UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DEPARTEMENT
DE GEOGRAPHIE Mémoire de MASTER II Option : Espaces
Sociétés et Développement (ESD) PARCOURS:
Aménagement et Gestion Urbaine en Afrique(AGUA)
Sujet:
GESTION FONCIERE ET MUTATION URBAINE : Le cas de
Ziguinchor (Sénégal)
|
Présenté par Sous la direction
de
Assane Diallo M. Amadou DIOP
Professeur titulaire
ANNEE ACADEMIQUE
2014-2015
AVANT-PROPOS
1
La géographie est une discipline qui a pour objet,
l'étude des phénomènes physiques, biologiques, humains
localisés à la surface du globe terrestre et spécialement
l'étude de leur relation et des formes qui les gouvernent. L'histoire de
la géographie est marquée par l'évolution de sa
problématique. L'utilité de la géographie était de
prendre en compte la diversité physique et humaine des
éléments sur terre. Par la suite, elle s'est lancée dans
l'étude de la causalité linéaire nature/ homme. Mais
aujourd'hui, la géographie est une discipline ouverte à des
discours sur l'actualité à savoir l'appel des territoires, le
développement durable, l'aménagement du territoire, les
changements climatiques. Cependant, Les questions de la géographie
urbaine sont à l'ordre du jour, car la concentration de la population
dans les villes est effectivement sous la vigilance des géographes. Mais
enfin, un géographe a toujours considéré comme une des
questions les plus capitales de la science qu'il cultive, l'étude des
villes, et cela avec raison car pour Vidal de la Blache, « ce sont les
villes qui ont été les foyers de civilisations, les points de
départ de nos organisations politiques, historiques(...) ». En
effet, les géographes se sont très tôt
intéressés aux questions de l'étude des villes, comme le
souligne encore Vidal de la Blache, en affirmant que « les villes sont de
plus en plus étudiées comme faits géographiques : parmi
les phénomènes qui affectent la surface du sol, ne sont-ils pas
des plus caractéristiques et aussi des plus variées ».
L'urbanisation est devenue incontournable mais en plus
consommatrice d'espace, car les villes s'étendent
démesurément causant des enjeux fonciers énormes et ne
facilitant pas sa gestion. Notre sujet portant sur la gestion foncière
et mutation urbaine : le cas de Ziguinchor du Sénégal interpelle
largement les géographes dont l'un des soucis majeurs demeure la
sécurisation foncière sans mutation urbaine complexe et
dépassant la production foncière. Toutes conquêtes, chaque
pas en avant dans le domaine de la connaissance a son origine dans le courage,
dans la dureté à l'égard de soi-même, dans la
propreté vis-à-vis de soi-même.
2
REMERCIEMENT
Après avoir rendu grâce à ALLAH le tout
puissant et miséricordieux, à son prophète Mohamad
(PSL).
La vie est un dur combat, sans pitié ni merci, et pour
sortir vainqueur de ce champs de bataille, il faut faire preuve de courage, de
bravoure, d'abnégation, d'endurance et de persévérance. Je
tiens tout d'abord à remercier mon directeur de recherche le professeur
Amadou Diop d'avoir accepté de diriger ce travail, pour l'ouverture
d'esprit dont il a fait preuve dès le début, vis-à-vis de
mon sujet de recherche. Je tiens également à remercier toute
l'équipe du GERAD et l'ensemble des professeurs du département de
géographie de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, à
qui je veux témoigner ici ma gratitude. Il me faut en particulier,
remercier la famille Souaré au quartier Sikilo de Kolda, qui m'a
accueilli à bras ouverts, un grand coucou à vous, au chef de
famille Ibrahima Telly Souaré et à son épouse Oumou
Kouyaté que Dieu vous donne longue vie et santé, sans vous ma
réussite je pourrai dire, serait difficile, car vous m'avez accueilli
dans les moments très difficiles. Sans oublier la famille Seydi du
quartier Coboda à Ziguinchor, là où j'ai
séjourné durant tout mon voyage, à mon ami Alioune Badara
Diatta avec qui j'ai mené toutes mes enquêtes. Je remercie tous
les enseignants depuis le CI jusqu'à l'université qui ont
contribué à ma formation ; Mr Sagna, Mr Diallo, Mr Bah. Un grand
merci à la famille de mon oncle à Dakar et à l'ensemble
des membres de sa famille, sans oublier tous mes camarades de classe, mon ami
et frère Mamadou Sadialiou Diallo, Alassane Kandé, Maimouna sall
et Mariama Ba merci mes chers. Enfin, mes remerciements seront sans doute
incomplets, sans remercier l'ensemble des membres de ma famille, à mon
cher et adorable Papa Mouhamadou Sadio Diallo qui s'est sacrifié jour et
nuit, matin et soir pour ma réussite malgré les conditions
difficiles et complexes. Je dédie ce travail à ma chère
maman et à l'ensemble de mes frères et soeurs : Dieynaba Diallo,
Fatoumata Diaraye Diallo, Chérif Mouhamadou Lamine Diallo, Abdoulaye
Djibril Diallo, Kadidiatou Diallo et Aminata Diallo et à toute la
population de Thietty mon village natal.
Que Dieu vous prête longue vie, santé et une fin
heureuse Amin !!!
ALHAMDOULILLAH !!!
ACRONYMES
3
AGUA : Aménagement et Gestion Urbaine en Afrique ;
AMA : Agence des Musulmans d'Afrique ;
ADM : Agence de développement Municipal ;
ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la
Démographie ;
APRAN-SDP : Association pour la Promotion Rurale de
l'Arrondissement de Nyassia/Solidarité-Développement-Paix ;
BHS : Banque de l'Habitat du Sénégal ;
CSE : Compagnie Sahélienne Entreprise ;
DAT : Direction de l'Aménagement du Territoire ;
DUA : Direction de l'Urbanisme et de l'Architecture ;
DTGC : Direction des Travaux Géographiques et
Cartographique ;
ESD : Espace, Société et Développement ;
GERAD : Groupe d'Etude de Recherche et d'Appui au
Développement ;
MFDC : Mouvement des Forces Démocratiques de la
Casamance.
ONG : Organisation Non Gouvernementale ;
PDA : Plan Directeur d'Assainissement ;
PDU : Plan Directeur d'Urbanisme ;
POS : Plan d'Occupation du Sol ;
PUD : Plan d'Urbanisme de Détail ;
RGPH : Recensement Général de la Population et de
l'Habitat ;
SRSD : Service Régional de la Statistique et de la
Démographie ;
TF : Titre Foncier ;
UCAD : Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Z.A.C : Zone d'Aménagement Concerté
4
Liste des tableaux
Tableau 1 : Répartition des
questionnaires selon les quartiers.
Tableau 2 : Valeur vénale par quartier
dans la commune de Ziguinchor
Liste des cartes.
Carte 1 : Localisation de la commune de
Ziguinchor.
Carte 2 : Les premiers de la ville de
Ziguinchor.
Carte 3 : Le plan de la ville de Ziguinchor en
1952.
Carte 4 : Evolution spatiale de la ville de
Ziguinchor.
Carte 5 : L'installation des
réfugiés dans la commune de Ziguinchor.
Carte 6 : Les quartiers inondables de la ville
de Ziguinchor.
Carte 7 : Localité de litige foncier
intercommunal.
Carte 8 : Les localités de litige foncier
dans la commune de Ziguinchor.
Liste des photos
Photo 1 : Trois plaques dans une même
parcelle.
Photo 2 : Immeuble locatif sur la route de
l'université et campus social des soeurs Franciscaines.
Photo 3 : Immeuble moderne au quartier Diabir.
Photo 4 : Inondation au quartier Goumel.
Liste des graphiques
Graphique 1 : la répartition de la
population
Graphique 2 : Evolution de la population de
Ziguinchor de 1888 à 1960 Graphique 3 : Evolution
annuelle de la pluviométrie de Ziguinchor (1921-2009) Graphique
4 : Evolution de la population de Ziguinchor de 1960 à 1980
Graphique 5 : Evolution de la population de Ziguinchor de 2000
à nos jours. Graphique 6 : Les causes de litige foncier
dans la commune de Ziguinchor Graphique 7 : La
répartition du nombre de litige foncier.
Graphique 8 : La répartition des
acheteurs de terrain dans la commune de Ziguinchor.
Liste des encadrés.
Encadré 1 : Entretien avec un agent des
services techniques de la mairie de Ziguinchor.
Liste des images satellites
Image 1 : quartier Néma 2 de Ziguinchor ;
Image 2 : quartier de Diabir en 2004 et en 2013 Image
3 : quartier de Diabir en 2004 et en 2015
5
INTRODUCTION GENERALE
La géographie est une étude descriptive et
explicative de la distribution spatiale sur la terre des formes et des
processus physiques, des phénomènes biologiques, des formes de
peuplement et d'activités développées par les
sociétés humaines. Elle est en plus, une science qui
étudie les phénomènes de l'espace. Or un
phénomène qu'il soit physique, biologique ou humain n'est
apprécié correctement que lorsqu'il est placé dans les
dimensions fondamentales qui l'encadrent : dimension spatiale et durée.
(Cholley ; 1967)1. Les relations générales et locales
entre les sociétés et leur milieu sont au coeur des questions
géographiques. La géographie de la ville s'attache à
caractériser la situation des villes à petite échelle dans
leur région ou le pays, et à grande échelle pour site. La
ville est née et s'est développée à partir d'un
lieu qui avait des qualités propres, et l'analyse géographique de
la ville porte sur l'organisation spatiale. En effet, la ville est une
étendue : elle se développe dans l'espace et impose de restituer
ses lois de distribution, de croissance et de recomposition. « La ville
tout comme la société, est plus la somme des parties qui la
composent »2. Autrement dit, elle n'est pas seulement un
ensemble de quartiers, mais un ensemble animé de dynamiques qu'on
appelle centripètes et centrifuges. Les premières s'engagent
à des formes de concentration, des fonctions, de densification des
activités et des résidents, d'intensification des rythmes ; les
secondes déroulent les formes extensives de moindre imbrication, de plus
grande spécialisation, de dispersion plus élevée, sans
qu'aucune étanchéité ne puisse être
repérée entre les deux directions. C'est ce qui fait la
complexité de l'urbain, puisque ces deux formes opposées sont
constamment à l'oeuvre en tout point de son espace, une extension
spatiale se répercutant directement ou indirectement au centre ou
l'entre-deux, une saturation du centre déclenchant un accroissement
à la périphérie. Cette mutation fondamentale est l'une des
conditions les plus stimulantes de la pensée sur la ville d'aujourd'hui.
La superficie occupée par les villes par rapport à l'ensemble des
terres émergées n'est pas au point de vue statistique une
extraordinaire singularité selon les estimations fondées sur les
images satellites, la totalité des zones urbaines couvre 2,8% de la
superficie de la planète.
L'espace urbain s'étend, avec plus de 50%
qualifiée « population urbaine », la population mondiale a, en
effet, depuis 2007 dépassé pour la première fois la
population
1 Cholley, 1967
2 De Lesdain S B., et Raulin A., « Villes et
recompositions spatiales » Ed Gilles Ferréol 2004,271-298, 22
pages
6
rurale (selon une définition mise en place au
préalable par la banque mondiale). Avec 3,5 milliards d'individus
habitant aujourd'hui en ville, celle-ci occupe une place de plus en plus
importante aussi sur le territoire. Les villes changent, se développent,
se transforment ; de manière générale, nous pouvons dire
que la ville est un élément en perpétuelle mutation. .
Aujourd'hui, la spécificité du processus d'urbanisation
réside à la fois dans le développement de la
densité démographique et physique de la ville. Au processus
d'expansion spatiale se greffe en toute logique une conurbanisation et une
déruralisation des zones voisines du centre urbain de départ.
D'où la distinction entre l'urbain et rural est-elle réelle ? Le
fait le plus général est la croissance de la densité
matérielle avec une augmentation de la population urbaine dans les
limites de l'urbanisation antérieure ; et une urbanisation rapide des
couronnes périphériques avec pour conséquence de
l'émergence de nouveaux quartiers urbains.
Issue de la réforme administrative de juillet 1984 qui
avait divisé la Casamance en deux entités administratives, la
région couvre une superficie de 7339 km2, soit 3,7% du territoire
national. Elle est limitée au nord par la République de Gambie,
au sud par la République de Guinée Bissau, à l'ouest par
l'océan atlantique et à l'est par la région soeur de
Kolda, avec laquelle, elle constitue la Casamance naturelle. La ville de
Ziguinchor est située sur la rive gauche du fleuve Casamance à 65
km de son embouchure sur l'océan atlantique.
L'urbanisation de la ville Ziguinchor s'est
déroulée en quatre phases. La première s'est faite durant
la période coloniale, la seconde survient après
l'indépendance plus particulièrement pendant la crise du monde
rural, la troisième vers les années 1980 suite au début de
la crise politico-armée de la Casamance et la quatrième qui
correspond aux années 2000 après la création des
infrastructures de base dans la commune. Sa position géographique lui
étant favorable pendant la période coloniale, la ville a
accueilli des milliers de personnes. Comptoir commercial et relais commercial.
Après l'indépendance, la ville de Ziguinchor voit affluer une
population sans cesse plus nombreuse de paysans découragés par
les contraintes d'une agriculture mal orientée te techniquement
sous-développée. A ces facteurs de la mutation rapide de la ville
s'ajoute les conséquences climatiques notamment la sécheresse,
qui est un facteur incontournable au développent fulgurent des villes
Sénégalaises. « La sécheresse actuelle a durement
frappé l'agriculture et l'élevage, les principales ressources du
pays et provoqué d'importantes migrations humaines. Un double mouvement
de population s'est produit : une migration des pasteurs nomades ou
semi-nomades, un exode des
7
campagnes ravagées par la famine vers les
villes»3, (Michel 1990). En effet, la ville de Ziguinchor
connait un essor urbain continu depuis la période coloniale, essor
aujourd'hui accentué principalement par la persistance de la crise de
l'économie rurale casamançaise et plus récemment par la
crise politique qui sévit depuis une trentaine d'années.
L'autre phase correspond avec le déclenchement de la
guerre d'indépendantiste des années 1980. Les populations en
quête de sécurité s'orientent vers la ville de Ziguinchor,
s'installant le plus souvent à la périphérie par
défaut de moyens financiers. C'est ainsi que, les quartiers
périphériques constituent les principales destinations des
nouveaux arrivants, venant de la ville et des campagnes isolées en
quête de parcelle d'habitat. Au cours des trois décennies, le
conflit armé a entrainé en Casamance un exode de 60.000 à
80.000 personnes (Robin N. et NDione B., 2006)4 et l'abandon de
près de 231 villages (Desmarchelier A., 2001)5, dont 26
villages avec une population estimée à 8.790 personnes
recensées dans la commune de Ziguinchor (APRAN-SDP)6 . En
plus, la forte croissance démographique de la ville de Ziguinchor a
entrainé par la même occasion l'augmentation de la taille de la
ville. Ainsi la commune continue de grandir au plan spatial avec son corollaire
une énorme consommation des réserves foncières avec la
mise en place de nouveaux quartiers, contribuant ainsi à une gestion
complexe du foncier, accompagnée par la mutation urbaine.
La derrière phase correspond avec la mise en place des
infrastructures (éducatives, sanitaires...) C'est qui fait que, la
commune de Ziguinchor a un taux d'urbanisation de 51,1%, un taux
supérieur au taux national du pays qui est de 47,5%, (ANSD, RGPH-2002 et
de projection 2011)7, soit une évolution de -4,2%. Ce
mémoire est structuré en trois grandes parties constituées
de deux chapitres chacune. Après le cadre théorique, notre
travail est structuré en trois grandes parties, composée chacune
de deux chapitres et chaque chapitre est divisé en partie.
3 Michel, 1990
4 Robin Nelly (IRD) et Ndione Babacar (handicap international)
: L'accès au foncier en Casamance : l'enjeu d'une paix durable ? Dakar,
Avril, 2006, 15 pages.
5 Desmarchelier A., 2001
6 ONG : Association pour la Promotion Rurale de Nyassia/
Solidalité-Développement-Paix
(APRAN-SDP)
7 ANSD, RGPH 2002 et projection 2011
8
La première partie intitulée «
Présentation générale de la zone d'étude » est
composée de deux chapitres. Le premier fait une brève
présentation de la ville de Ziguinchor et le second prend en charge la
présentation des différents groupes ethniques.
La deuxième partie relative à « Ziguinchor
une ville en pleine mutation » est organisée autour de deux
chapitre, le premier intitulé la formation des quartiers et le second
les différentes phases de la mutation urbaine.
La troisième partie titrée « gestion
foncière et mutation urbaine », est également
composée de deux chapitres. D'une part cette partie évoque les
gestions et litiges fonciers et d'autre part elle montre la gestion
foncière et mutation urbaine de la ville de Ziguinchor.
PROBLEMATIQUE
Le monde ne cesse de s'urbaniser, il devient majoritairement
urbain, les métropoles sont toujours plus nombreuses, Leur population ne
cesse de croitre et elle consomme toujours plus d'espace. Ce
phénomène urbain apparait aujourd'hui comme majeur aux yeux de
ceux qui analysent les interactions entre population, environnement et
développement à l'échelle de la planète comme
à celle d'unité géographique plus restreinte. Quelle est
l'influence de la production des nouvelles formes d'urbanisation sur les
mécanismes fonciers ? Les villes du Sud se sont donc confrontées
à une course de vitesse permanente induite par l'arrivée de
nouvelles populations qui n'ont d'autre recours que de faire appel aux
filière informelles. Il est utile de préciser que le motif de
l'irrégularité n'est pas forcément une absence de droits
de propriété : la vente peut faire l'objet d'un acte
notarié, enregistré, mais le terrain n'être pas
constructible, ou le projet être contraire au code de construction ou
encore les normes d'équipement n'être pas respectées. La
sécurisation foncière est le processus, par lequel des droits
fonciers sont reconnus, garantis et protégés par la loi. Tous les
Etats Africains connaissent presque tous, des régimes fonciers
marqués par un pluralisme juridique matérialisé par la
coexistence de plusieurs sources de légitimité. « Au
Sénégal, on note la présence à la fois d'une
législation foncière issue du droit positif et des pratiques
coutumières bien ancrées, qui se superposent, dans bien, des cas
avec le droit musulman »8. Cette situation
8 Snyder Francis Gregory : L'évolution du droit foncier
Diola de la basse Casamance (République du Sénégal),
université de Paris I- Panthéon-Sorbonne : Sciences
économique - Sciences Humaines-Sciences Juridiques thèse de
doctorat 553 pages.
9
conduit à des pratiques foncières hybrides et
difficilement maitrisables notamment par les populations locales. La loi
n° 64-46 du 17 juin 1964 qui définit le domaine national
témoigne de la volonté des autorités politiques issues des
premières années de l'indépendance du
Sénégal qui cherche à démocratiser l'accès
à la terre. De ce fait, la gestion foncière a été
mise parmi les compétences transférées aux
collectivités locales. Mais la plupart des charges attribuées aux
territoires décentralisés, la gestion foncière souffre de
manque de moyens financiers et humains nécessaires. Par
conséquent, la complexité de la gestion foncière en
Casamance s'inscrit au coeur des préoccupations de l'Etat du fait de
l'extrême sensibilité du domaine. Cela se justifie par le fait que
l'Etat, lui-même indique que « l'appropriation par les
autorités locales des terres dans la région » et «
l'imposion des lois, singulièrement sur le domaine national (...) ne
tenant pas des us et coutumes des populations de la Casamance » sont des
« des raisons évoquées par le MFDC pour justifier sa
démarche »9. En effet, la crise a occasionné des
mutations profondes dans la gestion des terres au milieu urbain et
périurbain de Ziguinchor, dans un contexte marqué par le
déséquilibre persistant entre l'offre et la demande de terrains
équipés. La pression démographique induite par le
mouvement conjugué de l'exode rural, de la crise politico-armée
et du taux élevé de l'accroissement naturel aura pour
conséquence l'extension de quartiers irréguliers ou plus
généralement des lotissements et l'augmentation du prix du sol,
toujours supérieure à des revenus, favorisera la mutation
urbaine. Comment les opérations de lotissement très mal
gérées à Ziguinchor et des spéculations de terres
ici et là, dans la commune de Ziguinchor ont été les
supports de frémissement social ?
La croissance urbaine actuelle dans toutes les villes du pays
rend la question de gestion foncière particulièrement cruciale
dans ces espaces. Car la gestion foncière apparait comme
déconnectée à la gestion du développement spatial
et de l'aménagement des collectivités. Ce qui confirme ce propos,
parce que la commune de Ziguinchor n'a qu'un plan d'Urbanisme (PDU),
approuvé par le décret n°83-183 MUHE/DUA, du 11
février 1983. Par conséquent il en résulte une
problématique dans la gestion foncière accompagnée d'une
mutation urbaine accélérée. Dans un contexte où
s'accroissent la pression foncière, la formalisation et la privatisation
des droits se traduisent par l'augmentation du nombre des litiges fonciers. Et,
la mise en place d'instances locales de règlement de ces litiges permet
de
9 Mané Y : Eléments de réflexion sur la
crise Casamançaise ; Forum du collectif des cadres Casamançais,
Novembre 2000, Ziguinchor 11 pages sur un Fascicule intitulé « La
vérité sur la Casamance ».
10
limiter les conséquences sur la stabilité
foncière. L'incapacité dans laquelle seront certaines villes
d'intégrer les ménages les plus pauvres favorise
l'étalement urbain qui continue d'avoir une incidence négative
sur le cout des équipements et des services urbains (transport,
accès à l'eau potable, assainissement).
Le processus de décentralisation de l'administration
foncière se poursuit par : le transfert de compétences
foncières aux collectivités locales et/ou, dans certains cas aux
communautés coutumières. Dans un contexte de crise de
l'économie rurale et l'insécurité de cette partie sud du
pays, déplacement de nombreuses populations des villages environnants en
quête de sécurité dans les quartiers
périphériques. Ils s'installent dans la périphérie,
là, où l'accès à la terre est facile en pratiquant,
en même temps, l'agriculture périurbaine. Cependant, l'extension
de la ville est limitée par les contraintes d'ordre physique, au nord
par le fleuve Casamance, d'est en ouest par les deux marigots : celui de
Djibélor et de Boucotte et l'évolution restreinte de la
superficie communale. Maitriser l'accélération de la croissance
et le foncier constructible, comment et à quel prix ? La mutation
spatiale est-elle compatible avec la gestion foncière ?
L'étalement urbain entraine des couts supportés par les
collectivités, couts en infrastructures et moyens de transports, couts
d'extension des réseaux d'alimentation en eau,
électricité, liaison de télécommunication et
accès internet, pour accueillir des nouveaux habitants. Dans quelle
mesure encadrer l'occupation de ces terrains ? Comment le faire sans favoriser
une hausse du prix du foncier, déjà tiré vers le haut par
la pression entreprise et des couches aisées de populations, rendant
leur occupation accessible par les populations pauvres ? Et les fortes
densités impliquent souvent une forte pression foncière ? Dans un
contexte de pénurie d'espace dans la commune accompagnés par la
saturation et le retour des conditions pluviométriques normales
conduisant à des inondations dans la quasi-totalité des anciens
quartiers obligeant les populations à s'orienter vers la
périphérie.
11
CONTEXTE
« La ville de Ziguinchor est l'une des plus anciennes
cités du Sénégal. Elle est passée successivement de
la domination coloniale Portugaise (1645-1888) à celle Française
(18881960) pour enfin devenir ville Sénégalaise en 1960 ».
Site portuaire, sa situation privilégiée au coeur de la Casamance
explique son origine et l'intensité de son trafic commercial à
l'époque coloniale favorisant ainsi l'arrivée massive de
nouvelles populations, contribuant à l'extension de son
périmètre communal. Mais sa période de véritable
expansion ou mutation de Ziguinchor se situe après la seconde guerre
mondiale. En 1945, Ziguinchor comptait 10.000 habitants, la ville s'est
dotée d'un véritable aéroport en 1953. Un ouvrage de quai
est construit en 1955, pour permettre l'accostage facile des navires de mer, en
lieu et place des wharfs, et la route Trans gambienne est tracée. En
1956, Ziguinchor accède au statut de commune de plein exercice qui
abroge le système du double collège électoral. Le
recensement de 1951 donne 15.600 habitants autochtones et 530 «
Européens et assimilés ». La première mission de
photographie aérienne date de 1954 et fait apparaitre à l'ouest
la croissance de Boucotte qui donne les quartiers de Peyrissac et
Niéfouléne. La ville atteint la route d'Oussouye et la
dépasse avec l'embryon du futur quartier de Colobane.
Après l'indépendance, l'explosion
démographique causée par le développement commercial
insufflé par la colonisation Française qui fut à l'origine
d'une très forte immigration de ruraux venus des villages de Casamance,
de commerçants et commis nord-Sénégalais et de populations
Guinéennes. Dès la fin de la conquête, le colonisateur
s'octroya le droit éminent de propriété sur les terres en
s'érigeant comme héritier des ancêtres maitres de la terre.
Ainsi il mettre en oeuvre successivement plusieurs modes de gestion
foncière qui évolueront. Les transactions entre particuliers en
application du code civile ; la concession en pleine propriété de
terres domaniales ; la vente par adjudication aux enchères publiques ;
l'occupation temporaire par le biais du permis d'habiter ou de permis
d'occuper.
Ainsi, la mission aérienne de 1960 confirme la
croissance en éventail de l'agglomération Ziguinchoroise avec ses
30.000 habiatants. La ville continue de grandir au plan spatial et la
consommation des terres s'accentue. A l'ouest les quartiers de Colobane,
Soucoupapaye, Grand-Dakar et Lyndiane sont constitués ; Néma fait
la jonction avec Boucotte. Tilène s'élargit au sud-est et la
jonction est faite entre Santhiaba et Kandé. Le quartier de Lyndiane,
déjà embryonnaire, sera confirmé et personnalisé
avec les missions aériennes de 1966, puis celle de 1969. Cette
période voit également naitre le quartier d'Alwar
12
et son extension vers le village rural de Kandialang.
Officiellement Ziguinchor est passé de 5 quartiers à 16 quartiers
entre 951 et 1987. Aujourd'hui, la ville compte 38 quartiers avec une extension
qui se fait en direction de Kénia et Diabir, et le secteur de Kandialang
et Kanténe. Sur la photographie aérienne la forme de l'organisme
urbain de Ziguinchor rappelle une abeille aux ailes à demi
repliées. « La tête constituée par le damier de
l'escale et annexes, ville coloniale épousant la direction du fleuve
»10. Le corps rassemble les « quartiers africains »,
successivement lotis. Les deux ailes, soulignés par les deux routes
nationales (route d'Oussoye et route du sud-est), cette zone correspond
à la croissance urbaine spontanée dans les deux directions du
sud-ouest et du sud-est et dont le lotissement se fera que tardivement dans les
années 70-80.Actuellement, on constate que, du fait du fort
accroissement de la population urbaine, l'insécurité qui ne cesse
de perdurer en Casamance, accompagnée par la crise du monde rural, les
ressources foncières de la commune de Ziguinchor se raréfient et
sont de plus en plus convoitées, ce qui a fait aussi grimper la valeur
des terrains, notamment dans les zones périurbaines et durcit la gestion
foncière. La prise en compte de tout l'éventail des modes
d'occupation foncière, formels, religieux, coutumiers et non formels,
est donc indispensable.
L'urbanisation est un phénomène qui se
déroule dans le temps long. En apprécier la dynamique, les
tenants et les aboutissants, les logiques et les déterminants
sous-jacents nécessite donc que l'on adopte une perspective qui tienne
compte de cette longue durée chère à F. BRAUDEL. Le
Sénégal indépendant s'est doté en 1964 d'un
régime foncier, les terres sont réparties entre trois ensembles
d'inégale importance chacun doté d'un régime propre:
1) La propriété privée : est maintenue,
mais pour l'essentiel, elle n'existe qu'en milieu urbain. Elle connait une
croissance exponentielle du fait de l'extension des villes et des
activités économiques modernes ;
2) La propriété publique : a été
essentiellement conçu comme un instrument de régulation
permettant, à titre exceptionnel et pour des raisons d'utilité
publique, de substituer le pouvoir foncier à l'état à
l'Etat et celui des conseils ruraux.
3) Les terres rurales sont dans leur quasi-totalité
soumises au régime de la domanialité nationale.
10Source : Ville de Ziguinchor
13
Historiquement et ce jusqu'à l'indépendance, il
existait deux régimes juridiques en matière de gestion
foncière au Sénégal, celui du code civile Français
et celui de la coutume
Après 1960, la loi n° 64-46 du 17 juin 1964,
relative au domaine national, tout en réformant la situation
antérieure, laisse coexister à son tour deux régimes :
celui de l'immatriculation et celui du domaine national. Mais, si
officiellement l'administration de la terre est régie par l'un des
premiers et prend sa substance du décret du 26 juillet 1932, elle n'a
pas fait totalement disparaitre le régime coutumier qui continue de
prévaloir comme règle de gestion en particulier pour
l'accès à la terre. En 2011, le dispositif prévu pour le
décret du 26 juillet 1932 pour ce qui concerne l'immatriculation
foncière et repris dans la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 et son
décret d'application n°64-573 du 30 juillet 1964, a
été modifié.
JUSTIFICATION
Le géographe, homme de terrain et d'observation,
spécialiste de l'étude d'un territoire en tant que morceau
d'espace inséparable de l'action humaine, formé par sa discipline
à l'analyse des mécanismes, des combinaisons complexes
spécialisées, est par ailleurs tout désigner pour
collaborer à la conception et à l'application d'une politique
régionale globale et ceci à quatre niveaux : informer, analyser,
critiquer et proposer. Dans l'approche des sciences humaines et sociales sur
les questions relatives au processus d'urbanisation, le thème de gestion
foncière et mutation urbaine est primordial. Le cas de Ziguinchor
illustre ce phénomène. Ziguinchor devient de plus en plus une
ville rayonnante en basse Casamance, voire au-delà de cet espace. Elle
offre des biens et des services plus ou moins spécialisés non
seulement pour sa population locale, mais aussi pour celle de son vaste espace
régional d'influence : son port, ses universités, ses
hôpitaux etc. Son plan en damier et le système parcellaire de
Ziguinchor, continuent à accepter les transformations urbaines
successives en préservant la forme initiale. Ainsi, l'étude de la
gestion foncière et mutations urbaines s'avère importante, dans
la mesure où elles occupent une place cruciale parmi les
problèmes que rencontrent les villes d'aujourd'hui surtout, depuis
l'ère industrielle. Car la gestion foncière et mutations urbaines
sont deux ensembles homogènes et inter liés les unes des autres.
Le choix de ce sujet s'est porté sur l'importance qu'occupe le foncier
dans cette région de la basse Casamance, ainsi que la place qu'occupe la
ville de Ziguinchor dans sa région et à la sous-région.
L'accélération du rythme urbain de Ziguinchor influence fermement
la gestion foncière, d'où résultera une mutation urbaine
en raison de l'augmentation des demandeurs de terrains à bâtir. En
effet la ville de Ziguinchor est constamment envahie par un nombre
14
important de population surtout depuis le déclenchement
de la crise du monde rural causée par la sécheresse des
années 70-80, la baisse des cours mondiaux des prix de l'arachide, par
la crise politico-armée qui sévit depuis une trentaine
d'années en Casamance, les coups d'état récurrents en
guinée Bissau et les guinéens exercent une pression
foncière galopante. En plus Ziguinchor est une capitale sous
régionale, sans oublier l'implantation des universités : celle de
Assane Seck et celle des catholiques qui est une université
privée.
Dans toutes les villes du monde, les enjeux fonciers sont
énormes, et sont à l'origine de conflits entre populations. La
vile de Ziguinchor ne fait pas exception, à cette boulimie
foncière, tout en tant sachant que le conflit Casamançais tire
ses origines dans les problèmes fonciers. L'intérêt de ce
sujet, est la compréhension du processus d'urbanisation de la ville
depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, la complexité
de la gestion foncière ainsi que la mutation urbaine qui s'en suive.
C'est dans ce contexte que la ville de Ziguinchor suscite un nombre important
de travaux, qui n'épargnent pas les géographes. Etant
donné que, la formation du géographe lui permet pourtant de
visualiser et de conceptualiser une problématique puis d'en
définir une interprétation globale, permettant ainsi
d'établir et de planifier les mécanismes d'intervention en
matière de gestion des ressources du territoire. Le cadre micro local
d'intervention du géographe pourrait à certain égard,
être la gestion foncière et mutations urbaine. Par
conséquent, les résultats obtenus pourraient servir de base ou de
repère pour mieux comprendre la problématique de la gestion
foncière et mutations urbaine dans la ville de Ziguinchor.
REVUE DOCUMENTAIRE
Cette recherche s'appuie sur une démarche visant
à reconstruire l'évolution récente de Ziguinchor et son
territoire d'influence, et à décrire ses principales phases de
développement. Nous avons privilégié plusieurs aspects
afin de couvrir la Gestion Foncière et Mutation Urbaine de la ville de
Ziguinchor. Voici les dimensions du territoire que nous avons
considérées à partir des documents :
-L'évolution du cadre bâti ;
-L'évolution du foncier urbain et sa gestion ainsi que
sa mutation ; -L'évolution de la population et son impact sur la
pression foncière.
15
De par la collaboration avec les responsables des services de
l'urbanisme de Ziguinchor, du cadastre, des impôts et domaines et de la
mairie ainsi que les ONG comme APRAN-SDP, de nombreux documents ont
été exploités. Ces services ont constitué des
dossiers qui sont des sources importantes pour comprendre les modes de gestion
foncière et mutation urbaine du territoire de Ziguinchor. En plus nous
avons pu faire des lectures complémentaires pour bien cerner ce sujet ;
nous avons consulté des documents à la bibliothèque
centrale de l'UCAD, à celle du département de géographie,
du GERAD et celle de Enda-tiers monde, sans oublier les sources internet. Pour
compléter toutes ces sources, nous avons mené des enquêtes
quantitatives auprès des populations et des enquêtes qualitatives
en guise d'entretiens réalisés auprès de la population de
Ziguinchor.
En Afrique les régimes fonciers sont pluriels et se
superposent, allant du formel ou statuaire à l'informel en passant par
le coutumier, le religieux, l'informel et bien d'autre systèmes
hybrides, Durand-Lasserve et Le direction de l'urbanisme de Ziguinchor, du
cadastre, des impôts et domaines et à la mairie. Roy, 2012, a
montré dans leurs travaux la nébulosité de la gestion
foncière en Afrique, qui contribue à son tour à une
mutation urbaine car les plus pauvres n'ayant pas les moyens d'acheter des
terrains dans le centre-ville se rabattent à la périphérie
et par conséquent, l'étalement urbain s'ensuit. Hesseling en
(1980), a montré la relation existant entre la gestion foncière
et mutation urbaine, car les ruées de populations vers la ville de
Ziguinchor ont eu des conséquences. Dans cette même directive, il
affirme : « cette période correspond avec l'essor de la ville et
l'arrivée massive de populations venant des campagnes
Casamançaises et la Guinée Bissau. Cette étape est
déterminante dans la conquête des terres à la
périphérie sud »11. S. Jaglin, ces travaux nous
ont permis de mieux comprendre que la bonne gestion foncière contribue
parfois à la mutation urbaine par la mise en place des lotissements.
« Le lotissement est un processus de légalisation foncière
et de restructuration des quartiers d'habitat spontané ». Les
anciens résidents du lieu sont « recaser » sur des parcelles
légales ainsi dégagées, où ils doivent
eux-mêmes reconstruire leur logement. Ils obtiennent un droit de
jouissance qui leur permet seulement d'être propriétaire
immobiliers mais pas foncier »12. Il définit la
périphérie comme un « espace de conquête
foncière où s'affirment des réussites familiales, les
périphéries sont
11 Hesseling Gerti : Le droit foncier dans une situation
sémi-urbaine : le cas de Ziguinchor 20 pages.
12 Demba J., 2006 : Gestion déléguée de
l'eau au Sénégal : outil de recomposition urbaine ou facteur de
fragmentation spatiale dans la ville de Ziguinchor, 27 pages.
16
progressivement citadinisées ... l'acquisition en
périphérie n'est plus une pratique résiduelle dans les
parcours urbains, elle est devenue une composante essentielle des logiques
foncières citadines »13. Dans cette même logique,
l'ouvrage de LOMBY et GERBER, nous montre la complexité de la gestion
foncière en évoquant les faiblesses du système cadastral,
sont nombreuses : le temps qu'il faut prendre pour enregistrer un titre de
propriété, le cout de l'opération d'obtention de titre
foncier, le faible sentiment de confiance des acquéreurs de terrains
vis-à-vis des notaires ou intermédiaires administratifs et
légaux, le faible nombre de citadins maitrisant et utilisant la
procédure formelle d'enregistrement, la proportion des terrains
titrés et enregistrés, la fréquence de mise à jour
des données cadastrales, la proportion de la population urbaine en
Afrique détentrice de titre foncier, l'inadéquation d'enregistrer
d'autres actes et d'autres « propriétés sans cadastre ni
borne ». En résumé, nous pouvons dire que toutes ces
populations pauvres, n'ayant pas les moyens de suivre la procédure
normale et formelle s'orienteront vers la périphérie qui
contribuera à un étalement urbain rapide et fulgurant.
Oumar Sy et Papa Sakho dans leur ouvrage collectif sur la
ville de Ziguinchor relatif aux Dynamiques des paysages périurbains, met
en évidence la disponibilité foncière qui à son
tour contribue à une mutation urbaine démesurée. La ville
de Ziguinchor a connu une évolution radioconcentrique, à partir
des quartiers escale et Santhiaba, centre des activités administratives
et politiques, commerciales et industrielles. Ils poursuivent, grâce
à la production foncière la ville se densifie et grandit, ce qui
est à l'origine d'une mutation urbaine croissante. Car ils montrent
qu'en « 1973, la population de Ziguinchor s'élevait à 70.000
habitants », mais après les lotissements de plusieurs quartiers
pour faciliter une bonne gestion foncière par la sécurisation de
ce dernière, les responsables de la commune ont «
intégré dans la commune des villages de Colobane à
l'ouest, et Kandé Alassane et Kandé Sibink à l'est, ainsi
que Kandialang, Néma2, Kénya et tous les quartiers du sud de
l'agglomération comme Diabir. Aux quartiers populaires viennent
s'ajouter des quartiers émergeants (les Boucottes : centre, est, ouest,
nord et sud), plus Diéringho et Néma »14. Tous
ces facteurs ont contribué à une mutation urbaine rapide et ainsi
compliquant la gestion foncière voire même donnant une place aux
coutumiers. C'est pourquoi Pare L. explique que « les symboles et les
symbolismes
13 Jacob Jean-Pierre, 2005 « Sécurité
foncière, bien commun citoyenneté : quelques réflexions
à partir du cas Burkinabé », Ouagadougou, Etude Récit
n°6, Avril, 26 pages.
14 Sy oumar et Sakho Papa : Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal, 30
pages.
17
qui caractérisaient les principes coutumiers de gestion
foncière ont évolué pour aujourd'hui laisser la place
à de véritables redevances »15, il souligne que
le dolo (le vin) et le poulet ont largement fait place à l'argent,
à des désintéressements en nature
(céréales). C'est à croire que les Dieux au nom desquels
la terre est affectée ou attribuée ont changé ou ont
transformé les règles de gestion foncière. La fin du
symbolisme qui concerne l'émergence d'une forte marchandisation
monétaire des rapports fonciers ». Il nous fait comprendre que, la
libéralisation du marché foncier, plus la forte pression
foncière ont pris le dessus sur les anciens modes d'acquisition des
terres où le système lamana dominait, comme le montre A. BARA
DIOP, en évoquant que les « régimes fonciers coutumiers au
Sénégal ne font pas exception à la règle. Dans une
grande partie du pays le Lamaan était (le descendant) du premier
occupant du lieu ». Il poursuit que « le Lamaan était aussi un
chef de communauté ou plus précisément de familles ou de
lignages. Mais il n'était pas un propriétaire éminent du
sol, il était le doyen et le représentant d'un groupe dont il
était chargé d'administrer les biens fonciers avec les
obligations et les avantages que cette fonction comportait. Le Lamaan
était également le prêtre du culte des génies
terriens », où il devient maitre de ces terres et qu'il donnera aux
nouveaux arrivants sans compensation ni paiement, mais depuis l'introduction
des régimes fonciers par les colonisateurs, ces systèmes lamana
ont disparu. Avant cette suppression du système lamana, le chef des
terres contrôlait donc la répartition des droits d'usage et est
seul à pouvoir aliéner les terres, l'aliénation n'est
tolérée qu'en cas d'urgence et que dans le lignage. Cette gestion
garantit un accès pour tous aux fonciers et une adaptation aux besoins
et capacité de chacun. Mais depuis l'avènement du régime
foncier occidental, il existe une
hétérogénéité de la gestion foncière
qui résulte à des conflits ou litiges fonciers. Pour
étayer cette thèse, Lavigne-Delville, explique que « c'est
là où des acteurs hétérogènes sont en
interaction qu'on observe un double jeu entre coutume et, législation,
et que leur décalage crée des conflits et de
l'insécurité ». Car il existe une corrélation forte
entre l'évolution démographique et l'évolution du
système foncier et des instances de gestion. De ce fait, elle pose la
problématique de la sécurité foncière des migrants
aussi bien que celle des populations autochtones. Pour Le Roy, « dans les
sociétés caractérisées par l'animisme et le
communautarisme, l'espace est organisé à partir des lieux
particuliers sièges des divers pouvoirs sur les génies, les eaux,
les terres, les arbres ou les hommes, les animaux ou les minéraux, selon
les distinctions fonctionnelles qui permettent à chaque groupe d'exercer
selon
15 Pare Lacinan, 2001, Les droits
délégués dans l'aire cotonnière au Burkina Faso,
GRET/IIED, 85 pages.
18
l'ordre d'arrivée et selon son activité des
attributs particuliers »16. C'est dans ce contexte, que le code
civile Français fut introduit au Sénégal en 1830,
l'article 544 de ce code qui traite la propriété, s'appliquait
uniquement lorsque les Français participaient à la transaction.
Le régime du code civile fondé sur la transcription des actes
juridiques transmissifs de droits personnels, introduit en 1830, le
régime de l'immatriculation foncière introduit par un
décret du 30 avril 1900, suivi du décret du 24 juillet 1906
abrogé et remplacé par le décret du 26 juillet 1932
portant réorganisation du régime de constations des droits
coutumiers institués par les décrets n°55-580 du 20 mai 1955
et n°56-704 du 10 juillet 1956, qui avaient abrogé et
remplacé les textes antérieurs datant de 1925 et 1933. Dans ce
cas, il s'agissait d'une tentative de transformation des droits traditionnels
en droits de propriété publiés et
matérialisés par les livrets fonciers susceptibles d'être
transformés en titres fonciers définitifs et inattaquables,
assurant stabilité, garantie et sécurité à leurs
titulaires. Pour le colonisateur, seule cette pratique est garant d'une bonne
gestion foncière ainsi que sa sécurisation.
La pression de ville est définitive,
l'élément catalyseur des mutations foncières rurales et de
son corollaire le morcellement et la vente des champs sous forme de parcelles
à usage résidentiel. Comme l'exemple des quartiers de Diabir,
Kénia, Kandialang, Goumel, Lyndiane, Diéfaye montre un processus
de mutation à grande échelle. Cela fait élargir le
périmètre communal fixé officiellement en 1972 est de
3400ha, or actuellement la commune s'étend sur 4450ha17.
Suite à cette question épineuse et perplexe qu'est la gestion
foncière, elle aboutit souvent à des affrontements entre
populations. En effet, si la question foncière a été
reconnue par tous comme l'une des bases du conflit Casamançais ; selon
un membre du collectif des cadres Casamançais, « les manifestations
les plus fréquentes de ce frémissement social étaient
perceptibles (...) surtout à travers les remous provoqués par les
opérations de lotissement très mal gérées à
Ziguinchor et des spéculations de terre ici et là en Casamance
»18. Dans un autre document intitulé « la
vérité sur la Casamance », l'auteur va plus loin en disant
que l'Etat du Sénégal, lui-même, indique que «
l'appropriation par les autorités locales des terres dans la
région » et « l'imposion des lois, singulièrement sur
le domine national (...), ne tenant pas des us et coutume des populations de la
Casamance », sont des « raisons évoquées par le MFDC
16 Le Roye Etienne : La sécurité Foncière
dans un contexte Africaine de Marchandisation imparfaite de la terre, 18
pages.
17 ADM, services techniques de la commune de Ziguinchor.
18 Nelly Robin (IRD) et Babacar Ndione (Handicap
International) : L'accès au foncier en Casamance : L'enjeu d'une paix
durable ? Dakar, Avril 2006, 15 pages.
19
pour justifier sa démarche »19. Cela
résulte de la complexité de la gestion foncière en
Casamance, causant des déplacements massifs de populations vers la ville
de Ziguinchor plus de sécurité, et ces populations
démunies s'installent aux quartiers périphériques par
défaut de moyens financiers. Ce qui est à l'origine de la
mutation urbaine démesurée et fulgurant. De manière
générale, nous pouvons conclure que la Gestion foncière et
la mutation urbaine sont deux choses compatibles, homogènes et que nulle
ne peut se développer sans sa conjointe.
DEFINITION DES CONCEPTS
Le sujet sur la Gestion Foncière et Mutation urbaine
dans la commune de Ziguinchor s'articule autour des concepts suivants : Gestion
Foncière, le Foncier, propriété foncière et
mutation urbaine.
Le foncier : étymologiquement, le mot
foncier vient du latin fundus qui désigne « fonds de terre ».
En général, le mot est relatif aux fonds de terre, selon les
experts, il y a plusieurs compréhensions du foncier. Il est d'abord une
matière première : c'est le socle et le support de toutes les
activités humaines. Pour les juristes, le foncier se mesure en
propriété, statut du sol, règlement, contrainte et
servitude. Pour l'écologiste, le foncier c'est le sol,
l'écosystème complexe, support de vie participant au maintien des
équilibres naturels. Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes
d'occupation du sol, de projet de vie. Pour le géographe, il est le
support d'un usage, caractérisé par le relief, un bâti, une
forme, une densité. Pour l'économiste le foncier s'analyse en
valeur, en rendement (locatif, agricoles) ; c'est une assiette fiscale, un
objet d'équilibre pour que sa valorisation soit rendue possible.
Pour les géographes et les sociologues, le foncier est
compris comme le mode d'organisation de l'espace et des populations humaines
qui le composent. Il est au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec
une propriété pour la société : d'après
Vincent-Alloké (1989) dans le lexique foncier de maliça cubrilo,
le foncier est l' « ensemble des éléments ayant trait
à la terre ou plus précisément à la
propriété de la terre », où on parle des «
ayant-droit pour désigner toute personne ou entité titulaire des
droits fonciers coutumiers ». Ainsi le foncier est l'ensemble des rapports
entre les hommes concernant la terre et les ressources
19 Mané Y : Eléments de réflexion sur la
crise Casamançaise. Forum du collectif des cadres Casamançais,
Novembre 2000, Ziguinchor 11 p pages.
20
naturelles. Il n'est pas seulement un bien économique
ou une marchandise, il a également d'importances dimensions sociales,
politiques et culturelles qui fondent son accès, son exploitation et son
contrôle.
Gestion : d'après le dictionnaire le
nouveau Robert (2008), la gestion vient du verbe « gérer » qui
signifie administrer les intérêts, les affaires d'un autre ; c'est
également organiser, utiliser au mieux, conduire, diriger, gouverner,
régir. Dans le domaine foncier, la gestion se définit comme
l'ensemble des politiques et stratégies destinées à
organiser au mieux l'utilisation de la terre d'une part, les
législations foncières d'autre part c'est-à-dire «
définir ou organiser la façon dont les règles et les
arbitrages seront réalisés à chaque niveau par les
instances locales administratives de façon à prendre en compte la
diversité des situations » Lavigne-Delville, 2002). La gestion
foncière peut aussi se comprendre par des actions pour répondre
aux enjeux importants qui conduiront parfois à des mutations
urbaines.
Elle peut prendre en compte trois dimensions :
? Réagir en amont à travers les études
d'analyse foncière nécessaire permettant de connaitre les
dynamiques foncières, base des politiques adéquates ;
? Elaborer des stratégies foncières permettant la
reconnaissance des droits locaux de propriété existants, que ce
soit le droit positif et les normes coutumières pour permettre à
la paysannerie de sortir de la précarité juridique ;
? Proposer et faire mettre en oeuvre des gammes de
stratégies de réglementation relative à l'accès
foncier.
La propriété foncière :
son sens premier est « ce qui appartient en propre, ce qui ne se partage
pas », au sens didactique, la propriété fait appel à
« l'action d'approprier » qui signifie « rendre propre à
un usage, transmettre dans une lignée ou selon des modalités
particulières. Lorsqu'on est propriétaire, ce titre donne un
certain nombre de droit. La propriété sur le bien foncier porte
sur le dessus et le dessous. En plus sur un terrain titré s'exerce un
droit de jouissance absolue synthétisé par le trip type : usus,
abusus et fructus.
21
La situation urbaine actuelle est issue d'une transformation
de la ville traditionnelle opérée depuis le milieu du
XIXème. La ville « traditionnelle » est sortie de ses limites,
s'est étalée pour devenir « l'urbain
généralisé » (Paquot, 2000)20.
La ville est un espace, qui s'est considérablement
transformé, les changements qu'elle a subis notamment au cours du
dernier siècle, ont introduit des modifications profondes. Ces
modifications plus récentes entrainent les auteurs à parler de
`mutation urbaine'
Mutation urbaine : le terme de mutation
suppose nombre de mots et mots associés : le changement, la
transformation, l'évolution pour ne citer que ceux-là. Dans quel
sens l'entendre ? De quel ordre seront ces mutations ? Le terme `mutation'
implique donc un changement, en l'occurrence celui de l'espace urbain. Le
principal changement actuel de l'espace urbain est son extension. On assiste
ainsi au développement de zones que l'on qualifie aujourd'hui de
périurbains, qui composent les banlieues, les villes nouvelles et tous
les axes de circulation qui les lient. L'espace urbain se fait ainsi composite
: la ville-centre perd en quelque sorte de son pouvoir.
Un regard historique nous montre qu'une ville ne cesse
d'évoluer en se transformant au gré des pratiques citadines, des
cultures, des usages etc. Les évolutions sociodémographiques
semblent également conditionner les évolutions plus
spontanées de la ville (par exemple par des actions individuelles
d'extension des logements, des divisions par parcelle, par héritage ou
lotissement, « lorsque les urbanistiques conçoivent un nouveau
morceau de ville, les choix concernant la trame urbaine, c'est-à-dire
les tracés des voies, les découpages en ilots puis en lots.
Enjeux de la mutation urbaine : l'utilisation du sol, la
mobilité et les aspects institutionnels apparaissent comme les enjeux
posés par la mutation spatiale. La fonction résidentielle
implique une emprise croissante sur le territoire et une urbanisation de nature
extensive. Du point de vue de la gestion foncière, cette
évolution se répercute à plusieurs niveaux : consommation
d'une ressource non renouvelable, atteintes au régime hybride. Nous
identifions deux grands types d'évolution :
? Les mutations progressives :
l'évolution se fait parcelle par parcelle, selon les
disponibilités foncières et les décisions
individuelles d'investisseurs publics ou privés.
20 Paquot, 2000.
22
Le système viaire et le parcellaire en reste
globalement inchangé. Des pavillons cèdent la place à au
petit collectif, des ateliers ferment et sont remplacés par des
immeubles.
? Les mutations par `bond' : c'est des
mutations qui concernent tout un secteur d'urbanisme lâche qui peut muter
en centre secondaire dense ou un quartier résidentiel qui se transforme
en un lieu d'activités plus intenses, ou par exemple complètement
l'inverse, changements d'usages, de destinations immobilière et de trame
urbaine, le parcellaire et la voirie.
Question de recherche
Cette étude est fondée sur la question
principale formulée comme suite : quelles sont les conséquentes
de la gestion foncière sur la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor
? Ainsi, nous avons formulé des questions secondaires pour parvenir
à répondre à l'interrogation principale. Ces questions
sont :
Comment la gestion foncière impacte-t-elle la mutation
urbaine de Ziguinchor ? Quelle est l'influence de la croissance urbaine sur les
mécanismes fonciers de la ville de Ziguinchor ?
OBJECTIF GENERAL
Cette recherche a pour objectif général d'avoir
une connaissance plus fine de la gestion foncière et mutation urbaine,
en plus de montrer que l'étalement urbain et le renouvellement urbain
sont deux composantes complémentaires d'une même stratégie
d'aménagement dans une ville. Ainsi d'analyser le processus
d'urbanisation accélérée, avec ses conséquences sur
la gestion et pression foncière favorables à la mutation urbaine
dans une ville Sénégalaise comme Ziguinchor.
OBJECTIFS SPECIFIQUES
Les objectifs visent à comprendre :
Montrer les conséquences de non maitrise de la gestion
foncière sur la mutation urbaine de Ziguinchor.
Montrer l'implication de l'urbanisation sur le foncier
à Ziguinchor ainsi que le rôle que peuvent et doivent jouer les
régimes fonciers.
Comprendre la qualité de la gestion foncière sur
l'impact de la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor.
23
HYPOTHESE
1) L'urbanisation galopante et démesurée entraine
une augmentation de la population vivante dans la ville de Ziguinchor ;
2) La question foncière, c'est-à-dire sa
production est la base de la mutation urbaine ;
3) Le foncier urbain est un enjeu important sur tout le
territoire de la ville de Ziguinchor du fait de l'hyper croissance due à
l'exode rural et à l'insécurité ;
METHODOLOGIE L'enquête quantitative
L'enquête quantitative est réalisée
à l'aide d'un questionnaire à une population tirée au sort
par échantillonnage afin de collecter des données, avec une marge
d'erreurs de 5%. 150 questionnaires ont été destinés de
façon aléatoire à la population de Ziguinchor.
L'enquête s'est déroulée au cours du mois de septembre
2015.
Tableau 1 : Répartition des
questionnaires selon les quartiers.
Quartiers
|
Nombre de questionnaire
|
Fréquence
|
Lyndiane
|
20
|
13,33
|
Goumel
|
15
|
10
|
Kandialang
|
15
|
10
|
Djibock
|
14
|
9,33
|
Kandé
|
14
|
9,33
|
Kénya
|
13
|
8,66
|
Coboda
|
13
|
8,66
|
Diéfaye
|
12
|
8
|
Colobane
|
12
|
8
|
Cobitène
|
12
|
8
|
Diabir
|
10
|
6,66
|
TOTAL
|
150
|
100
|
24
L'enquête qualitative :
L'enquête qualitative consiste à interroger des
personnes susceptibles de nous fournir des informations supplémentaires
par rapport à notre thématique. Elle est élaborée
et destinée au maire de la commune de Ziguinchor et à son
équipe technique dénommée voirie, au directeur du service
régional d'urbanisme de Ziguinchor, au directeur du cadastre et au
directeur des impôts et domaines, ainsi que certaines ONG comme
APRAN-SDP.
Traitement et Analyse des données :
La recherche s'articule autour des points suivants : la
recherche documentaire, la prise de photographies, l'acquisition des
informations quantitatives auprès de la population et qualitatives
auprès des directions chargées de (l'urbanisme, du cadastre, des
impôts et domaines, la mairie et son épique technique), des images
de google earth, le traitement et l'analyse des données.
Après la collecte des données, nous avons
procédé au traitement, au dépouillement et à
l'analyse des données recueillies. Nous avons utilisé des
logiciels application comme Word pour le traitement des textes, Excel et sphinx
pour la réalisation des tableaux et graphiques pour illustrer ces
propos, le QGis 2.8 pour la confection des cartes utilisées et sphinx
tout court pour l'élaboration et le dépouillement des
questionnaires. Et power point pour la superposition des cartes.
Les contraintes rencontrées
Au cours de la rédaction de ce mémoire, nous
avons été confrontés à certains problèmes
majeurs. D'abord, les contraintes d'obtention des données et des cartes
numériques relatives à notre recherche. La question
foncière étant une complexe et épineuse, beaucoup sont
restés réticents, ne voulant pas répondre, parfois
même, certains nous considéraient comme des non étudiants.
En plus, le problème de communication s'est remarqué dans
certains quartiers
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION
GENERALE DE LA ZONE D'ETUDE
25
26
Chapitre I : Présentation de la
ville de Ziguinchor.
I Situation de la ville de Ziguinchor.
1 Situation géographique.
La région de Ziguinchor est située à la
partie sud-ouest du Sénégal en zone sub-guinéenne et elle
couvre une superficie de 7339 km2 soit 3.73% du territoire national.
La région est limitée au nord par la république de Gambie,
au sud par la république de Guinée Bissau, à l'ouest par
l'océan atlantique et à l'est par la région de Kolda et
Sédhiou
Carte 1 : Localisation de la commune de
Ziguinchor.
27
La ville de Ziguinchor est située sur la rive gauche du
fleuve Casamance à 65 km de son embouchure sur l'océan
atlantique, sous les latitudes tropicales entre 12° 33 nord et 16° 16
de longitude ouest. Ziguinchor s'est développée sur un site
fluvial composé de dépressions saisonnières
inondées et de bas plateaux du continental terminal. Elle reçoit
une pluviométrie moyenne annuelle située entre 1000 et 1500 mm,
la végétation est abondante et est dominée par la mangrove
et la palmeraie.
L'extension de la commune le long du fleuve Casamance est
bloquée par deux marigots Boutoute et Djibélor, avec une
superficie communale de 4450 ha, s'avère exigüe pour une ville dans
laquelle les constructions sont pour l'essentiel, à l'horizontale. Pour
une population estimée à 381.415 habitants en 2012 (ANSD ;
2006)21. Par conséquent le périmètre communal
est très insuffisant pour la population qui ne cesse d'augmenter
d'année en année, ce qui résulte d'une dynamique
démographique continue depuis la création de la ville.
2 Situation administrative.
Capitale régionale de la Casamance naturelle depuis
1904, après la ville de Sédhiou, la ville de Ziguinchor. Issue de
la réforme administrative de juillet 1984 qui avait divisé la
Casamance en deux entités administratives, Ziguinchor et Kolda, et la
commune de Ziguinchor est érigée en commune de plein exercice
depuis 1990, qui couvre 34 km.2 Ces limites sont fixées par
le décret numéro 72/459 du 21/04/ 1972. La commune est
limitée au nord par le fleuve Casamance, à l'est et sud-est par
la commune de Niaguis et à l'ouest par Enampor. Le
périmètre communal est entièrement urbanisé, seules
des zones impropres à l'urbanisation subsistent, notamment les
rizières. Cette contrainte aurait pu mener à de grandes erreurs
urbanistiques, comme la ZAC, projetée au nord de la ville.
II Aperçu de la situation économique
L'économie Ziguinchoroise est fortement donnée
par le port (situé à une soixantaine de km en amont de
l'embouchure du fleuve Casamance) et un emplacement stratégique sur les
flux d'échange entre le Sénégal, la république de
Gambie et celle de la Guinée Bissau, font de Ziguinchor une plaque
tournante commerciale sous régionale. L'agriculture joue aussi sa
partition, en effet, elle domine l'économie Casamançaise et une
part importante des populations de la ville de Ziguinchor, tire encore ses
revenus du secteur primaire : agriculture
21 ANSD, 2006
périurbaine, la pêche. La ville concentre
l'essentiel du secteur industriel de la Casamance, notamment régional
avec des unités de valorisation des produits agricoles. Quant aux
activités relatives à la pêche sont également fort
dynamiques et l'amélioration récente des infrastructures de
déparquement, de conditionnement et de négoce permet de dynamiser
l'accroissement du poids de ce secteur dans l'économie de la ville de
Ziguinchor. « Le tourisme représente également, un fort
potentiel grâce à une offre satisfaisante d'hébergement, de
restauration et de récréation existe dans la commune de
Ziguinchor »22. L'artisanat est tributaire à l'industrie
du bois, mais reste très minime.
28
22 Pierre Xavier Trincaz : Colonisation et Régionalisme :
Ziguinchor en Casamance, Edition de l'ORSTOM, Collection Travaux et documents
n°172, Paris, 1984, 259 pages.
29
Chapitre II : Présentation des différents
groupes ethniques
I Les autochtones et expansionnistes venus de l'est et
du nord ? Les Bainouck
Ce groupement ethnique, qui apparait comme le plus ancien
peuplement de la basse Casamance, a été exterminé ou
assimilés par les manding qui ont envahi son territoire en zone
soudanienne, et délogé du fogny par les Diola à la
recherche de nouvelles terres. Les bainouk viennent s'installer dans le bourg
de Ziguinchor, où ils deviennent les premiers occupants jusqu'à
la venue des portugais. Ainsi, le destin des Bainouk, à la fois «
décimés par les Balante asservis par les Manding, refoulés
par les Diola, parfois assimilés par les Portugais », selon Paul
Pelissier, le peuple Bainouk est désormais « en voie de disparition
aussi bien en Guinée Bissau qu'en Casamance »23
? Diola
Traditionnellement, les Diola se caractérisent par une
intime communion avec le milieu où ils vivaient, une adaptation commune
au sol, avec des techniques agraires semblables, une organisation sociale
égalitaire fondée sur une religion du territoire très
unifiée. L'origine des Diola, est de toute évidente très
confuse, s'il s'agit d'un même peuple ou « d'un ensemble de familles
réfugiées dans les forêts et la mangrove, auxquelles une
longue cohabitation aurait donné une série de traits
linguistiques sociaux, spirituels et techniques communs »24,
qui permettrait aujourd'hui de qualifier les Diola.
? Les Manding
Ces populations venues de l'est, sont traditionnellement,
contrairement aux Diola, aux Bainouk, des sociétés
féodales hiérarchisées, aux traditions agraires, assez
pauvres mais riche de leur histoire politico-militaire et déjà
islamisés depuis de longtemps, dans la commune de Ziguinchor les Manding
sont aujourd'hui environ 10.000 habitants et forment à peu près
1/3 de sa population Pierre Xavier Trincaz.
23 Paul Pelissier : Les paysans du Sénégal,
Imprimerie Fabrègue. France.1966 ; PP. 663-673. 24Paul
Pelissier : Les paysans du Sénégal, Imprimerie Fabrègue.
France.1966 ; PP. 663-673.
30
? Les Wolof :
Les wolof immigrés à Ziguinchor, sont dans la
majeure partie, originaires du Djolof et du Saloum. Leur venue en basse
Casamance, s'est faite par la mer au moment de l'installation française
en 1936, les Wolof amenés par les marins français comme
manoeuvres colons. Ainsi, ils constituent la caste dominante du commerce et de
l'administration. Et aujourd'hui, ces quelques plus de 6.000
personnes25 logent dans les quartiers résidentiels et «
centraux » de l'escale, Santhiaba et Boudody.
II Les minorités ethniques et les populations
venant de la Guinée Bissau Les populations originaires de la
Guinée Bissau.
Les Diola et Bainouk qui constituaient jadis,
l'écrasante majorité de la population de Ziguinchor. Aujourd'hui
un certain nombre de personnes s'est infiltrée dans leur domaine.
L'immigration en provenance de la Guinée Bissau fut notamment
très active. Traditionnellement populations sédentaires «
les Mandjak, Mancagne, Papeis, Balante » ont commencé à
immigrer au Sénégal dès l'époque coloniale à
cause de la surpopulation et de la surexploitation en « terre Portugaise
»26, conséquence de la désagrégation de
l'organisation politico-sociale, à cause des travaux forcés
qu'ils exerçaient, quasiment 12 mois/12. L'immigration, a atteint son
paroxysme pendant la première guerre mondiale. Chaque année, des
milliers de personnes se déplacent de la Guinée Bissau vers la
ville de Ziguinchor. Comme le remarque Paul Pelissier c'est paradoxalement la
fixation artificielle d'une frontière politique entre zone
Française et Portugaise qui est à l'origine de ces mouvements
«loin d'avoir joué un rôle de barrière qui lui
était dévolu, cette frontière a créé entre
des populations naguère dotées des même ressources et
vivant dans un climat humain comparable, des déséquilibres
politiques et économiques, extrêmement sensibles qui expliquent
son franchissement par des effectifs croissants de travailleurs originaires de
la Guinée Bissau »27. C'est dans ce contexte, que
plusieurs raisons expliquèrent cette migration : économique la
traite du caoutchouc, l'essor de la culture de l'arachide, la lutte de
résistance armée pour
25 Pierre- Xavier trincaz :
Colonisation et Régionalisme : Ziguinchor en Casamance, Edition de
l'ORSTOM, collection travaux et documents n°172, Paris, 1984, 259 pages
26 Pierre Xavier Trincaz :
Colonisation et Régionalisme : Ziguinchor en Casamance, Edition de
l'ORSTOM, Collection Travaux et documents n°172, Paris 1984, 259 pages.
27 Paul pelissier : Les paysans du Sénégal,
Imprimerie Fabrègue. France. 1966 ; PP.663-673.
31
l'indépendance de leur pays. Les exactions et les
violences ont fait, fuir des centaines de personnes en quête de paix et
d'un travailleur dans une ville qui est susceptible de produire des
débouchés énormes. Amilcar Cabral écrivait, en 1970
: « des milliers de paysans abandonnent leurs foyers et cherchent dans des
pays voisins la paix et les moyens indispensables à leur entretien.
C'est ainsi que, des milliers de Balant, Mandjack... entrent en
République du Sénégal »28. Cette
immigration a toujours continué jusqu'à nos jours, à cause
encore des coup-d' états successifs.
Les minorités ethniques
? Les Sérers Niominka
Ils sont notamment, originaires du saloum, et viennent des
mois de décembre à mai, à bord de leurs pirogues de haute
mer pour pratiquer la pêche au filet. C'est ce qui fait que, certains
d'entre eux se sont définitivement installés dans la commune de
Ziguinchor. On peut dénombrer actuellement environ plus de 2.000
sérers29, dans la majeure partie qui se sont
transformés en Wolof.
? Les Toucouleurs :
Ils viennent de la plupart de la vallée du fleuve
Sénégal, attirés par les potentialités piscicoles
considérables de cette région. Ces pêcheurs thioubalo,
pratiquaient le commerce des ressources halieutiques jusqu'en Guinée
Conakry. Ils s'installent dans les quartiers de Boucotte, et les plus
aisés dans les quartiers d'HLM de Boudody et Néma.
? Les Peul :
De la haute Casamance, originaires de la région du
Fouladou, plus connus sous le nom de Foulacounda sédentaires qui ont
amenaient leurs cheptel en basse Casamance. Peu à peu ils
s'installèrent dans la ville de Ziguinchor. Et on dénombre
quelques milliers de peuls
28 Discour d'Amilcar Cabral, en 1970.
29 Pierre Xavier Trincaz :
Colonisation et Régionalisme : Ziguinchor en Casamance, Edition de
l'ORSTOM, Collection Travaux et documents n°172, Paris 1984, 259 Pages.
32
originaires de la Guinée Conakry, ils sont environ
4500, qui se trouvent dans leur majeure partie au quartier de Peyrissac
d'après Pierre Xavier Trincaz30
? Les Européens :
Ils sont environ quelques 300 Européens,
Français ou Libanais, qui sont dans l'industriel ou exercent le
commerce. Ils sont issus des anciens coloniaux, aujourd'hui des
coopérations techniques, dont l'implantation est de courte durée,
et vivent généralement dans les villas de l'escale. La plupart
des villes des pays développés datent de plusieurs
siècles. En effet, elles sont nées du commerce (lieu
d'échanges, carrefour de voies de communication) ou de l'industrie qui
attire de la main-d'oeuvre. Résultant d'un dynamisme
démographique qui se répercute en ville. En plus, la
moitié de la population de ville en développement, est jeune, ces
jeunes citadins feront à leur tour des enfants, contribuant ainsi,
à maintenir une forte croissance de la population. L'exode rural, quant
à lui, a joué sa partition, dans la croissance urbaine surtout
celle de Ziguinchor. Etant en plein essor, la ville de Ziguinchor connait une
évolution, qui se caractérise par une mutation urbaine
considérable et continue. De manière générale, la
croissance démographique exponentielle de Ziguinchor de 1888 à
nos jours, est la conséquence directe de l'afflux migratoire, venant de
l'intérieur du pays et de l'extérieur.
Graphique 1 : répartition de la
population.
Répartition de la population
4,3
5,2
13,4
35
10,5
13,6 18
Diola Manding poular
Wolof Mandjack Sérère
autres
Source : Enquête de terrain Assane Diallo, Septembre
2015.
30 Pierre Xavier Trincaz : Colonisation et
Régionalisme : Ziguinchor en Casamance, Edition de l'ORSTOM, Collection
Travaux et documents n°172, Paris 1984, 259 pages.
33
En somme, Diola, Bainouk, Mandjak, Mancagne, Balant,
population fondamentalement paysannes, sont devenues majoritaires, elles
représentent 56,4% de la population totale, la population Wolof quant
à elle, a très nettement diminué passant de 16% en 1951
à 8,5% en 1970. En effet, le nombre de fonctionnaires et
commerçants, essentiellement Wolof à Ziguinchor a diminué,
c'est-à-dire que, leur migration s'est parachevée.
DEUXIEME PARTIE : ZIGUINCHOR UNE
VILLE EN PLEINE EXPANSION
34
35
Chapitre I : La formation des quartiers de la commune de
Ziguinchor.
I La Structuration des premiers quartiers
Le poste de Ziguinchor a été créé
en 1645 par Gonçalo Gamboa Ayala, capitaine du port de caheu. Le site
appartenait au « Iziguicho », sous-groupe Bainouk qui peuplait le
village de Djibélor. En 1880, Ziguinchor qui était qu'un gros
village de 3ha. L'organisation spatiale de Ziguinchor reste encore, fortement
marquée par son passé de comptoir commercial et par sa fonction
fluvio-portuaire. Au nord de la ville, au bord du fleuve, s'étend le
quartier historique, de l'escale, organisé en damier. Ce noyau concentre
l'essentiel de l'administration déconcentrée et
décentralisée. Alors que, la colonne vertébrale de la
ville orientée Nord-Sud, se compose des quartiers lotis et
densément peuplés de Boucotte et Santhiaba, articulés
autour des axes importants que sont les boulevards «Emile Badiane »
et « 54 mètres ». Tandis qu'au moment de la prise de
possession par les Français entre 1886 et 1888, la ville comptait 600
habitants. Dans cet intervalle les Français ont eu beaucoup de
difficultés avec les notables créoles pour créer
l'état civil et le cadastre. La situation économique de la ville,
étant favorable, les boutiques commencent à déborder
partout dans le bourg. En effet, c'est ainsi que se forme petit à petit
le quartier d'Escale. C'est dans ce contexte, que le premier plan de la ville a
été fait en 1902, et la superficie communale couvrait à
cette époque 10ha31. Au terme de l'arrêté du 18
janvier 1907 du gouverneur général de l'AOF, Ziguinchor est
érigé en « commune mixte », avec un
administrateur-maire. Le 22 septembre 1909 que toute la Casamance est
érigée en 6 résidences dont celle de Ziguinchor est
l'administrateur supérieur. Le premier lotissement avait
présenté en 1907, mais le plan définitif est mis au point
en 1909, et il est appliqué sur le terrain en 1910-1911, sur les 36 ha
que comptait la ville à l'époque du quartier escale. Le quartier
étant saturé, certains habitants s'installent à Boudody,
et d'autres au nouveau quartier de Santhiaba. Les déguerpis de l'escale
ne sont pas expropriés ; mais beaucoup de terrains sont achetés
par les commerçants et l'administration coloniale. En 1914, la ville
comptait 750 habitants, le trafic du port ne cesse d'augmenter et d'attirer de
nouvelles populations, les faubourgs de Santhiaba et Boucotte, gonflent et
l'agglomération passe à plusieurs milliers de personnes, le
territoire de commune mixte est élargi, et fait plus de 600 ha. Le
commerce prospère et commencent à attirer les commerçants
Libanais, et les usines commencent à émerger. Ces habitants sont
répartis entre les quartiers de Santhiaba et Boucotte. Le quartier
déborde, pour former d'autres, c'est ainsi que le quartier de Peyrissac
est né. Goumel et le village de Diéfaye qui existaient depuis
longtemps, les émigrés de la
31 Source : ADM, Service technique de la mairie de Ziguinchor.
36
Guinée Bissau formèrent le quartier de
Tilène. Quelques années, Peyrissac et Niéfoulène,
Colobane sonf formés, et plus tard Néma, Kansahoudy à
l'est, la ville arrive à Kandé, plus Léona vers l'ouest au
coeur des rizières humides apparaissent, et les quartiers de Belfort et
Kadior surgissent.
II La structuration des autres quartiers après
l'indépendance.
L'étalement urbain et la consommation d'espace
résultent de plusieurs facteurs cumulatifs. Ces phénomènes
s'expliquent notamment par l'insuffisance, l'augmentation démographique
et l'inadaptation de l'offre par rapport à la demande de logements dans
les grandes villes et par une propension des acteurs de la construction
à opter pour la périurbanisation au détriment de
l'intensification et du renouvellement des coeurs d'agglomération,
essentiellement pour des raisons financières et de faiblesse d'une offre
foncière dans les centre-ville. Par voie de conséquence la
prolifération du nombre de quartiers, ce qui est remarquable dans la
ville de Ziguinchor. Après l'accession du pays à la
souveraineté, l'urbanisation toujours galopante accompagnée de
l'accroissement démographique, la ville s'étend de plus en plus.
Cela aboutit à la création d'autres quartiers, à l'ouest
de la ville, les quartiers de Colobane, Soucoupapaye, Grand-Dakar et Lyndiane
sont constitués. Le quartier de Néma fait la jonction avec
Boucotte, quant à Tilène, il s'élargit, et la jonction
entre Santhiaba et Kandé est faite. Dans les années 1966, Alwar,
Kandialang sont aussi nés. Avant, l'indépendance, la ville
comptait 5 quartiers c'est-à-dire en 1951 : Escale, Santhiaba, Boudody,
Goumel-kantata et Boucotte. Vers les années 1960, elle compte 8
quartiers : Escale, Santhiaba, Boucotte Nord-ouest, Boucotte Nord-est, Boucotte
Sud, Peyrissac, grand-dakar et Tilène, et en 1967 la ville compte 12
quartiers32. Ceci montre l'augmentation exponentielle de la
population de la ville de Ziguinchor. Ceci est la conséquence directe de
l'afflux migratoire de cette période et en même temps, l'OHLM a
construit deux cités : celle de Néma et celle de Boudody. A
partir des années 1967-1980, suite à l'augmentation de la demande
en matière de logement et du nombre d'arrivés et pour plus de
sécurisation foncière, les autorités ont
procédé à des lotissements des quartiers spontanés.
Le découpage de la ville aboutit à 16 quartiers. Par
conséquent, beaucoup de quartiers, dans les quels, les voies ne sont pas
dégagées ni ouvertes : il s'agit des quartiers de Kandialang,
Bandé d'Aouzou, Diéfaye, Coboda, Kandialang ouest, surtout
Néma 2 au sud, que nous illustrons par cette image satellite du quartier
de Néma 2 pour montrer la gravité de cet
32 Source : ADM, Service technique de la mairie de Ziguinchor.
37
désordre. Dans les années 2000, la mairie a fait un
plan d'aménagement de la ville de Ziguinchor.
Carte 2 : Les premiers quartiers de la ville de
Ziguinchor
Aujourd'hui, la commune de Ziguinchor compte officiellement 38
quartiers, montrant l'urbanisation de cette ville, qui est la principale ville
de la Casamance, à cause de ses potentialités économiques,
qui sont susceptibles de créer des emplois. Actuellement, la commune
compte 38 quartiers.
38
Chapitre II : Une dynamique urbaine incontournable
I Les différentes phases de la mutation urbaine
de Ziguinchor : de l'époque coloniale aux années 1980
? De l'époque coloniale à 1960.
Lorsque, la ville de Ziguinchor devient française en
1886, l'escale n'était encore qu'un bourg de quelques 500 habitants,
peuplé de Portugais, métis ou assimilés par le
baptême. En effet, le développement commercial, économique
et culturel insufflé par la colonisation française, dès
1886, est à l'origine d'une très forte immigration, qui loin de
se ralentir aujourd'hui, se manifeste avec toujours plus de vigueur. La
migration de population est un « phénomène permanent dans
l'histoire de l'humanité, c'est à partir d'elle que se sont
forgés les différents môles de peuplement de la
planète qui servent désormais de base d'appartenance territoriale
à plusieurs groupes socio-culturels »33. L'implantation
des maisons de commerce, la mise en place d'une administration
régulière et la création d'industries, de banques,
attirent des commerçants et cadres Sénégalais. En plus,
des artisans et de petits commerçants viennent s'ajouter à ce
flux. Nous illustrons cette assertion, par les propos de TRINCAZ, «
l'essor de la traite en Casamance, en période coloniale, du caoutchouc,
puis surtout de l'arachide, provoque un afflux de main-d'oeuvre dans les
diverses escales du Sénégal et surtout à Ziguinchor, qui
s'affirme rapidement comme le premier port de Casamance »34,
c'est donc « la commercialisation avec l'ouverture de moyens de
communication qui se trouve à la base de l'exode rural ». Lorsque
le colonisateur a imposé l'arachide comme culture commerciale, au
détriment des cultures vivrières, suivi, plus tard, par la baisse
des cours mondiaux de l'arachide, la situation du paysan commence à se
détériorer peu à peu. C'est dans ce contexte que la
ruée vers les ciels les plus cléments débute, c'est, ce
que confirme toujours TRINCAZ : « à l'époque coloniale, la
situation paysanne devient, en effet de plus en plus difficile et
précaire »35. L'instauration d'un contrôle
administratif permanent et l'obligation de l'impôt,
33 Michel Bruneau : Mobilités, migrations et
pauvreté en Asie du sud-est, CNRS-Université de Bordeaux, 48
pages.
34 Pierre Xavier Trincaz : Colonisation et Régionalisme
: Ziguinchor en Casamane, Edition de l'ORSTOM, Collection Travaux et documents
n°172, Paris 1984, 259 pages.
35 Pierre Xavier Trincaz : Colonisation et Régionalisme
: Ziguinchor en Casamance, Edition de l'ORSTOM, Collection Travaux et documents
n°172, Paris 1984, 259 pages.
39
l'introduction forcée de la culture de l'arachide et
l'instabilité de son cours mondial, la baisse conjointe des productions
vivrières et l'incitation aux biens de consommation, font du paysan, un
être démuni, opprimé, angoissé et frustré.
Alors que, la ville offre, quant à elle de nouvelles possibilités
économiques, un cadre culturel attirant, un espoir d'enrichissement et
de promotion sociale totalement refusé aux paysan. Ce qui est, à
l'origine du peuplement rapide et croissant de la ville de Ziguinchor, par les
populations de la basse Casamance, suivi bientôt par les populations de
la Guinée Bissau, auxquelles la métropole pauvre est incapable
d'offrir des débouchés suffisants. La question des migrants
débouche sur elle, de l'insertion économique et
résidentielle, des populations dans les villes d'accueil. D'importants
efforts ont été menés, pour développer
l'économie de la Casamance, et plus particulièrement la ville de
Ziguinchor grâce à l'arachide, une nouvelle potentialité
s'impose dans les années 50, avec le tourisme.
Carte 3 : le plan de la ville de Ziguinchor en
1952
Source : Service technique de la ville de Ziguinchor.
Pendant, cette période, la ville s'est
extrêmement développée sur le plan spatial, en consommant
plus d'espace. « Cela résulte par les lotissements successifs, qui
compléta Santhiaba celui de 1902, le plan est un dossier régulier
d'orientation NW-SE et NE-SW avec
40
des lots de 30m/30 »36. Boucotte, qui lui est
envahi par les ruraux, son lotissement se fait quelques années plus
tard, c'est-à-dire en 1926, avec des axes NS et EW. Depuis lors, les
quartiers qui l'entourent débordent pour former d'autres, le plus
souvent de manière spontanée. Quasiment, durant ces
années, toutes les villes côtières ont connu une croissance
exponentielle, les colons se sont installés dans ces zones pour
faciliter le transport des marchandises par voie maritime et fluviale. Ceci a
suscité même des vagues de touristes vers la Casamance à
cause de sa forêt verdoyante.
Graphique 2 : Evolution de la population de 1888
à 1960
35000 30000 25000 20000 15000 10000
5000
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
|
|
? De 1961 à 1980.
L'aspiration de chacun, à avoir, à sa
disposition des surfaces plus conséquentes, plus agréables pour
ses diverses activités, rendu possible notamment grâce à
l'élévation des
36 Source : ADM, Service technique de la mairie de Ziguinchor.
41
niveaux de vie, à la diversification de l'offre et de
déplacement, conduit à accélérer le
phénomène d'étalement urbain ces dernières
décennies. Par conséquent, nous considérons que l'urbain
est en constante croissante ; tant dans ses dimensions fonctionnelles, sociales
et spatiales. Ce qui fait, que depuis l'indépendance du
Sénégal en 1960, nos villes connaissent des mutations urbaines
importantes, liées à la croissance économique,
démographique et à la crise qui sévissait le monde rural
dans les années 70-80. Celle-ci a causé un déplacement
massif de populations vers les villes Sénégalaises en quête
d'un meilleur cadre de vie.
Carte 4 : Evolution Spatiale de la ville de
Ziguinchor
Cette période est considérée comme,
période charnière de la plus grande sécheresse connue en
Afrique de l'ouest au cours du XXème siècle, puis qu'elle marque
la fin de l'épisode humide. Les décennies 1970-1979, sont
caractérisées par l'importance et la
sévérité des déficits pluviométriques,
notamment 70-73, 76-77. Dans ce contexte, Le Borgne précise, «
qu'au Sénégal et en Gambie, sur douze stations synoptiques, une
seule, Kédougou, a connu depuis
42
1969, quatre années dont les précipitations sont
égales à la normale »37. Ceci montre, la
complexité et la gravité de cette sécheresse, qui a fait
souffrir énormément cette population paysanne, qui n'avait
d'autres sources de revenus que celles tirées de l'agriculture. Fall et
Al, en 2005, confirment également, « cette sécheresse a
profondément bouleversé les campagnes Sénégalaises
par l'absence ou la faiblesse de récolte, le tarissement précoce
des mares, les difficultés d'approvisionnement en eau, la perte du
cheptel, la disette dans les foyers et par voie de conséquence, la
migration vers des lieux aux conditions plus favorables,
particulièrement vers les villes »38. Ces vingt
dernières années la région de Casamance traverse une
multitude de crise : agricole, socio-économique39. La baisse
de la pluviométrie entraine un déficit dans la production
rizicole et une diminution des superficies cultivées.
Graphique 3 : Evolution annuelle de la
pluviométrie à Ziguinchor (1921-2009)
Source : Sané (Tidiane), et Sy (Oumar), Changement
Climatique et Vulnérabilité de la ville de Ziguinchor.
37 Le Borgne
38 Fall et al. 2005 : Changement climatique, mutations
urbaines et stratégies citadines à Dakar (Sénégal),
in urbain-rural : l'hybridation en marché, Enda tier-monde,p
:190-231.
39 Robin Nelly (IRD), Ndione Babacar (Handicap international)
: l'accès au foncier en Casamance : l'enjeu d'une paix durable ? Dakar,
Avril 2006, 15 pages.
43
Conséquences, on note de plus en plus de
rizières abandonnées, la migration vers Ziguinchor, la principale
ville de la Casamance. Cette période correspond aussi, à la
guerre d'indépendance de la Guinée Bissau causant des centaines
de réfugiés vers la ville de Ziguinchor, et les
persécutions et exactions exercée par le régime de la
Guinée Conakry. Toutes ces personnes convergent vers la ville de
Ziguinchor en quête d'une sécurité et d'un meilleur cadre
de vie. Et une fois arrivés, ces néo-citadins s'installent dans
la périphérie, contribuant à une mutation urbaine
incontournable. Pendant cette période la ville a accueilli des milliers
de personnes déplacées. C'est pourquoi les responsables de la
gestion de la ville de Ziguinchor ont procédé à des
lotissements pour plus de sécurisation foncière et diminué
les habitats spontanés. Cela résulte, aux lotissements des
quartiers Lyndiane environ 53 ha 90a 49ca40, Tilène en vue
d'améliorer l'accès ; d'y réaliser des infrastructures de
base, d'y procéder à l'assainissement et de régulariser la
situation foncière des parcelles occupées à plus 1400
lots41, environ 400m2 chacun. En effet, les lotissements
de 1972, appliqués en 1979, sont à l'origine de plus de 5000
déguerpis à recaser dans les nouveaux quartiers Kénia,
Diabir, c'est dans ces quartiers périphériques qu'il y a plus
d'espace car le centre-ville et les anciens quartiers étant
saturés, les autorités ayant conscience de ce problème,
ont réalisé ces lotissements. Car « la pression de la ville
est définitive, l'élément catalyseur des mutations
foncières rurales et de son corollaire le morcellement et la vente des
champs sous forme de parcelles à usage résidentiel »,
l'exemple des quartiers comme : Diabir, Lyndiane, Kandialang, Goumel,
Kénya, Diéfaye montre un processus de mutation urbaine
exponentielle, à cause du nombre important de personnes arrivées
pendant cet intervalle, c'est-à-dire de 1961 à 1980. Pendant
cette période, plusieurs facteurs favorables à la migration, ont
causé le déplacement des milliers de personnes vers la ville de
Ziguinchor. Cette période coïncide encore, avec l'expansion de
l'industrie touristique, surtout avec la création de la station
balnéaire du cap-Skirring et le développement des hôtels
dans la commune de Ziguinchor. Viennent s'ajouter à ce flux, dès
l'indépendance, l'accroissement démographique très fort.
Entre le recensement de 1961 et celui de 1967, la direction de la statistique
du Sénégal a constaté un rythme d'accroissement
supérieur à celui de Dakar (8,1% par an)42. Donc,
en
40 Source : Service technique de la mairie de Ziguinchor.
41 Source : Service technique de la mairie de Ziguinchor.
42 ANSD.S
44
l'espace de quatre années la ville de Ziguinchor a connu
un boom démographique spectaculaire, lié à
l'arrivée de jeunes garçons et de jeunes filles en âge de
procréer43.
Graphique 4 : Evolution de la population de
Ziguinchor de 1960 à 1980.
80000
|
69646
70000
|
60000
|
|
50000
50000
|
|
40000
|
|
|
|
30000
|
31660
|
|
|
|
|
20000
|
|
|
|
10000
|
|
|
|
0
|
|
|
|
1960 1967 1976
|
II Les différentes phases de la mutation
urbaine de la commune de Ziguinchor : de 1980 à nos jours
? De 1981 à 2000
L'étude des dynamiques et la structuration spatiales
donne d'abord une vue d'ensemble des formes urbaines. Elle souligne la
croissance globale, les principales modalités d'occupation du sol, et
aboutit fréquemment à une classification des sites et des
paysages. Du mode de composition `précoloniale 'aux étapes
contemporaines de consommation de l'espace périphérique, la
croissance urbaine relève plus souvent d'un « mode extensif que
d'un schéma de densification »44. L'urbanisation
galopante des villes ouest-Africaines est due à l'afflux massif des
ruraux. Cette période est marquée par une « mutation
très nette de la « conflictualité » et des guerres dans
un monde désormais unipolaire : les guerres entre Etats
43 Pierre Xavier Trincaz : Colonisation et Régionalisme
: Ziguinchor en Casamance, Edition de l'ORSTOM, Collection Travaux et documents
n°172, Paris 1984, 259 pages.
44 Said Madani (2012) : Mutations urbaines
récentes des villes intermédiaires en Algérie : cas de
Sétif ; Thèse de doctorat d'Etat en Architecture,
Université Ferhat Abbas de Sétif ; Institut d'architecture et des
Sciences de la terre, Département d'architecture 266 pages.
45
sont en régression, mais les violences civiles et
guerres locales continuent et s'internationalisent »45. Dans ce
contexte, les réalités nouvelles de violences des droits de
l'homme posent des déplacements humains forcés, internationaux ou
internes. En effet, la Casamance n'a pas échappé à ce
phénomène qui ne cesse de gangréner surtout au sein des
Etats Africains. C'est dans ce contexte que la Casamance est confrontée
depuis 1982 à une revendication indépendantiste, qui est source
d'un conflit armé qui ne cesse de perdurer. Par conséquent, les
exactions et l'insécurité ont fait fuir des milliers personnes
des campagnes vers la ville de Ziguinchor en quête de
sécurité. Depuis, la plupart des refugiés ou
déplacés confrontés à des conditions d'existence
lamentables et précaires, ont rejoint la ville de Ziguinchor. Cette
nouvelle mobilité forcée a accru encore la pression
démographique, causant un accroissement exponentiel de la population. En
effet, « au cours de ces 20 ans de conflit, dans toutes ces zones
stratégiques, la violence des affrontements a entrainé un exode
de 60.000 à 80.000 personnes, et un abandon de plus de 231 villages, et
4000 élèves »46, nouvellement installés
dans la commune de Ziguinchor. Dès lors, l'exode de ces populations pose
avec acuité le problème foncier. L'ONG, APRAN/SDP notait en 2009
le « déplacement à Ziguinchor de 23 villages avec 995
familles soit 10.522 personnes »47. Ces personnes à
revenus modestes voire inexistants, s'installent dans la
périphérie où l'accès au foncier est plus facile,
et qu'ils puissent pratiquer en même l'agriculture périurbaine,
qui est la base de leur alimentation et de leur source de revenus, du fait que
la majeure partie, ayant aucune qualification professionnelle, leur permettant
à l'accès facile, à un emploi urbain autre que
l'agriculture. En une décennie, la ville de Ziguinchor a connu une
croissance démographique rapide, résultant une extension
irrégulière dépassant ses limites officielles, qui
était en 1972 à 3400 ha, pour atteindre aujourd'hui 4450 ha
(ADM)48. En effet, ne pouvant pas payer le loyer, ni acheter des
terrains dans le centre-ville moins encore dans les quartiers anciens,
s'installent dans les zones non loties, résultant de la multiplication
de l'habitat spontané et d'une mutation considérable, ainsi
qu'une occupation anarchique, compliquant la gestion
45 Ruano Borblan (J-C) : La théorie des
relations internationales : Sciences Humaines, n°116, mai 2001, PP
42-43.
46ONG : Association pour la promotion rurale de
l'arrondissement de Nyassia/ Solidarité-Développement -Paix
(APRAN/SDP).
47 ONG : Association pour la promotion rurale de
l'arrondissement de Nyassia/ Solidarité-Développement -Paix
(APRAN/SDP).
48 Source : ADM de Ziguinchor.
46
foncière. Ce que confirment les travaux de DIEYE,
200949, selon lui quasiment tous les néo-citadins se sont
retrouvés dans les quartiers périphériques à
l'exception de Boucotte Centre. Car vue, la cartographie des zones
d'installation des personnes déplacées, d'emblée nous
comprenons que le phénomène est quasi-universel.
Carte 5 : L'installation des
réfugiés dans la commune de Ziguinchor
Dans toutes les villes du monde, plus particulièrement
celles, Africaines, 99% des nouveaux arrivants, que ce soit, ceux ayant fui le
conflit ou ceux qui ont fui les conditions difficiles des campagnes
s'installent en périphérie. Ils vivent dans des zones
dépourvues d'infrastructures de base, ni d'équipements et dans
les conditions de promiscuité, de vulnérabilité et de
précarité, sont confrontés à de nombreuses
difficultés dans leur zone de résidence. L'afflux
49 Dieye Babacar : Personnes déplacées : les
courants migratoires vers la ville de Ziguinchor du début du conflit
Casamançais à nos jours : cas des venan de Nyassia et Niaguis,
mémoire de maitrise, FLSH, UCAD, Dakar, 2009, 123 pages.
47
migratoire n'est pas seulement liée à la guerre
indépendantiste, elle résulte encore de la sécheresse qui
a sévit pendant cette période, dans toute l'Afrique de l'ouest,
et qui n'épargne pas la Casamance. La période 1980-1989, marque
comme les années précédentes, une recrudescence de la
sécheresse au Sénégal causant des milliers de
déplacés vers les villes. Cette crise profonde n'est imputable
à la seule sécheresse. Dans le contexte de la « baisse des
prix des principaux produits d'exportation tels que l'arachide, le coton, la
nouvelle politique agricole de l'Etat qui s'est traduite par la
réduction des subventions et la limitation des crédits pour
l'achat d'intrants, et l'acquisition de matériel agricole
»50, sont autant de facteurs qui ont contribué à
aggraver les conditions difficiles et précaires des paysans dans le
milieu rural. En effet, les mouvements migratoires à caractère
économique comprennent, à la fois le nomadisme, pas-total, le
développement des activités de la pêche, du commerce et la
recherche d'un emploi bien rémunéré en ville, sont autant
de causes du départ des ruraux vers les ciels les plus cléments
c'est-à-dire les villes. Pour plus de sécurisation
foncière, la mairie procède à des lotissements des
quartiers de Castor qui est une cité dénommée la «
baguette magique », à cause sa position géographique,
entourée par l'aéroport, l'université, par
conséquent, elle est convoitée par les grands patrons de la
ville. Kandialang n'a pas échappé à ces lotissements, dont
l'application est faite en 2004 : nombre de parcelles 146651.
? De 2001 à nos jours.
La croissance urbaine se matérialise d'abord, par une
occupation maximale des espaces restés libres à
l'intérieur des enceintes et une augmentation des densités. Peu
à peu, cette densité pose problème, car la classe
aisée est la première à quitter la ville dense
(centre-ville) pour s'installer dans les faubourgs aux limites de la ville :
phénomène appelé gentrification. L'espace urbain prend une
place de plus en plus grande et devient omniprésent (Haeringer, 1998,
El-Haggar et al. 2003)52. Le manque sérieux d'espace dans le
centre-ville et les anciens quartiers de Ziguinchor et le retour des conditions
pluviométriques normales dans les quartiers comme : Escale, Santhiaba
Est et Ouest, Goumel, Diéfaye, obligent les populations à partir
vers la périphérie. Le retour des conditions
pluviométriques normales, oblige les résidents des anciens
quartiers à s'orienter vers la périphérie, surtout celle
vers le sud, là où il
50 Arfang F Keita : Les mutations des terres agricoles autour de
Ziguinchor, mémoire de master 2, UCAD, département de
Géographie, 2012-2013, 96 pages.
51 Mairie de Ziguinchor : Service technique
52 Haeringer, 1998, El-Haggar et al, 2003.
48
énormes réserves foncières et
d'infrastructures par exemple l'université. La partie sud de la ville
est le futur pôle urbain de Ziguinchor. En plus, les enjeux fonciers
(valorisation du foncier, conjugués au manque d'espaces constructibles
dans le pôle urbain et la cherté des reliques de parcelles
à vendre dans la ville, les paysages de la couronne périurbaine
évoluent.
Carte 6 : Les quartiers inondables de la ville
de Ziguinchor
« Et 91% cette population venant de la ville ne s'y est
installé que depuis 2000 »53 affirme Sakho P., et Sy O.,
dans leurs travaux. Ainsi, il apparait que la périphérie est
d'installation récente : « 88% de la population s'y
installé, il y a moins de 30 ans. Alors qu'avant 1970, la population ne
représentait que 4% de la population de la ville »54. Ce
qui montre, l'évolution
53 Sy Omar et Sakho Papa : « Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal »,
24 pages.
54 Sy Omar et Sakho Papa : « Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal »,
24 pages.
49
rapide de la ville de 2000 à nos jours. Le contexte lui
étant favorable, la crise politico-armée qui sévit depuis
les années 80, puis l'implantation de l'université Assane Seck
dans le quartier de Diabir, favorise la mutation. Dans « la
dernière décennie, on aborde plus nettement les pratiques actives
d'insertion et de différenciation des populations en ville, qu'il s'agit
bien de mettre en rapport avec le marché du travail et le changement
socio-culturel (mobilité scolaire par exemple), puis plus
l'université Assane Seck, et l'université Catholique, les
instituts de formation, les écoles privées, participent beaucoup
à la mutation urbaine. Nous notons, le désir d'avoir un emploi,
avec l'arrivée des taxis clando, des motos taxis et plus
récemment les mini bus TATA, arrivés depuis une année dans
la commune de Ziguinchor, relient toutes les artères de la ville, des
plus lointains quartiers au centre-ville
Graphique 5 : Evolution de la population de 2000
à nos jours
243881
250000
300000
276354
269002
200000
155575
150000
100000
50000
0
2002 2004 2009 2010
Cette évolution démographique s'accompagne d'une
prolifération de l'habitat spontané. Depuis cette dernière
décennie, la ville de Ziguinchor est convoitée pour sa
capacité à créer de petits emplois, mais encore pour les
jeunes étudiants et élèves désireux de poursuivre
leur étude. Des lotissements et restructurations ont été
menés, par la mairie : le plan d'application n°1, le 23 Novembre
2005 : nombre de parcelles 144855. A cet égard, une politique
préventive, basée sur la planification rationnelle de l'espace et
l'aménagement de site d'accueil, permettrait de résoudre ce
problème de manque d'espace dans la commune de
55 Source : Service technique de la mairie de Ziguinchor.
Ziguinchor. L'urbanisation galopante combinée à
une planification insuffisante caractérisant certaines villes, contraste
fortement avec le phénomène de périurbanisation et de
recomposition urbaine. La ville favorise la monétarisation de
l'économie, facilite la mobilité sociale et l'adéquation
entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre qualifiée, élargit
les débouchés de la production industrielle et agricole remarque
Paul Bairoch. Cela résulte de l'évolution rapide et exponentielle
surtout ces dernières années, qui donnent à la ville de
Ziguinchor un fort taux d'urbanisation par rapport à sa région.
Le taux d'urbanisation du département qui est de 83,7% tire la moyenne
régionale vers le haut, alors que Bignona et Oussouye ont des taux
respectifs d'urbanisation de 16,56% et 11,32%56. La ville
d'aujourd'hui, dont les frontières sont de plus en plus incertaines, se
présente comme « une nappe urbaine qui semble s'étendre
à l'infini » (May et al, 1998, P.7)57. Son extension
peut prendre différentes formes, selon différents contextes et
différentes contraintes (Wiel, 1990a)58. Dans d'un contexte
de la crise du monde rural, aggravée par la sécheresse, le
conflit armée, sont autant de facteurs favorable à la mutation
urbaine de Ziguinchor. En plus, les contraintes du fleuve Casamance, obligeant
la ville à évoluer, que vers le Sud, sud-ouest et sud-est.
50
56 Service Régional de la Statistique et de la
démographie de Ziguinchor : Situation économique et Sociale de la
Région de Ziguinchor, 2010, 170 pages.
57 May et al, 1998, P.7.
58 Wiel, 1990.
TROISIEME PARTIE : GESTION FONCIERE
ET MUTATION URBAINE DANS LA VILLE
DE ZIGUINCHOR
51
52
Chapitre I : gestion et litiges fonciers dans la commune
de Ziguinchor
I Les enjeux et conflits fonciers.
A) Les enjeux fonciers.
? Les enjeux économiques
Dans tous ces espaces, le foncier a un enjeu crucial et sa
gestion doit être située dans une perspective globale, car son
utilisation rationnelle dépend des perspectives de développement
des territoires. Dans un contexte de pénurie de terres dans la commune
de Ziguinchor, il est important de s'assurer que l'utilisation de ces terres ne
dépende du bon vouloir des pouvoirs locaux conjoncturels. La terre est
considérée comme une production de richesse, support de toutes
les activités sur terre. Par conséquent, elle est « devenue
aujourd'hui une source de revenu, y accéder exige le paiement de sommes
importantes »59 Paré, L., Les nouvelles lois d'orientation
foncières d'aménagement et d'urbanisme, libéralisent le
marché du foncier et élargissent le champ des acteurs. Au niveau
des communes, après chaque achat de terrain loti, l'acheteur paie une
mutation, et cette taxe revient à la commune. En plus lors d'un nouveau
lotissement, les propriétaires paient les frais de bornage à la
mairie. Pour les populations, la vente des terrains constituent un moyen
d'enrichissement, surtout s'il existe une plus-value. L'exemple de Diabir dans
la ville de Ziguinchor, avant l'implantation de l'université et
l'école des soeurs les terrains coutaient moins de 300.000 FCFA. Mais
aujourd'hui, en 2015, les prix vont jusqu'à atteindre les quatre voire
cinq millions surtout les lieux, les plus proches de l'université. C'est
pourquoi, beaucoup investissent dans l'achat et la revente des terrains, comme
le dit l'adage peul « la terre ne demande ni à boire, ni à
manger », donc l'investissement sur la terre ne sera que
bénéfique.
? L'enjeu Social :
Selon les traditions négro-africaines, la terre n'est
pas assimilable à un simple objet. Les sociétés
traditionnelles lui confèrent un caractère sacré. La prise
de possession de la terre donne un droit d'usage qui est attribué par le
maitre des terres, le Lamane qui le descendant du premier occupant. Le Lamane
perçoit un droit d'installation versé en nature par le
bénéficiaire. Mais, dans la pratique au bout de deux ou trois
génération, la tenure reçue se
59 Pare Lacinan, 2001 : Les droits délégués
dans l'aire cotonnière du Burkina Faso,
GRET/IIED, 85 pages.
53
transforme en propriété de fait
définitive. Toujours dans ces sociétés, l'accès
à la terre se fait en fonction des classes sociales. S'entendre sur les
enjeux, c'est en définitive inciter chaque acteur à accepter les
enjeux portés par le problème de la transparence de la gestion
foncière.
B) Les conflits fonciers
? Les conflits intercommunaux :
La croissance urbaine actuelle dans toutes les villes du pays
rend la question de la gestion foncière complexe, dans ces espaces. Il
n'y a pas de semaine sans que les organes de presse ne se fassent l'écho
de dysfonctionnements graves dans le système de gestion des terres. La
gestion du foncier apparait comme déconnectée de la gestion du
développement spatial et de l'aménagement des
collectivités. En effet, la terre est vue comme une ressource
intégrée dans les champs marchands et politiciens, alors qu'elle
est le support des possibilités de croissance durable
des communautés. Et comme nous le constatons que le problème
foncier est en partie à l'origine du conflit Casamançais.
Encadré1 : Entretien avec Séckou Sadio des services
techniques de la mairie de Ziguinchor
Pour pallier le manque d'espace dans la commune de Ziguinchor,
les autorités municipales, de concert avec les services
déconcentrés (cadastre, Domaines, Urbanisme) sont en train
d'envisager de nouvelles extensions communales sur un rayon de 7 km, en
négociant avec les communes rurales de Boutoupa Camaracounda et Enampor,
pour l'intégration des villages de DJibélor, Boutoute, Mpack,
ainsi que Kantène dans le périmètre communal et de
Niaguis. Car la ville ne dispose plus de réserves foncières. En
plus, une pluie tombe, le centre-ville Escale, Santhiaba, Belfort, Goumel et
Diéfaye sont débordés par les inondations. Un plan
Directeur d'Urbanisme, n'ayant été pas réhabilité
par manque de moyens financiers bloque ce projet. Quant à la gestion des
litiges fonciers, une commission a été mise en place, qui se
réunit tous les vendredis, pour essayer de régler ces
différends. Selon lui toujours, l'extension spatiale de la commune n'est
plus possible que, vers le sud-ouest, sud-est, et sud. Du fait des contraintes
naturelles du nord, causées par le fleuve Casamance. Par ailleurs, les
litiges fonciers sont fréquents surtout dans les quartiers de Coboda et
Kandialang
54
Les contradictions entre normes locales, elles-mêmes
plurielles et évolutives, et normes publiques, complexes, peu ou mal
connues, contradictoires (entre textes sectoriels, entre cadre légal et
politique officieuse, etc.) offrent des opportunités pour des
revendications opportunistes, s'appuyant sur un tel ou tel registre
argumentaire, sur telle ou telle autorité dont on peut obtenir l'appui.
Vers les villages comme les mandina, des terres ancestrales sont
convoitées par les populations urbaines de Ziguinchor, situées
à quelques kilomètres au sud de la commune. Par
conséquent, la course pour l'accès au foncier est rude dans cette
partie de la commune. Ces villages situés juste à quelques
mètres de la commune sont convoités par les autorités de
la commune de Ziguinchor, car le périmètre communal est fini.
Donc, pour trouver plus d'espaces, les autorités veulent intégrer
ces villages dans leur espace communal. Mais l'enjeu est énorme car les
autorités des autres communes ne veulent pas accepter cette proposition,
qui résulterait à réduire leur espace.
Carte 7 : Les localités de litiges
fonciers dans la commune de Ziguinchor.
55
Car si ces zones sont loties, et attribuées à la
population de Ziguinchor, non seulement, le nombre d'habitant augmente pour la
ville de Ziguinchor, par contre dans les autres communes, leurs populations
diminueraient. L'enjeu économique, est sans doute crucial, étant
donné que ces communes perdront les taxes et les frais de bornage.
? Conflits entre les populations
Toute l'histoire de la Casamance montre, combien ses
habitants, et peut être plus encore les Diola, sont attachés
à l'autogestion de leur terre et violemment opposés à
toutes suggestion concernant son attribution ou son utilisation. Dans la
commune de Ziguinchor, les litiges fonciers sont fréquents, mais dans
les quartiers comme Coboda et Kandialang
Carte 8 : Les localités de litige foncier
dans la commune de Ziguinchor
D'après les témoignages d'un habitant du
quartier de Kandialang « après le lotissement du quartier, le maire
a pris 40% pour recaser les déguerpis des boulevards, et selon lui le
maire a mal agit, car il n'a pas suivi la voie légale. Ce qui est
à l'origine des ruées
56
des nordistes, dans ces parties de la ville, en confisquant
les terres d'autrui, résultant à une frustration de la population
autochtone, moi-même, j'ai été victime de ces faits
»60.
Graphique 6 : Les causes de litiges fonciers
dans la commune de Ziguinchor
35,33
Expropriation Copropriétaire Fiabilité Anarchie
Autres
8
10
7,33
39,3
source : enquête de terrain Assane DIALLO
Septembre 2015
Dans la commune de Ziguinchor, 39,3% des litiges fonciers sont
dus à la vente à plusieurs acheteurs une même parcelle,
résultant à une copropriété difficilement
gérée par les autorités de la gestion
urbaine61. Pour pallier ce phénomène récurrent,
les autorités de la ville de Ziguinchor ont mis en place une commission
chargée de régler ces problèmes fonciers
dénommée : gestion de litiges fonciers qui se réunit tous
les vendredis pour examiner les dossiers. L'avancée très rapide
de l'urbanisation exige des moyens de maitrise de gestion foncière, des
situations très complexes afin de trouver des solutions adéquates
aux problèmes que vivent nos villes et surtout d'éviter les
dysfonctionnements. L'importance du foncier s'explique aussi par le fait que le
sol est un bien rare dans un contexte urbain de Ziguinchor, étant
donné qu'il figure parmi les éléments constitutifs de
l'espace conséquence, son
60 Source : Enquête de terrain, Assane Diallo, Septembre
2015 : témoignage d'un habitant du quartier de Kandialang.
61 Source : enquete de terrain, Assane Diallo, Septembre 2015.
57
accession devient difficile dans une ville où, il n'existe
quasiment plus de réserves foncières, cela résulte.
Photo 1 : Trois plaques dans une même
parcelle.
Source : Enquête de terrain, Assane Diallo Septembre,
2015.
Cette photo illustre la récurrence des conflits
fonciers dans la commune, car cette parcelle appartient à trois
personnes différentes, et chacune a implanté sa plaque pour
preuve, que, celle-ci l'appartient. La corruptibilité des
autorités, la méconnaissance, par les agents de l'Etat des
réalités foncières locales, l'absence de continuité
des arbitrages rendus, accroissent la relative confusion du jeu foncier.
Toujours d'après un habitant du quartier, un de ses voisins est en
prison car « il avait vendu le terrain à plusieurs personnes
différentes, ce qui lui a valu d'être incarcéré
»62, c'est-à-dire la vente multiple d'une même
parcelle. En plus, 35,33%, des
62 Source : Témoignage d'un habitant du quartier de
Kandialang.
58
litiges sont liés à d'autres problèmes
par exemple des problèmes familiaux après la mort du chef de
famille, les héritiers se rivalisent pour le contrôle de la
maison, et par conséquent les récalcitrants n'hésiteront
pas à voler les papiers de la maison et revendre cette dernière.
L'expropriation, la fiabilité des documents et l'occupation anarchique :
7,33%, 10% et 8% sont aussi remarquables, car lors des transactions
foncières beaucoup ne suivent pas les procédures normales et
légales, ce qui est l'origine de ce pourcentage élevé de
faux documents63. Dans la commune beaucoup de logements ont
précédé le lotissement surtout dans les quartiers
périphériques, assimilés à un monde rural. Lors de
la recrudescence des combats, les populations ont fui leurs habitations pour
plus de sécurité, s'installer dans la commune de Ziguinchor.
Graphique 7 : Le problème de litige
foncier.
53,30%
Oui Non
46,70%
Ce graphique monte un réel problème foncier dans
la ville de Ziguinchor, car d'après notre enquête 47,70% des
personnes interrogées ont assisté à un litige foncier
entre les populations de la commune et 53,30% affirment ne pas assister
à ce problème
63 Source : enquête de terrain, Assane Diallo, Septembre
2015.
59
II Les acteurs de la gestion foncière
? L'Etat
Dans la gestion foncière, nous ne pouvons pas
écarter l'administration centrale qu'est l'Etat. En effet, le sol
Sénégalais est divisé en trois ensembles domaniaux
(Joël turbe schawachtger, 2008)64. Le domaine de l'Etat, qui ne
représente que 3% du sol, est divisé en public et privé.
Le domaine des particuliers, qui regroupe 2%, il s'agit de la
propriété privée soumise au régime de
l'immatriculation. Le domaine national qui représente la plus grande
partie, environ 95%, du sol est régi par la loi du 17 juin 1964,
précisant que l'Etat n'est propriétaire mais le détient
pour le compte de tous. En effet, le domaine national : sa création
marque un tournant crucial dans l'évolution du système domanial
et foncier, étant donné qu'elle ait parvenu à donner un
régime juridique à toutes les terres sans statut écrit
ainsi que, celles où s'exercent les droits coutumiers. Le domaine
national du Sénégal est défini comme « constituent le
domaine national toutes les terres non classées dans le domaine public,
non immatriculées ou dont la propriété n'a pas
été transcrite à la conservation des hypothèques
à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Ne font
non plus parti du domaine national les terres qui à cette date, font
l'objet d'une procédure d'immatriculation au nom d'une personne autre
que l'Etat »65. L'article premier de la loi 64-46 du 17 juin
1964, concernant le domaine national, des dispositions transitoires à
une période de six mois à compter la date de la sortie du
décret d'application de la loi, ont été mises pour
permettre à certains occupants de ce dit domaine, ayant
réalisé une mise en valeur, de requérir à
l'immatriculation des terrains. Par conséquent, certaines populations
contournent la loi ou l'ignorent et font immatriculer avec la complicité
des agents de l'Etat. Cela est au dualisme, que souffre le système
foncier Sénégalais, entre droit moderne et droit traditionnel
(coutumier). Tandis que, si nous nous basions sur l'article 3 de la loi sur le
domaine national, seul l'Etat est habileté à immatriculer les
terres du domaine national à son nom et de les attribuer. Quant à
l'article 2 : les terres du domaine national sont simplement détenues
par l'Etat, la puissance publique n'en est pas le propriétaire. Par
conséquent, l'Etat est considéré comme « maitre des
terres »66 sur l'ensemble du territoire national relativement
au domaine national. Les terrains du domaine national sont subdivisés en
quatre zones :
64 Turbe Joél et Schawachtger, 2004.
65 Loi 64-46 du 17 Juin 1964 relative Domaine national.
66 Loi 64-46 du 17 Juin 1964 relative au Domaine national.
60
1-Les zones urbaines.
Les zones urbaines regroupent les terres du domaine national
situées au niveau du territoire communal ou d'un groupement d'urbanisme.
La vocation de ces zones, est de servir de réserves foncières
pour l'aménagement et le développement des centres urbains. Cette
catégorie peut concerner les terrains à bâtir et des
terrains à vocation agricole.
2- Les zones classées.
Elles sont constituées par les réserves
écologiques et foncières (forêts classées, parcs
nationaux et réserves naturelles).
3- Les zones de terroirs :
Les zones de terroirs correspondent aux terres qui sont
régulièrement exploitées par l'habitat rural, la culture
ou l'élevage.
4-Les zones pionnières :
Les zones pionnières sont destinées à
recevoir les programmes d'aménagement rural et de développement.
En somme, la mission de la gestion foncière est assurée au
premier rang par l'Etat, à travers les services
déconcentrés de l'Etat les domaines, du cadastre, mais
également les autorités administratives ou locales.
? Les collectivités locales :
La gestion foncière, ne peut pas être
assurée sans les collectivités locales, qui sont la pièce
maitresse dans ce domaine. Celle-ci fait partie, des neuf domaines de
compétences transférées aux collectivités locales,
ainsi que les domaines de l'urbanisme et de l'habitat. Dans ce domaine, la
décentralisation de la gestion foncière est définie comme
un instrument de transfert d'autorité et de responsabilité, ainsi
que des compétences du pouvoir central, aux collectivités
locales. C'est dans ce contexte que, les collectivités locales ont
reçu une délégation de l'Etat pour la gestion
foncière qui concerne directement les terrains des citoyens, pour une
gestion transparente et concertée, c'est dans ce sens que Soungalo
Ouattara, 2007 :la décentralisation exige une intégration ou une
participation de tous les citoyens à la gestion du pouvoir qui est un
corollaire de la démocratie, non pas pour alléger seulement
l'Etat, mais comme un droit citoyen dans une confiance réciproque qui
permet à
61
toutes les composantes sociales de contribuer à tenir
le cap de la bonne gouvernance »67. Cependant, en ce qui
concerne, la gestion foncière, cette démocratie manque vraiment,
car la complexité de cette gestion se situe au-dessus de la
démocratie. Le transfert de compétences, concerne quelques points
saillants comme, la gestion des domaines, l'article dix-sept montre que,
«les compétences transférées aux régions,
communes et communautés rurales en matière domaniale concernant
la gestion et l'utilisation du domaine privé de l'Etat, du domaine
public et du domaine national »68. En ce qui concerne le
domaine privé de l'Etat, ce dernier pourrait céder son domaine
aux collectivités locales ou nouer des conventions avec celles-ci. Pour
le domaine public, l'Etat, a également transféré la
gestion du domaine maritime et fluvial, aux régions pour des projets ou
opérations initiées par des personnes morales ou privées
excepté l'Etat. Quant au domaine national, leurs terres situées
dans les zones urbaines peuvent être immatriculées au nom de
l'Etat et affectées aux communes en cas de besoins, surtout pour servir
d'assiette foncière, à des équipements collectifs. Ces
terres immatriculées, servent d'assiette foncière à des
lotissements et restent propriété de l'Etat, même si la
commission d'attribution des parcelles est faite sous la houlette du maire.
Cette commission se compose du maire ; président, le receveur des
domaines ; en tant que rapporteur et secrétaire, le chef du service de
l'urbanisme, le chef des services techniques communaux, un conseiller municipal
et le délégué du ou des quartiers concernés.
Après la commission fait un procès-verbal, qui est soumis
à l'approbation du préfet. Le receveur des domaines
établit, également, après le procès-verbal
dûment approuvé, les actes d'affectation correspondante. Enfin,
les actes pour être validés, doivent être approuvés
par le gouverneur de la région. Si tel n'est pas le cas, le lotissent
n'est pas transparent ou erroné, causant des problèmes entre
propriétaire. Car, pour des intérêts personnels, certaines
collectivités locales ne respectent pas toute la procédure du
lotissement. Parfois, les autorités se sont progressivement
engagées dans les travers d'un « urbanisme d'opportunités
foncières », qui a eu pour résultat de multiples
dysfonctionnements constatés69. Le déficit de
formation, d'information et de capacités de gestion des élus,
l'insuffisance de ressources humaines de qualité. C'est pourquoi suite
aux compétences transférées, les communes ont vu leurs
besoins en ressources humaines de
67 Ouattara Soungalo, 2007.
68 Code des collectivités locales, 1996.
69 Hesseling Gerti, Smit Sypkens : Le droit foncier au
Sénégal : l'impact de la réforme foncière en basse
Casamance : rapport de recherche, ASC African studies centre Leiden/the
Netherlands, 150 pages.
62
qualité augmentés. En effet, ces pratiques ont
été les principales causes de la rareté de terrain,
aggravée par la complexité des statuts fonciers et la
dualité des régimes juridiques qui les régissent. Ceci a
été la porte ouverte à toutes les dérives El malti,
2005/2. Afin d'éviter des errements et dérives, l'Etat a
été très prudent dans le transfert de certaines
compétences, en adoptant la démarche de cogestion. En effet, pour
la clientèle politique, certains responsables locaux procèdent
à la distribution massive de parcelles issues de lotissement de terrains
de l'Etat, parfois combinée par une très grande
méconnaissance des textes et règles d'urbanisme par la
réalisation de lotissements non approuvés. Cependant, les
communes n'ayant pas de compétences en matière de gestion du
domaine national, malgré tout, certaines municipalités, font des
lotissements des terrains non immatriculés, tout tant, affectant des
parcelles, résultant à une utilisation abusive, ayant pour
conséquences une inflation des prix des terrains, voire une
problématique d'accès pour les couches à plus faible
revenu à des parcelles viabilisées. Dans la commune de
Ziguinchor, beaucoup de quartiers ne sont pas viabilisés, les voies non
plus ne sont pas ouvertes comme les quartiers : Kandialang, Diéfaye,
Néma 2, Coboda, et Kandialang ouest. Mais le quartier de Néma 2
cause énormes problèmes à la municipalité
Ziguinchoroise. Conséquence de cette maladresse de gestion
foncière, surtout le manque de plan directeur d'urbanisme, qui n'est
plus fonctionnel depuis longtemps accentue la création de quartiers
spontanés, ainsi que, certaines populations n'ont d'autre recours que de
s'installer dans les zones non aedificandi par le plan de 1983. Alors que, le
rôle des plans directeurs d'urbanismes c'est de fixer les orientations
générales et d'indiquer les éléments essentiels de
l'aménagement urbain, dans le cadre du plan national
d'aménagement du territoire (art 17). Cela concerne 41 ha du quartier de
Néma 2, une partie du quartier est classée en zone non
aedificandi par le PDU de 1984, car située dans le cône d'envoi
délimité par l'ASECNA, à l'est de l'aéroport. Ces
implantations ont été tolérées au milieu des
années 1980, suite à l'afflux massif de migrants à la
quête de sécurité. Au total 361 ha devraient être
révisés, pour éradiquer l'habitat spontané.
63
Image satellite 1 : Quartier de Néma 2
à Ziguinchor.
? Les populations :
Elles sont incontournables dans la gestion foncière
dans toutes les villes Sénégalaises, généralement
et particulièrement dans celle de Ziguinchor. Selon la tradition
négro-africaine, la terre est considérée comme quelque
chose de sacré. Avant le code civil introduit par les Français en
Afrique occidentale Française, la gestion des terres et sa
répartition étaient assurées par le Lamane
c'est-à-dire le maître des terres. Après, l'accession du
Sénégal à la magistrature suprême, plus
particulièrement avec l'introduction de la loi 64-46, nous assistons
à une suppression des droits coutumiers. Alors qu'en
réalité cette abrogation n'a pas réellement affecté
les propriétaires traditionnels.
Les problèmes fonciers qui sont devenus, aujourd'hui si
préoccupants prennent leurs racines dans l'anachronisme entre trois
éléments : les régimes fonciers en pratique, les
instruments de gestion des patrimoines concernés et les hommes
chargés de mettre en oeuvre ces instruments. Cela résulte
à des litiges fonciers nombreux entre populations ou entre la commune et
les populations. L'autre problème pour les populations, beaucoup d'entre
eux ne connaissent pas leur mission.
64
Chapitre II : Gestion foncière et mutation
urbaine dans la commune de Ziguinchor.
I Les mécanismes de la production
foncière
1 Acheteurs de terrains à bâtir
L'augmentation du bâti a été
particulièrement spectaculaire à Ziguinchor depuis
l'indépendance à nos jours, combine la densification du
bâti dans les zones agricoles et les bâtis construits sur de
nouvelles zones urbaines. La ville de Ziguinchor est toujours envahie par les
populations envie de changer leur cadre de vie, ou qui y arrivent pour un
service (Fonctionnaires, déplacés forcés, jeunes issus du
monde rural etc.). En effet, une fois leur implantation dans la commune, ils
essaient de se payer une maison. 31,1% des terrains achetés par les
particuliers, c'est-à-dire (ouvriers, agriculteurs, ceux exerçant
les petits métiers etc.), les fonctionnaires et les commerçants,
24% et 15,3% qui se trouvent surtout dans les quartiers Goumel, Diéfaye,
des HLM Boudody et Néma, cité Biagui II, en plus dans les
quartiers comme Diabir, Castor et aux alentours de l'université Asseck
Seck70. La ruée vers ces quartiers est due à leurs
infrastructures, beaucoup de commerçants, fonctionnaires et
émigrés achètent des terrains pour l'habitation et
location en même temps ou tout simplement pour la location, parce que la
demande a augmenté de manière spectaculaire. La majeure partie
des personnes interrogées, d'une part, viennent du centre-ville de
Ziguinchor, où ils louaient des maisons, d'autre part les conditions
difficiles (inondation, ordures ménagères, promiscuité)
étaient à l'origine de leur départ vers la
périphérie sud, considérée comme le futur
pôle urbain de Ziguinchor. Les émigrés et les
réfugiés représentent respectivement, 19,3% et 5,3%, les
émigrés construisent de belles maisons de type moderne symbole de
la réussite sociale dans cette région du Sénégal,
soit pour leur famille soit pour la location, tout en sachant que la location
est très rentable, dans la commune de Ziguinchor71.
70 Enquête de terrain, Assane Diallo, Septembre, 2015.
71 Source : Enquête de terran Assane Diallo, Septemtre,
2015.
65
Graphique 8 : La répartition des
acheteurs de terrain.
Particuliers Fonctionnaires Emigrés Commerçants
Réfugiés Mandjack Riverains
19,3
15,3
5,3
4
0,7
24
31,1
Source : Enquête de terrain Assane DIALLO Septembre
2015
2 Les formalités administratives.
« L'acheteur établit un acte de vente avec le
vendeur, qu'il va légaliser au niveau de la mairie en présence de
deux témoins plus la photocopie de leur carte d'identité
nationale. Il envoie l'acte de vente et le quitus de paiement des frais de
bornage au niveau des services des impôts et domaines pour faire la
mutation de la terre de la marche en son nom en s'acquittant des frais de
mutation » Alors que, d'autres refusent catégoriquement se suivre
cette procédure pour payer de l'argent à la mairie. Selon
l'article 2 : du code de l'urbanisme précise que «
l'élaboration et l'exécution de la politique de l'urbanisme
comportent la consultation des conseils ou de commissions où sont
représentés les populations et collectivités locales
intéressées, ainsi que les organismes socio-économiques,
dans les conditions définies par la partie réglementaire du
présent code ». En effet, ces dispositions rendent en principe
impossible les opérations et transactions sur le foncier qui ne sont pas
intégrés dans une vision cohérente et participative des
sols dans une communauté.
66
II) Services sociaux de base et formation de la valeur
vénale des parcelles.
a) Les services sociaux de base :
Actuellement, la régularisation foncière, les
infrastructures et équipements collectifs en cours de réalisation
quasiment, dans tous les quartiers périphériques (routes,
université, hôpital, collège, électrification etc.)
semblent doper les opérations d'installation des populations à la
périphérie. C'est dans ce contexte, que nous partageons le point
de vue Chaléard J-L et Charvet J-P., 200472 : la
périphérie présente aujourd'hui beaucoup d'atouts pour
être attractive : possibilité de logements moins chers et plus
spatiaux, l'habitat individuel avec possibilité de s'aménager un
petit jardin...suivant le modèle Européen. En effet, plusieurs
facteurs expliquent la mutation urbaine rapide de la périphérie :
prix du foncier, taille des parcelles, renchérissement du coût de
la vie, « la présence de l'Etat, la municipalité, des
populations, ne fait que renforcer les mutations urbaines dans la commune de
Ziguinchor »73. Le foncier est un élément rare,
cher et non renouvelable, ou on peut dire c'est l'un des grands piliers
fondateurs de toute stratégie d'habitat, c'est pour ça qu'ils
nécessitent une remise en ordre profonde de sa gestion, de son
utilisation et de son organisation pour l'économiser. Nous pouvons citer
encore la disponibilité d'une desserte en infrastructure à la
périphérie, la disponibilité de réserve
foncière propice à des extensions, la mise en place de la ZAC a
enclenché une dynamique comme l'occupation d'anciennes zones de cultures
au profit de l'habitat. Les opérations de lotissement de la plupart des
quartiers périphériques, ont ouvert la voie aux habitants
désireux de construire ainsi que ceux venus du monde rural et ayant fui
le conflit Casamançais. Dans ce sens la municipalité a
procédé à la mise en place des infrastructures et
équipements sociaux. Dans la mutation urbaine, la municipalité a
toujours accompagné ces processus. Elle a intégré Diabir,
Kandialang, Kénya dans la commune, et depuis lors ces villages ont
changé de visage, de même que leur statut a changé.
72 Chaléard J-L et Charvet J-P, 2004.
73 Sy (Oumar) et Sakho (Papa) : « Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal »,
24 pages.
67
Image satellite 2 : Quartier de Diabir en 2004
et en 2013
La situation est d'autant plus grave qu'avec le lotissement en
2005 de ce qui restait de Kandialang, « la taille des parcelles est
passée de 300m2 à 200m2, menaçant
ainsi la survie
68
des vergers et de beaucoup d'autres d'arbres fruitiers
»74. Ces extensions ont occasionné des recompositions
spatiales importantes avec une reconversion totale de toutes les zones de
cultures en zones d'habitat, constituant ainsi les atouts privilégiant
la mutation urbaine de la ville de Ziguinchor.
L'autre facteur à l'origine des mutations urbaines vers
la périphérie, est la mise en place des infrastructures
éducatives, comme l'université Assane Seck de Ziguinchor,
l'établissement de l'orphelinat, le collège et l'école
élémentaire l'Agence des Musulmans d'Afrique (AMA), a
contribué à renforcer la présence des populations dans la
périphérie. En effet, depuis lors, la spéculation
foncière est généralement l'oeuvre de grands
commerçants, des fonctionnaires avec un revenu un peu plus
élevé ainsi que les ressortissants Bissau Guinéens. Ainsi,
dans les lotissements situés en face de l'université, il est
prévu 2.039 parcelles de 300m2, trois réserves
administratives, deux centres sociaux, deux écoles primaires, un
collège, une école arabe, un terrain de jeune, une Eglise, deux
Mosquées, un dispensaire, un marché, onze espaces verts et un
verger75. Toutes, ces opérations urbaines montrent le facteur
déterminant dans le processus d'installation de la population dans ces
parties dans la ville. Selon les travaux de Sakho P., et à Ziguinchor on
dénombre vingt-quatre coopérations d'habitat parmi lesquelles,
celles des émigrés ressortissants de la Casamance en Europe et
celles des agents de l'administration (SOFORAL). C'est à partir de 1981
que la construction sociale a connu un regain de faveur, grâce à
la réorganisation du système de financement. « Avec
l'instauration d'un crédit-relais fourni par la BHS, a élargi la
promotion immobilière un nombre accru d'intervenants privés, et
crée au profit des organismes logeurs publics des conditions de
financement plus favorables à la relance de leurs programmes de
construction »76.
74 Arfang Fodé Keita : La mutation des terres agricoles
autour de Ziguinchor, mémoire de master 2 : Aménagement du
Territoire, Décentralisation et Développement Local (ATDDL), 96
pages.
75 Sy (Oumar) et Sakho (Papa) : « Dynamiques des paysages
périurbains de la ville de Ziguinchor au Sénégal »,
24 pages.
76 Les interventions de la BHS entre 1981 et 1987 ont permis
la construction de 5542 logements et la mise à disposition de 1847
parcelles.
Image satellite 3 : Quartier de Diabir en 2004
et en 2015.
69
70
Photo 2 : Immeuble locatif sur la route de
l'université et campus social des soeurs Franciscaines.
Source : Enquête de terrain Assane Diallo, Septembre
2015.
Ceci montre, l'importance qu'exercent ces coopérations
dans le domaine de l'immobilier. Depuis quelques années, le
développement des moyens de transport ont accentué le
déplacement des citadins de Ziguinchor. Avec l'avènement des
motos-taxis, des minibus tata, a permis une accessibilité facile de tous
les quartiers depuis le centre-ville jusqu'au plus lointain quartier à
un tarif exceptionnel qui est de cent franc CFA.
Le déplacement devenu plus facile et plus satisfaisant,
les populations ont désormais eu le courage d'habiter dans à la
périphérie. C'est dans ce sens que « les constructions
modernes de type en dur sont érigées : le développement de
modèles architecturaux de type occidental qui se substituent ceux
locaux. A Ziguinchor la construction d'une belle maison est
considérée comme une réussite sociale. L'autre facteur
déterminant, c'est la régularisation et la sécurisation du
foncier par le lotissement, ceci a dopé les populations à
s'orienter vers la périphérie. Dans ce cadre, d'autres grands
projets d'urbanisation de l'Etat sont prévus dans l'axe sud,
particulièrement à Kantène un village de la commune rurale
de Niaguis. Il s'agit des parcelles assainies se Ziguinchor de deux-cent
parcelles et les zones d'aménagement concerté de trois-cent
parcelles menées par le ministre de l'urbanisme à Ziguinchor.
L'arrivée massive de population, soutenue par la croissance
démographique très élevée, ont
déclenché des mutations urbaines considérable à la
périphérie de Ziguinchor. En définitive, les
différents acteurs à savoire la population locale, les secteurs
privés, les réfugiés de la guerre, ceux qui ont fui les
conditions difficile des campagnes ainsi
71
que la municipalité et l'Etat, ont chacun contribué
aux mutations urbaines en cours à Ziguinchor.
Photo 3 : Immeuble moderne au quartier de
Diabir
Source : enquête de terrain, septembre, 2015.
b) Formation de la valeur vénale.
Dans la commune de Ziguinchor, les terrains sont chers selon
l'analyse de beaucoup de citadins Ziguinchorois, surtout avec la viabilisation
des parcelles dans la plupart des quartiers. Mais le problème majeur,
certains quartiers viabilisés, il reste beaucoup de chose à faire
: la mise en place des réseaux d'eau, électrique, etc. « Les
terrains sont chers parce qu'ils sont rares et tout ce qui est rare est cher
»77. Autrement dit, si vous seriez passés, il y a
seulement dix à quinze années, vous auriez trouvé beaucoup
de terrains à acheter, mais aujourd'hui, il n'y en a quasiment plus,
surtout dans le centre-ville. C'est dans ce contexte,
77 Rapport du CNES/conseil économique et social novembre
1998, institut/avant-projet sur la ville ou le devenir urbain du pays.
72
que la ville de Ziguinchor a prévu d'élargir son
périmètre communal en procédant à de nombreux
lotissements ou de restructuration des quartiers pour combler le vide. Car
l'entrée foncière articule deux phénomènes de la
même question : la production foncière et la consommation
foncière. Toutes peuvent être définies comme la
transformation de terres agricoles ou non bâties en terrains à
urbaniser.
Tableau 2 : Valeur vénale par quartier
dans la commune de Ziguinchor.
Quartiers
|
Prix en millions
|
Causes d'augmentation de la valeur vénale des
terrains
|
Santhiaba
|
20 à 30
|
Centre-ville, coeur de Ziguinchor, il n'y a plus d'espaces.
|
Boucotte
|
13 à 14
|
Proche du centre-ville, rareté des terrains nus,
infrastructures commerciales comme le grand marché de
Boucotte Nord, c'est un ancien quartier loti et viabilisé en 1926.
|
Castor
|
7 à 10
|
C'est une cité appelée « baguette magique
» à cause de sa
position géographique, qui se situe entre
l'aéroport, l'université, par conséquent elle est
convoitée par les grands patrons, en plus l'avenir de la ville de
Ziguinchor tend vers cette partie sud de la ville.
|
Diabir
|
2 à 7
|
Aux alentours de l'université les terrains coutent 4
à 7 millions, au fur et à mesure de l'éloignement de la
route, en allant au fond les terrains coutent de 1.5 à 2.5 million,
il y a d'énorme réserves foncières, en
plus des infrastructures éducatives comme : l'université,
AMA,
l'école de l'agriculture, un institut scientifique.
En définitive, c'est le futur pôle urbain de Ziguinchor.
|
Kénya
|
3 à 5
|
Proximité de l'université, le complexe Turc
YAVUZ SELIM, AMA le camp sapeur et le retour du climat de
|
73
|
|
paix depuis 2009.
|
Goumel
|
6 à 8
|
Cité lotie et viabilisée par l'agence
immobilière en collaboration avec la BHS, proche du centre-ville,
habitée par la plupart des fonctionnaires et émigrés.
|
Lyndiane
|
2 à 4
|
Agriculture périurbaine, car il y a beaucoup de
riziculteurs dans cette partie de la ville.
|
Néma
|
10 à 12
|
Proximité du Centre-ville, anciens quartier loti et
bien aménagé.
|
Colobane
|
3 à 5
|
Rareté de terrains nus, pas loin du centre-ville.
|
Djiboc, Alwar
|
2 à 5
|
L'implantation du lycée Oumar Lamine Badji, zone plane
pas d'inondation, il y a la stabilité.
|
Coboda
|
2 à 4
|
Forte demande, la viabilisation des parcelles
nouvellement loties depuis 2005, l'agriculture
périurbaine pratiquée dans ces zones.
|
Kandé (Alassane et Sibink)
|
4 à 5
|
Des services sociaux de base, il y a la route nationale par
conséquent l'accès au centre-ville est facile,
des campements touristiques y sont nombreux, le lycée de oumar Lamine
Badji est proche.
|
Tilène
|
8 à 10
|
Position géographique, proche du boulevard 54 menant
à Bissau, zone plane y a d'inondation, stabilité.
|
Belfort
|
5 à 7
|
Proximité du centre-ville, ancien quartier, y a plus
d'espace tout est plein.
|
Kandialang
|
2 à 5
|
Selon la position du terrain à Kandialang, la forte
demande influence les prix, ce qui résulte
d'une augmentation depuis la recrudescence des violences en Casamance vers
les années 90, car la majeure partie des habitants ont fui le
conflit.
|
Sources : Enquête de terrain, Assane
Diallo, Septembre 2015.
74
Les prix des terrains au m2 varient
considérablement d'un quartier à l'autre, depuis les cessions
gratuites jusqu'à 100 FCFA, voire 200 FCFA hors escale. Aujourd'hui, les
terrains se vendent plus chers dans certains quartiers (anciens quartiers, et
dans les cités comme Goumel et Castor), et que les cessions gratuites,
les héritages ou les ventes à très bon marché
deviennent fréquents dans la périphérie. Suite à
l'augmentation rapide de la population, la surface occupée pour habitant
va de 15m2 à 600m2, avec une moyenne de
83m2. Cette surface pour un habitant, relativement
élevée tend à diminuer, vu l'augmentation du nombre de
personnes, consécutives à l'immigration, et plus tard le conflit
Casamançais ayant un nombre important de déplacés depuis
trois décennies. Dans un contexte de mutation urbaine dans la ville de
Ziguinchor : comment organiser l'observation des prix et expliquer leurs
mouvements ? « C'est à la différence de ces prix ou le site
et des lots à vendre, qu'est née cette mutation urbaine à
Ziguinchor, du fait que, les plus démunis n'ayant pas les moyens
financiers nécessaires de se payer une parcelle viabilisée et
bien aménagée, vont s'installer à la
périphérie, là où les terrains sont plus à
leurs portée »78. L'augmentation fulgurante de la
population résulte de ce que nous appelons explosion urbaine « qui
a produit des formes d'occupation de l'espace et de construction qui
altère l'image de la ville et l'équilibre social, outre la
prolifération d'habitat spontané, les règles de
l'urbanisme et de la construction sont transgressées
»79. Les inondations et l'accessibilité posent un grand
problème à la ville de Ziguinchor. Depuis le retour des
conditions pluviométriques normales la plupart des quartiers de
Ziguinchor sont confrontés à d'énormes problèmes
aigus.
Le manque d'assainissement est visible partout dans les
quartiers comme Escale, Goumel, Diéfaye, Santhiaba, Coboba et Belfort,
posant un grand problème d'accessibilité surtout pendant la
saison des pluies. Quant à la sécurité, son manque est
remarquable à la périphérie surtout à Kandé.
La croissance spatiale allonge considérablement les distances et aggrave
les inégalités en infrastructures. En effet, cela résulte
à une crise urbaine qui se lit à travers le déficit de la
collecte et l'évacuation des ordures ménagères. Par
conséquent les plus aisés s'orientent vers les quartiers
périphériques, dans des zones planes, contribuant à une
mutation remarquable.
78 Témoignage d'un habitant de Ziguinchor lors
de mes enquêtes de terrain, Septembre 2015.
79 Rapport du CNES (Conseil Economique et Social), Novembre 1998,
intitulé : Avant-projet sur la ville ou le devenir urbain du pays
(Sénégal)
75
Photo 4 : Inondation au quartier de Goumel.
Source : Enquête de terrain, Septembre 2015.
76
Conclusion générale
D'abord, comptoir fortifié pour la traite des esclaves
en ce lieu, le bourg devient un lieu de regroupement et d'expédition des
produits collectés dans les villages de la région. La traite de
la gomme en fait un centre commercial Français, mais avec le commerce de
l'arachide l'enclave Française va devenir une ville qui ne cesse de
grandir. L'un des résultats majeurs de cette urbanisation est une
reconversion de tous les espaces de cultures en zones d'habitats et
d'infrastructures. L'analyse théorique usitée à
définir un cadre conceptuel d'analyse du phénomène de la
gestion foncière dans ses rapports à la problématique des
mutations urbaines dans la commune de Ziguinchor. En effet, depuis les
années 1980, les paysages de la périphérie de Ziguinchor,
connaissent des mutations qui se sont accélérées au cours
de ces 15 dernières années, du fait de la saturation de l'espace
urbain, de l'accroissement de la rente foncière en zones
périurbaine. Suite à un manque d'espace dans la commune de
Ziguinchor, l'approche consiste à prévoir les orientations
stratégiques d'aménagement du territoire intercommunal :
- Par l'attractivité des communes limitrophes par une
offre importante en termes de services d'équipements et d'habitat,
- Par un développement global, intégré,
équilibré et permettant la complémentarité
socio-économique entre les différentes communes.
D'ailleurs, l'intégration des villages comme
Kantène, Mandina, Djibélor, Baraf et Bouroufaye dans le
périmètre urbain de Ziguinchor permettra à la ville : de
résoudre ses problèmes de centralité dus au manque de
réserves et de gérer ses activités selon une forme urbaine
voulue et non imposée.
La tendance récente par le renforcement de la fonction
universitaire, le développement des moyens de transport, la crise
politico-armée, ainsi que celle climatique ont plaidé en faveur
de la mutation urbaine. Tandis que l'agglomération de Ziguinchor, avec
ses réserves foncières épuisées et ses
infrastructures de base ne permet plus la satisfaction de la demande du foncier
urbain pour l'habitat, ainsi que d'autres activités. Ziguinchor en tant
que pôle principal de la Casamance, ses réserves foncières
pourraient totalement s'épuiser d'ici le long terme, quelle sera
l'alternative dans le temps et dans l'espace ? Les besoins en termes de foncier
sont plus importants que le portefeuille foncier qu'offre le plan de
développement urbain.
77
BIBLIOGRAPHIE
ANSD : Situation économique et sociale du
Sénégal en 2011, version définitive février
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81
Table des Matières
Avant-propos 1
Liste des tableaux 4
Liste des cartes 4
Liste des graphiques 4
Liste des photos 4
Liste des encadrés 4
Liste des images satellites 4
Introduction Générale 5
Problématique 8
Contexte 11
Justification 13
Revue documentaire 14
Définition des concepts 19
Foncier 19
Gestion 20
La propriété foncière 20
Mutation urbaine 21
Question de recherche 22
Objectif 22
Hypothèse 23
Méthodologie 23
L'enquête quantitative 23
L'enquête qualitative 24
Traitement et analyse des données 24
Première partie : Présentation
générale de la zone d'étude 25
Chapitre I : Présentation de la ville de Ziguinchor
26
I Situation de la ville de Ziguinchor 26
82
1 Situation géographique 26
2 Situation administrative 27
II Aperçu de la situation économique 27
Chapitre II : Présentation des différents
groupes ethniques 29
I Les autochtones et expansionnistes venus de l'est et du nord
29
Les Bainouk 29
Les Diola 29
Les manding 29
Les Wolof 30
II Les minorités ethniques et les populations venues de
la Guinée Bissau 30
Les minorités ethniques 31
Les Sérers Niominka 31
Les Toucouleurs 31
Les Peul 31
Les Européens 32
Deuxième partie : Ziguinchor une ville en
pleine expansion 34
Chapitre I : La formation des quartiers de la commune de
Ziguinchor 35
I La structuration des quartiers 35
II La structuration des autres quartiers après
l'indépendance 36
Chapitre II : Une dynamique urbaine incontournable 38
I Les différentes phases de la mutation urbaine de
Ziguinchor : de l'époque
coloniale aux années 1980 38
De l'époque coloniale à 1960 38
De 1961 à 1980 40
II Les différentes phases de la mutation urbaine de
Ziguinchor de 1980 à nos
jours 44
De 1981 à 2000 44
De 2001 à nos jours 47
83
Troisième partie : Gestion foncière et
mutation urbaine de la ville de
Ziguinchor 51
Chapitre I : Gestion et litige fonciers de la ville de
Ziguinchor 52
I Les enjeux et conflits fonciers 52
A Les enjeux fonciers 52
Les enjeux économiques 52
L'enjeu Social 52
B Les conflits fonciers 53
Les conflits intercommunaux 53
Les conflits entre les populations de la commune de Ziguinchor
55
II Les acteurs de la gestion foncière 59
L'Etat 59
Les Collectivités locales 60
Les populations 63
Chapitre II Gestion foncière et mutation urbaine dans
la ville de Ziguinchor 64
I Les mécanismes de la production foncière 64
1 Les acheteurs de terrain à bâtir 64
2 Les formalités administratives 65
II Services sociaux de base et formation de la valeur
vénale des parcelles 66
a) Les services sociaux de base 66
b) Formation de la valeur vénale 71
Conclusion Générale 76
Bibliographie 77
Table des matières 81
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