INTRODUCTION GENERALE
Cette recherche porte sur le
«poids » et le rôle des
«représentations » lors des apprentissages des
concepts scientifiques en géographie. En effet, il n'est pas aisé
d'enseigner les concepts géographiques et les concepts scientifiques
d'une façon générale. C'est peut être pour cela que
l'apprentissage de la géographie scolaire (1) se réalise
par une progression qui va du fait au concept. Laissant le contenu factuel pour
l'enseignement de base, la didactique de la géographie aurait tendance
à parler de concepts quand elle aborde le problème de
l'apprentissage de la géographie dans l'enseignement secondaire. D'autre
part, les conclusions tirées des études didactiques sur la
question des «représentations » ont permis selon Astolfi
(1997) d'induire un double renversement quant à la manière de
considérer l'élève :
-le premier concerne l'élève (vu
individuellement) et fait passer d'une structure élève
tête vide à une structure élève et son
déjà-là cognitif,
-le second concerne le groupe - classe et fait passer d'une
structure élève standard à un éloge de la
différence entre élèves, chacun véhiculant ses
conceptions personnelles.
En effet, les études didactiques entreprises sur la
question des représentations depuis les années 70 ont beaucoup
insisté sur leur importance en tant qu'obstacles aux apprentissages
scolaires puisqu'elles
résistent et perdurent malgré les efforts des enseignants. Notre
recherche essaie d'apporter une modeste contribution à l'analyse des
opérations complexes de la construction du savoir géographique
par les élèves de la première année secondaire dans
le Haut- Tell tunisien en présentant les résultats d une
expérience menée sur le terrain à propos de la
compréhension et de la conceptualisation de la désertification
par les élèves.
Notre étude est axée sur deux
concepts-clés, l'un appartenant au champ de la
didactique : « les
représentations », l'autre s'inscrivant dans le champ
disciplinaire de la géographie : « La
désertification ».
Pourquoi avons-nous choisi le concept de la
désertification ?
-Parce que ce thème est actuellement présent
dans le programme de géographie de la quatrième année
secondaire en Tunisie.
-Parce que ce fléau «rongeur » d'espaces
fertiles, ne cesse de prendre des dimensions spatiales de plus en plus
importantes et de plus en plus terrifiantes aussi bien en Tunisie que dans le
monde.
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(1) Nous entendons par «géographie
scolaire » la géographie enseignée dans les
lycées et collèges en Tunisie.
-Parce que le terme de désertification peut
apparaître polysémique. Cette polysémie fonctionnerait
comme un obstacle didactique dans le processus d'acquisition et de
conceptualisation de ce concept par les élèves.
-Parce que c'est un thème à la fois
géographique et écologique et de ce fait, il se prête bien
à la problématique de la transformation sociale du savoir, qui
d'après Rumelhard (1986), ne se situe pas seulement en aval du cours,
mais intervient aussi en amont de celui-ci. Les programmes officiels de
géographie en Tunisie précisent que parmi les objectifs de
l'enseignement de la géographie au cycle secondaire,
«l'élève devrait être conscient des
problèmes de l'environnement et participer à leur
résolution » (1). C'est le rôle socialisant de
l'école qui est mis en exergue.
-Parce que le concept de désertification a connu,
malgré sa récente apparition en 1949, plusieurs
tribulations sur le plan épistémologique et n'a
cessé de soulever des controverses et des polémiques au niveau
politique.
-Parce qu'enfin, le thème de la désertification
se prêterait à merveille à l'établissement d'un
parallélisme entre les difficultés de compréhension de ce
fléau, rencontrées par les aménageurs et chercheurs au
Maghreb et celles qui pourraient être rencontrées par les
élèves.
Par ailleurs, «s'il est profitable de chercher les
éléments d'une conception de la science dans l'histoire des
sciences, entendue comme une psychologie de conquête progressive des
notions, comme une série d'obstacles épistémologiques
surmontés » (Canguilhem, 1968), «il n'en serait pas moins
profitable d'utiliser l'histoire des sciences comme un élément
d'éclairage de la construction des concepts scientifiques par (les
élèves) ». (Audigier.F, 1991). Or, la
désertification depuis l'emploi, pour la première fois, de ce
vocable par Aubreville (1949), n'a été bien comprise par les
aménageurs et chercheurs que tardivement. Faut-il à ce propos
rappeler les déboires qu'a connus la technique des «barrages
verts » utilisée en Algérie pour essayer de lutter
contre la désertification ?
Ces difficultés ne pourraient-elles pas nous
éclairer sur les obstacles que les élèves de la
quatrième année secondaire dans le Haut Tell tunisien pourraient
rencontrer lorsqu'ils abordent, dans un cours de géographie, le concept
de la désertification ? Comment réinvestir les obstacles
épistémologiques rencontrés par les aménageurs et
chercheurs dans leurs premiers essais d'étude et de compréhension
de la désertification, en didactique de la géographie ? Comment
les traduire en obstacles didactiques ?
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(1) Les programmes de l'histoire et de la géographie en
Tunisie (en arabe), Edit.C.N.P, 1993, p.72.
Toute recherche qui se veut scientifique doit
définir et préciser son cadre de référence, sa
nature, ses supports théoriques et ses références
scientifiques. Notre recherche qui est de nature didactique, sera
structurée de la façon suivante :
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