3.1.2 Discussion 2 : L'éloignement des
établissements de microcrédit par rapport au lieu d'habitation du
paysan constitue le premier facteur déterminant sa décision
d'accéder au crédit formel
3.1.2.1 Les points de vue des
enquêtés concernant les blocages à l'usage de l'emprunt
formel a. Les répliques spontanées des
ménages
Les problèmes majeurs que les enquêtés
jugent influencer leur intention à réaliser des demandes
formelles auprès des EMC se trouvent respectivement, par ordre
d'importance au niveau du remboursement, de la déclaration des garanties
matérielles et du taux d'intérêt pratiqué par ces
derniers.
Concernant la modalité de remboursement, la
majorité des paysans ne disposent pas de moyens financiers suffisants
que pendant la période de moisson c'est-à-dire vers le mois de
Mai. Or, la modalité de remboursement adoptée par les IMF
d'Analavory est comme suit :
? Pour le cas de la CECAM, le paiement se fait au cours des
deux derniers mois de l'échéance.
? Pour le cas de la PAMF, les intérêts relatifs
à l'emprunt sont à verser mensuellement pendant la période
de soudure et le montant emprunté réglé pendant la
période de récolte.
De nombreux paysans se trouvent alors dans
l'impossibilité d'effectuer des versements pendant la période de
soudure même si cela ne porte que sur les intérêts. Le peu
d'argent qu'ils disposent à ce moment là leur est indispensable
pour les dépenses courantes de la vie quotidienne. De plus, les frais de
déplacement viennent alourdir les charges, en plus des
intérêts des prêts contractés.
Le problème de garantie, habituellement
évoqué lorsqu'on parle de crédit rural, vient en second
lieu. En réalité, beaucoup d'EMC préfèrent
largement les gages sous forme de mobiliers. Les biens immobiliers notamment la
terre reste problématique à Madagascar à cause de
l'insécurité foncière. Quant aux garanties
matérielles, les EMC exigent des biens ayant une valeur
supérieure au montant de crédit. Et c'est à ce moment
qu'intervient le blocage parce que la majorité des ruraux n'en dispose
pas. D'autres en possèdent mais qualitativement et quantitativement
insuffisantes pour atteindre l'équivalence du montant de crédit
envisagé.
48
La contrainte taux d'intérêt élevé
se trouve en troisième place, 15% l'ont déclaré. Il est
clair que le taux adopté par les EMC est plus cher que celui des
banques. Mais avec les dépenses lors de la préparation du dossier
notamment les frais de déplacement, les coûts reviennent au
même puisque les banques ne sont pas des établissements de
proximité. D'un autre côté, ce facteur pourrait être
lié à une méconnaissance de la valeur du taux
d'intérêt. Le fond du problème est dans ce cas le manque
d'information : certains paysans pensent que les EMC pratiquent des taux
élevés supérieurs à ceux des usuriers sans
connaître vraiment la réalité.
b. Les fréquences d'énonciation de chaque
facteur
Les deux premiers facteurs les plus cités sont
analogues aux résultats d'analyse des réponses spontanées
: problème de remboursement et de garanties matérielles. Par
contre, le facteur taux d'intérêt élevé est
précédé par l'appréhension des démarches
administratives. Les concernés avouent ne pas être familiers
à ces établissements. Ils ne sont pas habitués à
les côtoyer alors que pour une demande de crédit, doivent
être fréquentés l'EMC, le bureau de la Commune pour la
légalisation des certaines paperasses, et voire même le service ou
le guichet foncier en cas de nécessité.
Il est fort probable que les résultats de ces deux
analyses fréquentielles soient déformés car beaucoup de
facteurs sont dépendants entre eux. Par exemple, il se peut que celui
qui a affirmé trouver les intérêts perçus un peu
chers ignore en fait les renseignements à ce sujet.
3.1.2.2 Les variables significativement liées
à la motivation des ménages
enquêtés
Quatre variables significatives présentent effectivement
les signes attendus définis au départ :
- le degré de connaissance des taux d'intérêt
pratiqués par les EMC ;
- la superficie totale de terrain cultivée par le
ménage ;
- la valeur totale des garanties matérielles ;
- la durée du trajet allant jusqu'à l'EMC le plus
proche.
L'analyse économétrique a montré que les
rationalités avancées dans la partie méthodologie
ont été vérifiées pour le cas de ces
quatre variables.
Cependant, trois variables ont affiché des logiques de
relation différentes. Il s'agit des
variables :
- nombre de types de sensibilisation et de séance
d'information vus, entendus, ou
assistés ;
- tendance des ménages concernant la destination de la
production ;
- nombre d'usuriers connus.
a. 49
Le nombre de types de sensibilisation et de séance
d'information vus, entendus ou assistés
Plus l'exploitant agricole est informé du
système de prêt formel, plus la non motivation se manifeste. Ce
résultat d'analyse est assez étrange mais compréhensible
lorsque certains renseignements peuvent faire reculer les décisions.
Quand le paysan sait préalablement que le montant accordé doit
être proportionnel aux garanties de prêts, il serait
démotivé dès le départ s'il désire emprunter
une énorme somme sans posséder de biens matériels.
D'autres paysans peuvent être découragés par les
informations concernant les procédures de préparation de dossier
et préfèrent consulter des usuriers. Ils peuvent les approcher
facilement.
b. La destination de la production
Les ménages qui adoptent une économie de
subsistance semblent être ceux qui ont contractent un prêt
auprès des EMC. Ceci pourrait être lié au fait que les
ménages qui vendent en majeure partie leur production ont beaucoup plus
de ressources financières après la récolte. Par contre,
ceux qui pratiquent l'autoconsommation ne peuvent que s'endetter s'ils veulent
préparer la campagne agricole suivante, surtout s'ils n'ont pas d'autres
activités rémunératrices de revenu. D'un autre
côté, les stocks de produits agricoles sont épuisés
bien avant la prochaine récolte pour certains ménages. Ces
derniers utilisent alors le crédit formel pour tenir les
dernières semaines de soudure notamment pour l'achat des produits de
première nécessité. Les besoins impératifs de
moyens financiers les poussent à recourir au crédit formel.
c. Le nombre d'usuriers connus
Le crédit informel est généralement
consulté en cas d'urgence. Les paysans prennent recours aux services des
prêteurs traditionnels pour faire face à des dépenses
exceptionnelles liées à la maladie par exemple. Ce type de
crédit est rarement utilisé pour des activités agricoles.
Ses points communs avec le crédit formel portent sur la durée du
prêt (court terme) et l'exigence de garanties2. Ses
caractéristiques spécifiques correspondant aux attentes des
ménages agricoles sont principalement la rapidité et la
proximité du service. Le côté pratique du crédit
informel fait également son point fort : le contrat se fait verbalement
et il n'y a pas de procédures administratives [11]. Cependant, les
résultats de l'étude ont montré que la probabilité
pour qu'un ménage agricole effectue un emprunt formel augmente avec le
nombre d'usuriers connus. Comme explication, les taux d'intérêt
exigés par les prêteurs traditionnels
2 Les garanties matérielles exigées
par les usuriers sont infiniment plus élevé que le prêt :
une machine à coudre de 150 000 fmg est mise en gage chez le
prêteur pour un crédit de 10 000 fmg pour un mois [11].
50
sont réellement exorbitants (70 à 100%) [11].
Ainsi, à force de connaître ce coût excessif du
crédit informel, les paysans commencent à se tourner vers le
crédit formel afin d'essayer un nouveau système de financement.
Cette importance que les paysans accordent aux taux d'intérêt est
même retrouvée dans l'analyse des points de vue.
|