2-Problématique
Depuis l'indépendance, la commercialisation des
produits d'exportation a toujours été au centre des politiques de
développement économique et social de tous les gouvernants. Cela
s'est traduit par la mise en place des structures telles que la CAISTAB pour le
café et le cacao aujourd'hui devenue le Conseil des Sages du café
et du cacao et l'ARECA pour la noix de cajou devenue le Conseil
Supérieur du Coton et de l'Anacarde.
Les mesures prises dans ces filières agricoles visent
à consolider la libéralisation de celles-ci et à
poursuivre la mise en place d'un nouveau cadre institutionnel rencontrant
l'adhésion des acteurs de ces filières. De nouvelles institutions
responsables de la gestion des secteurs dans un environnement
libéralisé ont été créées. Ces
structures sont mises en place pour accompagner la libéralisation et
améliorer le revenu payé aux planteurs en tenant compte des
fluctuations du marché.
Cependant, les efforts entrepris ont été
contrariés par les différentes
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crises économiques qui se sont succédées.
Ces crises ont conduit à la détérioration des conditions
de vie des populations, malgré l'adoption et la mise en oeuvre des
différents programmes économiques et financiers sur la
période.
En Côte d'Ivoire, le monde rural ne demeure pas en marge
de cette réalité. L'industrialisation étant quasi-absente
dans la sphère économique et dans le monde rural, seuls les
produits agricoles offrent des revenus aux populations rurales pour sortir de
la pauvreté. C'est désormais ce nouvel état de
pauvreté que non seulement les gouvernants, mais également les
populations du nord s'attèlent à combattre.
Le Nord de la Côte d'Ivoire est
caractérisé par un taux élevé de pauvreté.
En effet selon le FMI, quatre personnes sur cinq (4 /5) sont pauvres. Pour
inverser la donne, les populations se tournent vers la culture et la
commercialisation de la noix de cajou pour suppléer la traditionnelle
culture industrielle (le coton).
L'État, dans sa politique de diversification des
produits agricoles en milieu rural en vue d'améliorer de façon
durable les revenus des populations, a décidé de s'y
intéresser résolument à partir de l'année 2002. Un
comité technique, est alors crée pour réfléchir,
avec les acteurs de la filière, à la définition d'une
stratégie de développement de la filière et à
trouver des solutions aux problèmes qui revêtent un
caractère urgent (MINAGRI, 2012). C'est ainsi qu'en 2013, l'on est
passé de la création de l'ARECA au Conseil Supérieur du
Coton et de l'Anacarde (CSCA) avec en point de mire la régulation de la
commercialisation intérieure et la fixation du prix d'achat bord
champ.
Cela a suscité « Une lueur d'espoir » pour
les populations, et a conduit très rapidement les paysans à se
consacrer à cette culture. Aujourd'hui la
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production ivoirienne de noix de cajou excède cinq cent
mille (500.000) tonnes et fait vivre environ deux millions cinq cent mille
(2.500.000) de personnes (Gbangbo, 2014).
Malgré les efforts déployés par les
pouvoirs publics dans l'amélioration de la commercialisation de la
noix de cajou, force est d'affirmer que le constat sur le terrain est loin de
satisfaire les producteurs. En effet, le système de commercialisation
mis en place laisse à désirer. Les recettes tirées de la
culture de l'anacarde restent en deçà des bénéfices
escomptés. La filière anacarde est soumise à une
instabilité des prix, à la fois annuelle et interannuelle. Cela
provoque parfois la suspension voire l'arrêt de son achat. Les
producteurs, qui constituent le maillon principal de cette culture, sont les
premiers à le ressentir sur leur condition de vie. C'est d'ailleurs ce
qui sort des propos de cet auteur, « dans toute filière agricole,
le risque de prix, représente un coût considérable pour les
acteurs primaires de la chaine de production » (Konan, 2010, P 34).
Les producteurs qui espéraient une amélioration
de leurs conditions de vie, assistent presque impuissants à un
effritement de leur revenu. Dans le but de restaurer à l'anacarde sa
valeur marchande, l'on a constaté la création de
coopératives dans certaines localités productrices. Elles ont
pour priorité la conquête de l'autonomie paysanne dans la gestion
des affaires agricoles afin d'améliorer et de stabiliser les revenus
issus de la commercialisation de la noix de cajou avec pour enjeu la
réduction de la pauvreté (Dihyé, 2007).
La Banque mondiale ne dit pas le contraire, la noix de cajou
est d'une importance encore plus cruciale lorsqu'elle est
considérée dans un contexte régional de réduction
de la pauvreté (Banque mondiale, 2011). A ce niveau, des exemples ne
manquent pas, puisqu'en matière d'augmentation de devises, elle a permis
à l'État de procurer 120 milliards de FCFA en 2010
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faisant d'elle le troisième plus important produit
d'exportation après le cacao et le caoutchouc (Lebailly, 2012).
Dans la région de Bondoukou, la noix de cajou constitue
la plus
importante source de revenu monétaire des populations.
Elle a sensiblement fait augmenter le revenu par tête, car ce revenu est
passé de 209 679 FCFA en 2002 à 238 341fCFA en 2007 (FMI,
2009).
Toutefois, bien que les devises au niveau national aient
augmenté suivi d'une amélioration des revenus au plan
régional, le taux de pauvreté n'a pas diminué. Au
contraire, l'on constate une croissance du taux de pauvreté tant au
niveau national que régional. Le taux de pauvreté est
respectivement passé de 38,4% en 2002 à 48,9% en 2008 au plan
national et de 57,4% à 66,7% dans le courant de la même
période à Bondoukou et 62,5% dans le monde rural (PND,
2012-2015).
La commune de Koun Fao dont la plupart des populations
dépendent de l'activité agricole n'échappe pas à
cette réalité. Actuellement, selon les autorités
municipales, sur les trois quarts de la population qui pratiquent
l'agriculture, près de la moitié ne s'intéressent
qu'à la culture de l'anacarde. Chaque année, dit-on de nombreux
paysans réalisent des bénéfices grâce à la
commercialisation de l'anacarde. L'anacarde jouerait alors un rôle
catalyseur à la lutte contre la pauvreté.
Cependant, malgré la croissance de la production et la
contribution de la noix de cajou à l'économie locale, la
population semble ne pas sortir de la pauvreté. Selon l'agence locale de
l'ANADER, le taux de pauvreté de la commune est passé de 50% en
2002 à 60% aujourd'hui. Dès lors, l'importance accordée
à la culture de la noix de cajou et l'état manifeste de
pauvreté dans lequel vit la population nous a intrigué et
suscité des interrogations.
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Quels sont les facteurs explicatifs de la persistance de la
pauvreté en
dépit de la production de la noix de cajou dans la commune
de Koun Fao ? Quelle est la contribution de l'anacarde à la lutte contre
la pauvreté? Quel est le rapport entre l'instabilité du prix
d'achat et les conditions
de vie des populations ?
Quel est l'apport des retombées financières de la
commercialisation de l'anacarde sur la population ?
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