Les enfants dans les attentats suicides: étude comparative de trois cas: Sri Lanka, Palestine, zone Afghanistan/Pakistan( Télécharger le fichier original )par Mélanie JOANNES Institut catholique de Paris - Master 2 sciences politique, mention géopolitique et sécurité internationale 2011 |
Description du phénomèneComme nous l'avons annoncé dans l'exposition de la méthodologie, cette première partie sera consacrée à la description du phénomène. Celle-ci est organisée en trois temps. Il s'agit, tout d'abord, de décrire les conflits dans lesquels nous pouvons l'observer. Puis, nous allons nous pencher sur les groupes en eux-mêmes, pour enfin comprendre comment les enfants sont utilisés. Cette démarche a pour but de replacer ce phénomène dans un cadre géopolitique et stratégique global. Ainsi, nous pourrons tenter de comprendre s'il existe un contexte macro particulier dans lequel ce phénomène est rendu possible. 1.1. Les types de conflitLe Pakistan, la Palestine et le Sri Lanka sont trois pays au contexte géopolitique différent. Cependant, ils ont un point commun : l'instabilité politique. Nous allons essayer de comprendre de quelle nature est cette instabilité : est-ce une guerre civile, une insurrection, un contexte de guérilla... ? Cette description géopolitique de chacune de ces situations va nous permettre d'apporter un éclaircissement sur les contextes dans lesquels peut apparaitre ce phénomène. 1.1.1. Sri LankaLe Sri Lanka est une île située dans l'océan indien, à la pointe du sous continent indien. D'une superficie de 66 000 km², il est peuplé de 19,7 millions d'habitants. L'île est partagée par différentes ethnies qui se composent comme tel: - 74% de Cingalais - 18% de Tamouls - 7% de Moors11(*) - 1% autre12(*) Les ethnies cingalaises et tamoules sont toutes deux originaires de l'Inde. Ce qui les différencie, c'est leurs origines respectives: les cingalais sont d'origines indo-européennes, c'est-à-dire du nord de l'Inde, tandis que les tamouls sont d'origines dravidiennes, soit du sud de l'Inde. Ces deux ethnies se sont installées sur l'île au cours du premier millénaire avant Jésus-Christ En ce qui concerne la religion, l'île n'est pas non plus homogène puisque quatre religions cohabitent: - 70% de bouddhiste, principalement des Cingalais - 15% hindouiste, principalement les tamouls - 8% Chrétienne - 7% musulmane 1.1.1.1. Les prémices d'un conflitLes Cingalais et les Tamouls, originaires d'Inde13(*), se sont établis au Sri Lanka vers le premier millénaire avant Jésus-Christ. La dissension entre les Cingalais et les Tamouls est historique, chacune des communautés se considérant comme « fils de la terre ». A partir du 16ème siècle, le Sri Lanka va connaître trois vagues de colonisation. La première est portugaise et commence à partir de 1505. Puis, l'île sera reprise par la Hollande en 1568. Les Pays-Bas vont administrer l'île jusqu'en 1796, date à laquelle elle sera colonisée par la Grande Bretagne. Cette dernière va apporter deux modifications majeures qui sont en partie à l'origine du conflit actuel. La première modification notable concerne le peuplement de l'île. Dans le dessein d'effectuer des travaux14(*) auxquels se refusent les sri lankais, la Grande Bretagne fait venir des coolies tamouls issus des basses classes de l'État indien. Ces « Tamouls des plantations », nom qui leur a été donné, en opposition aux Tamouls dit « de Jaffna », vont vite représenter les deux tiers des tamouls de l'île. Cette action entreprise pas les britanniques pour des raisons économiques va donc considérablement augmenter le nombre de tamouls au Sri Lanka. La deuxième modification, qui est sans doute celle qui sera la plus lourde de conséquences, concerne l'administration de l'île. Les britanniques vont mettre en place un statut officiel par groupe ethnique. Cette division ethnique de l'île va être renforcée par un favoritisme envers les tamouls qui vont obtenir des fonctions administratives ou commerciales au sein des entreprises britanniques. Les Cingalais ont alors eu le sentiment, probablement justifié, que le système fonctionnait de manière disproportionnée en faveur de l'ethnie tamoule.15(*) Après l'indépendance, survenue le 4 février 1948, une série de mesures a été prise en vue de faire du Ceylan (qui deviendra Sri Lanka en 1972) le premier État Cingalais. Salomon Bandaranaïke, du Sri Lanka Freedom Party (SLFP, parti de gauche), est élu Premier ministre du Sri Lanka en 1956. Il instaure cette même année, au mois de juillet, le Sinhala comme seule langue officielle par le biais du Official Langage Act et accorde la prééminence au bouddhisme, religion de la majorité, comme nous l'avons vu plus haut. Pour réponse, les tamouls vont lancer une première campagne non violente, ce qui aura pour conséquence de déclencher plusieurs émeutes anti-tamoules dont celle de Janatha Vimukti Peramna (JVP)16(*). Cette première insurrection sera d'une grande importance pour l'avenir de la situation sur l'île car elle marque l'entrée de ces luttes dans une logique de violence.17(*) Face à ces discriminations et ces violences, le militantisme tamoul va aller en grandissant et dans les années 1970, ils vont commencer à s'organiser en groupes dans le but de protéger les intérêts de leur communauté. Le premier d'entre eux est un mouvement d'étudiants crée en 1972 sous le nom de Tamil New Tigers (TNT), qui deviendra le LTTE en 1976. C'est cette organisation qui fera l'objet de notre étude. Aussi, nous approfondirons nos recherches la concernant un peu plus loin. En parallèle, d'autres mouvements vont se créer parmi lesquels le People's Liberation Organization of Tamil Eelam (PLOTE), le Tamil Eelam Liberation Organization (TELO) ou le Eelam People's Revolutionary Liberation Front (EPRLF). Après une radicalisation de chacun de ces groupes et une lutte entre eux, le LTTE s'imposera en 1985 comme la seule organisation insurrectionnelle tamoule. A cette date, les autres mouvements, partisans d'une solution politique, disparaitront presque totalement. * 11Ce terme renvoie aux Cingalais et Tamouls islamisés * 12A. Baconnet, « La guerre civile à Sri Lanka. Genèse, modes d'actions et implications internationales d'un conflit séparatiste à base ethnique », avril 2008, Géostratégiques ,°19, L'avenir géostratégique de la puissance indienne, pp.163-192, p.164 * 13 Les Cingalais sont d'origine indo-européenne au nord de l'île tandis que les Tamouls sont d'origine dravidienne au sud de l'Inde. * 14 Employés dans des plantations de thé, de café, d'hévéas et de cocotiers * 15 Chara Latu Hogg, Child Recrutment in south Asian conflicts. A comparativ Analye, 2006, p.10 * 16Traduit en français par Parti de Libération du peuple, cingalais et d'obédience marxiste * 17A. Baconnet, Op.cit., p.168 |
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