
agricole, le moteur de l'économie nationale en vue d'assurer le
bien-être des populations È (LOA, 2006).
4 Communauté Économique des États de
l'Afrique de l'Ouest.
11
Elle s'appuie sur une gestion décentralisée et
un désengagement de l'État au profit des acteurs locaux, LOA
donnera lieu notamment à une politique de développement agricole
en 2013 (PDA).
Ainsi, dans un cadre juridique, les objectifs et les plans
d'actions sont précisés. La diversification faisant partie de ces
objectifs, le maraichage est fortement soutenu en zone ON. De nombreux
partenaires de ce développement y mènent des projets pour la
valorisation de la chaine de valeur, concernant l'échalote notamment.
Toutefois, cette filière reste encore aujourd'hui confrontée
à des limites qui conditionnent son développement. En ce sens,
depuis 2000, on tente de minimiser la prééminence de cette
spéculation et de diversifier l'activité. C'est le cas avec
l'insertion de la culture de la pomme de terre. Les colons et l'organe de
gestion de l'ON la présentent comme une spéculation d'avenir. Sa
consommation est de plus en plus courante au Mali. Les principaux bassins de
production sont Sikasso et Kati. Ainsi, 204 000 tonnes de pommes de terre sont
produites au Mali, réalisées par plus de 50 000 exploitants
familiaux. La région de Sikasso à elle seule a produit 50 % de la
production nationale, soit 111 000 tonnes lors de la campagne
2016-20175. La zone ON ne représente encore qu'une infime
partie de la production, soit 28 938 tonnes. C'est une culture qui, par les
potentialités qu'offre l'ON, pourrait concurrencer le bassin de Sikasso
et relever le défi de l'autosuffisance alimentaire du Mali.
Car aujourd'hui, la consommation de la pomme de terre est
telle que la production ne suffit pas pour répondre à toute la
demande. Le manque est importé de Hollande ou encore du Maroc.
L'ON, fort des réussites des autres bassins de
production, s'oriente vers un développement de la spéculation
dans sa zone, à l'image de l'expansion des terres qui se produit. Lors
de la campagne 2012-2013, la production de pommes de terre a été
réalisée sur 200,39 hectares, contre 826,8 hectares lors de la
campagne 20162017. Les prix sont plus rémunérateurs que d'autres
spéculations comme l'échalote, ce qui incite de plus en plus
d'agriculteurs à cultiver la pomme de terre. Cependant,
l'échalote reste l'aliment le plus cultivé, du fait d'une
meilleure connaissance des techniques agricoles et de son accès
facilité aux semences.
5 Elle rapporte entre 10 à 13 Milliards de FCFA aux
maraichers de Sikasso. (Plus de 15 millions d'euros).
12
En ce sens, dans le cadre de ce mémoire, on se
demandera quel est la contribution du maraichage (échalote et pomme de
terre) aux revenus des exploitants dans la zone de l'ON ?
Cette question permettra de mieux cerner les
améliorations qu'il a engendrées et les perspectives pour les
colons de la zone, mais aussi d'identifier les contraintes auxquelles il fait
face. La zone de Niono étant un espace relativement bien
documenté, où le maraichage est répandu, les
enquêtes porteront sur trois villages dans son
périmètre.
Concernant la démonstration, nous présenterons
dans un premier temps le terrain d'étude et la méthodologie
adoptée ; dans une seconde partie, nous décrirons les apports du
maraichage dans la vie des colons ; dans une troisième partie, nous
exposerons les défis auxquels la filière est confronté ;
dans une dernière partie, il s'agira d'étudier les perspectives
pour cette chaine de valeur maraichère, au Mali.
13
I. Présentation générale du
terrain
d'étude et de la
méthodologie
d'enquête
1. État de l'art
Le maraichage est une activité qui consiste à
produire des légumes. À la différence d'un potager ou d'un
jardin, cette production a une visée commerciale, dont le but est
d'approvisionner en légumes les villes du pays ainsi que, souvent,
celles de la sous-région.
Aujourd'hui, il est fréquent de trouver dans les villes
des pays du nord, mais aussi du sud, notamment en Afrique, une production de
légumes dans les zones interstitielles (Alvin, 2015) ou
périphériques des villes. Un exemple en est le village de
Samanko, ou celui de Baguineda, près de Bamako. On peut alors parler de
maraichage urbain, plutôt que d'agriculture urbaine6, qui
permet de fournir à ces maraichers un circuit de commercialisation
« court ». La zone de production, proche des zones de consommation,
procure un véritable avantage comparatif aux maraichers urbains. Cette
activité est souvent le reflet de la précarité, du
chômage, de la quête d'une sécurité alimentaire et
d'une justice alimentaire, dans les villes du sud comme du nord (Alvin, 2015).
Si ce maraichage existe dans les espaces urbains il en est de même pour
les zones rurales. La superficie disponible permet à ces campagnes de
mener un maraichage sur des superficies viables économiquement.
Le maraichage en Afrique, notamment en Afrique de l'Ouest dans
des pays comme le Niger, la Côte d'Ivoire (Bastin, Fromageot, 2007) ou
encore le Mali, est une activité complémentaire à la
céréaliculture pluviale en zone rurale. Pour cette raison, elle
est souvent présentée comme une agriculture de contre-saison.
S'il est vrai que la pratique de culture de légumes a
toujours existé dans ces pays d'Afrique de l'Ouest, il n'en va pas de
même pour son caractère commercial, apparu il y a moins d'une
quarantaine années. Il s'agissait jusque-là d'un jardinage, dont
le
6 Site: Potage-Toit
14
but était principalement l'autoconsommation. On produisait
ainsi les condiments nécessaires pour les sauces qui accompagnent le
riz, le mil ou encore le sorgho. Progressivement, à partir du
début des années 1980, cet aspect commercial a pris de l'ampleur
dans des pays comme le Mali. Les politiques comme les exploitants ont pris
conscience de son potentiel, donnant lieu à une vulgarisation des
techniques culturales, à la création de terres à
destination du maraichage (Projet Rétail, 1984) et tout un ensemble de
politiques de développement pour la promotion des cultures
maraichères.
Ce changement, ce développement de la dimension
commerciale s'inscrit dans un contexte, pour ces pays d'Afrique de l'Ouest.
I.1.1. L'émergence du maraichage en Afrique de
l'Ouest, résultat de la crise des années 1980 et de la
libéralisation des marchés africains ?
En effet, pour les pays dits du sud, dont les pays d'Afrique
de l'Ouest, la décennie 1980-1990 représente un changement
radical.
Ces pays s'inscrivent dans un contexte de passage de
l'euphorie des années d'indépendance à une décennie
de crise, débouchant sur les PAS (Plan d'Ajustement Structurel) du FMI
et de la Banque mondiale.
I.1.1.a. Le basculement dans la crise de la dette
La plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont obtenu leur
indépendance durant les années 1960. La volonté de
s'émanciper de leurs colonisateurs s'est souvent traduite par un
délaissement du secteur agricole (Brunel, 2014) et par une
volonté de s'industrialiser rapidement, passant notamment par la
théorie du take off (1960)7 de Rostow. Ainsi, ce
processus a, de fil en aiguille, pris une toute autre tournure que la
croissance économique. La phase de Big Push inscrit ces pays
dans l'ère du volume
7
|
Les étapes
|
1
|
La société traditionnelle, le
sous-développement originel (Société agricole, peu de
diversité de travail
|
2
|
Période de réalisation de préalables au
décollage : Big Push. Beaucoup d'investissement; pour l'Afrique
provenant des occidentaux ou des soviétiques (Période de guerre
froide)
|
3
|
L'économie s'installe dans la croissance
|
4
|
Progrès de maturité
|
5
|
L'ère de la consommation de masse, aboutissement de
masse
|
15
(JJ Gabas), grâce notamment à des investissements
soutenus par les Soviétiques8 ou par les Occidentaux, sous la
forme de « basic needs », (l'Aide Publique au
Développement : APD). Pour la construction d'infrastructures, la
création de grands ouvrages tels que des usines entre autres.
Ceci a engendré un endettement excessif, difficilement
surmontable au vu des contraintes auxquelles ils ont été
confrontés. Les étapes d'installation dans la croissance et le
progrès vers la maturité n'ont pu être fait. Les
sècheresses répétées à partir des
années 1970, la mauvaise gouvernance, l'absence d'un marché
intérieur solvable pour l'industrie et la faible création
d'emplois ont entrainé les pays vers des économies
enclavées. Elles ont finalement conduit ces pays vers ce que l'on
appelle la crise de la dette, justifiant l'ingérence économique
de la communauté internationale lors de cette décennie.
I.1.1.b. Les Plans d'ajustement structurel, reflets de
l'ingérence économique.
Ainsi, face à cette crise, la réponse et l'aide
apportée par les Occidentaux a consisté à « imposer
È un plan d'ajustement structurel (PAS), par le biais du FMI et de la
Banque mondiale (BM). Les pays endettés ont été
invités à adopter une économie de marché, passant
par une ouverture des frontières, une flexibilité du
marché de l'emploi et par une privatisation des entreprises publiques.
La distribution, la fabrication et les services sont alors assurés par
un secteur privé ouvert vers le monde extérieur. Les pays
exposés à ces PAS ont vu leur APD conditionnée à ce
nouveau type de modèle économique. La chute du bloc
soviétique a sonné le glas de cette ambivalence économique
des pays d'Afrique de l'Ouest. Si l'APD était un véritable outil
de guerre lors de l'affrontement des blocs soviétique et occidental,
cette période a marqué la diminution progressive des aides, au
profit des ONG et en défaveur du secteur agricole. Cela a
été le cas pour la Côte d'Ivoire et le Niger par exemple
(Bastin, Fromageot, 2007). En effet, entre 1980 à 1999, l'APD à
destination du secteur agricole a diminué de 58 millions de dollars,
contre une hausse de 23 millions de dollars pour le secteur des services et
infrastructures sociales au Niger. Le processus est le même en Côte
d'ivoire : à la même période, l'APD à destination du
secteur agricole a baissé de 21 millions de dollars, contre une hausse
de 123
8 Morabito « L'Office du Niger au Mali, d'hier à
aujourd'hui », journal des africanistes, 1977.
16
millions de dollars pour les services et infrastructures
sociales. Ainsi, depuis le début des années 1990 et encore
aujourd'hui, le modèle qui prime est celui de l'Occident, à
savoir l'économie de marché.
Au Mali, celle-ci aboutit notamment à la
restructuration de l'ON9 en 1994. Le désengagement de
l'État en devient le maitre-mot, en faveur d'une certaine
libéralisation des secteurs, notamment agricole. C'est le
résultat net d'un rapport de force entre des bailleurs de fonds et
l'État malien. En effet, les interventions des bailleurs de fond sont
conditionnées à une restructuration complète de l'ON
(Kuper, Tonneau, 2002), basée sur la libéralisation du secteur et
le désengagement de l'État aux activités agricoles de
l'ON. Ainsi, le secteur libéralisé s'est ouvert à d'autres
politiques, comme la diversité culturale face à une riziculture
dominante en déclin (Kuper, Tonneau, 2002), du fait d'un soutien
d'experts occidentaux. Les projets ARPON (Amélioration de la Riziculture
Paysanne à l'Office du Niger) et RÉTAIL en donne de bons
exemples. Le premier, néerlandais et le second, français, ont
été les premiers bailleurs de fonds à aider le Mali dans
cette phase de transition, en réaménageant des parcelles mais
aussi en réhabilitant le réseau hydraulique en zone ON. Des
formations et des appuis conseils ont également été mis en
place dans le cadre de ces différents projets. Leur principal but
reposait sur la volonté de libéraliser la paysannerie de l'ON,
tout en incitant la création d'un partenariat entre les
différents acteurs (Touré, ZANEN, Koné ; 1997).
Des auteurs comme Bastin et Fromageot nuancent
néanmoins cette ingérence, gage du développement du
maraichage en Afrique de l'Ouest.
I.1.1.c. Le développement du maraichage, une
volonté des exploitants en premier lieu.
Il est vrai que le développement du maraichage en
Afrique de l'Ouest s'est inscrit dans un contexte de restructuration et de
politique en faveur de la libéralisation des activités mais aussi
et surtout par la volonté des paysans de diversifier leur
activité principale, la céréaliculture. Cela est dû
aux nombreuses contraintes auxquelles ils font face, en raison du
désengagement de l'État, de la pression foncière induisant
un morcellement des parcelles, qui passent en deçà du seuil de
viabilité économique,
9 Voir, la sous partie I.3.2.d. Le renouveau de la zone
ON.
17
mais aussi d'une irrégularité
pluviométrique... Autant de contraintes qui mettent à mal les
rendements. Ces exploitants sont donc confrontés à la mise en
péril de leur activité de subsistance, les poussant à
chercher une activité complémentaire, qui souvent est le
maraichage. Ainsi, son développement est le résultat d'une
volonté endogène et non pas seulement d'une contrainte
imposée par des acteurs exogènes (Bastin, Fromageot, 2007). Les
nombreux atouts que confère cette activité poussent les
exploitants à la pratiquer. Les recettes engendrées aujourd'hui
par le maraichage en zone ON10 excèdent largement celles de
la riziculture, ce depuis 2002 (Kuper, Tonneau, 2002).
I.1.2 Une activité étudiée depuis
le début des années 1980.
Du point de vue bibliographique, les études sur le
maraichage au Mali sont constituées d'ouvrages relativement
récents. Les plus anciens datent du début des années 1980,
et reflètent la prise de conscience récente du potentiel de cette
activité en Afrique par les experts. Cette filière est au
départ présentée à l'ON comme une activité
de femmes (Correze, 1988 ; Lalande, 1989), qui en font leur activité
principale, gage de justice sociale. Progressivement, le maraichage est
toutefois apparu comme une activité réellement rentable en zone
ON. Il s'agit de l'activité principale en contre-saison ; elle est
pratiquée autant par les femmes que par les jeunes et les hommes (Kuper,
Tonneau, 2002). La principale zone de production en zone ON pour le maraichage
et la plus fréquemment étudiée est la zone de Niono. Son
chef-lieu, Niono, est désenclavé depuis 1984, grâce
à la création d'une route bitumée (Ghazi, 1993). Celle-ci
a permis d'agrandir le marché de commercialisation, et d'approvisionner
(notamment en échalotes) des villes comme Bamako, Ségou, et
même des villes de la sous-région. Le maraichage en zone ON fait
forcément référence à l'échalote. Elle
domine dans la région, et ce de tout temps. Si le plateau dogon est l'un
des principaux producteurs (Meyer, 2011) la zone de l'ON l'est
également. En ce sens, des études ont été
menées sur le sujet (Mémoires, Rapports, Doctorats, etc.),
concernant la production, la conservation et la transformation ainsi que la
commercialisation (Dembélé, 1992). De nombreux projets ont
accordé des aides pour l'amélioration et le développement
de la filière (PCDA,
10 Recette en 2017 du maraichage qui avoisinerait les 27
milliards de FCFA (plus de 41 Millions d'euros) selon les indications du PDG de
l'ON : Mamadou M'Barré Coulibaly.
USAID11, WAAPP, NIETA CONSEIL, PROJET RETAIL...).
Le « cheval de Troie » qu'est la fluctuation des prix a
engendré l'émergence d'études pour la conservation, mais
aussi la transformation de l'échalote fraiche, plus
précisément (Diallo, 2002) afin d'apporter de la valeur
ajoutée à cette spéculation.
Cette spécialisation de la zone ON dans la culture de
l'échalote peut constituer un risque. En ce sens, des projets tels que
le Centre Agro-Entreprise (C.A.E.), un projet de l'USAID, incitent à la
production d'autres cultures. Ce processus qui pourtant est en marche depuis
plus d'une vingtaine d'années. C'est le cas par exemple pour la pomme de
terre. Elle a été introduite depuis bientôt une vingtaine
d'années en zone ON, afin de diversifier la production, mais
également diversifier aussi les bassins de productions. Afin de la
sécuriser cette zone et permettre de répondre à la demande
nationale. Des projets comme le WAAPP soutiennent cette filière «
d'avenir » : Avec le développement par exemple de la filière
semencière pour un meilleur approvisionnement et une indépendance
vis- à- vis des commerçants importateurs de semences, qui ont le
libre décident du prix de la semence. En raison de leur monopole,
indique M. Koumare, de l'ONG Suisse contact.
Sécuriser la production nationale de pommes de terre,
c'est un pas en avant vers la sécurité alimentaire et la
souveraineté alimentaire.
Cette culture fait actuellement partie des habitudes
alimentaires des Maliennes.
18
11 Agence des États Unis pour le développement
international.
19
I.2. Approche méthodologique
Le but de cette étude est d'évaluer la
contribution du maraichage à l'amélioration des revenus des
exploitants dans la zone de Niono. Cette activité est
présentée dans bon nombre d'ouvrages comme une activité de
genre, qui permet aux ménages de la couche vulnérable de
sociétés traditionnelles comme celles que l'on trouve au Mali, de
disposer d'un complément de revenus. Mais ce complément est-il
véritablement significatif ? Permet-il à ces ménages aux
revenus modestes de miser uniquement sur le maraichage ?
La spéculation dominante en zone ON, à savoir
l'échalote, et la spéculation d'avenir, la pomme de terre, sont
les exemples pris lors de cette étude pour examiner l'impact réel
de cette activité sur les exploitants de Niono.
I.2.1 Collectes de données.
La collecte de donnée s'est déroulée du 8
janvier au 15 avril 2018.
I.2.1. La recherche bibliographique
Ce mémoire s'appuie essentiellement sur des ouvrages du
service de documentation de l'ON, à Ségou. Il s'agit notamment
d'ouvrages sur le cadre général et historique de l'ON, de sa
création, en passant par les phases de restructuration, à nos
jours. Ce sont aussi des ouvrages techniques sur le réseau hydraulique
de toute la zone ON. Le service de documentation a également permis
l'accès aux différents bilans de campagne, notamment celle de
2016-2017.
Ensuite, l'URDOC, aujourd'hui devenue « Nieta Conseil
», dispose d'une bibliothèque riche de rapports, de mémoire
sur le maraichage en zone ON. C'est grâce à cela que les multiples
rapports sur les spéculations telles que l'échalote
étaient disponibles. En effet, l'échalote, contrairement à
la pomme de terre, a fait l'objet de nombreuses études en zone de Niono,
dans le cadre de projets comme ARPON ou Rétail. Des mémoires de
fin de cycle traitent également cette question. L'échalote et sa
problématique de conservation constituent ainsi une thématique
fortement documentée. Quant à la pomme de terre, elle a certes
été moins étudiée, mais la bibliothèque a
permis le cadrage historique de cette nouvelle spéculation.
20
I.2.1.b Les entretiens
Les acteurs
|
Nombre de personnes
|
Prévu
|
Réalisé
|
Maraichers dans la zone de Niono
(Questionnaire)
|
53
|
53
|
Commerçants (Intermédiaire, grossiste
détaillant) à Niono et à
Bamako (Questionnaire)
|
10
|
6
|
Personnel d'encadrement de l'ON
|
5
|
3
|
Fournisseurs d'engrais (TUGOUNA, DPA)
|
2
|
1
|
Consommateurs (Questionnaire)
|
20
|
12
|
Syndicat
|
2
|
0
|
Structure industrielle (CAI) de Modibo
Keïta
|
1
|
1
|
Le but était de comprendre toute la chaine de
production de la pomme de terre et de l'échalote, ce à travers
les rencontres avec tous les acteurs du maillon, y compris les maraichers.
Enfin, la recherche bibliographique s'est largement enrichie
grâce aux nombreux échanges avec les personnes ressources,
notamment M. Kassoum Denon, ancien PDG de l'ON et ex-ministre de l'Agriculture
(2014-2016), M. Mamadou Baré Coulibaly, actuel PDG de l'ON, Mahamadou
Issa Maïga, chef de division vulgarisation formation à l'ON, M.
Bamoye Keïta, directeur de l'Appui au Monde Rural et M. Aly Badra
Koumaré, coordinateur régional PAFP Ségou. Ces derniers
m'ont donné accès à des données très
essentielles, riches et complétant les documents des
bibliothèques, à travers notamment le partage d'indications
bibliographiques mais aussi les documents numériques et ouvrages
prêtés. Au-delà des ouvrages partagés, ils m'ont
permis de comprendre et de prendre en compte certaines subtilités
liées à mon sujet.
21
Cette recherche bibliographie préalable m'a permis de
cerner le sujet (le terrain, la thématique, les enjeux...) afin
d'aboutir à la réalisation d'un questionnaire de trente-neuf
questions auprès de maraichers de la zone de Niono.
I.2.2 Choix de la zone de Niono, des villages et de
l'échantillon
I.2.2.a La zone de Niono
Carte du Mali, spécifiant le cercle de Niono dans le
pays
Source : Wikipédia
La zone de Niono est située administrativement dans le
cercle de Niono, région de Ségou. Son chef-lieu est la ville de
Niono, située à 110 kilomètres de Ségou, la
capitale régionale. Elle est l'une des sept zones de la zone ON, et
l'une des premières à avoir été
réhabilitée au début des années 1980.
Considérée comme une zone de bonne production (Morabito, 1977),
elle dispose, par le biais du projet Retail, de surfaces destinées au
maraichage.
22
Ainsi, elle est une grande productrice de spéculations
telles que l'échalote (URDOC, 1996). Lors de la campagne 2016-2017, elle
en a produit 28 000 tonnes sur 800 hectares. Avec des rendements de 35 tonnes
par hectare (bilan de campagne 20162017), elle représente le rendement
maximal réalisé parmi les sept zones.
Son ancienneté dans la production de cette
spéculation ainsi que la maitrise des techniques culturales, se sont
traduites par la notoriété nationale du « Niono Jabani
» (échalote de Niono). Toutes les productions
écoulées dans les grandes villes proviennent de la zone ON ;
même si elles ne sont pas produites à Niono, elles portent le nom
vernaculaire de « Niono Jabani », reflet de l'importance de cette
zone dans la production d'échalotes. C'est la raison pour laquelle je
l'ai choisie comme zone d'étude.
Elle compte 99 580 habitants dont 49 377 hommes et 50 203
femmes, regroupés au sein de 26 villages.
I.2.2.b. Les villages pris comme cas d'étude.
Localisation des trois villages étudiés
12
Source : IGN
Pour soumettre le questionnaire, dans un souci de
représentativité et de contrainte de temps qui ne me permettait
pas d'enquêter sur l'ensemble des 26 villages, j'ai
12 Dans les données de l'ON et Administratives des
communes, plusieurs dénominations pour le village
Djicorobougou/Ndjiékorobougou ou Koulambawéré
23
choisi trois villages de la zone de Niono. Mon choix s'est
porté sur les villages de Djicorobougou (Kaoulanbawere), de Foabougou et
de Bagadadji km36.
Djicorobougou (Koulanbawere) est le premier village
rencontré sur le chemin Ségou-Niono ; il est situé
à quatre kilomètres avant l'entrée de la ville de Niono.
Contrairement aux deux autres villages, il existait avant la construction du
barrage de Marakala et, selon les comptes villageois, avant même
l'arrivée des colons.
Il abrite une coopérative de femmes de 67 personnes. Sa
création résulte de l'initiative de la 3ème
maire de Niono, KANTE Kadiatou, décédée quelques
années plus tôt. Cette dernière, ingénieure dans le
secteur de l'élevage, face à l'Ç inactivité »
(non rémunératrice) des femmes de son village, a pris
l'initiative de solliciter l'ON pour obtenir des terres, afin de permettre aux
femmes de son village de s'émanciper et de contribuer elles aussi aux
revenus de leur ménage. Elles les obtiennent en 2002. Aujourd'hui, la
coopérative dispose de 37 200 hectares. Cette fondatrice a marqué
l'esprit de ses villageois, par le caractère inédit de son
initiative, ce malgré les menaces des hommes traditionnalistes du
village. Aujourd'hui, ils sont conscients des bénéfices que
génèrent ces terres de la coopérative. Ces femmes sont
désormais des références pour la production
maraichère, notamment pour la pomme de terre.
Ensuite, Foabougou et Bagadadji km 36, sont nés des
aménagements de l'ON. Ils ont été créés
après la construction du barrage de Markala. L'ethnie et l'origine de
leur population sont très hétérogènes.
Bon nombre de leurs habitants vivent dans ces villages suite
aux déplacements forcés de la colonisation et aux deux
premières décennies d'indépendance. Progressivement,
à ces autochtones déplacés s'est ajoutée une
nouvelle population, venue s'installer plus tardivement et volontairement,
à la suite de difficultés survenues dans leur localité
d'origine (durant la sècheresse de 1984-1985 par exemple). Ainsi, les
meilleures perspectives que la zone ON offre par rapport au reste du pays n'ont
cessé de les attirer.
Ces deux villages comptent 447 exploitations (Role de
redevance, 2016) : 246 à Foabougou et 201 à Bagadadji km36.
24
Ils sont situés après la ville de Niono (Sur la
route ségou - Djabali). Foabougou se trouve quatre kilomètre
après Niono et Bagadadji km36 est à huit kilomètres de
Niono.
Le choix de ces villages repose principalement sur une logique
géographique, basée sur des critères
d'accessibilité et de sécurité.
Ils sont tous trois desservis par la route qui relie
Ségou à Niono, et qui continue jusqu'à Djabali (Zone de
Kouroumari).
- Cela permet de mener les enquêtes de manière moins
fastidieuse
- Pour un pays en proie à des problèmes
terroristes, cela permet d'être relativement en sécurité,
car les villages sont assez proches du chef-lieu, la ville de Niono.
- Pour les villages de Foabougou et Bagadadji km36, la culture
de l'échalote est dominante et y est développée ; des
méthodes de conservation de l'échalote y ont été
testées (Foabougou).
- Prendre l'exemple de la coopérative de Djicorobougou
était un moyen d'apporter un complément aux données sur la
pomme de terre, faiblement produite dans les deux autres villages. Ainsi, il
est possible de voir les différentes nuances qui peuvent exister.
En ce sens, ces exemples avaient pour but de servir de cas
d'école pour la zone de Niono et de relater l'essentiel des informations
sur le maraichage.
I.2.2.c. Choix de l'échantillon
Pour l'échantillon, le choix des personnes
questionnées s'est basé sur le rôle de redevance de 2016.
Le critère de sélection était la superficie des parcelles,
segmentées en trois catégories : plus d'un hectare ; entre un
hectare et 0,5 hectare ; moins de 0,5 hectare. Le taux d'échantillonnage
est de 10 %. Ainsi, dans le village de Djicorbougou, au sein de la
coopérative, 8 femmes ont été questionnées sur les
67 exploitations ; à Foabougou, sur les 246 exploitations, 26 personnes
ont été questionnées. Enfin, à Bagadadji km 36, 20
exploitants ont répondu aux questions, sur les 201 exploitations.
Répartition de la population sondée
entre les
trois villages
enquêtés
Djicorobougou Foabougou
Bagadadji km36
38%
15%
47%
25
Source : DRABO A, D'après les questionnaires
d'enquêtes
Et la population sondée fut répartie comme sur
le diagramme ci-dessus entre les trois villages. 15% des personnes
interrogées vivent dans le village de Djicorobougou, 47% à
Foabougou et 38% à Bagadadji km36.
Par ailleurs, il a été parfois difficile de
questionner les personnes choisies aléatoirement, dans le rôle de
redevance, en raison de données non actualisées, de
problèmes de disponibilité des maraichers et parfois d'un manque
de volonté. Par conséquent, l'enquête s'est basée
sur le volontariat des exploitants disponibles pour répondre aux
questions.
Avec grace à l'aide de la présidente de la
coopérative Assa Diarra, à Djicorobougou ; dans les villages de
Foabougou et Bagadadji km 36, c'est l'agent de vulgarisation de l'ON à
Niono, DIANKA, qui nous a introduit.
I.2. 3. Élaboration du questionnaire
d'enquête au près des maraichers
Le questinnaire d'enquête a ainsi été
réalisé au près des populations des villages, cités
précédament. Et a été conçu de façon
à avoir des données sur :
· L'exploitant lui même
· Le lien entre l'exploitant et ces deux cultures
maraichères
· La phase de production
·
26
La phase de commercialisation
· Les appuis exogènes apportés à
l'exploitant
· Perspectives
Ainsi, le questionnaire a été
élaboré selon le tableau suivant : Tableau, relatant
l'organisation du questionnaire
Concept
|
Dimensions
|
Composantes
|
Questions
|
La contribution de l'échalote et la pomme de terre
à l'amélioration des
revenus des
exploitations
|
Information sur l'exploitant
|
Profil de l'exploitant
|
1 à 5
|
|
6 à 12
|
|
Les atouts et les contraintes de la
culture d'échalote et de la pomme de terre
|
13 et 14
|
|
15 à 17
|
|
La terre (Superficies, origine de l'attribution
foncière, intensité de production)
|
18 à 20
|
|
21 et 22
|
|
23 à 28
|
|
29
|
|
Client
|
30
|
|
31
|
|
Appuis locaux
|
32, 33
|
|
34, 35
|
|
Les défis
|
36
|
|
37, 38
|
|
39
|
|
27
I.2. 3. Traitement des données
Le traitement des données issues des questionnaires a
été réalisé avec Excel, afin d'obtenir des
graphiques. Par ailleurs, le dépouillement a été fait
manuellement, à l'aide d'un carnet de notes et d'une calculatrice
permettant d'illustrer les données dans des tableaux, retranscrits sur
Excel.
Ensuite, les données issues des rapports et des bilans
ont également été traitées sur Excel et Word, pour
les graphiques et les tableaux.
28
3. Le delta intérieur du Niger une richesse
pour le Mali, mais une zone en développement, en proie à des
problèmes sécuritaires
I. 3.1 Contexte géographique
Carte 1: Le delta intérieur et la zone Office du
Niger
Source : F, Brondeau « Confrontation de systèmes
agricoles inconciliables dans le delta intérieur du Niger au Mali ?
»
Le Mali, terrain de notre étude, est un pays
enclavé, sans accès à la mer. Il est situé en
Afrique de l'Ouest. C'est le huitième pays le plus grand d'Afrique avec
ses 1 241 238 km2 (Voir Carte 1). Il est divisé en douze
régions : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou,
Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka13. Et compte 18 000 000
d'habitants en 201614.
I.3.1.a. Présentation du contexte
climatique
Sur le plan climatique, le pays est traversé par un
climat soudano-sahélien caractérisé par une
température moyenne élevée, une variation avec deux
saisons.
13 Taoudéni et Ménaka, furent rajoutées au
huit autres régions en 2012.
14 Chiffre de la Banque mondiale.
29
L'une est humide (Hivernage) et dure de quatre à cinq
mois (juin à octobre) ; la seconde, dite sèche, dure de cinq
à neuf mois (octobre à juin). Le climat est
caractérisé par une organisation zonale, avec d'une part une zone
semi-aride dans le sud du pays, allant jusqu'aux environs de Mopti, à la
fin du delta intérieur du Niger. Regroupant un espace subhumide à
l'extrême sud (avec des précipitations de 1 200 mm/an), un espace
soudanien au centre (des précipitations qui fluctuent entre 600 mm/an et
1 200 mm/an) et un espace sahélien (200 à 600 mm/an).
Cette zone semi-aride couvre 49 % (610 000 km2) du
territoire malien. Les 51 % (632 000 km2) restants
représentent la zone saharienne désertique. Elle correspond
à la partie septentrionale du pays (régions de Tombouctou, Gao,
Kidal Ménaka et Taoudéni). Cette zone est à la limite du
Sahara : le climat se caractérise par de grandes
irrégularités avec des précipitations en moyenne de 200
mm/an, et une forte amplitude thermique (12°C). Les températures
moyennes annuelles y sont les plus élevées.
Le Mali, avec une superficie supérieure à un
million de km2, est confronté à un climat que l'on
peut caractériser donc de « rude ». Toutefois, il dispose
d'une grande richesse hydraulique, bien que n'ayant aucune façade
littorale. En effet, parmi les pays d'Afrique de l'Ouest, c'est le pays
disposant de la plus grande réserve d'eau de surface. On l'estime
à quinze milliards de m3 d'eau de surface, car il est traversé
par deux fleuves : le fleuve Sénégal et le fleuve Niger. Le
Fleuve Sénégal traverse le pays sur 900 km (53 % du cours total
du fleuve) ; le fleuve Niger, allogène (cf. carte du Mali) parcourt le
Mali sur 1 700 km (40 % du cours total du fleuve). (Voir Carte 1) Ce dernier,
fleuve a une longueur d'environ 4 200 kilomètres ; c'est le
neuvième plus grand fleuve du monde et le troisième plus grand
d'Afrique ; il draine une superficie de plus de deux millions de
kilomètres carrés, soit un tiers de la superficie de l'Afrique de
l'Ouest.
Il prend sa source à 800 mètres d'altitude, au
pied des Monts Loma, à la frontière entre la Sierra Léone
et la Guinée.
A partir de sa source, le cours d'eau prend la direction du
nord en traversant l'est de la Guinée, puis remonte vers le Mali en
passant par des villes comme Bamako, Ségou, Mopti, Tombouctou, ou encore
Gao, en créant un delta entre Djenné et Tombouctou : c'est ce que
l'on appelle le Delta Intérieur du Niger. (Voir Carte 1). Ce
delta s'étend sur une superficie de 64 000 kilomètres
carrés. C'est une région
30
naturelle où le fleuve se subdivise en plusieurs bras
dans un espace en cuvette, avant de reprendre sa trajectoire en une seule
branche.
I.3.1.b. La densité de population
Chaque année, à la fin de la période
d'hivernage, le niveau de pluviométrie augmente, pouvant aller
jusqu'à 144 millimètres, ce qui induit une augmentation du niveau
de l'eau et une augmentation de son débit.
De ce fait, selon l'intensité de la crue, ce delta
sera inondé. Entre avril et novembre, la taille du fleuve double. En
avril, les savanes herbeuses sur lesquelles paissent les animaux des pasteurs
qui suivent l'équateur météorologique laissent place
à l'eau, qui inonde toute la savane. Cette abondance et cette permanence
de l'eau, très marquée en saison des pluies, fait de cet espace
une réelle « oasis naturel dans le désert ». Une telle
abondance d'eau dans un espace sahélien si « rude », avec une
saison sèche longue et un hivernage court, est singulière.
Carte : Densité de la population en 2012 par
région (Mali)
Source : Wash Cluster Mali
Cette alternance de recul et d'inondation du lit majeur en
cuvette, par le dépôt de sédiments, rend ce delta fertile ;
la faune y est abondante : poissons pour les pécheurs, ainsi que la
flore, utile pour l'élevage. Les trois grandes activités dans
le
31
delta sont la pêche, l'élevage (bovins, ovins et
caprins) et l'agriculture. Qui sont permises par les immenses terres arables
(2,2 millions d'hectares) faiblement exploitées.
Tant d'atouts attirent de nombreux acteurs, notamment les
populations locales, d'une grande diversité ethnique et très
mobiles. Ainsi comme on peut le voir sur la carte ci-dessus, la zone où
se trouve ce delta intérieur du Niger, à savoir la région
de Ségou, concentre la densité de population la plus
élevée du pays. Dû aux fortes opportunités agricoles
que procure ce delta, qui ne cessent encore aujourd'hui d'attirer les Maliens,
qui pour la plus part vivent dans une grande pauvreté.
I.3.1.c. Niveau de développement
économique
Carte 2 : Les pays du Monde par IDH entre 2015 et 2016
Source : ONU
Et pour un pays qui est placé parmi les pays les plus
pauvres du monde. Une telle richesse est si elle est totalement mise en valeur,
pourrait être un moyen de lever le levier de la pauvreté. Car le
Mali, avec son IDH, est au 183ème rang mondial sur 196,
32
avec un taux de pauvreté de 47,2 % en
201515. Près de la moitié de la population malienne ne
parvient pas à dépenser les « 177 000 FCFA / an (269 euros),
nécessaires pour satisfaire leurs besoins ». Ce sont principalement
des ruraux, soit 53,1 % de la population rurale.
Le milieu rural est l'espace qui souffre le plus du mal
développement ; il est touché par l'enclavement, la malnutrition,
des problèmes sanitaires et l'analphabétisme. D'après
l'Indice de Pauvreté Multidimensionnelle du PNUD, le Mali est le
troisième pays le plus pauvre du monde (Meyer, 2011). Ce
sous-développement est amplifié par des conflits religieux et
ethniques.
Notamment pour cette zone du delta intérieur du Niger,
qui fait face à une crise récurrente,
politico-sécuritaire, entre notamment les ethnies Dogons &
Peulhs.
Hypothéquant de plus en plus le développement
de la zone, et aggravant l'insécurité de ce qui est essentiel
à la survie des hommes : son alimentation.
I.3.2 Le delta intérieur du Niger une zone de
conflit.
Carte ethnique du Mali
Source : Jeune Afrique
15 EMOP 2015/2016
Le Mali est marqué d'une grande diversité
ethnique comme l'indique la carte ci dessus, aux traditions et aux modes de vie
bien différents. À l'image du centre du pays, là ou se
trouve le delta intérieur du Niger. On y trouve des bambaras (Souvent
agriculteurs), des Peulhs (éleveurs) et des dogons (pécheurs).
Ainsi, si les conflits intercommunautaires ont toujours existés,
aujourd'hui l'émergence de la menace terroriste met à mal la
confiance entre ces communautés. Avec la création du Front de
libération du Macina en 2015 de Amadou Koufa (Amadou Diallo) dans la
zone, des amalgames entre les Dogons et les Peulh principalement, engendre des
vengeances qui font des dizaines de morts dans la zone. Ces communautés,
autrefois voisines16, ont certes déjà vu s'affronter
des nomades peuls et des sédentaires dogons. Mais aujourd'hui, ils
s'entretuent et les problèmes de cohabitation s'intensifient, sous fond
de suspicions djihadistes de part et d'autre, et font perdre à ces
communautés tout sentiment d'appartenance à une même
nation. Le ministère des Affaires Étrangères
français déconseille d'ailleurs fortement de se rendre sur le
territoire malien, dont le centre et le nord du Pays sont placés en zone
rouge (« Zone formellement déconseillée »). Le centre
du Mali atteint un tel niveau de violence, que depuis févier 2018, suite
à « la multiplication des attaques contre des civils et des forces
de sécurité dans le nord et le centre du Mali, le Chef
d'État major général des armées a interdit la
circulation des motos et des pick up dans plusieurs cercles des régions
de Ségou, Mopti et Tombouctou » (Jeune Afrique, 2018).
En ce sens, le centre reste toujours confrontés
à de mauvaises productions et à l'insécurité
alimentaire, ce malgré le fort potentiel agricole de la région,
en termes d'espaces irrigables. Car ce delta intérieur du Niger si
connu, a permis de créer ce qu'on appel la zone Office du Niger dont les
hommes tirent profits depuis les dernières décennies de la
colonisation.
33
16 Amadou Hapâté Bâ, (1992) « Amkoulel,
l'enfant Peul », Paris, Actes Sud, 534 pages.
34
4. L'émergence du maraichage dans la zone
Office du Niger
I.4.1 Présentation de la zone ON : Contexte
géographique (superficies, populations)
Tableau : Démographie de la Zone ON
Zones
|
Nombre de
villages
|
|
Nombre d'exploitations
|
|
|
Population active
|
Population totale
|
Population totale (H+F)
|
|
H
|
F
|
total
|
|
H
|
|
F
|
|
H
|
|
F
|
|
46
|
7
|
308
|
786
|
8
|
094
|
15
|
225
|
16
|
000
|
21
|
384
|
20
|
404
|
41
|
788
|
Kolongo
|
60
|
9
|
164
|
476
|
9
|
640
|
13
|
620
|
10
|
219
|
22
|
784
|
10
|
695
|
33
|
479
|
Niono
|
45
|
12
|
486
|
760
|
13
|
246
|
31
|
774
|
32
|
420
|
49
|
377
|
50
|
203
|
99
|
580
|
Molodo
|
33
|
5
|
034
|
271
|
5
|
305
|
15
|
930
|
16
|
156
|
31
|
830
|
32
|
933
|
64
|
763
|
N'Débougou
|
70
|
11
|
032
|
1 226
|
12
|
258
|
25
|
095
|
26
|
861
|
39
|
510
|
42
|
064
|
81
|
574
|
Kouroumari
|
78
|
9
|
614
|
537
|
10
|
151
|
26
|
558
|
27
|
904
|
38
|
668
|
63
|
591
|
102
|
259
|
M'Bèwani
|
62
|
10
|
747
|
496
|
11
|
243
|
46
|
851
|
41
|
547
|
43
|
315
|
45
|
083
|
88
|
398
|
Total ON
|
394
|
65
|
385
|
4 552
|
69
|
937
|
175
|
053
|
171
|
107
|
246
|
868
|
264
|
973
|
511
|
841
|
|
Source : Bilan de Campagne de l'ON de 2016-2017
Ce delta intérieur du Niger a permis l'aménagement
d'un périmètre de cultures irriguées (Voir Carte 1). Il
est situé à environ 250 km à l'est de Bamako.
L'ON constitue un potentiel de terres irriguées de 1 947
000 hectares, dont
35
1 445 000 de terres irrigables par gravité. Ainsi,
depuis la création de l'ON, le 5 Janvier 1932, l'objectif a
été d'aménager 960 000 hectares, dont 410 000 hectares
pour la culture de coton et 550 000 hectares pour la riziculture.
Cet objectif, près de 90 ans après, n'est
toujours pas atteint. Seuls 131 000 hectares étaient
aménagés en décembre 2017, soit 14 % du projet initial.
C'est donc un espace avec un fort potentiel, qui reste
insuffisamment exploité.
Ainsi, depuis la fin du XXème
siècle, ce potentiel identifié, une sècheresse (19831984)
dans le pays et un début de changement de gestion de l'ON au
début des années 1980, qui aboutit à sa restructuration en
1994, offre de meilleures opportunités à la population, par
rapport au reste du pays. La présence de terres, l'abondance en eau et
la liberté de production font de la zone ON un espace agricole plus
attractif que les autres bassins de production du pays. C'est pour cela que sa
population a été « multipliée par cinq entre 1980 et
2008 » (Adamczewski, 2014). Elle compte aujourd'hui 511 841 personnes dont
246 868 hommes et 264 973 femmes, regroupés dans 394 villages, au sein
des sept zones que compte l'ON : la zone du Ké-Macina, Molodo, Kolongo,
Niono, Molodo, N'debougou, Kouroumari et M'béwani.
I.4.2 Dimension historique de la création de la
zone ON, de la période coloniale, en passant par les années
d'indépendance à la restructuration.
I.3.2.a L'Organe de gestion : L'entreprise Office du
Niger
Ces sept zones de l'ON sont gérées par un
organe, dénommé Office du Niger.
C'est une « entreprise parapublique »
initiée par les colons, dans les années 1920, pour la culture du
coton afin d'approvisionner les entreprises textiles de la métropole.
Après l'indépendance du Mali, l'établissement est mis au
centre du développement de la politique agricole du pays et abandonne la
culture du coton au profit de la riziculture. L'Office du Niger compte
aujourd'hui parmi les plus grands aménagements hydro-agricoles du
continent africain (près de 200 000 ha aménagés,
près de 500 000 tonnes de riz produit).
36
Logo de l'entreprise Office du Niger
Source : Site ON
Elle gère les bras morts du fleuve (Défluents),
soit la partie occidentale du Delta central nigérien, qui pendant les
temps géologiques était traversée par le fleuve, mais
s'est progressivement asséchée.
C'est une des principales zones de production agricole du
Mali, connue pour sa production de riz, qui représente la culture
dominante de la zone. Dans cette zone du delta intérieur du Niger, trois
saisons permettent la culture : L'hivernage, la contre-saison chaude et la
contre-saison froide. Le maraichage est une culture favorable à la
dernière saison.
En effet, sa caractéristique ancienne et son potentiel
agricole ont été rapidement mis en exergue par les colons, qui
n'hésitent pas à investir entre 1928 à 1939 quatre
milliards de francs.
Ainsi, sous l'impulsion de l'administration coloniale
française, un ingénieur, Émile Bélime, a
l'ingénieuse idée de mettre en place un réseau hydraulique
très hiérarchisé, dont le but est d'irriguer la plaine,
estimée aujourd'hui à plus de 2 000 000 d'hectares, afin d'en
faire un grenier à coton pour la métropole, mais aussi un grenier
rizicole pour nourrir ses indigènes (E. Schreyger, 1984).
37
I.4.2.b Le réseau hydrologique de la zone ON
Pour ce faire, un système gravitaire a
été créé, basé en amont sur le barrage de
Markala, pour réguler l'eau et permettre une maitrise totale de la
ressource (Voir carte 2).
Barrage de Marakala
Photographie du 10 janvier 2018
Ce barrage est l'élément central de tout ce
système. Sa construction débute en 1934, pour s'achever en
1947.
C'est un pont-barrage en métal qui mesure plus de 800
m de longueur; c'est l'un des plus grands barrages hydrauliques au Mali. Il a
une triple fonction.
D'une part, comme le montre la photographie, il permet aux
populations de se rendre sur la rive gauche du fleuve, où se trouvent
les terres de la zone ON ; dans le sens contraire, les habitants peuvent se
rendre sur la rive droite, ce qui donne accès aux routes pour les
grandes villes comme Ségou à 35 kilomètres et Bamako
à 275 kilomètres
38
D'autre part, il permet la régulation du fleuve
grâce à sa fonction de stockage, qui pallie le déficit en
eau durant les périodes d'étiage (période de basses eaux)
qui durent de six à neuf mois.
Sa troisième et dernière fonction, tout aussi
essentielle est permanente : il s'agit de la dérivation de l'eau servant
à l'irrigation des terres agricoles de toute la zone ON, en
élevant notamment la cote de l'eau de 5,5 pour dériver l'eau vers
le canal adducteur.
Ce canal adducteur de 9 km fait prise sur la rive gauche du
Fleuve qui, au point A se segmente en trois canaux partant dans des directions
distinctes.
A droite, le canal Sahel, qui à sa prise
possède cinq passes et une écluse pour la navigation. Il
possède ensuite trois biefs (Points B & C, qui sont mis en eaux). Ce
canal alimente ainsi un falla, le falla de Molodo, un défluent.
Au centre, le canal Costes-Ongoïba possède deux
passes sur sa prise.
Enfin, à gauche se trouve le canal du Macina ; ce
dernier possède à sa prise cinq passes également et une
écluse pour la navigation. Il fait 20 km et alimente le falla de
Boky-Wéré.
Ces canaux principaux permettent d'alimenter les
différents fallas, qui assurent le prolongement afin d'alimenter un
réseau de distributeurs, de partiteurs et d'arroseurs, qui par le biais
des rigoles, permettent d'irriguer les parcelles de la zone ON par
gravité. Un réseau d'évacuation, caractérisé
par les drains, existe également. Chaque distributeur, partiteur et
arroseur procèdent un drain. Placé toujours en parallèle
des canaux d'emmené d'eau.
Ainsi, la régulation se fait notamment par le biais de
rigoles, de vannes plates, modules à masque, de vannes automatiques...
Tout ceci permet d'apporter mais aussi de retirer de l'eau (Voir carte ci
dessous).
Enfin, sur la rive droite du fleuve, contournant le barrage,
se trouve le canal de navigation, une écluse qui aboutit au fleuve Niger
au niveau du village de Thio. Il mesure deux kilomètres.
39
Carte
Source : Géophile
40
C'est donc un périmètre irrigué avec un
véritable réseau organisé qui met en valeur un
système « naturel » déjà existant.
I. 4 .2.c. L'installation des populations en zone
ON
De ce fait, la mise en valeur de cet espace autrefois
abandonné a été repeuplée par les colons, par le
biais d'une installation forcée de populations, afin de suivre des
directives agricoles. C'est ainsi que du point de vue humain, on y trouve une
grande diversité culturelle, un melting-pot d'ethnies : des Bambara, des
Peuls, des Maures, des Bozos, des Mossis, des Samogho, mais aussi des
réfugiés, comme les Tamachek et des Bellah, venus après
les sècheresses des années 1983-1985.
Par ailleurs, cette relocalisation généralement
forcée pendant la période coloniale est l'une des raisons de
l'inefficacité du système. Le caractère dirigiste,
très encadré, des choix des cultures a modérément
incité à l'augmentation de la production les exploitants.
Les années d'indépendance suivent sensiblement
le même processus. Arrivé au pouvoir, Modibo Keita vise l'atteinte
de l'autosuffisance alimentaire. Les zones de production se
spécialisent. La zone de l'ON est alors consacrée à la
riziculture.
La politique du gouvernement des indépendances inscrit
l'agriculture malienne dans une dynamique socialiste collectiviste, dans le but
de moderniser le secteur. Cela se traduit par la création de champs
collectifs « les Maliforo », qui se révèlent être
30 % moins productifs que les exploitations familiales. Les paysans
n'intervenant pas directement dans la prise de décision, les politiques
sont alors uniformes et obligatoires.
I.4.2.d. Le renouveau de la zone ON.
Outre ce caractère collectiviste et dirigiste de la
production, la vente obligatoire de la production à l'État
à des prix très bas marque le déclin du secteur. Le pays
passe d'exportateur en riz à importateur au début des
années 1970, entrainant ainsi une restructuration de l'entreprise
étatique chargée de la gestion. Cela marque un véritable
tournant dans la gestion de l'office.
41
L'État se désengage alors, par le biais tout
d'abord du Schéma Directeur du développement Rural (SDDR) en
1991, au profit des paysans qui progressivement sont tentés de produire
plus, afin de répondre à des intérêts individuels.
Cette restructuration a permis une indépendance et une
libéralisation de la profession (ARPON III, 1996)
L'office du Niger se voit donc relégué
uniquement à la gestion du foncier, à travers sa mise en valeur,
à la gestion du réseau hydraulique et du développement
durable du Delta intérieur du Niger, selon les Articles 1 et 2 du
Décret N°2014-0896/P-RM de gérance des terres du
réseau hydraulique, affectées à l'ON. Le décret
justifie le principe pour l'État malien « d'en faire moins, pour
faire mieux ».
Sur le plan de la production, les paysans se sont vus
octroyer des terres suivant des conditions définies par
l'Arrêté N°96-1695/DRE-SG du 30 Octobre 1996 du cahier des
charges. Il s'agit notamment de terres à destination du maraîchage
à partir du début des années 1980.
Autrefois bannis par l'Office du Niger qui se concentre sur
la riziculture, le maraichage et les cultures de diversification se sont
imposés de fil en aiguille comme des cultures de rente. La faiblesse des
rendements du riz et le déclin progressif de la production ont permis
leur émergence.
La production de fruits et légumes existe en effet en
zone ON depuis la période coloniale. Même bannis, les exploitants
n'ont pas hésité dès leur installation à mettre en
place des jardins de case17. Ils étaient utilisés par
les femmes pour produire certains « condiments » de leurs repas
quotidiens. Au départ uniquement réalisée en
période d'hivernage, la création de rigoles a permis l'arrosage
en période sèche. Peu à peu, l'ON, sans l'accepter
officiellement, en accordant des superficies pour sa pratique, la
tolérait (Sogoba, 1996).
Progressivement, on est passé d'un jardinage pour
l'autoconsommation à une activité commerciale : le maraichage, en
raison des nombreux avantages comparatifs de la zone de l'ON, notamment :
· La permanence d'une source d'eau
· Le développement de centres urbains locaux,
reliés par des voies de communication
17 Petite parcelle autour de la maison.
·
42
Le désenclavement de Niono par une route bitumée
entre Ségou et Niono (1984) permettant d'avoir des
débouchés extérieurs
· L'arrivée massive des commerçants sur le
marché de Niono (le dimanche) et de Siengo (le jeudi), permise par la
libéralisation du commerce du riz en 1987. La zone ON est devenue une
région très dynamique
· Le manque de travail des jeunes
· Une valeur ajoutée forte à l'hectare.
· Enfin, la volonté des familles de chercher des
activités complémentaires à la culture du riz, qui
à la fin des années 1970 entre en phase de déclin.
Ainsi, la production de fruits et légumes est
tolérée, au point de réserver dans les années 1980,
lors des aménagements des nouveaux villages comme Bagadadji km36 ou
encore Foabougou, des parcelles de deux à trois hectares aux alentours
de ces villages pour l'activité des femmes. C'est notamment le cas dans
le cadre du projet Rétail pour la réhabilitation des terres dans
le secteur Sahel (2 800 ha) : des superficies sont réservées par
famille pour l'activité maraichère (Sol de maraichage) (Pasquier,
1996).
De ce fait, le maraichage rentre dans les
considérations et les statistiques, et commence à n'être
n'étudié qu'a partir du début des années 1980.
Enfin, au vu des nombreux atouts qu'elle offre, 1997 est
l'année de la consécration de l'activité maraichère
en zone ON. L'ON donne alors son accord pour que les cultures
maraichères passent des parcelles hors casiers et de l'irrigation
à partir des puisards, ou des calebasses dans des petites parcelles (2
à 3 hectares pour un village), réservées aux maraichages
des femmes, à du maraichage au sein de parcelles
aménagées. Ceci permet alors une augmentation des superficies
mais aussi de la production et des rendements.
Cet accord officiel de l'ON à destination des cultures
maraichères en contre-saison et à leur réalisation dans
les parcelles découle des atouts qu'elles confèrent. C'est en
effet une activité de contre-saison moins gourmande en eau par rapport
à la riziculture et qui permet de meilleurs rendements pour la
riziculture pendant la saison des pluies. C'est en ce sens que les redevances
en eau se veulent à présent incitatrices à la culture
maraichère. Aujourd'hui, la redevance est ainsi passée de 67 000
(102 euros) à 6 700 FCFA (10 euros) pour les cultures maraichères
; c'est certes
43
le résultat du mécontentement des femmes, mais
aussi et surtout d'une politique de l'ON pour encourager les exploitants
à produire des spéculations en contre saison plutôt que du
riz, pour minimiser la pression sur l'eau en période d'étiage
dans un contexte de pluviométrie irrégulière et de plus en
plus faible.
Ainsi, cette zone devint un espace très attractif,
vecteur d'une multitude d'opportunités qui ne cesse d'attirer les
maliens.
Cette diversification des activités agricoles
présente également des enjeux pour le Mali, qui, dans sa
quête de souveraineté alimentaire, peut voir dans cette pratique
du maraichage une solution irréductible.
Le pays dispose de nombreux périmètres
maraichers ; outre la zone de l'Office du Niger dont le bassin de Bamako
(Baguineda, Samako), on trouve la zone de Bandiagara, mais aussi Sikasso qui
est la première région maraichère du Mali. Toutefois, la
zone de l'ON représente en termes de production maraichère une
véritable « cité nourricière ».
I.4.3. La zone ON, bassin essentiel pour certaines
spéculations : Cas de l'échalote et de la pomme de terre
De nombreuses spéculations commercialisées sur
les étals maliens ont pour zone de production le périmètre
irrigué de l'ON. C'est le cas de l'échalote par exemple.
Production de l'échalote en zone lors de la campagne
2016-2017
Zone
|
Désignations
|
Échalote/Oignon
|
Prévu
|
Réalisé
|
Niono
|
Superficies (ha)
|
1 365
|
800,00
|
Rendement (t/ha)
|
35,000
|
35,00
|
Production (t)
|
47 775
|
28 000,00
|
Total ON
|
Superficies (ha)
|
8 373
|
6 622,78
|
Rendement (t/ha)
|
33,790
|
32,64
|
Production (t)
|
282 926
|
216 140,24
|
Source : Bilan de campagne de l'ON 2016/2017
Lors de la précédente campagne agricole, le zone
ON a produit 216 140,24 tonnes d'échalotes. Elle représente la
culture dominante dans toute la zone ON (Bilan campagne, 2017). À
l'image du logo de l'ON, qui représente une tomate et une
44
échalote/un oignon de part et d'autre du triangle,
c'est la spéculation maraichère phare de la zone ON. À
l'échelle nationale, cela correspond à 70 % de la production
nationale (Bamoye Keïta, 2017). En outre, l'échalote produite en
zone ON et sur le plateau dogon représente 90 % de la production totale
du pays (Meyer, 2011). Il en est de même pour la pomme de terre, prend de
plus en plus une part importante, dans la production nationale.
Production de la pomme de terre en zone lors de la campagne
2016-2017
Zone
|
Désignations
|
Pomme de terre
|
Prévu
|
Réalisé
|
Niono
|
Superficies (ha)
|
130
|
15,00
|
Rendement (t/ha)
|
35,000
|
35,00
|
Production (t)
|
4 550
|
525,00
|
Total ON
|
Superficies (ha)
|
910
|
826,80
|
Rendement (t/ha)
|
35,000
|
35,00
|
Production (t)
|
31 850
|
28 938
|
Source : Bilan de campagne de l'ON 2016/2017
En effet, si la région de Sikasso est la principale
zone de production, la zone ON, tend vers une croissance de sa production de
pomme de terre et une expansion des superficies cultivées. Lors de la
campagne 2016-2017, la zone ON a réalisé une production de pommes
de terre de 28 928 tonnes, sur une superficie de 826,80 hectares contre 200
hectares lors de la campagne 2012-2013.
La croissance de production de ces deux spéculations,
s'explique par l'environnement favorable qu'offre l'ON, notamment les terres
irriguées de grande superficie, l'environnement économique
avantageux avec la libéralisation du marché, les soutiens aux
exploitants des partenaires au développement, permettant aux exploitants
de disposer de connaissances relativement modernes liées à la
production de ces cultures, comme la technique du repiquage pour
l'échalote.
Néanmoins, malgré ce caractère commun de
culture produite en zone ON à forte contribution à la production
nationale, l'historique de ces deux produits diffère.
45
I.4.4 Historique d'introduction de l'échalote
puis de la pomme de terre en zone ON
I.4.4.a. Introduction de l'échalote en zone
ON
Les dogons auraient été parmi les premiers
à faire de la culture de l'échalote une activité
commerciale à la fin du XIXème siècle au Mali ;
l'insertion du « jaba micéni » (petit d'oignon) est souvent
fondée sur des mythes (Meyer, 2011).
Il est difficile de dater l'introduction de l'échalote
en zone ON, mais son ancienneté va sans dire. Son histoire est à
tout point de vue liée au maraichage dans l'ON. On estime que la culture
de l'échalote existe depuis l'arrivée des premiers
colons18 dans la zone ON.
Initialement, cette spéculation est produite par les
colons dans les jardins, pour une autoconsommation. Mais progressivement, tout
comme le maraichage de manière générale, sa production
s'est intensifiée et a pris une dimension commerciale.
C'est sans doute le résultat du changement de
stratégie de l'ON, qui s'est tournée vers la diversification
agricole, permettant d'étendre les superficies maraichères,
notamment dans des parcelles aménagées (« Sol maraicher
», casier rizicole).
Cela a aussi permis l'amélioration des techniques de
production d'échalote, grâce à l'émergence d'une
politique de formation et d'information du personnel encadrant et des colons,
à travers des échanges entre des bassins historiques de
production d'échalote comme le plateau Dogon. Entre 1987 et 1992, des
animateurs de l'ON sont formés à la culture d'échalote par
des dogons. Ceci a contribué au développement de la
filière dans cette zone de l'ON (Meyer, 2011).
Enfin, l'aide apportée par les partenaires
internationaux au développement (Rétail, ARPON) et nationaux (ON,
IER, APROFA), a contribué à faire de la zone ON le premier
producteur d'échalotes au Mali, soit 2/3 de la production nationale, sur
des superficies moyennes de 0,5 hectare. (Dembélé, 2018)
18 On appel « Colon » les exploitants de la zone ON
46
I.4.4.b. Introduction de la culture de la pomme de
terre dans les rizières de l'ON
Ainsi, contrairement à l'échalote, la pomme de
terre est une culture relativement récente en zone ON. Son insertion
fait suite à une volonté paysanne de cultiver la pomme de terre,
dans le cadre de la politique de diversification de l'ON (Bengaly et Ducrot,
1998).
Ainsi, un programme est mis en place durant la campagne
1997/1998, avec le soutien de l'ON, l'APROFA19 et l'URDOC. Il
s'appuie notamment au préalable sur une formation pour des paysans (10),
ainsi que des agents d'encadrement de l'ON (6) et de l'URDOC (2), qui est
réalisée à Sikasso (plus grande zone de production de
pommes de terre au Mali), afin que ces derniers puissent à leur tour
diffuser leur enseignement relatifs à cette « nouvelle »
culture aux exploitants de la zone de l'ON. Les semences utilisées lors
de cette première campagne de culture de la pomme de terre sont fournies
par l'ON et l'APROFA ; il s'agit des variétés Lola et Léon
ATLAS, dont le cycle dure de 70 à 80 jours (Bengaly et Ducrot, 1998).
Les raisons de l'insertion de la pomme de terre dans la zone
ON sont multiples. D'une part sur une échelle nationale, elle a pour but
d'accroitre la production pour répondre à la demande. La zone ON
en termes de production de pommes de terre recèle en effet de nombreuses
potentialités. La présence de terres en maitrise totale en eau,
l'accès plus où moins facile aux intrants, la présence
massive de partenaires au développement et de structures d'encadrements
(IER, ON) facilitent potentiellement l'accès à des semences
améliorées à forts rendements. Autant de paramètres
qui expliquent le potentiel de rendement plus fort en zone ON que dans le
premier bassin de production de pommes de terre au Mali, Sikasso, ainsi que
d'autres bassins de production, comme Kati.
Son potentiel de rendement varie entre 20 à 40 tonnes
à l'hectare, contre moins de 30 tonnes à l'hectare pour la pomme
de terre cultivée à Sikasso (IER, 1996).
Cela permet également de diversifier les zones de
productions, dans le souci d'une certaine sécurité
d'approvisionnement.
19 Agence pour la Promotion des Filières Agricole qui a
pour but d'aider les exploitants à améliorer et à
développer leur activité. Afin de réduire la
pauvreté.
47
D'autre part, pour l'exploitant, la pomme de terre
possède des avantages, liés à l'amélioration de
leurs revenus.
En effet l'échalote présente un souci majeur qui
est la fluctuation de son prix après production, à une
période de l'année. Les prix chutent, au point d'atteindre
à certaines périodes (mars) 100 FCFA (0,15 centimes d'euros) le
kilogramme. Contrairement à la pomme de terre, dont les prix fluctuent,
mais en période de forte production, le kilogramme ne passe jamais sous
la barre des 225 FCFA (0,34 centimes d'euros). C'est en cela que sa production
dispose d'un fort potentiel d'augmentation des revenus.
Elle n'est aucunement la culture maraichère dominante
aujourd'hui, mais présente des perspectives « radieuses » pour
les exploitants au vu de ses potentialités. Elle est
présentée en zone ON comme une véritable
spéculation d'avenir.
Par ailleurs, ces potentialités semblent s'obscurcir.
Ces dernières années, la méfiance des exploitants
vis-à-vis de cette spéculation grandit, en raison de la
mévente en 2010. Les exploitants ont reçu cette année
là, des semences de la part de l'ON, qu'il fallait rembourser à
l'ON après la production.
Mais suite à une incompréhension de part et
d'autre, des conflits ont émergé. Selon les exploitants, l'ON
avait garanti l'achat de la production aux exploitants. Promesse non tenue, les
pommes de terre n'ont pas trouvé preneurs et les exploitants n'ont pas
pu rembourser à l'ON les semences. L'ON a alors fait appel à des
huissiers de justice pour le recouvrement des créances auprès des
exploitants. En 2018, certains exploitants n'ont toujours pas remboursé
cette dette à l'ON.
Ceci explique en partie la faiblesse de la production en 2018,
en zone de Niono. Le maraichage dans cette zone illustre relativement bien
l'articulation des spéculations dans les autres zones de l'ON.
48
5. Présentation générale
du maraichage à Niono et l'articulation des cultures de
l'échalote et de la pomme de terre dans la zone : Cas des villages de
Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km 36
I.5.1 La place de la culture de
l'échalote et la pomme de terre dans les trois
villages
Lors des enquêtes de terrain, il apparaît que la
pomme de terre est une spéculation peu produite par rapport à
l'échalote dans la zone de Niono, notamment dans les trois villages pris
comme cas d'étude : Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km36,
100%
40%
30%
20%
80%
50%
60%
10%
90%
70%
0%
Les types de spéculations produites
Échalote Pomme de terre Autres cultures
source: D'après les questionnaires d'enquêtes
Sur les personnes interrogées, seulement 36 % avaient
cultivé la pomme de terre cette année, tandis que 96 % ont
produit de l'échalote. D'autres spéculations telles que la
tomate, le gombo, le piment ou l'ail ont aussi été largement
cultivés. 91 % de ces sondés ont donc cultivé d'autres
spéculations, en dehors de la pomme de terre et de l'échalote.
Des trois villages pris comme exemple lors de l'étude,
Djicorobougou est le village qui a produit le plus de pommes de terre.
L'intégralité des personnes (femmes) sondées ont produit
de la pomme de terre lors de cette dernière campagne
49
maraichère. La culture de la pomme de terre est
réalisée dans ce village depuis 2002 et résulte de la
création de sa coopérative, qui a engendré une
véritable notoriété nationale. Bon nombre de partenaires
au développement et d'acteurs dans le secteur de l'agriculture leur ont
apporté leur aide (USAID, WAAPP, PCDA, ON, IER...). Cherchant à
permettre aux femmes de s'émanciper et dans un souci
d'équité, ces structures ont aidé les femmes,
premières cibles pour les innovations. C'est le cas de la pomme de
terre. Son insertion en zone ON lors de la campagne 1998-1999 de par son
potentiel a été facilitée pour les femmes, notamment dans
la coopérative de Djicorobougou. Des formations leurs ont
été proposées. Elles ont pu acquérir ainsi de
véritables connaissances agricoles leur permettant d'accroitre leur
production de pommes de terre et d'échalotes.
Outre cela, la production de pommes de terre,
normalisée et courante dans ce village est le résultat d'autres
avantages qui leur sont conférés, notamment l'accès
à des prêts de la BNDA. À titre d'exemple, en 2017, elles
ont emprunté 10 millions de FCFA (Plus de 15 000 euros) auprès de
la BNDA. Ceci a servi à acheter les engrais, qu'elles ont
partagés. Après avoir vendu leur récolte, elles ont
remboursé leur emprunts.
La coopérative dispose également de
facilités pour l'accès aux semences, notamment pour la pomme de
terre. En effet, la présidente Assa Diarra, entretien avec des
commerçants de Sikasso, un partenariat, qui permet aux femmes de la
coopérative d'emprunter des semences de pomme de terre.
Ainsi, ces nombreux atouts permettent aux femmes de mener la
culture de pomme de terre sans grande contrainte, contrairement aux deux autres
villages.
Dans le village de Foabougou, seulement 16 % des personnes
sondées ont cultivé la pomme de terre lors de la campagne
2017-2018 (36 % pour le village de Bagadadji km36). Ces derniers, pour la
culture de pomme de terre, rencontrent plus de difficultés à la
faire.
L'échalote y est la spéculation dominante. Elle
est réalisée dans les sols de double culture, notamment dans les
casiers rizicoles en période de contre saison, mais également
près des villages dans les parcelles dites de sol de maraichage
(Pasquier, 1996) réservées à l'origine aux femmes
(Années 1980) pour le maraichage, ou le long des canaux d'irrigation et
de drainage.
50
Le maraichage dans la zone de Niono et notamment pour ces
trois villages, est basé sur la culture de l'ail, le piment, le gombo,
la tomate, l'aubergine africaine, mais aussi de la pomme de terre et surtout de
l'échalote/oignon.
Les rendements pour l'échalote, la pomme de terre et
les autres spéculations sont relativement élevés par
rapport aux autres zones.
Source : données du Bilan de Campagne de l'ON de
2016/2017
D'après le diagramme ci-dessus, durant la campagne
2016-2017, la zone de Niono a réalisé une production de 28 000
tonnes d'échalotes/oignons sur une superficie de 800 hectares. Le
rendement est donc de 35 tonnes l'hectare. C'est la spéculation la plus
produite dans la zone. S'ensuite celle de la tomate (4 025 tonnes/161
hectares), puis de la patate douce (3 900 tonnes/156 hectares) ; le gombo quant
à lui représente une production de 2 096 tonnes/131 hectares, la
pomme de terre une production de 525 tonnes/15 hectares ; l'ail dans la zone de
Niono a réalisé une production de 520 tonnes/26 hectares ; enfin,
les 17 tonnes de piment ont été produites sur 17 hectares.
En outre, le maraichage à l'ON, dont Niono, est
marqué par une diversité de spéculations, avec une
dominante de la culture d'échalotes/oignons.
Ceci résulte de la place importante que prend
l'échalote dans les habitudes culinaires maliennes.
Cette spéculation est fortement consommée dans
les repas maliens. La grande majorité des sauces qui accompagnent le riz
contiennent de l'échalote : le « Djaba
51
sauci », par exemple ; comme l'indique son nom qui
signifie « la sauce oignon », elle est constituée à 80
% d'échalotes. Ainsi, l'échalote contrairement à l'oignon
est plus appréciée par les Maliens, du fait de sa capacité
à « alourdir » la sauce. Sa forme fraiche est très
consommée mais également transformée.
I.5. 3. Le système cultural de l'échalote
et de la pomme de terre
I. 5.3.a Présentation générale des
caractéristiques de l'échalote
L'« échalote » en français, «
jaba miceni » en bambara, fait partie de la famille des alliacées
au même titre que l'oignon, l'ail, le poireau et la ciboulette.
C'est un légume qui apprécie le soleil, dont la
production est optimale lors de saisons à température douce. Au
Mali, cela correspond à la contre-saison froide, d'Octobre à
Mars. Pour la zone de Niono, ce légume offre aux exploitants une
véritable complémentarité. Selon le calendrier agricole de
l'ON, la campagne rizicole prend fin le 15 octobre laissant place aux cultures
maraichères, notamment à la production d'échalotes.
Le cycle de sa production diffère, allant de 50 à
100 jours, selon les variétés.
Des variétés dans la zone de Niono, qui sont des
variétés locaux, comme le Tata, le Marena, le Gombougou, le B3
djaba le Togon Djaba et le Golgou djaba (Kampo, 2008), avec une dominance forte
de la variété Tata et Marena, dans la zone de Niono.
C'est une spéculation qui se développe bien dans
des sols riches en matière organique.
L'échalote est produite par reproduction
végétative, notamment à partir d'un bulbe mère.
Après un mois de semis, des feuilles apparaissent et donnent lieu
à la division du bulbe mère en sept à huit caïeux de
forme plus ovale que l'oignon. Elle est constituée de 15 à 18 %
de matière sèche (Meyer, 2011).
L'échalote est sensible à l'humidité.
Celle-ci peut être la cause d'une accélération de son
processus de pourrissement. Son irrigation ne doit par conséquent
aucunement se faire par inondation. Son arrosage doit être
réalisé en évitant que l'eau stagne. C'est une
légume dont le tout est consommable : le bulbe ainsi que les tiges.
Son cycle de croissance dure entre deux à quatre mois
selon les variétés.
52
Des maladies attaquent l'échalote ; elle est
vulnérable face aux thrips, aux nématodes et aux chenilles
mineuses des feuilles.
Au Mali, on considère qu'elle a des vertus
médicinales. Elle guérirait un certain nombre de maladies,
notamment les angines, les hémorroïdes ou encore les plaies
infectées (Maïga, 2013).
I.5.3.b Présentation générale des
caractéristiques de la pomme de terre
La pomme de terre est un légume, faisant partie de la
famille des plantes potagères. Elle est aussi un féculent. Le
tubercule est composé à 20 % de matière sèche
(amidon essentiellement) et 80 % d'eau.
Elle est conseillée dans une alimentation
diversifiée ; c'est véritablement un aliment sain car elle est
l'un des rares féculents riche en minéraux (potassium,
magnésium, phosphore) en vitamines (B et C) et en
oligoéléments.
La pomme de terre est issue d'une plante herbacée, la
plante de pomme de terre. Elle est originaire d'Amérique latine et y est
cultivée depuis près de 10 000 ans20. Son
développement résulte du tubercule mère, qui comme
l'échalote, donne lieu au développement d'autres tubercules dans
le sol.
En surface, elle donne lieu à l'émergence de la
plante de pomme de terre, possédant des fleurs mais aussi des fruits. Sa
croissance est favorable à un sol léger, peu humide et riche en
matière organique.
Elle est cultivée en 2015 dans plus de 150 pays, dont
le Mali.
Au Mali, sa période de production s'étend
d'octobre à mars. C'est la période à laquelle son
rendement est le plus élevé. Les pommes de terre
consommées par les Maliens proviennent principalement de la
région de Sikasso, de Kati (Al, Maïga, 2004) mais aussi de
l'extérieur, notamment du Maroc.
Les variétés dominantes sont : Spunta, Sahel,
Claustar, Lola, Binella et Pamina. En zone ON, les variétés
Spunta et Sahel prédominent.
Son cycle de développement varie entre 90 à 120
jours (Ngue Bissa, Mbairanoudji, Peyani Tambo, 2007). Elle est
vulnérable face à certains insectes, comme les
nématodes.
20 Syngenta « La culture de pomme de terre ».
53
I. 5 .3.c. Les étapes de la production
Les semences de l'échalote sont très
généralement issues de la conservation des bulbes de
l'année précédente, même si les maraichers de Niono
ont la possibilité d'acheter les semences avec le CRRA21 de
Niono. Concernant la pomme de terre, les semences proviennent le plus souvent
de la région de Sikasso.
Les étapes de production de
l'échalote et de la pomme de terre
Les étapes de production
|
Description
|
Échalote
|
Pomme de terre
|
Réalisation d'une pépinière
|
Cette étape n'est pas forcément une obligation.
Elle
allonge le cycle de production, mais elle permet d'avoir de
meilleures productions. Sa réalisation résulte surtout en zone ON
du processus de modernisation des pratiques agricoles dans la zone ON.
|
|
|
|
Préparation de la parcelle de semis
|
C'est une étape essentielle. De cette étape
dépendra le développement des bulbes, après repiquage dans
la parcelle.
|
Le choix du type de sol est déterminant. Il doit
être ni trop argileux ni trop sablonneux, afin de permettre au tubercule
de se développer librement sans être limité.
|
C'est une étape très pénible et
très demandeuse en main-d'oeuvre, en raison de l'absence de
motorisation. Sa préparation passe par le désherbage, le
labour, la réalisation des planches avec leurs buttes de
séparation.
Les outils généralement utilisés pour ces
étapes sont généralement la houe « un arrosoir, une
daba, une corde, des instruments de mesures, un râteau pour le nivelage
des planches et un sceau » (Maïga, 2012)
|
Semis
|
C'est aussi une étape très demandeuse en
main-d'oeuvre qui se déroule sur plusieurs jours.
|
Cela passe dans les deux cas par la création des
sillons, leur arrosage avant et après semis, le semis (direct ou
repiquage), la fermeture des sillons
|
Pour la pomme de terre, la création des sillons
à 10 à 20 cm de profondeur et de 20 à 30 cm de
diamètre
|
Entretiens
|
Cela passa par l'arrosage, qui est
réalisée soit quotidiennement soit ponctuellement dans la
semaine, selon l'étape de développement de l'échalote et
de la pomme de terre. Ensuite le buttage est aussi
nécessaire afin de protéger les tubercules. Et enfin le
sarclo-binage, qui consiste à désherber depuis
la racine les adventices afin de ne pas faire concurrence à la
production, face aux sels minéraux à l'eau et la lumière.
Mais le sarclo-binage pour la pomme de terre est réalisé en
moyenne moins fréquemment (1 à 2 fois) que pour l'échalote
(3 à 4 fois).
|
Protection et fertilisation
|
Il s'agit là de les protéger de l'invasion
d'insectes ou de maladies.
D'autre part, la fertilisation se déroule selon la
double complémentarité d'utilisation d'engrais organiques (Fumier
ou compost) et d'engrais chimiques (DAP ou encore l'Urée). L'engrais
organique fait figure de base, avant l'application de l'engrais chimique. Le
but est d'obtenir une production suffisante et saine.
|
Source : À partir du Mémoire de fin de cycle de
Maïga (2013), du guide « les cultures maraichères » de
l'INDES formation (2003) et du rapport « introduction de la culture de
pomme de terre dans les rizières de l'ON », de Bengaly et Ducrot
(1998).
21 Centre Régional de Recherche Agronomique.
54
I.5.3.d L'après production : maturité,
Récolte et conservation
Maturité : cas de l'échalote
La récolte est réalisée à Niono entre
mars et avril.
Les tiges qui sont en phase de croissance (Première image
de la photographie ci-dessous), de couleur verdâtre, droites
Evolution d'une parcelle
d'échalotes
source : Drabo, A
Commentaire : Un maraicher du village
Bagadadji km36, Bourama COULIBALY, dans sa parcelle
d'échalotes, le
20 février 2018 et le 29 mars 2018. La première photo
présente l'échalote à deux mois
de semis et la seconde
au premier jour de récolte.
jaunissent progressivement et tombent vers le sol : c'est la
tombaison. (deuxième photo de l'image ci-dessus). C'est le signe de la
maturité de la spéculation.
55
Maturité : Cas de la pomme de terre
Processus de croissance de la pomme de terre
Source : OverBlog
Pour la pomme de terre, la maturité est
également visible sur la partie superficielle ; la plante. En effet,
comme visible sur l'illustration ci-dessus, lorsque les tubercules arrivent
à maturité, les feuilles, les fleurs et les tiges de la plante
jaunissent, s'assèchent et tombent vers le sol. La récolte est
alors possible.
La récolte
En zone ON, notamment dans la zone de Niono, les
récoltes se font manuellement. C'est une étape importante dans le
processus de commercialisation, car la durée de conservation du
tubercule sera déterminée par la qualité de la
récolte. En effet, une récolte précoce engendre des
difficultés de stockage. La période optimale correspond donc au
moment où les deux tiers des tiges (échalote) ou des feuilles de
la plante (pomme de terre) sont arrivés à maturité
(jaunes, et tombantes) ; une conservation plus longue devient possible. Outre
ce paramètre de maturité, les bulbes et les tubercules doivent
être soigneusement récoltés afin d'éviter de les
endommager, source d'introduction de bactéries. Car Lorsque le processus
de pourrissement débute sur un bulbe ou sur un tubercule, la
contamination est immédiate si un tri n'est pas réalisé.
Ce n'est par ailleurs pas l'unique paramètre à prendre en compte
pour la bonne conservation. Les bulbes et les tubercules doivent aussi
être conservés à l'abri de l'humidité, vectrice de
pourrissement.
56
II. Le maraichage source de
richesse
pour les exploitants ?
En 2018, l'alimentation qualitative est la
préoccupation majeure de nos sociétés occidentales. Elle
doit être produite dans un environnement propice à son
développement, mais aussi respectueux de notre environnement, afin de
permettre aux générations à venir de répondre
à leur propre demande. Elle se justifie par un contexte
d'épuisement des ressources naturelles et de changements climatiques,
dont les causes incombent très généralement à
l'activité anthropique. En ce sens, les partenaires au
développement, très généralement occidentaux,
soutiennent fortement les activités durables dans les pays du sud. C'est
le cas du maraichage au Mali. Depuis les années 1980, les projets comme
Rétail on ARPON ont réellement soutenu cette production
commerciale de fruits et légumes, en raison des nombreux atouts qu'elle
procure. C'est une activité encouragée également par les
politiques agricoles du pays (LOA, 2006) et par l'ON, dans un souci de
diversification agricole, mais aussi de justice sociale. En effet, la LOA est
la ligne directrice que tentent de suivre les décisions du gouvernement,
pour respecter les engagements pris lors des sommets sur les questions
alimentaires, ou encore climatiques, mais aussi et surtout pour répondre
aux nombreux défis alimentaire auxquels le pays est confronté.
C'est pour cela que le maraichage est mis en valeur depuis le début des
années 1980. Cette activité est souvent présentée
comme le secteur d'avenir de la zone ON, pour l'amélioration des revenus
des exploitants, ce pour de multiples raisons.
1. Le maraichage une activité auxiliaire
pour les ménages
II.1.1. Le maraichage, activité relais de la
riziculture.
S'il est vrai que l'ON est une zone rizicole et que les
revenus de ses exploitants reposaient essentiellement sur cette
activité, le maraichage est sans conteste d'une grande importance
aujourd'hui. En effet, selon nos études sur le terrain, dans les trois
villages de la zone de Niono, le maraichage représentait au minimum 50 %
des
57
revenus des ménages lors de la campagne 2017-2018,
contre 30 % en 1993 (MOLLE,1993) et 37 % en 1997 (URDOC, 1996). En ce sens, il
contribue de moitié aux revenus des ménages de ses exploitants et
assure donc une part importante, si ce n'est la part principale de leurs
revenus. Ainsi, depuis la restructuration, le maraichage constitue avec la
riziculture les deux activités dominantes dans la zone ON. Il permet la
diversification des activités des exploitants, mais aussi des sources de
revenus, minimisant ainsi les risque d'une monoculture annuelle. Pour un pays
sujet à des sècheresses répétées et des
irrégularités pluviométriques, cette solution n'est point
négligeable.
Outre cela, cette diversification prend racine à
présent dans le déclin de la riziculture.
II.1.1.a. Le déclin de la riziculture : «
Une révolution verte en panne »22
Depuis la modernisation de la riziculture en zone ON dans les
années 1980, les choses ont bien changé. Les rendements sont
élevés, atteignant huit tonnes à l'hectare pour les zones
aménagées. C'est le reflet net du changement des techniques, qui
ont permis de passer d'une agriculture de subsidence (moins d'une tonne/ha)
à des rendements élevés. On est passé d'une
production de riz annuelle de 60 000 tonnes en 1980 à près de 700
000 tonnes aujourd'hui. Le pack technologique de la révolution verte est
mobilisé, notamment les semences améliorées comme le
fameux Gambiaka (Kogono 91-1), le Adny 11, les engrais, les produits
phytosanitaires, mais aussi l'irrigation.
En réalité, cela ne suffit aucunement aux
exploitants pour répondre à leurs besoins, ce pour plusieurs
raisons.
D'une part, la taille des parcelles est en deçà
du seuil de viabilité économique23. Ceci constitue un
véritable frein pour le développement et le bon fonctionnement de
cette production moderne. D'autre part, les coûts de production ont
explosé suite à cette modernisation. Les semences
améliorées ont la caractéristique principale d'être
vulnérables ; elles permettent d'augmenter la production, mais doivent
nécessairement être accompagnées d'utilisation de produits
phytosanitaires et des engrais. Mais faute de moyens, les doses
recommandées ne sont pas respectées.
22 Florence Brondeau, « Agro-business et
développement dans la région de l'Office du Niger (Mali) »,
Insaniyat / 51-52 | 2011, 119-134.
23 Seuil de viabilité économique est égal
à 3 hectares pour les cultures céréalières.
58
Même subventionnées, leur prix demeure
élevé pour ces exploitants, qui s'endettent. (Brondeau, 2011).
Finalement, même si les productions ont été
multipliées, les coûts de production élevés ne
permettent pas de dégager des bénéfices suffisants pour
répondre à l'ensemble de leurs besoins. Ainsi, même si le
riz est la culture dominante en période hivernale, une activité
complémentaire est nécessaire. Le maraichage prend donc le relais
en contre-saison. Depuis 1997, la culture maraichère domine le paysage
de l'ON en contre-saison. Ce processus est en forte progression grâce au
soutien de l'ON, des partenaires au développement et de
différentes structures étatiques (baisse des redevances eau,
recherche et développement, etc.).
Il suit l'activité rizicole dans la zone, du 15 octobre
au 25 mai (calendrier rizicole de l'ON).
II.1.1.b. Les atouts mutuels de cette alternance
riziculture-maraichage
Lors des enquêtes de terrain, sur l'échantillon
sondé, seuls 6 % avaient uniquement cultivé en maraichage lors de
la campagne 2016-2017. Cela tient au fait qu'ils ne disposaient pas de terres
pour pratiquer leur riziculture en hivernage. Et la location n'étant pas
possible, faute de disponibilité. Par ailleurs, 94 % pratiquaient
d'autres activités rémunératrices, le maraichage
n'étant alors la source que d'une partie de leurs revenus.
Source : D'après les questionnaires d'enquêtes
Parmi ces personnes menant d'autres activités, il
s'agissait pour 96 % d'entre eux de la riziculture, notamment durant
l'hivernage, pour de multiples raisons.
59
D'une part, avec le déclin de la culture de riz, les
revenus deviennent insuffisants pour répondre à l'ensemble des
besoins essentiels des ménages.
Des produits comme l'échalote sont fortement produites
du fait de leur commercialisation plus simple. C'est une spéculation
très demandée, car tout comme la tomate, elle constitue la base
de toutes les « sauces » maliennes. Il en va de même pour les
pays de la sous région. En effet, bon nombre de ces pays
s'approvisionnent en échalotes au Mali. Près de 10 000 tonnes
sont exportées vers la sous-région, notamment vers la
Guinée et la Cote d'ivoire24. Ainsi les revenus obtenus de
cette activité permettent de financer les dépenses du
ménage. La production d'échalotes représente donc une
véritable manne financière. La commercialisation de 216 140,24
tonnes (Campagne 2016-2017) correspond à une recette avoisinant les cinq
milliards de FCFA au minimum25 (Plus de 7,5 Millions d'euros).
D'autre part, du point de vue des rendements rizicole et
maraicher, cette alternance permet de les augmenter. Concernant les rendements
rizicoles, le sarclo-binage réalisé lors des entretiens des
spéculations maraichères, permet d'aérer le sol. Ensuite,
les apports en fumure organique, très utilisés en maraichage, ne
sont pas tous utilisés par les plants. Le restant est mobilisé et
profitable au riz en saison hivernale.
Pour le maraichage, la possibilité de réaliser
l'activité dans des casiers rizicoles permet d'augmenter les superficies
et ainsi les volumes de productions.
C'est donc une activité complémentaire à
la riziculture. Le maraichage comme activité principale durant toute
l'année est aujourd'hui insuffisant pour répondre aux besoins des
exploitants, tout comme la riziculture. Mais au-delà de cela,
l'amélioration des revenus passe par d'autres activités. Ainsi,
lors des enquêtes de terrain, 26 % des personnes sondées
pratiquaient aussi le commerce. Celui-ci prend généralement la
forme d'un commerce intermédiaire, entre le commerçant grossiste
de la grande ville et les exploitants du village (Ghazi, 1992). Ces derniers,
par ce rôle d'intermédiaire, obtiennent un certain pourcentage,
soit 5 FCFA par kilogramme d'échalotes vendu par exemple. Enfin, 6 %
exercent d'autres activités rémunératrices comme la
menuiserie, la mécanique ou l'exode rural périodique vers les
grandes villes.
24 PAFA « Plan de mise en oeuvre » 2008
25 La vente échelonnée et la fluctuation des prix,
empêchent d'avoir des chiffres exacts.
60
Par conséquent le maraichage est certes une
activité généralement auxiliaire à la riziculture,
mais pas uniquement. Il est pratiqué comme complément à
d'autres activités.
II.1.2. Utilité du maraichage pour les
exploitants
Secteurs de dépenses des revenus issus du
maraichage
80%
40%
20%
0%
100%
60%
Source : D'après les questionnaires d'enquêtes
L'utilité de cette activité est
irréfutable pour répondre aux besoins essentiels du foyer. Les
revenus générés par la production de spéculations
maraichères servent généralement à se nourrir. De
fait, 85 % des personnes interrogées affirment les dépenser pour
se nourrir, principalement pour acheter des condiments pour lesquels elles ne
sont pas autosuffisantes (huile, épices nécessaires pour leurs
sauces...). La commercialisation de ces cultures maraichères pousse de
plus en plus les exploitants à se spécialiser dans deux ou trois
spéculations. Ceci les oblige à s'acquitter du restant
auprès d'autres exploitants, de commerçants ou sur les
marchés.
L'éducation constitue ensuite le second secteur de
dépense. Du fait des politiques incitatrices à l'éducation
des enfants, le milieu rural s'insère de plus en plus dans
l'alphabétisation des jeunes, notamment avec le développement de
l'enseignement
primaire et secondaire. À partir des questionnaires
transmis aux maraichers, sur les cinquante trois personnes interrogées,
nous avons comptabilisé 274 enfants, dont 51 % sont scolarisés,
souvent à l'école coranique du village ou à l'école
construite par les villageois. Dans le village de Bagadadji km36 par exemple,
la présence d'une école résulte d'un investissement de la
part des exploitants : leurs revenus tirés de la riziculture et du
maraichage ont permis la création de cette école primaire. Le
salaire des professeurs était à l'origine entièrement
financé par les villageois. Aujourd'hui, ils contribuent toujours
à hauteur de 50 % au payement des professeurs, à travers les
frais de scolarité des enfants (500 FCFA, soit moins d'un euro par mois)
et à l'agrandissement de l'école (collège en
construction). Le reste est à la charge de l'État.
Ainsi, le maraichage permet à ses exploitants de
financer l'école de leurs enfants, essentielle à leurs yeux.
Les revenus tirés du maraichage servent
également à payer les engrais pour la riziculture mais aussi
à rembourser les dettes engendrées par son cout de production, et
à acheter du matériel agricole (Maïga, 2013). En ce sens, 57
% des maraichers dépensent pour préparer la campagne rizicole
à venir.
Les revenus servent en outre à payer aussi les factures
(redevances en eau à l'ON, ou l'électricité), à se
vêtir également (40 %) améliorer le confort du foyer (30
%), à investir, notamment dans un cheptel (19 %) confié aux Peuls
du village26, à acheter les engrais et des semences de la
campagne maraichère prochaine (6 %) ou à financer des
évènements sociaux comme les mariages, les baptêmes, les
tontines des femmes (4 %).
61
26 Cours de F, Brondeau 25 septembre 2017.
62
2. Une activité gage de justice sociale
et d'équité en genre et en âge.
L'intérêt porté à partir des
années 1980 au maraichage au Mali tient principalement à son
caractère antidiscriminatoire (Jamin, 1989) dans ces
sociétés traditionnelles. Cette idée a largement
été véhiculée. Traditionnellement, le maraichage
est une activité réservée aux personnes dépendant
du chef de famille, notamment les femmes et les jeunes (Pasquier, 1996). Ainsi
les institutions encouragent et mènent une discrimination positive en
faveur des femmes et des jeunes (LOA, 2006)27, pour l'accès
aux terres, ou encore au matériel agricole
II.2.1 Les femmes, principales actrices dans cette
activité. II.2.1.a La femme : la mère
nourricière.
Au Mali, un adage dit que« Si l'enfant dit qu'il est
rassasié, c'est que c'est sa mère qui l'a nourri » ; il
reflète la place de la femme dans l'alimentation d'un foyer malien. Elle
a à sa charge la préparation et la diversification de la
nourriture.
Un plat est généralement constitué de
céréales (mil ou riz), accompagnées d'une sauce
composée de légumes, avec du poisson ou de la viande.
Ainsi, la femme est irréfutablement le centre de
gravité dans l'alimentation de la famille, notamment en période
de soudure. Elle est la source, grâce à son revenu, des achats
alimentaires du ménage en période de crise, et assure la
subsidence du ménage (Lalande, 1989). Elle s'émancipe
progressivement grâce à ses activités.
II.2.1.b Les sources de revenus des femmes
Quelles sont les véritables sources de revenus
individuels de la femme ?
On peut distinguer deux sources de revenus.
D'une part, le revenu est généré par
l'activité familiale. La riziculture permet aux femmes du
ménage de se constituer un revenu individuel, à travers les
activités de rebattage et de glanage. Ces deux étapes consistent
respectivement à récupérer les épis ou les grains
laissés par la batteuse et à les récupérer dans les
champs. Ainsi,
27 Notamment selon l'article 45, 46, mais aussi 83.
63
le paddy récupéré leur revient. À
la fin de la récolte, elles peuvent également recevoir des
cadeaux. Ils ne sont pas obligatoires et dépendent du bon vouloir du
chef d'exploitation ; il peut s'agir de cadeaux en nature ou de
rémunérations directes (Lalande 1989).
D'autre part, elles peuvent se constituer un budget individuel
de manière plus autonome, notamment à travers la manne
salariale. En effet, en zone ON, le repiquage est « l'affaire des
femmes ». Elles se regroupent très généralement pour
réaliser les étapes d'arasage des plants de la
pépinière, le transport des plants de la pépinière
au champ et enfin le repiquage dans les champs. Elles gagnent donc un salaire.
Le rabattage et le glanage sont aussi réalisés en dehors de la
sphère familiale et sont source de revenus autonomes. Outre la
riziculture, elles sont souvent commerçantes. Elles vendent les produits
qu'elles transforment elles mêmes, comme l'échalote
séchée, le soumabala 28 , la pate d'arachide. Elles
revendent parfois dans le village des produits achetés en gros à
Niono. Enfin, le maraichage est véritablement l'activité
génératrice d'un revenu individuel pour la femme, au point
d'être présentée en zone ON comme une activité de
genre, très pratiquée par les femmes, qui en font une
activité professionnelle et complémentaire contribuant au revenu
du ménage (A. Touré, S. Zanen, N. Koné, 1997).
II.2.1.c Le maraichage, véritable levier
économique pour les femmes
C'est en cela que le maraichage devient un véritable
enjeu pour les femmes. Il représenterait « la première
ressource de revenu pour les femmes en zone Office du Niger » (Maïga,
2013). Le caractère plus individuel de l'activité permet à
ces femmes d'acquérir une certaine indépendance vis-à-vis
du chef de famille, qui est généralement producteur de riz, en
commercialisant une partie de leur production, la seconde partie servant pour
l'autoconsommation du ménage. La femme complète le « prix de
condiment » donné par l'homme et diversifie l'alimentation de la
famille du point de vue nutritionnel, avec l'ajout par exemple de la pomme de
terre. Celle-ci rentre progressivement dans les habitudes culinaires
maliennes.
Ainsi, ces femmes sont soutenues pour pouvoir elles aussi
devenir des actrices bénéficiaires du développement et
jouir d'une certaine liberté. Les partenaires du développement
ainsi que les politiques agricoles mènent des actions de
28 Épice à forte odeur. Issues des graines de
l'arbre néré
64
discrimination positive envers les femmes. La loi
d'orientation agricole témoigne de la volonté de l'État
malien de faire de cette activité un moyen de favoriser
l'égalité entre hommes et femmes. Ceci est favorisé par le
développement des coopératives dans ces villages de la zone de
Niono. Faire partie d'un groupement leur offre une visibilité, leur
permettant de bénéficier d'aides liées à leur
activité, à l'image de la coopérative de Djicorobougou
(Koulambawere).
Les femmes de cette coopérative sont aujourd'hui
célèbres dans le monde paysan malien. Si l'on envisage la culture
de pomme de terre notamment en zone ON, on pense forcément à ces
femmes. Grâce aux nombreuses formations qu'elles ont reçues, elles
sont devenues des références en la matière. « La
culture de pommes de terre est la spéculation qui nous a permis
d'évoluer, d'améliorer notre quotidien. Certaines ont pu se payer
des motos, d'autres sont parvenues à se payer des terrains, ou comme moi
d'améliorer le confort de mon foyer grâce à cette
spéculation », indique Assa Diarra, présidente de la
coopérative des femmes de Djicorobougou. En effet, cette
coopérative, à partir des enquêtes de terrain, a
réalisé une production d'environ 1,8 tonne de pomme de terre sur
des superficies variant de 0,5 à 0,1 hectare durant la campagne
maraichère 2016-2017. Un tonnage qui leur procure des
bénéfices moyens de 430 000 FCFA (656 euros), pour la production
de 1,8 tonne de pommes de terre. Celle-ci n'est d'ailleurs pas l'unique
spéculation produite. L'échalote, la tomate, l'ail, le gombo sont
également cultivés, ce qui représente pour ces femmes
rurales une somme conséquente.
Par ailleurs, ces chiffres ne prétendent pas être
objectifs ; ils résultent de l'affirmation des exploitantes, qui donnent
des chiffres approximatifs et selon leur convenance. Une fourchette valable
également pour l'échalote. Largement produite par les femmes, il
faut en soustraire les cadeaux, et la part réservée à
l'autoconsommation, ce qui ne leur permet pas de connaître leur gain
exact.
Elles pratiquent cette activité sur des sols maraichers
situés en zones réaménagées (Projet Rétail)
sur une base de 0,02 hectare par personne active du ménage (15 à
55 ans), qui est ensuite redistribuée entre les membres du ménage
par le chef d'exploitation, dans les casiers rizicoles (pour les parcelles de
type double culture), ou encore sur les « sols » maraichers. Cette
répartition des terres s'appuie sur une logique très
hiérarchique, priorisant le droit d'ainesse et le sexe masculin. Dans le
cas des grandes familles, souvent polygames, les personnes priorisées
sont les hommes, conscients de cette rente maraichère, ainsi que les
premières épouses et
65
les belles-mères encore en âge de travailler. Les
terres restantes, s'il y en a, sont reparties entre les plus jeunes du
ménage. (Lalande, 1989), obligeant ainsi ces femmes moins «
chanceuses » à louer des terres29 ou se faire
prêter des parcelles « gratuitement » par des membres du
village (Pasquier, 1996).
Cette activité relais contribue donc d'une part
à l'amélioration de la qualité alimentaire du
ménage à travers la femme, dont le but principal est de
diversifier l'apport en légumes (Lalande, 1996). D'autre part, elle
permet de compléter le prix de condiments et d'amoindrir une certaine
domination masculine tout en en devenant plus autonome. Les femmes peuvent
ainsi assumer leurs propres dépenses (vêtements,
évènements sociaux, etc.). À l'image de la
coopérative, elles prennent part aux prises de décisions du foyer
grâce à ces revenus.
II.2.2. Le maraichage, une source de revenus pour
les plus jeunes.
Cette fonction anti discriminatoire (Jamin, 1989) du
maraichage s'applique également pour les jeunes. Il est vrai que le
monde rural au Mali est très marqué par l'exode des jeunes vers
la capitale ou vers les chefs lieux régionaux, pour y travailler durant
la période sèche. Ils reviennent au village en hiver, pratiquer
leur agriculture pluviale. C'est le cas de la région de Sikasso.
La culture de rente qu'est le coton implique une main-d'oeuvre
importante ; elle est pratiquée par l'ensemble des membres actifs du
ménage. Elle est donc collective, au même titre que la riziculture
pratiquée à l'ON.
Après cette agriculture hivernale, le manque de moyens
d'irrigation rend difficile la pratique de l'agriculture irriguée
(Koné, 2002). En l'absence de possibilité d'activités
complémentaires dans le village, les jeunes, filles comme
garçons, se rendent en ville pour souvent travailler dans le «
secteur tertiaire » informel du pays.
Ils sont souvent embauchés comme domestiques chez les
citadins. Les filles peuvent alors se constituer elles-mêmes leur
trousseau de fille « Kognon minai », incontournable pour le mariage.
Un migration rurale, qui certainement est le reflet de la destruction du socle
social avec la monétarisation et la spécialisation des cultures
de rente. Il est difficile pour la famille d'acheter le trousseau de
mariée. Déjà, elles répondent aux besoins
essentiels du ménage, véritable défi au quotidien.
29 Procédé, qui théoriquement est
formellement interdit par l'ON. Mais, dans les faits est très
répondu dans ces villages de l'ON.
66
Les garçons peuvent, eux, acquérir un
début d'indépendance vis-à-vis du chef d'exploitation.
Cela représente probablement le « job d'été »
des jeunes ruraux du Mali.
Par ailleurs, l'abondance en eau de la zone ON toute
l'année permet d'autres alternatives. De plus en plus, les
périodes s'inversent.
Les jeunes se rendent en ville en période hivernale,
afin de revenir en période sèche, pratiquer le maraichage.
D'une part, cela est lié à la demande forte en
main-d'oeuvre en ville. La majorité des ruraux reviennent dans leurs
villages en hivernage, ainsi, les migrants de l'ON peuvent
bénéficier de nombreuses offres de travail.
D'autre part, la riziculture est collective ; le gérant
et bénéficiaire principal des revenus rizicoles est le chef
d'exploitation. C'est différent pour le maraichage : « En
effet, la culture individuelle permise en maraîchage (à la
différence de la riziculture) permet aux dépendants
d'acquérir un revenu personnel et donc une indépendance
financière vis-à-vis du chef d'exploitation ».
(Pasquier, 1996). Car le maraichage dans cette zone de l'ON est pratiqué
dans les casiers rizicoles, ou sur les sols maraichers du chef d'exploitation.
Ce dernier distribue à chaque membre de la famille un lopin de terre,
sur lequel il mène une culture de spéculation de son choix. Pour
des jeunes non mariés, sans enfants et non prioritaire lors du partage
des terres maraichers, cela représente un gain individuel plus
conséquent que la pratique de la riziculture.
C'est en outre un facteur limitant l'exode des jeunes vers les
villes. Le maraichage, source de revenus (Maïga, 2013), leur permet de
rester au sein du village en période sèche, et en hivernage de
pratiquer la riziculture avec le reste des membres actifs du ménage. Il
faut toutefois noter que l'exode rural est encore très marqué
dans ces villages maliens. Les ménages se vident toujours de leur bras
valides, pour ainsi remplir les rangs de nombreux citadins. Le processus est
toujours en marche, ce malgré les nombreuses contraintes existant dans
les villes (Bastin, Fromageot, 2007).
67
3 Dans un contexte d'urbanisation galopante, le
maraichage, perçu comme l'aboutissement de l'inéluctable
changement des régimes alimentaires.
II.3.1 L'urbanisation galopante et l'exode rural :
une réalité
S'il est vrai que l'ensemble dans lequel se trouve le Mali,
à savoir l'Afrique subsaharienne, est le continent le moins urbain au
monde, il n'empêche qu'il est sujet au processus d'urbanisation, de plus
en plus rapide. En effet de 1950 à 2000, le nombre de citadins a
été multiplié par 16 en Afrique, alors que sur une
échelle mondiale, il a été multiplié par 5. Ainsi,
le Mali ne cesse de voir ses villes se densifier et s'étaler. Le secteur
tertiaire devient le second secteur porteur de l'économie malienne, avec
38,08 % du PIB en 2014. Il est dominé par « les branches "commerce"
et "administrations publiques", qui représentent près de 50 % de
la valeur ajoutée du secteur » (INSTAT, 2015).
II.3.1.a Présentation générale du
tissu urbain malien.
Le Mali compte en 2009 75 villes, où résident 39 %
de la population en 2009, contre 17 % en 1976 (INSTAT Mali, 2009). La
moitié des citadins vivent dans la capitale malienne, Bamako, qui est 13
fois plus peuplée que la seconde ville la plus peuplée du pays :
Ségou, chef lieu de la région de Ségou.
Bamako est la première destination des migrants internes.
En 2009, 61 % de ces migrants internes ont choisi comme destination la capitale
; 42,6 % des Bamakois n'y sont pas nés. C'est le reflet certain de sa
primatialité, de sa centralité et de son attractivité dans
le pays.
Outre ce maillage centralisé sur Bamako, les autres villes
sont situées dans le sud du pays, notamment dans les régions
fortement agricoles. « Dans les zones à la fois productrices de
coton et de riz et tout au long des fleuves Niger et Sénégal
(...) Cette répartition spatiale semble conforme à l'idée
que les villes sont prioritairement des centres économiques, dont
l'essentiel des activités serait lié aux besoins des
activités agricoles environnantes » 30.
30 « Urbanisation et croissance dans les villes du Mali
» Sandrine MESPLE-SOMPS, Harris SELOD, Gilles SPIELVOGEL, Brian
BLANKESPOOR, IRD
68
Ainsi, ces villes sont surtout les lieux d'échanges entre
les ruraux et les citadins : d'un côté, les fournisseurs de «
nourriture » et de l'autre, les acheteurs des productions, mais aussi les
fournisseurs de biens de consommation.
II.3.1.b l'urbanisation malienne
déséquilibrée
La spécificité de l'urbanisation des pays d'Afrique
noire tient à leur développement urbain, sans accompagnement d'un
développement économique. La croissance démographique des
villes est plus rapide que la croissance économique. Le marché de
l'emploi ne permet pas d'offrir à tous du travail.
Notons que cela n'enraie pas la migration vers les villes. La
situation en milieu rural est telle que la migration est nécessaire,
dans la quête d'une activité complémentaire à
l'agriculture, ou l'abandon du secteur agricole. Ainsi, aujourd'hui on fait
face à une « Démotivation des producteurs avec l'abandon de
près de 30 % des superficies » (Bamoye Keita, 2017). L'urbanisation
galopante semble encore avoir de belles années devant elle. Car en
absence, d'offre d'emploi, on a le développement important du secteur
informel, qui permet à ces citadins pauvres de répondre à
leurs besoins élémentaires. Au Mali, le secteur informel
contribuerait à 55 % du PIB et « représenterait 66 % du
secteur tertiaire » (INSTAT, 2015).
Aussi l'urbanisation est déséquilibrée.
Comme le présente S. Brunel, passer d'un quartier à un autre en
Afrique, c'est comme si l'on changeait de monde, au vu des différences
importantes de niveau de vie. Avec d'un côté des citadins qui
jouissent des effets positifs du développement et vivent
confortablement, possèdent les quatre V de S. Brunel (2014) à
savoir la Villa, la Voiture, le Verger et les Vacances.
De l'autre, on trouve ces ruraux, si nombreux, qui vivent dans
des conditions d'insalubrité sans précédent, dans des
quartiers où les infrastructures n'ont pas suivi le développement
de la ville. À l'image des quartiers, spontanément
créés par les ruraux, comme le Sans Fil à Bamako (Banque
Mondiale, 2017). Ces derniers, provenant essentiellement des zones rurales,
vivent de manière permanente ou périodique en ville, connaissent
un changement dans leur mode de vie. Notamment dans leurs habitudes
alimentaires.
69
II.3.2 Un développement urbain, source de
changement des régimes alimentaires
II.3.2.a Un changement de vision
« Aw broussi kono na mogow, aw be djoro ni konobara
falé yé ka té mai balo nafa
kan »
Cette citation signifie que « Le Malien rural cherche
aujourd'hui à nourrir son ventre plutôt que son corps ».
C'est ce que nous dit « De Gaulle » un maraicher rencontré
dans une pinasse sur le fleuve Niger.
Son constat à propos de la situation nutritionnelle des
ruraux du Mali est juste et simple.
Le « Dounka Fa » (Manger suffisamment, de
manière quantitative), est l'unique motivation des exploitants, tous les
matins. Pendant des années et encore aujourd'hui, il est monnaie
courante de manger le fameux « tô », ou riz, le matin et le
soir, ce des mois durant. La monotonie de leur alimentation est l'une des
causes des problèmes de malnutrition. L'aspect qualitatif, du point de
vue nutritionnel, est vu pour ces ruraux comme des considérations de
personnes dans le non besoin. Une perception qui, de fil en aiguille, se
révèle erronée pour les grandes villes comme Bamako ou
encore Ségou. Retrouver des cultures de légumes dans les zones
interstitielles de la ville prouve à quel point la motivation à
« manger de manière saine » se profile et la demande se fait
grandissante. Les bassins de production, souvent peu reliés à la
ville, peinent à y arriver.
La classe citadine, non agricole et de plus en plus instruite,
recherche la diversité de fruits et légumes.
Ainsi, comme Sylvie Brunel, dans son livre Plaidoyer pour nos
agricoles l'a si justement fait remarquer, une population qui s'enrichit
tend à « mettre du beurre dans ses épinards ». La
population malienne qui s'urbanise de plus en plus consomme donc de plus en
plus de légumes, ayant des répercutions sur les espaces ruraux.
Cela peut s'expliquer par différents facteurs.
Tout d'abord, aujourd'hui en ville, il est courant de trouver
dans les ménages des villes des jeunes filles rurales, venues en ville
pour être domestiques chez les citadins. Souvent, elles sont
chargées de cuisiner les repas selon les goûts et les indications
de leur « Patron ». Des patrons, relativement plus instruit sur
l'apport nutritionnel des aliments, par rapport aux ruraux. Ainsi, elles
apprennent, à préparer,
70
d'une façon nouvelle et comprennent « les besoins
nutritionnelles » d'un corps humain. Notamment avec l'apport en
légumes important dans les sauces qui accompagnent le riz. Une nouvelle
habitude qu'elles reproduisent dans la cuisine au village, une fois
rentrées.
Aussi, le développement du secteur agricole se traduit par
une volonté de proposer une agriculture diversifiée et intensive,
incitée par les pouvoirs publiques et les campagnes de sensibilisation.
On le voit avec l'introduction de la pomme de terre dans les
spéculations maraichères de l'ON. Ou encore, la consommation
« normalisée » du riz, qui autrefois était un repas de
fête : c'est devenu aujourd'hui un aliment du quotidien des citadins, qui
le consomment au moins une fois par jour pendant toute l'année et aussi
pour certains espaces ruraux.
Enfin, l'augmentation du nombre de personnes «
éduquées » et le développement du secteur tertiaire
en ville en défaveur du secteur agricole peut justifier aussi le
changement des habitudes alimentaires et la pression des milieux agricoles
à produire davantage.
II.3.2.c Une ville urbaine, non agricole, tournée
vers le secteur tertiaire. Répartition sectorielle des emplois
par lieu de résidence, 2009
Source : « Urbanisation et croissance dans les villes du
Mali » Sandrine MESPLE-SOMPS, Harris SELOD, Gilles SPIELVOGEL, Brian
BLANKESPOOR, IRD
71
Il apparaît que le secteur agricole ne représente
que 3,1 %31 des emplois en ville contrairement aux espaces ruraux.
Le commerce constitue le secteur le plus important : de 18,5 % à 32,2 %
des emplois sont dans ce secteur. Ensuite, les services sont les secondes
sources d'emplois.
Comme l'indique le diagramme suivant, les zones de moins de 5 000
habitants sont les espaces agricoles. Comme indiqué
précédemment, 85,7 % des emplois sont dans ce secteur. La
population mène majoritairement l'agriculture.
Par conséquent, hormis les bassins maraichers aux
alentours des villes, il est difficile de se fournir en fruits et
légumes. C'est le cas de l'échalote par exemple. Elle est
commercialisée certes vers les pays de la sous région, mais aussi
et surtout dans les grandes villes du pays. Un marché à Bamako
porte même le nom de la zone de Niono. Au « Niono sugu », on
peut trouver des échalotes arrivées par camions pour
approvisionner ces pôles de consommation.
31 Attention: Ce chiffre est officiel mais doit être pris
avec précaution, au vu de l'importance du secteur informel dans cette
activité dans les villes, dont les statistiques ne prennent pas compte.
La part paraît bien inférieure à la réalité.
Car l'agriculture étant souvent une activité
complémentaire pour les citadins, assure des revenus
supplémentaires pour les ménages et/ou un travail et aussi se
nourrir.
72
III. Le maraichage de la zone ON :
un
succès en demi-teinte.
Finalement, cette activité soutenue par les institutions
et les partenaires au développement, comme gage de
sécurité alimentaire, d'égalité entre les genres et
les âges et moins demandeuse en eau que le riz tient-elle toutes ses
promesses ? Dans cette partie, nous tenterons de montrer que cette
activité présente également des limites.
Aujourd'hui cette bouée de sauvetage à une
riziculture insuffisante pour aider les exploitants à sortir de la
pauvreté permet d'apporter de la valeur ajoutée au revenu du
ménage et de le compléter ; mais pour de multiples raisons, sa
pérennité et son développement sont freinés par de
nombreux paramètres.
D'une part, les champs consacrés au maraichage sont de
plus en plus petits, conséquence d'une pression foncière qui
conditionne souvent les performances de la production.
D'autre part, il fait face à des contraintes,
liées à la disponibilité en contre-saison de l'eau, mais
aussi l'accès limité en termes de quantité et en
qualité aux semences. Enfin après la production, un autre
défi émerge : celui de la commercialisation
désorganisée et peu rémunératrice, avec des prix
fluctuant et bas lors de périodes de surproduction. C'est le cas pour
l'échalote, dont la conservation difficile et la transformation encore
traditionnelle à faible valeur ajoutée mettent à mal le
développement. En ce sens, des défis restent à relever en
la matière pour un impact plus significatif du maraichage dans
l'amélioration des revenus des exploitants.
1. Une pression foncière croissante :
germe de la théorie malthusienne ?
La démographie galopante demeure une difficulté
lorsque la croissance économique ne l'accompagne pas.
Si le premier essai de Malthus sur le Principe de
population en 1798 est sujet à des controverses, il n'en est pas
moins entièrement faux. Des éléments du constat
reflètent une part de vérité.
73
En effet selon ce dernier, une croissance démographique
« si elle n'est pas freinée, la population s'accroit en progression
géométrique. Les subsidences ne s'accroissent qu'en progression
arithmétique » (Malthus, 1798, page 14) ; en d'autres termes, sans
politique nataliste pour la « freiner », naturellement la population
d'un pays croit plus vite que la production de richesse créée par
les hommes pour répondre à leur demande. Une affirmation qui met
en exergue la nécessité primordiale d'une intervention des
politiques, pour équilibrer ces deux composantes, intrinsèquement
liées. L'histoire a pu démontrer que le malthusianisme
démographique n'est pas forcément la solution, car le
progrès des techniques des hommes a permis de surpasser ce levier
malthusien à de nombreuses reprises. C'est le cas par exemple lors la
Révolution Verte amorcée en Asie au milieu du
XXème siècle, qui a su invalider les hypothèses
d'une future famine dans les années 1950. En ce sens, il parait flagrant
qu'au lieu de limiter la natalité, il faudrait plutôt permettre
une croissance démographique équilibrée à la
croissance de la production des ressources pour la subsidence des hommes.
De ce fait, cette assimilation au cas de l'ON a pour but de
démontrer que la croissance démographique ne va pas de pair avec
la croissance des performances des exploitants. La terre étant l'un des
facteurs de cette production, elle est l'une des causes de performances en
deçà du potentiel, et limite cette possibilité de
croissance de la production, notamment maraichère.
III.1.1. Description du foncier de l'ON.
III.1.1.a. Une gestion partenariale du foncier de l'ON.
Contrairement à des pays comme la France, la terre est
une « exception foncière au Mali » (Adamczewski, Tonneau,
Coulibaly, Jamin, 2013). Elle n'est pas du domaine privé. La terre
appartient à L'État malien et est immatriculée à
son nom.
Par ailleurs, dans le cadre de la décentralisation des
fonctions de l'État, la gestion des terres est
déléguée à d'autres acteurs, souvent locaux, telles
les collectivités territoriales32, ainsi qu'à l'ON,
dans le cadre d'un « développement économique et social
», conformément au décret N°2014-0896/P-RM de
gérance des terres du réseau hydraulique affecté à
l'ON et à la LOA de 2006.
32 Prend sa source dans la loi pour la libre administration des
collectivités territoriales de 1993, notamment pour le transfert des
compétences.
74
Ainsi la collectivité territoriale et l'ON sont des
acteurs partenariaux et se doivent de se concerter pour la gestion des terres
de l'ON, par le biais de leurs membres regroupés au sein d'une
même entité, le CPGT (Comité Partenarial
de Gestion des terres). Ce dernier attribue des terres aménagées
de l'ON suivant le schéma directeur de développement de la zone
ON. Il s'agit de parcelles agricoles mais aussi de terres d'habitation, selon
des contrats et des baux différents.
III.1.1.b. Typologie des types de contrats d'occupation
des terres.
Les terres de l'ON sont occupées suivant une logique
basée sur un « contrat annuel d'exploitation », un «
permis d'exploitation agricole », un « bail ordinaire » ou enfin
un « bail emphytéotique », dont les conditions d'attribution
sont définies par l'arrêté N°96-1695/DRE-SG du 30
Octobre 1996 du cahier des charges.
1. Pour le contrat annuel d'exploitation (CAE)
: l'attribution est annuelle et concerne des terres
aménagées ou réhabilitées pour une personne
à des fins agricoles. C'est un contrat qui est reconduit
systématiquement en cas d'absence de litiges. L'exploitant a comme
devoir la mise en valeur de la terre octroyée, le payement des
redevances en eau pour la saison hivernale et lors de la contre-saison (qui
servent à l'entretien du réseau hydraulique secondaire et au
fonctionnement de la structure qu'est l'ON). Il a également à sa
charge l'entretien du réseau tertiaire. S'il ne respecte pas ces
conditions, la terre peut lui être retirée.
2. Pour le permis d'exploitation (PE) : il
fait suite à un contrat annuel de trois ans minimum, sous réserve
de preuve d'une capacité d'intensification de l'activité
agricole. C'est un contrat à durée indéterminée,
avec la possibilité de transmettre les terres à ses proches, sous
condition du respect des cahiers des charges. Le payement de la redevance eau
et l'entretien du réseau hydraulique incombent également à
l'exploitant. Les terres sont aussi des parcelles aménagées ou
réhabilitées. Il est possible d'y réaliser des
constructions.
3. Pour le BAIL ordinaire : il concerne des
terres non aménagées à destination de personnes
privées. Il est valable sur une période de trente ans et peut
être
75
renouvelé de manière indéfinie. De plus,
les constructions et les aménagements effectués ne peuvent
être détruits en cas de résiliation.
4. Pour le bail emphytéotique : il
concerne des terres non aménagées, louées à une
entreprise dans le cadre d'une agro-industrie, ce pour une durée de 50
ans, renouvelable sous réserve de l'accord d'experts. La mise en valeur
des terres incombe au promoteur. Le bail peut être résilié
avant échéance si et seulement si la mise en valeur selon le
contrat n'est pas réalisée, les redevances en eau ne sont pas
payées, l'entretien des réseaux hydrauliques n'est pas
effectué ou encore pour des raisons d'utilité publique. Ces
terres sont souvent sujettes aux polémiques « d'accaparement des
terres agricoles ».
Ces contrats concernent l'ensemble des terres de l'ON.
III. 1.2. Une pression foncière
exercée sur le parcellaire
II.1.2.a. La pression des hommes sur la terre.
On pourrait penser, au vu de ces milliers de terres agricoles,
qu'elles suffisent aux populations. En réalité, il n'en est rien.
Les meilleures conditions existant dans cette zone par rapport au reste du pays
n'ont cessé d'attirer les populations. À cela s'ajoute un pays en
pleine transition démographique, où l'indice de
fécondité est de 6,1 enfants par femmes en 2015, contre 2,01 en
France. Le milieu rural étant une zone de forte natalité, le taux
de fécondité y est de 6,5 enfants par femme contre 5 en milieu
urbain.
Outre cela, le dérèglement climatique est source
de migrations internes33 ; les conflits qui ont
ébranlé le pays depuis 2012 ont entrainé une vague
importante de migrations vers le sud, venues s'ajouter aux migrants
économiques.
En ce sens, la zone ON doit faire face à une pression
grandissante. Sa population ne fait qu'augmenter : avec les nouveaux arrivants
et les familles qui s'agrandissent, l'aménagement des terres ne suit pas
la même cadence. Depuis la mise en culture de ce périmètre
irrigué en 1947 à l'achèvement du barrage de Markala,
seulement 14 % des objectifs d'aménagement et de mise en valeur ont
été réalisés. Or, ces
33 Rapport de la Banque mondiale, Se préparer aux
migrations climatiques internes.
76
exploitants familiaux, faute de moyens, ciblent les CAE
(Contrat Annuel d'Exploitation) et les PE (Permis d'Exploitation), qui
concernent des parcelles aménagées ou réhabilitées.
Ainsi, une pression sur le foncier se dessine. Par ailleurs, l'absence de
statistiques précises ne permet pas de chiffrer véritablement ce
constat. Cependant, entre 1973 et 1974, un colon de la zone de Niono disposait
en moyenne de 8,9 hectares (Morabito, 1977), contre des superficies moyennes de
moins de quatre hectares par colon aujourd'hui34. Ces nombres
rendent compte de la diminution des terres par exploitant.
Ce qui représente une véritable limite, car les
parcelles, dont la transmission est héréditaire, ne cessent de
diminuer, offrant moins d'espace disponible pour la réalisation de la
culture d'hivernage et de contre saison.
Prenons le cas d'un villageois. Bourama Coulibaly est un
riziculteur-maraicher du village de Bagadadji km36. Il est issu d'une famille
monogame, Minianka, originaire de San. La famille compte quatre garçons
et cinq filles.
Bourama cultive une parcelle familiale. Le champ appartient
à son père, toujours vivant. Ce dernier, arrivé d'un
village aux alentours de San au début des années 1980, a
demandé une terre à l'ON. Trois hectares lui ont
été octroyés. Aujourd'hui, le père âgé
est à la charge de ses fils (les filles étant mariées,
elles ont quitté la demeure familiale). Faute de terres disponibles,
deux des quatre frères ont déménagé, l'un dans leur
village d'origine et l'autre à Bamako. À présent, Bourama
et son grand frère sont les deux hommes de la famille à cultiver
leur terre.
Si la riziculture est collective et familiale, il n'en va pas
de même pour le maraichage, qui est individuel.
Lors de la campagne maraichère, la parcelle
maraichère située dans le casier rizicole est donc divisée
en huit. Elle est partagée entre le grand frère, les deux femmes
de ce dernier, Bourama, sa femme et trois proches de la famille sans terre,
dont deux jeunes orphelins et une voisine.
La parcelle est donc morcelée et les exploitants de ce
champ cultivent des parcelles beaucoup plus petites ; dégager un
excédent de production à destination de la commercialisation
devient plus difficile. L'activité semble progressivement tendre vers un
jardinage plutôt que du maraichage à visée commerciale.
34 Source provenant d'un article de geoconfluence en 2011
77
Ainsi, les femmes de ce ménage en situation de
vulnérabilité dans le foyer, comme dans de nombreux villages de
l'ON (Lalande, 1996), sont obligées de travailler comme
journalières dans d'autres exploitations, de louer et de se faire
prêter gracieusement des terres, ou encore de mener leur activité
dans des parcelles hors casier, non aménagées le long des canaux
d'irrigation. Cette dernière option implique souvent le
dédommagement du réseau, exacerbant alors le gaspillage
déjà très important de ce réseau, source de perte
par évaporation ou encore par infiltration (Brondeau, 2003).
III.1.2.b. Les bovins, une pression
supplémentaire
Outre la pression des hommes sur la terre, d'autres
problèmes émergent. D'une part, la zonalité du climat au
Mali oblige les pasteurs à suivre l'équateur
météorologique. Si traditionnellement, le circuit de transhumance
passe par des déplacements en saison des pluies dans le nord du pays
afin de faire paitre les animaux, en saison sèche la situation est
différente. Le manque de pluies et la quête de sources
pérennes en eau pousse les pasteurs à se rendre dans le sud du
pays. Toutefois, depuis quelques années, ce circuit fait l'objet de
modifications. L'irrégularité des pluies en est l'une des causes.
Les sècheresses sont de plus en plus récurrentes ; c'est encore
le cas cette année. La sècheresse dans le nord est cette
année comparable à celle de 1984 (Action contre la faim,
2018).
En raison de ces nouveaux paramètres, le nord se
retrouve confronté à un déficit de pâturage,
entrainant de ce fait des « mouvements anormaux » (RBM, 2018).
D'autre part, pour ces exploitants sudistes traditionnalistes
maliens, l'épargne consiste à acheter des bovins, qui constituent
par la suite un véritable patrimoine, en plus des boeufs de labour
qu'ils possèdent pour leurs travaux champêtres.
Faute de temps et de connaissances liées à cette
activité pastorale, ces bovins sont confiés à des pasteurs
peuls (Brondeau, 2006), chargés de leur entretien.
Ces derniers sont informés par les exploitants des
zones de pâture autorisées pour leurs animaux. Or, l'utilisation
importante de bois de chauffe entraîne la raréfaction du couvert
végétal (Brondeau, 2006). Les animaux restent donc plus longtemps
que prévu aux alentours des casiers, provoquant souvent des
dégradations, comme la
78
destruction par exemple des digues, le piétinement des
plantules... autant de sources de conflit entre les Peuls et les exploitants
des casiers et hors casiers.
Source : Drabo, A
Commentaire : Troupeau de vache
près d'un partiteur dans le village de Bagadadji km36.
Les animaux
s'abreuvent directement dans le canal, source de dégradation
des
infrastructures hydrauliques, 29 Mars 2018
S'ajoute à cela un cheptel qui ne cesse de s'accroitre
et la pression foncière, qui progressivement se fait sentir. Le
développement des cultures de contre saison rend l'accès aux
parcelles irriguées plus difficile (Brondeau, 2003). Or, les
aménagements « n'ont absolument pas été conçus
pour accueillir de telles charges de bétail È35. Ainsi
il est plutôt fréquent, dans les parcelles maraichères, de
trouver des exploitants ou des enfants chargés d'empêcher
l'irruption de bovins dans les parcelles. Ceci reflète la
différence d'objectifs, source de conflits entre ces deux professions.
L'un cherche à voir croitre ses plants, quand l'autre cherchant à
nourrir ses animaux.
35 Brondeau Florence. La gestion de l'eau à l'Office du
Niger : bilan, enjeux et perspectives (Water management in the Office of
Niger: assessment, stakes and perspectives). In: Bulletin de
l'Association de géographes français, 80e année,
2003-3 (septembre). Les territoires de l'eau, sous la direction de Jean-Paul
Bravard et Roland Pourtier. pp. 269-286.
79
2. Des contraintes face à l'accès
à l'eau, aux semences de qualité et en quantité, et aux
engrais.
100%
40%
80%
60%
20%
0%
Le principal défi du maraichage : La
Production
Djicorobougou Foabougou Bagadadji km36
Source : D'après les questionnaires d'enquêtes
Outre cette pression foncière, Il apparait lors de nos
enquêtes de terrain que la principale contrainte dans le maraichage,
notamment pour les cultures d'échalotes et de pommes de terre,
réside dans la production elle-même. Des difficultés
importantes existent dans l'accès à l'eau, aux semences en
quantité et de qualité et aux engrais, dont le prix est souvent
jugé élevé.
III. 2.1. L'eau, l'or bleu, de plus en plus rare
pour le maraichage.
III.2.1.a. Le manque d'eau, reflet des
conséquences des changements climatiques
Le déficit hydrique ne touche pas uniquement la zone
ON. Les pays du bassin versant du fleuve Niger sont confrontés à
cette carence pour leur activité agricole. Elle résulte des
changements climatiques (M'barré Coulibaly, 2018), une
réalité mondiale. Le cycle climatique est modifié, donnant
lieu à la multiplication d'aléas climatiques comme les typhons,
la fonte des glaces, la montée des eaux, mais aussi les
sécheresses répétées. Bien que la communauté
internationale s'alarme sur l'impact des hommes sur l'environnement depuis la
seconde moitié du XXème siècle, avec la
conférence de Stockholm des Nations Unis en 1972, le changement
80
climatique est toujours d'actualité. Les Sommets sur le
climat continuent de souligner l'impact des hommes sur
l'écosystème et la nécessité de changer les modes
de développement.
Ces dernières années, malgré la
présence de sources d'eau pérennes, le périmètre
deltaïque qu'est la zone ON souffre du manque d'eau dans le fleuve Niger.
À vue d'oeil, le niveau du fleuve reflète le peu de pluies
tombées lors de l'hivernage passé. Dés le mois de janvier,
il présentait dans la ville de Ségou un niveau d'eau similaire
à un niveau normal pour les mois d'avril-mai. Sur l'ensemble du
territoire, la production agricole cette année a d'ailleurs
été jugée moyenne, voire mauvaise36. La
mauvaise pluviométrie en était l'une des causes.
III.2.1.b. Un déficit hydrique, conditionnant la
pérénnité des activités maraichères
Cette carence est une véritable difficulté pour
l'activité de maraichage. Car, contrairement à l'irrigation pour
la riziculture, le maraichage nécessite une ponction plus importante sur
le débit du fleuve, du fait de sa pratique en période
d'étiage du fleuve. En effet, en période de crue, la ponction
représente en moyenne 6 % du débit du fleuve, contre plus de 50 %
en période d'étiage (M'Baré Coulibaly, 2018). En
année décennale sèche, la ponction faite pour l'irrigation
représente 4 % du débit du fleuve en période de crue ;
pour la période d'étiage, elle représente la « quasi
totalité du débit » (Brondeau, 2003).
Les villageois de la zone ON, notamment ceux de Niono
affirmaient lors de nos enquêtes n'avoir pas assisté à un
tel déficit hydrique depuis le début des années 1980.
À la question « Quelle est la principale difficulté dans
l'activité maraichère ? », la production a été
leur principale réponse, avec l'accès à l'eau pour
l'arrosage. En effet, la faiblesse des précipitations au Mali n'a
cessé de mettre en péril les productions maraichères. Car
le fleuve Niger n'a que peu d'eau à offrir à ces exploitants de
l'ON, parmi lesquels figurent ceux de Niono. À Djicorobougou par
exemple, 100 % des personnes interrogées évoquent la
difficulté d'arroser leur parcelle. Les arroseurs disposent de moins
d'eau, et les rigoles, ne pouvant être remplies, sont souvent
sèches.
36 Journal Le républicain en avril 2018.
81
Parcelle dans le village de Bagadadji km 36, le 29 Mars 2018
Source : Drabo, A
Commentaire : Une parcelle de Bagadadji km36 n'ayant
bénéficié que de peu d'eau,
ce qui a entrainé
une interruption de la croissance des plantules.
La photographie de gauche sur le montage ci-dessus montre que
la parcelle d'échalotes (à droite de l'image) a vu sa croissance
s'arrêter par manque d'eau, bien qu'elle soit située à une
trentaine de mètres d'un arroseur à Bagadadji km 36, où 45
% des individus interrogés indiquent que la principale contrainte au
maraichage tient à sa production, notamment au manque d'eau.
Par conséquent, des parcelles qui devaient être
arrosées une à deux fois par semaine ne pouvaient l'être
qu'une à deux fois toutes les deux semaines.
Ce manque de pluies cause de véritable pertes. Les
semences et les engrais utilisés sont perdus ainsi que le temps de
travail fourni.
En ce sens, la seule alternative a été de faire
appel à des motopompes, pour drainer l'eau jusqu'à la parcelle.
Cela implique un coût important. Une motopompe est chère (plus de
200 000 FCFA soit 300 euros) et necessite du carburant, un coût
suplémentaire.
Par ailleurs, la production des cultures maraichères
implique aussi d'autres complications, notamment l'accès aux
semences.
82
III.2. 2 Accès limité aux semences
III.2.2.a. Le défi de l'accès aux
semences de pommes de terre
L'accès aux semences est difficile. Cela est
particulièrement vrai pour la pomme de terre. C'est d'ailleurs l'une des
raisons de la faiblesse de sa production en zone ON. Le pouvoir d'achat pour
les semences conditionne souvent le type de spéculation produite. Il
s'agit d'un paramètre important, à prendre en compte pour la
production. Or, les semences de pommes de terre cultivées en zone ON
sont majoritairement achetées auprès de commerçants venant
de Sikasso. Lors des sondages réalisés auprès des
exploitants dans la zone de Niono, dans les trois villages concernés, 19
des 53 personnes sondées produisaient de la pomme de terre. Par
ailleurs, 100 % des producteurs de pomme de terre déclaraient avoir
acheté les semences de pommes de terre auprès de
commerçants de Sikasso. C'est le cas par exemple de la
coopérative de femmes de Djicorobougou. Ces dernières, par le
biais de prêts auprès de la BNDA, achètent des semences
provenant de Sikasso, remboursées ensuite à la coopérative
puis à la banque une fois les productions écoulées. Mais
la véritable contrainte reste le prix des semences, à raison de 1
250 FCA (1,9 €) le kilogramme. À titre indicatif, pour cultiver un
hectare de pommes de terre, il est préconisé de semer 50
caisses37 de semences en zone ON, contre 40 caisses à Sikasso
(Bengaly, Ducrot, 1998). Ainsi, pour l'achat de semences de pommes de terre, un
exploitant devrait débourser 1 562 500 FCFA (2 382€). Une somme non
négligeable, pour des ruraux aux revenus modestes. Cette somme
s'explique par le monopole de commerçants semenciers dans cette zone. La
politique d'indépendance semencière ne fonctionne pas
véritablement.
III.2.2.b. Les tentatives d'indépendance
semencière en zone ON
Des tentatives ont été faites, comme le WAAPP,
qui résulte d'un partenariat entre l'ON et l'IPR/IFRA de Katibougou. Une
coopérative de producteurs de semences de pommes de terre a
été mise en place ; son président est Amadou Mariko. Le
but était de permettre à cette « nouvelle » zone
productrice de pommes de terre de s'affranchir de la dépendance en
semences vis-à-vis de Sikasso.
37 1 caisse = 25 kilogrammes
83
Ainsi, à partir de 2007, la Banque mondiale, par le
biais du WAAPP, finance la sélection de gènes et
l'amélioration d'une variété locale dans les laboratoires
de l'Institut Polytechnique Rural de Formation et de Recherche Appliquée
(IPR/IFRA) de Katibougou (Koulikoro), qui sont ensuite plantées sous des
serres afin d'aboutir à des plants de petites tailles (G0=
Génération 0).
Ensuite, ces générations 0 sont données
à des exploitants semenciers, regroupés en quatre
coopératives dans la zone ON (deux dans la zone de Niono, deux dans la
zone de Molodo). Ainsi, cette culture de la G0 donne la G1
(Génération 1), qui est ensuite rachetée par le WAAPP,
à 55 FCFA (0,08€) le tubercule. À raison de 16 tubercules en
moyenne par plant, et pour une planche de 10 mètres, on sème 100
plants pour les G1, ce qui représente 88 000 FCFA (134 €) de gain
pour une seule planche.
Ces G1, obtenues par le semis de la G0, sont ensuite
stockées dans des chambres froides pendant huit mois. Puis, le WAAPP
cède ces G1 aux exploitants producteurs de G2 à la campagne
suivante. Grâce à la culture de la G1, ils obtiennent la G2. Les
coopératives productrices de semences de la G2 sont au nombre de neuf,
regroupées à Djabali (Zone de Kouroumari).
Le cycle est le même pour la production de la G3,
réalisée par 80 coopératives38
dispatchées entre Sokolo, Niono, M'béwani, N'témou et
Hérémakono.
Enfin cette G3 est vendue au WAAPP à 600 FCFA (0,9
€) le kilo ; après l'avoir stocké huit mois en chambre
froide, il les vend aux producteurs de pommes de terre à 750 FCFA
(1,14€) pour la production de pommes de terre commerciales.
Les variétés concernées par ce programme
sont deux variétés améliorées : Spunta et Sahel.
Théoriquement, le projet était conçu pour
fonctionner de cette manière. Mais force est de constater que la
réalité est différente. Au départ, l'objectif
était de produire 750 tonnes de semences G3 par an. Un objectif qui n'a
bien évidemment pas été atteint. Cela résulte en
partie du manque d'infrastructures pour la conservation durant les huit mois
prévus entre les productions de génération 0 à la
semence commerciale.
Il était prévu que le WAAPP construise des
chambres froides pour la conservation des semences (G1, G2 et G3) avant leur
production l'année suivante. Une promesse non tenue. Ainsi, la
première année, les infrastructures pour la conservation
faisant
38 Onze au départ, à Sokolo, dans la zone de
Kouroumari. Ce qui ne suffisait pas.
84
défaut, les semences (G1) ont été
stockées à Katibougou (Koulikoro), où la capacité
des chambres froides n'était pas suffisante.
Conteneurs du WAAPP à
Niono
Source : Drabo, A (Mars 2018)
Commentaire : Les deux
conteneurs frigorifiques du WAAPP, prévus pour la
conservation des
semences (G1 et G2), avant leur mise en production. Ces
chambres sont
situées dans la ville même de Niono; l'entretien est à la
charge du
WAAPP.
Puis, l'année suivante, pour la conservation, des
conteneurs, d'une capacité de 40 tonnes, par chambres ont
été données par le WAPP. À leur tour, ils n'ont pas
suffi à stocker l'ensemble des G1, G2 et G3. Celles-ci ont alors
été envoyées à Bamako chez un privé,
propriétaires de chambres froides pour les tomates. Ceci aboutit au
pourrissement de l'ensemble de la production.
L'année dernière, une autre méthode a
été essayée. Un mois après les récoltes, les
trois chambres froides du PCDA à Niono (deux seulement étaient en
état de marche) leur ont été cédées. Cela
n'a pas constitué une véritable solution, car les chambres
froides leur ont été cédées bien trop tard. Des
tubercules avaient entamé leur
85
processus de pourrissement, processus qui se propage et
infecte les tubercules sains. Néanmoins toute la production n'a pas
été perdue.
Outre ce manque d'infrastructures mettant en péril
l'aboutissement de ce projet à la production de semences, la
durabilité du projet dans le temps est à mettre en avant. Comme
pour bon nombre de projets d'aide au développement, la présence
des partenaires au développement permet de maintenir à flot le
projet ; mais qu'advient-il à leur départ ? Même si ces
infrastructures sont mises en place par le WAAPP, les semenciers seraient-ils
encore capable de prendre en charge l'entretien et le payement des factures ?
La dépendance ne serait-elle pas un revers ? Encore un exemple parmi
tant d'autres, de projet viable uniquement par « perfusion » de
partenaire au développement.
À ce jour, le défi de la production de semence
demeure. Les pommes de terre produites en zone ON sont issues des semences
achetées aux commerçants
L'office a par ailleurs d'autres alternatives, pour favoriser
l'accès à des semences en quantité et de qualité,
ceci à moindre coût. Il reflète certainement
l'incapacité pour le moment des acteurs endogènes à mener
un tel projet. En ce sens, dans la dynamique de ce que certains appellent
« l'accaparement des terres agricoles », ou « land
grabbing », l'ON étudie le projet d'une entreprise
immobilière et agricole indienne, SNEGINDIA-SA. Déjà
présente dans la commune rurale de Mbane au nord ouest du
Sénégal, elle dispose d'un complexe agro-industriel de 1 500
hectares pour la production de pommes de terre mais également de
semences. Les techniques et les infrastructures agricoles y sont modernes et
permettent à l'entreprise de produire 5 000 tonnes de semences de pommes
de terre et 50 000 tonnes de pommes de terre pour la consommation, soit presque
le double de ce qui est produit dans toute la zone ON. Au vu des potentiels du
périmètre irrigué qu'est l'ON, la société
prévoit de venir s'y installer, et semble sur la bonne voie. Mais
à quel prix ? Certainement, aux prix d'une perte de souveraineté
alimentaire et à l'image des autres grands projets passés, comme
le projet Malibya ou celui de Tomota, des déplacements seront
nécessaires. Les exploitations familiales, bien peu performantes,
devront laisser place à cette entreprise moderne, disposant de plus de
moyens pour mener une agriculture intensive. Les producteurs devront se
contenter de compensations si tant est qu'elles leur soient distribuées,
et du travail salarial que l'entreprise leur apportera.
86
3. La conservation et la transformation : de
véritables défis à
relever.
Outre ce défi de la production pour ces deux
spéculations, la conservation et la transformation empêchent les
exploitants de jouir de prix suffisamment rémunérateurs pour leur
production. Aujourd'hui, les moyens relativement modestes ne permettent pas aux
producteurs de minimiser les taux de perte lors de la conservation de
l'échalote et de la pomme de terre. Ainsi, ils vendent souvent la
récolte à des prix très bas
III.3.2. La conservation : les méthodes de
conservation et leur situation dans la
zone ON
III.3.1.a. Les atouts de la conservation ;
Pour des spéculations maraichères telles que la
pomme de terre et l'échalote, la conservation permet aux paysans
d'augmenter leurs gains en les vendant à une période où
les prix sont les plus élevés, source d'une meilleure
rémunération. Cela permet aussi de conserver des bulbes, qui
serviront de semences lors de la campagne prochaine.
En effet, la commercialisation de l'échalote en zone de
Niono se fait de manière échelonnée. Une partie de la
production est vendue sans conservation, une partie est conservée. En ce
sens, lors de nos enquêtes, 100 % des personnes interrogées
avaient recours à la conservation pour l'échalote. Les
producteurs disposent de hangars ou de chambres de conservation à
destination du stockage. Pendant six à huit mois, les exploitants
stockent une partie de leur production qu'ils vendent au gré des besoins
de la famille. Ceci explique aussi la difficulté d'estimation par les
exploitants du bénéfice engendré par cette production.
Pour la pomme de terre, le cas est relativement
différent. La conservation de cette spéculation est peu
réalisée du fait d'un stockage non évident.
La pomme de terre doit être conservée dans un
espace frais, avec une température moyenne de 10°C, à l'abri
de l'humidité, aéré et sombre. La chaleur et
l'excès de lumière entrainent le verdissement de la pomme de
terre, signe de développement
87
du germe du tubercule. Elle est alors composée de
toxines, pouvant être source de maux de ventre. En ce sens, la
conservation pour l'échalote est plus répendue.
III.3.3.b Les cases de conservation traditionnelle
Traditionnellement, la conservation pour l'échalote de
Niono débute par le ressuyage des tubercules. Ce processus consiste
à laisser les bulbes à l'air libre, au soleil, pendant deux
à trois jours, afin de diminuer les risques d'humidité. Arrive
ensuite la phase de triage, afin de retirer les résidus de terres ainsi
que les bulbes non sains39, susceptibles de contaminer les bulbes
sains. La dernière phase de conservation est la mise en botte.
Botte d'échalote ; Botte d'échalote avant la
mise en conservation.
Source : Mémoire de Maïga (2013) à dans la
zone de Molodo
Comme le montre l'image ci-dessus, la botte est
attachée avec une tige d'échalote, puis rassemblée avec un
ensemble de bottes. L'exploitant peut donc les vendre en bottes à ceux
qui souhaitent conserver ou stocker leurs bottes, ou vendre ses
échalotes au détail. La conservation s'effectue dans un lieu
permettant de les protéger de la pluie et du soleil, tout en
étant aéré. La conservation de l'échalote (la pomme
de terre parfois) se fait majoritairement dans des cases dites traditionnelles,
dans la zone office du Niger. Pour l'échalote, des pièces de la
concession sont dédiées au stockage de la production. Ce sont
généralement des pièces constituées de murs et de
toits en terre, ou sous des hangars aménagés pour le stockage.
39 Car les bulbes non sains (blessées lors de la
récolte, ou en processus de pourrissement) contiennent des parasites.
88
Type de hangar de conservation pour l'échalote
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Hangar de conservation dans le Village de Bagadadji km36
Ce premier type de hangar est réalisé de
manière relativement sommaire. À partir d'un toit en plastique,
sécurisé par une couche de paille par-dessus, les façades
sont protégées en cas de pluies par des sacs de riz vides
(Photographie en bas à gauche de l'image). Ce hangar ne sert pas
uniquement à la conservation d'échalotes ; d'autres
spéculations telles que l'ail y sont entreposées. Le
problème majeur de ce type de hangar tient à la durée de
vie courte de la construction. Chaque année, l'exploitant est
obligé de changer les sacs servant de paravents à la pluie pour
les façades et de consolider les couches de paille sur le toit. La
photographie le reflète.
Type de hangar en toit de tôle
Source : Drabo, A (Avril 2018) Village de Foabougou
89
Ce second type de hangar traduit la situation
économique plus aisée de l'exploitant : le toit est en
tôle. Les façades sont réalisées à partir de
nattes en paille qui laissent l'air circuler, tout en protégeant la
production des animaux de la concession, de la pluie, mais aussi des
éventuels vols. Par ailleurs, même si ce toit en tôle est
une construction plus durable dans le temps et plus sûre en termes de
protection d'infiltration en eau, elle ne répond pas aux normes
d'isolement thermique. En période de chaleur, la température
chaude y est emmagasinée, entrainant des phénomènes
accélérés de pourriture de l'échalote.
Enfin pour ceux disposant de plus de moyens, la conservation
se fait dans une pièce, au sein de la famille, aménagée et
réservée à la conservation.
Pièce de conservation d'échalotes en terre
Village de Bagadadji km36
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Village de Foabougou
90
Ce type d'ouvrage pour la conservation d'échalote est
le plus abouti. En effet, la construction est réalisée à
partir de matériaux plus durables dans le temps. Le toit est en
plastique, puis est solidifié par de la paille. Les façades sont
construites à partir de briques de terre, permettant de mieux
protéger la spéculation en cas de pluie. Des ouvertures sont
réalisées afin de permettre la circulation de l'air. Sur la
seconde photographie, une porte en fer est également présente.
Mais ce type de construction représente un coût plus
élevé pour l'exploitant par rapport aux précédentes
constructions.
Disposition horizontale et verticale de l'échalote
Source : Centre international de conférence et de
formation « Evaluation de la diffusion des cases de conservation
d'échalote et de I'utilisation de la mercuriale des prix dans le Kala
Inferieur-Office du Niger », projet Rétail
91
De manière générale, la disposition de
l'échalote pour sa conservation est réalisée en
juxtaposant des planches de bois, de façon à obtenir un
quadrillage sur lequel l'échalote est disposé. Cela permet la
circulation de l'air sur la spéculation.
Toutefois, une telle conservation entraine de fortes pertes :
50 à 80 % de la production stockée est perdue.
Pour la pomme de terre, au vu de la difficulté de sa
conservation, son stockage n'est pas réellement développé
dans la région. En cas de conservation dans des pièces
similaires, elle subit au moins 50 % de pertes (CICF, 1997). Très
souvent, la pomme de terre est vendue les jours suivant la récolte. Par
ailleurs, des ouvrages de cases améliorées et de lieux de
conservations beaucoup plus performants existent dans la zone ON, notamment
à Niono, dans le village de Foabougou.
III.3.3.b. Les cases améliorées de
conservation
Face à la nécessité d'améliorer
les prix proposés par les producteurs, de nombreux partenaires ont
entrepris d'aider les exploitants avec la conservation de leur production,
depuis 1993, à l'initiative de l'URDOC (Nyeta Conseil).
En ce sens, divers types de cases de conservation ont vu le
jour pour la conservation de l'échalote. Dans la zone de Niono, un des
villages enquêtés disposait de différents types de cases,
qui de manière générale, étaient construites
à partir de matériaux présents dans le village (traverse,
banco, planche) et hors du village (porte, grillage, pointe, sable). Le
coût de construction de ces cases varie entre 10 000 FCFA et 288 000 FCFA
(Entre 15 à 439 €) (CICF, 1997) ; elles sont
réalisées sur fonds propres ou avec l'aide de partenaires au
développement.
C'est le cas par exemple pour les chambres de conservation de
la coopérative des femmes à Foabougou. Elles ont
été construites par l'USAID, afin que les femmes de la
coopérative puissent vendre leur production au moment opportun
(septembre-octobre)40. La case est composée de quatre
chambres de conservation, chacune ayant une capacité de 6 tonnes. Le
toit en taule dispose d'un plafond interne en bois et de bouches
d'aération en grillage.
40 Période d'achat des semences d'échalote.
92
Chambre de conservation construite par l'USAID
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Village de Foabougou
L'échalote est disposée sur des
étagères en bois permettant la circulation de l'air. Ainsi ces
femmes peuvent conserver leur production huit mois, tout en réduisant
les taux de perte.
Ces cases améliorées permettent donc de
réduire le taux de perte, qui atteindrait 20 à 40 % au lieu de 80
% dans une pièce traditionnelle.
Concernant la pomme de terre, des chambres
améliorées existent également ; l'une a été
testée par ARPOFA41. Elles sont réalisées en
dur et disposent de ventilateurs, avec des grillages permettant à la
pièce d'être aérée. Le coût de construction
est de 400 000 FCFA (609 €) pour une chambre pouvant contenir six tonnes.
Un tel ouvrage permet de ramener les pertes à 20 %. Un autre type de
case est la case aérée rectangulaire en banco, avec une toiture
en paille pour la conservation de la pomme de terre du PCDA. Sa capacité
est de cinq à dix tonnes, pour une durée de conservation de six
mois (contre trois mois pour les types traditionnels). Le taux de
41 Agence pour la Promotion des Filières Agricole qui a
pour but d'aider les exploitants à améliorer et à
développer leur activité. Afin de réduire la
pauvreté.
93
perte est évalué à 20 %. Enfin, le
coût de construction est estimé à 584 000 FCFA (890
€).
Par ailleurs, ces cases sont certes améliorées,
mais elles n'effacent pas complètement ce défi de la
conservation, qui continue d'être marqué par des pertes
importantes. On tente de réaliser des ouvrages à la hauteur des
moyens des exploitants, dont les performances sont relatives.
III.3.2. Les atouts et les limites de la
transformation
III.3.1.a. Les atouts : la transformation
La transformation constitue une autre stratégie pour
lutter contre les prix bas, lors de leur saison de production pour l'ON. Elle
permet d'échelonner la vente toute l'année également, en
réduisant le taux de perte et en augmentent les gains. En zone ON, faute
de moyens, la transformation concerne uniquement l'échalote ; la pomme
de terre ne possède pas d'unité de transformation. La
transformation de l'échalote est fréquente et traditionnelle.
Ainsi, comme pour tout autre produit, l'échalote transformée est
vendue à un prix plus élevé, soit le double du prix de
l'échalote fraiche (Gergely, 2002).
La transformation de l'échalote au Mali est
basée sur une diversité de méthodes, dont celle de
l'échalote en boule écrasée42, les
échalotes écrasées séchées (EES) et les
échalotes séchées en tranches (EST). Dans la zone ON, ce
sont les méthodes d'EES et d'EST qui sont développées. Le
séchage, dans les deux méthodes, est réalisé au
soleil. Cette transformation permet de conserver le goût de
l'échalote lorsqu'on la cuisine. Ainsi, elle est un substitut à
l'échalote fraiche en période de pénurie ; les femmes s'en
contentent.
La transformation, faute de moyens financiers, est
réalisée de manière artisanale par les femmes, qui la
transforment et l'associent parfois à des épices très
appréciés au Mali, comme le soumbala. Les femmes le conditionnent
ensuite pour le vendre progressivement sur les marchés.
42 Méthode, Propre au pays Dogon (Meyer, 2011)
94
Jaba yirané (Échalote écrasée
séchée mélangée avec du Soumbala)
Échalote Séchée en Tranche (EST)
Source : Drabo, A (Janvier 2018)
95
Outre cela, cette forme d'EST, qui n'est mélangée
à aucune autre épice, est de plus en plus
développée. Ce type de transformation consiste à
éplucher l'échalote, qui est séchée. Le
consommateur, en l'imbibant d'eau chaude, redonne son caractère «
frais » à l'échalote.
III.3.2.b. Une transformation complexe
La quasi totalité de l'échalote
transformée (45 % de la production d'échalotes
fraiches)43 se trouvant sur les marchés des grandes villes,
notamment de Bamako, est issue de la zone ON et du plateau dogon (Meyer,
2011).
Par ailleurs le plateau dogon, contrairement à la zone
ON, transforme 20 % de sa production contre 10 % pour l'ON. Ceci s'explique par
le fait que l'échalote en zone ON est une production
complémentaire, ce qui n'est pas le cas sur le plateau dogon. Les
maraichers de l'ON, notamment de Niono, par leur pluriactivité agricole,
peuvent compter sur les revenus tirés de la riziculture mais aussi sur
les autres spéculations maraichères, contrairement à ceux
du plateau dogon (Meyer, 2011). Ces derniers, en misant sur cette
spéculation, sont obligés de les transformer pour augmenter les
prix à la revente.
Et outre, ce faible taux de transformation reflète un
processus compliqué. D'une part, elle nécessite du temps et de la
main-d'oeuvre. Il faudrait par exemple vingt cinq à trente hommes
pendant toute une journée pour transformer une tonne d'échalotes
en EST44, ou encore une demi journée de travail environ pour
un homme, pour la transformation d'EES (Kassogue, 2010). Pour réduire
cette pénibilité de la pratique, les machines sont une solution,
mais demandent un investissement, lourd pour les exploitants
43 Rapport de la FAO, Programme continental de
réduction des pertes après récolte: Evaluation rapide des
besoins au Mali, 2010
44 Car le procédé de transformation implique
l'épluchage, une étape difficile et long
96
4. Une commercialisation peu
rémunératrice pour les producteurs ainsi que pour les autres
maillons de la chaine.
Produire, conserver et transformer une spéculation
demeure un défi essentiel ; mais à quoi bon si la production est
peu génératrice de revenus ? Ainsi, le maraichage au Mali, et
notamment en zone ON, doit faire face à une désorganisation de la
commercialisation, plus pour l'échalote que pour la pomme de terre. En
effet, les exploitants affirment vendre la pomme de terre à des prix
plus élevés que l'échalote durant leur période de
surproduction (mars). La pomme de terre est vendue entre 250 à 300 FCFA
(0,38 à 0,46 €) minimum, contre 100 FCFA (0,15€) parfois pour
l'échalote. Cela résulte notamment de la production plus
importante d'échalotes que de pommes de terre dans la zone de Niono.
Ces variabilités de prix, pour ces deux
spéculations, résident surtout dans la surproduction une partie
de l'année. La commercialisation désorganisée amplifie ce
phénomène. Ainsi, le cas de l'échalote étant plus
frappant, il conviendrait de présenter son circuit de
commercialisation.
III. 5. 1 La commercialisation, basée
sur le calendrier des bassins de production d'échalotes
III.4.1.a Différents bassins de production de
l'échalote au Mali
S'il est vrai que l'échalote est produite à
Niono entre novembre à mars et est déversée sur les
étals des marchés maliens de mars à août, cela ne
signifie aucunement que le reste de l'année, le pays ne produit pas
d'échalotes. Le Mali est un pays marqué par de fortes
diversités climatiques et ethniques, permettant ainsi de contrebalancer
les phases de production. Les deux plus grands producteurs d'échalotes
au Mali sont la zone ON et le plateau dogon. Ils représentent 90 % de la
production nationale. La production du plateau Dogon est réalisée
deux fois dans l'année : la première en même temps que
celle de l'ON ; En raison de la concurrence avec l'ON, elle est
transformée pour être commercialisée. La seconde a lieu en
hivernage et est récoltée entre octobre et décembre, puis
est commercialisée à l'état frais (FAO, 2010).
97
Ensuite, l'échalote fraiche provenant de Sikasso prend
le relais, après la commercialisation de celle de Niono
(août-septembre). Cette diversité de bassins de production permet
aux commerçants et surtout aux consommateurs d'avoir des
échalotes fraîches, en faible quantité parfois, mais
relativement régulièrement une partie de l'année.
L'échalote dogon et celle de Niono représentent toutefois
l'essentiel de la production. Progressivement, elles sont concurrencées
par de nouveaux petits bassins maraichers autours des villes, comme c'est le
cas dans la périphérie de Bamako (Kati, Koulikoro), ce qui menace
leur monopole de production (Meyer, 2011).
III.4.1.b. Des différences selon les bassins de
productions de l'échalote.
Une première différence est constatable
concernant la quantité et la durée de commercialisation.
En effet, comparativement, les échalotes produites
à Niono sont commercialisées environ quatre à cinq mois
(mars à août) ; leur apparition vient faire concurrence aux
échalotes de Sikasso et du plateau Dogon. Ainsi, les commerçants
les délaissent au profit des échalotes de Niono. Cette grande
quantité d'échalotes commercialisées plus longtemps
détient le monopole des marchés maliens pendant cinq mois. Les
échalotes des trois autres zones de production ne durent pas plus de
trois mois et disparaissent des étals des marchés dès
décembre. Cela peut s'expliquer par les avantages comparatifs qu'offre
l'échalote de Niono.
Le premier tient à la distance. En effet, la zone ON
est plus accessible et plus proche que le plateau dogon par exemple, second
plus grand producteur d'échalotes du pays. Ce dernier est situé
sur la falaise de Bandiagara, à 683 km de Bamako, contre la
moitié pour la zone de Niono, qui bénéficie d'un axe
routier à deux voies jusqu'à Ségou et une route
Ségou-Bamako, reconstruite et en bon état. C'est donc une zone de
production désenclavée et proche des pôles de consommation,
offrant des avantages en termes de distance par rapport à
l'échalote de Niono (Meyer, 2011).
Production annuelle moyenne d'échalotes au Pays Dogon et
à L'ON (2002-2010)
45
98
Source : ON et secteur de l'agriculture à Bandiagara
(Meyer, 2011)
D'autre part, la période de production permet une
production de masse, car elle est d'abord produite dans la période
favorable à sa croissance (Octobre à mars), contrairement aux
autres bassins de production. La contre saison froide permet aux tubercules de
se développer et d'obtenir des volumes plus importants, comme l'indique
le diagramme ci-dessus. Lors de la campagne 2008-2009, l'ON en a ainsi produit
plus de 140 000 tonnes, contre 40 000 tonnes pour le plateau dogon.
Malgré les fluctuations des quantités produites par l'ON, celles
du plateau dogon n'atteignent même pas les 50 000 tonnes de production.
La production minimale à Niono a été enregistré
lors de la campagne 2009-2010, et était de 70 000 tonnes.
D'autre part, l'abondance en eau et la proximité d'une
source d'eau permet à ces exploitants d'accroitre leur production par
rapport aux autres ; plusieurs cycles de production sont possibles.
45 Variation de la quantité produite pour celui de l'ON du
fait des travaux et
aménagement dans la zone qui ne permettent pas la
production d'échalote. Comme par exemple la Chute de production lors de
la campagne 2009-2010, du fait de la construction du canal du projet Malibya
qui a entrainé la fermeture du canal Macina lors de la campagne
2009-2010. Ainsi impossibilité de produire de l'échalote.
Prévision de 180 000 tonnes pour cette campagne pas atteint. ON a
produit que 70 000 tonnes d'échalote
99
Cours de l'échalote fraîche au marché de
Médina-coura, (2008-2010)
46
Source : OMA (Meyer, 2011)
Aussi, il n'est pas dit que la zone de Niono, grande
productrice d'échalotes, tire le plus profit de la commercialisation. En
effet, dans ce jeu de l'offre et la demande, les grands
bénéficiaires sont les producteurs d'échalotes qui la
commercialisent du mois d'août au mois de novembre. Comme l'indique le
diagramme ci-dessus, c'est la période à laquelle le kilo
d'échalote dépasse en moyenne la barre des 600 FCFA (0,9€)
entre 2008 et 2010, pour atteindre près de 800 FCFA (1,2€) le
kilogramme en octobre. La hausse des prix résulte d'une offre moins
importante en échalotes et d'une forte demande, du fait de l'achat des
semences pour l'ON.
Ainsi, en se basant sur le calendrier de commercialisation, ce
sont les producteurs de l'ON qui bénéficient des prix les plus
bas. Ils commercialisent la production directement après la
récolte, période à laquelle les prix sont les plus bas
(mars-avril), du fait de l'absence de moyens de conservation. Les prix tombent
sous la barre des 200 FCFA (0, 30€) pour atteindre 175 FCFA (0,25€),
voire 125 FCFA (0,19€) lorsque tous les exploitants de l'ON sont en phase
de récolte. Au mois d'août, les prix atteignent 600 FCFA
(0,9€) en moyenne, ce qui correspond à la période de la fin
de la commercialisation de l'échalote fraiche de l'ON.
De plus, même si la plupart des producteurs
d'échalotes conservent les semences47 pour la campagne
suivante, il n'est pas rare que certains achètent ou complètent
le
46 Les prix en 2010 sont plus élevés que les deux
années précédentes, du fait notamment de la faiblesse de
production de la zone ON lors de cette campagne.
100
stock dont ils disposent. La période de production,
caractérisée par la mise en place des pépinières,
débute en octobre pour la zone ON. A cette période, les prix sont
les plus élevés. En 2010, avec la faiblesse de production de
l'ON, de nombreux maraichers ne disposaient pas de stocks de
semences48. Leur achat a entrainé une hausse des prix,
atteignant 1 200 FCFA (1,8€) le kilogramme.
Parallèlement à cela, la période de
commercialisation de l'échalote de Sikasso et du plateau dogon a lieu au
moment où les prix sont les plus élevés (août
à novembre), entre 600 (0,9€) et presque 800 (1,2€) FCFA le
kilogramme. Une différence considérable entre les
échalotes fraiches des différentes zones de production existe
donc ; elle a un impact sur les prix. Si ceux de Niono produisent en
quantité et sur une plus longue période, les autres bassins de
production bénéficient d'un calendrier de commercialisation plus
rémunérateur que la zone de l'ON. Ainsi, les exploitants de Niono
doivent faire face à des prix volatiles, peu
rémunérateurs, du fait de la surproduction de la zone, ainsi que
de l'absence de transformation, que le plateau dogon réalise plus
souvent.
47 Reproduction végétative à partir des
bulbes conservés de la campagne précédente: Cas de l'ON,
les bulbes récoltées en mars avril servent de semences en
octobre
48 Car beaucoup de maraichers du fait des travaux sur le
réseau hydraulique n'ont pas produit cette spéculation et n'ont
donc pas pu conserver ce qui sert de semences.
III.4.2 Un circuit de commercialisation riche
d'acteurs.
Organigramme de commercialisation de l'échalote
Producteurs d'échalote de Niono
Coxers
(intermediaires) dans les villages
|
|
Grossistes des villes regionales (Segou, San, Sikasso)
|
Grossistes de Bamako
|
Grossistes de la sous-
region (Côte
d'IvoireI,
Guinée, Burkina Faso)
Semi-detaillants de
Niarela (Niono-sugu)
Semi-detaillants de
Medina-coura
(Suguni Coura)
Détaillants de
quariers
Consommateurs
Détaillants de
quartiers
Consommateurs
Source : Drabo A
Contrairement à l'échalote dogon, la
commercialisation de celle
de l'ON se fait hors de la sphère familiale (Meyer, 2011).
L'organigramme ci-dessus présente son organisation.
III.4.2.a. Le coxer
Après la récolte des échalotes par les
exploitants entre mars et avril, des commerçants intermédiaires
(les coxer) présents dans les villages se chargent de
101
102
l'achat auprès des exploitants. Ils sont les
représentants des grossistes des villes. Ils disposent de contacts et
à la demande d'un grossiste, se chargent de regrouper la quantité
demandée. Ils sont généralement eux aussi des exploitants
et mènent parallèlement cette activité
complémentaire.
III.4.2.b Le grossiste des villes.
Les grossistes rachètent ensuite aux coxer les
quantités souhaitées lors des marchés ruraux, notamment
à la foire de Niono les dimanches et à celle de Siengo les
jeudis. Les grossistes de Bamako quittent la capitale le samedi matin pour
être à la foire de Niono. Le dimanche, ils quittent Niono pour
être à la capitale le lundi. Pour la foire de Siengo, le
départ de la capitale se fait les mercredis, le retour les jeudis soir
et le déchargement des camions les vendredis.
Camion chargé de sac d'échalotes et d'oignons
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Commentaire : Un camion
chargé d'échalotes et d'oignons lors de la foire de Niono.
La
cargaison est composée des marchandises de quatre grossistes, ce qui
permet au
transporteur de réduire le nombre de voyages et de remplir
son camion.
103
Comme le montre l'image ci-dessus, le grossiste fait appel
à des jeunes des villages et au coxer pour emballer la production dans
des sacs rouges puis l'acheminer vers les différents pôles de
consommation. Certains vont dans les villes régionales comme San,
Sikasso ou encore Ségou. D'autres vont vers la capitale, dont le point
d'arrivée est le quartier de Bagadadji, sur le marché de
Niaréla, appelé « Niono Sugu » (Marché de
Niono).
Concernant la pomme de terre, des nuances sont à
apporter : moins répandue dans la région, la vente se fait
généralement sans biais de coxer. Elle s'effectue soit
directement dans le village (Bagadadji km 36 et Foabougou) soit lors des foires
(Djicorobougou). Dans ce dernier cas, les pommes de terre sont rachetées
par les grossistes directement.
III.4.2.c. Circuit de commercialisation dans les
villes
Tous les lundis et les vendredis au Niono sugu, il y a de
nouveaux arrivages. En mars, quinze à vingt camions peuvent être
déchargés en un seul arrivage. Ensuite, les grossistes de la
sous-région (Côte d'Ivoire, Guinée, Burkina Faso) viennent
s'y approvisionner, ainsi que les semi grossistes, qui achètent aux
grossistes. Ils sont installés au « Niono Sugu »
également. Une rue est uniquement réservée au « jaba
» (oignon et échalote) et à la pomme de terre provenant de
Niono. Comme visible sur la photographie ci-dessous, les spéculations
sont à même le sol. La balance bleue à droite de la
photographie permet de le vendre au détail pour ensuite la mettre dans
les sacs rouges à trous pour le client.
104
Semi-détaillant d'échalotes, de pommes de terre
et d'oignons au « Niono Sugu »
(Bamako)
Source : Drabo, A
Commentaire : Photo prise le 30 mars 2018,
à 15h. C'est la période chaude, ce qui explique l'affluence
faible. Les
détaillants (es) s'y pressent le matin, au moment
où il fait moins chaud. La rue de « Niono Sugu »
devient
pratiquement inaccessible.
Ces clients, des semi grossistes, sont
généralement des détaillants (es) de quartiers ou parfois
des consommateurs directs, résidant non loin du marché. La ville
s'étalant de plus en plus, il est difficile de s'y rendre
fréquemment pour faire ses provisions. Ainsi, un consommateur
résident à Kati (15 kilomètres du centre ville) peut
trouver dans son assiette une échalote provenant de Niono, grâce
aux détaillants.
III.4.3. Les contraintes de commercialisation
III.4.3.1 Des prix volatiles pour l'exploitant
Si la filière semble organisée, elle ne garantit
pourtant pas la volatilité des prix.
105
Lors de l'enquête de terrain, l'absence de protection
face aux prix est revenue régulièrement. Les commerçants
en situation de force, lorsque l'offre d'échalote par exemple est
importante, cherchent à faire chuter les prix. Certains producteurs
déclaraient lors de nos enquêtes avoir vendu parfois leur
production à perte. Ils estiment souvent le gain des commerçants
bien trop important par rapport à leur gain.
128 029
Les bénéfices pour les acteurs de la
filière échalote
Opérateur
|
Prix de vente kg/FCFA
|
Charge
|
Marge
|
Producteur
|
125 FCFA (0,19€)
|
85 FCFA (0,12€)/KG
|
40 FCFA (0,06€)/KG
|
Coxeur
|
130 FCFA (0,20€)
|
__
|
5 FCFA (0,01€)
|
Transporteur49
|
15 FCFA (0,02€)
|
__
|
__
|
Grossiste
|
165 FCFA (0,25€)
|
150 FCFA50 (0,23€)
|
15 FCFA
|
Détaillant
|
175 FCFA (0,27€)
|
165 FCFA+ 50 FCFA/mois51 (0,08€) + 340 000
FCFA (518€) pour 2000 sacs rouges à trous
|
10 FCFA (0,02€)
|
Source : Drabo A
Commentaire : Chiffre à prendre avec précaution,
donnés à titre indicatif. Ils varient d'un acteur à un
autre et font référence au prix du marché à une
période donnée (mi-mars 2018)
Ce discours est souvent réfuté par les
commerçants. En effet, la volatilité des prix ne leur incombe pas
totalement. Tout comme les producteurs, ils cherchent eux aussi à
acheter le plus bas possible pour revendre à des prix abordables pour
les clients. Les charges et les acteurs multiples, qui prennent chacun une
marge, ne facilitent pas l'acquisition d'un gain important pour les acteurs. Le
circuit long implique un maillon de la chaine riche en acteurs, qui accentuent
également les effets négatifs de la commercialisation de ces
spéculations, notamment pour les commerçants.
49 Difficulté de connaître leur charge et leur
marge. Refus systématique de les communiquer.
50 Charges du grossiste : Prix aux producteurs (125FCFA) + Prix
du Coxer (5FCFA) + Prix du transporteur (15FCFA) + Prix des sacs de stockage
(5FCFA). L'échalote lui revient à 150 FCFA comme prix d'achat.
51 Location de la place de marché payé à la
mairie
III.4. 3.2 Les revers de la commercialisation pour les
commerçants : cas de l'échalote
L'échalote supporte mal la chaleur et l'enfermement.
Elle a une forte teneur en eau. Ainsi, tant qu'elle n'est pas aux deux tiers de
sa maturité, elle est relativement vulnérable, et pourrit
rapidement. Malheureusement, les exploitants face à un besoin imminent
de devises, n'hésitent pas à récolter rapidement les
tubercules, avant leur maturité. Ce qui expose les commerçants
à des pertes considérables de leurs achats. Ils enregistrent en
moyenne une perte d'un peu plus de 5 % de leurs produits. Elles pourrissent, et
en externalisant le liquide pourri, perdent du volume. Ce
phénomène est amplifié par des tris non
réalisés par les exploitants ; des bulbes non sains sont ainsi
stockés avec les sains, ce qui favorise la contamination.
Ils doivent aussi faire face au défi du transport. Les
grandes zones d'approvisionnement des échalotes de la zone de Niono sont
les marchés de la ville de Niono, des villes régionales et de
Bamako. Avec une distance de près de 300 kilomètres pour le
trajet Niono-Bamako, celui-ci, pour un pays en développement,
s'avère être un véritable périple. La route comporte
deux voies anciennes (1984), mal construites et mal entretenues. S'ajoutent
à cela les camions, peu performants (car vieux). Autant de contraintes
qui rendent difficile le transport et accentuent la perte d'échalotes,
ce malgré des prix élevés52.
Par ailleurs, le défi de l'excès d'utilisation
d'engrais par les paysans a des conséquences sur l'ensemble de la
chaine. Les produits sont de moins bonne qualité et sont plus
vulnérables.
Lors de nos enquêtes, en moyenne pour un hectare, le
maraicher utilisait huit à dix sacs contre les 5 sacs
recommandés. Il pourrait être intéressant de mener une
étude pour comprendre les causes de cette utilisation excessive
d'engrais.
106
52 500 FCFA (0,76€) pour le transport d'un sac de 45 kg de
Niono à Bamako.
107
IV. Perspectives : Immobilisme
masqué
pour les maraichers ?
Le maraichage au Mali est marqué par les nombreuses
potentialités qu'offre la zone ON. Pour l'échalote et la pomme de
terre, ce périmètre irrigué est sans aucun doute un moyen
de réaliser une horticulture productive et performante. Il est bien
évident que la situation peut évoluer. Le maraichage peut
véritablement tenir ses promesses de réduction de la
pauvreté et d'amélioration des revenus des colons de l'ON. Mais
pour ce faire, les blocages auxquels il fait face doivent être
résolus. Il doit sans conteste, être accompagnée de
politiques interventionnistes et dirigistes, garantes de la production, de la
transformation mais aussi de la commercialisation.
1. Le développement inclusif demeure un
leurre pour les exploitants sans soutien de l'État.
Dans toute Nation, l'État dispose
irréfutablement, des « armes » nécessaires pour
conduire le développement. Une bonne gouvernance, un État fort,
régulateur et facilitateur, permettent au pays de s'insérer dans
un véritable développement, de jouir de ses avantages comparatifs
et de s'affranchir du mal développement. Dans les pays en
développement, le droit à l'alimentation est souvent compromis.
Se nourrir suffisamment et de manière saine relève du parcours du
combattant.
Cette réalité est sans conteste connue de tous.
Les nombreuses rencontres internationales témoignent de la prise de
conscience mondiale de la sous-alimentation, ce depuis la Conférence
mondiale de l'Alimentation, organisée par les Nations Unies en 1974.
Elle fait suite à un recul de la production
céréalière, du fait des aléas climatiques (gel des
récoltes en URSS, sècheresse au Sahel, inondations en Inde...),
qui entraine l'augmentation des prix (1972-1973).
S'ensuivent de nombreuses rencontres internationales (comme en
1996 à Rome53)
53 Lors du sommet de l'alimentation à Rome en 1996, le
but fut de sensibiliser sur les problèmes d'alimentation et pour
réunir toutes les parties prenantes, afin d'aboutir à un
consensus commun qui est la déclaration et le plan d'action, qui posent
les bases d'actions, afin de réduire de moitié le nombre de
personnes souffrant de sous alimentation chronique d'ici 2015.
108
et continentales (comme à Maputo en 200354),
où le constat est précisé. Les décisions
consensuelles prises sur une échelle internationale et continentale se
doivent d'être appliquées au niveau national. Il incombe donc au
gouvernement de créer un environnement propice politiquement et
économiquement, en réunissant à son tour tous les acteurs
autour d'un même groupement, pour permettre le développement d'un
secteur. En ce sens, le droit à l'alimentation doit être l'une des
fonctions régaliennes de l'État.
L'État malien se doit donc de mener des politiques en
faveur de l'amélioration des revenus des ruraux, qui composent
l'essentiel de sa population, et d'aider les exploitants à mener une
agriculture productive et durable, afin d'améliorer leur revenu et
d'augmenter leur pouvoir d'achat, pour qu'ils consomment.
Même si le mal développement persiste, la
situation semble donc s'améliorer, avec « un recul de la
pauvreté » selon la Banque mondiale, mais aussi une croissance du
secteur privé de 6,9 % en 2015 à 7,6 % 2016. Celle-ci
résulte de meilleures performances agricoles. L'État, par sa Loi
Orientation Agricole (LOA), démontre sa volonté de valoriser le
secteur agricole. Ceci aboutit en 2013 à une politique de
développement agricole (PDA). L'agriculture se veut durable,
tournée vers l'agriculture familiale et ouverte aux investissements
privés, gage de modernité et de compétitivité
(Denon, 2018). Ainsi, la production de fruits et légumes constitue un
élément important de la politique agricole du Mali
(Dembélé, 2001). C'est un secteur considéré comme
d'avenir, qui permettrait de réduire les importations, d'exporter sa
production et de diversifier la production. Toutefois, c'est une filière
qui doit encore faire face à des contraintes, qui l'empêchent de
jouir des avantages dont elle dispose à l'ON.
IV.1.1. L'état, garant de la bonne pratique
agricole
IV.1.1.a. La recherche et la formation, une voie vers
le maraichage moderne.
Or, pour relever les défis auxquels la filière
est confrontée, le soutien étatique est nécessaire, afin
de rendre cette activité plus moderne et compétitive, pour les
exploitations familiales. Car malgré les efforts fournis par
l'État, les colons de l'ON
54 Lors de ce sommet à Maputo en juillet 2003, les pays
africains ont réitéré leur volonté de faire de
l'agriculture une priorité, en lui consacrant au moins 10% du budget
national afin d'aboutir à une croissance annuelle de 6%
109
doivent toujours faire face à une fluctuation des prix
de l'échalote, notamment à la fin de sa période de
production dans l'ON (mars-avril). Cette condition est peu favorable à
des rémunérations suffisantes pour les paysans.
Ainsi, une solution pourrait être constituée par
la recherche, réalisée au Mali par l'IER55. Elle doit
être soutenue par l'État, afin de permettre une innovation des
techniques agricoles, dans le cadre de la production, de la transformation mais
aussi de la commercialisation. Cette recherche est souvent marginalisée
par l'État malien, qui ne cesse de réduire le budget qui lui est
consacré. L'accent doit être mis sur le développement de
variétés plus tardives d'échalote, afin
d'échelonner la production toute l'année, et d'éviter les
phénomènes de surproduction, mais aussi, de réaliser des
recherches sur le plan génotype pour permettre de meilleures
performances. Il en est de même pour la pomme de terre. Même si la
superficie cultivée pour cette spéculation croit, elle reste
encore peu produite, du fait des difficultés liées à
l'accès aux semences. La zone ON n'étant pas indépendante
pour les semences de pommes de terre, elle doit faire face à des prix
élevés, ainsi qu'à des semences de pommes de terre peu
productives, du fait de leur provenance. En ce sens, comme l'indiquait Monsieur
Kassoum Dénon ex-ministre de l'agriculture du Mali (2014-2016) et ancien
PDG de l'ON, « les variétés doivent être
adaptées aux conditions édaphiques de la zone ON ».
De plus, s'il existe un inventaire des variétés
d'échalotes56 au Mali et de leur répartition sur le
territoire, il n'en existe pas pour la pomme de terre. Il est donc essentiel de
réaliser un inventaire des semences de pommes de terre, de les
caractériser et de les cataloguer (origine, potentiel, itinéraire
agricole maitrisé) afin d'apporter des améliorations en les
adaptant notamment aux conditions édaphiques selon les bassins de
production. Des fiches techniques selon les variétés seraient
ainsi disponibles, mettant en exergue le gain de productivité et le gain
économique, pour déterminer des seuils maximaux et des seuils
minimaux. Cela permettrait une vulgarisation de la nouvelle
variété, à travers la multiplication des semences
améliorées par des producteurs de semences. L'exemple de la
coopération entre l'IPR de Katibougou, le WAAPP et les
coopératives de producteurs de semences de pommes de terre doit
être multiplié et accompagné des moyens financiers et
matériels nécessaires pour leur bon fonctionnement. Cela
permettrait d'avoir des
55 Institut d'économie Rurale
56 Centre Régional de Recherche Agronomique à
Niono.
110
semences de qualité, performantes et
adaptées aux conditions agro-climatiques de la zone ON, gage de
meilleure productivité, et d'indépendance
semencière.
La recherche doit aussi se concentrer sur le
développement de techniques optimales pour la production, notamment la
fertilisation des parcelles et le traitement des nuisibles, véritables
menaces pour la production. Elle doit développer des méthodes
favorables à l'utilisation réduite des engrais chimiques et des
produits phytosanitaires, mais plus efficaces et garantissant un accroissement
de la production.
Concernant la fertilisation, des techniques doivent
impérativement être trouvées pour réduire la
quantité des engrais chimiques utilisés et les substituer
à des engrais organiques.
Lors de nos enquêtes de terrain, il est apparu
effectivement que, même si la fumure organique constituait la base de la
fertilisation des parcelles, les engrais chimiques (NPK57,
URÉE, DAP58) étaient fortement répandus
également. La quantité d'engrais utilisée par les
maraichers dépassait largement celle
préconisée59. Dans un contexte où le
marché international est visé, et que celui-ci devient exigeant
en matière de qualité de la production, il est important de
surveiller les quantités d'engrais et de traitements phytosanitaires
utilisées par les exploitants.
En d'autres termes, des campagnes de sensibilisation
et de formation doivent être développées, afin d'informer
les exploitants des risques de l'utilisation excessive d'engrais chimiques et
de traitements phytosanitaires (fongicides, insecticides). Il s'agit de les
informer sur les options moins dangereuses pour la santé humaine et
moins nocives pour les parcelles.
En ce sens, le personnel encadrant de l'ON doit
être formé afin de pouvoir à leur tour vulgariser des
techniques plus performantes, et guider les exploitants vers des tests pour
obtenir de meilleures résultats. Et aussi, la formation directe du colon
doit également être basée sur les bonnes pratiques
agricoles et les précautions à prendre lors des traitements
chimiques des cultures, dangereux pour la santé des exploitants eux
mêmes. En France par exemple, l'épandage de ces produits est
très contrôlé et nécessite l'obtention d'un
certificat pour sa manipulation (Brunel, 2017).
57 Un engrais composée d'un mélange
d'élément chimique : Azote (N), phosphore (P) et potassium (K)
58 Phosphate d'ammonium
59 Cinq sacs d'engrais préconisés par la recherche
par hectare contre huit à douze sacs utilisés par les
exploitants.
111
Une telle mesure pourrait être un moyen de mieux
organiser ce processus de traitement et de fertilisation.
IV.1.1.b. Les subventions, aide incommensurable pour
l'accès à des intrants de qualité et un besoin de
politique pour la diversité de cultures maraichères
Au-delà de cette maitrise des pratiques et des
quantités d'épandage des produits de fertilisation et de
traitement agricoles l'État, doit mieux organiser sa commercialisation.
Il n'est pas rare qu'un exploitant confronté à des ravageurs dans
sa parcelle maraichère utilise des pesticides à destination du
traitement de ravageurs pour le coton. Or, la culture de coton au Mali est
exclusivement contrôlée. Les intrants (les semences, les engrais
et les produits phytosanitaires) utilisés sont issus de la
CMDT60. En ce sens, lors de la campagne (hivernage)
cotonnière, si l'ensemble des produits phytosanitaires reçus ne
sont pas utilisés par le système du coton, ils sont revendus sur
les marchés informels. Ainsi, pour le traitement d'insectes dans une
parcelle maraichère par exemple, faute de connaissances, l'exploitant
les traitera avec les insecticides prévus pour la culture de coton. Cela
reflète notamment le manque de moyens des exploitants pour se procurer
des produits de traitement contre les ravageurs maraichers et la non maitrise
de la qualité des intrants sur les marchés. Ainsi, même si
l'État investit dans la recherche pour l'amélioration de
fertilisants et de produits de traitement, il est important qu'il aide
financièrement les exploitants à se les procurer.
En effet, il est connu que les produits de meilleure
qualité, améliorés par la recherche, représentent
un coût parfois élevé pour les exploitants. En ce sens,
tout comme pour le riz ou encore le coton, l'État doit subventionner
l'accès à ces deux composantes essentielles de la production,
garantes de meilleures performances. En zone ON, les engrais sont
subventionnées par l'État à hauteur de 50 % pour la
riziculture. Ainsi, si cela est réalisé pour la riziculture
dominante en période d'hivernage, il doit en être de même
pour le maraichage. Pour ce faire, une meilleure gestion des subventions
61 destinées aux cultures comme le coton ou le riz
permettrait de réaliser des économies et de diriger la subvention
vers les cultures
60 Compagnie Malienne de Développement du Textile
61 Les subvenions pour l'engrais sont
très mal gérées et font face à d'important fraudes
de la part des fournisseurs locaux. Ils feraient perdre à l'Etat sept
à huit milliards de FCFA par an selon Boubou Cissé Ministre de
l'Economie et des Finances.
maraichères, qui composent elles aussi l'essentiel de
l'alimentation malienne, tout en contrôlant leur qualité
auprès des fournisseurs agréés.
De plus, si depuis la restructuration de l'ON, on pointait du
doigt la trop grande spécialisation de la zone ON dans la riziculture,
aujourd'hui le maraichage révèle les mêmes
similarités. À travers ce mémoire, l'on se rend compte de
l'importance d'une spéculation dominante. Ainsi, l'échalote
représente plus de 90 % de la production maraichère de la zone et
ceci sur des petites superficies (moins de 0,5 hectare en moyenne)
(Dembélé, 2018). Ceci engendre un risque de baisse des revenus
maraichers en cas de problèmes liés à la production
(développement de nouvelles maladies, d'insectes...), ou à la
baisse de la demande en échalotes, qui pourrait entrainer une chute des
prix. La politique de diversification des activités agricoles dans la
zone ON, qui a engendré l'explosion de la production des cultures
maraichères, devrait concerner les types de spéculations
produites. Miser sur l'échalote peut être une limite dans la
quête de l'amélioration des revenus des maraichers. En ce sens,
l'on doit inciter à la diversification maraichère, afin
d'éviter une surproduction lors des récoltes à la mi mars.
Ainsi, l'insertion de la pomme de terre reflète cette volonté des
colons, mais aussi des politiques agricoles de miser sur d'autres
spéculations de diversification. Par ailleurs, si encore près de
vingt années après l'insertion de cette spéculation, la
situation est relativement la même, c'est que sa production n'est pas
évidente. Les techniques agricoles ne sont pas maitrisées,
engendrant des productions à faible rendement. Lors des enquêtes,
notamment à Djicorobougou, 37,5 % des femmes prétendaient avoir
perdu l'ensemble de leur production lors de la campagne 2016-2017. Cette perte
est liée au manque d'eau, mais aussi à celui d'engrais, qu'elles
n'ont pas pu acheter en quantité suffisante, faute de moyens.
112
`
113
Cumul pluviométrique de 2015 et 2016 dans la zone de
Niono
Zones
|
Décades par mois
|
Cumul
|
Rappel 2015
|
H
|
N
|
H
|
N
|
Niono
|
du 1 au 10
|
269,4
|
12
|
290,3
|
12
|
du 11 au 20
|
108,6
|
8
|
237,4
|
12
|
du 21 au 31
|
214,9
|
8
|
157,8
|
12
|
Total
|
592,9
|
28
|
685,5
|
36
|
Source : Bilan de Campagne de l'ON de 2016-2017
Dans la zone de Niono, le cumul pluviométrique sur
l'année reflète une baisse de la hauteur des pluies en 2016 par
rapport à 2015. En effet, on enregistre 592,9 mm de pluies
tombées entre janvier et décembre 2016, contre 685,5 mm pour
l'année 2015, soit une différence de 92,6 mm. Cela résulte
de la baisse du nombre de pluies, qui était de 36 en 2015 et est
passé à 28 en 2016. Il y a donc moins de pluies en 2016 par
rapport à l'année précédente.
Ces femmes ayant investi dans la culture de pommes de terre
(achat de semences, temps de travail) n'ont donc pas pu tirer profit de la
culture de cette spéculation. Un manque à gagner pour le revenu
donc, au vu des prix des semences de pommes de terre. Ainsi, l'État se
doit là encore d'intervenir dans l'accès aux semences, pour
faciliter la diversification de la culture maraichère et
l'émergence des spéculations comme la pomme de terre à
l'ON. Des subventions peuvent être octroyées ; les emprunts
auprès de banques agricoles devraient également être plus
accessibles aux exploitants afin de leur permettre un accès plus facile
aux intrants.
Sans cela, le développement de la filière est
compromis.
IV.1.2. Un État protecteur de la production
et de sa valorisation
Le défi de l'après production est sans conteste
le manque d'infrastructures pour la conservation, mais aussi pour faciliter la
commercialisation de ces spéculations maraichères. Ainsi, depuis
2006 avec la LOA et la PDA, le gouvernement malien essaye d'y
remédier.
114
IV.1.2.a. Le PCDA : Une réponse aux défis
de la conservation et de commercialisation
C'est dans ce cadre que l'Etat, par le biais du PCDA, a
tenté de venir en aide pour la conservation, un véritable
défi pour ces maraichers.
En ce sens, en 2014, le PCDA62 assistée par
la BM, a construit un pôle de centralisation d'échalotes et de
semences de pommes de terre sur 1,2 hectare dans le village de Djicorobougou
(Koulambawéré). Il a couté 904 000 090 FCFA (1 378
143€).
Chambres de conservation du pôle à
Djicorobougou
Source : Drabo, A (Février 2018)
Le pôle est constitué de 15 chambres de stockage
dotées d'une capacité de 20 tonnes chacune, soit une
capacité totale de 300 tonnes pour l'échalote. Ces chambres
disposent de deux longues étagères et d'ampoules. Les
accès vers l'extérieur (bouches d'aération) sont
protégées par des grillages, afin d'éviter l'irruption
d'insectes, néfastes pour la conservation.. Afin de permettre de
conserver l'échalote huit mois.
62 Programme Compétitivité et Diversification
Agricole est un programme malien, dont le but est de soutenir et
accompagné les « chaines d'approvisionnement agricole » avec
l'appui de la Banque Mondiale (BM).
115
Entrepôt de conditionnement du pôle
Source : Drabo, A (Février 2018)
On trouve également un entrepôt de
conditionnement de 900 m2. Cet entrepôt a pour but de
préparer, de trier l'échalote avant sa conservation. Cette
conservation s'effectue par la séparation de l'échalote (gousse)
et de ses tiges, le nettoyage, en y enlevant les résidus de terre, puis
par le tri. Ce tri se fait par le biais d'une machine qui dégage les
impuretés qui, en fonction du tamis et du calibrage choisis,
séparent les différentes tailles d'échalote, puis les
différentes colorations choisies, pour enfin les mettre dans des sacs
situés à la fin de la chaine de la machine.
Les trois chambres de conservation pour la pomme de terre
Source : Drabo, A (Février 2018)
116
Enfin, trois chambres froides (deux pièces par chambre)
servent à la conservation des semences de pommes de terre ; chaque
chambre a une capacité de 100 tonnes. Les pièces disposent
chacune d'un d'humidificateur, et de quatre ventilateurs, alimenté par
de l'eau puisée depuis le forage, qui passe par un filtre pour ensuite
être transmise dans l'humidificateur, pour humidifier les semences. Elles
sont disposées dans des casiers ; ces casiers sont disposés sur
des planches de bois. Des ampoules sont également présentes dans
les pièces. Les portes sont très étanches et
protègent de l'extérieur.
Ce pôle à pour particularité d'être
construit en dur à l'extérieur et à l'intérieur ;
il est en banco, pour conserver la fraicheur (concerne l'Entrepôt et les
chambres de conservation pour l'échalote) . Les bâtiments sont
donc tous en semi dur et en semi banco. Le pôle dispose également
d'un forage, lui permettant une certaine autonomie. Autrefois, il fonctionnait
par le biais d'un groupe électrogène ; il est aujourd'hui
rattaché à l'EDM du Mali.
Il a comme fonction la réception des
spéculations, leur tri, leur entreposage et leur conditionnement avant
la commercialisation. Ainsi, ce pôle est à destination de toute
personne désirant y stocker sa production.
Les femmes sont payées afin de nettoyer les
échalotes et d'enlever leurs impuretés. Le client a deux mois
pour faire stocker le poids qu'il a réservé, pour un stockage de
quatre à six mois. Le stockage débute au mois de mai. La
conservation est payante, et coûte 40 FCFA (0,06€) par kilogramme.
La structure se charge ensuite du nettoyage, de la bonne conservation et du
gardiennage.
Le développement de ce type d'infrastructure, moderne,
pour ces produits périssables que sont l'échalote et la pomme de
terre, permet d'étaler la période de commercialisation sur une
bonne partie de l'année. Ceci permettrait d'améliorer les revenus
des colons, qui ne seront en principe plus obligés de vendre leur
production juste après leur récolte. A cette période, les
prix sont les plus bas. Le consommateur peut alors trouver des échalotes
ou/et des pommes de terre régulièrement sur le marché,
à des prix abordables.
À l'échelle du Mali, c'est une avancée
vers l'atteinte de la sécurité alimentaire, mais aussi vers la
souveraineté alimentaire. La présence régulière de
ces spéculations permettrait de réduire les importations,
notamment pour la pomme de terre d'Hollande et du Maroc.
117
IV.1.2.b. Importance du renforcement d'un consensus
interprofessionnel
Le maraichage est une filière réunissant une
multitude d'acteurs. Leur concertation et leur symbiose est primordiale pour le
développement de ces spéculations. De l'exploitant en passant par
les producteurs d'engrais, les commerçants, les consommateurs, les
collectivités locales, l'État et les chercheurs agronomes, mais
aussi les partenaires au développement (ONG, projets), tous doivent
être favorables à une stratégie de développement de
la filière et à l'uniformisation de leurs actions. Finalement,
l'objectif est le même : mener une action développée, gage
de réduction de la pauvreté, d'amélioration des revenus
des maraichers, d'amélioration de la valeur nutritionnelle, d'atteinte
d'une sécurité et d'une souveraineté alimentaires.
En ce sens, ces acteurs sont « des partenaires et non des
adversaires » (Dembélé, 2001).
Au Mali en effet, en termes de maraichage, les politiques
agricoles depuis la restructuration de l'ON, l'intervention des partenaires au
développement et la volonté des exploitants de réaliser
une telle activité, ont été de véritables
catalyseurs de l'explosion du maraichage en zone ON. De nombreuses
améliorations ont été initiées par les partenaires
au développement, sans pour autant être coordonnées.
À l'image des cases améliorées de conservation, plusieurs
projets ont développé de nombreux types de cases de conservation,
qui finalement ont sensiblement les mêmes caractéristiques. Les
taux de perte certes en ont été réduits, mais leur
efficacité ne permet toujours pas une perte minimum. Actuellement, 20
à 40 % de la production est perdue malgré ces
améliorations, un nombre important dans un contexte de quête
d'amélioration des revenus des exploitants.
Ce consensus est certes présent au Mali, mais il doit
être renforcé afin que les acteurs puissent s'entraider et se
baser sur les améliorations apportées par d'autres acteurs
(Dembélé, 2001).
Il faudrait par exemple organiser des rencontres annuelles
entre tous les acteurs, afin de préparer la campagne prochaine et de
trouver des solutions aux problèmes de la campagne
précédente. Ce faisant, les intérêts de tous les
acteurs du maillon seraient pris en compte.
De ce fait, la filière se verra protégée
et accompagnée d'une maitrise allant de la chaine de production à
la chaine de commercialisation.
118
2. Le développement d'unités
industrielles et semi-industrielles
Sur le plan institutionnel, l'État par ses politiques
(LOA, PDA), démontre sa volonté de développer des
filières agro-alimentaires tournées vers la transformation afin
d'augmenter les performances des filières échalotes
(PAFA)63 ou pommes de terre (IICCEM)64.
C'est véritablement ce qui fait défaut à
la filière maraichère au Mali, notamment en zone ON. Les
spéculations périssables font face à une période de
surproduction en contre saison. En ce sens, la transformation pourrait certes
éviter des méventes mais aussi de créer des emplois et
apporter un complément monétaire aux revenus des exploitants de
la zone ON, à travers notamment l'accès facilité à
du matériel pour la production mais aussi la transformation, très
demandeuse en main-d'oeuvre.
IV.2.1. Mécanisation des pratiques
agricoles et développement d'unités semi industrielles
IV.2.1.a La mécanisation du maraichage des
colons très faibles.
En ce sens, le contexte économique devrait faciliter et
promouvoir une chaine de valeur mécanisée et tournée vers
l'industrie, notamment la transformation qui fait défaut au Mali.
Développer des unités de transformation semi-industrielles,
à la portée des exploitants semble constituer un moyen pour
améliorer les revenus. Il est vrai que cela engendre des coûts,
mais qui par un certain nombre d'améliorations permettront
d'améliorer les revenus à long terme. Cela coûte cher sur
le moment mais qui permettra de gagner plus sur le long terme.
Face à des crédits difficilement accessibles et
un faible pouvoir d'achat des exploitants, l'accès à des machines
s'avère presque impossible. Lors de nos enquêtes, la
difficulté des colons à se mécaniser est ressortie. Par
exemple, 81 % des personnes interrogées affirmaient ne posséder
que du matériel agricole
63 Projet d'Appui au Filière Agricole, financé
par l'Agence canadienne de développement international. Joue un
rôle important dans l'amélioration de la chaine de valeur
échalote notamment. En développant des techniques à la
transformation notamment.
64 Projet d'initiatives intégrées pour la
croissance économique au Mali. Il est financé par l'USAID et
à pour objectif de permettre la croissance économique, en
apportant notamment une amélioration pour la transformation de la pomme
de terre et l'échalote.
119
traditionnel (charrue, herse, sceau, daba, falo...). Seules 9
% disposaient de matériel agricole moderne, comme les motoculteurs.
Des sociétés locales comme la
Société Coopérative des Forgerons de l'ON (SOCAFON),
facilitent toutefois l'accès aux matériels agricoles. Leur
création s'inscrit dans le projet ARPON, qui a formé et
équipé les forgerons de la zone ON, permettant ainsi de miser sur
la proximité de matériels agricoles. La société
coopérative compte 22 ateliers qui appartiennent à des forgerons
membres de la coopérative, et un atelier central à Niono. Cette
entreprise permet aux exploitants de la zone ON d'accéder à du
matériel relativement moderne à des prix bas et « à
un service de maintenance et de réparation » à
proximité. Elle est donc adaptée à leurs besoins mais
aussi aux réalités du milieu.
La société coopérative se charge d'une
part d'adapter les machines agricoles aux attentes mais surtout au budget de
l'exploitant. C'est le cas par exemple des motoculteurs ; SOCAFON importe la
boite de vitesse, les mancherons et les pneus de Thaïlande.
Boite de vitesse, mancherons et pneus d'un motoculteur, dans
l'atelier central de
SOCAFON à Niono
Source : Drabo, A (Janvier 2018)
120
Ensuite, le moteur chinois est acheté localement. Le
tout est assemblé dans les ateliers de la coopérative. Cette
adaptation permet à la machine d'être plus abordable pour le
paysan. C'est un engin agricole qui travaille la terre, la bine, la sarcle et
la laboure en un passage. Il est très utilisé pour le maraichage
notamment et permet de réduire le temps de travail, souvent laborieux
pour le colon. Il est en outre utilisé aussi par les exploitants pour le
transport de l'exploitation aux zones d'habitation. Malgré ces
améliorations par SOCAFON, il reste un engin de luxe dans la zone. Sa
présence ou non est souvent un indicateur du niveau économique
d'un ménage.
IV.2.1.b. Le développement d'unités semi
industrielles
La coopérative conçoit également des
outils pour améliorer le travail des exploitants. C'est le cas par
exemple pour la transformation des spéculations maraichères. En
ce sens, le PCDA, qui a pour but « de contribuer à lever les freins
critiques au développement d'un certain nombre de filières
commerciales agricoles », dans des référentiel
technico-économique (RTE)65 a évalué des
équipements et des outils techniques afin d'informer sur les
alternatives possibles à la mise en valeur après les
récoltes. Le kit pour l'exploitation du broyeur d'échalotes de
SOCAFON en est un exemple.
En effet, la transformation pour les exploitants est une
véritable contrainte, en raison notamment de la demande importante en
main-d'oeuvre66. Ainsi, ce broyeur d'échalotes permettrait de
réduire la pénibilité du travail ; il est utilisé
dans le cas de l'échalote écrasée séchée
(EES).
Traditionnellement, broyer une tonne d'échalotes
fraiches en EES nécessite une demi-journée de travail environ
pour un homme, (Kassogue, 2010). Avec le broyeur, l'échalote est
broyée en une heure (il faudrait 100 à 120 personnes pour le
réaliser en une heure manuellement).
65 Fiche technique et économique.
66 III.3.2.b. Une transformation pas
évidente une demi journée de travail environ pour un
homme, pour la transformation d'EES (Kassogue, 2010).
121
Il fonctionne avec de l'essence Super sans plomb et consomme
1,25 litre par tonne d'échalotes broyées. Sa capacité de
fonctionnement est de huit à douze heures, soit le broyage de huit
à dix tonnes en une journée.
Avant le processus de broyage, l'échalote doit d'abord
être triée pour retirer les bulbes sains, les résidus de
terre. Il faut ensuite réaliser un calibrage en séparant les
bulbes de tailles différentes (pour l'homogénéité),
puis le lavage et l'égouttage, pour garantir une meilleure
hygiène.
Source : SOCAFON, Broyeur d'échalotes
Cette machine permet de réduire la
pénibilité du travail, de gagner du temps, et assure une
transformation plus hygiénique que le broyage au pilon.
Selon le PCDA, ce processus plus moderne permet de
réduire de 50 % le coût de l'opération.
Mais le coût de son acquisition reste cependant
très élevé. Le broyeur est vendu à 700 000 FCFA (1
067€) et nécessite des petits outillages (deux bassines et une
balance) à 20 000 FCFA (30€). Un investissement lourd dans un pays
ou le revenu annuel par an est de moins de 500 000 FCFA (762€), selon la
BM.
En ce sens, un tel investissement représente presque
deux années de salaire. Les crédits doivent donc être
facilités pour permettre aux maraichers d'investir dans de tels
équipements, pour diminuer leur charge de travail et transformer leur
produit
122
frais en quantité, apportant finalement une valeur
supplémentaire aux revenus des ménages. Ces unités
semi-industrielles doivent être normalisées et fréquentes
pour pouvoir relever le défi de la surproduction, de la transformation
et de l'atteinte d'une augmentation des revenus des exploitants agricoles.
IV.2.2. Développement de complexes
agro-industriels
IV.2.2.a. Un secteur agro-industriel souvent
opposé à l'agriculture familiale.
Dans un contexte d'émergence d'une conscience
écologique, les exploitations familiales semblent pouvoir aller de pair
avec le changement de paradigme prôné. L'agriculture
conventionnelle des entreprises agricoles voit sa méthode de production
remise en cause67. Les techniques intensives sont accusées de
créer des problèmes environnementaux (terres de moins en moins
fertiles, pollution de l'air, des nappes phréatiques...) par les ONG
environnementales (WWF, GREENPEACE).
Il est vrai que l'agriculture mondiale actuelle n'a pas permis
à l'ensemble des pays en voie de développement, notamment ceux
africains, d'atteindre l'objectif du millénaire pour le
développement (OMD) en 2015. Bien au contraire, le continent est encore
confronté à des phénomènes de famines
(Nigéria, Soudan du Sud, Somalie) en 2018, résultat de conflits
mais aussi de sècheresses68 répétées.
Ils sont également confrontés à des problèmes de
malnutrition. Or, l'agriculture familiale qui compose 95 % des exploitations
des pays, faute de moyens et de formations, tire peu profit de l'ensemble des
avantages que leur procure leur environnement et ne parvient pas à
assurer les besoins alimentaires quotidiens des populations, ce qui les conduit
à importer.
Ainsi, depuis les émeutes de la faim en 2008, de
nombreux pays africains notamment le Mali ont dû faire face à une
augmentation de leur facture alimentaire (Adamczewski, 2014). Celle de
l'Afrique, à elle seule, a augmenté de 74 % entre 2007 et 2008
(FAO, 2008). Ceci montre l'enjeu stratégique qu'est la nourriture et la
vulnérabilité des pays importateurs de denrées
alimentaires. Le Mali, face à cela, a
67 M.M Robin « Les moissons du futur ? » 2012.
1h30. Arte Ed.
68 Des sècheresses qui incomberai au changement
climatique, provoquée par l'activité anthropique.
123
mis à disposition des investisseurs étrangers et
nationaux d'immenses terres arables « inexploitées et vides
d'hommes ».
Le but de ce nouveau processus est de mettre en valeur des
terres peu voire pas exploitées par les populations qui l'occupent. Les
investisseurs étrangers comme nationaux en quête
d'opportunités, capables de procéder à des
aménagements, coûteux69 et de mener une agriculture
moderne et productive, sont favorisés et attirés. Des terres
arables de l'ON sont donc aménagées.
Ce processus est par ailleurs sujet à de nombreux
débats70. En effet, l'implantation de ces projets sur des
étendues de terre (variant de 50 hectares à 100 000 hectares pour
les projets les plus grands) en théorie vides d'hommes et
inexploitées sont en réalité occupées par des
populations qui pratiquent une culture pluviale en zone sèche.
L'arrivée des investisseurs engendre leur déplacement.
C'est le cas par exemple avec l'implantation du Complexe
Agropastoral et Industriel (CAI) de Modibo Keita sur 20 000 hectares
accordés par l'ON, à soixante kilomètres de Ségou,
à cheval entre la commune de Sibila et celle de Pogo. L'implantation de
ce complexe, appartenant à un milliardaire (en FCFA) malien a
engendré de nombreux litiges et critiques. Certains jugent la
procédure non conforme, basée sur des combines entre
l'État et l'investisseur, et contestent cette implantation. Si l'ON est
en théorie le gestionnaire de ces projets « faramineux »,
Modibo Keïta aurait usé de ses liens étroits avec
l'ex-président Amadou Toumani Touré (ATT) pour avoir ces terres.
Cela serait fréquent pour ce type de convention (Adamczewski, et al
2013). Ainsi, l'investisseur est accusé de ne pas avoir conduit
d'étude sociale et environnementale et d'occuper des terres
illégalement, terres que les villages de Sanamadougou et Sahou
revendiquent. Le litige a été porté en 2010 devant les
instances judiciaires, censées trancher la question. À ce jour,
le complexe de Modibo Keïta occupe 20 000 hectares contre 7 500 au
départ. Cette expansion découle de la chute de Kadhafi et des 100
000 hectares du projet Malibya.
69 Soit 4 500 euros /hectares
70 - Amandine, Adamczewski. Qui prendra ma terre ? L'Office
du Niger, des investissements inter- nationaux aux arrangements fonciers
locaux. Géographie. Université Montpellier Paul
Valéry - Montpellier III, 2014.
-Florence Brondeau, Confrontation de systèmes
agricoles inconciliables dans le delta intérieur du Niger au Mali ? ,
Études rurales, 191 | 2013, 19-35.
124
S'il est vrai que ce type d'aménagement est
controversé, il ne faut pas pour autant le bannir entièrement,
mais l'améliorer. Les terres accordées sont bien souvent
pharaoniques et ne sont pas toutes mises en valeur, à l'image de ce CAI.
Sur les 20 000 hectares que Modibo Keïta possède en 2018, seulement
5,7 % ont été mises en valeur, soit 1 138 hectares. La taille des
terres octroyées devrait être mieux étudiée et
adaptée à la capacité réelle de l'investisseur
à aménager des terres. Si cela nécessite un
déplacement, les populations ne doivent pas être
lésées par le processus. Le partenariat doit être
gagnant-gagnant.
Ce type de complexe permet une relance économique du
secteur agricole et l'accroissement de la production nationale, mais aussi des
créations d'emploi pour les populations.
IV.2.2.b. Les atouts du Complexe Agropastoral et
Industriel (CAI) de Modibo Ke
·ta.
Le CAI est un complexe moderne, très motorisé et
irrigué par des pivots.
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Commentaire : Pivot 6 du Complexe CAI, qui irrigue par
aspersion une parcelle de
30 hectares.
Ses 1 138 hectares sont divisés en 21 pivots, dont la
taille varie de 80 à 35 hectares. Ils sont destinés à la
production de maïs, de riz et de blé mais aussi à des
spéculations maraichères comme l'oignon/échalote et la
pomme de terre. Lors de la
125
campagne d'hivernage passée, le riz était la
culture dominante ; lors de la contre saison 2018, la pomme de terre dominait.
Cette année, le complexe à réalisé la culture de la
pomme de terre sur quinze pivots. Cela a permis de produire plus de 14 000
tonnes71, composée de deux variétés, «
Elodie » (Variété française) et « Spunta »
(Variété néerlandaise), sur 700 hectares. Cela
représente près de la moitié de la production de pommes de
terre de toute la zone de l'ON. Ainsi, la production est très
performante. Lors de la récolte, le complexe enregistre en moyenne le
départ de dix camions (338 tonnes) par jour vers la capitale, par manque
de place dans les chambres froides du complexe qui sont au nombre de deux
(quatre pièces par chambre). La capacité de stockage de 300
tonnes, soit 600 tonnes au total, est insuffisante pour conserver l'ensemble de
la production.
La récolte y est totalement
motorisée72 pour certains pivots, et semi motorisée
pour d'autres.
Pour les pivots où la récolte est
motorisée, elle se fait à travers une arracheuse de pommes de
terre de la marque GRIMME ; le tri est effectué par une trieuse de la
même marque.
Source : Drabo, A (Mars 2018)
Arracheuse de pomme de terre et Trieuse GRIMME.
Cette mécanisation permet la récolte de quinze
hectares par jour (entre 6h et 22h) contre la moitié pour les pivots
semi-mécanisés.
71 Chiffre datant du 24 mars, la récolte n'était
pas terminée.
72 Nécessite peu de main d'oeuvre
126
L'arrachage pour ces parcelles est fait par une machine,
l'Horpiso. Cette machine permet l'arrachage des tubercules afin que le
tubercule soit à la surface.
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Commentaire : L'Horpiso (À droite), et une parcelle
après le passage de l'Horpiso.
Tubercule à la surface du
Sol
Source : Drabo, A (Avril 2018)
Femmes ramassant les tubercules après le passage de
l'Horpiso et les déversant
dans une caisse-palette de pommes de
terre
127
Ensuite, les femmes sont chargées de ramasser les
pommes de terres mais également de les trier, en veillant à
séparer les tubercules abimés des tubercules sains, plus gros et
à l'aspect « convenable », qui sont ensuite
déversés dans des caisses-palettes, d'une capacité de 1
300 kg.
Ce travail saisonnier et temporaire lors de la récolte
permet à ces femmes de la zone de projet de percevoir un revenu
supplémentaire. Lors de la récolte, elles sont
rémunérées par caisse-palette remplie (5 000 FCFA, soit
7,5€). Il faut compter le travail de trois femmes par caisse-palette
remplie. En moyenne, elles en remplissent trois par jour et gagnent donc 5 000
FCFA par personne et par jour pendant trois à quatre semaines. Selon le
responsable des ressources humaines, le complexe emploie temporairement 250
à 700 personnes par saison de récolte, essentiellement des
femmes.
Outre cela, le complexe permet avec les petits tubercules un
revenu supplémentaire. Le stockage dans des sacs est
rémunéré à 100 FCFA (0,15€) pour 25 kilos de
sacs remplis ; ils sont ensuite revendus aux populations environnantes à
75 FCFA (O,11€), permettant de redynamiser l'économie.
Il est vrai que la rémunération peut être
discutable, mais elle a le mérite d'apporter un revenu
supplémentaire au ménage, en plus de leur activité
agricole.
L'implantation est également source d'emplois dans la
région, puisque 300 personnes sont employées à plein
temps, pour conduire les machines, réaliser leur entretien, construire
les caisses-palettes... A l'échelle du pays, des emplois
supplémentaires (agronomes, personnel administratif...) sont
créés.
Ce type de complexe peut véritablement être
multiplié si l'on y apporte des améliorations, en termes de
rémunération notamment.
Ainsi, l'industrialisation de la production mais aussi de la
transformation permettrait de réduire le gaspillage de ces
spéculations périssables de tendre vers une autosuffisance
alimentaire (avec l'augmentation de la production agricole par une
activité moderne et plus performante), de pallier cette insuffisance de
l'industrie agroalimentaire au Mali, mais aussi le chômage des jeunes
Maliens. Autant d'atouts dont peut jouir le pays, s'il s'en donne les
moyens.
128
CONCLUSION :
La zone ON est sans conteste un véritable terrain
à fort potentiel agricole pour le Mali. Depuis la colonisation, les
avantages que la zone procure sont connus. Elle était déjà
considérée, comme le « grenier potentiel de l'Afrique de
l'Ouest », capable de nourrir toute la sous région. Son histoire
agricole a ainsi été marquée par les cultures de coton et
de riz.
À présent, le maraichage marque l'histoire de
l'ON par son importance. Au début des années 1980, il
n'était encore qu'une activité marginale, bannie des casiers
rizicoles. En 2018, il s'agit de la seconde activité pour les colons,
par sa fréquence en contre saison et son importance pour le revenu des
exploitants (de 50 % à 70 % du revenu de certains maraichers). Les
spéculations cultivées constituent les bases de la cuisine
malienne, à savoir la tomate et l'échalote. La demande est si
grande que les opportunités ne sont pas toutes exploitées, ce
près de quarante années après la prise de conscience des
potentialités du maraichage dans la zone. Avec une
prééminence de l'échalote comme spéculation
maraichère.
En effet, qui parle de maraichage en zone ON pense
forcément à l'échalote. Elle représente 60 % des
cultures maraichères de l'ON. Son histoire est associée à
celle du maraichage de l'ON ; jardin de case dans un premier temps, elle est
depuis près de trente années devenue une culture de rente,
générant un chiffre d'affaires de plus de dix milliards de FCFA.
Ses nombreux atouts expliquent l'enthousiasme des colons lorsqu'ils sont
questionnés sur les effets du maraichage. Cette phrase « Nafa Ba
dé bé à la ! » (Il est d'une grande importance !) n'a
cessé d'être répétée lors des enquêtes
de terrain. Le fameux « Jaba micéni » de Niono a permis au
colon d'améliorer ses revenus, en se diversifiant notamment. La
riziculture n'est plus suffisante pour répondre à l'ensemble des
besoins, et le maraichage, notamment la culture d'échalotes, vient en
renfort. La maitrise en eau totale et l'abondance de terres permettent une
production importante ; la région détient le monopole du
marché malien pendant près de cinq mois chaque année. Elle
permet aux femmes et aux jeunes de se constituer un revenu personnel et de
s'affranchir des inégalités des
129
familles traditionnelles. Les femmes, en transformant la
spéculation en EES ou EST, permettent d'augmenter les revenus
tirés de cette production.
Toutefois, comme nous l'avons vu dans ce mémoire, cette
spéculation primatiale est confrontée à nombre de
blocages. La difficulté de la production, le manque d'infrastructures de
conservation, de transformation, mais aussi la désorganisation de la
filière de commercialisation sont autant de freins au
développement de cette spéculation. Ainsi cette
prééminence menace véritablement la dynamique
d'amélioration des revenus des exploitants par le maraichage.
La pomme de terre, spéculation d'avenir pour la zone,
introduite il y a près de vingt ans, a servi de diversification
également. C'est une spéculation produite dans d'autres bassins
maraichers du Mali, mais qui ne suffit toujours pas à répondre
à la demande nationale. Le Mali continue malgré sa production
d'importer des pommes de terre d'Hollande ou du Maroc. En ce sens, les atouts
que procure l'ON pour le pays permettraient un développement de la
chaine de valeur, mais aussi de diversifier l'activité dans la zone et
d'améliorer les revenus des exploitants. Tout comme l'échalote,
la filière est confrontée à des limites qui menacent son
développement, notamment un manque de maitrise des techniques, la
faiblesse de la conservation et de la transformation.
Finalement, s'il est vrai que ce mémoire expose la
situation actuelle du maraichage dans la zone ON et sa contribution aux revenus
des exploitants, il nous amène aussi à réfléchir
sur son caractère suffisant pour l'atteinte de la sécurité
alimentaire. Le maraichage contribue à la moitié du revenu des
exploitants, mais au vu de la faiblesse de ce revenu, cette amélioration
semble minime. À cet instant même, la malnutrition sévit
encore dans ces villages, où l'abondance d'eau et de terres ne suffit
pas pour manger à sa faim. Ceci existe malgré la volonté
« apparente » du gouvernement et l'implication de partenaires au
développement. Les projets similaires, qui poursuivent les mêmes
objectifs ne parviennent pas à décanter la situation. Près
de soixante années après les indépendances, la
pauvreté reste le quotidien de ces ruraux maliens. En ce sens, le
maraichage certes améliore les revenus, mais permet surtout à ces
maraichers de survivre, et non de les sortir de la pauvreté. Un blocage
apparent semble illustrer son développement.
130
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Bibliothèque de l'URDOC, sur la Politique de
développement Agricole, datant de 2013, République du
Mali
Bibliothèque de l'URDOC, sur la Politique
Foncière Agricole du Mali, datant de 2014, République du
Mali
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terres du réseau hydraulique affecte à l'ON. Datant du 12
Mars 2014, République du Mali
136
Site Web
Site de l'Office du Niger
Fao
La Banque mondiale
Site du Ministère de l'Agriculture du Mali
Chambre Régionale d'Agriculture de Ségou
137
Annexes :
Annexe N°1 - Questionnaire pour les maraichers P138
Annexe N°2 Ð Questionnaire pour les
commerçants P144
Annexe N°3 Ð Retranscription d'un entretien
avec un personnel
encadrant de L'ON P146
Annexe N°4 Ð Retranscription d'un entretien
avec un membre de la
collectivité locale P48
Annexe N°5 Ð Retranscription d'un entretien
avec le directeur de
SOCAFON P150
138
Annexe 1 : Questionnaire pour les maraichers
1. Localisation:
Zone de production
|
Zone de Niono
|
Village
|
Djicorobougou - Foabougou - Bagadadji km 36
|
Casier
|
|
|
|
2. Que cultivez vous?
o Échalote
o Pomme de terre
o Autres: Piment - Gombo - Ail ...
3. Nom et prénom / Numéro de famille
4. Sexe
o Masculin
o Féminin
5. Avez-vous des enfants ? Si oui combien?
o Oui
o Non
6. Sont-ils scolarisés ? si oui combien sont
scolarisés?
o Oui
o Non
7. Habitez vous près de vos cultures ? si non quelle
est la distance?
o Oui
o Non
139
8. Votre maison est elle électrifiée ? Si Oui
précisez la source d'approvisionnement
o Oui
EDM / PANNEAU
o Non
9. Disposez vous d'eau potable ? Précisez la source
(Fontaine, forage, puits)
o Oui
o Non
10. Disposez vous de moyens de locomotion ? Si Oui le (s)
quel(s)?
o Oui
Charrette
Vélo Moto Tricycle
Motoculteur
o Non
11. De quel matériel agricole disposez vous?
12. En plus du maraichage pratiquez vous d'autres
activités rémunératrices ? Si oui dans quoi?
o Oui Riziculture / Commerce / autres
o Non
13. Les atouts de la filière:
o Complément alimentaire
o Facile à produire
o Pas long à produire
o Forte demande des consommateurs
140
14. Les difficultés de la filière sont
liées
o Conservation (Pas de local - Local pas assez conservateur)
o Commercialisation (Prix du marché trop bas - peu de
client)
o Production faible (L'accès aux engrais limité -
Des semences pas assez productives)
15. Depuis combien de temps cultivez vous l'échalote /La
pomme de terre?
16. Pour quelles raisons avez vous choisi de produire
l'échalote et/ou la pomme de terre?
17. Pourquoi menez vous cette activité
maraichère?
o Par manque de travail
o Pour compléter les revenus du ménage
o Par héritage (Tradition)
o Autre ............
18. Sur combien d'hectare (s) cultivez vous : (par type de
spéculation)
19. Avez vous réalisé une demande pour
l'accès à vos terres?
o Oui
o Non (Par héritage)
20. Combien de fois cultivez vous votre terre?
o 1 fois
o 2 fois
o 3 fois
o plus de 3 foies
141
21. Comment avez vous eu vos connaissances agricoles?
o En suivant une formation
o Par héritage
o Par soi-même
22. Comparativement, entre l'échalote et la pomme de
terre, quelle culture offre un plus grand bénéfice?
23. D'où viennent vos semences?
24. Combien êtes vous à travailler sur
l'exploitation? Précisez homme/femme?
Nombre:
o Salarié annuel
o Saisonnier
o Temporaire
o Main d'oeuvre familiale
25. Quelle est la quantité moyenne de votre production?
(rendement tonne / hectare)
26. Combien cela vous rapporte t'il ?
27. Combien dépensez vous pour produire l'échalote
/pomme de terre?
Semence (Échalote)
|
Intrant
|
Redevance eau
|
Total
|
|
|
6700
|
|
Semence(Pomme de terre)
|
Intrant
|
Redevance eau
|
Total
|
|
|
6700
|
|
142
28. Vos investissements dans l'exploitation proviennent de : (Si
crédits précisez la provenance)
o Crédits formels
o Crédits informels
o L'épargne (personnel)
29. Comment stockez vous votre production?
o Chambres de conservations
o Par attaches
o Pas de conservation
30. A qui vendez vous vos productions?
o À des commerçants
o À des intermédiaires sur les exploitations
o À des partenaires au développement
o À des consommateurs directement (Circuit court)
o À des industriels
31. Dans quoi dépensez vous principalement le
bénéfice de votre activité?
o Nourriture
o Vêtements
o Education
o Épargne
o Payement des factures (Électricité - Eau pour
l'irrigation)
o Investissement dans d'autres activités (Riziculture)
o Investissement à l'amélioration de
l'exploitation maraichère
o Investissement dans l'amélioration du confort du
foyer
32. Faites vous parties d'un groupement?
o Syndicat
o Coopérative
o Association (GIE ; GIEF)
33. Citez les avantages que vous procure le groupement?
143
34. Des acteurs exogènes vous aident t'ils dans votre
activité?
o Des structures d'encadrement: Office du Niger
o Des structures de recherche : IER
o Des associations : ONG
o Des partenaires au développement
o Personne
o Autre
35. Comment est assuré l'appui conseil?
36. Selon vous, pour une pérennité de la
filière (échalote ou pomme de terre), quels sont les défis
qui restent à relever?
37. Pensez vous à innover certains éléments
dans le processus de production, de commercialisation ? Si oui le (s) quels ?
Si non pourquoi
o Oui
o Non
38. Quels sont vos objectifs aujourd'hui pour l'avenir?
39. Comment des acteurs exogènes pourraient ils vous
aider? (Appui financier : wari ko, moral (Ladili), technique (Kalanko)
Discussion:
Ce travail pourrait il vous aidez à sortir de la faim et
de la pauvreté ? Donnez les raisons?
Quelle est la contribution des bénéfices du
maraichage dans vos revenus
144
Annexe 2 : Questionnaire: Commerçants de
l'échalote et la pomme de terre
1. Que commercialisez-vous ?
o Échalote
o Pomme de terre
o Les deux
2. Vous êtes un :
o Intermédiaire
o Commerçant grossiste
o Commerçant détaillant
3. À combien achetez vous le kilo d'échalote/pomme
de terre ?
4. À qui achetez-vous vos produits :
o Producteur sur son exploitation
o Producteur sur les marchés
o Intermédiaire
o Commerçant grossiste
5. À combien le revendez vous ?
6. Quelle marge tirez-vous de la commercialisation de
l'échalote / de la pomme de terre ?
7.
145
Combien vous coûte le transport de vos produits ?
8. Comment conservez-vous vos produits ?
9. Quand commercialisez-vous l'échalote et/ ou la pomme
de terre ?
10. Pour quelles raisons choisissez-vous la commercialisation de
cette (ces) spéculation (s) ?
11. D'où viennent la majorité de vos clients ?
12. Où vendez-vous vos produits ?
13. Quels sont les atouts pour la commercialisation de
l'échalote et/ou la pomme de terre ?
14. Quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face
pour la commercialisation de cette (ces) spéculation (s) ?
15. Comptez-vous apportez des améliorations à la
commercialisation de l'échalote /pomme de terre ? Si oui, justifiez.
146
Annexe 3 : HISTORIQUE DE LA CULTURE DE L'ECHALOTE A
L'ON selon Monsieur Mahamadou Issa MAIGA, Chef Division Vulgarisation Formation
à l'Office du Niger, à Ségou le 2 Février
2018
Longtemps considéré comme une activité
annexe à I `Office du Niger, le maraîchage était
pratiqué comme une culture de case dont le produit (essentiellement des
légumes) était destiné à la consommation familiale.
Bien que I `Office n'ait jamais vu d'un très bon oeil ces cultures
"concurrentes", elles se sont progressivement étendues vers la saison
sèche grâce à I `arrosage permis par la création,
avec la complicité de I `encadrement, de petites rigoles "piratant" les
canaux de I `Office. Celui-ci a fini par accepter leur présence sans
toutefois les reconnaitre formellement par l'attribution de terres pour les
jardins.
Le passage de la culture de légumes de case pour
l'autoconsommation à une production commerciale a été
progressif à l'allure du développement des petits centres urbains
et des voies de communication.
- Le bitumage de la route Niono- Markala en 1984 a
facilité l'évacuation des produits agricoles vers Ségou,
Bamako, Cote d'Ivoire...
- La libéralisation du commerce du riz en 1987 a
favorisé l'arrivée de nombreux commerçants sur les
marchés de centres urbains. Ces commerçants ont
développé d'autres opportunités avec les produits
maraichers
- L'adoption de la diversification dans sa stratégie de
développement par l'Office du Niger a été sans doute le
catalyseur de l'essor du maraichage en général et de la culture
de l'échalote en particulier. Ceci c'est traduit par :
V' une politique d'extension des superficies
maraichères,
V' l'aménagement des parcelles
V' une politique de formation / information de
l'encadrement, des producteurs
V' une synergie entre différents partenaires :
ON, Retail,, URDOC, ARPON, RD,
IER, APROFA
V' une politique de cadre de concertation.
L'historique de la culture de l'échalote à
l'Office du Niger se confond dans toutes ses dimensions à celle du
maraichage en général, elle-même liée à
l'arrivée des premiers colons L'échalote était
initialement cultivée dans les jardins de case par les colons. La
production s'est ensuite étendue au fil des années aux zones hors
casiers d'abord et ensuite aux casiers rizicoles en contre-saison du riz.
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L'ON est de nos jours la principale zone productrice au Mali.
D'ailleurs l'échalote y est actuellement, la principale culture
maraîchère et représente plus de 90% de la production
maraîchère de la région. L'ON assurerait également
2/3 de la production nationale même si es superficies cultivées
restent peu importantes, moins de 0,5 ha en moyenne.
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Annexe 4 : Retranscription d'un entretien avec un
membre de la collectivité locale, le 30 Mars 2018 à Niono.
Je suis le secrétaire général de la
Mairie de Niono, dans le cadre du développement de la commune, nous
travaillons sur la base d'un document stratégique et décisionnel
: Le Plan de Développement Économique et Sociale (PDESEC).
Il est consensuel : C'est un outil qui est élaboré
par tous les acteurs de la commune :
· Les élus
· La société civile
· Les services techniques (Finances, Agriculture,
L'éducation...)
· Les ONG
Une phase de diagnostic est réalisée
auprès des villages notamment durant une « journée
intercommunautaire » organisée, afin de recueillir les
préoccupations, les attentes mais aussi les objectifs des villageois ;
Permettant ainsi de fixer les priorités pour les cinq années
à venir. Et le conseil communal statut sur le document pour le valider
et s'assurer de la bonne cohérence avec les attentes locales. Puis la
validation ultime se fait auprès du préfet. Suite à cela,
des projets sont envisagés par village.
Un budget annuel est prévu par la commune, pour le
financement de ces projets découlés du PDESEC.
Nous travaillons sur les vraies préoccupations de la
commune. Chaque année une restitution est réalisée afin de
s'assurer de ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas
été. Dans ce sens, lorsque les exploitants de la commune de Niono
émettent des souhaits, comme l'entretien du réseau
électrique, nous le faisons. Mais aussi, nous accompagnons les
partenaires au développement lorsqu'ils mènent des projets dans
un village. Comme la construction supplémentaire d'un forage pour le
village. Nous aidons, les exploitants, par ces projets à
améliorer leur quotidien.
Aussi, en cas de dons pour les villages, on passe
forcément par la mairie.
Et concernant la situation alimentaire de la commune, nous
faisons partie du système d'alerte précoce. Et nous aidons les
enquêteurs de l'ENSAN (ENQUETE NATIONALE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE ET
NUTRITIONNELLE) en leur donnant des renseignements sur les ménages, les
nouvelles personnes arrivées, les départs.
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Car depuis le début des conflits dans le nord du pays
en 2012, nous avons fait face à une vague importante de
déplacés (près de 5 000 personnes). Logistiquement
c'était très compliqué. On les recensait à la
mairie et les aides venaient en fonction de ces registres. OXFAM, La
CROIX-ROUGE, CARE Mali... Ont tous apporté une aide. Mais aujourd'hui la
situation rentre dans la normale. Beaucoup ont quitté la commune.
Mais vous savez, avec ces conflits, cela a eu un impact
négatif sur la commercialisation des cultures maraichères de la
commune de Niono, on fait fasse à un gros manque a gagner. Tant on sait
que c'est une activité qui contribue énormément à
l'économie de la commune. Même nous les membres de la mairie nous
disposons en plus de notre travail ici, des parcelles dans les villages,
où nous réalisons un maraichage comme complément à
nos revenus.
Et ces conflits, ont fait que des villes comme Tombouctou ou
encore Léré ne peuvent plus être approvisionnées en
échalote, en tomate, en chou... Les prix ont chuté. Car la
demande a véritablement diminuée pour les pôles de
consommation environnant.
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Annexe 5 : Entretien avec M. Ousmane DJIRE, le 1
février 2018 à NIONO
Je suis le directeur de SOCAFON, qui est une
coopérative regroupant des artisans de la zone de l'ON. Nous disposons
de 22 ateliers dans la zone et un atelier central à Niono. Nous
réalisons des matériels agricoles, adaptés aux exigences
des exploitants maliens. En essayant à la fois de les rendre accessibles
au plus grand nombre. Ainsi, SOCAFON réalise des engins pour la
transformation de culture maraichère robuste (10 ans) et a des prix
abordables. Notamment l'échalote, qui est la spéculation
dominante. Comme le broyeur, mais encore faut-il que les exploitants puissent
se regrouper, pour créer des unités de transformation et se payer
ses engins.
Le maraichage est une activité extrêmement
porteuse si l'on s'en donne les moyens. L'eau est là, les terres sont
là, les ressources humaines aussi. Nous avons un potentiel inestimable.
Il peut être véritablement un levier pour l'atteinte de la
souveraineté alimentaire. C'est donc une activité que nous
ciblons, au vu de son importance dans le paysage de la zone de l'ON en
période de contre-saison. Après la riziculture elle est la
seconde activité. Mais elle est marquée par de nombreux
défis, qui à mon sens sont la conservation et la transformation
pour l'échalote. Car les prix pas assez rémunérateurs ne
permettent pas de véritables gains pour les producteurs. Ces derniers
doivent faire face à une production massive et à des
récoltes à une période où les prix chutes. Des
réponses doivent être trouvées pour échelonner la
vente (Donc la conservation) et / ou la transformer pour permettre d'avoir une
valeur ajoutée plus grande.
La transformation doit être un objectif principal. Il
est temps de se tourner vers une transformation répondant à
toutes les normes sanitaires (qualité du produit transformé,
emballages...) pour une remontée de gamme de la filière
échalote.
Pour la pomme de terre les défis sont les mêmes.
Ils sont tous deux des produits périssables qui engendrent de nombreuses
pertes. Des pertes imputées certes à la conservation mais surtout
aux méventes. La concurrence des Dogons, qui sont très
communautaires menacent la commercialisation de l'ON. Car ils sont les plus
grands commerçants de Bamako et rachètent l'échalote de
Niono, qu'une fois la production de leur zone écoulée. Et en plus
ils sont malins, face à l'imminence des besoins monétaires des
maraichers, ils n'hésitent pas à caser les prix. Il faut donc
sécuriser le paysan, en fixant des prix minimums d'achats pour
protéger ces exploitants.