Institut Catholique de Paris
Master 2 géopolitique et sécurité
internationale
Année universitaire 2009-2010
Mélanie Joannès
Sous la direction de M.Jean-Jacques Patry
Sommaire
1. Description du
phénomène
4
1.1. Les types de conflit
10
1.1.1. Sri Lanka
10
1.1.2. Palestine
14
1.1.3. Pakistan et Afghanistan
20
1.2. Les groupes
25
1.2.1. Historique des groupes et leur
organisation
25
1.2.2. Idéologie, revendications,
objectifs
31
1.2.3. L'utilisation de l'attentat suicide
par ces groupes et la participation des enfants à ceux-ci
35
1.3. Comment ces groupes utilisent les
enfants dans les attentats suicides
41
1.3.1. Le recrutement et les profils
41
1.3.2. L'entrainement et l'attentat
suicide
49
2. Pourquoi?
56
2.1. Les raisons tactiques
56
2.1.1. Un souci de
discrétion ?
57
2.1.2. Le choix des cibles
58
2.2. La place de l'enfant dans la
société et le respect de ses droits
63
2.2.1. La vulnérabilité propre
aux enfants dans chacune de ces sociétés
63
2.2.2. La participation des enfants dans le
conflit
67
2.3. Les motivations des enfants
74
2.3.1. Le culte du martyr et la perception
de ce phénomène par la société et les parents
74
2.3.2. La propagande à destination
des enfants
79
2.3.3. La question de la
rémunération
83
« Ceux qui ont un tempérament nerveux se
servent de couteaux, ceux qui utilisent des fusils ont reçu un bon
entrainement et ceux qui utilisent la bombe n'ont besoin que d'un seul instant
de courage. »1(*)
Introduction
Cette étude concerne les enfants en tant qu'acteurs
dans les attentats suicides. Nous nous intéresserons à trois cas
spécifiques qui sont le Sri Lanka, la zone Pakistan/Afghanistan et la
Palestine. Le choix de mon sujet de mémoire n'a pas été
facile et n'a été fixé qu'au mois de septembre, date
à laquelle je devais le rendre. L'idée m'est venu en
élaborant une étude dans le cadre de mon poste de chargée
d'études au Secours Islamique France. Je suis
tombée sur cette problématique, qui selon moi nécessitait
une étude plus approfondie que ce qui existait déjà.
L'approche pluridisciplinaire collait tout à fait avec mon parcours,
autant scolaire que professionnel. C'est pourquoi, j'ai décidé de
porter mon choix sur ce phénomène trop mal connu, qui ,de ce
fait, ne fait l'objet d'aucune recherche de solutions.
Avant d'exposer la problématique du sujet et la
manière dont il va être traité, nous allons le
définir et poser le cadre dans lequel nous allons travailler.
En ce qui concerne les personnes visées, nous
traiterons uniquement des enfants selon la définition de la
Convention Internationale des Droits de l'enfant. Celle-ci est
donnée, dès le premier article, en ces termes:
« Au sens de la présente convention, un enfant s'entend de
tout être humain âgé de moins de dix huit ans, sauf si la
majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation
qui lui est applicable. »2(*) L'étude visera donc des personnes, filles ou
garçons, considérées comme mineures par les institutions
internationales. L'âge de la majorité, et donc la
définition de l'enfance, peut varier d'un pays à l'autre. Ce
détail n'aura pas à être pris en compte puisque dans les
pays que nous allons traiter, l'âge de la majorité civile est de
18 ans, sauf pour les filles au Pakistan qui est fixée à 16 ans,
mais nous verrons plus tard que ce public n'est pas concerné.
Les enfants dans les conflits armés, notamment les
enfants soldats, est un phénomène bien connu du grand public et
très répandu dans les conflits actuels. Selon les
dernières études de l'Unicef, plus de 250 000 enfants-soldats
seraient enrôlés dans différentes zones de conflits
à travers le monde.3(*) Revenons sur la définition d'un enfant soldat.
Lors de la conférence de Paris, organisée en 2007 par l'UNICEF,
avec le Comité français de l'UNICEF et le ministère des
Affaires étrangères qui a réuni cinquante neuf
délégations de pays, il a été proposé cette
définition commune : « Un enfant associé à
une force armée ou à un groupe armé est toute personne
âgée de moins de 18 ans qui est ou a été
recrutée ou employée par une force ou une armée, quelle
que soit la fonction qu'elle y exerce. Il peut s'agir, notamment mais pas
exclusivement d'enfants, filles ou garçons, utilisés comme
combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins
sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou
a participé directement à des hostilités. » Ils
ont fait l'objet de nombreuses études et de programmes humanitaires
généralement nommés DDC pour Désarmement,
Démobilisation et Réinsertion. Nous citerons comme exemple les
actions menées par l'UNICEF et l'excellente ONG Première
Urgence. Depuis quelques années, un nouveau phénomène
apparait dans certains conflits qui est celui des enfants dans les attentats
suicides. Contrairement aux enfants soldats, il est peu connu du grand public
et ne fait l'objet que de quelques programmes humanitaires menés par des
associations locales quasiment exclusivement au Pakistan. Cependant, les
enfants dans les attentats suicides n'est pas un phénomène
marginal puisque Robert Pape estime que les adolescents âgés de 15
à 18 ans représentent environ le cinquième des kamikazes.
Toujours selon le Professeur de science politique à l'Université
de Chicago, la participation d'enfants moins âgés est rare, mais
non inexistante. Le phénomène des suicids bombers
juvenil semble être un phénomène relativement nouveau.
Nous savons que la première mission suicide menée par un enfant a
eu lieu en 1985 lorsque Khyadali Sana, 16 ans, a conduit un camion
chargé d'explosifs dans un convoi des forces israéliennes, tuant
deux soldats.4(*) Depuis, ce
phénomène s'observe encore.
Le sujet pose ensuite le problème de la
définition de l'attentat suicide que nous allons résoudre
dès à présent. Nous nous sommes appuyés sur celle
proposée par l'UNAMA dans son rapport sur les attaques suicides en
Afghanistan.5(*) Il
distingue l'attentat suicide des autres attaques qui peuvent également
conduire à la mort de l'attaquant: « In a suicide mission,
the attacker deliberately and with premeditation uses his or her body to carry
and deliver explosives with the explicit intent to attack, kill and main
others, with the supreme aim of dying in that attack »6(*). Une mission suicide induit
la volonté de l'attaquant de mourir lors de l'action qu'il
perpétue. Dans ce cas, même si l'opération ne fait pas de
morts, l'attaquant atteint son objectif principal qui est celui de devenir
martyr, notion qui lui est très souvent associée. Le terme de
martyre, bien qu'injustement utilisé, sera présent tout au long
de l'étude par soucis de simplification. Il ne faudra pas le comprendre
dans son sens religieux mais plutôt dans l'idée de sacrifice. Le
rapport soulève également le problème de la
sémantique même de cette action violente. Dans les
différents articles traitant du sujet, on l'a retrouve sous
différents termes tels qu'attentat suicide, mission suicide, suicide
bombing, ou encore suicide terrorism. Dans notre étude,
nous utiliserons les termes d'attentats suicides ou celui de mission
suicide. Le terme de suicide bombing est inapproprié
dans certaines situations car il renvoie à des attentats
perpétrés à la bombe, or ce n'est pas toujours le cas,
puisqu'on a pu observer des attentats perpétrés à l'aide
de voitures piégées ou par détournement d'avions. Quant au
terme de suicide terrorism, il pose le problème de la
définition même du terrorisme. Il n'en existe aucune de
cohérente et universelle. Aussi, dans un même pays, des organes
impliqués dans la lutte contre le terrorisme peuvent avoir
adoptés des définitions différentes. Par exemple, pour
l'US Department of Sate le terrorisme est: «premeditated,
politically motivated violence perpetrated against non-combatant
targets by sub national groups or clandestine agents. »7(*)Un attentat terroriste ne touche
donc que les non-combattants et les civils. Tandis que pour le Federal
Bureau of Investigation (FBI) américain, le terrorisme
désigne: « ...l'usage illégal de la force et de la
violence contre des personnes ou la propriété afin d'intimider ou
contraindre un gouvernement, la population ou toute partie d'elle, dans la
poursuite d'objectifs politiques ou sociaux. »8(*) Nous avons fait le choix de nous
appuyer sur cette définition qui inclue les attaques contre les forces
armées. Les termes qui seront utilisés dans cette étude
seront donc ceux d'attentats suicides, pour désigner l'action, et
kamikazes ou martyrs pour l'auteur. Le terme de kamikazes sera utilisé
dans un but pratique. Cependant, il ne correspond en rien à ce
phénomène car il désigne les soldats auteurs d'attentats
suicides durant la deuxième guerre mondiale. Ce terme est ainsi
employé par abus de langage par les médias, et nous en ferons
autant.
L'attentat suicide est une action tactique qui connait une
importance croissante parmi les groupes terroristes en raison du choc qu'il
provoque, du ratio coût de l'opération/nombre de morts et de
blessés et qu'il est très difficile à
prévenir.9(*) Il
comporte également l'avantage de pouvoir toucher une large audience
grâce à sa médiatisation, ce qui donnera lieu à un
fort sentiment d'impuissance au sein de la population cible. Cependant,
l'attentat suicide reste un phénomène rare10(*) et seulement une vingtaine
d'organisations se livreraient à cette forme de violence. Toutes ces
organisations n'utilisent pas des enfants.
Nous avons pu relever que ce phénomène touchait
essentiellement trois zones de conflits que sont le Sri Lanka, la Palestine et
la zone Afghanistan/Pakistan. Cependant, ce phénomène ne touche
pas exclusivement ces zones géographiques. Nous avons pu relever
quelques cas en Somalie, en Iran durant la guerre contre l'Irak, ainsi qu'en
Irak depuis 2003. Ce phénomène est d'ailleurs très
probablement répandu dans le conflit irakien. Mais, les sources dont
nous disposons ne nous permettent que des suppositions.
Problématique
Cette étude vise en priorité à faire
connaitre ce phénomène, à en comprendre les grandes
tendances et à envisager sa possible évolution.
Les enfants dans les attentats suicides est un sujet
très vaste et pluridisciplinaire. Il peut être envisagé de
nombreuses manières différentes. Nous avons fait le choix de nous
concentrer sur trois dimensions du problème qui nous permettront
certainement d'évaluer le possible développement de ce
phénomène.
La première question que nous souhaitons soulever est
celle du contexte général dans lequel nous pouvons observer ce
phénomène. Par contexte général, nous faisons
référence au type de conflit, les acteurs en présence et
plus particulièrement ceux qui utilisent les enfants dans les attentats
suicides.
Le sujet sera ensuite abordé par le biais des
motivations de ces groupes. Nous voulons comprendre pourquoi ils ont besoin
d'avoir recours aux enfants alors qu'il semble que les candidats pour ce type
de mission ne manquent pas. Pour répondre à cette question, il
faudra comprendre la manière dont les enfants sont utilisés et
les avantages tactiques qu'ils en tirent.
Enfin, nous nous intéresserons aux facteurs qui ont
rendu possible ce phénomène. Qu'est-ce qui motive cette
action ? Qu'est-ce qui dans la société rend possible ce
phénomène ?
Ces éléments vont nous permettre de comprendre
si ce phénomène est occasionnel ou s'il est amené à
se développer. Si cela était le cas, de quelle
manière ?
Méthodologie et contraintes imposées
par le sujet
Ce sujet, comme nous l'avons souligné dans
l'introduction, demande des compétences pluridisciplinaires.
L'étude sera composée de deux parties
distinctes, déclinées chacune d'elles en trois sous-parties.
La première partie se voudra avant tout descriptive. Le
phénomène des enfants dans les attentats suicides sera
replacé dans son contexte géopolitique et stratégique.
C'est pourquoi, une sous partie a été consacrée à
la description des conflits.
La deuxième partie a une visée analytique. Il
s'agit de comprendre ce phénomène selon les axes proposés
dans l'exposition de la problématique. L'approche se voudra avant tout
sociologique, et stratégique.
Afin de répondre à la problématique
posée plus haut, nous avons pris le parti de comparer les trois cas
étudiés. Cela nous permettra de dégager des tendances qui
permettront peut-être d'établir un modèle.
La contrainte la plus importante pour ce sujet est celle
imposée par les sources, primaires ou secondaires, qui sont peu
nombreuses. Il s'agit souvent d'articles de presse ou de passages dans des
études plus générales sur les enfants soldats. Afin de
mener une étude plus complète, il aurait été
nécessaire d'avoir accès aux listes des attentats suicides, et de
leurs auteurs, perpétrés dans chacun des pays
étudiés.
Le caractère novateur pose donc des limites en termes
de sources utilisables. La nature même des groupes étudiés
restreint également le nombre de sources primaires mis à notre
disposition, dans la mesure où ils dissimulent la majorité de
leurs informations. Des études terrains nous auraient également
permis d'étoffer et d'approfondir la partie concernant les facteurs
ayant rendu possible ce phénomène.
Description du
phénomène
Comme nous l'avons annoncé dans l'exposition de la
méthodologie, cette première partie sera consacrée
à la description du phénomène. Celle-ci est
organisée en trois temps. Il s'agit, tout d'abord, de décrire les
conflits dans lesquels nous pouvons l'observer. Puis, nous allons nous pencher
sur les groupes en eux-mêmes, pour enfin comprendre comment les enfants
sont utilisés.
Cette démarche a pour but de replacer ce
phénomène dans un cadre géopolitique et stratégique
global. Ainsi, nous pourrons tenter de comprendre s'il existe un contexte macro
particulier dans lequel ce phénomène est rendu possible.
1.1. Les types de
conflit
Le Pakistan, la Palestine et le Sri Lanka sont trois pays au
contexte géopolitique différent. Cependant, ils ont un point
commun : l'instabilité politique. Nous allons essayer de comprendre
de quelle nature est cette instabilité : est-ce une guerre civile,
une insurrection, un contexte de guérilla... ? Cette description
géopolitique de chacune de ces situations va nous permettre d'apporter
un éclaircissement sur les contextes dans lesquels peut apparaitre ce
phénomène.
1.1.1. Sri Lanka
Le Sri Lanka est une île située dans
l'océan indien, à la pointe du sous continent indien. D'une
superficie de 66 000 km², il est peuplé de 19,7 millions
d'habitants. L'île est partagée par différentes ethnies qui
se composent comme tel:
- 74% de Cingalais
- 18% de Tamouls
- 7% de Moors11(*)
- 1% autre12(*)
Les ethnies cingalaises et tamoules sont toutes deux
originaires de l'Inde. Ce qui les différencie, c'est leurs origines
respectives: les cingalais sont d'origines indo-européennes,
c'est-à-dire du nord de l'Inde, tandis que les tamouls sont d'origines
dravidiennes, soit du sud de l'Inde. Ces deux ethnies se sont installées
sur l'île au cours du premier millénaire avant Jésus-Christ
En ce qui concerne la religion, l'île n'est pas non plus
homogène puisque quatre religions cohabitent:
- 70% de bouddhiste, principalement des Cingalais
- 15% hindouiste, principalement les tamouls
- 8% Chrétienne
- 7% musulmane
1.1.1.1. Les prémices d'un conflit
Les Cingalais et les Tamouls, originaires d'Inde13(*), se sont établis au Sri
Lanka vers le premier millénaire avant Jésus-Christ. La
dissension entre les Cingalais et les Tamouls est historique, chacune des
communautés se considérant comme « fils de la
terre ».
A partir du 16ème siècle, le Sri Lanka va
connaître trois vagues de colonisation. La première est portugaise
et commence à partir de 1505. Puis, l'île sera reprise par la
Hollande en 1568. Les Pays-Bas vont administrer l'île jusqu'en
1796, date à laquelle elle sera colonisée par la Grande Bretagne.
Cette dernière va apporter deux modifications majeures qui sont en
partie à l'origine du conflit actuel.
La première modification notable concerne le peuplement
de l'île. Dans le dessein d'effectuer des travaux14(*) auxquels se refusent les sri
lankais, la Grande Bretagne fait venir des coolies tamouls issus des
basses classes de l'État indien. Ces « Tamouls des
plantations », nom qui leur a été donné, en
opposition aux Tamouls dit « de Jaffna », vont vite
représenter les deux tiers des tamouls de l'île. Cette action
entreprise pas les britanniques pour des raisons économiques va donc
considérablement augmenter le nombre de tamouls au Sri Lanka.
La deuxième modification, qui est sans doute celle qui
sera la plus lourde de conséquences, concerne l'administration de
l'île. Les britanniques vont mettre en place un statut officiel par
groupe ethnique. Cette division ethnique de l'île va être
renforcée par un favoritisme envers les tamouls qui vont obtenir des
fonctions administratives ou commerciales au sein des entreprises britanniques.
Les Cingalais ont alors eu le sentiment, probablement justifié, que le
système fonctionnait de manière disproportionnée en faveur
de l'ethnie tamoule.15(*)
Après l'indépendance, survenue le 4
février 1948, une série de mesures a été prise en
vue de faire du Ceylan (qui deviendra Sri Lanka en 1972) le premier État
Cingalais. Salomon Bandaranaïke, du Sri Lanka Freedom Party (SLFP, parti
de gauche), est élu Premier ministre du Sri Lanka en 1956. Il instaure
cette même année, au mois de juillet, le Sinhala comme
seule langue officielle par le biais du Official Langage Act et
accorde la prééminence au bouddhisme, religion de la
majorité, comme nous l'avons vu plus haut. Pour réponse, les
tamouls vont lancer une première campagne non violente, ce qui aura pour
conséquence de déclencher plusieurs émeutes anti-tamoules
dont celle de Janatha Vimukti Peramna (JVP)16(*). Cette première insurrection sera d'une grande
importance pour l'avenir de la situation sur l'île car elle marque
l'entrée de ces luttes dans une logique de violence.17(*)
Face à ces discriminations et ces violences, le
militantisme tamoul va aller en grandissant et dans les années 1970, ils
vont commencer à s'organiser en groupes dans le but de protéger
les intérêts de leur communauté. Le premier d'entre eux est
un mouvement d'étudiants crée en 1972 sous le nom de Tamil
New Tigers (TNT), qui deviendra le LTTE en 1976. C'est cette organisation
qui fera l'objet de notre étude. Aussi, nous approfondirons nos
recherches la concernant un peu plus loin. En parallèle, d'autres
mouvements vont se créer parmi lesquels le People's Liberation
Organization of Tamil Eelam (PLOTE), le Tamil Eelam Liberation
Organization (TELO) ou le Eelam People's Revolutionary Liberation
Front (EPRLF). Après une radicalisation de chacun de ces groupes et
une lutte entre eux, le LTTE s'imposera en 1985 comme la seule organisation
insurrectionnelle tamoule. A cette date, les autres mouvements, partisans d'une
solution politique, disparaitront presque totalement.
1.1.1.2. Le passage d'une situation insurrectionnelle
à la guerre civile en 1983
Il apparaît donc que la situation politique du pays
s'aggrave notablement depuis l'indépendance. Dans ce contexte, le
gouvernement va mettre en place des mesures d'exceptions successives dans le
cadre de l'état d'urgence qui connaîtront leur apogée en
1982 avec la permanence du Prevention of Terrorism Act (arrestation
sur présomption et possibilité de détention au secret pour
une période de trois mois). Le conflit va éclater le 23 juillet
1983 à la suite d'un attentat perpétré par le
LTTE dans la péninsule de Jaffna, au nord de l'île du Sri
Lanka. Le bilan de cette action est la mort de treize soldats de l'armée
sri-lankaise dans l'explosion de leur voiture sur une mine. Suite au
rapatriement des corps à Colombo, capitale économique du pays et
démographiquement la plus importante ville de l'île, le 24
juillet, de violentes émeutes anti-tamoules éclatent. Elles vont
rapidement s'étendre à l'ensemble du pays faisant 350 morts selon
les autorités, et 2000 selon les sources tamoules.18(*) Ce qui entrainera le
déplacement de 7000 réfugiés tamouls à Jaffna dans
le nord de l'île.
Cette première guerre d'Eelam va aboutir
à la signature de l'accord indo-sri-lankais en 1987, en vertu duquel,
l'Inde accepte de veiller à ce que les tamouls cessent les
hostilités. Malgré ce premier cessez le feu, les combats entre
l'Indian Peace Keeping Force (IPKF) et les Tigres vont reprendre. Face
à son impuissance, l'IPKF se retire du Sri Lanka en 1990. Cette
deuxième guerre va durer jusqu'en 1994 sans qu'aucun des deux
côtés ne fasse de progrès signifiants. Des pourparlers de
paix auront lieu en août 1994 à la suite de la victoire de
Chandrika Bandaranaike Kumaratunga's People's Alliance aux
élections parlementaires. L'échec de ces pourparlers va conduire
à la troisième guerre de l'Eelam qui sera la plus destructrice
depuis le début de cette guerre civile en 1983. De 1995 à 2001,
le Sri Lanka sera le théâtre de confrontations militaires intenses
et des attaques d'envergure de la part du LTTE contre des cibles
civiles en dehors du nord et de l'est de l'île. A la fin des
années 1990, les Tigres ont le contrôle sur de vastes zones et
atteignent la parité militaire avec le gouvernement. Ils se sont
substitués au gouvernement dans la province du nord-est. Cette situation
va durer puisque jusqu'en 2007, la région de Vanni sera
entièrement sous le contrôle du LTTE et la ville de
Jaffna, capitale de la région nord-est, sera également sous leur
contrôle malgré la présence des forces gouvernementales.
La région nord-est de l'île est largement sous influence du
LTTE qui contrôle la majeure partie du territoire. Pour preuve,
lors des élections présidentielles de 2005, le taux d'abstention
dans certaines villes telles que Jaffna atteignait les 99% et à
Kilinochchi dans le Vanni, il n'y aura qu'un vote. A la fin de l'année
2001, les Tigres et le gouvernement sri lankais déclarent
unilatéralement le cesser le feu. Avec l'aide du gouvernement
norvégien, un accord sera signé en février 2002, mais
très vite, des violations de celui-ci seront
enregistrées19(*)
notamment de la part du gouvernement qui en commettra 54 en 2002 (des
harcèlements contre des civils, des restrictions de mouvements, des
détentions de cadres du LTTE...). 502 cas sont à imputer
au LTTE (enlèvements, conscriptions forcées,
enrôlements d'enfants soldats, extorsions ou encore assassinats). Le
tsunami survenu au mois de décembre 2004 réduit encore les
chances d'obtenir la paix au Sri Lanka. Le LTTE accuse le gouvernement
de léser le nord et l'est dans la distribution de l'aide. La situation
se détériorera à nouveau avec les élections
présidentielles de novembre 2005 pour aboutir à la reprise des
violences en 2006 qui ne cesseront pas au cours des pourparlers de
février à octobre 2006. Le LTTE va connaitre de durs
revers au cours de l'année 2007 à la suite de la grande offensive
lancée contre eux en janvier 2006. Le 11 juillet 2007, le LTTE
va perdre Thoppigala au nord de Jaffna où s'était
réfugiée une partie des combattants du LTTE. S'en
suivront d'autres pertes importantes et le 25 janvier 2009, l'armée sri
lankaise prend le contrôle de Mullaitivu. Il s'agissait de la
dernière ville aux mains des Tigres qui se retrouvent désormais
confinés dans la jungle sur un territoire de 20 km de long et 15 km de
large. Le 16 mai 2009, ils perdent leur accès à la mer, vital
pour leur approvisionnement et déposent les armes le lendemain. Le 18
mai, Vellupillai Prabhakaran est tué par l'armée gouvernementale.
Les sites proches du LTTE ne reconnaitront sa mort que le 24 du
même mois.
Ce conflit trouve son origine dans la répression
par l'État d'une aspiration du peuple tamoul à disposer de
lui-même,20(*) ce
qui a conduit à une guerre civile ethnique selon la définition
proposée par C. Kaufmann dans son article Possible and Impossible
Solutions to Ethnic Civil Wars : « Dans la guerre ethnique
(...) les loyautés individuelles sont à la fois rigides et
transparentes, tandis que la base de la mobilisation de chaque camp est
limitée aux membres de son propre groupe et du territoire
contrôlé (...). Le résultat est que les conflits ethniques
sont avant tout des luttes militaires dans lesquelles la victoire dépend
du contrôle effectif d'un territoire, non pas de la séduction des
membres d'un autre groupe. »21(*) Dans ses débuts, le LTTE a
disposé d'un large soutien populaire qui s'est affaibli au cours du
conflit en raison de la lassitude de la communauté tamoule face à
une situation qui ne semblait pas pouvoir trouver d'issues.
1.1.2. Palestine
Le terme de Palestine désigne depuis l'antiquité
la région du Moyen-Orient entre la mer Méditerranée et le
désert à l'est du Jourdain. Actuellement, la Palestine
désigne, au sens géographique large, un territoire incluant
l'Etat d'Israël, les Territoires palestiniens et une partie du Royaume de
Jordanie, du Liban et de la Syrie. Au sens géopolitique, le terme pose
plus de problèmes. Dans cette étude, le terme de Palestine
désignera la Cisjordanie et la bande de Gaza,22(*) bien qu'aucun Etat n'existe en
tant que tel.
Nous allons tenter de faire un résumé
très sommaire, en effet, le cadre de cette étude ne nous permet
pas une présentation détaillée du conflit
israélo-palestinien.
1.1.2.1. Les origines du conflit
Afin de comprendre les clés du conflit
israélo-palestinien tel qu'il existe aujourd'hui, il est
nécessaire de revenir brièvement sur ses origines. A partir des
années 1880, une communauté juive de type nouveau se
développa en Palestine. Elle n'était pas constituée de
juifs orientaux, historiquement présents sur cette partie du territoire,
mais de juifs du Centre et de l'Est de l'Europe venus restaurer la nation
juive, selon la doctrine sioniste.23(*) Celle-ci consiste en la nécessité pour
la survie du peuple juif, en réaction à la montée de
l'antisémitisme en Europe, de disposer de sa propre terre sous la forme
d'un foyer juif, puis d'un État24(*), situé dans la région historique de la
terre d'Israël, c'est-à-dire en Palestine. A partir de là,
les terres commencèrent à être achetées par des
fonds nationaux. Une partie de celles-ci avait été
déclarée propriété inaliénable du peuple
juif sur laquelle aucun non juif ne pouvait être employé. C'est
également durant cette période que des premiers signes de
contestations arabes face à ce projet, virent le jour. Les racines du
conflit sont, pour une grande partie, à chercher dans la naissance du
sionisme politique qui apparait à la fin du 19ème siècle
et dont le théoricien le plus connu est Théodore Herzl
(1860-1904).25(*)
Le grand tournant va avoir lieu le 29 novembre 1947 avec le
vote de la résolution 181 des Nations Unies qui prévoit
la création de deux États: un juif et un arabe, ainsi qu'une zone
"sous régime international particulier".26(*) Cette résolution 181, qui n'est
qu'une recommandation et non un acte juridiquement valable,27(*) va être
décriée par les deux camps, aussi elle ne rentrera jamais en
application, cependant, cela met fin au mandat britannique sur la Palestine.
Les premiers affrontements entre Israéliens et Palestiniens commencent
alors au mois de décembre 1947. Peu de temps après, le 14 mai
1948, Ben Gourion proclame l'État d'Israël. Cette annonce va
provoquer l'entrée immédiate des États arabes28(*) en guerre qui vont investir la
Palestine. Un équipement et une organisation de l'armée
israélienne supérieure à ceux des arabes va conduire cette
première à une avancée rapide, puis à sa victoire
en 1949, qui va repousser les frontières de l'État d'Israël
et lui faire gagner un peu plus d'un tiers de son territoire. Israël
occupe la partie ouest de Jérusalem désormais capitale du nouvel
État membre du conseil de l'ONU à partir du 11 mai 1949.
Cette première guerre a entrainé une
première grande vague de réfugiés palestiniens à la
suite de massacres et d'expulsions de masses qui commenceront dès le
mois d'avril. Ces évènements, appelé
al-Nakba29(*) par
les palestiniens, vont conduire au passage de plus de 500 villages sous
contrôle israélien, et à la fuite de 750 000
réfugiés palestiniens ou 726 000 selon l'agence des Nations Unies
pour les réfugiés de Palestine.30(*) Le problème des réfugiés fut
traité d'une telle manière par l'ONU que ces milliers de
personnes, entassées dans des camps, ne purent pas s'installer sur une
terre de Palestine.31(*)
1.1.2.2. Les débuts de l'opposition
palestinienne
Durant les quinze années qui ont suivi, Israël n'a
été confronté à aucune opposition palestinienne.
Puis, en 1959, des étudiants palestiniens, parmi lesquels Yasser Arafat,
crée une organisation dont le but est de reconquérir la Palestine
par la lutte armée. Cinq ans plus tard, le 29 mai 1964, se
réunit le premier Congrès national palestinien à
Jérusalem. Sous la présidence d'Ahmed Choukeiri, le
Congrès vote la création de l'Organisation de Libération
de la Palestine (OLP). La charte de l'OLP32(*), adoptée le 2 juin, récuse le partage
de la Palestine de 1947 et ne reconnaît pas l'État d'Israël.
Lors de ce congrès, Choukeiri donne le ton de cette lutte pour la
reconquête de la Palestine: «Nous sommes las d'attendre et de
désespérer. Il nous a fallu seize ans pour refaire notre
unité, et nous n'attendrons pas seize années pour passer à
l'action. Or l'action, cette fois, ne sera ni politique ni diplomatique, mais
rien que militaire. Il est demandé aux Palestiniens de lutter et de
mourir, mais leur lutte et leurs sacrifices seront conditionnés par les
moyens que les gouvernements arabes mettront à leur disposition (...) le
malheur a voulu que notre lutte ne ressemblât en rien à celle des
autres peuples opprimés. Les Cubains, les Angolais, les Algériens
ont lutté chez eux dans leur pays. Nous autres avons été
privés de ce tremplin qu'est la terre de nos ancêtres. Nous
voilà réduits à lutter pour trouver d'abord notre
personnalité. Qu'avons-nous à perdre? Pourquoi faut-il qu'un
réfugié meurt de faim sous la tente au lieu d'être
tué au front les armes à la main?»33(*)
A la suite de plusieurs semaines de menaces belliqueuses et
d'actes d'hostilité de la part des pays arabes, Israël passe
à l'offensive. Il s'agit de la guerre des six jours qui dura du 5 au 10
juin 1967; Guerre dont l'Etat d'Israël sortira grand vainqueur puisqu'il
va faire main basse sur la Cisjordanie et la partie orientale de
Jérusalem, jusqu'alors sous contrôle jordanien, puis de la bande
de Gaza sous tutelle égyptienne, le plateau du Golan syrien et le
Sinaï égyptien. La Cisjordanie va être colonisée
dès l'été, ce qui entrainera une nouvelle vague de
réfugiés palestiniens. Pour certains d'entre eux, il s'agit d'un
nouveau départ celui de 1948.
Six ans plus tard, le 6 octobre 1973, une nouvelle guerre
éclate, appelée la Guerre du Kippour. Le jour de la plus grande
fête religieuse juive, le jour du Grand Pardon ou Yom
Kippour, les forces égyptiennes passent le canal de Suez et les
Syriens pénètrent dans le Golan. Le 24 octobre, l'Etat
d'Israël sort victorieux de cette guerre. Cependant, le pays aura subi de
lourdes pertes et la direction travailliste sort durablement
ébranlée de cette guerre. L'OLP, quant à elle, s'implante
solidement dans le sud Liban34(*), d'où ses commandos multiplient les raids
contre Israël. L'Organisation sera reconnue seule représentante du
peuple palestinien lors du sommet arabe d'Alger (26-28 novembre 1973) et Yasser
Arafat obtient de l'ONU, en 1974, le droit des palestiniens à
l'indépendance et à l'autodétermination et pour l'OLP, le
statut d'observateur.
Le 19 novembre 1977 est une date historique dans le conflit
des pays arabes contre l'Etat hébreu. Le président
égyptien, Anouar el-Sadate, se rend à Jérusalem pour y
rencontrer le Premier ministre israélien, Menahem Begin. Le
président égyptien exhorte alors le Premier ministre à
échanger les territoires contre la paix. Cette rencontre va aboutir aux
accords de Camp David signés le 17 septembre 1978 en présence du
président des Etats Unis, Jimmy Carter. Le premier accord autorise la
récupération du Sinaï par l'Egypte effective en 1982, ainsi
que l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays et la
reconnaissance d'un droit légitime des Palestiniens. Le second
prévoit, quant à lui, un régime d'autonomie substantielle
en Cisjordanie et à Gaza. Cependant, il ne sera jamais appliqué.
Ces accords seront fortement dénoncés dans le monde arabe et
rejetés par les palestiniens qui poursuivent leur guérilla contre
Israël à partir du sud Liban. Afin de lutter contre celle-ci,
Menahem Begin et son ministre de la Défense Ariel Sharon lancent
Tsahal35(*)
à l'attaque du Liban le 6 juin 1982. L'armée assiège
Beyrouth puis entre dans Beyrouth-Ouest, obligeant l'OLP à se
réfugier à Tunis en août. A peine élu, le
président libanais Béchir Gemayel est assassiné dans un
pays miné par les guerres intestines. Les milices libanaises
chrétiennes entrent en force dans les camps de réfugiés de
Sabra et Châtia les 16 et 17 septembre et y massacrent des centaines de
civils. Témoin des évènements, Tsahal ne fait
rien, provoquant ainsi la colère de 300 000 citoyens
israéliens qui manifestent leur indignation à Tel-Aviv. Selon les
services de la protection civile, 1500 palestiniens et libanais auraient
été tués. En 1983, des accords de paix seront
signés entre Israël et le Liban, toujours en proie à une
guerre civile. Cependant, Israël ne se retirera du Liban qu'en 1985 et
conservera le contrôle de la bande frontalière sud, puisque des
groupes armés présents au sud, dont le Hezbollah, attaquent le
nord d'Israël.
Le seizième Conseil national palestinien adopte le plan
de Fès qui appelle à la création d'un Etat palestinien
indépendant. Il reconnaît l'OLP réunifiée comme
seule représentante légitime du peuple palestinien et le droit
à la paix de « tous les Etats de la
région ».
Parallèlement, l'occupation militaire
israélienne à l'issue de la guerre de 1967 va poser le
problème de l'autonomie palestinienne et de la création d'un Etat
palestinien. Cette occupation, qui exclue Jérusalem annexée et
désormais capitale de l'Etat hébreu, donnera place à un
gouvernement militaire des zones occupées qui sera prolongé d'une
administration civile créée en 1981 prenant en charge les
principaux services publics. Durant la même période, des colonies
israéliennes vont commencer à s'implanter en Cisjordanie. Ce qui
ne devait que constituer des espaces de peuplement israélien, vont vite
devenir des enclaves de l'Etat d'Israël où s'applique le droit
israélien et qui font fondre les « Territoires » qui
pourraient devenir des territoires autonomes palestiniens.
Le 9 décembre 1987, les palestiniens déclenchent
la première Intifada, appelée aussi la
« guerre des pierres » en réponse à
l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza. Ce
soulèvement, selon la traduction littérale du terme en arabe,
naît dans la bande de Gaza pour s'étendre à la Cisjordanie.
L'Intifada donne une nouvelle impulsion au nationalisme palestinien en
portant le conflit « sur son sol » et conduira à une
prise de conscience nationale plus concrète au sein de la population
palestinienne.36(*)
1.1.2.3. Le processus de paix de 1993
La première Intifada va s'avérer
très dommageable pour l'image d'Israël sur le plan international,
à tel point qu'ils seront contraints d'envisager un processus de
reconnaissance de l'OLP.37(*) Ce soulèvement prendra alors fin le 13
septembre 1993 avec la reconnaissance de l'OLP du « droit à
l'Etat d'Israël d`exister en paix et en sécurité »
et à celle du gouvernement israélien de « l'OLP comme
le représentant du peuple palestinien »38(*), ainsi qu'avec la signature
des accords d'Oslo à Washington par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en
présence de Bill Clinton, alors président des Etats Unis. Cet
accord esquisse une procédure et un calendrier pour
l'établissement d'une autonomie palestinienne devant aboutir, au bout de
cinq ans, à un « règlement permanent » non
précisé auquel sont reportés les problèmes les plus
importants comme la définition des frontières et le statut de
Jérusalem. Cependant, sept ans plus tard, nous ne pouvons que constater
l'échec de cette promesse de paix entérinée au mois de
juillet 2000 au camp David quand les deux parties se sont confrontées
pour la première fois aux problèmes de fond que sont le maintien
des colons en Cisjordanie, le maintien de la souveraineté d'Israël
sur l'esplanade des Mosquées, le retrait total des israéliens des
territoires occupés ou encore le droit au retour des
réfugiés. Deux mois plus tard, Ariel Sharon effectue une visite
sur l'esplanade des mosquées. Cet évènement sera ressenti
par les palestiniens comme une véritable provocation et conduira
à la seconde Intifada, connue sous le nom d'Intifada
Al-Aqsa. Il s'agit, à la base, d'un soulèvement populaire,
tout comme la première Intifada, qui va très vite se
transformer en un conflit armé, « mêlant les
opérations de guérillas en Cisjordanie et dans la bande de Gaza
aux attentats aveugles en Israël »39(*)
Cette année 2000 va marquer un véritable
tournant pour le peuple palestinien qui voit tout espoir d'un processus de paix
à court terme s'effondrer. L'OLP va alors perdre une grande partie de
son soutien auprès de la population.
Du côté palestinien, le conflit qui les oppose
à Israël est une lutte contre l'occupation étrangère
illégitime sur leur sol. C'est également une lutte pour la survie
du peuple, ainsi que son identité qui ne peut plus s'exprimer sur un
territoire reconnu légitimement par les instances internationales.
1.1.3. Pakistan et
Afghanistan
L'Afghanistan et le Pakistan sont deux pays touchés par
le phénomène des enfants dans les attentats suicides. Nous avons
fait le choix de regrouper l'étude des deux pays en une seule partie,
car, en ce qui concerne les attentats suicides, la frontière entre les
deux pays est assez floue. De plus, nous avons pu remarquer que les
caractéristiques du phénomène étudié ne
varient que très peu d'un pays à l'autre. Ce qui est certainement
dû au fait, qu'il s'agit du même groupe armé des deux
côtés de la frontière.
En ce qui concerne la description du phénomène
géopolitique, l'étude des deux cas se fera de manière
séparée
1.1.3.1. Afghanistan
En avril 1978, le Hezb-i-demokrâtik-i-khalq-i
Afghanistan, Parti démocratique du peuple d'Afghanistan,
mène un coup d'Etat avec le soutien des services soviétiques
contre la République présidée par Daoud Khan. Le nouveau
régime pro-communiste de la République Démocratique du
Peuple Afghan n'arrivant pas à s'imposer, l'URSS envahit l'Afghanistan
pour tenter de mettre fin à la guerre civile et maintenir le
régime communiste au pouvoir. De 1979 à 1989, le pays va
être en proie à une nouvelle guerre opposant les communistes
afghans et les soviétiques aux moudjahidines40(*). La résistance
afghane va s'organiser autour d'une demi-douzaine de mouvements sunnites
dominés par le Hezb-. I-Islami ou Parti de l'Islam (HIA). A
partir de 1982, plusieurs milliers d'Arabes sunnites d'origine essentiellement
saoudienne et égyptienne mais également algérienne,
marocaine, yéménite ou jordanienne vont venir grossir les rangs
des « volontaires afghans » pour lutter contre
l'envahisseur soviétique. Ceux-ci auront comme point de chute le
Pakistan où ils seront soumis à une double formation religieuse
et militaire au sein d'une dizaine de camps d'entrainement tenu par le
HIA.41(*) Après le
retrait de l'URSS en 1989, à la suite de la signature de l'accord de
retrait signé par Gorbatchev en 1988, le parti communiste reste au
pouvoir sous la présidence de Nadjibullah jusqu'en 1992. En avril de
cette même année, les résistants afghans, toutes ethnies
confondues, mettent un terme, sous le commandement de Massoud, au régime
communiste. Il s'agit de l'Etat islamique des Moudjahidin qui tiendra
jusqu'en 1996. Dans ce nouveau régime, les pachtouns ne sont
absolument pas majoritaires, ce qui va conduire à la frustration des
tribus pachtouns qui ne l'accepteront pas. Un mouvement constitué
essentiellement d'étudiants des madrassas déobondi du
Pakistan va voir le jour sous l'impulsion des chefs pachtouns afghans.
A partir de 1994, cette milice constituait « une force armée
suffisamment forte pour que les services secrets de l'armée
pakistanaise, l'ISI, s'appuient sur elles (les forces talibanes) afin de
combattre le gouvernement de Kaboul qu'ils ne jugeaient pas suffisamment
inféodé à la politique du Pakistan. »42(*)Les talibans sont
précisément les acteurs que nous allons étudier. Aussi,
nous n'irons pas plus loin ici dans leur description, car le reste de la partie
sera consacrée à cet effet. En 1996, ils vont prendre Kaboul et
jusqu'en 2001, ils vont conquérir une grande partie du territoire
afghans. Détenteur du pouvoir au Sud du pays, ils vont remettre en
question le principe de l'Etat pour celui d'Umma ou d'Emirat.43(*)L'Emirat d'Afghanistan des
Talibans ne sera reconnu que par trois Etats qui sont l'Arabie Saoudite, les
Emirats Arabes Unis et le Pakistan. Tandis que l'Etat Islamique des
Moujahidin au Nord, dirigé par le Président Rabbani, est
reconnu officiellement par l'ONU. Si le phénomène taliban n'a pas
été vu, dans un premier temps, comme un phénomène
intégriste dangereux, le retour à des valeurs islamiques
fondamentalistes et l'apparition, avec leur complicité,
d'arabo-musulmans de la mouvance al-Qaeda, va très vite poser
problème aux afghans, pachtouns compris. L'autre point qui posait un
problème, notamment au commandant Massoud, était leur
instrumentalisation par les services secrets de l'armée pakistanaise.
Les évènements du 11 septembre vont marquer un
nouveau tournant dans l'histoire d'Afghanistan. La résolution
136844(*) va conduire les
Etats Unis dans une guerre « interminable » en Afghanistan.
L'opération militaire lancée pour renverser le régime des
Taliban est appelée Enduring Freedom. Et elle débutera
le 7 octobre après que le gouvernement de Kaboul ait refusé la
demande formulée par les Etats Unis de livrer Ben Laden et de fouiller
les camps d'entrainements d'al-Qaeda. Le gouvernement de Kaboul va
s'effondrer le 17 novembre. Un processus de state building est
lancé à la suite de la signature des accords inter afghans de
Bonn-Petersberg le 5 décembre 2001. Il s'agit d'un processus
d'assistance à la reconstruction de l'Afghanistan animé par l'ONU
et qui implique une participation active des responsables afghans et de la
population.45(*) Cette
conférence, qui regroupe les principaux chefs des tribus afghanes ayant
combattus les talibans, va voir naitre une Autorité intérimaire
présidée par Hamid Karzaï et sera installée à
Kaboul le 22 décembre 2001. En juin 2002, le Grand Conseil des chefs de
tribus, la Loya Jirga, se réunit à Kaboul, confirme les
dispositions prises à Bonn et confie à Karzaï la
présidence d'un Etat islamique transitoire pour une durée de deux
ans. Puis le 4 janvier 2004, une nouvelle constitution est votée qui met
en place une République islamique fonctionnant sur un mode
présidentiel. Le 19 décembre 2005, Hamid Karzaï est
élu président.
En parallèle, une situation insurrectionnelle s'est
installée dans certaines provinces d'Afghanistan, notamment au sud et au
sud-est.
La défaite des talibans à l'automne 2001 a
provoqué une vague d'optimisme de la part des américains
concernant la suite des évènements. Cependant, il est apparu
qu'il était très difficile de stabiliser la situation.
Très rapidement, une guérilla s'est constituée sur la
frontière afghano-pakistanaise. Avec la défaite, une partie des
combattants s'est fondue dans la population tandis qu'une partie des
responsables est allée se réfugier au Pakistan. Ils vont alors
pouvoir se réorganiser à partir de cet espace. Puis, ils sont
retournés en Afghanistan au cours de l'été 2002 où
ils contrôlent en grande partie les campagnes pachtounes au sud de
Kaboul. L'insurrection, devenue guerre civile, ne semble pas pouvoir être
endiguée dans les prochaines années. A ce sujet, au cours de
l'année 2009, le général Petraeus confia à
Woodward46(*) :
« Ce conflit, nous n'en verrons pas la fin, ni même
peut-être nos enfants. »47(*)Dans un rapport rédigé en 2009, le chef
du commandement central des guerres en Irak et en Afghanistan a
déclaré, dans la partie intitulée « Les facteurs
de réconciliation faisant défaut en Afghanistan » que
certains points rendaient une stabilisation impossible. Parmi lesquels, on peut
citer :
- « Les talibans et les autres groupes
insurgés pensent qu'ils sont en train de gagner la guerre, pas de la
perdre.
- Les leaders et les membres insurgés sont largement
autochtones. Ce ne sont pas des éléments insurgés comme en
Iraq.
- Les talibans ont la capacité-supérieure
à celle du gouvernement dans certaines zones- de fournir un
système de gouvernement efficace, d'assurer la sécurité
publique et de trancher les conflits domestiques »48(*)
1.1.3.2. Pakistan
La frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan est
constituée par la « ligne Durand ». Cette
frontière, établie le 12 mars 1893 par un accord entre
l'émir Abdur Rahman Khan et sir Mortimer Durand pour l'empire
britannique, constitue un contentieux constant entre les deux pays. Elle coupe
les zones tribales du Pashtounistan et du Baloutchistan en deux et sert de
prétexte aux revendications territoriales. C'est une des raisons pour
laquelle chacune des deux capitales a toujours soutenu et accueilli les
opposants au gouvernement de l'autre.
Le Pakistan a été entrainé malgré
lui, par les Etats-Unis, dans leur guerre contre l'Afghanistan.49(*) Depuis la victoire militaire
américaine en Afghanistan, les Etats-Unis n'ont de cesse d'impliquer le
gouvernement pakistanais de mener une guerre contre le terrorisme. Dès
2002, le président Musharraf dénonce les extrémistes venus
de l'ouest. En décembre 2003, après avoir échappé
à deux attentats, il déclare : « La plupart des
attentats qui ont lieu au Pakistan ont été conçu par ces
gens », et conclu par : « Nous ne permettrons pas de
tels actes au Pakistan »50(*). La politique de Musharraf envers les talibans dans
les zones tribales reste cependant très hésitante entre
l'année 2003 et l'année 2007. En effet, celui-ci a parfois
recourt à l'armée pour expulser les talibans et d'autres fois, il
tente le compromis avec eux. La véritable rupture se produit le 11
juillet 2007 avec la fusillade de Lal Masjid (la mosquée Rouge) à
Islamabad. Quelques jours plus tard, les talibans déclarent la guerre
à l'Etat pakistanais. A la fin de l'année 2007, une insurrection
fait rage non seulement dans l'ensemble des FATA mais également dans la
quasi-totalité de la province de la région du Nord-Ouest. Ces
zones sont alors hors du contrôle du gouvernement. Cette montée
de la violence dans les zones tribales est très probablement due aux
attaques lancées par les Etats-Unis, sans l'autorisation du gouvernement
pakistanais, dans la ceinture tribale du Pakistan provoquant la mort de
nombreux civils. Selon P.S. Jha, « l'intervention militaire ouverte
des Etats-Unis au Pakistan a pu dès lors constituer le point culminant
d'une série d'erreurs aboutissant à la dislocation de l'Etat
pakistanais et transformant la plus grande partie de son territoire en un
nouveau foyer de terrorisme international. »51(*)
Depuis, les attentats suicides dans ces zones n'ont de cesse
d'augmenter.
1.1.3.3. Analyse comparative
En guise de conclusion pour cette première sous partie,
nous allons procéder à une analyse comparative de ces
différentes situations afin de voir en quoi ces conflits se ressemblent
et diffèrent. Nous n'allons cependant pas faire une comparaison
exhaustive des conflits présentés plus haut, car ce n'aurait
qu'un intérêt limité pour cette étude. Nous allons
simplement mettre en avant les éléments qui selon nous, ont pu
conduire à l'utilisation des enfants dans les attentats suicides.
Mis à part le Pakistan, nous avons à faire
à des conflits extrêmement longs dans la durée. Le Sri
Lanka a connu une guerre de presque trente ans, si on considère que
celle-ci est terminée. L'Afghanistan, quant à lui, est le
théâtre de conflits depuis 1978, soit trente trois ans
aujourd'hui, et nul ne sait quand la situation s'arrangera. Sur ce point, les
observateurs internationaux ne sont pas très optimistes, tout comme le
peuple afghan. Tandis que le conflit israélo-palestinien dure depuis
plus de soixante ans avec une intensité variable dans le temps. Une
question se pose : les peuples concernés n'ont-ils pas perdu espoir
de voir la paix s'instaurer de leur vivant ?
Un autre point de convergence entre les situations
étudiées est la désignation par l'opposition d'un ennemi
précis et présent physiquement dans les zones. Que ce soit les
cingalais, les israéliens, les forces armées américaines,
pakistanaises ou afghanes (vu par une frange du peuple variable comme des
traitres), ils sont diabolisés et sont perçus comme une menace
pour la survie de la communauté et/ou de sa culture. En ce qui concerne
le Pakistan, l'ennemi représente surtout une menace pour les valeurs du
peuple musulman et moins une menace pour l'intégrité physique de
la communauté. Tandis, que les nationalistes tamouls, comme nous l'avons
vu, parlent d'un génocide des cingalais à leur encontre. En ce
qui concerne les pachtounes, la menace est avérée dans certaines
régions d'Afghanistan, notamment le nord où l'on peut constater
un nettoyage ethnique. Les conflits menés contre les armées
régulières sont alors vus comme des guerres de libération
contre une occupation considérée, à tord ou à
raison, comme oppressive.
1.2. Les groupes
Nous allons désormais passer à la description
des groupes qui utilisent les enfants dans les attentats suicides dans chacun
des conflits décrits précédemment. Ces groupes, qui n'ont
pas été cités avant, sont le LTTE pour le Sri
Lanka, le Hamas et le Jihad Islamic pour la Palestine et les
Talibans pakistanais pour l'Afghanistan et le Pakistan. Dans un
premier temps, nous nous appliquerons à décrire l'historique et
la structure de chacun d'eux. Puis, nous verrons les idéologies sur
lesquelles ils se reposent et leurs différentes revendications. Et
enfin, nous nous pencherons sur l'utilisation générale qu'ils
font de l'attentat suicide et l'introduction des enfants dans ceux-ci. Comme
dans l'exposition des contextes géopolitique, cette partie n'est pas
exhaustive, car il s'agit là de comprendre qui sont les groupes qui
utilisent des enfants dans les attentats suicides. Nous n'en dégagerons
donc que les caractéristiques principales afin de voir quelles sont les
convergences et les divergences entre les différents groupes.
1.2.1. Historique des groupes
et leur organisation
1.2.1.1. Le LTTE
Le Liberation Tigers of Tamoul Eelam52(*) est un groupe
appelé à l'origine les « Nouveaux Tigres
tamouls » (TNT) qui fut créé le 22 mai 1972. Il faisait
partie d'une organisation plus large connue sous le nom de Front uni de
libération tamoul (TULF). En 1976, à la suite de l'arrestation du
leader Chetti Thanabalasingham Prabhakaran, Velupillaï Prabhakaran, un
membre du TNT, prend la tête de l'organisation qui devient, le 5 mai
1976, le LTTE.
Dès les années 1980, les leaders du LTTE
mettent en place une structure complexe avec une aile politique et une
aile militaire. Au niveau politique, ils se sont organisés sur un
modèle gouvernemental avec des postes ministériels, un parlement
et ont une « juridiction » dans les territoires qu'ils
contrôlent. D'un point de vue militaire, ils se sont organisés sur
le modèle d'une armée conventionnelle. Leur armée est
ainsi organisée en unités de combat réparties entre des
unités directement subordonnées au Comité Central de
Direction (CCD) et des unités des forces
« régulières ».53(*) Cette organisation très
structurée a fait du LTTE un exemple en terme de moyens
d'action dans une guérilla. Ils usent, bien évidemment, des
procédés asymétriques classiques ou irréguliers,
pour reprendre les termes du spécialiste des guérillas
Gérard Chalian.54(*)
Ils se sont très vite imposés comme
l'organisation principale de représentation de la communauté
tamoule. Cependant, en 2004, l'organisation a du faire face au Groupe Karuna
créé le 6 mars par le colonel Vinayagamoorthy Muralitharan,
commandant des LTTE dans la région de Batticaloa qui a fait
sécession avec des milliers de ses combattants. Des combats auront lieu
entre les deux groupes, ce qui portera un coup sévère au LTTE.
Le LTTE possède un puissant réseau international
constitué de la diaspora qui représente environ 1,5 à 1,8
millions de tamouls dans le monde. Pour Oliver Guillard, directeur de recherche
Asie à l'Institut des relations internationales et stratégiques
(IRIS), cette diaspora est contrôlée par le LTTE.55(*) Et de rajouter: «Tout est
régi d'une main de fer. Chacune des familles à l'étranger
doit verser un impôt révolutionnaire au soutien de la cause
tamoule. C'est une participation financière sur une base mensuelle ou
trimestrielle qui est indexée sur le revenu de la famille et le nombre
de personnes dans le foyer.»56(*) Ce qui fait donc du LTTE une puissante organisation
transnationale qui a réussi à rallier la quasi
intégralité de la communauté tamoule, par des moyens plus
ou moins oppressifs, à sa cause.
Comme beaucoup de milice, le LTTE s'est criminalisé en
mettant en place des pratiques prédatrices (trafic de drogues avec le
Pakistan, racket...) 57(*)Le racket n'est pas moins un instrument de
contrôle social qu'un instrument d'extraction économique.
Le LTTE est placé sur la liste officielle des
organisations terroristes d'une trentaine de pays ou organisations
internationales dont les Etats-Unis, l'Union Européenne depuis 2006,
l'Inde depuis 1992 et le Royaume Unis depuis 2000. Au Sri Lanka, ils seront
officiellement interdits en 1998, mais retrouveront une existence légale
en 2002 afin qu'ils puissent mener des négociations avec le
gouvernement. Cependant, ils se retireront de la table des négociations
en 2003.
1.2.1.2. La Palestine
Le cas de la Palestine est plus complexe que celui du
LTTE. Les Tigres ont, comme nous l'avons vu plus haut, très
vite éliminé les principaux mouvements concurrents au leur pour
s'imposer comme représentant exclusif de la communauté tamoule.
En Palestine, plusieurs groupes coexistent dans les territoires occupés.
Ils sont en concurrence et ne s'entendent pas forcément entre eux. Nous
ne verrons que les groupes dont nous sommes sûres qu'ils utilisent, ou
ont utilisé, des enfants pour mener des attentats suicides. Ces groupes
sont le Hamas et le Jihad Islamic connu aussi sous le nom de
Djihad Palestinien Islamique (DIP) ou Mouvement du Jihad Islamique
Palestinien (MIJP). Il faut noter que les Brigades al-Aqsa,
faisant partie du Fatah, ont également été
impliquées dans des attentats suicides menés par des enfants,
cependant il semble que ce fut de manière bien plus marginale. C'est
pourquoi, nous avons choisi de ne pas l'étudier ici.
- Le Hamas
Le Hamas, ou Harakat al-Mouqawama
al-Ilamiya58(*), est
un groupe islamique palestinien créé le 14 décembre 1987,
soit cinq jours après le début de l'Intifada, par le
Cheikh Ahmed Yassine, chef historique et spirituel du groupe alors situé
à Gaza, ainsi que par 'Abd al-Fattah Dukhan, Mohammed Shama', Ibrahim
al-Yazuri, Issa al-Najjar, Salah Shehadah et 'Abd al-Azziz Rantisi. A la mort
de ce dernier, le 22 mars 200459(*), il sera remplacé par l'un des cofondateurs,
Abd al-Aziz Rantisi. Tué à son tour le 17 avril 2004, Khaled
al-Mash'al lui succédera en tant que chef politique du mouvement. Le
Hamas est issue du mouvement créé en 1967,
al-Moujamma al-Islami60(*) et enregistré légalement en Israël
en 1978 par le Cheikh Ahmed Yassine.
Le Hamas va se développer assez rapidement et
va bénéficier à la fois des échecs de Yasser Arafat
sur le plan international et de la délocalisation de l'OLP au Liban, en
Tunisie et en Irak qui va laisser un vide dans les territoires occupés.
L'OLP recommence à gagner en légitimité avec les accords
d'Oslo en 1993 et retrouve ainsi ses financements extérieurs qui lui
permettent de développer son action sociale et de reprendre du terrain
sur le Hamas. Cependant, l'attitude israélienne
vis-à-vis des dirigeants palestiniens sera un facteur important dans la
décrédibilisation du processus de paix, ce qui redonnera une
place au Hamas. A tel point que le 26 janvier 2006, le groupe sort
vainqueur des élections parlementaires avec l'obtention de 74 des 132
sièges du Parlement palestinien faisant de lui la première force
politique palestinienne devant le Fatah qui n'a obtenu que 45
sièges. Ce qui va induire de vives tensions entre le Fatah et
le Hamas et à la prise de pouvoir par la force dans la bande de
Gaza par ce dernier en juin 2007.
En termes de structure, le Hamas travaille en petites
cellules afin d'optimiser la sécurité car il devient difficile
d'en tirer des informations ou de les pénétrer.
Il bénéficie d'un soutien auprès de
nombreux pays musulmans dont l'Arabie Saoudite et l'Iran qui, à lui
seul, lui fournirait un tiers de ses revenus annuels, soit 10 millions de
dollars.61(*)
Le Hamas est sur la liste officielle des
organisations terroristes d'Israël, du Canada, des Etats-Unis, de l'Union
Européenne et du Japon. Pour la Grande Bretagne et l'Australie, seule la
branche armée du Hamas est classée comme terroriste.
- Le Djihad Islamique Palestinien
Le Djihad islamique Palestinien (DIP) a
été créé par des étudiants de
l'Université Islamique de Gaza en 1982. Son fondateur et chef spirituel,
le Cheikh Asaad Bayoud al-Tamimi est emprisonné à vie en
Israël. Depuis son lieu de détention, il entretien des liens
étroits avec le Hamas. Les premiers leaders du groupe, qui
l'ont d'ailleurs rendu opérationnel, sont Fathi Abd al-Aziz al-Shiqaqi
et Cheikh Abd el-Aziz Awdah. Depuis la mort de Fathi Shiqaqi, assassiné
à Malte le 26 octobre 1995, le DIP est dirigé par le Dr Ramadan
Abdallah Shalah qui occupe la fonction de
secrétaire-général du mouvement basé à
Damas.
Le DIP, essentiellement présent dans la bande de Gaza
et dans la région de Jénine, est organisé en deux
branches ; l'une politique et l'autre militaire. Cette dernière a
été réorganisée en 1992 sous l'impulsion de Mahmoud
al-Khawaja.62(*) Cette
structure, nommée as-Sarayat al-Qods (la Compagnie de
Jérusalem), va ainsi constituer le bras armé du DIP et deviendra
très vite un des groupes palestiniens les plus virulents. Elle est
subdivisée en cellules opérationnelles clandestines strictement
cloisonnées. Contrairement au Hamas, le Jihad Islamic
ne comporte aucun programme social et éducatif.
Cette organisation est largement soutenue par l'Iran dont les
Pasdarans63(*)
instruisent les recrues dans les camps d'entrainement du Hezbollah
dans la plaine de la Beka'a et, depuis 1996, en Iran.64(*)
Le DIP est inscrit sur la liste des organisations terroristes
d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union Européenne.
1.2.1.3. Pakistan et Afghanistan
Il existe différents groupes considérés
comme terroriste au Pakistan. Dans les sources sur lesquelles nous nous sommes
appuyés pour mener cette étude, la responsabilité de
l'utilisation des enfants dans les attentats suicides, lorsque le nom du groupe
est donné, incombe aux Talibans pakistanais.
Ce mouvement a été créé par le
mollah Mohammed Omar en septembre 1994. Il est issu des écoles
coraniques sunnites du sud de l'Afghanistan.65(*) Dès sa création, le mouvement va
connaitre un énorme succès et va conquérir la
quasi-totalité de l'Afghanistan à l'exception du nord-ouest du
pays qui reste entre les mains d'Ahmed Shah Massoud.
Jusqu'en 2001, les talibans seront en proie à
d'importantes divisions internes qui portaient notamment sur les luttes et
rivalités personnelles entre tribus et chefs de factions ou encore sur
la priorité donnée par les Ouzbeks au Jihad contre le
gouvernement pakistanais par rapport au Jihad contre les forces
occidentales. L'unité va être impulsée par l'invasion
américaine d'octobre 2001. Il s'agit désormais de combattre un
ennemi commun. C'est également à cette période qu'ils ont
opérés un repli au Pakistan donnant ainsi une dimension
transfrontalière au mouvement.
Les talibans vont commencer à se structurer et
s'organiser après l'appel au Jihad lancé par le Mollah
Omar en mars 2003 contre les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et
afghans. La zone frontalière de l'Afghanistan va être
découpée en cinq zones opérationnelles qui semblent
s'articuler en trois zones de commandement. Les zones tribales
fédérales du Pakistan, quant à elles, servent de bases
logistiques
Le 15 décembre 2007, les Talibans annoncent la
création d'une organisation commune, le Tehrik
Taliban-i-Pakistan, qui signifie littéralement Mouvement Taliban du
Pakistan, basé au Sud Waziristân et dirigé par Baitullah
Mehsud. Il regroupe les talibans des zones tribales et des territoires du
Nord-ouest du Pakistan.
L'identité des membres de ces groupes suscite de vives
polémiques, et surtout ceux dirigeant des attaques. Les analystes
s'accordent désormais pour dire que la majorité est afghane.
D'autres, cependant, affirment que ce sont des étrangers ou des afghans
ayant vécu la majorité de leur vie au Pakistan.
Les talibans disposent de réseaux internationaux par le
biais, notamment, de madrassas fondamentalistes. Ils peuvent
également compter sur l'opinion publique pakistanaise qui est largement
anti-américaine.66(*) Pour d'autres raisons, les talibans en Afghanistan
comptent un soutien important au sein de la population pachtoune. Depuis
qu'Hamid Karzaï est au pouvoir, les pachtounes sont marginalisés
politiquement au profit des ethnies du Nord. Contrairement aux Ouzbeks ou aux
Hazaras, ils ne sont représentés par aucun parti régional,
ils ne peuvent alors se reconnaitre que dans les talibans
Outre les soutiens internationaux, l'organisation trouve une
partie non négligeable de ses financements dans la vente de drogue et le
trafic de contrebande à la frontière.
Il faut noter que les talibans n'ont pas été
portés sur la liste officielle des organisations terroristes des
Etats-Unis. Cet élément surprenant est dû à la
politique américaine qui s'oppose au principe de négocier avec
des terroristes. Afin de permettre au gouvernement Karzaï de trouver une
solution négociée au conflit, les Etats-Unis ont choisi de ne pas
les y inscrire.
1.2.1.4. Analyse comparative
Ces organisations dont nous venons de faire l'historique ont
un point commun : elles ne sont pas reconnues par les instances
internationales. Ce sont également des groupes non gouvernementaux.
Trois d'entre eux sont inscrites sur la liste officielle des organisations
terroristes des Etats-Unis. Les talibans n'en font pas encore partis pour des
raisons stratégiques.
Dans la liste des points communs, nous pouvons ajouter que ces
groupes sont tous très bien organisés, surtout dans le cas du
LTTE, ce qui les rend apte à mener des actions importantes et
régulières. Cette organisation est soutenue et appuyée par
des financements extérieurs qui leur permet de développer une
structure logistique importante.
Une grande différence oppose le LTTE aux
autres groupes étudiés ; il s'agit de la position du leader
au sein du groupe. Velupillaï Prabhakaran n'est pas seulement le chef du
mouvement, mais il l'incarne. Il a bâti autour de lui un véritable
culte de la personnalité. Ce qui n'est pas le cas des autres leaders,
qui, nous l'avons vu, sont remplaçables.
Contrairement aux autres groupes qui se sont organisés
très vite, les talibans ont eu du mal à trouver leur
équilibre. Cependant, nous pouvons remarquer qu'ils ont pu former leur
unité lorsqu'ils étaient face à une menace imminente et
extérieure, la menace américaine. Nous remarquons ainsi que
l'ensemble des organisations ont un ennemi bien déterminé qui
diffère d'eux par leur origine ethnique, leur religion ou les deux
à la fois.
1.2.2. Idéologie,
revendications, objectifs
Chacun de ces groupes a construit sa propre identité et
doit son existence à la volonté de répondre à un
problème précis. Aussi, nous allons essayer de déterminer
les raisons de leur création et l'idéologie sur laquelle ils se
sont basés.
Selon le Centre National des Ressources Textuelles et
Lexicales une idéologie est : « un ensemble plus ou moins
cohérent des idées, des croyances et des doctrines
philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre
à une époque, une société, une classe et qui
oriente l'action. »67(*) Dans le cas présent, il s'agit de celles d'un
mouvement en particulier. Nous en verrons les grandes lignes pour chacun des
groupes présentés plus haut sans entrer dans le détail.
Nous allons également essayer de comprendre leurs revendications. Puis
nous comparerons les différents résultats.
1.2.2.1. Le LTTE
Le LTTE est un groupe séparatiste tamoul qui,
dès ses débuts, a mené un double combat : la lutte
contre le gouvernement sri lankais et celle contre les organisations rivales.
Une fois les organisations rivales éliminées, les Tigres se sont
concentrés sur la lutte contre le gouvernement. Le LTTE a
repris l'idée des leaders politiques tamouls des années 1970 qui
estimaient que le cadre institutionnel démocratique ne pouvait offrir de
garantie aux minorités de l'île. Dans le but de préserver
leur culture et leur droit, les Tigres ont revendiqué la création
d'un État séparé, constitué des provinces nord et
nord-est de l'île (Jaffna, Kilinochchi, Mannar, Vavunya, Mullaitivu,
Trincomalee et Batticaloa) et des régions du sud-est de l'île
à majorité musulmane. L'autre revendication est la défense
de l'identité tamoule que les membres pensent, à tord ou à
raison, en danger. Le LTTE s'est ainsi constitué, dans un
premier temps, comme un mouvement de lutte contre l'oppression cingalaise.
Mais, avant les premiers attentats de 1987, leurs revendications
s'étaient déjà transformées en lutte pour une
patrie imaginaire. Ces revendications ont évolué au cours de
conflit et dans le but d'apporter une solution au conflit, Prabhakaran propose,
le 21 novembre 2001, de changer son objectif d'un Etat indépendant au
profit d'une région tamoule autonome.
Le sujet ici est l'attentat suicide. L'opinion publique
assimile aisément les attentats-suicides à l'extrémisme
religieux. Au sein du LTTE, la religion ne joue aucun rôle. Deux
facteurs sont à l'origine de ce fait. Le premier est que le
LTTE s'est autoproclamé laïc dès ses débuts.
Le second est que l'ensemble des membres n'appartiennent pas à la
même religion. Comme nous l'avons vu plus haut, la majorité est
hindoue et une partie, moins importante est catholique ou musulmane.
D'une doctrine influencée, dans ses débuts, par
les écrits de Giap, Mao et Régis Debray qui en faisait un groupe
d'obédience marxiste, ils sont passés à un militantisme
ethnique et communautariste très fort dont le point central est la
figure du chef suprême incarnée par Prabhakaran. Il s'agit donc
d'un groupe fondé sur une idéologie ethno-nationaliste.
1.2.2.2. La Palestine
- Le Hamas
Le 18 août 198868(*), le groupe va publier la Charte du Hamas
dans laquelle son programme est clairement exposé.
Leur idéologie s'inspire largement de celle des
Frères musulmans déjà implantés dans les
Territoires occupés et ils le revendiquent en tant que tel dans le
deuxième article : « Le Mouvement Islamique de
Résistance est une des branches de la Fraternité
Musulmane en Palestine. ». Il n'est donc pas étonnant de
voir que le Hamas se proclame avant tout comme étant un
mouvement musulman, de la branche sunnite. Ainsi, dans l'article premier de la
Charte affirme que « le programme du Mouvement de Résistance
Islamique est l'Islam.»
Le Hamas se base également sur une
idéologie nationaliste puisque la revendication première est le
retour de la Palestine aux palestiniens. Il s'agit donc d'une lutte
territoriale, mais pas uniquement des Territoires occupés que sont Gaza
et La Cisjordanie. Cet Etat devra être un Etat islamique régit par
la Charia.
Sa stratégie pour atteindre ses objectifs est le
jihad armé : « Il n'y a pas de solution à
la question palestinienne si ce n'est à travers le Jihad. Les
initiatives, les propositions et les conférences internationales sont
toutes une perte de temps et de vaines tentatives. » (Article 13).
Le Hamas insiste sur le fait que chaque musulman a le devoir de
participer au jihad : « Résister et réprimer
l'ennemi devient le devoir individuel de chaque Musulman, homme ou femme. Une
femme peut sortir de chez elle pour aller combattre l'ennemi sans la permission
de son mari. De la même manière fait L'esclave »
(article 12). Ce qui ouvre une brèche à la participation des
enfants au jihad. De plus, celui-ci fut légitimé lors
d'une émission religieuse diffusée par la chaîne de
télévision qatari al-Jazeera lors de la seconde
Intifada. Ils sont même allés plus loin en
déclarant les attentats suicides licites puisqu'ils se
déroulaient sur une terre musulmane occupée par les
infidèles.69(*)
Le Hamas va durcir ses positions vis-à-vis
d'Israël à la suite du « Massacre d'al-Aqsa »,
le 8 octobre 1990. Le mouvement va alors déclarer que chaque soldat
israélien représente une cible potentielle.70(*)
- Palestinian Islamic Jihad71(*)
Les deux principaux objectifs du DIP ont été
consignés à l'écrit par Cheikh Assad Bayoud al-Tamini dans
son ouvrage de 1982, L'élimination d'Israël : un
impératif du Coran.
Le DIP lutte pour une « Palestine - du fleuve
Jourdain à la mer - un pays arabe, islamique dont la loi interdit de
céder un pouce de son territoire. »72(*) Il s'agit donc de la
volonté de créer un Etat islamique palestinien, dont la capitale
serait Jérusalem et de détruire l'Etat d'Israël. Ayant
conscience de l'impossibilité de la réalisation de cet objectif
à court terme, le DIP s'est fixé des objectifs plus
limités qui sont, selon les termes de Shalah : « Avec
l'actuelle Intifada, toutes les factions palestiniennes y compris le
Jihad Islamique s'accordent à dire que l'objectif de la
résistance palestinienne aujourd'hui est de refouler
inconditionnellement l'occupation israélienne de Cisjordanie et de
Gaza »73(*)
Le deuxième point est l'opposition aux pays arabes
modérés, « considérés comme
occidentalisés, corrompus et contaminés par le laïcisme
occidental. »74(*) Ils souhaitent renverser les régimes arabes
laïcs dans le but d'établir un empire islamique panarabe. La lutte
menée contre l'Etat d'Israël est vue comme la première
étape sur le chemin de l'islamisation.
Le DIP est divisé en deux grands courants : un
courant pro-iranien composé d'extrémistes chiites et un courant
pro-irakien, composé d'extrémistes sunnites. Fascinés par
la révolution iranienne, les leaders, et particulièrement Bayoud,
ont fondé l'organisation sur une idéologie
« nationale-religieuse »75(*)
Dans le cas de ces deux groupes, leur idéologie puise
à la fois dans le champ religieux et politique, ce qui n'est pas
surprenant dans la mesure où, dans la religion musulmane, il n'y pas de
stricte séparation du politique et du religieux.
L'augmentation de l'influence de ces deux groupes
prônant le jihad comme stratégie pour atteindre leurs
objectifs a permis de faire entrer le terrorisme, et son moyen d'action le plus
spectaculaire, l'attentat suicide, dans le conflit israélo-palestinien.
Ce qui, pour de nombreux analystes, a fait reculer les chances d'un processus
de paix.
1.2.2.3. Le Pakistan et l'Afghanistan
Le Tehrik Taliban-i-Pakistan, appelé
Taleban Islamic Movement of Afghanistan en anglais, est un mouvement
d'obédience sunnite. A l'origine, les talibans souhaitaient rassembler
les différentes ethnies, tendances politiques et familles politiques qui
avaient participé à la résistance afghane. Les leaders ont
alors choisi l'application de la charia comme dénominateur
commun qui est ainsi devenu un des piliers du système Taliban.
Les talibans appartiennent à l'école
hanafite76(*) et au
courant déobandi. La mouvance déobandi est une mouvance islamique
rigoriste née dans la banlieue de Delhi à la fin du
19ème siècle. L'idéologie du mouvement va se
former sur l'idée d'un retour à la société
musulmane de l'époque du Prophète Mohammed et le rejet
de toute forme de pluralisme, culturel, politique et religieux. Les talibans
ont un attachement à la lecture littéral des Textes
sacrés. Ils donnent la priorité au jihad pour atteindre
leurs objectifs. Contrairement aux salafistes jihadistes, leur jihad
vise avant tout leur propre société, à laquelle ils
souhaitent réimposer un ordre moral très rigoriste.
Leur objectif prioritaire est donc de s'imposer au pouvoir
afin de mettre en application la charia dans le respect le plus strict
des Textes. Puis, avec l'arrivée des américains, leur combat
contre un Etat laxiste s'est doublé de la lutte contre l'ennemi
infidèle dans la région, ainsi que contre ses alliés dont
font partie les gouvernements afghans et pakistanais.
1.2.2.4. Analyse comparative
Le LTTE est un groupe laïc qui a dû
écarter la religion en raison de la composition de ses rangs, tandis que
les deux autres organisations s'appuient sur une idéologie religieuse,
notamment le jihad, ce qui leur permet d'avoir une base de recrutement
solide et large. C'est également un moyen simple de fanatiser les
membres et ce dès leur plus jeune âge.
De par leur idéologie respective, chacun des groupes
peut bénéficier d'un large soutien populaire. Dans le cas des
groupes islamiques, le jihad est une obligation individuelle pour
chaque musulman. Et comme le rappel le Hamas, celui-ci ne souffre
d'aucune exception. L'enjeu est primordial car il s'agit de rendre les terres
conquises par les musulmans aux musulmans. L'idéologie du LTTE
doit également trouver écho auprès de la population
tamoule puisqu'elle concerne l'ensemble de la communauté et prône
la survie et même la valorisation de son identité. Cependant, dans
les faits, une partie de celle-ci s'est désolidarisée face
à la violence du groupe. Ce manque à gagner sera pallié
par des méthodes coercitives.
Dans chacune des idéologies décrites plus haut,
une brèche est faite pour laisser la place aux enfants dans le conflit.
Bien que la base idéologique soit différente,
les revendications sont assez similaires, car chacun d'entre eux revendiquent
un Etat propre. Les objectifs sont donc politiques avant tout. Il s'agit de
libérer la communauté de l'ennemi oppresseur qui constitue une
menace pour sa survie.
Dans tous les cas de figure, il est intéressant de
noter que ces revendications permettent une base de recrutement large dans la
mesure où il s'agit de l'intérêt de la communauté
dans son intégralité et non de quelques individus isolés.
1.2.3. L'utilisation de
l'attentat suicide par ces groupes et la participation des enfants à
ceux-ci
L'attentat suicide, tel qu'il est défini dans
l'introduction est utilisé, dans un premier temps au début des
années 1980 par les Tigres tamouls du Sri Lanka et le Hezbollah. Puis,
à la vue des résultats que fournissaient cette tactique, les
Palestiniens l'ont repris à leur compte et ont largement
contribué à leur diffusion.77(*) Nous allons tenter de comprendre ici la place que
cette tactique prend dans les moyens d'action terroristes de chacun de ces
groupes et voir son évolution. Sweitzer nous offre un premier
élément de réponse. Selon lui78(*), il y a trois niveaux
d'organisations qui utilisent les attentats suicides. Il y a tout d'abord le
premier niveau qui est le plus simple. Les groupes faisant partie de cette
catégorie qui n'utilisent pas l'attentat suicide comme base
régulière et ne l'approuvent pas en tant que tactique. Parmi ces
groupes, nous pouvons retrouver l'Egyptian Islamic Group,
l'Egyptian Islamic Jihad, le Kuweiti Dawa ou encore
l'Algerian Armed Islamic Group. Au deuxième niveau, nous
retrouvons les groupes qui ont adopté l'attentat suicide comme tactique
temporaire. Les leaders de ces groupes ont obtenu une légitimation
idéologique, ou théologique, pour pouvoir recruter et entrainer
des volontaires et les envoyer commettre un attentat suicide. Dans cette
catégorie, nous pouvons citer des groupes tels que le Hezbollah
ou le Kurdistan's Worker's Party. Les groupes du troisième
niveau ont adopté l'attentat suicide en tant que stratégie
légitime et permanente. Le LTTE se situe dans ce plus haut
niveau, accompagné du Hamas et du Palestinian Islamic
Jihad. Schweiter ne le précise pas, mais nous pouvons ajouter dans
cette catégorie les Talibans. Nous en expliquerons la raison un peu plus
bas.
Nous allons également tenter d'établir la
proportion des enfants par rapport à l'ensemble des kamikazes à
l'intérieur de chaque groupe. En ce qui concerne ce point, nous pourrons
simplement relever des tendances car pour définir le pourcentage
d'enfants, nous aurions besoin de la liste complète des attentats
suicides réussis ou échoués depuis la fondation du
mouvement, ainsi que l'âge de chacun des auteurs. Ces listes doivent
probablement exister mais ne sont pas en libre accès et sont très
probablement incomplètes puisque les groupes en question ne
déclinent pas systématiquement l'identité du kamikaze (et
ne reconnaissent pas systématiquement l'attentat) et qu'en raison de la
violence de l'action, le corps n'est plus toujours identifiable. Nous avons
tout de même réussi à reconstituer une liste partielle des
attentats suicides perpétrés par les différents groupes
palestiniens ainsi que leurs auteurs. Cependant, elle est très
incomplète et les données sur l'identité des kamikazes ne
sont pas toujours sûres.
1.2.3.1. Le Sri Lanka
L'attentat suicide, si l'on se réfère à
la classification de Sweitzer, est une tactique très ancrée dans
les moyens d'action utilisés par le LTTE. Selon la
quasi-totalité des spécialistes de la question, les Tigres
tamouls auraient commis plus d'attentats suicides que n'importe quel autre
groupe dans le monde. Ricolfi estime que le LTTE serait responsable de
40% des attentats suicides commis entre 1981 et 2003.79(*) Le chiffre exact n'est pas
connu, cependant une estimation est donnée : le nombre d'attentat
varierait entre 168 et 239.80(*) Ce moyen de violence permettait au groupe à la
fois de lutter contre le gouvernement et de se démarquer des
organisations rivales.81(*)
Le premier attentat suicide commis par le LTTE a eu
lieu en 1987 et depuis, ce moyen de violence fait partie intégrante de
la stratégie globale militaire du LTTE puisqu'une unité
lui est spécialement consacrée. Il s'agit des Black
Tigers. Ils ont été rendus célèbre par des
attentats réussis contre des personnalités politiques clés
dont un président de la République sri-lankaise en exercice,
Ranasinghe Premadesa, tué en compagnie d'une vingtaine d'autres
personnes à Colombo le 1er mai 1994 ou encore un ancien premier ministre
indien, Rajiv Gandhi, tué le 21 mai 1991 à Madras dans un
attentat faisant une douzaine de victimes. Les attaques peuvent
également être le fruit d'une autre branche de l'organisation,
notamment les Black Sea Tigers (les forces de marine du LTTE)
qui furent responsables, entre autres, de l'attaque d'un navire portant le
drapeau du Sri Lanka Monitoring Mission en mai 2006.
Les attentats suicides sont considérés par
le LTTE comme des « opérations
spéciales » et non des actes terroristes, car ils ne visent
pas à terroriser la population civile mais à détruire le
pouvoir cingalais au Sri Lanka.82(*)
Les cibles visées peuvent être très
variables allant de la cible militaire à la politique en passant par les
infrastructures culturelles.83(*)
En ce qui concerne le début de l'utilisation des
enfants dans les attentats suicides par le LTTE, nous n'avons
trouvé ni de date précise ni une période. De nombreux
éléments nous laissent penser que ce phénomène est
apparu peu de temps après 1987. Cependant, cette hypothèse n'est
pas vérifiable.
1.2.3.2. La Palestine
En terme de volume, le Hamas arrive sur le podium des
trois groupes ayant commis le plus d'attentats suicides après le
LTTE et le Hezbollah entre 1980 et 2000. Le Jihad
Islamic est au cinquième rang.
L'attentat est vu par les groupes palestiniens comme un moyen
efficace de représailles, après une attaque israélienne,
qui permet de semer la terreur à l'intérieur
d'Israël.84(*) Ainsi,
il ne s'inscrit pas pleinement dans une stratégie globale mais
représente surtout un moyen de vengeance.
Les premiers attentats suicides commis par des groupes
palestiniens remontent à 1994. A partir de cette date et jusqu'en 1996,
on peut parler de première vague d'attentats suicides. C'est à
cette période que ce moyen de violence sera utilisé de
manière régulière. Trente sept85(*) attentats ont
été enregistrés au cours de la période
s'étalant de 1993 à 1998, dont vingt quatre revendiqués
par le Hamas et treize par le Jihad Islamic. A partir de
l'Intifada al-Aqsa, particulièrement dans sa deuxième
année, les attentats suicides commis par des palestiniens, vont
connaitre une croissance importante, puisqu'en 2002, on enregistrait
déjà soixante attentats perpétrés par le
Hamas, le Jihad islamique, les Brigades des martyrs
d'al-Aqsa ou le FFLP.86(*)
L'augmentation de l'emploi de l'attentat suicide a
été de pair avec l'élargissement de la base de
recrutement, aussi on enregistre un nombre croissant de femmes ou de
pères de famille.
Les activités terroristes sont très
présentes dans les territoires palestiniens et la rivalité entre
les différents mouvements ne permet pas à l'Autorité
palestinienne de les réduire.87(*)Les deux groupes les plus actifs dans la conduite
d'attentats suicides sont le Hamas et le Jihad Islamic, c'est
pourquoi nous allons faire un bref point sur l'utilisation de ce moyen d'action
par ces organisations.
- Le Hamas
La branche militaire du Hamas qui est en charge des
attentats terroristes est l'Al-Madjahadoun al-Filistinioun. En 1991,
elle va fusionner avec le Madjmouath Djihad u-Da'awa88(*) pour devenir les Brigades
du Martyr Izz ad-Din al-Qassam. Elle sera implantée dans la bande
de Gaza et en Cisjordanie. Cette branche, créée par Zaccaria
Walid Akel89(*), est
extrêmement difficile à localiser et à
pénétrer du fait de sa composition en petites cellules. Les
attentats qu'ils perpétuent se font à l'arme de poing ou au
poignard jusqu'en 1993. Le 16 avril de cette année, ils exécutent
leur première attaque à la bombe.
- Le Jihad Islamic
Depuis 1994, le DIP a intégré l'attentat-suicide
dans ses moyens d'action. Le 26 octobre 2000, ils revendiquent le premier
attentat suicide depuis le début de l'Intifada al-Aqsa. Il
semblerait que le Dr Ramadan Shalah ait ordonné une trêve dans les
attentats à la suite du 11 septembre afin qu'il n'y ait pas d'amalgame
avec al-Qaeda. Leurs activités vont reprendre en janvier 2002.
De 2000 à aujourd'hui, le DIP a revendiqué 25 attentats à
la bombe.
Comme pour le cas du LTTE, il est difficile
d'établir la proportion d'enfants parmi les kamikazes. Selon
P.W.Singer90(*), au moins
trente attentats auraient été conduits par des mineurs depuis
2000. Cependant, nous avons pu relever quelques exemples dans les médias
qui nous donnent des indications sur l'âge des auteurs. Ainsi, le 16 mars
2004, les forces israéliennes ont arrêté un enfant de 11
ans qui tentait d'introduire des explosifs au checkpoint d'Hawara en
Cisjordanie.91(*) Selon
les sources israéliennes, l'enfant n'avait pas connaissance de ce qu'il
portait. Le groupe terroriste à l'origine de cette action souhaitait
soit que l'enfant passe les explosifs de l'autre côté de la
frontière pour attenter une action dans l'Etat d'Israël, soit les
faire exploser à distance comme cela s'est déjà vu en
Afghanistan. Toujours en 2004, les soldats israéliens ont
arrêté un enfant de 14 ans qui portait une ceinture de 8 kg
d'explosifs à un checkpoint près de la ville cisjordanienne de
Nablas.92(*) Il a
été effrayé par la réaction rapide des soldats. Ils
l'ont attrapé et l'ont persuadé de les aider à retirer sa
ceinture d'explosifs. L'âge des enfants utilisés est variable mais
il semble que la majorité des mineurs n'ont pas moins de 15 ans. Aussi
l'écrasante majorité des enfants ayant effectué un
attentat suicide, réussi ou manqué, sont des garçons.
1.2.3.3. Le Pakistan et Afghanistan
Le premier attentat suicide au Pakistan eut lieu le 17 mars
2002 contre un temple protestant situé dans l'enclave diplomatique
d'Islamabad. Cinq personnes ont été tuées par deux
kamikazes portant des ceintures d'explosifs. Ils appartenaient au groupe
terroriste Lashkar-e Jhangvi (sunnite). En Afghanistan, il semble que
le premier attentat suicide est celui mené par les faux journalistes
contre le commandant Massoud le 9 septembre 2001.
C'est au cours de l'année 2007 que les attentats
suicides se multiplient et prennent une importance notable au Pakistan. Entre
2002 et 2008, les autorités pakistanaises ont pu enregistrer environ 140
attentats et la majorité d'entre eux sont survenus lors des
années 2007 et 2008, avec respectivement 56 et 63 contre 7 en
2006.93(*) Les attaques
ont alors progressé de 746%.
Le phénomène des enfants dans les attentats
suicides a été découvert pour la première fois en
2007 au Pakistan avec le démantèlement d'un camp d'entrainement
par les autorités pakistanaises. Il est probable qu'il en existait avant
cependant aucune source ne vient corroborer cette hypothèse.
La population de la zone frontalière du FATA soutient
en grande partie les attentats suicides contre l'armée pakistanaise qui
se bat dans la « guerre américaine ».94(*)
1.2.3.4. Analyse comparative
Le point commun que nous avons relevé se situe dans la
nature même des conflits. Dans tous les cas étudiés, nous
pouvons observer que ce sont systématiquement des acteurs
gouvernementaux qui s'opposent à des acteurs non gouvernementaux. Les
différents acteurs non gouvernementaux que l'on peut regrouper sous le
vocable de terroristes s'inscrivent dans une logique de guérilla. En ce
sens, nous pouvons parler de guerre asymétrique selon la
définition de Steven Metz : « en matière militaire
ou de sécurité, l'asymétrie consiste à
réfléchir, à s'organiser et à agir
différemment de l'adversaire afin de maximiser ses propres avantages,
d'exploiter les faiblesses de l'autre de prendre l'initiative ou de gagner une
plus large liberté d'action. »95(*)
Le Hamas, le Jihad Islamic, ainsi que le
LTTE ont recourt, ou ont eu recourt de manière importante
à cette tactique. Ce qui n'est pas le cas des Talibans qui
semblent l'utiliser de manière plus marginale, au moins jusqu'en 2007.
En ce qui concerne l'apparition du phénomène, il
surgit à des moments différents dans chacun des cas. Dans celui
de la Palestine, il corrobore avec le tournant que représente
l'Intifada al-Aqsa. Pour ce qui est du Pakistan, la notable
augmentation de ce moyen d'action violente se situe au cours de l'année
2007. Cette date n'est pas sans rappeler l'appel au Jihad du Mollah
Omar. L'autre « coïncidence » que nous pourrions
relever est que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides corrobore
avec cette date. Nous pouvons également faire cette constatation dans le
cas de la Palestine. Il y a eu certes une première vague d'attentats
suicides entre 1994 et 1996. Cependant, le nombre d'attentats suicides
perpétrés par des palestiniens est sans commune mesure avec ceux
enregistrés au cours de cette première vague. Hors, nous savons
que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides est un
phénomène, qui, s'il est apparu avant, connait une croissance
notable à partir de 2000. Les enfants semblent donc être
utilisés dans les attentats suicides, pour les cas de la Palestine, de
l'Afghanistan et du Pakistan, dans les périodes d'intensification du
conflit.
On peut peut-être faire un parallèle entre les
raisons de l'utilisation du moyen tactique attentat suicide et l'utilisation
des enfants. Par exemple, pour le LTTE il s'agit d'une tactique
à part entière qui s'inscrit dans une stratégie globale
pour atteindre les objectifs définis. Ce qui est moins évident
pour le cas de la Palestine où cette tactique est un moyen de se venger
des exactions commises par Israël sur le peuple palestinien. Cette action
revêt un caractère plus émotionnel. Les enfants semblent
avoir été employés de manière discontinue dans les
attentats suicides au Sri Lanka, ce qui ne semble pas être le cas dans
les autres conflits. Nous pouvons émettre l'hypothèse que leur
utilisation s'inscrit pleinement dans la stratégie globale du groupe
pour atteindre ses objectifs.
1.3. Comment ces groupes
utilisent les enfants dans les attentats suicides
1.3.1. Le recrutement et les
profils
Nous avons pu constater au cours de nos recherches que les
méthodes de recrutement varient à la fois d'un groupe terroriste
à l'autre et souvent dans le groupe lui-même également.
Cependant, nous avons relevé des grandes tendances qui seront
exposées ci-dessous. Nous allons également tenter
d'établir le profil type des enfants qui sont recrutés par ces
groupes.
1.3.1.1. Le Sri Lanka
Comme cela a été souligné à
plusieurs reprises au cours de cette étude, en vue du manque de
données exactes sur l'ensemble des attentats suicides et plus
particulièrement ceux perpétrés par les enfants, il est
difficile d'établir un profil type des enfants
« kamikazes ». Cependant, une tendance semble être
dominante. Selon une étude de l'UNICEF, 41% des enfants présents
dans les rangs du LTTE sont des filles. Le gouvernement sri lankais a
ajouté que depuis quelques années, presque tous les kamikazes ont
été des jeunes filles ou des jeunes femmes.96(*) De plus, des études
affirment qu'une partie importante, voir la majorité des auteurs
d'attentats suicides, seraient des filles mineures et des femmes.
En ce qui concerne le recrutement à proprement dit,
nous disposons de peu de sources sur les enfants destinés à
perpétrer un attentat suicide. Cependant, nous avons des données
plus générales sur le recrutement des enfants dans les rangs du
LTTE. Mais il n'est pas possible de distinguer les enfants qui
serviront en tant que kamikazes et ceux qui serviront comme soldats.
Nous avons vu plus haut que les tigres demandent à la
communauté de s'impliquer dans le conflit, de manière
financière, notamment par le biais de taxes. Les leaders du LTTE
exhortent également les familles à
« donner » un de leurs enfants pour la cause.97(*) Cette forme de recrutement,
résumée dans la formule «une famille, un enfant», s'est
intensifiée à partir de 2001 dans le district de Batticaola. Nous
ne pouvons pas exactement qualifier ce type de recrutement de volontaire,
puisque la démarche n'est pas faite par l'enfant lui-même mais par
la famille sur demande du groupe. Il est un don obligatoire fait par la famille
au LTTE. Le don obligatoire tel qu'il est employé ici, signifie
que l'enfant a été donné par la famille sans menace
physique, dans le cas contraire, il s'agirait simplement d'un
enlèvement. Cependant, il est certain qu'une forte pression doit peser
sur ces parents, notamment l'idée de représailles.
Au cours de nos lectures, nous avons vu apparaitre un autre
type de recrutement qui, à la fin des années 1990, a pris une
grande ampleur. Il est d'ailleurs très probable qu'il soit le premier
moyen de recrutement ; il s'agit de l'enlèvement. Une étude
menée par l'Université Tacher for Humann Right (UTHR) en
mars 200398(*) a mis en
avant de nombreux cas d'enlèvements, souvent sur des enfants de moins de
15 ans, dans des zones essentiellement contrôlées par le
LTTE. Les enfants peuvent être enlevés à
l'école, dans leur maison ou dans la rue. Cette méthode semble
être appliquée dans le cas où les familles ne peuvent pas
ou ne veulent pas donner un de leur enfant ou dans le cas des enfants rendus
orphelins par la guerre ou par le tsunami de décembre 2004. C'est
pourquoi nombre de familles ont fui vers des lieux plus sûrs.
Nous avons distingué un troisième type de
recrutement qui est celui du volontariat. Dans cette étude, nous
entendrons le terme de volontariat par un engagement libre de la part de
l'enfant et sous son impulsion. Le mot libre doit être entendu dans ses
limites les plus strictes, car le contexte propre à chacun de ces
conflits pèse lourdement sur la prise de décision de l'enfant.
Cet aspect sera vu dans la deuxième grande partie de l'étude. Ici
encore, les sources disponibles sont très limitées, cependant
nous disposons de quelques éléments qui nous permettent de penser
qu'un certain nombre d'enfants, dans des proportions qui nous sont inconnues,
décident volontairement de s'engager dans les rangs dans le dessein de
devenir martyrs.
1.3.1.2. La Palestine
En ce qui concerne le recrutement à proprement dit, il
semblerait que le volontariat soit la seule méthode de recrutement en
Palestine. Nous avons, certes, exposé plus haut le cas d'un enfant qui
aurait porté des explosifs à son insu, cependant, l'origine de la
source, israélienne, nous pousse à un certain scepticisme
d'autant plus que cette information fut démentie par le groupe mis en
cause dans cette affaire. Nous allons nous pencher sur l'exemple d'un
adolescent de 15 ans à l'époque des faits, Hussein Aldo, qui a
été arrêté par les forces armées
israéliennes alors qu'il tentait de commettre un attentat suicide au
checkoinpt d'Hawara en Cisjordanie. Les soldats israéliens ont
repéré une bombe sous ses vêtements et l'ont
désamorcé à distance à l'aide d'un robot.
Emprisonné en Israël, il a été interviewé peu
de temps après les faits, en 2004, par le correspondant de la BBC
à Jérusalem, James Reynolds.99(*) Au cours de cet entretien avec le journaliste,
Hussein nous indique la manière dont il a été
recruté:
« James Reynolds: Qui t'a envoyé?
(vers le groupe terroriste)
Hussein Aldo: Mon ami Nasser. Il a 16 ans.
C'était mon camarade de classe.
J.R: Comment t'a t-il parlé de ça?
H.A: J'étais assis avec un ami, il est venu vers
moi et m'a demandé si je pouvais lui trouver un martyre
bomber.
Et je lui ai dit que je voulais le faire. Mon ami m'a dit:
« Vraiment? » et je lui ai répondu: « oui,
je veux le faire »
Alors il a accepté et m'a amené voir d'autres
personnes.
Le nom de la personne était Wael. Il faisait parti des
brigades martyres d'al-Aqsa100(*). Il avait 21 ans. Puis il m'a envoyé voir une
autre personne »
Nous constatons donc que l'adolescent s'est rendu volontaire
pour accomplir cette action. Un autre élément est très
intéressant dans ce passage: l'âge du recruteur. En effet, Hussein
fait référence à l'un de ses camarades, Nasser, 16 ans,
qui serait venu le solliciter pour trouver un kamikaze.
En vue des éléments dont nous disposons, il
semblerait que les groupes palestiniens recrutent des mineurs pour la
perpétuation d'un attentat suicide sur la base du volontariat. Les
volontaires au suicide seraient même nombreux, au point qu'un groupe tel
que le Hamas se voit dans l'obligation d'en refuser la plupart. Un des
leaders de ce groupe parle de ce sujet en ces termes : « Un de
nos plus gros problèmes est la horde de jeunes hommes qui toc à
notre porte pour commettre un attentat suicide. Il est difficile d'en choisir
seulement quelques uns. »101(*)
Le profil des enfants est encore une fois difficile à
établir. Les exemples fournis laissent penser que la majorité
d'entre eux seraient de sexe masculin. Cependant, nous avons quelques exemples
de jeunes filles mineures qui auraient commis des attentats. Ce qui nous permet
de dire que les groupes terroristes de Palestine n'excluent pas par principe
l'éventualité d'engager des jeunes filles pour gonfler les rangs
des martyrs. Une source nous apprend aussi que ces groupes
préfèrent recruter des enfants ayant un physique qui peut laisser
croire aux forces israéliennes qu'il s'agit d'un juif. Nous reviendrons
sur cet élément important dans la tentative d'explication du
recrutement des enfants par ces groupes.
1.3.1.3. Pakistan et Afghanistan
En juillet 2007, les autorités pakistanaises ont
découvert un camp d'entrainement pour les recrues d'attentats suicides
dans le domaine Charnage dans la vallée de Swart.102(*) Parmi les deux cent recrues, il y
avait vingt enfants dont certains n'avaient pas encore neuf ans. Des entretiens
qu'ils ont eu avec les autorités, il est ressorti que ces enfants sont
arrivés au camp de trois manières différentes. L'article,
cependant, n'indique pas dans quelles proportions. Certaines familles ont
été forcées, arme au poing, de remettre leur enfant pour
le jihad, alors que d'autres ont été kidnappés
dans des circonstances mystérieuses. Selon la définition du
dictionnaire Le Robert103(*), ces deux cas correspondent à un
enlèvement. Le premier cas ne peut pas être assimilé
à un don obligatoire puisque la famille est menacée d'une arme,
même s'il s'en rapproche fortement. Pour le reste, des amis des
garçons les ont persuadé d'intégrer les talibans.
Il semblerait que la pratique qui consiste à obliger la famille à
donner un de ses fils soit la plus répandue depuis l'avancée
des talibans dans la vallée de Swat qui date de 2007. Un
article mis en ligne le 2 juillet 2009 sur le site du Washington Post104(*) nous apprend qu'un des leaders des
talibans pakistanais, Baittulah Mahsud, a acheté des enfants,
parfois pas plus âgé que sept ans. Ces enfants sont
destinés à être utilisés dans des attentats suicides
au Pakistan ou en Afghanistan. Un officiel pakistanais révèle le
prix d'un enfant: de 7000 à 14 000$, ce qui représente une somme
énorme pour un pays dont le revenu moyen par an s'élève en
2009 à 2006$. Nous ne savons pas à qui les enfants sont
achetés. Il peut s'agir soit de personnes seules, soit de réseaux
criminels impliqués dans le trafic d'êtres humains.
Les talibans pakistanais ont donc trois moyens de
recrutement à leur disposition : l'enlèvement, l'achat
d'enfants à des personnes ou des réseaux tierces et le
volontariat ;
Dans les articles cités ci-dessus, il apparaît
que les recrues sont souvent très jeunes, soit moins de 15 ans. Nous
avons également trouvé des sources qui affirment que certains de
ces futurs « kamikazes » n'ont que six ans. En 2007, l'ISAF
International Security Assistance Force) a révélé que des
soldats américains avaient désamorcé des explosifs sur un
enfant de six ans envoyé pour attaquer les forces afghanes dans l'est du
pays: "They placed explosives on a six-year-old boy and told him to walk up
to the Afghan police or army and push the button," said Captain Michael
Cormier, the company commander who intercepted the child, in a statement.
"Fortunately, the boy did not understand and asked patrolling officers why he
had this vest on."105(*)
Il est également à noter que nous n'avons
trouvé mention d'aucune jeune fille, ni majeure, ni mineure. Il y a tout
à croire, que les personnes de sexe féminin ne sont pas
impliquées dans les attentats suicides et qu'elles en sont
écartées par le groupe lui-même.
En vue du contexte particulier du Pakistan, une question que
l'on n'a pas eu à se poser précédemment est à
soulever: quelle est la nationalité et/ou le pays d'origine des enfants?
En effet, les zones où sont entrainées les
recrues, essentiellement le nord et le sud Waziristan, constituent le
réservoir logistique des talibans qui combattent en
Afghanistan. Aussi, si une partie des enfants formés dans ces camps
exécuteront leur attentat sur le sol pakistanais, une autre partie
semble être envoyée en Afghanistan. A moins que les enfants
kamikazes d'Afghanistan aient été directement recrutés sur
place. De plus, la frontière est poreuse et de nombreux talibans afghans
sont présents dans la zone comme nous l'avons vu plus haut dans
l'étude. Nous savons déjà que les personnes
recrutées pour devenir suicide bombers sont, à 90% des
pachtouns, qu'ils soient enfants ou adultes. Cependant, cet
élément ne nous permet pas de répondre à la
question puisque les pachtouns sont présents des deux côtés
de la frontière. Les articles mentionnés dans cette partie
faisaient état d'enfants recrutés, de manière volontaire
ou par enlèvement, dans le Waziristan. Encore une fois, en vue de la
présence de nombreux afghans dans cette région, nous ne pouvons
pas savoir si ces enfants sont d'origines afghanes ou pakistanaises.
L'étude menée par l'UNAMA en 2008 nous apprend que des familles
afghanes envoient leurs enfants masculins dans les madrassas de la
région du Waziristan. L'enquête qu'ils ont mené a permis de
révéler que certains d'entre eux, dans une proportion non
précisée, étaient enrôlés pour devenir martyr
par le biais d'un attentat suicide.106(*) Une question à laquelle nous ne pouvons pas
répondre se pose ; les enfants afghans entrainés au Pakistan
commettent-ils leur attentat sur le sol pakistanais ou sur le sol afghan ?
Cette question est essentielle en vue de la légifération du
phénomène. Généralement, les parents de ces enfants
n'apprennent la mort de leur fils que lorsque les talibans viennent leur verser
le « martyrdom payment », élément
sur lequel nous reviendrons dans la deuxième partie. Ce qui contredit
donc les dires d'Hamid Karzaï qui affirme que l'intégralité
des « kamikazes » ne sont pas des afghans mais bien des
pakistanais ou des personnes venant d'autres pays.
1.3.1.4. Analyse comparative
Tableau des types de recrutement
Ce tableau vise à mettre en avant des tendances dans
chacun des cas étudiés. Nous avons relevé trois types de
recrutement qui sont le volontariat, l'enlèvement et le don obligatoire.
Les parties colorées du tableau mettent en évidence les
techniques employées par pays.
|
Volontariat
|
Enlèvement
|
Don obligatoire
|
Achat
|
Sri Lanka
|
|
|
|
|
Palestine
|
|
|
|
|
Pak/Afgh
|
|
|
|
|
Nous pouvons remarquer que le LTTE, tout comme les
talibans, a recours à trois types de méthodes de recrutements
différents, alors que nous n'en enregistrons qu'un seul pour la
Palestine. Cela veut-il dire que le phénomène est plus
généralisé dans les cas du Sri Lanka et du
Pakistan ? En ce qui concerne le Sri Lanka, cette hypothèse
pourrait être possible en vue du nombre d'attentats suicides qu'ils ont
mené depuis 1987. Une autre hypothèse pourrait également
être avancée : la population palestinienne serait
peut-être plus enclin et volontaire pour effectuer des attentats suicides
que les tamouls et même les pakistanais. Si une société est
relativement favorable aux attentats suicides, n'est-il pas naturel que les
membres qui l'a composent s'engagent volontairement dans cette voie ?
Cette hypothèse pourra être éprouvée dans la seconde
partie de l'étude qui se penchera, entre autres, sur les raisons qui
poussent les enfants à s'engager.
La méthode de l'enlèvement ne pose pas de
problème de compréhension particulier. Cependant, celle du
volontariat soulève la question des motivations des enfants. Cette
questions sera, on l'espère, éludée dans la
deuxième partie.
Tableau des grands types (profil) de tendance de
recrutement
|
Filles
|
Garçons
|
- De 15ans
|
De 15 à 18 ans
|
Sri Lanka
|
|
|
?
|
?
|
Palestine
|
|
|
|
|
Pakistan
|
|
|
|
|
Tout comme pour les méthodes de recrutement, les
profils varient d'un cas à l'autre. Malgré le manque de sources,
nous avons pu relever quelques grandes tendances dans chacun des cas.
En ce qui concerne le sexe des enfants, il semblerait que
le LTTE utilise beaucoup de jeunes filles dans les attentats suicides,
tandis que ce fait est marginal, mais en nette progression, en Palestine et
semble être inexistant au Pakistan. Ces trois sociétés sont
patriarcales, et comme dans la société palestinienne et
pakistanaise, qui sont toutes des sociétés dites traditionnelles,
la position de la femme est secondaire. La question qui se pose est :
qu'est ce qui rend possible l'utilisation des femmes par ce groupe et que l'on
ne retrouve ni dans la société pakistanaise ni palestinienne
(dans le cas de la société palestinienne, il s'agit de
modérer ce propos car il existe un nombre d'exemples croissant de femmes
kamikazes en Palestine). Dans son étude, E. Pavey106(*) tente d'apporter une
explication qui est partagée par d'autres analystes. Cette
hypothèse repose sur la volonté des femmes tamoules
d'acquérir une certaine indépendance et la capacité de
choisir. Le LTTE a su instrumentaliser cette situation pour
élargir sa base de recrutement. Il existe probablement d'autres facteurs
qui poussent les femmes à s'impliquer de manière aussi
définitive dans le conflit, notamment les nombreuses violences dont
elles sont victimes. Cependant, je pense que l'on peut trouver un
élément de réponse dans la nature même des
différentes idéologies mises en place. Dans le cas des talibans,
leur idéologie repose sur une interprétation très
rigoriste de l'Islam qui sépare nettement les fonctions de l'homme et de
la femme. C'est probablement une des raisons de l'absence de filles dans les
attentats suicides au Pakistan et en Afghanistan, et à leur proportion
minoritaire en Palestine. Cette question pourra également être en
partie élucidée par l'étude des
vulnérabilités propres aux enfants dans chaque pays. Nous
tenterons de voir la position des jeunes filles dans chacun des pays et ainsi
nous pourrons peut-être apporter quelques éléments de
compréhension pour expliquer cette différence.
En ce qui concerne l'âge des recrues, là non plus
le résultat n'est pas homogène. Alors que les groupes
palestiniens, et essentiellement le Hamas, utilisent des enfants dont
l'âge se situe entre 15 et 18 ans, la moyenne semble plus jeune au
Pakistan et en Afghanistan où nous avons pu relever plusieurs cas
d'enfants de six ans. Pour le cas du Sri Lanka, les données sont bien
trop approximatives pour en dégager une tendance claire. Les raisons de
ces différences dans l'âge des recrues sont peut être
à chercher dans le mode de recrutement en lui-même. Nous avons pu
constater dans le cas de la Palestine, que les enfants sont volontaires et se
présentent eux-mêmes aux groupes. Pour faire cette
démarche, l'enfant doit avoir un certain âge, car cela
nécessite une certaine prise de conscience politique et une
volonté d'engagement dans ce sens. Tandis qu'au Pakistan et en
Afghanistan il semble qu'un nombre important d'entre eux ait été
enlevé ou acheté par les talibans.
Le cas du Pakistan diffère sur un autre point par
rapport aux deux autres cas : le phénomène n'est pas
national mais transnational puisque le même groupe utilise des enfants
afghans et d'autres pakistanais. Il est aussi à noter que contrairement
aux terroristes adultes, les enfants sont recrutés non loin de leurs
cibles. Le phénomène peut être transnational, comme c'est
le cas pour l'Afghanistan et le Pakistan mais reste frontalier.
1.3.2. L'entrainement et
l'attentat suicide
Contrairement aux méthodes de recrutement,
l'entrainement, bien qu'il diffère d'un groupe à l'autre, est
assez constant dans sa pratique au sein d'un même groupe. C'est pourquoi
nous avons choisi d'étudier ce point par zone géographique
1.3.2.1. Le Sri Lanka
Les recrues sont entrainées dans des camps de tailles
assez importantes (plus de dix enfants) qui sont généralement
installés dans les écoles. L'entrainement dure en moyenne six
mois, voir plus.107(*)
Les adultes et les enfants peuvent se retrouver dans un même camp mais
ils sont séparés et ne sont pas formés ensemble.
La formation des futurs martyrs comporte à la fois une
dimension psychique et physique.
Au cours de la formation, les recrues sont soumises à
un exercice de capture dont le but est de leur montrer ce que cela ferait s'ils
étaient capturés ou blessés.108(*) Ainsi, les cadres du
LTTE tentent de limiter le risque de démobilisation avant
l'attentat. Bien que les exercices physiques semblent ardus, il apparait que
ceux dispensés aux recrues destinées à devenir combattants
sont plus difficiles. Ils sont effectivement envoyés quatre mois dans la
jungle afin d'être soumis à un entrainement physique intense.
La formation, contrairement à celle destinée aux
futurs enfants soldats, comporte également un volet plus
« intellectuel » par le biais de la lecture de
poèmes qui sacralisent la mort du combattant. Dans chaque camp
d'entrainement, il y a des murs, ou des parcelles de murs sur lesquels sont
affichées des photos encadrées et décorées de
guirlandes des anciennes recrues ayant effectués leur mission. Ces
photos sont exposées à titre de modèle à suivre et
contribuent à l'endoctrinement de l'enfant
Durant l'heure qui précède l'attentat, la jeune
recrue, tout comme les suicides bombers adultes, ont le loisir de
prendre leur dernier diner avec le chef suprême des Tigres Tamouls.
1.3.2.2. La Palestine
En ce qui concerne la Palestine, les informations dont nous
disposons concernent plus particulièrement le Hamas.
L'enfant, une fois recruté, va subir une
préparation mentale plus ou moins longue. Cette préparation se
déroule en petites cellules composées de deux ou trois
suicides bomber. Le fonctionnement en cellule est typique de
l'organisation du Hamas.109(*) Cependant, dans le cas de la formation des recrues
en vue de l'accomplissement d'un attentat suicide, ce cloisonnement
répond à deux objectifs. Le premier est de rendre la tâche
plus difficile pour les forces de sécurité car la taille
réduite de ces cellules les rend difficilement identifiables. Le
deuxième objectif est d'augmenter l'intimité et ainsi de
renforcer la prise des leaders sur les recrues.110(*) Le Hamas donne des
noms, souvent tirés du Qu'ran, aux cellules dans le but de
renforcer la motivation des adolescents.
La formation dispensée dans ces cellules est avant tout
centrée sur l'étude des textes tirés du Qu'ran
qui renforcent la notion de sacrifice. Ces textes doivent être
mémorisés et visualisés. L'autre partie du travail
consiste en la reconstitution d'évènements historiques
victorieux.
Tout ceci permet de mettre l'accent sur l'utilité de
l'acte et de l'ancrer dans l'histoire de la communauté pour laquelle on
se sacrifie.
Le moment entre le recrutement et l'attentat suicide peut
être plus court. Reprenons l'exemple d'Hussein Aldo susmentionné.
Dans son interview, il fait référence à une série
de questions qui lui aurait été posée dans le but de
savoir s'il était apte à mener un attentat suicide.
La dernière heure avant l'exécution de
l'attentat suicide est consacrée, en partie, à la prière.
Et également à la réalisation de testaments vidéo
et audio. La réalisation de ces supports répond à deux
logiques. La première est à visée propagandiste. En effet,
ils pourront l'exploiter par le biais des médias afin d'ancrer un peu
plus le culte du martyre au sein de la société (point sur lequel
nous reviendrons dans la deuxième partie) et également de les
montrer aux recrues lors de leur formation en guise d'exempla. Le
deuxième objectif est de limiter les risques de démobilisation du
candidat avant le passage à l'acte.
1.3.2.3. Le Pakistan et l'Afghanistan
Au Pakistan, il existe des camps où sont
entrainés les enfants qui vont commettre un attentat suicide. Cependant,
tous les enfants en ayant commis ne sont pas passés par là. C'est
le cas d'un enfant de six ans issu d'un milieu pauvre dans la province de
Ghazni, dans l'est de l'Afghanistan, dont les talibans lui auraient
demandé de porter une veste d'explosifs et de la faire exploser
près des forces de sécurité afghane. Afin de convaincre
l'enfant, les membres du groupe terroriste lui auraient affirmé, selon
les propos de l'enfant, que des fleurs jailliraient au moment où il
appuierait sur le détonateur.111(*) Le jeune garçon n'était donc pas
conscient de ce qu'il s'apprêtait à faire. Dans ce cas de figure,
il n'a pas suivi d'entrainement avant le passage à l'acte. Nous avons pu
trouver quelques autres cas similaires à celui-ci, cependant, les
sources n'étant pas assez fiables, nous avons
préféré ne pas les introduire dans cette étude. Il
s'agissait également de jeunes garçons âgés de moins
de dix ans et toujours en Afghanistan.
Dans d'autre cas, l'enfant subit un entrainement avant
d'effectuer sa mission. Il est alors conscient de sa future action. Nous avons
pu récolter un certain nombre d'informations concernant l'entrainement
de ces futurs martyrs que nous allons pouvoir relater ici.
A l'arrivée au camp, les instructeurs, après
leur avoir fait exécuter quelques tests, les séparent en trois
catégories distinctes. Les plus intelligents deviendront informateurs,
tandis que les plus forts physiquement deviendront combattants. Les futurs
candidats au suicide sont ceux qui sont les plus manipulables. Les enfants
faisant partie de cette catégorie vont être séparés
des autres. Ils ont une place spéciale de part leur capacité
à infliger des dommages importants à l'ennemi.
Les camps d'entrainements se trouvent
généralement dans des écoles abandonnées ou bien
des maisons prêtées par des sympathisants. Les zones dans
lesquelles sont situés ces camps sont des endroits où le
gouvernement n'a plus beaucoup ou plus du tout de contrôle. Ce qui permet
au groupe de réduire les mesures de sécurité. On retrouve
des adultes et des enfants à l'intérieur d'un même camp,
l'âge des futurs kamikazes variant de 7 à 40 ans. Cependant ils
sont séparés et suivent deux formations distinctes.112(*) Il y a un camp pour les
juniors, allant de 7 à 15 ans et un autre pour les séniors
à partir de 16 ans. On notera ici que l'âge de la majorité
n'est pas défini de la même manière que dans le droit
international. Dans un même camp, tous ne sont pas destinés
à accomplir une mission suicide. La moyenne de personnes qui suivent la
formation est de 30-35, cependant ce chiffre peut varier d'un cas à
l'autre.
Pour ce qui est de la formation à proprement dit, nous
avons à notre disposition plusieurs sources qui nous permettent de
comprendre son déroulement. La formation comporte à la fois un
volet théorique et un volet pratique.
En ce qui concerne, le côté pratique de
l'entrainement, une vidéo subtilisée au groupe al-Qaeda
en 2007 par les forces armées pakistanaises montre des jeunes
garçons, tous mineurs recevant une formation sur la fabrication des
bombes et la manière de mener une attaque explosive.113(*)
La formation théorique comporte de la lecture. On tente
d'inculquer, par ce biais, la notion de revanche à l'encontre de ce que
l'on fait subir aux musulmans. Un jeune homme, nommé Ishaq,
âgé de 18 ans au moment de l'interview114(*), donne son témoignage
après être passé dans un camp d'entrainement pour devenir
suicide bombers. Ce camp était situé dans le sud du
Waziristan. Il en est sorti par sa propre volonté. Dans son
témoignage, Ishaq explique que les instructeurs attiraient
particulièrement l'attention sur l'impuissance des musulmans dont les
filles et les soeurs sont déshonorées par des non-musulmans en
Irak et en Afghanistan. Le témoignage d'un autre adolescent qui passa
également par un camp d'entrainement au Sud Waziristan pour commettre un
attentat suicide puis qui se rétracta, met en avant l'accent mis par les
hommes en charge de leur formation sur les femmes musulmanes qui se trouvent
dans « les prisons des infidèles », selon leurs
propres termes.
La licité religieuse de l'attentat suicide contre des
non musulmans est systématiquement mise en avant, ainsi que contre leurs
alliés non musulmans.
Afin de rendre convaincante l'existence du paradis
après la mort en martyre, les formateurs racontent que les recrues qui
sont passées à l'acte leur apparaissent en rêve pour leur
dire qu'ils étaient désormais au paradis. Le contenu du discours
sur le paradis est, comme dans le cas de la Palestine, basé sur une
interprétation du Qu'ran assez répandue, et pas propre
à l'exégèse salafiste, qui consiste à dire que
l'enfant, ou l'adulte, entrera au paradis dès la détonation et y
sera reçu par soixante douze vierges. Là aussi, soixante dix
proches du martyr se verront accueillis auprès de lui et du
Prophète après leur mort.
Comme dans le cas de la Palestine, les recrues visionnent les
vidéos de préparation de leurs prédécesseurs. Les
formateurs prennent soin de ne pas montrer les images de l'instant
d'après l'attentat afin que la vision du carnage ne démoralise
pas ces enfants.
Avant l'attaque, les enfants récitent des versets du
Qu'ran afin de se motiver. Dans la zone Afghanistan-Pakistan, les
enfants sont drogués avant de passer à l'action, afin de leur
faire perdre le contact avec la réalité.115(*)
1.3.2.4. Analyse comparative
Nous retrouvons une caractéristique commune à
tous ces groupes qui est la préparation psychologique de l'enfant avant
l'attentat. Il faut tout de même émettre une nuance significative.
Les talibans ont bien mis au point des camps d'entrainement pour
former les recrues, mais dans quelques cas, il semble qu'aucune formation n'ait
été dispensée à l'enfant avant que celui-ci
opère sa mission. Ces enfants sont très jeunes et seraient
trompés par les talibans. Pour les autres, qui sont conscients
de leur geste, il s'agit d'éviter qu'ils ne se rétractent
à la dernière minute. La crainte que l'enfant se rétracte
est omniprésente dans chaque cas. Et cet élément n'est pas
seulement lié à l'âge des recrues puisque nous savons que
les groupes palestiniens et les talibans (peut être aussi le
LTTE) procèdent de la même manière pour les adultes.
Cependant, nous pouvons remarquer que les groupes palestiniens ne dispensent
pas de formation physique particulière.
Nous remarquons également que tous les groupes
utilisant des enfants dans les attentats suicides ont mis en place un
entrainement type que nous avons pu retracer dans ses grandes lignes. Nous
pouvons donc en déduire que ce phénomène fait l'objet
d'une organisation spécifique et pensée par les leaders, ce qui
lui ôte de facto son caractère marginal. Le Pakistan et
le Sri Lanka particulièrement, par le biais de ses camps d'entrainement,
a mis en place de véritables « usines » à
fabriquer des kamikazes juvéniles.
L'entrainement des enfants est systématiquement
séparé de celui des adultes. Les groupes reconnaissent, par ce
biais, une spécificité propre à l'enfant qui les rend
pleinement coupables des violations des droits de l'enfant.
En ce qui concerne le contenu de la formation, tous les
formateurs ont recourt à l'exemple des ainés qui permet de les
ancrer dans une lignée de héros et qui peut conduire à
normaliser leur action. La notion de sacrifice est mise en avant par le biais
des poèmes dans le cas du LTTE et du Qu'ran pour les
autres cas.
Le point de divergence principale se situe dans le contenu
même des différentes formations. Au Pakistan et en Palestine,
l'accent est mis sur la vie après la mort. Chaque martyr va rejoindre le
Paradis. Dans cette logique, les instants qui précèdent
l'attentat sont consacrés à la prière. Tandis qu'au Sri
Lanka, cette dimension est absente et les recrues, avant d'effectuer leur
action, reçoivent « l'honneur » de partager leur
dernier repas avec le leader du LTTE. Le plaisir n'est donc pas dans
l'espoir d'une vie au Paradis après la mort, mais il est terrestre.
Conclusion
D'un côté, nous avons une guerre civile à
caractère ethno-nationaliste au Sri Lanka. D'un autre, nous avons une
guérilla dont l'objectif est l'élimination complète
d'Israël et la mise en place d'un Etat Islamique de Palestine. Et enfin,
il y a une guerre civile en Afghanistan contre un gouvernement soutenu par une
coalition internationale perçue comme une force d'occupation par les
talibans. Ces conflits ont une caractéristique commune : ils
opposent des acteurs gouvernementaux à des acteurs non-gouvernementaux
considérés par de nombreux pays occidentaux comme terroristes. Il
s'agit de guerres asymétriques conduites par des organisations
relativement bien structurées et soutenues par des financements
extérieurs non négligeables. Leurs revendications sont avant tout
politiques et territoriales. Les idéologies qu'ils soutiennent, leurs
revendications, le contrôle sur des parties du territoire leur assurent
un soutien, variable selon les cas, de la population. Il faut nuancer ce
propos dans le cas du LTTE qui a vu sa popularité auprès
de la population décliner dans les années 2000. Le LTTE
se distingue aussi par les opérations d'envergure menées contre
les forces indiennes et sri lankaise et qui s'inscrivent dans la lignée
des guerres conventionnelles, qu'ils alternent avec des actions de
guérillas.
Chacun de ces groupes, dans le cadre des guérillas
menées contre les forces armées adverses se servent de l'attentat
suicide comme moyen d'action violent. Dans le cas du LTTE, et dans une
moindre mesure des talibans, cette tactique s'inscrit dans une stratégie
globale dont le but est d'atteindre les objectifs fixés. En Palestine,
l'attentat suicide est avant tout un acte visant à se venger de
exactions commises par l'Etat hébreux, notamment les attaques
ciblées et les frappes aériennes. L'idée de vengeance au
nom des musulmans est un élément que l'on retrouve
également au Pakistan et en Afghanistan mais dans une mesure bien
moindre. Nous pouvons donc affirmer que les attentats suicides revêtent
un caractère « émotionnel », tandis qu'au Sri
Lanka, en Afghanistan et au Pakistan, il s'agit avant tout d'actes s'inscrivant
dans une stratégie militaire globale.
Tous utilisent ou ont utilisé des enfants dans les
attentats suicides. Nous avons relevé un élément notable
quant à la période du conflit durant laquelle les enfants sont
utilisés. Rappelons qu'au Sri Lanka, il semblerait que le recours aux
enfants soit continu, ce qui n'est pas le cas dans les autres conflits
où leur utilisation corrobore avec une intensification des combats.
L'utilisation des enfants au Sri Lanka ferait donc partie intégrante de
la stratégie globale du LTTE tandis que dans les autres cas,
les enfants pourraient constituer une réserve permettant l'augmentation
croissante de ces actions. Cependant, malgré la baisse de
l'intensité du conflit en Palestine ces dernières années,
il ne semble pas que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides ait
décliné.
En ce qui concerne le recrutement, les différents
groupes étudiés ont des méthodes très
différentes. Les jeunes palestiniens, semblent-ils, vont
spontanément se présenter aux groupes armées dans le but
qui leur soit confié une mission suicide. Dans les autres cas, la
méthode coercitive semble être une composante importante de leur
méthodologie de recrutement. Par contre, nous avons observé de
grandes similitudes dans les entrainements suivis par les recrues avant le
passage à l'action.
Pourquoi?
Après avoir décrit ce phénomène,
nous allons tenter de le comprendre, et ce à trois niveaux: tactiques,
sociétales et au niveau des enfants eux-mêmes. Nous allons, dans
un premier temps, chercher les éléments qui poussent les groupes
à utiliser les enfants pour commettre des attentats suicides. Puis, dans
un deuxième temps, nous allons voir les éléments
sociétaux qui rendent ce phénomène possible. Et enfin,
dans un troisième temps, nous tenterons de comprendre les motivations
qui poussent, dans le cas des engagements volontaires, ces enfants et
adolescents dans cette voie. Ainsi, nous pourrons comparer les résultats
entre les différents cas.
1.1.
1.1. Les raisons tactiques
Cette partie sera consacrée aux motivations des groupes
à se tourner vers des mineurs pour l'accomplissement de l'acte
terroriste le plus définitif qui soit puisqu'il conduit inexorablement
à la mort de son auteur. Nous pouvons bien sûr mettre en avant la
malléabilité inhérente à l'enfant, son faible
coût d'entretien lors de la préparation, etc. Cependant, nous
laisserons ces considérations de côté pour nous atteler aux
motivations tactiques.
Nous avons vu dans l'introduction que R. Pape estime que les
adolescents âgés de 15 à 18 ans représentent environ
20% des kamikazes. Il révèle également que ce
phénomène touche des enfants de moins de 15 ans mais de
manière bien plus marginale.116(*) Il avance également une explication à
l'utilisation des mineurs et particulièrement ceux de moins de 15 ans
dans ce type d'action: "les groupes terroristes expérimentent
constamment de nouvelles tactiques destinées à déjouer les
mesures de sécurité"117(*) et d'ajouter: "Le recrutement des femmes, qui
représentent, elles aussi, le cinquième environ des auteurs
d'attentats suicides, et d'adolescents suit la stratégie fondamentale
qui est d'éviter de se faire rapidement repérer par les forces de
l'ordre"118(*) . Singer,
quant à lui, estime que les enfants représentent pour les groupes
terroristes des recrues simples et peu onéreuses et offrent de nouvelles
options pour combattre l'ennemi119(*), ce dernier point se recoupant avec
l'hypothèse de R. Pape.
Nous allons nous pencher plus précisément sur
chacun des groupes afin de valider ou d'invalider cette hypothèse et
comprendre s'il existe d'autres motivations.
1.1.1. Un souci de
discrétion ?
Une des hypothèses avancées est que ces groupes
utiliseraient des enfants dans les attentats suicides dans le but de tromper
les forces de sécurité de l'ennemi.
Le Lieutenant Colonel Lillian A. James O'Neil, des forces
armées américaines (United States Air Force), a pu
constater que l'utilisation des mineurs dans les attentats suicides a connu une
forte augmentation en Palestine (les chiffres exacts ne sont pas
précisés) depuis 2004. Il met ces éléments en
parallèle avec l'augmentation des échecs des tentatives
d'attentats menées par des adultes palestiniens et contrecarrées
par les forces armées israéliennes. Au début des
années 2000, les checkpoints ont été resserrés et
renforcés, ce qui a limité la marche de manoeuvre des groupes
terroristes palestiniens contre Israël.120(*) Des jeunes garçons et des jeunes filles
auraient donc été utilisés afin d'échapper aux
contrôles effectués par les forces israéliennes. Cette
hypothèse se voit confirmée par le profil de recrues
privilégiées par le Hamas. Comme nous l'avons vu dans la
première partie, ce groupe terroriste a tendance à recruter des
jeunes garçons ayant un physique pouvant les faire passer pour
juif.121(*) Ce type de
profil permet au futur martyr de ne pas éveiller les soupçons
auprès des forces armées israéliennes. Le LTTE
suit également cette logique en recrutant apparemment beaucoup de
petites filles. Celles-ci seraient moins en proie à subir le
contrôle des forces du gouvernement. Le recrutement d'enfant serait
donc un moyen efficace pour tromper les contrôles de
sécurité et ainsi pouvoir atteindre au plus près les
cibles. Ce point soulève une question qui est celle de
l'efficacité de cette tactique dans la durée. En effet, face
à cette nouvelle menace, on peut supposer que les forces de
sécurité adverses vont mettre en place des mesures visant
à contrer ce phénomène et les enfants deviendront la cible
de contrôles systématiques au même titre que les hommes
adultes.
1.1.2. Le choix des cibles
Nous allons essayer d'éclaircir les raisons tactiques
de l'utilisation des enfants dans les attentats suicides par le biais du lieu
et de la cible contre laquelle ils sont perpétrés. Par ce biais,
nous allons tenter de savoir si les enfants ne seraient pas utilisés
pour des missions particulières dans le but d'exploiter au maximum des
avantages spécifiques liés à leur âge.
Dans un premier temps, nous allons essayer de dégager
des grandes tendances par pays étudiés. Et, dans un
deuxième temps, nous allons tenter une analyse de ses
résultats.
1.1.2.1. Le cas de la Palestine, du Pakistan et de
l'Afghanistan
Dans cette partie, le Sri Lanka ne sera pas abordé en
raison du manque d'informations à son sujet.
Afin de faciliter la lecture de ce sujet, nous avons
élaboré deux tableaux, un pour la Palestine et un pour le
Pakistan, avec les informations dont nous disposons.
Légende
Age : Cette colonne désigne l'âge de
l'enfant au moment de l'attentat.
Date : Celle-ci désigne la date où a
été commis l'attentat ou la tentative d'attentat
Lieu d'origine : Il s'agit de la ville ou de la
région dont l'enfant est originaire.
Lieu de l'attentat : Cette colonne correspond
à la ville ou à la région où a eu lieu l'attentat
ou la tentative d'attentat suicide. Dans cette colonne, le signe v. signifie
vers et indique la proximité avec une ville.
Cible : La colonne cible désigne la nature
de la cible visée. La lettre C signifie que l'attentat a
été commis ou devait être commis à un checkpoint.
Succès : Elle se réfère
à la réussite ou à l'échec de l'attentat, mais dans
chacun des cas, le mineur s'est rendu sur le lieu désigné avec
l'équipement fourni pour mener à bien sa mission. La lettre 0
signifie que la mission assignée fut un succès, tandis que la
lettre N renvoie à son échec.
Moyen : La colonne moyen renvoie à la
manière dont l'attentat a été ou devait être
exécuté. La terminaison C. Explosifs signifie ceinture
d'explosifs.
Des points d'interrogations ont été
placés aux endroits où nous n'avons pas l'information.
Tableau concernant la Palestine
Age
|
Date
|
Lieu d'origine
|
Lieu attentat
|
Cible
|
Succès
|
Moyen
|
17
|
29/03/02
|
Nord Bethlehem
|
Jérusalem
|
?
|
O
|
C. Explosifs
|
16
|
22/05/02
|
Al Doh
|
Rishon Le Zion
|
Parc
|
O
|
?
|
17
|
25/01/02
|
?
|
Tel-Aviv
|
?
|
O
|
?
|
17
|
05/06/02
|
?
|
V.Meguiddo
|
|
|
|
16
|
03/03
|
Nablus
|
V.Qalqilya
|
Tsahal
|
O
|
C.Explosifs
|
17
|
01/04
|
?
|
?
|
?
|
O
|
C.Explosifs
|
12
|
29/02/04
|
Tubas
|
Afula
|
C.
|
N
|
?
|
13
|
29/02/04
|
Tubas
|
Afula
|
C.
|
N
|
?
|
15
|
29/02/04
|
Tubas
|
Afula
|
C.
|
N
|
?
|
12
|
01/03/04
|
?
|
?
|
?
|
N
|
Bombe sur lui
|
11
|
16/03/04
|
?
|
Hawara
|
C
|
N
|
?
|
14-16
|
24/03/04
|
?
|
V. Nablus
|
C
|
N
|
C. Explosifs
|
15
|
12/07/04
|
?
|
?
|
?
|
N
|
C. Explosifs
|
17
|
14/07/04
|
Nablus
|
Kfar Masha
|
?
|
N
|
?
|
15
|
23/09/04
|
Yamor
|
Afula
|
?
|
N
|
C. Explosifs
|
15
|
28/10/04
|
?
|
Nablus
|
?
|
N
|
?
|
16
|
01/11/04
|
?
|
Tel Aviv
|
Marché
|
O
|
Explosifs sur lui
|
15
|
04/11/04
|
?
|
Nablus
|
?
|
N
|
?
|
15-16
|
03/02/05
|
?
|
Huwara
|
C
|
N
|
Pipe Bomb
|
15
|
12/04/05
|
?
|
Huwara
|
C
|
N
|
?
|
15
|
27/04/05
|
?
|
V. Jenin
|
C
|
N
|
Explosifs sur lui
|
15
|
27/04/05
|
?
|
V. Jenin
|
C
|
N
|
Explosifs sur lui
|
14-15
|
22/05/05
|
?
|
Huwara
|
C
|
N
|
?
|
15
|
25/05/05
|
?
|
Huwara
|
C
|
N
|
Pipe Bombs
|
14
|
11/10/05
|
?
|
?
|
?
|
N
|
?
|
15
|
27/08/07
|
?
|
Nord Gaza
|
?
|
O
|
?
|
Tableau concernant le Pakistan et l'Afghanistan
Age
|
Date
|
Lieu d'origine
|
Lieu attentat
|
Cible
|
Succès
|
Moyen
|
12
|
06/2007
|
?
|
Province Ghazni
|
ISAf
|
N
|
C.Explosifs
|
6
|
06/2007
|
?
|
Province Ghaznil
|
Forces armées
|
N
|
C.Explosifs
|
14
|
07/2007
|
Pakistan
|
Province Khost
|
Gouverneur
|
N
|
C.Explosifs
|
13
|
?
|
?
|
Shangla
|
Militaire
|
O
|
Explosifs
|
13
|
?
|
?
|
Helman
|
Militaire
|
O
|
Explosifs
|
6
|
?
|
?
|
Afghanistan
|
C.
|
N
|
?
|
16
|
?
|
Ghazni
|
Ghazni
|
?
|
N
|
C. Explosifs
|
15
|
?
|
Gardez
|
Gardez
|
?
|
N
|
Explosifs
|
La liste ci-dessous reprend plus en détails les cas
exposés dans le tableau du Pakistan :
· Un enfant de six ans (exemple déjà
cité plus haut) a commis un attentat suicide en Afghanistan. L'article
concerné stipule que l'enfant visait les forces de la coalition en
Afghanistan. Il fut arrêté à un checkpoint. Là
encore, la cible visée était militaire.
· Un enfant de treize ans susmentionné qui, selon
l'article122(*), s'est
fait exploser au passage d'un convoi militaire au marché bondé de
Shangla près de Swat.
· Le 8 juillet 2009, CNS News rapportait dans un
article123(*) qu'au mois de
décembre 2008, trois soldats de la British Royal Marines ont
été tués lors d'un attentat dans la province d'Helman au
Pakistan. La bombe se trouvait empaquetée dans une brouette
poussée par un enfant de treize ans dans leur direction.
· Un enfant de six ans du village de la province de
Ghazni s'est approché des forces militaires afghanes une ceinture
d'explosifs attachée sur son torse.
· Un garçon de 16 ans a reçu l'ordre de
porter une veste bourrée d'explosifs et de la faire exploser à
Ghazni «The remote control battery was with me, but I could not do it
and threw the battery away,» he recalled. «I realized that the target
was not foreigners only but also Afghans ... If I didn't do it, they said I
would go to hell.»
· Un garçon afghan de 15 ans de la ville de Gardez
a été arrêté après l'échec de
l'explosion de sa bombe. «The mullah in Gardez told me I will occupy a
place in Jannat [Paradise] if I kill a foreigner. I wanted a place in
Jannat.»
A la lecture de ces tableaux, nous remarquons que la grande
majorité des attentats sont des échecs. Cependant, il ne faut pas
en tirer de conclusions hâtives. Cet élément ne signifie
pas que les enfants enregistrent un taux d'échec important dans ce type
de mission. Il peut tout simplement s'agir du fait que les informations, quant
à l'auteur de l'attentat, sont plus facilement accessibles lorsque
celui-ci est encore en vie.
En ce qui concerne le choix des cibles, nous constatons pour
la Palestine, que sur les 26 cas exposés, 11 visaient des checkpoints, 2
des endroits publics destinés aux civils et 13 sont
indéterminés. Les checkpoints représentent donc un peu
plus de 42% de l'ensemble des cibles et 50% des cibles
déterminées. Dans le cas des checkpoints, les personnes
visées sont avant tout les militaires effectuant les contrôles.
Aussi, la majorité des cibles visées sont militaires et plus
précisément, dans le cas de la Palestine, les forces
armées israéliennes.
Pour ce qui est du Pakistan et de l'Afghanistan, sur les 8 cas
exposés, 6 visaient des cibles militaires, soit 75% et 2 sont
indéterminées. En ce qui concerne l'enfant de Garnez, il est
précisé que le mollah dont il avait reçu l'ordre lui a
demandé de viser un étranger. Nous pouvons émettre
l'hypothèse qu'il s'agit d'un soldat des forces de la coalition,
cependant cet élément n'est pas vérifiable. Pour le
Pakistan et l'Afghanistan, les cibles privilégiées semblent aussi
être militaire.
Une nuance reste cependant à apporter. Dans le cas du
Hamas, P.W. Singer affirme qu'il laisse le choix des cibles à
l'enfant. Il semblerait qu'ils leur disent simplement d'aller là
où il y a du monde et de se faire exploser. Les enfants se dirigeraient
alors aux checkpoints car ces endroits leur sembleraient plus
appropriés, ou bien par imitation.
L'autre point remarquable est que l'ensemble des moyens
déterminés utilisés pour commettre l'attentat sont des
explosifs. Ils peuvent être portés en ceinture comme c'est
majoritairement le cas en Palestine, ou dissimulés dans un objet
porté par l'enfant comme un sac ou une brouette.
Et enfin, nous pouvons remarquer pour le Pakistan et
l'Afghanistan, que, dans les cas exposés, l'enfant ou l'adolescent
commet sa mission dans la ville où il vit. Cependant, les cas ne sont
pas assez nombreux pour en déterminer une tendance.
1.1.2.2. Analyse comparative
Efraim Benmelech et Claude Berrebi, dans leur étude
Human Capital and the productivity of suicide Bombers, ont mis en
avant le fait qu'il existe un lien entre le profil du
« kamikaze » et la
« productivité » de l'attentat. Avant le 11
septembre 2001, la majorité des analystes travaillant sur les attentats
suicides s'accordaient pour dire que le profil type du
« kamikaze » était un homme de moins de trente ans,
issue d'un milieu pauvre et très peu éduqué.
De nombreuses études tendent à montrer
désormais que les profils des « kamikazes » sont
variés. Selon E. Benmelech et C. Berrebi, les cibles les plus
importantes seront confiées aux personnes les plus
éduquées et feront plus de morts.124(*) Dans cette même
étude, ils précisent que les cibles militaires dans les zones de
conflits et les checkpoints ne sont pas des cibles importantes et difficiles.
Les informations dont nous disposons corroborent avec cette affirmation. Nous
pouvons donc en déduire que les enfants et adolescents sont
utilisés pour des cibles considérées comme simples et
à proximité de chez eux. En vue de ces informations, nous pouvons
émettre l'hypothèse que ce phénomène restera
cantonner à des conflits locaux et ne s'inscrira donc pas dans le
mouvement du terrorisme international.
En conclusion de cette partie, nous pouvons dire que les
enfants sont utilisés pour des cibles essentiellement militaires et dans
des attentats dits « simples ». L'avantage tactique de leur
utilisation réside essentiellement dans la maximisation de la
sécurité de la mission. En vue de leur jeune âge, il est
donc peu probable de voir des enfants commettre des attentats transnationaux de
type 11 septembre 2001 qui demandent une préparation
particulière. Il y a tout à parier que ce phénomène
restera cantonné aux zones de conflits concernées. Nous pouvons
dire qu'il s'agit d'un phénomène de proximité bien que
probablement transfrontalier dans le cas du Pakistan et de la Palestine.
1.2. La place de l'enfant
dans la société et le respect de ses droits
L'utilisation des enfants dans les attentats suicides ne peut
résulter de la seule volonté des groupes armés. Nous
sommes partie de l'hypothèse que ce phénomène a
nécessité un contexte sociétal particulier pour pouvoir se
développer. Nous avons choisi de l'aborder ici sous deux angles :
celui de la vulnérabilité des enfants et de la place de ceux-ci
dans le conflit. Ce contexte joue à la fois sur la motivation de ces
enfants à vouloir commettre un attentat suicide et sur l'acceptation de
ce phénomène par la société. Nous partons ici de la
présupposition que les attentats suicides commis par les enfants sont
acceptés par la société. Ce sujet sera
développé et argumenté plus loin dans l'étude.
1.2.1. La
vulnérabilité propre aux enfants dans chacune de ces
sociétés
Comme nous l'avons vu dans notre introduction, la
communauté internationale a mis en place un dispositif législatif
visant à protéger l'enfant afin qu'il puisse
bénéficier d'un développement optimal. La Convention des
Droits de l'enfant est d'ailleurs celle qui a été signée
par le plus de pays dans le monde.125(*) Cependant, dans une période de conflit, la
violation des droits de l'enfant est un phénomène assez classique
puisque l'État se retrouve généralement dans
l'incapacité de les promouvoir et dans certains cas, n'a pas la
volonté de le faire.
Nous allons nous pencher ici sur la
vulnérabilité des enfants dans les zones de conflit
étudiées. Nous sommes partie de l'hypothèse qu'une forte
vulnérabilité de l'enfant pouvait être un facteur
décisif dans la décision du groupe de choisir un enfant
particulier dans le cas de l'action forcée et dans la décision de
l'enfant quand celle-ci n'est pas prise sous la contrainte.
Nous n'allons pas tenter d'évaluer le niveau de
vulnérabilité de ces enfants mais plutôt voir dans quelle
mesure cela pourra impacter sur la décision de l'enfant.
ainsi de valider ou d'invalider l'hypothèse selon
laquelle le facteur de vulnérabilité est décisif dans
l'apparition de ce phénomène.
Avant toute chose, il convient de définir ce qu'est la
vulnérabilité au sens où nous l'employons. La
vulnérabilité des enfants est un concept qui a été
étudié par de nombreuses ONG et par l'UNICEF. Ayant beaucoup
travaillé sur ce sujet dans le cadre de mon stage au Secours
Islamique France, je me propose d'élaborer une définition
à partir du travail que j'ai pu effectuer au cours de ces six mois. Le
dictionnaire le Robert donne une base de réflexion en proposant
cette définition : « Qui peut-être facilement
atteint, se défend mal ». En partant de là, nous
pouvons établir que la vulnérabilité d'un enfant est
mesurée en fonction des risques auxquels il est exposé et les
moyens dont il dispose pour y faire face. Il est communément admis que
tous les enfants sont vulnérables, cependant, certains contextes les
exposent plus particulièrement à divers risques. Lors de son
intervention au cours du colloque Enfance et Sida tenu le 15 juin
2006, Sandrine Dekens a classifié les risques auxquels sont
exposés les enfants en trois catégories126(*) :
- Risques socioéconomiques : logique de survie,
faim, déscolarisation, conflits armés, drogues, prostitution,
délinquance, recrutement dans des bandes armées...
- Risques sanitaires : VIH et autres IST, grossesses
précoces et non désirées, maladies infectieuses, rougeole,
carences alimentaires et vitaminiques...
- Risques psychologiques : carences affectives,
exposition aux deuils multiples, à la maladie du parent, absence
d'adulte de référence, violences sexuelles, accusations de
sorcellerie, discrimination et stigmatisation...
La Banque Mondiale a également proposé une
définition intéressante sur ce concept, Qui sont les enfants
vulnérables ?127(*) : « Un enfant est
vulnérable s'il a une forte probabilité qui, comparé aux
autres enfants dans le même pays ou région, un choc (par exemple
famine) aura un effet négatif sur lui (par exemple malnutrition). Par
rapport aux adultes, tous les enfants sont vulnérables de nature, mais
certains sont plus vulnérables que d'autres : La
vulnérabilité pour les enfants est un état relatif, pas
absolu. La vulnérabilité des enfants peut-être vue comme
une spirale descendante où un choc aboutit à un nouveau niveau de
vulnérabilité, qui entraine une série de nouveaux risques.
Il y a donc de multiples stages ou degrés de
vulnérabilité. »
Les facteurs de vulnérabilités :
- Zone de conflit qui entraine de nombreuses privations
surtout du côté des groupes armées non gouvernementaux,
ainsi qu'un traumatisme psychologique dont l'importance est variable selon les
enfants mais non négligeable dans tous les cas.
- Désespoir du fait de la longévité des
conflits concernés.
- Faible taux de scolarisation déjà observable
avant l'apparition du conflit.
- Peu d'espoir en un avenir meilleur, notamment d'un point de
vue matériel.
1.2.1.1. Le Sri Lanka
L'enfance au Sri Lanka est confrontée à de
nombreuses problématiques.
- Deux phénomènes que l'on retrouve dans
d'autres pays d'Asie du Sud sont observés à Sri Lanka: la
servitude pour dettes et le trafic à des fins sexuels.128(*)
- Les exactions commises par l'ennemi, ou les forces
gouvernementales
Le droit des enfants est également bafoué par
les forces de l'autorité gouvernementale. De nombreux enfants ont
été tués ou mutilés dans les combats. Les forces de
police et d'autres autorités gouvernementales ont arbitrairement
arrêté, torturé et maltraité de nombreux
enfants.129(*) Les
enfants tamouls sont la cible des forces de sécurité en ce qui
concerne les contrôles ou les opérations et sont détenus
pour des interrogatoires où ils doivent souvent faire face à la
torture et parfois même aux exécutions.130(*)
Ces violations systématiques des droits de l'enfant
créent un contexte dans lequel les enfants sont en position de forte
vulnérabilité notamment vis-à-vis du recrutement
forcé ou volontaire de part les forces non-gouvernemental tout autant
que par les forces gouvernementales. L'Etat à la responsabilité
de protéger les enfants dans le cadre des gardes à vue.
Cependant, beaucoup de lois de renforcement empêchent cette protection.
Pourtant, selon la législation sri lankaise, les mineurs engagés
dans le conflit armé ne sont pas considérés comme des
criminels mais comme des victimes.131(*)
Vulnérabilité économique
- Situation des enfants rendus orphelin par la guerre et le
tsunami.
- Situation des déplacés.
Il semble que dans le nord et l'est du Sri Lanka, les enfants
soient devenus une source de revenu importante pour les parents dans un
contexte ou le conflit a apporté une pression financière
supplémentaire.
1.2.1.2. La Palestine
- La génération de la l'Intifada, une
génération particulièrement vulnérable
La génération d'enfants ayant connu
l'Intifada al-Aqsa est une génération qui n'a connu que
la guerre. La mort est devenue omniprésente dans leur quotidien. Selon
une étude de M.Eyad Sarraj132(*), un quart des enfants de Gaza aspirent à
mourir en martyrs, et certains d'entre eux ne souhaitent plus aller à
l'école par peur que dans ce laps de temps, leurs parents soient
tués ou arrêtés et leur maison détruite. Il faut
souligner à cet effet, les propos tenus par Sarraj :
« Dans la première Intifada, le danger était
limité aux endroits où s'affrontaient les soldats et les lanceurs
de pierres. Aujourd'hui, la mort vient du ciel. N'importe qui peut-être
touché n'importe quand. Cela crée un état de panique
chronique. »133(*)
- Nombreux enfants palestiniens vivent
côte-à-côte avec des enfants israéliens, ce qui est
le cas notamment en Israël ou à Jérusalem. Les enfants
palestiniens subissent un traitement différent, notamment la non
scolarisation, ce qui les renforce dans le sentiment d'injustice.
1.2.1.3. Le Pakistan et l'Afghanistan
Les enfants sont très vulnérables en
Afghanistan. Ils ont joué très vite un rôle dans le conflit
en servant de soutien de propagande. On montrait des images d'enfants
mutilés ou morts pour attiser la pitié des occidentaux.
- Problème de scolarisation
La scolarisation est un problème important
malgré de nets progrès enregistrés depuis la chute du
régime taliban. Dans la vallée de Swat, au Pakistan, les enfants
rencontrent les mêmes difficultés de scolarisation. Les
écoles contrôlées par le gouvernement sont peu nombreuses
et leur accès est payant. Aussi, de nombreux garçons sont
envoyés dans des madrassas dont le contenu scolaire les pousse
à la fanatisation.
Les facteurs de vulnérabilité ne se
réduisent pas à la scolarisation dans cette zone. L'accès
à l'alimentation est difficile, les perspectives d'avenir quasiment
inexistante. Et un retour à la paix presque inenvisageable.
1.2.1.4. Analyse comparative
La violation systématique des droits fondamentaux de
l'enfant crée des situations dans lesquelles les enfants constituent un
groupe vulnérable pour le recrutement forcé ou volontaire par des
groupes armés non gouvernementaux.134(*)
A la violation de leur droit, s'ajoute d'autres
vulnérabilités dont les enfants ne peuvent faire face et qui
peuvent les conduire à un sentiment de désespoir, surtout lorsque
la situation politique ne semble pas pouvoir s'arranger.
De nombreuses études concernant les enfants soldats
tendent à mettre en avant que la vulnérabilité
socio-économique des enfants dans les pays en conflits pousse ceux-ci
à s'enrôler volontairement dans le but d'accéder aux
besoins primaires dont la nourriture, l'hygiène, la santé et la
sécurité. Cependant, l'enfant dans les attentats suicides n'est
pas un enfant soldat comme les autres dans le sens où il ne survivra pas
à sa mission. Dans ce contexte, le fait de rejoindre un groupe dans le
but de survivre n'est pas cohérent. Dans le cas de la Palestine et de la
zone Pakistan/Afghanistan, l'idée de vengeance apparait souvent comme
motivation pour accomplir un attentat suicide.
1.2.2. La participation des
enfants dans le conflit
Mis à part le cas du Sri Lanka, nous savons, à
peu près, quand le phénomène des enfants dans les
attentats suicides est apparu dans le conflit. Cependant, même si nous
n'avons pas d'informations pour le Sri Lanka, nous sommes sûr que ce
phénomène n'a pu voir le jour avant 1987 puisque cette date
correspond à l'exécution du premier attentat suicide par le
LTTE. Nous allons essayer de savoir si des enfants étaient
déjà impliqués activement dans le conflit avant
l'apparition du phénomène ou si ceux-ci en étaient
totalement exclus auparavant ; et bien évidemment, sous quelle
forme ils y participaient. Ainsi, nous verrons que chacun des pays
étudiés connaissait le phénomène des enfants
soldats avant de voir apparaitre celui des enfants dans les attentats suicides.
Il faut noter que nous faisons la distinction entre ces deux catégories.
1.2.2.1. Le Sri Lanka
Là encore le manque d'informations concernant les
enfants dans le conflit au Sri Lanka est notable. Aucune étude à
part entière n'a été menée sur le sujet. C'est
pourquoi, nous avons eu recours à des articles et des passages dans des
études plus générales sur les enfants dans les conflits
armés. Le problème des études générales sur
ce sujet est qu'elles traitent essentiellement du phénomène dans
les conflits africains.
Nous savons cependant que les enfants sont très
présents dans le conflit du côté du LTTE. Le Sri
Lanka fait partie des treize pays utilisant massivement des enfants soldats
135(*) aux
côtés de l'Afghanistan, du Burundi, de la République
Centrafricaine, de la République Démocratique du Congo, de la
Birmanie, du Népal, de la Somalie, du Soudan, du Tchad, de la Colombie,
des Philippines et de l'Ouganda. Le recrutement des enfants pour devenir
soldats au sein de la milice en est une caractéristique importante.
L'UNICEF estime que dans certains endroits, près de 50% des enfants ont
quitté l'école pour rejoindre les rangs des tigres.136(*) Le gouvernement sri lankais,
quant à lui, estime que 60% des combattants ont moins de 18 ans. Le
LTTE a commencé à recruter des enfants-soldats à
partir de 1984.
La moyenne d'âge au recrutement se situerait autour de
15 ans, mais certains n'auraient pas plus de 9 ans. Selon cette même
source, ces enfants auraient été utilisés lors des assauts
frontaux lors des grandes batailles les opposants aux forces du gouvernement et
aux forces indiennes (IPKF).137(*) L'enrôlement des enfants dans le conflit n'est
pas que le fait du LTTE. Les forces gouvernementales ont également eu
recours à des enfants dans les rangs de leur armée. Mais, il est
vrai, pas à la même échelle que les tigres tamouls.
L'enrôlement d'enfants âgés de moins de 18 ans est un
phénomène continu dans l'histoire du conflit opposant le LTTE aux
forces gouvernementales sri lankaises. En 2003, les leaders du groupe
séparatiste ont fait la promesse au représentant spécial
du Secrétaire général des Nations unies pour les enfants
et les conflits armés ainsi qu'à l'UNICEF de ne plus utiliser
d'enfants. Cependant, elle ne fut pas tenue138(*) et au milieu de l'année 2004, les
enlèvements et les campagnes intensives de réenrôlement se
sont multipliés.
Nous avons abordé dans la première partie le
mode de recrutement de ces enfants que nous supposons être le même
pour les futurs auteurs d'attentats suicides. Nous ne reviendrons donc pas sur
ce sujet.
Avant l'apparition du phénomène qui nous
intéresse, nous pouvons constater que les enfants participaient
déjà activement au conflit en tant qu'enfants soldats. L'enfant
participait donc déjà activement à ce conflit avant qu'il
soit impliqué dans les missions suicides.
1.2.2.2. La Palestine
Le rôle des enfants palestiniens dans le conflit qui les
oppose à Israël est multiforme.
Comme nous l'avons exposé au cours de la
première partie de cette étude, la présence
israélienne est très forte dans les territoires palestiniens. Ces
soldats constituent une réalité tangible pour les enfants arabes
vivant sur ces territoires.
Au cours de l'été 1988, des entretiens ont
été menés par Sylvie Mansour139(*) sur un
échantillonnage d'enfants de huit-douze ans en Cisjordanie140(*). Cette psychologue en tire
cette conclusion: « Ce qui frappe d'emblée quand on discute avec
ces enfants ..., c'est leur conscience politique et leur implication dans le
soulèvement : ils ne sont pas encore adolescents, ni même
préadolescents, et ils se situent déjà dans le conflit.
Ils en comprennent les racines et la dynamique, ils s'y identifient. Même
les questions les plus ouvertes les ramènent à la
réalité politique : pour la plupart leurs trois voeux à la
fée ne concernent ni des désirs personnels de possession de biens
de consommation, ni des espoirs de changements dans leur vie relationnelle avec
leurs pairs ou les membres de la famille (comme l'indiquent en
général les enfants à qui j'avais l'habitude de poser
cette question dans les services de pédopsychiatrie parisiens), mais
concernent l'avenir de la Palestine et du peuple palestinien en
général »141(*) On constate donc une politisation précoce des
enfants palestiniens. Un autre exemple nous en est fourni dans cette même
étude de Sylvie Mansour. Il s'agit d'une observation qu'elle a pu faire
au cours de l'été 1988 dans un collège de la ville de
Ramala.142(*) Cette
scène s'est déroulée peu avant la fermeture de
l'école, lors du passage des contrôles de fin d'année. Au
cours de la récréation, une délégation
d'élèves des classes les plus élevées est
allée à l'encontre du directeur de l'établissement pour
lui faire part de leur volonté d'organiser un sitting silencieux dans la
cour de l'école en signe de protestation contre la fermeture des
écoles. Ils ont également exprimé le désir de voir
leurs professeurs se joindre à eux, ce que ces derniers ont
refusé car ils étaient contre ce projet. Finalement, le
sitting a bien eu lieu et en présence des adultes. A la fin de
l'action, les enfants sont remontés dans les salles de classes en
chantant à pleine voix des chants révolutionnaires. Cet
épisode est marquant et montre les changements que la
société subi. Le système pédagogique palestinien
est fondé sur une obéissance aveugle aux professeurs, alors que
dans ce cas, les enfants ont agi seuls et sans le consentement des adultes
présents.
Ce n'est donc pas avec un grand étonnement que nous
constatons une participation active des enfants et des adolescents dans le
conflit israélo-palestinien à partir de la première
Intifada. En 1990, le professeur William W. O'Brien notait qu'une
partie des troupes de l'Intifada était composée
d'enfants dont certains avaient moins de 11 ans. Leurs actions consistaient
essentiellement en des jets de pierres et de cocktails Molotov. Il est
important de souligner que ces enfants n'agissaient pas de manière
forcée mais leur engagement était
« volontaire ».
Nous avons pu observer le phénomène, avec les
mêmes méthodes (jets de pierres et projection de cocktails
Molotov), au cours de la seconde Intifada. Cependant, il faut
souligner des différences notables dont le fait que la majorité
des personnes impliquées dans ces actions étaient des
adolescentes.143(*)
Cependant, l'implication des enfants palestiniens dans le
conflit n'est pas systématiquement volontaire. En effet, l'armée
israélienne s'est servie d'enfants qui avaient été
arrêtés pour jet de pierres ou participation à des
manifestations dans ses propres forces. Après avoir été
torturés et menacés, ces enfants détenus ont
été contraints de devenir informateurs.144(*) Selon une étude de
l'association de Défense des enfants international/Section
Palestine145(*),
menée en 2003 auprès d'anciens détenus palestiniens
mineurs, environ 60% d'entre eux auraient subis des tortures ou autres formes
de coercition dans le but de coopérer avec les services de
renseignements israéliens appelés Shabak.
En ce qui concerne les groupes armés palestiniens, tous
ont proclamé publiquement être opposés à
l'utilisation d'enfants dans les combats. Cependant, outre leur utilisation
pour les attentats suicides, des enfants ont été impliqués
dans les actions de ces mêmes groupes au cours de l'Intifada
al-Aqsa. Selon les témoignages des enfants membres de groupes
armés, ils se seraient engagés volontairement. Leur rôle
serait allé de la participation aux combats à celui de messagers
ou de coursiers.146(*)
Nous pouvons constater qu'il existe en Palestine, au moins
depuis le milieu des années 1980, une politisation des enfants. Cette
politisation les a conduits à prendre volontairement part au conflit qui
les oppose à l'Etat d'Israël. Nous constatons donc qu'il existait
un terrain favorable au glissement de l'enfance palestinienne vers des actions
violentes telles que des attentats suicides.
1.2.2.3. Le Pakistan
Nous avons vu dans la partie concernant le Sri Lanka que
l'Afghanistan fait partie des treize pays utilisant massivement les enfants
dans les conflits armés. Ceci s'explique par le fait que
l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans les différentes
factions armées est un phénomène traditionnel en
Afghanistan.147(*)
Ainsi, jusqu'à 2003, des enfants, parfois âgés de seulement
14 ans, ont été utilisés comme espions, messagers,
porteurs, gardiens, cuisiniers et combattants.
Cependant, en l'état actuel du conflit, l'utilisation
d'enfants par l'armée régulière afghane semble être
assez marginale. A la suite de l'adhésion du gouvernement afghan au
Protocole facultatif, le 24 septembre 2003, concernant les enfants
dans les conflits armés, l'âge minimum du recrutement dans
l'armée nationale afghane (ANA) a été relevé par un
décret publié en mai 2003 : « L'âge
minimum du recrutement des citoyens afghans pour accomplir leur service
militaire actif est limité entre 22 et 28 ans. »148(*) Il est intéressant de
noter que dans certains de ces cas, l'enfant aurait lui-même
falsifié ses papiers afin de pouvoir être engagé.
Ce qui ne parait pas être le cas des talibans.149(*) Leurs discours, ainsi que
leurs comportements sont très ambigus. En 2006, le Mollah Omar a
signé un Code de conduite à destination des combattants
talibans. Ce document, intitulé Layeha, comporte trente
commandements. Le dix-neuvième concerne les enfants dans le conflit. Il
stipule que « les moudjahiddin ne sont pas autorisés à
prendre des garçons imberbes chez eux ou à les utiliser sur le
champ de bataille »150(*) Bien que l'âge ne soit pas
précisé, cette règle limite le recrutement aux personnes
de sexe masculin considérées comme adulte selon la norme du pays.
Cependant, il est certain que les talibans ont utilisé des enfants,
selon leur propre définition et non celle de la Convention des
droits de l'enfant, dans le conflit et ce avant et après 2007. Pour
preuve, le président de la Commission des droits de l'homme du Pakistan
a exprimé, en septembre 2001, son inquiétude face au risque d'une
augmentation du recrutement par les talibans de jeunes garçons dans les
madrassas du Pakistan. Le terme d'augmentation suppose que
l'enrôlement de mineurs avait déjà court avant
l'année 2001. Les dispositions prises par le gouvernement en 2003 n'a
pas changé la position des talibans puisqu'en avril 2007, par exemple,
le groupe a publié une vidéo sur laquelle on peut voir un enfant
de 12 ans décapiter un pakistanais accusé d'espionnage. Face
à cet élément, les autorités talibanes auraient
répondues : « Nous voulons dire aux non musulmans que nos
jeunes gens sont aussi des Moudjahidin et qu'ils lutteront avec nous contre
vous...Ces jeunes gens seront les futurs commandants de notre guerre sainte et
ils continueront le jihad pour obtenir la liberté. L'Islam
permet aux garçons et aux femmes de mener le jihad contre des
troupes occupantes non musulmanes, leurs espions et leurs
marionnettes. »151(*)
Là encore, l'utilisation d'enfants soldats dans les
différents conflits ayant eu cours dans cette région a
précédé l'utilisation des enfants dans les attentats
suicides.
1.2.2.4. Analyse comparative
Le phénomène des enfants soldats touche de
nombreux pays en guerre, que ce soit en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient.
Dans les trois cas que nous venons de voir, ce phénomène est
attesté. Chacun des gouvernements concernés le condamne.
Cependant, ce phénomène est essentiellement le fait des factions
non gouvernementales. Il faut tout de même noter que les factions en
questions les condamnent également, sauf dans le cas du LTTE.
Dans les trois cas étudiés, le
phénomène des enfants soldats est apparu avant les premiers
attentats suicides commis par des enfants. L'attentat suicide est un acte
définitif qui conduit inexorablement à la mort de son auteur. En
vue de cet élément, nous pouvons considérer que cette
action est plus élevée dans la violence que le combat dans un
conflit où l'on peut espérer rester en vie. Aussi, nous pouvons
émettre l'hypothèse que l'atteinte grave aux droits de l'enfant
par le biais de l'enrôlement de ceux-ci dans le conflit a pu faciliter
leur emploi, par la suite, dans les missions suicides.
Bien que ce phénomène soit présent dans
chacun des conflits, le recrutement prend des formes différentes pour
chacun d'entre eux. Dans le cas du Sri Lanka, il s'agit surtout
d'enlèvements d'enfants ou d'enfants venant chercher une protection
qu'ils n'ont plus dans la vie civile du fait de leur forte
vulnérabilité. Dans le cas de la Palestine, nous avons pu
remarquer que le volontariat prévaut et peut être expliqué
par une politisation progressive des enfants face à une situation
considérée comme particulièrement injuste. Tandis qu'au
Pakistan et en Afghanistan, le recrutement des enfants dans les
différentes factions armées découle plus d'un
modèle traditionnel et d'une définition différente de
l'enfance. Bien qu'aucun texte ne fasse référence à une
pression extérieure, nous pouvons facilement supposer que l'adoption
d'un décret relevant l'âge légal du recrutement des soldats
fait suite à une demande de la communauté internationale. Il
s'agit là bien évidemment d'une hypothèse forgée
à partir de mes connaissances sur le conflit afghan depuis 2001.
1.3. Les motivations des
enfants
Nous avons pu constater dans la première partie de
cette étude que l'enfant peut être volontaire pour commettre ce
type de mission et peut aller se proposer spontanément aux groupes
armés. Dans le cas des enfants soldats, les volontaires sont
généralement poussés par le besoin de protection d'un
groupe face aux violences perpétrées par les différentes
factions et/ou par les moyens de survie que celui-ci peut lui fournir dont la
nourriture. Le cas des futurs auteurs d'attentats suicides est différent
dans la mesure où la finalité de l'action exclue la
nécessité de trouver des moyens de survie. Nous allons tenter
d'expliquer l'origine de cette motivation. Nous avons choisi d'étudier
particulièrement trois facteurs qui pourraient avoir une influence
importante sur la prise de la décision des enfants dans la voie de
l'attentat suicide . Il s'agit tout d'abord du culte du martyr. Puis nous
allons nous pencher sur la possible propagande mise en place par ces
différents groupes à destination des enfants. Et enfin, nous
verrons si une quelconque rémunération entre en jeu, et de quelle
manière celle-ci peut-elle pousser les enfants à vouloir devenir
martyrs.
Il existe, bien évidemment, d'autres facteurs
motivants pour ces enfants mais le format de cette étude ne nous permet
pas de tous les appréhender. De plus ces facteurs mériteraient
d'être vus sous un angle psychologique, compétence dont je ne
dispose pas. J'ai alors sélectionné ceux qui me paraissaient les
plus importants et que j'étais en mesure de traiter.
1.3.1. Le culte du martyr et la
perception de ce phénomène par la société et les
parents
1.3.1.1. Le Sri Lanka
Le suicide est omniprésent dans les rangs du
LTTE. Chaque nouveau membre est initié au suicide lors de la
cérémonie du recrutement. Il y reçoit une capsule
contenant du cyanure qu'il portera constamment autour du cou et qu'il se devra
d'ingérer s'ils sont capturés par l'ennemi. Cette
cérémonie permet alors de mettre le sacrifice de soi au nom de la
communauté au centre de la vie du membre.152(*) Il y a ainsi les attentats
suicides dans lesquels les candidats savent qu'ils se dirigent vers une mort
certaine, le suicide « offensif ». Il y a également
le suicide « défensif » en cas de capture par
l'ennemi.
En ce qui concerne les attentats suicides à proprement
dit, le LTTE a mis en place une idéologie héroïque
et sacrificielle. L'acte en lui même est dépeint par le les cadres
du LTTE comme étant courageux. Les attentats suicides sont des
actes de sacrifices pour la famille et la communauté. Dans cette
optique, ce ne sont pas des actes de violence mais un acte de libération
pour ses compatriotes et leur liberté. 153(*) Le culte du martyr a
été mis en place et ritualisé par le LTTE en
puisant dans les traditions et les mythes tamouls. Il faut noter que les rites
sont les mêmes que le martyr soit mort par absorption de cyanure ou dans
un attentat suicide. Le corps est récupéré par le
LTTE, puis exposé le temps que les leaders du groupe fassent
des discours en son nom et qu'il soit salué par des membres de la
communauté.154(*)
Depuis août 1991, date correspondant à la bataille de Anaiyi-ravu,
les héros du LTTE sont enterrés au tuyilium
illam, un cimetière qui leur est réservé. En addition
de leur tombe, une pierre est plantée à la
périphérie d'un village. Cette pierre, appelée
natukal, permet à la communauté de commémorer les
héros. Sur la pierre, un texte est inscrit et parfois, on peut y trouver
accrochée une photo. Elle peut être un objet de culte en y mettant
des guirlandes et des plumes de paon. Ce rituel alimente le culte du
héros dont la pierre peut devenir une sorte de petit temple.
L'utilisation du natukal est une manière pour le LTTE
de faire revivre le culte du héros tamoul archaïque. Ce qui leur
permet ainsi d'inscrire ce combat dans l'histoire de la communauté.
Le LTTE veut mettre en avant la solidarité
telle qu'il l'affiche et l'exprime dans le culte public de l'État des
héros. Le culte du héros est un symbole, une expression
matérielle des aspirations culturelles et politiques du LTTE.
Le culte de la commémoration des martyrs est
officiellement défini par la direction du LTTE comme
étant un culte « laïque ». Ce n'est pas de la
superstition. Séculier signifie aussi non ingérence dans la vie
religieuse traditionnelle. Parmi les martyrs du LTTE, on trouve des
catholiques, des musulmans, des hindous ou encore des protestants. Le culte du
martyr pour le LTTE doit transcender les religions, suit la tendance
à transcender les intérêts communs et trouver un
dénominateur commun. Ce dénominateur commun est une expression
symbolique de la loyauté envers un Etat nation tamoul.
Selon la direction du LTTE, le culte du martyr ne
doit pas être que commémoratif en ce sens que les actes et les
noms des martyrs sont décrits comme des modèles sociaux
idéaux pour les jeunes hommes et les jeunes femmes dans le but de les
inciter à se battre, comme des moyens qui relient l'avenir au
passé, et enfin comme des moyens qui expriment la solidarité dans
le deuil de la communauté tamoule.
Les familles de ces êtres extrêmement
motivés sont tenues en haute estime au sein de leur communauté.
Ces familles acquièrent le statut de «Great Hero's Families».
Le martyr a une place à part dans la communauté. Le manque de
perspective d'avenir pour cette jeunesse donne une place de choix au martyr qui
offre la possibilité d'accéder à un statut honorable, et
d'en faire profiter sa famille, dans la mort.
Le chef suprême des Tigres Tamoul a réussi
à bâtir une véritable culture du sacrifice et du
martyr.155(*)A la mort
du martyr, sa photo est encadrée, accrochée au mur de son camp
d'entrainement et entourée de guirlandes. Il est
vénéré par tous les autres garçons du camp qui
connaitront sûrement le même destin.
La mort dans l'attentat suicide, comme dans un combat, est
considérée comme le sacrifice ultime mais ne recouvre pas de
signification eschatologique particulière.
1.3.1.2. La Palestine
Lorsque l'on étudie le cas de la Palestine, deux
éléments se détachent distinctement, ce sont ceux
là même que nous allons étudier ici, c'est-à-dire la
perception de l'attentat suicide par la société et l'instauration
du culte du martyr au sein de celle ci.
Le Hamas célèbre toutes les personnes
ayant commis un attentat suicide.156(*)
L'idée de recevoir tant d'honneurs et de voir la
personne valoriser peut avoir une influence à la fois sur les enfants et
sur la famille. Cette idée ressort dans une lettre trouvée sur un
enfant ayant raté un attentat suicide en 2004. Dans le cas
présent, les enfants étaient trois : Jaffar Dababaat, 12
ans, Tarek Abu Mahsen, 13 ans et Ibrahim Suafa, 15 ans. Ils ont
été arrêtés à un checkpoint situé dans
la ville de Nablus alors qu'ils tentaient de s'introduire en Israël pour
tuer des israéliens dans la ville d'Afula au nord de l'Etat
hébreux. La lettre fut rédigée par les trois enfants.
Outre des informations sur les groupes auxquels ils étaient
affiliés, la lettre comprenait cette phrase : « Si nous
mourrons, si nous devenons des martyrs, ne soyez pas désolé pour
nous. Faites juste une grande manifestation en notre honneur et distribuer des
bonbons à tout le monde. »157(*)
Cependant, le martyr n'a pas toujours été
célébré avec autant d'engouement. Dans les années
1970, c'est la figure du fédaï qui prévalait. Il
était celui qui luttait pour sa patrie et qui était prêt
à se sacrifier pour cette lutte. A ses côtés, on trouvait
également la figure du moudjahidin qui s'inscrit dans le cadre
du jihad. A leur mort, ils accèdent tous deux au statut de
martyr. Cependant, ces deux figures ne sont pas promises à une mort
certaine au cours de leur lutte, alors que le shahid ne peut revenir
vivant de son attaque.
Au fil du temps, les attentats suicides sont devenus
acceptables pour la société palestinienne, et ce même
lorsqu'ils ciblent les civils. Selon l'étude de P. Larzillière,
l'opinion palestinienne était favorable à un peu plus de 30% aux
attentats suicides en janvier 1995. Ce chiffre est passé à 70% en
février 2002. Ce type d'actes terroristes est perçu comme une
réponse à la politique israélienne d'attentats
ciblés par le biais de frappes aériennes qui ont souvent
provoqué d'importantes pertes civiles.158(*) Tout comme l'utilisation de l'attentat suicide,
l'image du martyr a changé au cours de l'Intifada al-Aqsa. Il
est devenu une figure de « héros
national »159(*) qui répond, selon François
Géré160(*), à l'association de la cause nationale et du
système de croyance religieux. Le shahid est rattaché au
jihad, devoir religieux musulman.
Changement qui intervient avec l'intensification du
conflit.
La popularité des attentats suicides et la croyance en
la nécessité de ceux-ci n'ont ils pas rendu acceptable
l'utilisation des enfants dans ce dessein?
Le culte du martyr fut mis en place et/ou cultivé par
différents mouvements antagonistes à partir du moment où
l'on ne pouvait plus que constater l'échec des accords d'Oslo et donc de
l'Autorité Palestinienne face à la paix avec Israël. Le
statut de martyr a évolué au sein de la population palestinienne
au fil des événements qui les ont touchés depuis les
années 1980.
1.3.1.3. Le Pakistan et l'Afghanistan
L'imagerie du Jihad a été mise en place
en Afghanistan dans les années 1980.
Le suicide bombers jouit d'une considération
particulière. Il est plus estimé qu'un jihadiste car il n'a pas
d'ambition « mondaine » comme le statut ou l'argent.161(*) Un jihadiste peut rester en vie
alors que le fiday offre son sacrifice suprême à Allah.
Pour preuve, lorsqu'un jeune garçon devient martyr, de nombreuses
personnes assistent à son enterrement. La famille profite
également de ce statut car elle devient célèbre et est
traitée avec plus de respect.162(*)
Cependant, au Pakistan, comme en Afghanistan, aucune
cérémonie n'a été développée pour
célébrer les martyrs. Aussi, les vidéos
enregistrées peu de temps avant l'attentat sont assez rares,
contrairement aux vidéos des assassinats.163(*)
Il n'y a donc pas un culte du martyr institutionnalisé
comme au Sri Lanka ou en Palestine. Cependant, le martyr jouit d'un statut
particulier après sa mort parmi la population acquise à la cause.
Cet élément influe alors sur les enfants qui vont être
séduits par le statut que vont leur procurer, à eux et leur
famille, le martyr pour la foi. Le père d'un martyr est allé
dans ce sens au cours d'un témoignage: «Quand il y a eu un martyr
dans un village, cela encourage plus d'enfants à suivre le
jihad»164(*)
1.3.1.4. Analyse comparative
Les leaders du LTTE ont construit un culte du
héros autour des auteurs des attentats suicides à partir des
mythes et des traditions tamoules. Ainsi, ils inscrivent leur résistance
dans une continuité historique. Ce culte permet d'attirer la
légitimité des membres de la communauté vers ce type
d'action en lui donnant une sorte de continuité historique et en
conférant un statut particulier et honorable aux martyrs.
Le culte du martyr existe également en Palestine et il
est actuellement largement entretenu par les groupes usant de l'attentat
suicide comme tactique dans leur guérilla. Cependant, il diverge de ce
que l'on peut observer au Sri Lanka sur plusieurs points. Tout d'abord, et cela
n'a rien d'étonnant en vue de l'idéologie de ces groupes, il
repose sur la croyance en un Paradis qui se mérite. La mort en martyr
permet une accession directe à celui-ci et en donne l'accès
à un certain nombre de membres de la famille. Cet élément
a été rendu possible par une réinterprétation du
jihad dans les années 1980, tout comme cela avait
été le cas au XIIème siècle sous Salah
al-Dîn durant les Croisades. Le culte du martyr s'inscrit dans cette
même logique au Pakistan et en Afghanistan.
Puis le deuxième point de divergence est que ce culte
s'est construit au grès des circonstances et s'est renforcé avec
l'intensité du conflit. Même s'il est largement entretenu par des
organisations, notamment et surtout le Hamas, il n'a pas
été construit par elles mais avec le soutien de l'opinion
publique, qui, au vue des exactions commises par les forces
israéliennes, ont peu à peu accepté l'idée de
l'attentat suicide.
Quoi qu'il en soit, le culte u martyr est présent dans
chacune de ces sociétés et permet de légitimer ces actes.
Il permet d'attirer des jeunes mineurs qui n'ont plus forcément
d'espoirs. Ces enfants savent également que leur mort servira à
leur famille dans la mesure où ils deviendront « la famille du
héros ». Lui-même pourra trouver attrayant d'obtenir ce
statut après sa mort.
1.3.2. La propagande à
destination des enfants
La propagande est un moyen utilisé abondamment par les
groupes terroristes pour recruter des membres. Le culte du martyr en est un
d'ailleurs, et puissant, comme nous avons pu le voir. Existe t-il une
propagande spécialement à destination des enfants qui pourrait
leur donner envie de grossir les rangs des martyrs?
1.3.2.1. Sri Lanka
Comme nous l'avons vu plus haut, le nord du Sri Lanka
était contrôlé par le LTTE qui avait, de
facto, repris les institutions à son compte. Ainsi, les
écoles se sont retrouvées sous le contrôle du groupe
terroriste. Des ONG locales ont rapporté que des membres du LTTE
rendaient visites dans celles-ci afin de pouvoir parler directement aux
enfants. Une ancienne enfant soldat témoigne: « The
leaders came to our school and said we had to join the army in order to rescue
our country," she said.165(*) Dans les discours, ils insistaient sur la
brutalité des Cingalais armés dans le but d'inciter les enfants
à rejoindre le groupe et ainsi à devenir des
« héros ».
La plupart des enseignants ont alors dû agir en
conformité avec les directives des Tigres Tamouls. Dans le cas où
un professeur d'école ne voulait pas obtempérer, il lui
était demandé de quitter la classe lors des sessions de
recrutements. Ceux qui ne respectaient pas ces visites devaient alors faire
face à du harcèlement.
Les oppositions au recrutement des enfants ont conduit le
LTTE à promettre aux enfants que leur éducation ne
serait pas interrompue puisque la classe aurait lieu dans les camps.
Au delà des visites dans les salles de classe, le
contenu même de certains enseignements a été mis en place
dans l'objectif de conduire les enfants dans la volonté de mourir pour
la cause tamoule. Il est fait référence ici aux enseignements de
versets de la littérature ancienne tamoule de la collection
Purananoorou (400 poèmes de guerre et de sagesse) qui offrent
une vision romantique de la fierté des mères qui envoient leurs
enfants chercher une mort honorable au combat.
Il existe une propagande moins ciblée. Le sacrifice est
glorifié comme nous l'avons vu dans la partie sur le culte du martyr.
Cette glorification est rendue publique par le biais de différents
médias tels que des affiches et l'érection de monuments. Le
LTTE organise également des fêtes au cours desquelles les
martyrs sont célébrés, par exemple lors de la fête
des héros le 27 novembre qui est, d'ailleurs également
l'anniversaire du leader du Tigre Tamoul, Velupillai Prabhakaran,
renforçant par la même le culte de la personnalité de ce
leader.
Le LTTE confère un statut spécial aux
familles des enfants combattants, les appelant «Great Hero's
Families», les exemptant des redevances qu'ils imposent et leur
donnant un accès préférentiel aux services qu'ils
fournissent. Dans une société où la mobilité
sociale est marginale, ce facteur peut influencer la prise de décision
de l'enfant.
1.3.2.2. La Palestine
Une section à part entière du Hamas est
responsable des opérations de propagande, de l'information et de
l'instruction idéologique. Il s'agit de l'A'Alam. Ses activités
se confondent généralement avec le Da'wah, bureau
responsable des activités ouvertes de recrutement, d'entraide sociale et
de collectes de fond.166(*) Le Da'wah possède un réseau
d'institutions éducatives qui comptent entre autres des écoles
maternelles, primaires, des lycées ou encore des colonies de vacances.
Dans les territoires occupés, le Hamas contrôle donc un
nombre important d'écoles définies par Singer comme étant
hautement politisées. L'endoctrinement commencent dès le
préscolaire. Sur le mur de ces écoles ont peut même y voir
accrocher des affiches sur lesquelles on peut lire des phrases telles que:
« Les enfants de cette école sont les martyrs de
demain. »167(*)
Le rôle de l'institution scolaire dans l'endoctrinement
de l'enfant est clairement décrit dans l'interview d'Husseim
Aldo.168(*) L'adolescent
déclare qu'une des raisons pour laquelle il a fait le choix de devenir
martyr est qu'il voulait rejoindre le Paradis, car à l'école, on
lui a enseigné que c'était le sort des
« kamikazes ». Le Paradis lui a été
décrit de cette manière: « Une rivière de miel,
une rivière de vin et soixante douze vierges. Depuis que j'étudie
le Qu'ran, je sais la douceur de vivre là bas (au
Paradis)»169(*)
L'école dispense une éducation religieuse
tournée vers la nécessité du Jihad pour les
palestiniens et une vision de la mort propre à celle-ci. Nous avons pu
constater que l'endoctrinement des enfants va au-delà d'un certain
apprentissage théorique, qui rappelons le ne correspond en rien à
la vision qu'a la majorité des musulmans, et notamment des savants, sur
leur religion. En effet, l'endoctrinement revêt un caractère
politique et son apprentissage est également pratique.
Pour les groupes armés, l'école est un lieu de
diffusion idéologique privilégié. Cependant, il n'est pas
le seul support à leur propagande. La chaîne de
télévision du Hamas, sur laquelle nous allons revenir
plus loin, a diffusé, le 31 mai 2007, la fête de fin
d'année des 29 classes du réseau d'Al-Mujamma' al-Islam.
Sur cette vidéo, nous pouvons voir des enfants revêtus de
tenues de camouflage. Sur leurs têtes, pour certaines encagoulées,
est placé un bandeau de couleur verte sur lequel est écrit:
«Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah. » Au cours du spectacle,
certains des enfants portaient également des armes en plastique tandis
que d'autres avaient un drapeau à l'emblème des Frères
musulmans à la main. Le spectacle en lui même consiste en une
marche militaire et des exercices martiaux. L'ensemble se déroule sur un
chant de gloire du Hamas dont nous allons retranscrire ici quelques paroles:
« "[un membre] du Hamas ne craint pas la mort," "[un membre]
du Hamas agit pour [l'Islam]," "le nom du Hamas est
glorifié," et "Ahmad Yassin a réussi à
secouer Israël depuis son fauteuil [roulant]
n'a jamais dévié de sa position
ferme."170(*)
A la fin de la vidéo, nous pouvons voir deux enfants
brandir une épée tandis qu'un troisième tient haut le
Qu'ran.171(*)
S'en suit un dialogue entre deux des enfants:
« Dîtes 'Allahu akbar,'"172(*) (les autres répondent
"Allahu Akbar. »
Puis: « Qui est votre modèle ? ... Le
Prophète (Mohammed)!
Quel est votre chemin ? ... Le Jihad!
Quelle est votre aspiration la plus grande ? ... Mourir pour
Allah!
Quel est votre mouvement ? ... Le Hamas
Quelle est votre armée, réponse:
Qassam173(*)
Le Hamas s'appuie également sur les
médias dans l'optique d'inculquer son idéologie aux mineurs. Nous
avons fait allusion plus haut à une chaîne de
télévision contrôlée par le Hamas,
appelée al-Aqsa. Un programme nous intéresse
particulièrement dans le cadre de cette étude: « Les
pionniers de demain ». Ce programme, diffusé au cours de la
première moitié du mois de mai 2007, met en scène une
souris nommée Farfur, qui n'est pas s'en rappeler le personnage
de Mickey Mouse, prêchant sur des sujets tels que la prise de
contrôle islamique du monde, la poursuite des violences et du terrorisme
contre Israël, la libération de la mosquée al-Aqsa ou encore
la libération de l'Irak.
Il y a également à disposition des sites
internet dont un exclusivement réservé aux enfants174(*), al-Fateh. Sur ce
site, le Hamas diffuse largement ses idées et tentent d'inciter
les enfants palestiniens à rejoindre leur cause.
L'infrastructure civile du Hamas lui a permis de
s'attirer le soutien de la population et d'établir la base du pouvoir
politique qui l'a mené à la victoire lors des récentes
élections municipales et législatives.
Le Jihad Islamic ne dispose pas, contrairement au
Hamas, de programmes sociaux et éducatifs. Cependant, en 2001,
quatre camps d'été ont été découverts
à Gaza. Des enfants, âgés de huit à quatorze ans, y
suivaient un entrainement militaire et visionnaient des films sur des membres
de l'organisation morts dans des attentats suicides.175(*) Les instructeurs, dont un
certain Muhammad al-Hattab, leur expliquaient également que le martyr
leur garantirait une place au Paradis aux côtés de soixante dix
vierges.
1.3.2.3. Le Pakistan
Dans le cas du Pakistan également l'institution
scolaire joue un rôle très important dans l'endoctrinement et le
recrutement des enfants pour des attentats suicides. Les écoles
régulières coûtent chères et les parents sont
souvent obligés, par manque de moyens, d'envoyer leur enfant dans des
madrassas. Le père d'un enfant qui a voulu devenir martyr,
Zarak Khan mort à 16 ans, insiste sur point: «Nous avons
envoyé Zarak à la madrassa car nous sommes pauvres et
nous ne pouvions pas l'envoyer dans une école
régulière. »176(*) Les madrassas dispensent une
éducation religieuse gratuite et offrent le toit et la nourriture aux
enfants. Il en existe plus de mille au Pakistan et certaines d'entre elles sont
tenues par des groupes terroristes. Ces établissements
d'éducations sont souvent des lieux privilégiés de
recrutement d'enfants pour des actions « kamikazes »,
surtout que dans certaines zones ce sont les seuls lieux d'éducations et
de relations sociales. Ces écoles sont exclusivement
réservées aux garçons.
Mis à part un réseau d'école tenu par les
« talibans pakistanais », aucun autre moyen de propagande
n'a été mis en place à notre connaissance.
1.3.2.4. Analyse comparative
Il ressort un élément important dans le cas des
trois zones étudiées ci-dessus qui est celui du rôle de
l'institution scolaire, et plus largement éducative avec les camps
d'été pour les enfants palestiniens, dans la diffusion des
idées portées par ces groupes. L'école censée
être le lieu d'apprentissage par excellence devient un centre d'une
propagande qui a pour but d'amener les enfants à conduire une mission
suicide. Ces écoles ne sont plus sous le contrôle du gouvernement
mais des groupes armés qui ont pris le contrôle d'une partie du
territoire.
En Palestine, la propagande à destination des enfants
ne se limite pas au cadre de l'école puisque des supports médias
ont spécialement été conçus pour diffuser leur
propagande auprès d'un public jeune. Cet élément ne semble
pas exister dans les deux autres cas.
1.3.3. La question de la
rémunération
De nombreuses études concernant les enfants-soldats
tendent à prouver que les engagements volontaires sont souvent
motivés par la promesse d'une rémunération
financière, qui n'est généralement pas tenue.
Malgré le caractère définitif de l'attentat suicide qui se
termine par la mort de l'auteur, nous nous sommes aperçus que les
groupes utilisant des enfants pour commettre ces missions ont également
recours à cette promesse pour les amener plus facilement à
commettre cette action. Celles-ci peuvent être de deux sortes :
promesse d'une rémunération spirituelle et/ou promesse d'une
rémunération matérielle.
1.3.3.1. Les rémunérations
spirituelles
Dans le cas des « kamikazes », la question
de la rémunération spirituelle à un sens particulier
puisque celle-ci est versée rapidement et donne un sens et un but
à la mort.
La question des récompenses spirituelles est centrale
dans les groupes à l'idéologie religieuse, notamment les groupes
qui combattent dans la voie du Jihad. Ces groupes terroristes dont
font partie les talibans et le Hamas s'appuient sur des passages du
Qu'ran qui stipulent que les shaheed, ou martyrs de la foi,
seront immédiatement absous de leur péchés et
mariés avec soixante douze vierges. Commettre un attentat suicide, et
donc mourir pour sa foi, permet aussi à l'enfant de faire accéder
soixante dix de ses proches au paradis auprès de lui.
Singer, à l'occasion d'une interview d'un enfant
irakien ayant combattu contre les forces US durant l'été 2004,
relève ceci: "Mes parents m'ont encouragé à venir ici. Je
préfère vivre et gouter à la victoire mais pas si ma mort
n'est pas récompensée par des présents au ciel"177(*). Certes, il ne s'agit pas
d'un enfant « kamikaze » mais il aborde son
éventuelle mort pour la cause et la question de l'après. Il est
intéressant de noter que pour cet enfant, l'élément
essentiel se situe dans de probables récompenses spirituelles, dont il
doit très bien connaitre le contenu, en cas de mort en tant que
martyr.
La question de la rémunération est largement
abordée dans le cadre de l'école, particulièrement lors
des cours sur le Qu'ran, ce qui représente parfois
l'écrasante majorité du programme comme c'est le cas au Pakistan
où les madrassas sont avant tout des écoles coraniques.
La récompense spirituelle est un moyen puissant pour
convaincre un enfant, et un adulte aussi d'ailleurs, de commettre un attentat
suicide, car, dans le cas d'un conflit comme la Palestine dont l'issue semble
très incertaine, le Paradis est un gage d'une vie heureuse que l'on ne
peut connaitre sur terre. Il représente l'espoir qui a souvent disparu
chez les jeunes.
Cette promesse en un Paradis ne peut cependant pas être
exploitée par un groupe tel que le LTTE qui a
écarté toute références et attachement à la
religion dès sa création.
1.3.3.2. Les rémunérations
matérielles
Au cours de cette étude, nous avons pu constater
que la rémunération contre l'accomplissement de l'attentat
suicide n'est pas que d'ordre spirituelle. En effet, il peut être
également proposé à l'enfant ou à l'adolescent, une
compensation financière qui bénéficiera bien
évidemment à ses proches, lui étant voué à
une mort certaine. Ce "salaire" varie selon les groupes.
En Palestine, Singer a eu connaissance d'un cas dont la
famille du martyr a reçu 25 000$ de la part du gouvernement irakien de
Saddam Hussein et de donateurs particuliers d'Arabie Saoudite par le biais du
"Martyr Fund".178(*)
Dans cette même étude, il révèle que le
Hamas, quant à lui, verse 5000$ à la famille, ainsi que
des aliments de première nécessité comme du sucre et de la
farine) et des vêtements.
En ce qui concerne le LTTE, il ne semble pas que les
familles perçoivent de l'argent. Cependant, les Tigres relogent la
famille du martyr dans une maison plus confortable et/ou donne un accès
aux membres de celle-ci à de meilleurs emplois. Dans une
société où le système de castes est
déterminant pour la mobilité sociale, mourir en martyr
représente un moyen pour l'enfant de faire gagner un nouveau statut
social à sa famille ainsi que de la respectabilité. La famille se
voit également exemptée des redevances imposées par le
LTTE et les tigres leur offre un accès
préférentiel aux services qu'ils fournissent.
En revanche, au Pakistan, les familles ne perçoivent
pas systématiquement une rémunération matérielle en
échange du sacrifice de leur enfant. Lorsqu'il y a
rémunération, elle est sous forme d'un relogement dans une maison
plus confortable et un accès pour la famille à de meilleurs
emplois, comme dans le cas du Sri Lanka.
Dans des contextes socio-économiques souvent
difficiles, le fait de commettre un attentat suicide et d'y perdre la vie est
un moyen d'offrir de meilleures conditions de vie à sa famille. Cet
argument peut avoir beaucoup d'écho auprès des enfants ayant
vécu dans des zones de conflits ou dans des camps de
réfugiés. Ce qui est le cas de la Palestine dont le conflit avec
Israël a largement paupérisé la communauté musulmane
à la fois à Gaza et en Cisjordanie. Pour ce qui est du Sri Lanka,
les déplacements de populations sont récurrents depuis 1983, date
du début du conflit.
1.3.3.3. Analyse comparative
Contrairement au LTTE, les groupes armés de
Palestine et les talibans disposent d'un puissant moyen de persuasion pour
amener les enfants à commettre des attentats suicides. Il s'agit de la
promesse d'une vie meilleure après la mort. Pour y accéder, il
« suffit » de commettre cette mission. Il n'y a donc plus
seulement l'intérêt de la communauté qui est en jeu mais
également l'intérêt individuel de l'auteur et de ses
proches. De ce point vue, l'attentat suicide semble moins altruiste que dans le
cas du LTTE. Ce type de croyance est d'autant plus facile à
faire assimiler à des enfants qui sont bien souvent plus crédules
que des adultes.
En ce qui concerne les rémunérations
matérielles, elles ne sont pas systématiquement présentes
dans touts les groupes. Bien que la forme soit différente, les groupes
armés de Palestine et le LTTE
« récompensent » la famille du défunt par des
sommes d'argent, de la nourriture ou encore un travail ou un meilleur travail.
Il ne semble pas que ce soit la norme au Pakistan.
Cependant, l'ensemble des groupes
« payent », peu importe la nature de ce
« salaire » l'auteur de l'attentat. La question de la
rémunération doit donc être un attrait indispensable que
ces groupes doivent mettre en place. Nous remarquerons que là encore, la
Palestine fournit des efforts plus importants pour faire venir des volontaires.
La question de la rémunération peut être
mise en parallèle avec la vulnérabilité des enfants dans
ces zones de conflits. Les avantages liés à la réalisation
de la mission, que ce soit d'un point de vue spirituel ou matériel,
peuvent compenser les manques dont l'enfant et sa famille souffrent. Au niveau
spirituel, l'enfant jouira d'une vie de plaisir dont il n'a pas accès
sur terre, caractérisée par l'abondance notamment. De plus, il
sait qu'il sera considéré comme un héros auprès de
sa communauté après sa mort. L'enfant ne profitera bien
évidemment pas des récompenses matérielles qui seront
versées à sa famille après sa mort. Cependant, il sait que
grâce à lui, ils augmenteront leur niveau de vie et leur statut
social changera.
Conclusion
Avant de tirer les conclusions de cette étude et de
répondre à la problématique posée dans
l'introduction, nous allons qualifier les enfants martyrs. Les informations,
que nous avons exposé plus haut, nous permettent désormais de
déterminer si les enfants martyrs sont une catégorie bien
à part ou s'il s'agit d'une sous-catégorie d'enfants soldats.
Rappelons la définition fixée lors de la Conférence
donnée à Paris par l'UNICEF en 2007 que nous avons cité
dans l'introduction : « Un enfant associé à une
force armée ou à un groupe armé est toute personne
âgée de moins de 18 ans qui est ou a été
recrutée ou employée par une force ou une armée, quelle
que soit la fonction qu'elle y exerce. Il peut s'agir, notamment mais pas
exclusivement d'enfants, filles ou garçons, utilisés comme
combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins
sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou
a participé directement à des hostilités. » Les
enfants martyrs sont des personnes âgées de moins de 18 ans qui
sont recrutés par une force armée. Si nous nous en tenons
à cette définition, les enfants martyrs sont donc des
enfants-soldats.
Dans l'introduction, nous nous sommes d'abord demandés
dans quel(s) contexte(s) ce phénomène pouvait-il apparaitre.
C'est donc à cette question que nous allons répondre en premier.
Nous allons alors confronter les données de chacun des cas
étudiés pour en dégager les grandes tendances.
Il s'agit, dans tous les cas, de conflits de longue
durée qui opposent des acteurs armés gouvernementaux à des
acteurs armés non gouvernementaux. Le cas du Pakistan est un peu
à part, cependant, le groupe utilisant les enfants dans les missions
suicides est intrinsèquement lié au conflit afghan. Mais, ce
phénomène est également observable en Irak. Aussi, la
durée du conflit ne peut pas être prise ici comme un facteur
fondamental pour l'existence de ce phénomène.
Ces groupes, qui utilisent les enfants dans les attentats
suicides, sont bien organisés et bénéficient de soutiens
financiers extérieurs importants. Ils sont inscrits sur de nombreuses
listes d'organisations terroristes, délégitimant, de
facto, leurs actions et les rendant illégaux aux yeux du Droit
International Humanitaire (DIH), appelé aussi Droit de la Guerre.
Contrairement aux autres catégories d'enfants soldats, qu'ils soient
combattants, porteurs, cuisiniers, ou encore espion, l'enfant martyr ne trouve
sa place qu'au sein d'un groupe non gouvernemental. Cela tient à la
nature même du type d'attaque. L'attentat suicide, en effet, est
considéré comme illégal par le DIH car il ne fait pas la
distinction entre les civils et les militaires (GPI art.48) et le but principal
est souvent de répandre la terreur parmi la population.
Leurs revendications sont territoriales et politiques. Il
ressort systématiquement la volonté de contrôler
l'intégralité ou une partie d'un territoire. L'idée
d'occupation illégale du territoire est très présente et
l'ennemi représente un danger pour l'intégrité physique et
culturelle de la communauté. Aussi, il faut à tout prix
l'éliminer pour la survie de cette communauté.
Nous avons également pu observer que tous ces groupes
utilisent l'attentat suicide comme moyen de violence contre l'ennemi. Dans les
cas de la Palestine et de la zone Afghanistan/Pakistan, le
phénomène a été précédé de
l'utilisation d'adultes dans des attentats suicides. Pour le LTTE, il
est difficile de se positionner en vue du manque d'informations claires
à ce sujet. Cependant, de nombreux indices nous laissent penser que des
enfants étaient utilisés dans des missions suicides dès
1987, date à laquelle les Tigres ont incorporé cette tactique
dans leur stratégie. L'emploi de cette tactique semble tout de
même être un préalable important dans l'apparition du
phénomène, dans la mesure où il permet de faire accepter
auprès de la communauté concernée l'idée du
sacrifice pour la cause soutenue et également de le banaliser.
Chacune de ces organisations s'appuie sur une idéologie
spécifique. Les talibans et les organisations palestiniennes
étudiées se sont construits sur une idéologie religieuse,
tandis que le LTTE s'est appuyé sur le passé et la
mythologie tamoule. Dans tous les cas, l'idéologie mise en place par les
différentes organisations n'exclut pas la participation des enfants dans
les attentats suicides. Il est vrai que le code de conduite des talibans
précise que toutes personnes prétendant entrer dans
l'organisation doit être pubère. Cependant, un garçon est
pubère179(*) bien
avant sa majorité, fixée à 18 ans.
Pour atteindre leurs objectifs, ils utilisent tous des
méthodes terroristes, dont l'attentat suicide. L'utilisation de cette
tactique ne s'inscrit pas dans la même logique pour chacun des groupes.
Dans le cas de la Palestine, il s'agit essentiellement d'un moyen de se venger
contre les exactions commises par les forces israéliennes. Dire que
l'emploi de cette tactique résulte d'un processus émotionnel
serait probablement simplifier son usage. Cependant, nous pouvons affirmer que
cette dimension est importante. Tandis que pour le LTTE, l'usage de
l'attentat suicide s'inscrit dans une stratégie militaire globale. Il
est un moyen et non une fin en soi. Au Pakistan et en Afghanistan, l'usage de
cette tactique s'inscrit avant tout, je pense, dans une stratégie
militaire. Mais, une dimension émotionnelle, de moindre niveau,
existe.
Cet élément permet, en partie, d'expliquer le
choix des modes de recrutement de ces groupes et l'engagement volontaire de
nombreux enfants dans cette voie.
De manière plus pratique, l'utilisation des enfants
dans les attentats suicides répond à des préoccupations
tactiques de la part de ces groupes, notamment dans le domaine de la
sécurité. Les enfants étant moins soumis aux
contrôles que les hommes, l'attentat a plus de chances d'aboutir.
Il permet également d'élargir la base de
recrutement. Nous avons remarqué que dans les cas du Pakistan, de la
Palestine et de l'Afghanistan, l'apparition du phénomène concorde
avec l'intensification des combats ; soit l'année 2007 pour les
pays d'Asie Mineure et 2000 pour la Palestine. Cependant, ce lien n'a pu
être démontré. Le Sri Lanka fait figure d'exception
concernant ce sujet. Il semble que, dans ce cas, les enfants aient
été utilisés de manière continue depuis
l'année 1987. Ce qui nous permet d'émettre l'hypothèse que
ce phénomène s'inscrit pleinement dans leur stratégie
militaire globale, au même titre que les opérations classiques. En
d'autres termes, les enfants ne sont pas là pour renforcer les
capacités militaires mais en font intégralement partie.
Les cibles attribuées aux enfants sont souvent
militaires et proches de leur lieu d'origine, surtout dans le cas de la
Palestine. Ils sont utilisés pour des cibles dites simples, comme les
checkpoints, qui ne demandent pas une formation très lourde (comme
l'apprentissage du maniement d'un avion de ligne pour les attentats du 11
septembre). Les groupes leur demandent généralement de se rendre
là où il y a du monde et d'appuyer sur le détonateur. Il
y a donc tout à parier qu'en vue de leur jeune âge, les enfants
martyrs restent cantonnés à des conflits locaux. Il s'agit d'un
phénomène de proximité qui ne pourra pas s'inscrire dans
le terrorisme international.
En ce qui concerne les étapes entre le moment du
recrutement et l'accomplissement de l'action, nous avons remarqué que
les groupes utilisent globalement le même schéma. Chacune de ces
organisations s'appuie fortement sur le système éducatif comme
moyen de recrutement. L'école permet aux groupes d'endoctriner les
enfants afin qu'ils viennent vers eux. Rappelons que le LTTE et les
talibans utilisent également des méthodes coercitives pour
recruter. Puis, il existe des camps d'entrainements pour ces jeunes recrues,
plus ou moins importants selon les groupes avec un programme invariable d'une
« promotion » à l'autre mais différent dans
chacun des cas. Dans le cas de la Palestine, le terme de camp n'est pas
approprié. Il s'agit plus exactement de cellules. Dans tous les cas, le
contenu de la formation dispensée ressemble beaucoup à celui des
adultes. Cependant, ils sont toujours séparés (fait non certain
dans le cas de la Palestine), marquant ainsi la différence entre les
adultes et les enfants. Il y a donc une véritable rationalisation de
leur utilisation qui exclue la désignation de marginalité de ce
phénomène. Dans tous les cas, l'utilisation des enfants s'inscrit
pleinement dans la stratégie du groupe.
L'étude a permis de mettre en avant le fait que des
facteurs combinés ont rendu possibles ce phénomène.
Tout d'abord, notons que l'attentat suicide nécessite
une exacerbation du comportement sacrificiel. Le culte du martyr, crée
par les groupes et largement soutenu par l'opinion publique dans le cas de la
Palestine, donne une place de choix au sacrifice de certains membres de la
communauté. La valorisation de l'image sacrificielle du héros
mort pour la cause est relayée par une propagande mise en place par les
groupes eux-mêmes. Le cas de la Palestine à ce sujet est
particulièrement notable. Le Hamas a mis en place une
propagande ciblée à destination des enfants, par le biais
notamment des médias, pour les conduire dans la volonté de mourir
pour la cause palestinienne. Cependant, nous remarquons que cette propagande a
été mise en place bien après l'apparition du
phénomène. Aussi, nous pouvons nous demander, et c'est la
question centrale du phénomène des enfants dans les attentats
suicides en Palestine, si le groupe n'a pas repris une tendance mise en place
par les enfants eux-mêmes dans les premiers temps de l'Intifada
al-Asa. Depuis les années 1980, nous pouvons observer une
politisation progressive des enfants palestiniens. Cette conscience a, sans
doutes, éveillé le désir des enfants de participer
activement au conflit. Cette politisation a été renforcée,
ou créée ?, par le contrôle du Hamas
essentiellement et d'autres groupes palestiniens, du système
éducatif (organisation de camps d'été ou programmes
scolaires très orientés vers la haine de l'ennemi juif).
La main mise sur l'institution éducative est un
élément que l'on retrouve dans les trois cas. L'école
représente un média d'endoctrinement. Il offre l'avantage de
réunir les enfants dans un même endroit et d'être une
tribune d'endoctrinement pour ce jeune public. Cet élément met
encore en avant une réelle volonté de la part des groupes
concernés d'optimiser leur tactique en élargissant la base de
recrutement, puisqu'ils ont mis en place un véritable système
permettant le recrutement des enfants à cet effet.
Le culte du martyr et la propagande mis en place par ces
organisations permettent à la fois de recruter des enfants mais
également de rendre acceptable ce phénomène par la
communauté. Ce dernier point a également été rendu
possible par l'utilisation préalable d'enfants-soldats dans le conflit.
Ainsi, ils participaient déjà activement aux combats et ont donc
pu se tourner plus facilement vers un autre moyen de violence. Nous pouvons
dire, en quelque sorte, que l'implication des enfants dans les
différentes formes de conflit a été graduelle. Il faut
également noter que les méthodes de recrutement sont les
mêmes. Ils n'ont pas changé leurs méthodes.
Ces enfants ont grandi dans la guerre et sont
imprégnés d'idéologie sacrificielle. L'attentat suicide
devient donc une option envisageable, surtout s'ils peuvent en tirer profit
Dans un environnement où leur vulnérabilité est
très forte et leurs droits sont sans cesse bafoués,
l'accomplissement de ce type de mission peut avoir un sens pour eux. Il peut
tout d'abord permettre à l'enfant et à sa famille de changer de
statut. De plus, dans les cas de la zone Pakistan/Afghanistan et de la
Palestine, mourir dans une mission suicide donne l'opportunité
d'améliorer sa condition dans la mort. L'attrait pour ce type d'attaques
est également renforcé par la récompense financière
et/ou matérielle versée à la famille par le groupe
concerné. La mort n'est plus seulement un acte altruiste tourné
vers la communauté, et on peut même se demander s'il l'est
vraiment d'ailleurs, mais devient également un moyen d'améliorer
le sort de ses proches et d'accéder au Paradis
Il est essentiel de se poser la question de l'avenir de ce
phénomène pour penser au plus vite aux solutions que la
communauté internationale et les gouvernements concernés devront
proposer.
En vue des éléments dont nous disposons, nous
pouvons émettre l'hypothèse que ce phénomène
restera cantonné à des conflits locaux dont les groupes
armés se serviront des attentats suicides comme tactique dans leur
stratégie militaire. L'avenir de ce phénomène est donc
intimement lié à l'utilisation de l'attentat suicide. En vue du
format de cette étude, cette question n'a pas pu être
soulevée.
L'utilisation des enfants dans les attentats suicides est le
résultat de la volonté de ces organisations de maximiser les
moyens dont ils ont à leur disposition. Tout comme ce fut le cas pour
les enfants-soldats armés d'AK-47. A partir du moment où des
groupes ont eu les moyens, grâce à des armes
légères, d'augmenter leur base de recrutement et leurs
possibilités d'actions grâce aux avantages que leur fournissent
les enfants, ils en ont saisi l'opportunité.
L'attentat suicide s'inscrit pleinement dans le nouveau type
de guerre connu sous le nom de guerre asymétrique. De nombreux analystes
s'accordent aujourd'hui pour dire qu'il a un bel avenir devant lui. Aussi, je
pense que ce phénomène est voué à se
développer.
Si ce phénomène se poursuit, le risque est que
les droits de l'enfant ne soient pas respectés d'une part par les
groupes les utilisant et d'autre part par les armés qui y seront
confrontés. Israël fait figure d'exemple notable à ce sujet
puisque ils détiennent les enfants ayant raté leur mission dans
des geôles mixtes (avec des adultes). De plus, la multiplication des
contrôles que devront subir les enfants deviendra un obstacle pour
accéder à l'école. C'est pourquoi des solutions devront
être envisagées, quelles soient juridiques ou humanitaires.
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* 2 Convention
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* 3250 000 enfants soldats
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* 4Lieutenant Colonel Lillian A.
James O'Neal, Suicide Bombers - Some Were Merely Children, U.S Army
War College, 2005, p.12
* 5Suicides Attacks in
Afghanistan (2001-2007), United Nations Assistance Mission in
Afghanistan, 9 September, 2007
* 6Ibid, p.21
* 7U.S. Department of
State,» Country Reports on Terrorism», Chapter 7,
Legislative Requirements and Key Terms, 30 April, 2007.
www.state.gov/s/ct/rls/crt/2006/82726.htm.
* 8 Code of Federal
Regulations 28, Section 0.85
* 9Les attentats
suicides en hausse de part le monde selon les experts, Amrica.gov, mise en
ligne le 22 octobre 2007,
http://www.america.gov/st/washfilefrench/2007/October/20071022125357dmslahrellek0.9667017.html
* 10 E. Pavey,
« Les kamikazes sri lankais », Cultures et conflits,
n°63, automne 2006, pp.135-154, p.136
* 11Ce terme renvoie aux
Cingalais et Tamouls islamisés
* 12A. Baconnet, « La
guerre civile à Sri Lanka. Genèse, modes d'actions et
implications internationales d'un conflit séparatiste à base
ethnique », avril 2008, Géostratégiques ,°19,
L'avenir géostratégique de la puissance indienne,
pp.163-192, p.164
* 13 Les Cingalais sont
d'origine indo-européenne au nord de l'île tandis que les Tamouls
sont d'origine dravidienne au sud de l'Inde.
* 14 Employés dans des
plantations de thé, de café, d'hévéas et de
cocotiers
* 15 Chara Latu Hogg, Child
Recrutment in south Asian conflicts. A comparativ Analye, 2006, p.10
* 16Traduit en français
par Parti de Libération du peuple, cingalais et d'obédience
marxiste
* 17A. Baconnet, Op.cit.,
p.168
* 18A. Baconnet, Op.
Cit. , p.163
* 19 Chara Latu Hogg,
Op.cit., p.11
* 20L. Gayer et C. Jaffrelot
,Les milices armées d'Asie du Sud. Privatisation de la violence et
implication des Etats, Paris, 2008, p.21
* 21 C. Kaufmann,
« Possible and impossible Solutions to Ethnic Civil Wars »,
International Security, vol.20, n°4, Spring 1996, pp.136-175, p.140
* 22 CF. annexe
* 23A. Hourani, Histoire
des peuples arabes, Paris, 1993, p.383
* 24La volonté de
construire un Etat viendra un peu plus tard.
* 25 Auteur du livre l'Etat
des Juifs publié en 1897
* 26 Annexe carte du partage
* 27 G. Devers, Les
réfugiés palestiniens et le droit au retour, The
International Solidarity , mise en ligne le 7/09/2010 sur
http://ism-france.org/news/article.php?id=14355&type=analyse&lesujet=R%E9fugi%E9s
* 28 Jordanie, Egypte, Syrie
ainsi que des contingents libanais et irakiens
* 29Ce terme arabe signifie
littéralement la catastrophe
* 30Israël-Palestine.
Une terre, du sang, des larmes, Le Monde et Librio, Paris, 2002, p.12
* 31Ibid, pp.13-18
* 32 Revue d'études
palestiniennes, n°14, 1984, pp.167-169
* 33Propos recueillis par
Edouard Saab dans le journal Le Monde le 30 mai 1964
* 34Ils ont implanté
leur siège au sud Liban après avoir perdu la guerre en
Jordanie
* 35Tsva Haganah
Le-Israel : Armée de défense d'Israël
* 36 A. Bockel,
« L'autonomie palestinienne. La difficile mise en oeuvre des accords
d'Oslo-Washington », dans Etats :
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Droit International, Editions du CNRS, vol.40, Paris, pp.261-286, p.285
* 37 G. Kepel, Jihad,
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* 38 J. Quigley, The
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* 39 M. Schattner,
« De la paix manquée d'Oslo à la marche vers
l'abîme dans Politique étrangère »,
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* 40 Ce terme signifie en arabe
combattant, résistant. Il désigne toute personne combattant au
nom de sa religion dans le cadre du jihâd
* 41 G. Chaliand, Les
guerres irrégulières.
20ème-21ème siècle. Guérillas
et terrorismes, Paris, 2008 , p.845
* 42 D. Coulmy,
« Quel avenir pour l'Afghanistan ? », Etudes, 2007/10
Tome 407, pp.297-307, p.305
* 43 K. Sorkhabi et D. Bresson,
State building et réalités locales en Afghanistan,
Paris, non publié, Juin 2010, p.5
* 44 Adoptée par le
Conseil de sécurité à sa 4270ème
séance, le 12 septembre 2001, la résolution 1368 autorise les
Etats Unis à entrer en guerre contre l'Afghanistan : « Se
déclare prêt à prendre toutes mes mesures
nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11
septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ces formes,
conformément à ses responsabilités en vertu de la Charte
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* 45 Rapport d'information
fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la
défense et des forces armées, à la suite d'une
mission effectuée du 16 au 24 avril 2005, par une
délégation en Afghanistan, Annexe du procès-verbal de la
séance du 12 mai 2005, Sénat, n°339, Paris, mis en ligne en
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* 46 Journaliste
américain
* 47 F. Soudan,
« Petraeus, le sauveur ? », la revue, n°9,
février 2007, pp.80-87, p.81
* 48 Ibid, p.85
* 49P.S.
Jha, « La malédiction afghane au Pakistan »,
Politique étrangère, 2/2008, pp.335-344, p.2
* 50 « Musharraf Vows
to Rout Terror: No issue of Muslims or
non-Muslims », Dawn, 28mars 2004
* 51 P.S. Jha, Op.
cit., p2
* 52 Le terme Eelam est
l'équivalent tamoul du terme cingalais Sri Lanka
* 53 J. Baud,
Encyclopédie des terrorismes et violences organisées,
Paris, 2009, p.1206
* 54 G. Chalian, Le nouvel
art de la guerre, l'Archipel, Paris, 2008
* 55 La diaspora tamoul se
réunit pour protester, le Point, mise en ligne le 21/04/2009. Lien
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* 56Ibid
* 57L. Gayer et C. Jaffrelot,
Op.cit., p.31
* 58Ce nom signifie
littéralement Mouvement de la résistance Islamique, l'acronyme
signifiant également « Enthousiasme »
* 59Il sera tué par des
tirs de roquette israélienne.
* 60Ce mouvement était
discrètement subventionné par Israël qui voulait
créer un groupe concurrent à l'OLP et encourager les luttes au
sein du mouvement palestinien.
* 61 J. Baud ,Op.
cit,. p.558
* 62 un de ses membres qui sera
tué le 22 juillet 1995 probablement par les forces de
sécurité de l'Autorité Palestinienne
* 63 Organisation militaire et
de renseignement iranienne créée le 5 mai 1979 par un
décret de l'Ayatollah Khomeini pour protéger la
Révolution. L'une de ses fonctions est de piloter les activités
terroristes hors d'Iran
* 64 Djihad Islamique
Palestinien sur
http://www.terrorwatch.ch/fr/pij.php
* 65 Le terme taliban en arabe
signifie étudiant, plus précisément étudiant en
religion.
* 66 G. Dorronsoro,
« Afghanistan : chronique d'un échec
annoncé », Critique internationale, n°21, octobre 2003,
pp.17-23, p.18
* 67 Définition
d'idéologie, CNRTL,
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* 68 cf.annexe charte du
Hamas
* 69 G. Kepel, Op. cit.,
p.512
* 70J. Baud, Op.
cit.,, p.553
* 71P.W. Singer, p.30
* 72 «Introduction to the
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* 73 I. Hamidi, Islamic
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* 74 J. Baud, Op.
Cit., p.300
* 75 F. Lahar,
« Djihad Islamique. Mouvement du Djihad islamique palestinien
(MJIP) », Fiche technique n°3, Outre Terre 4/2005, n°13,
pp.299-315, p.300
* 76 Il s'agit de la plus
ancienne des quatre écoles sunnites de droit musulman
* 77 D. Benjamin,
« Le terrorisme en perspective », Politique
étrangère 4/2006, pp.887-900, p.3
* 78 R. Rabramasubramian,
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* 79 Ricolfi L.,
Terroristi, kamikaze o martiri ? Le missioni suicide nel conflitto
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cité dans D. Gambetta., Making sense of suicide
missions, Oxford, 2005, p.262
* 80 E. Pavey, Pp. cit,
p.3
* 81 Ibid, p.3
* 82 J. Baud, Op.
cit., p.1212
* 83 R. Gunaratna,
«Suicide terrorism. A global threat», dans P.L. Griset et S. Mahan,
Terrorism in perspectiv, Californie, 2003, pp.220-227, p.221
* 84 P. Larzillière, Le
« martyr » palestinien, nouvelle figure d'un nationalisme
en échec », dans A. Dieckhoff et R. Leveau,
Israéliens et Palestiniens : la guerre en partage, Paris,
2003, pp.80-109, p.91
* 85 Les chiffres proviennent
de l'étude P. Larzillière, Le « martyr »
palestinien, nouvelle figure d'un nationalisme en échec »,
dans A. Dieckhoff et R. Leveau, Op. cit., 2003, pp.80-109, p.84
* 86 Nous ne disposons pas du
détail par organisation.
* 87 J. Baud, Op. Cit.,
p.553
* 88 Il s'agit d'une
unité opérationnelle intégré au Jihad Aman, qui est
le service de sécurité qui est également en charge de
traquer et de punir les éventuels hérétiques, les
palestiniens collaborant avec l'autorité palestinienne
* 89 Responsable militaire du
Hamas dans la bande de Gaza
* 90 P.W Singer, Children
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* 91Israelis stop boy
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p.7
* 94 S. Nawaz, FATA- A most
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International Studies, janvier 2009, p.VI
* 95 S. Metz, « La
guerre asymétrique et l'avenir de l'Occident », Politique
étrangère, vol.68,n°1, 2003, pp.25-40, p.27
* 96Chara Latu Hogg, Op.
cit., p.20
* 97Chara Latu Hogg, Op.
cit., p.18
* 98 University Teachers of
Human Right Watch (Jaffna) Sri Lanka, Children Conscription and peace: a
tragedy of contradiction, Special report n°16, 18 mars
2003
* 99J. Israel, BBC
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the Button...,mis en ligne le 18 juillet 2004 sur
http://emperors-clothes.com/interviews/abdo.htm
* 100 Une des branches
armées du Fatah
* 101 Singer, Op.
cit.,p.113
* 102O.
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http://www.independent.co.uk/news/world/asia/taliban-running-school-for-suicide-bombers-1764028.html
* 103 Soustraire une personne
à l'autorité de ceux qui en ont la garde
* 104 S. A.
Carter, Taliban buyind child for suicide bombers, The Washington
Times, mis en ligne le 2 juillet 2009 sur
http://www.washingtontimes.com/news/2009/jul/02/taliban-buying-children-to-serve-as-suicide-bomber/
* 105C. O'Shea, Nato
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http://www.guardian.co.uk/world/2007/jun/23/afghanistan.uknews4
* s
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p.65
* 106 E. Pavey,
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* 107C. Lata et J. Batticaola,
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* 108Singer, Op.
Cit.,p.116
* 109J. Baud,
Op.cit.,p.558
* 110Singer,Op. Cit.,
p.115
* 111 Afghanistan,
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2007, p.2
* 112 S.H
Tajik, Insight into a Suicide Bomber Training Camp in Waziristan, CTC
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http://www.ctc.usma.edu/sentinel/CTCSentinel-Vol3Iss3
* 113Singer,
Op. Cit., p.2
* 114 S.H
Tajik, Op. Cit.
* 115I. Firdous,
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goes into the making of a suicide bomber, The express Tribune, mis en
ligne le 20 juillet 2010
http://tribune.com.pk/story/28976/what-goes-into-the-making-of-a-suicide-bomber/
* 116Les attentats
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Amrica.gov, mi en ligne le 22 octobre 2007 sur
http://www.america.gov/st/washfilefrench/2007/October/20071022125357dmslahrellek0.9667017.html
* 117Ibid
* 118 Ibid
* 119Singer, Op.
Cit., p.105
* 120Lieutenant Colonel
Lillian A. James O'Neal, Op. Cit., p.12
* 121Singer, Op. Cit.,
p.115
* 122A.
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ligne 12 octobre 2009 sur
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hmW-7E-he09DFvg3gq5inLcspUJQ
* 123UN pressed to
investigate taliban's use of children as suicide bombers, CNS News, mis en
ligne le 8 juillet 2009 sur
http://www.cnsnews.com/news/article/50696
* 124 E. Benmelech et C.
Berrebi,» Human Capital and the productivity of suicide Bomber», dans
Journal of Economic Perspectives, vol.21, n°3, été 2007,
pp.223-238, p.232
* 125 Seul la Somalie, qui n'a
plus de gouvernement depuis 1991, et les Etats Unis ne l'ont pas
signé.
* 126 Sandrine Dekens, Les
vulnérabilités des enfants, un concept pour l'action, Texte
de l'intervention au Colloque Enfance et Sida, 15 juin 2006 disponible sur
http://osi.bouake.free.fr/?Les-vulnerabilites-des-enfants-un
* 127 Etude non datée
disponible sur
info.worldbank.org/etools/docs/library/210670/.../ovc.pps
* 128Chara Latu Hogg, Op.
Cit., p.6
* 129Ibid, p.6
* 130 Ibid, p.30
* 131 C. Mercier, Sri
Lanka: avec les enfants soldats rescapés de la guerre, Rue89, mis
en ligne le 12/07/2009 sur
http://www.rue89.com/2009/07/12/sri-lanka-avec-les-enfants-soldats-rescapes-de-la-guerre
* 132 E. Sarraj,
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Monde Diplomatique, novembre 2000 mis en ligne sur
http://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/SARRAJ/14516
* 133 Ibid
* 134Chara Latu Hogg, Op.
cit.,, p.6
* 135 Tu as le droit
d'être protégé conte la guerre , Jeunes
Journalistes Belgique, mis en ligne le 22 février 2010 sur
http://www.jeunesjournalistes-belgique.net/index.php?option=com_content&view=article&id=653:l-tu-as-le-droit-detre-protege-contre-la-guerre-r&catid=68:les-enfants-soldats&Itemid=111
* 136World: South Asia.
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http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/139757.stm
* 137Chara Latu Hogg,
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p.18
* 138 Enfants
soldats, Rapport mondial 2004, La Coalition pour mettre à
l'utilisation d'enfants soldats, Londres, 2004, p.21
* 139 Psychologue qui a
travaillé en Palestine avec différentes organisations
internationales
* 140Ces entretiens sont
disponibles dans S. Mansour, Des enfants et des pierres,
Enquête en Palestine occupée, Les Livres de la REP,
Paris, 1989
* 141S. Mansour,
« La génération de l'Intifada »,
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le 24 avril 2003 sur
http://conflits.revues.org/index455.html,
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* 142Ibid, p.5
* 143
J. Reid Weiner, Use of Palestinian Children in the al-Aqsa
Intifada: a legal and Political Analysis, Jerusalem center for public
affairs, mis en ligne en novembre 2000sur
http://www.jcpa.org/jl/vp441.htm
* 144 Global Report 2004,
Op. cit., p.22
* 145 Bulletin DEI,
vol.ç n°2, p.14-15
* 146 Ibid, p.375
* 147 Ibid, p.27
* 148 Président de
l'Etat islamique de transition d'Afghanistan, Décret 25, 25 mai
2003
* 149 Global Report 2008 -
Afghanistan, Coalition to stop the use of Child soldiers, p.2,
http://www.child-soldiers.org/regions/country?id=1
* 150 Le petit guide du
parfait tâleb, Bassirat.net, mis en ligne le 19/12/2006 sur
http://www.bassirat.net/Le-petit-guide-du-parfait-taleb,1643.html
Ce site propose la liste complète des 30 commandements en
langue française
* 151 Global Report 2008,
Op.Cit, p.3
* 152 E. Pavey,
Op.cit., p.7
* 153H. Shanthikumar,
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nationhood», The Politic and Religious Journal, Sarajevo, 2/2007,
pp.131-142, p.131
* 154P. Schalk, The
veneration of the martyr by the LTTE, mis en ligne sur
http://www.tamilcanadian.com/page.php?cat=&id=1394
* 155A. Perry, How Sri
Lanka's Rebell build a suicid bomber, Time, mis en ligne le 12 mai 2006
sur
http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1193862,00.html/
* 156Singer, Op.cit., p.113
* 157 A. Daraghmeh,
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Free Republic, mis en ligne le 29/02/04 sur
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* 158
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* 159 P. Larzillière,
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nationalisme en échec », dans A. Dieckhoff et R.
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partage, Paris, 2003, pp.80-109, p.80
* 160 F. Géré,
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le 29 août 2001 sur
http://www.liberation.fr/tribune/0101384646-volontaires-de-la-mort-les-raisons-de-l-absurde
* 161Insight into a Suicide
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* 162K.
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* 163
Suicide attacks in Afghanistan, p.29
* 164 K. Lakshman,
Op.cit., p16
* 165Chara Latu,
Op.cit, p.15
* 166J. Baud, Op. Cit.,
p.555
* 167Singer, p.7
* 168J. Israel, BBC
Interview with Hussam Abdo, Arab Suicide Bomber, Age 15, Who Didn't Push
the Button..., lien internet:
http://emperors-clothes.com/interviews/abdo.htm
* 169Israelis stop boy wearing
bomb vest, lien internet:
http://www.usatoday.com/news/world/2004-03-24-young-mideast-boy_x.htm
* 170Incitation à
l'idéologie islamique radicale et à la culture du terrorisme
anti-israélien auprès des enfants de maternelle de la bande de
Gaza, Centre d'information sur les renseignements et le terrorisme au
Centre d'étude spéciale (CES), mis en ligne le 6 juin 2007 sur
http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/fr_n/pdf/islam_assimilation.pdf
* 171Cette configuration forme
l'emblème des Frères musulmans
* 172Ce qui signifie en arabe
Dieu est le plus grand
* 173les Brigades Izzedine
al-Qassam
* 174Lien internet pour
accéder au site
http://al-fateh.net/
* 175 F. Lahar, Op.
Cit., p.305
* 176 Pakistan: Child
Suicide bombers « victims of the most brutal
exploitation », IRIN, mis en ligne le 9 septembre 2010 sur
http://www.irinnews.org/report.aspx?ReportId=76701
* 177 Singer, Op. cit.,
p.110
* 178 Singer, Op.
cit, p.110
* 179 L'âge de la
puberté chez un garçon peut varier entre 12 et 15 ans