Les enfants dans les attentats suicides: étude comparative de trois cas: Sri Lanka, Palestine, zone Afghanistan/Pakistan( Télécharger le fichier original )par Mélanie JOANNES Institut catholique de Paris - Master 2 sciences politique, mention géopolitique et sécurité internationale 2011 |
1.1.3. Pakistan et AfghanistanL'Afghanistan et le Pakistan sont deux pays touchés par le phénomène des enfants dans les attentats suicides. Nous avons fait le choix de regrouper l'étude des deux pays en une seule partie, car, en ce qui concerne les attentats suicides, la frontière entre les deux pays est assez floue. De plus, nous avons pu remarquer que les caractéristiques du phénomène étudié ne varient que très peu d'un pays à l'autre. Ce qui est certainement dû au fait, qu'il s'agit du même groupe armé des deux côtés de la frontière. En ce qui concerne la description du phénomène géopolitique, l'étude des deux cas se fera de manière séparée 1.1.3.1. AfghanistanEn avril 1978, le Hezb-i-demokrâtik-i-khalq-i Afghanistan, Parti démocratique du peuple d'Afghanistan, mène un coup d'Etat avec le soutien des services soviétiques contre la République présidée par Daoud Khan. Le nouveau régime pro-communiste de la République Démocratique du Peuple Afghan n'arrivant pas à s'imposer, l'URSS envahit l'Afghanistan pour tenter de mettre fin à la guerre civile et maintenir le régime communiste au pouvoir. De 1979 à 1989, le pays va être en proie à une nouvelle guerre opposant les communistes afghans et les soviétiques aux moudjahidines40(*). La résistance afghane va s'organiser autour d'une demi-douzaine de mouvements sunnites dominés par le Hezb-. I-Islami ou Parti de l'Islam (HIA). A partir de 1982, plusieurs milliers d'Arabes sunnites d'origine essentiellement saoudienne et égyptienne mais également algérienne, marocaine, yéménite ou jordanienne vont venir grossir les rangs des « volontaires afghans » pour lutter contre l'envahisseur soviétique. Ceux-ci auront comme point de chute le Pakistan où ils seront soumis à une double formation religieuse et militaire au sein d'une dizaine de camps d'entrainement tenu par le HIA.41(*) Après le retrait de l'URSS en 1989, à la suite de la signature de l'accord de retrait signé par Gorbatchev en 1988, le parti communiste reste au pouvoir sous la présidence de Nadjibullah jusqu'en 1992. En avril de cette même année, les résistants afghans, toutes ethnies confondues, mettent un terme, sous le commandement de Massoud, au régime communiste. Il s'agit de l'Etat islamique des Moudjahidin qui tiendra jusqu'en 1996. Dans ce nouveau régime, les pachtouns ne sont absolument pas majoritaires, ce qui va conduire à la frustration des tribus pachtouns qui ne l'accepteront pas. Un mouvement constitué essentiellement d'étudiants des madrassas déobondi du Pakistan va voir le jour sous l'impulsion des chefs pachtouns afghans. A partir de 1994, cette milice constituait « une force armée suffisamment forte pour que les services secrets de l'armée pakistanaise, l'ISI, s'appuient sur elles (les forces talibanes) afin de combattre le gouvernement de Kaboul qu'ils ne jugeaient pas suffisamment inféodé à la politique du Pakistan. »42(*)Les talibans sont précisément les acteurs que nous allons étudier. Aussi, nous n'irons pas plus loin ici dans leur description, car le reste de la partie sera consacrée à cet effet. En 1996, ils vont prendre Kaboul et jusqu'en 2001, ils vont conquérir une grande partie du territoire afghans. Détenteur du pouvoir au Sud du pays, ils vont remettre en question le principe de l'Etat pour celui d'Umma ou d'Emirat.43(*)L'Emirat d'Afghanistan des Talibans ne sera reconnu que par trois Etats qui sont l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Pakistan. Tandis que l'Etat Islamique des Moujahidin au Nord, dirigé par le Président Rabbani, est reconnu officiellement par l'ONU. Si le phénomène taliban n'a pas été vu, dans un premier temps, comme un phénomène intégriste dangereux, le retour à des valeurs islamiques fondamentalistes et l'apparition, avec leur complicité, d'arabo-musulmans de la mouvance al-Qaeda, va très vite poser problème aux afghans, pachtouns compris. L'autre point qui posait un problème, notamment au commandant Massoud, était leur instrumentalisation par les services secrets de l'armée pakistanaise. Les évènements du 11 septembre vont marquer un nouveau tournant dans l'histoire d'Afghanistan. La résolution 136844(*) va conduire les Etats Unis dans une guerre « interminable » en Afghanistan. L'opération militaire lancée pour renverser le régime des Taliban est appelée Enduring Freedom. Et elle débutera le 7 octobre après que le gouvernement de Kaboul ait refusé la demande formulée par les Etats Unis de livrer Ben Laden et de fouiller les camps d'entrainements d'al-Qaeda. Le gouvernement de Kaboul va s'effondrer le 17 novembre. Un processus de state building est lancé à la suite de la signature des accords inter afghans de Bonn-Petersberg le 5 décembre 2001. Il s'agit d'un processus d'assistance à la reconstruction de l'Afghanistan animé par l'ONU et qui implique une participation active des responsables afghans et de la population.45(*) Cette conférence, qui regroupe les principaux chefs des tribus afghanes ayant combattus les talibans, va voir naitre une Autorité intérimaire présidée par Hamid Karzaï et sera installée à Kaboul le 22 décembre 2001. En juin 2002, le Grand Conseil des chefs de tribus, la Loya Jirga, se réunit à Kaboul, confirme les dispositions prises à Bonn et confie à Karzaï la présidence d'un Etat islamique transitoire pour une durée de deux ans. Puis le 4 janvier 2004, une nouvelle constitution est votée qui met en place une République islamique fonctionnant sur un mode présidentiel. Le 19 décembre 2005, Hamid Karzaï est élu président. En parallèle, une situation insurrectionnelle s'est installée dans certaines provinces d'Afghanistan, notamment au sud et au sud-est. La défaite des talibans à l'automne 2001 a provoqué une vague d'optimisme de la part des américains concernant la suite des évènements. Cependant, il est apparu qu'il était très difficile de stabiliser la situation. Très rapidement, une guérilla s'est constituée sur la frontière afghano-pakistanaise. Avec la défaite, une partie des combattants s'est fondue dans la population tandis qu'une partie des responsables est allée se réfugier au Pakistan. Ils vont alors pouvoir se réorganiser à partir de cet espace. Puis, ils sont retournés en Afghanistan au cours de l'été 2002 où ils contrôlent en grande partie les campagnes pachtounes au sud de Kaboul. L'insurrection, devenue guerre civile, ne semble pas pouvoir être endiguée dans les prochaines années. A ce sujet, au cours de l'année 2009, le général Petraeus confia à Woodward46(*) : « Ce conflit, nous n'en verrons pas la fin, ni même peut-être nos enfants. »47(*)Dans un rapport rédigé en 2009, le chef du commandement central des guerres en Irak et en Afghanistan a déclaré, dans la partie intitulée « Les facteurs de réconciliation faisant défaut en Afghanistan » que certains points rendaient une stabilisation impossible. Parmi lesquels, on peut citer : - « Les talibans et les autres groupes insurgés pensent qu'ils sont en train de gagner la guerre, pas de la perdre. - Les leaders et les membres insurgés sont largement autochtones. Ce ne sont pas des éléments insurgés comme en Iraq. - Les talibans ont la capacité-supérieure à celle du gouvernement dans certaines zones- de fournir un système de gouvernement efficace, d'assurer la sécurité publique et de trancher les conflits domestiques »48(*) * 40 Ce terme signifie en arabe combattant, résistant. Il désigne toute personne combattant au nom de sa religion dans le cadre du jihâd * 41 G. Chaliand, Les guerres irrégulières. 20ème-21ème siècle. Guérillas et terrorismes, Paris, 2008 , p.845 * 42 D. Coulmy, « Quel avenir pour l'Afghanistan ? », Etudes, 2007/10 Tome 407, pp.297-307, p.305 * 43 K. Sorkhabi et D. Bresson, State building et réalités locales en Afghanistan, Paris, non publié, Juin 2010, p.5 * 44 Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4270ème séance, le 12 septembre 2001, la résolution 1368 autorise les Etats Unis à entrer en guerre contre l'Afghanistan : « Se déclare prêt à prendre toutes mes mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ces formes, conformément à ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies », disponible en ligne sur http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1368f.pdf * 45 Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la suite d'une mission effectuée du 16 au 24 avril 2005, par une délégation en Afghanistan, Annexe du procès-verbal de la séance du 12 mai 2005, Sénat, n°339, Paris, mis en ligne en 2005 sur http://www.senat.fr/rap/r04-339/r04-3390.html * 46 Journaliste américain * 47 F. Soudan, « Petraeus, le sauveur ? », la revue, n°9, février 2007, pp.80-87, p.81 * 48 Ibid, p.85 |
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