Analyse du statut sérologique au VIH / sida et de ses déterminants chez les femmes enceintes au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Harris Bénito KOUBEMBA MONA Institut sous-régional de statistique et d'économie appliquée (I.S.S.E.A) - Ingénieur d'application de la statistique ( I.A.S) 2010 |
RÉSUMÉL'étude se propose d'identifier les facteurs déterminants du statut sérologique des femmes enceintes au Cameroun. Elle se rapporte aux résultats de la Surveillance Sentinelle du VIH et de la Syphilis auprès des femmes enceintes reçues en première consultation prénatale au Cameroun 2009 (SSVS 2009). Ces femmes, des dix régions du Cameroun, sont âgées entre 15 et 49 ans révolus. Selon la SSVS 2009, 502 des 6632 femmes enceintes enquêtées présentent une sérologie au VIH/SIDA positive soit un pourcentage de 7,57 % de l'ensemble. Une analyse descriptive a été réalisée dans le but d'obtenir les caractéristiques sociodémographiques et comportementales de l'échantillon. Afin d'apporter plus de robustesse aux résultats émanant de la première méthode une analyse de régression logistique a été réalisée. Celles jugées statistiquement significatives ont été retenues au final comme déterminants du statut sérologique. Les résultats obtenus se présentent comme suit : ü comparativement à la femme enceinte dans l'Adamaoua, celle de l'Extrême-Nord, de l'Ouest, du Nord ou du Littoral a respectivement 55 %, 52 %, 55 % ou 63 % plus de chance d'être séronégative ; ü la femme enceinte en milieu rural a 83 % plus de chance de ne pas être séropositive que la femme enceinte en milieu urbain ; ü la femme enceinte âgée entre 15 et 19 ans révolus a 65 % plus de chance d'être séronégative et celle âgée entre 30 et 34 ans court un risque multiplié par 1,30 d'être séropositive quand on les compare toutes deux à celle dont l'âge varie entre 20 et 24 ans révolus ; ü la femme enceinte de niveau d'instruction primaire court un risque 36 % plus élevé d'être séropositive que la femme enceinte de niveau d'instruction secondaire ; ü la femme enceinte célibataire court un risque multiplié par 1,48 d'avoir une sérologie positive comparativement à la femme enceinte mariée en monogamie ; ü comparées à la ménagère, l'enseignante a 52 % plus de chance d'être séronégative tandis que la commerçante court un risque multiplié par 1,32 d'être séropositive ; ü la femme enceinte ayant fait usage de méthodes contraceptives modernes avant l'actuelle grossesse court un risque 1,24 fois plus élevé d'être séropositive que celle pour qui il n'en a pas été le cas. INTRODUCTION GÉNÉRALESelon le Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur les 48 millions de personnes séropositives recensées dans le monde en 2003, les trois quarts vivaient en Afrique, un continent qui ne représentait à l'époque que 12 % de la population mondiale. Des estimations récentes de l'ONUSIDA attestent qu'environ 16.000 nouvelles infections à Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) surviendraient chaque jour à travers le monde dont 90 % en Afrique (ONUSIDA/OMS, 1998). Parmi ces nouveaux cas d'infection, plus de 50 % concerneraient les femmes, une situation très différente des premiers stades de l'épidémie, lorsque (l'on pensait que) le Syndrome d'Immunodéficience Acquise (SIDA) frappait essentiellement les hommes selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) en 2005. En 2002, dans le monde, 800 000 enfants avaient contracté une infection à VIH, et plus de 90 % d'entre eux avaient été contaminés par leurs mères ; ces 720 000 nouveau-nés avaient été infectés par le virus in utero, pendant l'accouchement ou lors de l'allaitement maternel (CRITON et FENER, 2007). Selon la même source, environ 1 % des femmes enceintes étaient séropositives la même année, 95 % d'entre elles vivaient dans les pays en développement, en Afrique pour la grande majorité, ainsi que 90 % d'enfants séropositifs. L'allaitement est responsable de 300 000 infections VIH par an (COUTSOUDIS, 2005), mais le manque d'allaitement maternel entraînerait la mort de 1,5 million d'enfants par an, selon l'UNICEF (1997). D'après les chiffres émanant de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS) réalisée par l'Institut National de la Statistique (INS) du Cameroun en 2004, la prévalence du VIH au sein de la population sexuellement active était estimée à 5,5 % (en dépassement donc de 5 %, seuil critique au-delà duquel, selon les experts, l'épidémie amorce généralement une croissance exponentielle) dont 6,8 % pour les femmes en âge de procréer (femmes dont l'âge varie entre 15 et 49 ans révolus). À l'issue de la surveillance sentinelle de 2009 réalisée auprès des femmes enceintes en première consultation prénatale au Cameroun, il ressort que la prévalence du VIH dans cette sous-population s'élève à 7,6 %. Ces données font du Cameroun un pays à épidémie généralisée, la prévalence du VIH y étant constamment supérieure à 1 %1(*) chez les femmes enceintes (elle était estimée à 11 % en 2000 et à 7,3 % en 2002). Il est toutefois important de signaler que ces données cachent des disparités régionales assez importantes. La région du Centre du pays dans laquelle se rencontrent 47 % des malades occupe le premier rang des personnes infectées et celle du Nord dont la proportion de l'ensemble des malades est de 15 % vient à la queue du peloton. Les crises économique et politique qu'a connues le pays à la fin des années 80 se sont accompagnées de difficultés dans l'implémentation des programmes de prévention du VIH où le premier cas avait été signalé en 1985. Le Cameroun à l'instar de tous les autres pays doit pouvoir disposer d'informations sur l'épidémie à VIH afin de lutter contre sa propagation. La connaissance de l'évolution de la prévalence du VIH renseignant sur le fait que cette dernière augmente ou diminue et de combien, et quelles sont les populations touchées peut faciliter la surveillance de l'épidémie et peut fournir des données sur l'efficacité des mesures de prévention et de lutte. Les pays devant recueillir des informations sur la prévalence dans des populations assez représentatives de la population générale à l'image des femmes enceintes, la surveillance du VIH basée sur ce groupe est actuellement le seul moyen d'apprécier l'ampleur du problème. En attendant le développement du dépistage volontaire anonyme et gratuit, permettant d'estimer l'incidence des nouvelles infections, les enquêtes de séroprévalence de l'infection à VIH restent d'actualité. Des études en population et des enquêtes sérologiques dans les consultations prénatales conduites simultanément dans les mêmes secteurs de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ont abouti à des prévalences comparables (CHANGALUCHA et al., 2002 ; FYLKESNES et al., 1998 ; NEEQUAYE et al., 1997 ; KWESIGABO et al., 1996), indiquant que les consultantes des centres de santé prénatale peuvent constituer un échantillon représentatif de la population totale. Les estimations de la prévalence parmi les consultantes de ces centres peuvent en outre servir d'indicateur du nombre potentiel de nourrissons infectés et être utilisées pour évaluer le besoin d'intervention concernant la transmission mère-enfant. Si l'on estime que les femmes enceintes sont bien représentatives de la population totale, elles ont en plus l'avantage d'être facilement accessibles : la majeure partie consulte les services de santé prénatale durant la grossesse et un prélèvement de sang peut être fait à cette occasion pour les examens de routine, une partie du prélèvement pouvant servir à la recherche du VIH. Dans les pays d'Afrique subsaharienne, par exemple, on estime que 80 à 94 % de l'ensemble de femmes enceintes ont accès au service de santé prénatale (OMS, 2004). L'objectif principal de l'étude est de déterminer l'influence des caractéristiques sociodémographiques et comportementales sur le statut sérologique des femmes enceintes au Cameroun. Plus spécifiquement, nous essayerons d'atteindre les trois objectifs suivants : ü décrire les caractéristiques sociodémographiques et comportementales de la population féminine enceinte en mettant un accent sur la géographie de l'infection au VIH/SIDA ; ü identifier les caractéristiques qui exposent ladite population au VIH/SIDA ; ü examiner les relations entre le statut sérologique au VIH/SIDA et ces caractéristiques. Partant des connaissances acquises de la littérature sur le VIH/SIDA et de la problématique, est formulée l'hypothèse de recherche suivante à tester : les caractéristiques sociodémographiques et comportementales des femmes enceintes déterminent leur statut sérologique. Cette étude s'ajoute aux précédentes ayant abordé la question des déterminants du statut sérologique au VIH/SIDA chez les femmes enceintes au Cameroun. Elle peut donc constituer, de ce fait, un autre élément de comparaison avec les travaux similaires conduits dans d'autres pays de la région Afrique Centrale et d'ailleurs. Elle contribuera à enrichir les études existantes sur les déterminants en rapport avec le VIH/SIDA chez les femmes enceintes et apportera une contribution théorique et méthodologique dans l'identification des liens entre les facteurs sociodémographiques et comportementaux de ces dernières et le statut sérologique au VIH. Pour atteindre les objectifs fixés, nous avons structuré cette étude en six chapitres. Le premier présentera la structure d'accueil (CNLS) et les travaux qui y ont été effectués. Le second chapitre a pour rôle, entre autres, de présenter le contexte et la justification du problème. Il est suivi par l'approche théorique utilisée pour circonscrire et appréhender le problème. Ensuite dans le quatrième chapitre, sont présentées les données, le cadre et les différentes méthodes d'analyse des données. L'analyse descriptive du statut sérologique en fonction des différentes caractéristiques des femmes enceintes enquêtées fait l'objet de l'avant dernier chapitre, tandis que le dernier chapitre du document sera consacré à une étude explicative des disparités entre caractéristiques sociodémographiques et comportementales en matière de statut sérologique au VIH/SIDA des femmes enceintes enquêtées. * 1 Recommandations pour les enquêtes sérologiques sentinelles concernant le VIH : femmes enceintes et autres groupes (OMS) |
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