SECTION IV. SITUATION DES ENTREPRISES DU KATANGA
Dans cette
situation, nous avons procédé sur base de nos enquêtes sur
l'ensemble de la Province du Katanga et plus principalement dans les villes de
Kolwezi, Likasi et Lubumbashi, où nous avions une forte concentration
d'activités. Il ressort de cette analyse que le niveau des salaires dans
les différentes activités est très faible. Les ouvriers
n'ont jamais eu un salaire décent leur permettant de vivre
aisément. La plupart des entreprises au Katanga, quelle que soit leur
taille, ont opté pour un paternalisme hérité de la
colonisation, qui consistait à prendre en charge presque à 100%
l'ouvrier et le salaire que l'on lui remet ressemble plus à une bourse
d'études d'étudiant qui ne lui permet que de subvenir avec
beaucoup de difficultés aux besoins primaires, excluant tout aspect
d'épargne et tout autre forme d'économie pour assurer son
bien-être.
L'absence d'un salaire minimum
garanti et les faiblesses des syndicats font que l'entrepreneur négocie
au rabais les salaires. Il est à noter aussi que les effets de la loi
de l'offre et de la demande de l'emploi jouent fortement en faveur du demandeur
d'emploi. La préoccupation du chômeur au Katanga est d'être
d'abord embauché et de négocier ensuite le reste . Tel est le
slogan de tout demandeur d'emploi.
Les tableaux qui
suivent nous donnent une idée du niveau de nos entreprises suivant
certains critères tels que; le nombre de main-d'oeuvre, le coût de
la main-d'oeuvre etc.
Tableau n° 63 : Classification des
entreprises suivant le nombre d'ouvriers
au KATANGA en 1995.
Niveau des entreprises
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Nombre moyen d'ouvriers par entreprises
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Petites Entreprises
- Boulangeries
-Minoteries
-Vêtement pour femmes et enfants
-Machines outils et divers matériels de
réparation
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3 - 5
1 - 3
1 - 2
3 - 10
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Moyennes Entreprises
-Boucheries et ateliers de découpe
-Bonneteries, filatures
-Fonderies
-Cimenteries
-Construction et travaux de génies civil
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7 - 1 5
50 - 200
50 - 200
100 - 450
100 - 450
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Grandes Entreprises
-Industrie du cuivre
-Chemin de fer
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+ 25.000
+ 27.000
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Source: Enquêtes personnelles
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Il ressort de tableau,
que nos Petites et Moyennes Entreprises sont tellement rudimentaires,
qu'elles n'utilisent pas une technologie perfectionnées, mais
s'attachent à celle qu'elle trouve sur place. Par contre, dans les
Moyennes et Grandes Entreprises, de par leurs activités, ont pû
mettre en place une tchnologie appropriée en vue de conquèrir les
différents marchés, tant locaux qu'international.
Tableau n° 64 : Rôle du coût
de la main-d'oeuvre dans certaines industries
au KATANGA en 1995.
Industrie dont le coût de la main-d'oeuvre est bas :
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Pourcentage de salaires par rapport à la valeur du
Produit
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- Minoteries
- Cigarettes
- Viande, volaille exempte
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2,2 %
0,2 %
0,8 %
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Industrie dont le coût de la main-d'oeuvre est moyen :
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- Aluminium, traitement à façon
- Aliments congelés (chambre froide)
- Articles de coton
- Vêtements, costumes et autres habits
- Chaussures
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5,4 %
0,2 %
4,0 %
60,0 %
10,0 %
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Industries dont le coût de la main-d'oeuvre est
élevé :
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- Constructions diverses et réparations
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73,4 %
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Il ressort de cette analyse que le coût de la
main-d'oeuvre par rapport à la valeur du produit est très faible
dans la Province du KATANGA. Ceci est dû principalement à une
politique salariale locale conçue et imposée par les pouvoirs
publics en fonction d'un SMIG ; le salaire minimum interprofessionnel
garanti.
En effet, depuis la colonisation, on remarque que les
mouvements syndicaux ont été fortement réprimés et
des salaires ont été stratifiés selon les
catégories socioprofessionnelles. En outre, le principe de gestion qui
préconise que la masse salariale ne soit pas inférieure à
40% du chiffre d'affaires n'est pas respecté car elle ne
dépasse, en réalité, que très rarement les 10
%.
Les salaires sont imposés et ne suivent pas le niveau
de vie ni même l'évolution des prix sur le marché. Les
travailleurs vivent en deçà du minimum vital reconnu par l'O.I.T.
(Organisation Internationale du Travail). Ils doivent pour nouer les deux bouts
du mois recourir aux travaux en dehors de leurs lieux de travail.
Le subterfuge, mis en place par beaucoup d'employeurs, qui
consiste à mettre à la disposition des travailleurs des
cantines, diminue le pouvoir d'achat de ces derniers et paralyse le circuit
économique de l'achat et la revente dans l'état. Ces produits
sont généralement importés, de l'Europe ou de l'Afrique
Australe, provoquant ainsi une fuite assez substantielle de devises,
nécessaires à la relance de la production locale de ces
mêmes produits.
La politique salariale pratiquée
en République Démocratique du CONGO et par surcroît dans
les grandes entreprises (parce que l'Etat est le plus grand employeur du pays)
n'est pas en mesure de favoriser l'éclosion d'une classe ouvrière
assez forte, capable de faire face aux aléas de la vie. Ces ouvriers
vivent dans la misère la plus criante, sans espoir de pouvoir organiser
une épargne, assurer la pension, et encore moins la scolarité de
leur progéniture.
Le tableau suivant détermine le
pourcentage de la main- d'oeuvre utilisée dans différentes
entreprises ou activités. Pour ce faire une étude approfondie a
été menée sur les entreprises agricoles, les entreprises
minières, de génie civil et autres entreprises de transformation
et de construction métallique.
Tableau n° 65 : Industries
groupées selon le pourcentage d'ouvriers
qualifiés, de contremaîtres et de professionnels par rapport
au nombre total d'employés en 1995.
Types d'entreprises ou d'activités.
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Pourcentage des professionnels, des contremaîtres et des
ouvriers qualifiés par rapport au total des employés
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Entreprises agricoles
Fermes, peintures, chaux, ciment, articles divers, vente des
métaux, filature.
Entreprise minière, de génie civil,
aéronautique, élevage.
Les laminoirs, fonderie, appareillage électrique,
réparation, outillage agricole, transformation et constructions
métalliques.
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- de 10 %
- de 10 à 20 %
- de 20 à 30 %
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Il sied de noter, sous cette rubrique, que la colonisation,
pour les besoins de son exploitation , avait mis sur pied un système
d'enseignement technique très développé et même le
plus développé de l'Afrique.
On trouve, dans notre système d'enseignement, toutes
les branches indispensables à une bonne industrialisation du pays. A
chaque niveau de l'enseignement technique, il existe des étapes qui
permettent aux récipiendaires de pouvoir être directement
opérationnels sur le marché de l'emploi , à savoir de
l'ouvrier qualifié à l'ingénieur civil du domaine
concerné !
La Province du KATANGA possède le plus grand nombre
d'écoles techniques et professionnelles du pays et utilise le
matériel didactique le plus moderne.
A titre d'exemple, dans le domaine minier, le KATANGA forme
des ouvriers qualifiés des mines du niveau A3 et A2, ce qui n'existe pas
sous d'autres cieux. Les techniciens ainsi formés se prennent en charge
directement sur le terrain et n'ont nullement besoin de recourir au principe
américain du "learning by doing".
Il est à noter aussi que nos techniciens sont
très sollicités par tous les pays voisins du Congo à cause
de leur expérience et leur savoir-faire sur le terrain. Des tâches
qui, sous d'autres cieux, sont confiées aux ingénieurs civils,
sont au Congo confiées aux ouvriers spécialisés ayant
reçu une formation de base très solide.
Comme on peut le constater, il ne se pose pas de
problème de compétence dans la Province du KATANGA mais
plutôt un problème de capitaux et d'initiatives. Le tableau
ci-dessous présente les types d'entreprises dont la consommation de
carburant et de l'énergie achetée au Katanga représentent
plus de 5% de la valeur du produit.
Comme nous l'avons analysé dans les chapitres
précédents, le Katanga regorge le plus grand nombre de barrages
du pays, mais la consommation n'est pas très importante malgré le
coût moindre de cette énergie (0,0025/kWh). Il ressort de ce
tableau que l'énergie électrique est sous utilisée au
Katanga.
Tableau n° 66 : Les Entreprises dont
la consommation du carburant et de l'énergie achetée
représentent plus de 5 % de la valeur du
produit.
Désignation
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Pourcentage du coût du carburant et de l'énergie
par rapport à la valeur du produit.
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Petites Entreprises
Fer et acier forgés
Produit d'ouvriers et des laminoirs
Produits de fonderie
Moyennes Entreprises
Fonte des métaux et
autres traitements
Grandes Entreprises
Production du ciment
Produits des hauts fourneaux
Produits des loteries
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5 %
7 %
10 %
9 %
20 %
26 %
27 %
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La République Démocratique du Congo renferme,
en son sein, la plus grande capacité énergétique de
l'Afrique avec plus de trente barrages hydroélectriques et des dizaines
de centrales thermiques. La consommation du carburant est aussi la plus
élevée de l'Afrique Centrale.
Outre l'énergie électrique abondante et moins
coûteuse au pays, le carburant est importé du monde arabe et doit
traverser des milliers de kilomètres avant d'atteindre les centres de
consommation : d'où son coût très élevé.
Par contre, l'énergie électrique est
utilisée en grande partie dans l'industrie minière en
substitution progressive du carburant (Exemple de la transformation des bennes
de 150 tonnes de la GECAMINES en bennes trolley utilisant beaucoup
d'énergie électrique par rapport au carburant) provoquant ainsi
une baisse assez sensible des coûts de production due, essentiellement,
aux consommations du carburant.
Il est à noter que toutes les chaudières
utilisées dans les brasseries locales, les usines textiles, la fonderie
etc. ont été remplacées par des chaudières à
consommation d'énergie électrique.
L'énergie électrique est le soubassement de
tout développement. En ce qui concerne la Province du KATANGA, comme
nous l'avons décrit dans les chapitres précédents, elle
possède une grande quantité d'énergie électrique
qui est sous-utilisée. D'où la nécessité et
l'urgence de mise sur pied d'une politique de développement pour
utiliser au maximum cette énergie, afin de mettre en place un tissu
industriel intégré et compétitif vis-à-vis des
autres industries dans les autres pays.
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