La protection de l'environnement par les collectivités territoriales décentralisées au Cameroun: cas de la communauté urbaine de Douala( Télécharger le fichier original )par Gilles Herbert FOTSO Université de Douala - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques - Master 2 Recherche 2012 |
Paragraphe 2 : Les instruments législatifs et réglementairesC'est d'abord de façon inconsciente et par des voies détournées que le droit camerounais postcolonial s'est intéressé à la protection de l'environnement. En effet, la nécessité d'une gestion efficiente des ressources naturelles notamment, les ressources énergétiques et minières, a suscité l'élaboration de nombre de lois en la matière dans les années 60. Toutefois les premiers textes à connotation environnementale proprement dite datent de la fin de la décennie 80 et concernent la gestion des déchets toxiques. Dès 1994, l'arsenal juridique en matière d'environnement et des forêts connaît un renforcement couronné en 1996 par la constitution et la loi cadre en la matière. Nous notons que le droit camerounais de l'environnement connait en effet un développement significatif depuis la participation du Cameroun à la Conférence de Rio de 1992131(*). Ce foisonnement normatif se traduit évidement par la multiplication des textes législatifs (A) et réglementaires (B) relatifs la préservation du milieu. Ce qui a fait du Cameroun depuis plusieurs années déjàun vaste chantier normatif en la matière132(*).L'épineuse question qui nous intéresse dans cette analyse reste de savoir quelle place le législateur, dans ces différents instruments à analyser, accorde aux collectivités locales. A. Les instruments législatifs de protection de l'environnement Plusieurs textes de lois constituent l'essentiel de la législation dans le domaine desressources naturelles au Cameroun. Ainsi, s'inscrivant dans un vaste mouvement d'adoption des textes sectoriels que connait bon nombre de pays francophones133(*), le Cameroun emboite le pas à la tendance générale à adopter de véritablescodes ou lois spécifiques sur la gestion et la protection de l'environnement, qualifiées à tort ou à raison de Lois-cadres environnementales134(*). Notre prétention ici n'est pas d'analyser tout le dispositif législatif,nous marquons un intérêt somme toute particulier sur la loi-cadre environnementale adoptée en 1996 (1) avant d'analyser les lois sectorielles dont la pertinence se révèle manifeste dans le cadre de la présente étude (2). 1. La Loi-cadre relative à la gestion de l'environnement de 1996135(*) A la lecture de la loi n°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement, le législateur a reconnu que la présente loi fixe le cadre juridique général de la gestion de l'environnement au Cameroun136(*). Elle est la base juridique de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles au Cameroun. Elle constitue l'unique cadre réglementaire général dans ce domaine. Elle avait été conçue pour couvrir l'ensemble des préoccupations environnementales, et devrait donc être complétée par des lois sectorielles à l'instar de celle du 14 juillet 2006 relative aux établissements classés dangereux ou encore à celle du 21 avril 2003 sur des règles régissant la biodiversité. Elle permet une bonne compréhension des normes et principes fondamentaux en matière environnementale. Cette loi est ainsi en phase avec les normes du droit international de l'environnement dont elle reprend les principes cardinaux. C'est le cas par exemple avec les normes édictées dans la CDB, la CCNUCC ou le Protocole de Kyoto. En effet, la loi-cadre réglemente un grand nombre de secteurs de l'environnement : l'atmosphère, les eaux continentales et les plaines d'inondation, le littoral et les eaux maritimes, les sols et sous-sol, les établissements humains, les installations classées dangereux, insalubres ou incommodes et des activités polluantes, les établissements classés, les substances chimiques nocives et/ou dangereuses, les nuisance sonores et olfactives et la gestion des ressources naturelles et la conservation de la diversité biologique. Par ailleurs, son caractère de cadre de référence flexible sied bien aux exigences d'un contexte interinstitutionnel dans lequel les questions environnementales sont obligées d'être traitées. La loi-cadre marque donc son caractère innovateur, par des dispositions précises inscrivant le pluralisme des normes dans le corps même du texte. En outre, cette loi relève un certain nombre d'obligations générales qui incombent à des institutions publiques ou privées, notamment dans le cadre de la sensibilisation des populations sur les problèmes liés à l'environnement. Un ensemble de principes fondamentaux sur l'environnement y sont présentés dans leurs contenus, il s'agit des principes de précaution, pollueur-payeur, de participation, de prévention, de responsabilité et de subsidiarité. Le titre 2 de ce texte fixe la question de l'élaboration, de la coordination et du financement des politiques de l'environnement. Le titre 3 en rapport avec la Gestion de l'environnement, présente le plan national de gestion de l'environnement (Chapitre 1), l'étude d'impact environnemental (Chapitre 2), la protection des milieux récepteurs (Chapitre 3) que sont : l'atmosphère, les eaux continentales et les plaines d'inondation, le littoral et les eaux marines, les sols et sous-sols, les établissements humains. Il porte également sur les établissements classés dangereux, insalubres ou in commodes et des activités polluantes (Chapitre 4), c'est ce qui explique la précision apportée dans ce chapitre sur les déchets, les établissements classés, les substances chimiques, nocives et/ou dangereuses, les nuisances sonores et olfactives. Le chapitre 5 réglemente la gestion des ressources naturelles et de la conservation de la diversité biologique et son chapitre 6 envisage le problème des risques et des catastrophes naturelles. Le titre 4 porte sur la mise en oeuvre et le suivi des programmes, le titre 5 sur les mesures incitatives et le titre 6 sur la responsabilité et les sanctions en matière de gestion de l'environnement. Dans le cadre de sa mise en oeuvre, cette loi a prévu soixante-sept décrets d'application. Bien plus, plusieurscompétencessont nécessaires. Il s'agit précisément : de la compétence exécutive exercée par le Président de la République à qui revient la charge de définir la politique nationale de l'environnement ; et les Administrations ministérielles parmi lesquelles celle en charge de l'environnement a la prééminence. L'autorité législative compétence de prendre d'autres textes de loi qui facilitent davantage la mise en oeuvre de de celle-ci, et quand à l'autorité judiciaire son rôle intervient dans la constatation et la sanction des infractions. En outre, la participation des collectivités territoriales décentralisées est cependant prévue dans la gestion de l'environnement. Il y est d'ailleurs prescrit que le Gouvernement met en oeuvre la politique nationale en matière d'environnement de concert avec les collectivités territoriales décentralisées137(*).Cette participation des collectivités est un impératif de la décentralisation qui vise à associer les populations locales sur l'ensemble du territoire national. 2. Les lois sectorielles régissant l'environnement au Cameroun Le foisonnement normatif qu'a connu le Cameroun au lendemain des indépendances démontre la multitude de son arsenal législatif. Ainsi, outre la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 et la loi n° 96/12 du 05 aout 1996 portant loi cadre relative à la gestion de l'environnement, plusieurs autres textes constituent l'essentiel de la législation dans ce domaine. Il s'agit notamment de : · Loi n° 98/005 du 14 avril 1998 portant régime de l'eau (Loi régissant les ressources en eau et fixant la liste des substances nocives dont le rejet, l'immersion et le déversement dans l'eau sont interdites ainsi que toutes les modalités d'exécution des Evaluations d'Impacts sur les eaux de surface et les eaux souterraines) ; · Loi n° 2001/014 du 23 juillet 2001 relative à l'activité semencière ; · Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la flore qui fixe entre autres des règles encourageant l'exploitation forestière durable (plans d'aménagements, suppression des petits permis de coupe ; · La loi n°2003/003 du 21 avril 2003 portant protectionphytosanitaire ; · La loi n°2003/007 du 10 juillet 2003 régissant les activités du sous-secteur engrais au Cameroun ; · La loi n°2001/014 du 23 juillet 2001 relative à l'activité semencière ; · La loi n°89/09 du 27 novembre 1989 portant sur les déchetstoxiques et dangereux ; · La loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de lafaune et de la pêche; · La loi n°2003/006 du 21 avril 2003 sur des règles régissant labiodiversité ; · Ordonnance N° 99/001/ du 31 août 1999 complétant certaines dispositions de la loi N° 94/01 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ; · Loi n°2000/02 du 17 avril 2000, relative aux espaces maritimes de la République du Cameroun ; · Loi n°2000/17 du 19 décembre 2000 portant réglementation de l'inspection sanitaire ; · Loi n°2003/006 du 21 avril 2003 portant régime de la sécurité en matière de biotechnologie moderne au Cameroun ; · Loi n°2001/02 du 17 avril 2001 portant code Minier ; qui traite des mesures à prendre pour limiter l'impact négatif de l'exploitation minière sur les terres ; · Loi n°98/015 du 14 Juillet 1998 relatives aux établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes. A ce droit abondamment législatif, s'ajoutent des textes règlementaires qui sont pris soit par le Président de la république ou le Premier ministre pour s'assurer de l'application de ces lois. B. Dispositif réglementaire en matière d'environnement La mise en oeuvre du cadre juridique environnemental se heurte à des contraintes majeures liées à l'insuffisance des textes d'application devant préciser les modalités pratiques d'exécution des dispositions d'ordre général. Les textes d'application pris par l'exécutif (décrets, arrêtés, décisions, circulaires) sont destinés à fournir des indications propres à l'application des lois sectorielles ou de la loi cadre. Une loi, quelle qu'elle soit, et ce en dépit des principes environnementaux palliatifs, ne peut être efficace si les textes d'application n'existent pas. En effet en matière d'environnement vert et des forêts, seul le secteur de la biodiversité (flore et faune) est suffisamment outillé en textes d'application, au contraire de la désertification qui ne dispose que d'un texte d'application. Bien plus et en dépit des textes internationaux ratifiés par le Cameroun et les lois existantes, il n'existe aucune réglementation récente et d'actualité en matière de ressources biologiques et de protection des écosystèmes marins et côtiers et en ce qui concerne le patrimoine culturel et l'aménagement du terroir. Le tableau ci-dessous énumère, sans toutefois être exhaustif, les différents règlements pris par le Cameroun depuis près de20 ans déjà.
Somme toute, le dispositif juridique national tel qu'élaboré par le gouvernement camerounais pour la gestion de son environnement semble rendre compte de l'effectivité de la protection de la nature, ce du moins d'un point de vu théorique. Mais Elisabeth DOWDEWELL reste cependant convaincu que le DIE est l'instrument le plus effectif de protection de l'environnement. A cet égard, il apparait à juste titre que les différents textes nationaux sont renforcés et complétés par la multitude de conventions internationales relatives à la protection de l'environnement ratifiées par l'Etat du Cameroun. * 131KAMTO (M.), op. cit, p. 66-67.Pour l'auteur, certes depuis Stockholm et quelque fois avant, [le Cameroun] a édicté des normes relatives à la protection des espaces et des espèces fauniques. Mais c'est seulement, depuis le début des années 1990 qu'apparait dans le [droit camerounais] des normes spécifiques à la protection de l'environnement. Plus couramment, la question était abordée indirectement à travers certaines branches du droit telles le droit des espaces, le droit de l'urbanisme et de la construction, le droit minier, le droit forestier. * 132 KAMTO (M.) op. cit., p. 67 * 133 MOUTONDO (E.M.), «Les lois-cadres dans les pays francophones d'Afrique», in GRANIER (L.), op. cit. p. 58. L'auteur mentionne qu'au moins 37 pays africains ont inclus des dispositions en matière d'environnement dans leurs Constitutions. * 134Ibidem * 135Afin d'éviter tout plagiat, nous reprendrons pour l'essentiel dans cette rubrique les développements de Janvier NGWANZA OWONO, in «La mise en oeuvre de la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques au Cameroun: cas du mécanisme pour un développement propre», Mémoire de Master Droits de l'homme et action humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale,Yaoundé, 2008* 136 Article 1 de la loi-cadre relative à la gestion de l'environnement de 1996. * 137 Voir l'article 3 de la loi n°96/12 du 05 aout 1996 portant loi cadre relative à l'environnement |
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