CONTEXTE
« La ville de Ziguinchor est l'une des plus anciennes
cités du Sénégal. Elle est passée successivement de
la domination coloniale Portugaise (1645-1888) à celle Française
(18881960) pour enfin devenir ville Sénégalaise en 1960 ».
Site portuaire, sa situation privilégiée au coeur de la Casamance
explique son origine et l'intensité de son trafic commercial à
l'époque coloniale favorisant ainsi l'arrivée massive de
nouvelles populations, contribuant à l'extension de son
périmètre communal. Mais sa période de véritable
expansion ou mutation de Ziguinchor se situe après la seconde guerre
mondiale. En 1945, Ziguinchor comptait 10.000 habitants, la ville s'est
dotée d'un véritable aéroport en 1953. Un ouvrage de quai
est construit en 1955, pour permettre l'accostage facile des navires de mer, en
lieu et place des wharfs, et la route Trans gambienne est tracée. En
1956, Ziguinchor accède au statut de commune de plein exercice qui
abroge le système du double collège électoral. Le
recensement de 1951 donne 15.600 habitants autochtones et 530 «
Européens et assimilés ». La première mission de
photographie aérienne date de 1954 et fait apparaitre à l'ouest
la croissance de Boucotte qui donne les quartiers de Peyrissac et
Niéfouléne. La ville atteint la route d'Oussouye et la
dépasse avec l'embryon du futur quartier de Colobane.
Après l'indépendance, l'explosion
démographique causée par le développement commercial
insufflé par la colonisation Française qui fut à l'origine
d'une très forte immigration de ruraux venus des villages de Casamance,
de commerçants et commis nord-Sénégalais et de populations
Guinéennes. Dès la fin de la conquête, le colonisateur
s'octroya le droit éminent de propriété sur les terres en
s'érigeant comme héritier des ancêtres maitres de la terre.
Ainsi il mettre en oeuvre successivement plusieurs modes de gestion
foncière qui évolueront. Les transactions entre particuliers en
application du code civile ; la concession en pleine propriété de
terres domaniales ; la vente par adjudication aux enchères publiques ;
l'occupation temporaire par le biais du permis d'habiter ou de permis
d'occuper.
Ainsi, la mission aérienne de 1960 confirme la
croissance en éventail de l'agglomération Ziguinchoroise avec ses
30.000 habiatants. La ville continue de grandir au plan spatial et la
consommation des terres s'accentue. A l'ouest les quartiers de Colobane,
Soucoupapaye, Grand-Dakar et Lyndiane sont constitués ; Néma fait
la jonction avec Boucotte. Tilène s'élargit au sud-est et la
jonction est faite entre Santhiaba et Kandé. Le quartier de Lyndiane,
déjà embryonnaire, sera confirmé et personnalisé
avec les missions aériennes de 1966, puis celle de 1969. Cette
période voit également naitre le quartier d'Alwar
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12
et son extension vers le village rural de Kandialang.
Officiellement Ziguinchor est passé de 5 quartiers à 16 quartiers
entre 951 et 1987. Aujourd'hui, la ville compte 38 quartiers avec une extension
qui se fait en direction de Kénia et Diabir, et le secteur de Kandialang
et Kanténe. Sur la photographie aérienne la forme de l'organisme
urbain de Ziguinchor rappelle une abeille aux ailes à demi
repliées. « La tête constituée par le damier de
l'escale et annexes, ville coloniale épousant la direction du fleuve
»10. Le corps rassemble les « quartiers africains »,
successivement lotis. Les deux ailes, soulignés par les deux routes
nationales (route d'Oussoye et route du sud-est), cette zone correspond
à la croissance urbaine spontanée dans les deux directions du
sud-ouest et du sud-est et dont le lotissement se fera que tardivement dans les
années 70-80.Actuellement, on constate que, du fait du fort
accroissement de la population urbaine, l'insécurité qui ne cesse
de perdurer en Casamance, accompagnée par la crise du monde rural, les
ressources foncières de la commune de Ziguinchor se raréfient et
sont de plus en plus convoitées, ce qui a fait aussi grimper la valeur
des terrains, notamment dans les zones périurbaines et durcit la gestion
foncière. La prise en compte de tout l'éventail des modes
d'occupation foncière, formels, religieux, coutumiers et non formels,
est donc indispensable.
L'urbanisation est un phénomène qui se
déroule dans le temps long. En apprécier la dynamique, les
tenants et les aboutissants, les logiques et les déterminants
sous-jacents nécessite donc que l'on adopte une perspective qui tienne
compte de cette longue durée chère à F. BRAUDEL. Le
Sénégal indépendant s'est doté en 1964 d'un
régime foncier, les terres sont réparties entre trois ensembles
d'inégale importance chacun doté d'un régime propre:
1) La propriété privée : est maintenue,
mais pour l'essentiel, elle n'existe qu'en milieu urbain. Elle connait une
croissance exponentielle du fait de l'extension des villes et des
activités économiques modernes ;
2) La propriété publique : a été
essentiellement conçu comme un instrument de régulation
permettant, à titre exceptionnel et pour des raisons d'utilité
publique, de substituer le pouvoir foncier à l'état à
l'Etat et celui des conseils ruraux.
3) Les terres rurales sont dans leur quasi-totalité
soumises au régime de la domanialité nationale.
10Source : Ville de Ziguinchor
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13
Historiquement et ce jusqu'à l'indépendance, il
existait deux régimes juridiques en matière de gestion
foncière au Sénégal, celui du code civile Français
et celui de la coutume
Après 1960, la loi n° 64-46 du 17 juin 1964,
relative au domaine national, tout en réformant la situation
antérieure, laisse coexister à son tour deux régimes :
celui de l'immatriculation et celui du domaine national. Mais, si
officiellement l'administration de la terre est régie par l'un des
premiers et prend sa substance du décret du 26 juillet 1932, elle n'a
pas fait totalement disparaitre le régime coutumier qui continue de
prévaloir comme règle de gestion en particulier pour
l'accès à la terre. En 2011, le dispositif prévu pour le
décret du 26 juillet 1932 pour ce qui concerne l'immatriculation
foncière et repris dans la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 et son
décret d'application n°64-573 du 30 juillet 1964, a
été modifié.
JUSTIFICATION
Le géographe, homme de terrain et d'observation,
spécialiste de l'étude d'un territoire en tant que morceau
d'espace inséparable de l'action humaine, formé par sa discipline
à l'analyse des mécanismes, des combinaisons complexes
spécialisées, est par ailleurs tout désigner pour
collaborer à la conception et à l'application d'une politique
régionale globale et ceci à quatre niveaux : informer, analyser,
critiquer et proposer. Dans l'approche des sciences humaines et sociales sur
les questions relatives au processus d'urbanisation, le thème de gestion
foncière et mutation urbaine est primordial. Le cas de Ziguinchor
illustre ce phénomène. Ziguinchor devient de plus en plus une
ville rayonnante en basse Casamance, voire au-delà de cet espace. Elle
offre des biens et des services plus ou moins spécialisés non
seulement pour sa population locale, mais aussi pour celle de son vaste espace
régional d'influence : son port, ses universités, ses
hôpitaux etc. Son plan en damier et le système parcellaire de
Ziguinchor, continuent à accepter les transformations urbaines
successives en préservant la forme initiale. Ainsi, l'étude de la
gestion foncière et mutations urbaines s'avère importante, dans
la mesure où elles occupent une place cruciale parmi les
problèmes que rencontrent les villes d'aujourd'hui surtout, depuis
l'ère industrielle. Car la gestion foncière et mutations urbaines
sont deux ensembles homogènes et inter liés les unes des autres.
Le choix de ce sujet s'est porté sur l'importance qu'occupe le foncier
dans cette région de la basse Casamance, ainsi que la place qu'occupe la
ville de Ziguinchor dans sa région et à la sous-région.
L'accélération du rythme urbain de Ziguinchor influence fermement
la gestion foncière, d'où résultera une mutation urbaine
en raison de l'augmentation des demandeurs de terrains à bâtir. En
effet la ville de Ziguinchor est constamment envahie par un nombre
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important de population surtout depuis le déclenchement
de la crise du monde rural causée par la sécheresse des
années 70-80, la baisse des cours mondiaux des prix de l'arachide, par
la crise politico-armée qui sévit depuis une trentaine
d'années en Casamance, les coups d'état récurrents en
guinée Bissau et les guinéens exercent une pression
foncière galopante. En plus Ziguinchor est une capitale sous
régionale, sans oublier l'implantation des universités : celle de
Assane Seck et celle des catholiques qui est une université
privée.
Dans toutes les villes du monde, les enjeux fonciers sont
énormes, et sont à l'origine de conflits entre populations. La
vile de Ziguinchor ne fait pas exception, à cette boulimie
foncière, tout en tant sachant que le conflit Casamançais tire
ses origines dans les problèmes fonciers. L'intérêt de ce
sujet, est la compréhension du processus d'urbanisation de la ville
depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, la complexité
de la gestion foncière ainsi que la mutation urbaine qui s'en suive.
C'est dans ce contexte que la ville de Ziguinchor suscite un nombre important
de travaux, qui n'épargnent pas les géographes. Etant
donné que, la formation du géographe lui permet pourtant de
visualiser et de conceptualiser une problématique puis d'en
définir une interprétation globale, permettant ainsi
d'établir et de planifier les mécanismes d'intervention en
matière de gestion des ressources du territoire. Le cadre micro local
d'intervention du géographe pourrait à certain égard,
être la gestion foncière et mutations urbaine. Par
conséquent, les résultats obtenus pourraient servir de base ou de
repère pour mieux comprendre la problématique de la gestion
foncière et mutations urbaine dans la ville de Ziguinchor.
REVUE DOCUMENTAIRE
Cette recherche s'appuie sur une démarche visant
à reconstruire l'évolution récente de Ziguinchor et son
territoire d'influence, et à décrire ses principales phases de
développement. Nous avons privilégié plusieurs aspects
afin de couvrir la Gestion Foncière et Mutation Urbaine de la ville de
Ziguinchor. Voici les dimensions du territoire que nous avons
considérées à partir des documents :
-L'évolution du cadre bâti ;
-L'évolution du foncier urbain et sa gestion ainsi que
sa mutation ; -L'évolution de la population et son impact sur la
pression foncière.
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15
De par la collaboration avec les responsables des services de
l'urbanisme de Ziguinchor, du cadastre, des impôts et domaines et de la
mairie ainsi que les ONG comme APRAN-SDP, de nombreux documents ont
été exploités. Ces services ont constitué des
dossiers qui sont des sources importantes pour comprendre les modes de gestion
foncière et mutation urbaine du territoire de Ziguinchor. En plus nous
avons pu faire des lectures complémentaires pour bien cerner ce sujet ;
nous avons consulté des documents à la bibliothèque
centrale de l'UCAD, à celle du département de géographie,
du GERAD et celle de Enda-tiers monde, sans oublier les sources internet. Pour
compléter toutes ces sources, nous avons mené des enquêtes
quantitatives auprès des populations et des enquêtes qualitatives
en guise d'entretiens réalisés auprès de la population de
Ziguinchor.
En Afrique les régimes fonciers sont pluriels et se
superposent, allant du formel ou statuaire à l'informel en passant par
le coutumier, le religieux, l'informel et bien d'autre systèmes
hybrides, Durand-Lasserve et Le direction de l'urbanisme de Ziguinchor, du
cadastre, des impôts et domaines et à la mairie. Roy, 2012, a
montré dans leurs travaux la nébulosité de la gestion
foncière en Afrique, qui contribue à son tour à une
mutation urbaine car les plus pauvres n'ayant pas les moyens d'acheter des
terrains dans le centre-ville se rabattent à la périphérie
et par conséquent, l'étalement urbain s'ensuit. Hesseling en
(1980), a montré la relation existant entre la gestion foncière
et mutation urbaine, car les ruées de populations vers la ville de
Ziguinchor ont eu des conséquences. Dans cette même directive, il
affirme : « cette période correspond avec l'essor de la ville et
l'arrivée massive de populations venant des campagnes
Casamançaises et la Guinée Bissau. Cette étape est
déterminante dans la conquête des terres à la
périphérie sud »11. S. Jaglin, ces travaux nous
ont permis de mieux comprendre que la bonne gestion foncière contribue
parfois à la mutation urbaine par la mise en place des lotissements.
« Le lotissement est un processus de légalisation foncière
et de restructuration des quartiers d'habitat spontané ». Les
anciens résidents du lieu sont « recaser » sur des parcelles
légales ainsi dégagées, où ils doivent
eux-mêmes reconstruire leur logement. Ils obtiennent un droit de
jouissance qui leur permet seulement d'être propriétaire
immobiliers mais pas foncier »12. Il définit la
périphérie comme un « espace de conquête
foncière où s'affirment des réussites familiales, les
périphéries sont
11 Hesseling Gerti : Le droit foncier dans une situation
sémi-urbaine : le cas de Ziguinchor 20 pages.
12 Demba J., 2006 : Gestion déléguée de
l'eau au Sénégal : outil de recomposition urbaine ou facteur de
fragmentation spatiale dans la ville de Ziguinchor, 27 pages.
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progressivement citadinisées ... l'acquisition en
périphérie n'est plus une pratique résiduelle dans les
parcours urbains, elle est devenue une composante essentielle des logiques
foncières citadines »13. Dans cette même logique,
l'ouvrage de LOMBY et GERBER, nous montre la complexité de la gestion
foncière en évoquant les faiblesses du système cadastral,
sont nombreuses : le temps qu'il faut prendre pour enregistrer un titre de
propriété, le cout de l'opération d'obtention de titre
foncier, le faible sentiment de confiance des acquéreurs de terrains
vis-à-vis des notaires ou intermédiaires administratifs et
légaux, le faible nombre de citadins maitrisant et utilisant la
procédure formelle d'enregistrement, la proportion des terrains
titrés et enregistrés, la fréquence de mise à jour
des données cadastrales, la proportion de la population urbaine en
Afrique détentrice de titre foncier, l'inadéquation d'enregistrer
d'autres actes et d'autres « propriétés sans cadastre ni
borne ». En résumé, nous pouvons dire que toutes ces
populations pauvres, n'ayant pas les moyens de suivre la procédure
normale et formelle s'orienteront vers la périphérie qui
contribuera à un étalement urbain rapide et fulgurant.
Oumar Sy et Papa Sakho dans leur ouvrage collectif sur la
ville de Ziguinchor relatif aux Dynamiques des paysages périurbains, met
en évidence la disponibilité foncière qui à son
tour contribue à une mutation urbaine démesurée. La ville
de Ziguinchor a connu une évolution radioconcentrique, à partir
des quartiers escale et Santhiaba, centre des activités administratives
et politiques, commerciales et industrielles. Ils poursuivent, grâce
à la production foncière la ville se densifie et grandit, ce qui
est à l'origine d'une mutation urbaine croissante. Car ils montrent
qu'en « 1973, la population de Ziguinchor s'élevait à 70.000
habitants », mais après les lotissements de plusieurs quartiers
pour faciliter une bonne gestion foncière par la sécurisation de
ce dernière, les responsables de la commune ont «
intégré dans la commune des villages de Colobane à
l'ouest, et Kandé Alassane et Kandé Sibink à l'est, ainsi
que Kandialang, Néma2, Kénya et tous les quartiers du sud de
l'agglomération comme Diabir. Aux quartiers populaires viennent
s'ajouter des quartiers émergeants (les Boucottes : centre, est, ouest,
nord et sud), plus Diéringho et Néma »14. Tous
ces facteurs ont contribué à une mutation urbaine rapide et ainsi
compliquant la gestion foncière voire même donnant une place aux
coutumiers. C'est pourquoi Pare L. explique que « les symboles et les
symbolismes
13 Jacob Jean-Pierre, 2005 « Sécurité
foncière, bien commun citoyenneté : quelques réflexions
à partir du cas Burkinabé », Ouagadougou, Etude Récit
n°6, Avril, 26 pages.
14 Sy oumar et Sakho Papa : Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal, 30
pages.
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17
qui caractérisaient les principes coutumiers de gestion
foncière ont évolué pour aujourd'hui laisser la place
à de véritables redevances »15, il souligne que
le dolo (le vin) et le poulet ont largement fait place à l'argent,
à des désintéressements en nature
(céréales). C'est à croire que les Dieux au nom desquels
la terre est affectée ou attribuée ont changé ou ont
transformé les règles de gestion foncière. La fin du
symbolisme qui concerne l'émergence d'une forte marchandisation
monétaire des rapports fonciers ». Il nous fait comprendre que, la
libéralisation du marché foncier, plus la forte pression
foncière ont pris le dessus sur les anciens modes d'acquisition des
terres où le système lamana dominait, comme le montre A. BARA
DIOP, en évoquant que les « régimes fonciers coutumiers au
Sénégal ne font pas exception à la règle. Dans une
grande partie du pays le Lamaan était (le descendant) du premier
occupant du lieu ». Il poursuit que « le Lamaan était aussi un
chef de communauté ou plus précisément de familles ou de
lignages. Mais il n'était pas un propriétaire éminent du
sol, il était le doyen et le représentant d'un groupe dont il
était chargé d'administrer les biens fonciers avec les
obligations et les avantages que cette fonction comportait. Le Lamaan
était également le prêtre du culte des génies
terriens », où il devient maitre de ces terres et qu'il donnera aux
nouveaux arrivants sans compensation ni paiement, mais depuis l'introduction
des régimes fonciers par les colonisateurs, ces systèmes lamana
ont disparu. Avant cette suppression du système lamana, le chef des
terres contrôlait donc la répartition des droits d'usage et est
seul à pouvoir aliéner les terres, l'aliénation n'est
tolérée qu'en cas d'urgence et que dans le lignage. Cette gestion
garantit un accès pour tous aux fonciers et une adaptation aux besoins
et capacité de chacun. Mais depuis l'avènement du régime
foncier occidental, il existe une
hétérogénéité de la gestion foncière
qui résulte à des conflits ou litiges fonciers. Pour
étayer cette thèse, Lavigne-Delville, explique que « c'est
là où des acteurs hétérogènes sont en
interaction qu'on observe un double jeu entre coutume et, législation,
et que leur décalage crée des conflits et de
l'insécurité ». Car il existe une corrélation forte
entre l'évolution démographique et l'évolution du
système foncier et des instances de gestion. De ce fait, elle pose la
problématique de la sécurité foncière des migrants
aussi bien que celle des populations autochtones. Pour Le Roy, « dans les
sociétés caractérisées par l'animisme et le
communautarisme, l'espace est organisé à partir des lieux
particuliers sièges des divers pouvoirs sur les génies, les eaux,
les terres, les arbres ou les hommes, les animaux ou les minéraux, selon
les distinctions fonctionnelles qui permettent à chaque groupe d'exercer
selon
15 Pare Lacinan, 2001, Les droits
délégués dans l'aire cotonnière au Burkina Faso,
GRET/IIED, 85 pages.
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18
l'ordre d'arrivée et selon son activité des
attributs particuliers »16. C'est dans ce contexte, que le code
civile Français fut introduit au Sénégal en 1830,
l'article 544 de ce code qui traite la propriété, s'appliquait
uniquement lorsque les Français participaient à la transaction.
Le régime du code civile fondé sur la transcription des actes
juridiques transmissifs de droits personnels, introduit en 1830, le
régime de l'immatriculation foncière introduit par un
décret du 30 avril 1900, suivi du décret du 24 juillet 1906
abrogé et remplacé par le décret du 26 juillet 1932
portant réorganisation du régime de constations des droits
coutumiers institués par les décrets n°55-580 du 20 mai 1955
et n°56-704 du 10 juillet 1956, qui avaient abrogé et
remplacé les textes antérieurs datant de 1925 et 1933. Dans ce
cas, il s'agissait d'une tentative de transformation des droits traditionnels
en droits de propriété publiés et
matérialisés par les livrets fonciers susceptibles d'être
transformés en titres fonciers définitifs et inattaquables,
assurant stabilité, garantie et sécurité à leurs
titulaires. Pour le colonisateur, seule cette pratique est garant d'une bonne
gestion foncière ainsi que sa sécurisation.
La pression de ville est définitive,
l'élément catalyseur des mutations foncières rurales et de
son corollaire le morcellement et la vente des champs sous forme de parcelles
à usage résidentiel. Comme l'exemple des quartiers de Diabir,
Kénia, Kandialang, Goumel, Lyndiane, Diéfaye montre un processus
de mutation à grande échelle. Cela fait élargir le
périmètre communal fixé officiellement en 1972 est de
3400ha, or actuellement la commune s'étend sur 4450ha17.
Suite à cette question épineuse et perplexe qu'est la gestion
foncière, elle aboutit souvent à des affrontements entre
populations. En effet, si la question foncière a été
reconnue par tous comme l'une des bases du conflit Casamançais ; selon
un membre du collectif des cadres Casamançais, « les manifestations
les plus fréquentes de ce frémissement social étaient
perceptibles (...) surtout à travers les remous provoqués par les
opérations de lotissement très mal gérées à
Ziguinchor et des spéculations de terre ici et là en Casamance
»18. Dans un autre document intitulé « la
vérité sur la Casamance », l'auteur va plus loin en disant
que l'Etat du Sénégal, lui-même, indique que «
l'appropriation par les autorités locales des terres dans la
région » et « l'imposion des lois, singulièrement sur
le domine national (...), ne tenant pas des us et coutume des populations de la
Casamance », sont des « raisons évoquées par le MFDC
16 Le Roye Etienne : La sécurité Foncière
dans un contexte Africaine de Marchandisation imparfaite de la terre, 18
pages.
17 ADM, services techniques de la commune de Ziguinchor.
18 Nelly Robin (IRD) et Babacar Ndione (Handicap
International) : L'accès au foncier en Casamance : L'enjeu d'une paix
durable ? Dakar, Avril 2006, 15 pages.
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19
pour justifier sa démarche »19. Cela
résulte de la complexité de la gestion foncière en
Casamance, causant des déplacements massifs de populations vers la ville
de Ziguinchor plus de sécurité, et ces populations
démunies s'installent aux quartiers périphériques par
défaut de moyens financiers. Ce qui est à l'origine de la
mutation urbaine démesurée et fulgurant. De manière
générale, nous pouvons conclure que la Gestion foncière et
la mutation urbaine sont deux choses compatibles, homogènes et que nulle
ne peut se développer sans sa conjointe.
DEFINITION DES CONCEPTS
Le sujet sur la Gestion Foncière et Mutation urbaine
dans la commune de Ziguinchor s'articule autour des concepts suivants : Gestion
Foncière, le Foncier, propriété foncière et
mutation urbaine.
Le foncier : étymologiquement, le mot
foncier vient du latin fundus qui désigne « fonds de terre ».
En général, le mot est relatif aux fonds de terre, selon les
experts, il y a plusieurs compréhensions du foncier. Il est d'abord une
matière première : c'est le socle et le support de toutes les
activités humaines. Pour les juristes, le foncier se mesure en
propriété, statut du sol, règlement, contrainte et
servitude. Pour l'écologiste, le foncier c'est le sol,
l'écosystème complexe, support de vie participant au maintien des
équilibres naturels. Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes
d'occupation du sol, de projet de vie. Pour le géographe, il est le
support d'un usage, caractérisé par le relief, un bâti, une
forme, une densité. Pour l'économiste le foncier s'analyse en
valeur, en rendement (locatif, agricoles) ; c'est une assiette fiscale, un
objet d'équilibre pour que sa valorisation soit rendue possible.
Pour les géographes et les sociologues, le foncier est
compris comme le mode d'organisation de l'espace et des populations humaines
qui le composent. Il est au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec
une propriété pour la société : d'après
Vincent-Alloké (1989) dans le lexique foncier de maliça cubrilo,
le foncier est l' « ensemble des éléments ayant trait
à la terre ou plus précisément à la
propriété de la terre », où on parle des «
ayant-droit pour désigner toute personne ou entité titulaire des
droits fonciers coutumiers ». Ainsi le foncier est l'ensemble des rapports
entre les hommes concernant la terre et les ressources
19 Mané Y : Eléments de réflexion sur la
crise Casamançaise. Forum du collectif des cadres Casamançais,
Novembre 2000, Ziguinchor 11 p pages.
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20
naturelles. Il n'est pas seulement un bien économique
ou une marchandise, il a également d'importances dimensions sociales,
politiques et culturelles qui fondent son accès, son exploitation et son
contrôle.
Gestion : d'après le dictionnaire le
nouveau Robert (2008), la gestion vient du verbe « gérer » qui
signifie administrer les intérêts, les affaires d'un autre ; c'est
également organiser, utiliser au mieux, conduire, diriger, gouverner,
régir. Dans le domaine foncier, la gestion se définit comme
l'ensemble des politiques et stratégies destinées à
organiser au mieux l'utilisation de la terre d'une part, les
législations foncières d'autre part c'est-à-dire «
définir ou organiser la façon dont les règles et les
arbitrages seront réalisés à chaque niveau par les
instances locales administratives de façon à prendre en compte la
diversité des situations » Lavigne-Delville, 2002). La gestion
foncière peut aussi se comprendre par des actions pour répondre
aux enjeux importants qui conduiront parfois à des mutations
urbaines.
Elle peut prendre en compte trois dimensions :
? Réagir en amont à travers les études
d'analyse foncière nécessaire permettant de connaitre les
dynamiques foncières, base des politiques adéquates ;
? Elaborer des stratégies foncières permettant la
reconnaissance des droits locaux de propriété existants, que ce
soit le droit positif et les normes coutumières pour permettre à
la paysannerie de sortir de la précarité juridique ;
? Proposer et faire mettre en oeuvre des gammes de
stratégies de réglementation relative à l'accès
foncier.
La propriété foncière :
son sens premier est « ce qui appartient en propre, ce qui ne se partage
pas », au sens didactique, la propriété fait appel à
« l'action d'approprier » qui signifie « rendre propre à
un usage, transmettre dans une lignée ou selon des modalités
particulières. Lorsqu'on est propriétaire, ce titre donne un
certain nombre de droit. La propriété sur le bien foncier porte
sur le dessus et le dessous. En plus sur un terrain titré s'exerce un
droit de jouissance absolue synthétisé par le trip type : usus,
abusus et fructus.
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21
La situation urbaine actuelle est issue d'une transformation
de la ville traditionnelle opérée depuis le milieu du
XIXème. La ville « traditionnelle » est sortie de ses limites,
s'est étalée pour devenir « l'urbain
généralisé » (Paquot, 2000)20.
La ville est un espace, qui s'est considérablement
transformé, les changements qu'elle a subis notamment au cours du
dernier siècle, ont introduit des modifications profondes. Ces
modifications plus récentes entrainent les auteurs à parler de
`mutation urbaine'
Mutation urbaine : le terme de mutation
suppose nombre de mots et mots associés : le changement, la
transformation, l'évolution pour ne citer que ceux-là. Dans quel
sens l'entendre ? De quel ordre seront ces mutations ? Le terme `mutation'
implique donc un changement, en l'occurrence celui de l'espace urbain. Le
principal changement actuel de l'espace urbain est son extension. On assiste
ainsi au développement de zones que l'on qualifie aujourd'hui de
périurbains, qui composent les banlieues, les villes nouvelles et tous
les axes de circulation qui les lient. L'espace urbain se fait ainsi composite
: la ville-centre perd en quelque sorte de son pouvoir.
Un regard historique nous montre qu'une ville ne cesse
d'évoluer en se transformant au gré des pratiques citadines, des
cultures, des usages etc. Les évolutions sociodémographiques
semblent également conditionner les évolutions plus
spontanées de la ville (par exemple par des actions individuelles
d'extension des logements, des divisions par parcelle, par héritage ou
lotissement, « lorsque les urbanistiques conçoivent un nouveau
morceau de ville, les choix concernant la trame urbaine, c'est-à-dire
les tracés des voies, les découpages en ilots puis en lots.
Enjeux de la mutation urbaine : l'utilisation du sol, la
mobilité et les aspects institutionnels apparaissent comme les enjeux
posés par la mutation spatiale. La fonction résidentielle
implique une emprise croissante sur le territoire et une urbanisation de nature
extensive. Du point de vue de la gestion foncière, cette
évolution se répercute à plusieurs niveaux : consommation
d'une ressource non renouvelable, atteintes au régime hybride. Nous
identifions deux grands types d'évolution :
? Les mutations progressives :
l'évolution se fait parcelle par parcelle, selon les
disponibilités foncières et les décisions
individuelles d'investisseurs publics ou privés.
20 Paquot, 2000.
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22
Le système viaire et le parcellaire en reste
globalement inchangé. Des pavillons cèdent la place à au
petit collectif, des ateliers ferment et sont remplacés par des
immeubles.
? Les mutations par `bond' : c'est des
mutations qui concernent tout un secteur d'urbanisme lâche qui peut muter
en centre secondaire dense ou un quartier résidentiel qui se transforme
en un lieu d'activités plus intenses, ou par exemple complètement
l'inverse, changements d'usages, de destinations immobilière et de trame
urbaine, le parcellaire et la voirie.
Question de recherche
Cette étude est fondée sur la question
principale formulée comme suite : quelles sont les conséquentes
de la gestion foncière sur la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor
? Ainsi, nous avons formulé des questions secondaires pour parvenir
à répondre à l'interrogation principale. Ces questions
sont :
Comment la gestion foncière impacte-t-elle la mutation
urbaine de Ziguinchor ? Quelle est l'influence de la croissance urbaine sur les
mécanismes fonciers de la ville de Ziguinchor ?
OBJECTIF GENERAL
Cette recherche a pour objectif général d'avoir
une connaissance plus fine de la gestion foncière et mutation urbaine,
en plus de montrer que l'étalement urbain et le renouvellement urbain
sont deux composantes complémentaires d'une même stratégie
d'aménagement dans une ville. Ainsi d'analyser le processus
d'urbanisation accélérée, avec ses conséquences sur
la gestion et pression foncière favorables à la mutation urbaine
dans une ville Sénégalaise comme Ziguinchor.
OBJECTIFS SPECIFIQUES
Les objectifs visent à comprendre :
Montrer les conséquences de non maitrise de la gestion
foncière sur la mutation urbaine de Ziguinchor.
Montrer l'implication de l'urbanisation sur le foncier
à Ziguinchor ainsi que le rôle que peuvent et doivent jouer les
régimes fonciers.
Comprendre la qualité de la gestion foncière sur
l'impact de la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor.
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HYPOTHESE
1) L'urbanisation galopante et démesurée entraine
une augmentation de la population vivante dans la ville de Ziguinchor ;
2) La question foncière, c'est-à-dire sa
production est la base de la mutation urbaine ;
3) Le foncier urbain est un enjeu important sur tout le
territoire de la ville de Ziguinchor du fait de l'hyper croissance due à
l'exode rural et à l'insécurité ;
METHODOLOGIE L'enquête quantitative
L'enquête quantitative est réalisée
à l'aide d'un questionnaire à une population tirée au sort
par échantillonnage afin de collecter des données, avec une marge
d'erreurs de 5%. 150 questionnaires ont été destinés de
façon aléatoire à la population de Ziguinchor.
L'enquête s'est déroulée au cours du mois de septembre
2015.
Tableau 1 : Répartition des
questionnaires selon les quartiers.
Quartiers
|
Nombre de questionnaire
|
Fréquence
|
Lyndiane
|
20
|
13,33
|
Goumel
|
15
|
10
|
Kandialang
|
15
|
10
|
Djibock
|
14
|
9,33
|
Kandé
|
14
|
9,33
|
Kénya
|
13
|
8,66
|
Coboda
|
13
|
8,66
|
Diéfaye
|
12
|
8
|
Colobane
|
12
|
8
|
Cobitène
|
12
|
8
|
Diabir
|
10
|
6,66
|
TOTAL
|
150
|
100
|
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24
L'enquête qualitative :
L'enquête qualitative consiste à interroger des
personnes susceptibles de nous fournir des informations supplémentaires
par rapport à notre thématique. Elle est élaborée
et destinée au maire de la commune de Ziguinchor et à son
équipe technique dénommée voirie, au directeur du service
régional d'urbanisme de Ziguinchor, au directeur du cadastre et au
directeur des impôts et domaines, ainsi que certaines ONG comme
APRAN-SDP.
Traitement et Analyse des données :
La recherche s'articule autour des points suivants : la
recherche documentaire, la prise de photographies, l'acquisition des
informations quantitatives auprès de la population et qualitatives
auprès des directions chargées de (l'urbanisme, du cadastre, des
impôts et domaines, la mairie et son épique technique), des images
de google earth, le traitement et l'analyse des données.
Après la collecte des données, nous avons
procédé au traitement, au dépouillement et à
l'analyse des données recueillies. Nous avons utilisé des
logiciels application comme Word pour le traitement des textes, Excel et sphinx
pour la réalisation des tableaux et graphiques pour illustrer ces
propos, le QGis 2.8 pour la confection des cartes utilisées et sphinx
tout court pour l'élaboration et le dépouillement des
questionnaires. Et power point pour la superposition des cartes.
Les contraintes rencontrées
Au cours de la rédaction de ce mémoire, nous
avons été confrontés à certains problèmes
majeurs. D'abord, les contraintes d'obtention des données et des cartes
numériques relatives à notre recherche. La question
foncière étant une complexe et épineuse, beaucoup sont
restés réticents, ne voulant pas répondre, parfois
même, certains nous considéraient comme des non étudiants.
En plus, le problème de communication s'est remarqué dans
certains quartiers
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