a
REMERCIEMENTS
Nous voulons au début de cette étude,
remercier toutes les personnes qui ont contribué à son
élaboration. En premier lieu notre directeur M. David CUMIN qui
accepté de guider cette étude et qui nous a accompagné au
cours de sa rédaction de ses conseils et recommandations. Nous voulons
ensuite remercier toute l'équipe du CLESID pour sa particulière
attention tout au long de cette année de Master.
Enfin, nous exprimons notre gratitude à nos amis
DIONMONG Mbaimdogoum, AMON Kouamé Hermann pour avoir fait la relecture
du manuscrit. Que tous trouvent dans ces modestes mots, l'expression de notre
profonde et sincère gratitude.
b
Acronymes
AN : Alliance Nationale
ANR : Alliance Nationale pour la
Résistance
ANT : Armée Nationale Tchadienne
CDR : Conseil Démocratique
Révolutionnaire
CDRT : Conseil Démocratique
Révolutionnaire du Tchad
CMAP : Coordination des Mouvements Armés et
Partis Politiques
CNR : Conseil National de Redressement
CNT : Concorde Nationale Tchadienne
CNT/R : Concorde Nationale Tchadienne
/Rénové
CNS : Conférence Nationale Souveraine
CSNPD : Comité de Sursaut Nationale pour la Paix
et la Démocratie
CPDC : Coordination Pour la Défense de la
Constitution
CPR : Concorde pour le Progrès et le
Redressement
EUFOR : Force de l'Union Européenne
FAN : Force Armée du Nord
FAR/F : Fédération Armée de la
République Fédérale
FAT/MRP : Force Armées Tchadiennes/Mouvement
Révolutionnaire Populaire
FIDEL : Forces pour l'Instauration de la
Démocratie et de la Liberté
FNR : Force Nationale de Résistance
FNTR : Front nationale du Tchad
Rénové
FNT /FLO : Front Nationale du Tchad/ Front de
Libération du Ouaddaï
FROLINAT : Front de Libération Nationale du
Tchad
FSR : Front pour le salut de la
République
FUC : Front uni pour le Changement
FUCD : Front Uni pour le Changement
Démocratique
MDD : Mouvement pour Démocratie et le
Développement
MDD/ FANT : Mouvement pour Démocratie et le
Développement/
Forces Armées Nationales
Tchadiennes
C
MDD- MPLT : Mouvement pour la Démocratie et le
Développement-
Mouvement Populaire de
Libération
MDJT : Mouvement pour la Démocratie et
la Justice au Tchad
MJE : Mouvement pour la Justice et
l'Egalité
MOSANAT : Mouvement du Salut Nationale du Tchad
MPS : Mouvement Patriotique du Salut
ONU : Organisation des Nations Unies
RAFD : Rassemblement des Forces
Démocratiques
RFC : Rassemblement des Forces pour le
Changement
RDL : Rassemblement pour la Démocratie
et la Liberté
RPJ : Rassemblement Pour la Justice
SCUD : Socle pour le Changement, l'Unité et
la Démocratie
STEE : Société Tchadienne d'Eau et
d'Electricité
SNER : Société Nationale
d'Entretien Routier
UFCD : Union des Forces pour le Changement et la
Démocratie
UFDD : Union des Forces pour la Démocratie
et le Développement
UFDD/F : Union des Forces pour la Démocratie
et le Développement/
Fondamentale
A
Tous et toutes qui ont perdu leur vie dans les conflits au
Tchad, que votre sang soit le limon pour la construction de la nation
tchadienne.
Que les orphelins, les veufs et veuves trouvent en votre
disparition l'espérance d'une vie paisible au Tchad
« Au lieu de fortifier la justice, on justifie la
force »
Blaise Pascal
Sommaire
INTRODUCTION GENERALE
2
PARTIE I DE LA FROMATION AUX
STRUCTURES DES REBELLIONS
11
SOUS LE REGIME D'IDRISS DEBY
11
Chapitre 1 : Les rebellions de
la période 1990 à 2000
12
Section 1 Les facteurs de l'émergence des
rébellions dans la périonde1990-2000.
12
Section 2 Les Mouvements ou formations rebelles en
activité dans la période de1990 à 2000
20
Chapitre 2 : L'éclosion des
mouvements rebelles de 2001-2008
29
Section 1 Les nouveaux facteurs de
l'émergence des rébellions.
29
Section 2 Les formations rebelles
36
PARTIE 2 LES LOGIQUES A L'OEUVRE DANS
LES MOUVEMENTS REBELLES TCHADIENS.
45
Chapitre 3 : Les rébellions
comme logique d'accumulation de richesse
46
Section 1 Les facteurs conduisant à la
conclusion des accords.
46
Section 2 Les accords de paix comme droit
d'accès aux richesses nationales
50
Chapitre 4 : Les
rébellions : entre logique de revanche et contribution à la
pérennisation du régime d'Idriss Déby
57
Section 1 La rébellion comme logique de
revanche.
57
Section 2 La contribution à la
pérennisation du régime d'Idriss Deby ?
60
Conclusion générale
69
Bibliographie
70
INTRODUCTION GENERALE
A- Contexte
Situé sur la ligne de contact entre l'Afrique
« blanche » et l'Afrique
« noire », au carrefour entre le Maghreb, le monde
sahélien et l'Afrique équatoriale, le Tchad comme de nombreux
pays africains, est une création coloniale. Devenu République en
1958, elle acquiert son indépendance le 11 août 1960. Couvrant une
superficie de 1 284 000 km2 sur laquelle vivent environ 8 millions
d'habitants, le Tchad se caractérise par une profonde diversité
ethnique de sa population. En effet, celle-ci est divisée en
différents groupes linguistiques que sont : les Sara (30%), les Arabes
(15%), les Mayo-kebbi (12%), les Kanembou (9%), les Ouaddaï (15%), les
Haddjaraï (8%), les Toubou/Gorane (6%), et les zaghawa (1,5%). Cette
diversité ethnique s'exprime aussi à travers une inégale
répartition spatiale de la population sur toute l'étendue de son
territoire. Ainsi, nous notons que 7% de la population vivent dans le Nord du
pays, 33% dans le Centre et 38% dans le Sud.
Sans aucune façade maritime, le territoire tchadien est
entouré à l'Est par le Soudan, au Nord par la Libye, à
l'Ouest par le Niger, le Nigeria, et au Sud par les Républiques du
Cameroun et de Centrafricaine. Depuis l'indépendance, le pays est
resté, sans discontinue, en proie à la guerre civile
itinérante opposant les pouvoirs centraux successifs à des
groupes armés n'ayant pour seul objectif que de ravir le pouvoir. Ces
derniers parviennent le plus souvent à leurs fins avant d'être
à leur tour chassés du pouvoir. C'est donc un cycle infernal de
coups d'Etat précédés de conflits armés que le pays
a connu jusqu'en 1990. A cette date s'effectue un évènement
majeur pour l'histoire politique de cette jeune république. En effet, le
1er décembre de cette année, le colonel Idriss Deby
s'empare du pouvoir par un coup d'Etat en chassant son
prédécesseur Hisseine Habré. Dans sa lutte contre le
gouvernement d'alors, il bénéficia du soutien du Mouvement
Patriotique du Salut (MPS).
En effet, le MPS est né de la fusion de plusieurs
organisations politiques dont l'action du 1er avril, le Mouvement du
Salut National du Tchad (MOSANAT) et les Forces Armées
Tchadienne-Mouvement Révolutionnaire du Peuple (FAT-MRP) auxquels il
convient d'ajouter d'autres organisations et de nombreux cadres
déjà engagés individuellement. La mutualisation de ces
différents mouvements s'effectua lors du congrès de Bamina de
mars 1990. Cette coalition avait pour objectif essentiel d'unifier leurs forces
dans le seul but de chasser du pouvoir le président Hisseine
Habré.
Dans sa déclaration à la nation du 4
décembre 1990, Idriss Deby fit montre de sa volonté d'instaurer
une vie démocratique en déclarant : « Nous n'aurons
définitivement extirpé les démons de la dictature (...)
qu'après l'établissement d'une démocratie vraie, totale,
une démocratie pluraliste (...). Le plaisir est immense pour tous les
combattants des forces patriotiques d'avoir contribué à
l'éclosion du cadeau le plus cher que vous espériez. Ce cadeau
n'est ni or ni argent : c'est la liberté »1(*).
La prise du pouvoir en 1990 par Idriss Deby a suscité
beaucoup d'espoir au sein des populations tchadiennes, d'abord parce
qu'elle lui a permis de sortir du joug dictatorial de Hisseine Habré
mais aussi parce qu'elle a contribué dans une certaine mesure à
amorcer un processus démocratique avec la libération de l'espace
politique à travers l'instauration du multipartisme.
Mais l'espoir né du coup d'Etat du 1er
décembre s'est rapidement étiolé. Très vite, les
frustrations s'accumuleront et les dissonances se feront jour au sein du
nouveau régime. Certains anciens compagnons d'armes d'Idriss Deby
reprirent le chemin du maquis avec l'objectif de l'écarter du pouvoir.
De 1991 et jusqu'à 2008, les rebellions n'ont
cessé de se créer avec pour seul objectif de renverser Idriss
Deby. Cependant, celles-ci se heurtent à la solidité du
régime de Deby. La conséquence directe de ces incessants conflits
pour le pouvoir est de plonger le pays dans une situation de profonde
instabilité ; plombant ainsi les efforts de redressement
économique d'un pays qui se classe parmi les plus pauvres du continent
africain. C'est donc pour comprendre et mettre en lumière les
réels ressorts de cette instabilité politique que nous avons
décidé de conduire cette analyse sur les rébellions
tchadiennes dans la période de 1990 à 2008.
B- La revue de
littérature
La rébellion se définit comme une
« résistance ouverte face à l'autorité, surtout
la résistance armée organisée face à un
gouvernement établi ». En effet, la rébellion renvoie
à une action de se rebeller, acte de rebelle ou une dissidence, une
insurrection, une mutinerie, une révolte, une sédition, un
soulèvement. Elle désigne aussi l'ensemble des rebelles.
L'action de se rebeller fait appel à l'état
d'esprit du rebelle qui se traduit d'abord par une conviction : celle
d'avoir raison, y compris contre l'ensemble du groupe ou contre un ordre
établi accepté par tous, mais que le rebelle estime être un
facteur de désordre car générateur
d'inégalités, de misères matérielles et /ou
morales.
La rébellion fait appel à deux postures :
la prise des armes et la propagande politique dans le but de recueillir
l'adhésion d'une majorité de la population à sa cause.
Dans la littérature, le thème de
« rébellion » et la figure de
« rebelle » furent longtemps un terrain fertile pour les
artistes et les écrivains2(*). Les exemples sont nombreux : d'Antigone
de Sophocle ; Les Misérables de Victor Hugo ;
Germinal d'Emile Zola ; L'insurgé de Jules
Valles.
La rébellion à l'ordre et au pouvoir politique
est toujours perçue comme romantique car répondant à un
combat noble mais perdu d'avance, celui du désir de hurler sa
désespérance face à l'absurdité du monde. Et
l'homme révolté3(*) d'Albert Camus en est la parfaite illustration.
L'homme révolté, écrit Camus, ne
défend pas seulement un bien qu'il ne possède pas ou dont on
l'aurait frustré. Il vise à faire reconnaître quelque chose
qu'il a, et qui a déjà été reconnu par lui, dans
presque tous les cas, comme plus important que ce qu'il pourrait envier4(*). Les romans nous ont
nourris et fascinés avec le mot
« rébellion ». Jean Nicolas constate que
« le mot titre rébellion touche d'abord
l'affectivité du lecteur et déclenche, avant toute
réflexion, une suite d'images immédiates liées au bruit,
à la fureur, au déclenchement de pulsions instinctives et
sauvages. Il donne à voir et à sentir l'énergie vitale qui
explose en élans de refus. »5(*) La rébellion et la figure du rebelle
quittent le domaine du roman pour entrer dans les sciences sociales.
Au miroir des sciences sociales, c'est l'histoire qui fut la
première discipline à s'intéresser aux
phénomènes de rébellions. L'approche historique
procède à la description des rébellions. Elle permet de
connaître les grandes rébellions, leurs évolutions, leurs
stratégies et leurs figures de proues. C'est l'histoire des
rébellions au début de l'Europe moderne (vers 1492-1789). Cette
description historique montre les étapes de changements incroyables au
niveau social, économique, religieux et politique à travers des
douzaines de rébellions paysannes.
La perspective historique a permis de comprendre les mutations
qu'ont connues les rebellions. Elle opère le passage de rébellion
en révolution lorsque les insurgés gagnent leurs luttes. Les
exemples historiques sont la révolution américaine (1775-1783),
la révolution française (1789-1795) et la révolution russe
de 1917.
En mettant en lumière la transformation de
rébellion en révolution, l'approche historique permet aussi de
faire la distinction entre les rebellions contre révolutionnaires par
les idées (bretonne, corse, basque par exemple) et les mouvements
révolutionnaires par les idées (en Afrique,
particulièrement les guerres de libérations).
Mais aujourd'hui, après les indépendances, les
pays africains sont en proies aux guerres intra étatiques. Les
rébellions naissent de partout. Dans le contexte tchadien, les travaux
de l'historien Robert Buijtenhuijs6(*) ont permis de faire connaître la
rébellion qui avait sévi dans le nord du Tchad au début
des années 1966, le FROLINAT7(*). Mais le développement des rebellions conduit
à faire intervenir d'autres approches pour les appréhender. Ce
sont les approches de la sociologie et de la science politique qui sont
mobilisées.
L'approche sociologique voit les rebellions comme des
phénomènes d'actions collectives. Olivier Fillieule et
Cécile Pechu8(*)
observent que « c'est sous la poussée de
« l'histoire réelle » que le champ de la sociologie
des mobilisations s'est progressivement constitué, en particulier aux
lendemains de la Commune et au cours des turbulences des années
1960-1970 ». La perspective sociologique s'enrichit avec des
recherches sur les spécialités des aires culturelles exotiques en
montrant à travers « la politique par le bas9(*) » et
« les objets politiques non identifiés10(*) », que l'ordre peut
prendre plusieurs visages.
La contestation de l'ordre n'obéit plus aux canaux
explicitement politiques organisés. Ainsi, la participation politique,
dans les sociétés démocratiques, ne se résume pas
seulement au vote, grève, manifestations, occupations des locaux,
séquestrations. Elle s'exprime sur le plan artistique grâce
à la musique, au théâtre et au choix du mode de vie.
En revanche dans les sociétés où la
démocratie peine à trouver ancrage, la rébellion reste un
moyen privilégié de contestation de l'ordre politique.
De ce fait, l'analyse des rébellions au Tchad se situe
davantage dans le domaine de la science politique. Ainsi, exception faite des
travaux historiques de Buijtenhuijs sur la rébellion du Front de
Libération Nationale du Tchad, l'analyse des rebellions au Tchad a
toujours été mise en relief par d'autres facteurs. Nebardoum
Derlemati11(*)
évoque la question des rébellions pour montrer leur contribution
dans l'instabilité politique que connaît le Tchad. Mohamed
Tétémadi Bangoura,12(*) quant à lui, analyse les violences politiques
en s'attardant sur le rôle des différentes rebellions depuis
l'indépendance. Pour Bangoura, les rébellions apparaissent comme
un des facteurs aggravant de la violence politique au Tchad.
Yves Rabier13(*)enfin, établit la question des rebellions au
Tchad en mettant en exergue leurs différentes liaisons avec les
puissances étrangères.
Il apparaît clairement que la littérature sur les
rebellions au Tchad est abondante. Cependant, cette abondance n'est
qu'apparente ; il reste que les rebellions sous le régime de Idriss
Déby n'ont pas connu de travaux spécifiques. C'est pourquoi notre
travail se focalisera sur ces dernières.
C- Problématique
L'image du Tchad reste attachée à de multiples
scènes insurrectionnelles. Les rebellions foisonnent. Tantôt les
rebellions arrivent à conquérir le pouvoir d'Etat, tantôt
elles n'y parviennent pas. C'est une vie politique fortement militarisée
que nous auront à analyser. Durant
ces « années de poudre et de
sang »14(*)
la kalachnikov a trop souvent permis l'accès au pouvoir (de Ngakoutou
Malloum à Goukouni Weddey, en passant de Hisseine Habré à
Idriss Déby) et par voie de conséquence à l'ascension
sociale.
Cependant, l'avènement d'Idriss Deby au pouvoir a
permis au pays de connaître une relative stabilité15(*). La prise du pouvoir par un
mouvement rebelle devenait de plus en plus improbable. Toutefois, cette
accalmie générale au niveau de la situation sécuritaire
n'a jamais empêché les rébellions de se constituer et de
continuer leurs attaques furent-elles sporadiques. Les évènements
d'avril 2006 et de février 2008 dans la capitale N'djamena en sont la
parfaite illustration. Dès lors, si la conquête du pouvoir par les
armes semble révolue, pourquoi les rébellions se
multiplient-elles sous le régime d'Idriss Deby ? Quelles sont les
logiques qui animent ces rébellions ? S'agit-il toujours de la
conquête du pouvoir ou simplement des actes de revanche contre un ancien
allié, un ancien frère d'arme ou encore un ancien
mentor ?
D- Hypothèses
Afin de répondre à ces différentes
interrogations, nous formulons des réponses provisoires. Elles peuvent
être confirmées ou infirmées. Pour les interrogations
soulevées au sujet des rebellions sous le régime d'Idriss Deby de
la période de 1990 à 2008, nous disons que :
Les rebellions obéissent beaucoup plus à une
logique d'ascension sociale, d'accumulation de richesses plutôt
qu'à celle de la conquête du pouvoir.
Elles participent davantage à des actes de vengeance et
à une pratique visant à renforcer la domination et la
pérennisation d'un clan au pouvoir.
E- Méthodologie
Par méthodologie, nous entendons donner les raisons qui
guident notre modèle d'analyse (1), la justification du choix du sujet
(2) et la technique d'investigation utilisée (3).
1- Modèle d'analyse
L'analyse des rébellions sous le régime d'Idriss
Deby ne peut être appréhendée avec les approches classiques
rationnelles sur les questions sécuritaires. Ces approches se focalisent
essentiellement sur les états, les interactions étatiques. Or ici
la question sécuritaire se pose à l'intérieur d'un Etat,
en l'occurrence le Tchad ; mais qui reçoit des échos dans
les pays voisins.
Pour ce faire, c'est dans les approches transnationalistes,
qui postulent au dépassement des approches classiques de la
sécurité, qu'il convient de rechercher l'outil théorique
pouvant aider à comprendre la question des rébellions.
En effet, pour les transnationalistes, la
sécurité de l'Etat n'est plus menacée exclusivement par
les Etats mais également par les acteurs non étatiques. Les
transnationalistes se focalisent sur les individus et les groupes d'individus
qui agissent en dehors de tout cadre étatique. Mais l'action des ces
individus produit des effets sur la relation et la conduite des Etats. Il
s'agit ici des conflits de basse intensité qui affectent l'Etat à
l'intérieur de ses frontières. Ces conflits peuvent opposer les
différents groupes d'un Etat entre eux ou contre le pouvoir central. Et
c'est dans ce dernier cas de figure que se situe l'action des rébellions
contre le pouvoir central incarné par Idriss Deby.
En outre, cette approche nous permettrait de mettre en exergue
les effets que peuvent produire ce conflit interne sur les autres pays, en
l'espèce ses voisins proches ou plus largement de la région. Cet
élargissement du conflit justifie ainsi la prise en compte des acteurs
non étatiques pour étayer la question sécuritaire
régionale ou sous régionale qui peut être affectée
par les conflits intra étatiques.
2- Justification du choix de
l'étude
Comme nous l'avons souligné dans la revue de
littérature, l'analyse des rébellions au Tchad se fait toujours
de manière globale16(*) excepté dans les travaux de Robert
Buijtenhuijs17(*) sur le
Front de Libération Nationale. C'est pourquoi nous voulons axer notre
perspective sur les rébellions sous le régime d'Idriss Deby.
Le choix des années (1990-2008) se justifie par rapport
à deux événements : le coup d'Etat d'Idriss Deby de
décembre 1990 et les attaques des rebelles de février 2008 sur
N'djamena, la capitale tchadienne. Il s'explique aussi par le besoin de
circonscrire notre analyse sur des faits qui se sont déjà
déroulés pour ne pas tomber dans l'évènementiel.
Car les rebellions naissent et font toujours parler d'elles par les attaques
qu'elles opèrent.
Au-delà de cette limitation chronologique, le travail
vise à contribuer au débat sur la sécurité au Tchad
en tentant de mettre en exergue les transformations des mouvements rebelles. Il
vise par ailleurs à montrer la/les connexions qui peut/peuvent exister
entre la sécurité au Tchad et celle de ses voisins proches ou
plus largement celle de la région.
3- Technique
d'investigation
Ce travail est essentiellement basé sur les documents.
C'est dans les travaux (thèses, mémoires, livres, coupures de
presse) et les informations recueillies sur la toile que nous nous appuierons
pour mener ce travail. Ceci s'explique simplement par le fait que nous ne
pourrons pas effectuer des enquêtes de terrain car les rebelles se
méfient et n'osent pas beaucoup parler de leurs mouvements, si ce n'est
dans un but propagandiste. Il faut souligner également que nos moyens
(le temps et les finances) ne nous permettront de procéder à une
telle enquête.
Articulation du travail
Notre travail se divise donc en deux parties reparties en deux
chapitres chacune. La première sera consacrée aux causes et aux
différentes formations ou coalitions rebelles. Les logiques à
l'oeuvre dans les rebellions feront l'objet de la seconde partie.
PARTIE I : DE LA FORMATION AUX STRUCTURES DES
REBELLIONS
SOUS LE REGIME D'IDRISS DEBY
Depuis 1965 le Tchad a connu une succession de crises
caractérisées par une constante militarisation de sa vie
politique. Cette situation s'expliquait par le choix de la tyrannie comme mode
de gestion des affaires publiques. Cependant, après plus deux
décennies de vie politique fortement militarisée, le Tchad
amorce, comme la plupart des pays d'Afrique francophone, un processus de
démocratisation en 1990.
Ce processus coïncide avec la prise du pouvoir en
décembre 1990 par une force coalisée des rebelles nommée
le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), à la tête de laquelle se
trouvait le colonel Idriss Deby. La prise du pouvoir de ce mouvement rebelle
reçut la totale adhésion de la population qui espérait
s'exprimer librement sur la gestion des affaires publiques.
Mais très vite, la promesse d'une ouverture
démocratique va faire place à une parodie de vie
démocratique. La vie politique tchadienne sera
caractérisée par la falsification des résultats
électoraux, par l'opacité dans la gestion des affaires publiques
et par l'orientation clanique et partisane du pouvoir. En définitive, la
promesse de l'instauration de la démocratie peine à trouver un
véritable ancrage au Tchad.
Pour pallier cette situation d'obstruction institutionnelle
et politique, certains groupes n'hésitent pas à prendre les armes
pour faire triompher leur cause. Cette reprise des armes, qui du reste n'est
pas chose nouvelle au Tchad, connaîtra une constance inquiétante,
depuis la prise du pouvoir d'Idriss Deby jusqu'à nos jours. Pour tenter
d'aborder cette problématique, nous divisons en deux phases ce
développement des mouvements rebelles. Ainsi consacrons-nous une
première partie aux rebellions qui ont existé entre 1990-2000 et
une seconde partie à celles qui ont existé entre 2001 et 2008.
Chapitre 1 : Les rebellions de la période 1990
à 2000.
La naissance de rebellions sous Idriss Deby est la
résultante d'une frustration ressentie et la traduction du
dysfonctionnement d'un système.
En se rebellant, les insurgés estiment que leurs points
de vue ne sont pas suffisamment pris en compte pour remédier au
dysfonctionnement qui traverse le système. Ils veulent par la
rébellion protester contre l'ordre existant pour en proposer un autre
qui, selon eux, répondra aux véritables aspirations de la
population dont ils s'érigent en représentants.
Il est vrai que, la plupart du temps, la conjonction d'une
propagande politique savamment orchestrée et du soutien de la
communauté internationale permet aux rebelles de s'emparer du pouvoir.
Mais force est de reconnaître que cette stratégie semble peu
porteuse dans le contexte actuel. En conséquence, sous le régime
d'Idriss Deby, contrairement aux précédents régimes, les
rébellions se forment et se déforment sans parvenir à
atteindre leur but. Elles participent de manière indirecte à
orienter les politiques des gouvernants.
Il convient donc de s'y attarder dans l'optique de faire
ressortir les facteurs qui favorisent leur émergence (section 1) avant
de procéder à la présentation des différentes
formations et coalitions rebelles (section 2).
Section 1 Les facteurs de l'émergence des
rébellions dans la période 1990-2000
Après la prise du pouvoir le 1er
décembre 1990 et la promesse d'une ouverture démocratique, rien
ne pouvait faire penser aux populations que le nouveau régime en place
aurait à faire face à de nouvelles rebellions. L'installation du
régime peine encore à prendre forme quand les premiers bruits de
bottes se font entendre. L'interrogation qui revient de manière
systématique était de comprendre les raisons d'une telle action
contre ce nouveau régime représenté par Idriss Deby.
Pour trouver les justifications d'une telle action, un
détour dans l'histoire politique du Tchad s'impose. Ainsi les causes des
premières actions contre Deby sont à rechercher dans la
survivance des rebellions antérieures (§1). Cependant, la
« résurrection » des rebellions antérieures
ne peut à elle seule fournir une réponse satisfaisante aux
premières contestations du pouvoir d'Idriss Deby. Un regard sur la
gestion du pouvoir politique par certains «
associés de Bamina » (§2) peut aussi contribuer
à mieux appréhender les frustrations qui conduiront d'autres
« associés » à la reprise des
armes.
§1 - La survivance des
rebellions antérieures.
La prise du pouvoir de Deby n'est pas le fruit de la
réunion de toutes les forces rebelles qui étaient à
l'oeuvre sous le règne de Hisseine Habré. Elle est seulement le
résultat d'une union de quelques groupes ayant fusionné au
congrès de Bamina pour fonder le MPS. C'est pourquoi, bien des
formations rebelles n'ayant pas été parti prenante de l'accord de
Bamina vont opérer une reconversion (A) pour attaquer le pouvoir du
MPS.
Par ailleurs, Hisseine Habré et ses partisans n'ayant
pas accepté leur mise à l'écart, ils tenteront tant bien
que mal de s'organiser pour la reconquête du pouvoir. Ces nostalgiques du
pouvoir de Hisseine Habré prendront une part active dans le conflit
à travers leur soutien aux nouvelles rebellions (B).
· A- La survivances des rebellions
antérieures.
La victoire des alliés du congrès de Bamina le
1er décembre 1990 a été une grande surprise
pour beaucoup de formations rebelles qui n'avaient pas jugé opportun de
s'associer à cette union. De cette surprise naissent les
rivalités conduisant à la contestation systématique du
nouveau régime de N'djamena.
En effet, surpris par la tournure rapide des
évènements ayant conduit Idriss Deby au pouvoir, certains
mouvements rebelles formulent des griefs proches de ceux que l'on entendait
déjà du temps de Ngarta Tombalbaye, Goukouni Oueddei ou encore
Hisseine Habré. Ils s'articulent autour du traditionnel clivage Nord -
Sud, avec en toile de fond la lancinante question chrétien-musulmane, la
crise de l'Etat. En complément du discours traditionnel, les rebellions,
pour être en phase avec les réalités du moment, vont
adapter leur discours.
Premièrement, c'est le caractère
« étranger » du régime qui est brandi. En
effet, Idriss Deby doit son arrivée au pouvoir en grande partie au
soutien qu'il a reçut des autorités soudanaises. Ce sont elles
qui ont fourni toute la logistique et le financement nécessaire à
la coalition de Bamina.
Deuxièmement, les rebelles contestent la
légitimité du statut d'opposant d'Idriss Deby. Sur ce registre,
il faut rappeler qu'Idriss Deby fut pendant une longue période un proche
collaborateur de Hisseine Habré. Aussi ses détracteurs pensent
qu'Idriss Deby est dans une certaine mesure comptable de la gestion du pouvoir
précédent et par voie de conséquence, responsable des
dérives et des exactions commises sous le régime d'Hisseine
Habré. A ce titre, il n'y a donc pas de changement de régime
entre celui d'Hisseine Habré et de Idriss Deby, mais plutôt une
continuité.
Troisièmement, les discours sur l'aspect clanique du
pouvoir se font de plus en plus entendre. En effet, pour sa prise du pouvoir,
Idriss Deby s'est fortement appuyé sur le clan Beri18(*). Très vite, on observe
que la gestion du pouvoir de l'Etat se trouve concentré entre les mains
des Béri. L'Etat est désormais considéré
« comme un gisement de richesses sans
maître »19(*) que le clan se partage. Ainsi tous les postes
clés des services centraux de l'administration tels que la
direction de douane, la direction des impôts, la direction des transports
sont occupés par les membres du clan Béri. Il en est de
même pour certaines sociétés nationales dans lesquelles
l'Etat détient un capital important comme la Coton Tchad, la
société tchadienne d'eau et d'électricité, la
société nationale d'entretien des routes (SNER)20(*).
S'il est vrai que le fonctionnement clanique du pouvoir n'est
pas l'apanage d'Idriss Deby21(*), il apparaît de façon flagrante que sous
ce dernier, cette pratique passe pour être érigée en mode
de gestion des affaires publiques. En outre, c'est l'ouverture
démocratique qui accompagne la trame de la contestation. Les mouvements
rebelles estiment que les conditions et les modalités d'organisation du
pouvoir n'ont pas pour objectif de contribuer à l`émanation du
peuple, mais plutôt à offrir les instruments de la
pérennisation du régime d'Idriss Deby. Car les conditions d'un
vrai dialogue n'ont jamais été aménagés par Idriss
Deby22(*) et ce
malgré les multiples occasions qui s'offrirent à lui. A ces
vagues de contestations émanant des rébellions qui ont reconverti
leurs discours, s'ajoutent celles des nostalgiques de l'ère Hisseine
Habré.
· B- Les férus de Hisseine Habré.
Pour rappel, Idriss Deby fut pendant longtemps un haut
dignitaire du régime de Habré. Il a été son chef
d'état major et l'un de ses plus proches collaborateurs. C'est à
partir de l'action du 1er avril 1989, organisée par Hassane
Djamous, Ibrahim Itno et Idriss Deby Itno visant à renverser
Habré, qu'il entra en disgrâce. Dès lors, il
s'éloigne d'Hisseine Habré et se lance à la conquête
de la magistrature suprême qu'il obtient le 1er
décembre 1990 en chassant du pouvoir son mentor.
Par cette action, bien des dignitaires du régime
déchu de Hisseine Habré, surtout le milieu des officiers Goranes,
ethnie d'Hisseine Habré, estimèrent qu'Idriss Deby était
un traître qu'il fallait à tout prix abattre. Afin de parvenir
à cette fin, ces dignitaires du précédent régime
vont s'appuyer sur l'importante manne financière qu'ils avaient
accumulée durant leurs années de règne. Dans cette
logique, c'est le caractère clanique qui se trouve mis en exergue pour
venir à bout du régime d'Idriss Deby. C'est la logique
Gorane contre celle des Béri ou zaghawa. Pour
cette catégorie de rébellions, c'est la revanche qui
prédomine, même si d'autres griefs énoncés dans le
précédent paragraphe sont également avancés.
Ces justifications et légitimations n'expliquent pas
à elles seules les sources de la première vague des
rébellions à laquelle le pouvoir du MPS a eu à faire face.
La gestion du pouvoir constitue aussi pour le MPS un autre facteur pouvant
expliquer la naissance des foyers de tensions.
§2- La gestion du pouvoir
politique par « les associés de Bamina ».
Si l'on a pu observer un simulacre d'union entre les
associés de Bamina face aux frondes des rebellions qui contestent sa
légitimité, cette union ne sera que de courte durée. Les
accords de Bamina volèrent en éclat après quelques temps
de gestion commune du pouvoir (A). Cette exclusion résulte du tacite
bannissement du pouvoir des personnes n'appartenant pas à l'accord de
Bamina (B).
· A- Les associés de Bamina à
l'épreuve de la gestion politique.
La victoire du MPS fut le résultat de la coalition des
formations rebelles en luttes contre Hisseine Habré. En effet, c'est
à Bamina au Soudan que les formations rebelles suivantes, l'Action du
1er avril d'Idriss Deby et d'Abbas Koty, le Mouvement du salut
national du Tchad (MOSONAT) de Maldoum Bada Abbas et les Forces armées
tchadiennes-mouvement révolutionnaires populaire (FAT/MRP) de Hissein
Dassert ont fusionné pour créer le mouvement patriotique du salut
(MPS).
Ces différentes formations rebelles étaient
construites sur des piliers ethniques. Ainsi, l'action du 1er avril
était essentiellement composée des Béri (repartis
en sous clans kobé, bideyat, boragate, et
kapka) du Tchad comme du Soudan. C'est cette configuration ethnique
qui permit à plusieurs Beri soudanais de prendre activement
part au combat aux côtés de leurs frères tchadiens. Le
MOSONAT avait pour bastion de recrutement les Hadjaraï du Guerra
et les FAT/MRP les ouddaiens et apparentés. Ces
différents groupes ethniques constituaient le socle des premières
années du régime d'Idriss Deby. Le partage des postes de
responsabilités obéissait à cette configuration des
différents piliers.
On retrouvait ainsi Idriss Deby président de la
république et président du MPS, Maldoum Bada Abbas ministre de
l'intérieur et vice président du MPS, Hisseine Dassert ministre
de la défense et Abbas koty chef d'Etat major des armées. Le
pouvoir MPS s'impose ainsi selon cette logique aux tchadiens qui avaient cru
entrevoir des lueurs d'espoir avec l'arrivée au pouvoir du MPS.
Toutefois, au début du règne d'Idriss Deby, Gata Nder observait
que « le despote Habré parti, le soulagement qui a
traversé d'un bout à l'autre le Tchad ne s'est paradoxalement pas
transformé en une liesse délirante. Les incertitudes de
demain font planer quelques inquiétudes sur les esprits habitués
aux lendemains qui déchantent. Les tchadiens de toute évidence
ont mûri. Les promesses non tenues, les incitent à observer un
prudent `wait and see' »23(*). Cette observation sonne, avec la tournure que vont
prendre les évènements, comme une prédiction.
En effet, le MPS tint un congrès extraordinaire du 25
au 28 juillet 1991. Au cours de ce congrès, des voix
s'élèvent pour contester le cumul des fonctions du numéro
deux du régime, Maldoum Bada Abbas. Il était question pour ce
dernier de choisir entre le poste de ministre de l'intérieur et le poste
de vice président du MPS. A la fin du congrès le poste de vice
président du MPS fut purement et simplement supprimé. Cette
suppression a été mal reçue par le clan
Hadjaraï et par Maldoum lui même. Elle fut
interprétée comme une mise à l'écart du pouvoir des
Hadjaraï, alors que ces derniers venaient de contribuer
de manière significative à son instauration. Elle donna lieu
à des frustrations qui conduisirent à l'arrestation de Bada Abbas
Maldoum au motif de tentative de coup d'Etat. S'agissait-il d'un vrai coup
d'Etat ou d'une stratégie d'Idriss Deby pour se défaire d'un
allié devenu trop gênant ? Une chose est sûre, en
octobre 1991, Bada Abbas Maldoum et plusieurs de ses partisans meurent dans des
conditions non encore élucidées aujourd'hui. Aucune enquête
officielle n'a été diligentée pour faire la lumière
sur ces disparitions. Plusieurs partisans de Maldoum, à la tête
desquels se trouvait le Colonel Kafine Chadallah, reprirent le chemin du
maquis.
Ensuite vint le cas Abbas Koty. Ce dernier est
considéré dans l'action du 1er avril comme
représentant de tous les zaghawa (surtout le clan Kobé), tant du
côté soudanais que du côté tchadien. Issu du clan
Bideyat, Idriss Deby s'est fortement appuyé sur les
éléments appartenant aux autres clans du groupe zaghawa
pour sa prise du pouvoir. Abbas Koty constituait donc une pièce
maîtresse dans cette stratégie. Par son poste de chef
d'état major général des armées, Abbas Koty issu du
clan Kobé était au centre de l'appareil d'Etat. Il avait
le contrôle de l'ensemble des forces armées. Ce poste constituait
pour les autres clans zaghawa une garantie et un contre pouvoir pour
contrebalancer le pouvoir d'Idriss Deby au cas où ce dernier venait
à rompre le pacte qui les unissait. Cependant, le sort de Koty sera
réglé lorsque la question de la réorganisation de
l'armée s'invite dans le débat politique.
En effet, aux questions de l'insécurité24(*), où le tristement
célèbre « secteur n°5 »
composé essentiellement des Kobé du soudan, est
pointé du doigt par la population, la question de la
réorganisation de l'armée devient de plus en plus pressante pour
Idriss Deby.
A l'arrivée d'Idriss Deby au pouvoir, l'armée
tchadienne était caractérisée par le nombre
pléthorique de ces membres. Cette augmentation du nombre des soldats
s'expliquait par le recrutement massif dans le milieu Béri au
Soudan pendant la conquête du pouvoir par le MPS. En été
1991, la presse tchadienne annonça que la France avait accordé un
crédit d'un montant de cinq milliards de francs Cfa à la
démobilisation et la réinsertion des soldats désireux de
quitter les Forces Armées Tchadiennes25(*). Le but de l'opération était donc de
contribuer à la réduction des effectifs militaires en passant de
50 000 à 25 000 hommes.
Beaucoup d'éléments appartenant au clan
Béri du côté soudanais seront visés par
cette mesure car la restructuration s'opère au profit des soldats de
carrières et ceux issus de milieu scolarisé26(*). Profitant de cette
réorganisation, Idriss Deby choisit de muter Abbas Koty de l'Etat major
général pour lui confier le Ministère de la Défense
en juillet 1991. Cette mutation fut perçue comme la fin du
contrôle d'Abbas Koty sur les effectifs militaires et la mise à
l'écart implicite du leader et de son clan Kobe.
Du ministère de la défense, Koty passa au
ministère des Travaux Publics et des Transports. Ce nouveau changement
confirmait l'hypothèse de la mise à l'écart d'Abbas Koty.
Se trouvant hors du dispositif militaire, il ne pouvait plus rien faire pour
influer sur les décisions concernant l'armée. La
réorganisation de l'armée entamée, beaucoup de
Béri soudanais furent remerciés et priés de
retourner chez eux. Il naît ainsi un climat de suspicion entre les clans
Kobé et Bidéyat. Ce climat
délétère fait de rumeurs persistantes sur une possible
préparation de coup d'Etat contre le régime ou d'une très
prochaine arrestation d'Abbas Koty, poussa ce dernier en juin 1992 à
rejoindre la rébellion qui s'était déjà
constituée27(*).
Enfin, le congrès qui avait scellé ou
précipité la descente aux enfers de Maldoum n'a pas oublié
de fixer le destin d'Hissein Dassert,28(*) le chef de la fraction rebelle FAT- MRP, le
troisième pilier du régime d'Idriss Deby. En effet, depuis
juillet 1991, ce dernier avait perdu le poste de Ministre de la défense,
obtenu pour sa contribution à la victoire du MPS. Il était
« quasiment entré en rébellion contre son
mouvement, après son limogeage du ministère de la
défense »29(*). Restant dans la légalité, le colonel
Dassert finit par démissionner du MPS vers la fin de l'année
199230(*). Aussi, comme
les partisans de Maldoum et d'Abbas Koty, Dassert renoua avec ses anciennes
habitudes et reprit la route du maquis.
En définitive, on note qu'à peine
installé au pouvoir l'alliance de Bamina vole en éclat et fait
place à une guerre sourde au sein du MPS. S'agissait-il d'un calcul
tactique orchestré par Idriss Deby pour se débarrasser de ses
associés de Bamina ? Il est difficile à partir des
informations dont nous disposons de répondre à cette question.
Toutefois, un constat du retour à la case départ s'impose.
L'alliance se disloque et les anciens alliés reprennent les armes. Si au
sein du MPS les dissonances se font de plus en plus entendre, elles atteignent
également certaines personnes se considérant comme les exclus du
pouvoir.
· B- Les exclus du pouvoir.
Le club de Bamina se partage le pouvoir au prorata de
l'effort consenti pour son acquisition. Pendant ce temps, bon nombre de
citoyens, mais surtout d'officiers de l'armée nationale, sont mis
à l'écart. Cette mise à l'écart conduit un groupe
d'officiers majoritairement issus du sud du pays à signer une lettre
ouverte dans laquelle ils indiquent leurs principales revendications.
Celles-ci concernent l'avancement des militaires sur la base de
l'ancienneté, l'abolition d'un décret datant d'Hisseine
Habré favorisant les maquisards au détriment des militaires de
carrières, la restauration de l'équilibre sociale entre les
éleveurs et les agriculteurs et enfin l'instauration d'un
fédéralisme accordant une large autonomie aux départements
méridionaux.
La pétition fut mal perçue par le nouveau
régime qui la considéra comme une tentative de coup
d'état. Il en résulta que les officiers initiateurs de cette
lettre ouverte furent arrêtés. Certains perdront leurs postes
voire même leurs grades. Devant cette répression qui s'abattait de
manière disproportionnée sur ces officiers, bon nombre d'entre
eux préférèrent prendre la route du maquis.
L'élément déclencheur de ce départ pour le maquis
fut l'attaque du poste de police de Chagoua par les hommes conduit par
Kétte Nodji Moïse.
Ainsi vont se succéder les formations et coalitions
rebelles qui auront pour seul et unique objectif de reverser le régime
d'Idriss Deby.
Section 2- Les Mouvements ou formations rebelles en
activité dans la période de 1990 à 2000.
A peine la conquête du pouvoir du MPS est effective que
des nouvelles alarmantes au sujet d'attaques rebelles envahissent le pays,
rappelant ainsi les durs moments de lutte armée ayant conduit à
la victoire d'Idriss Deby. Aussi, après seulement quelques mois
d'accalmie, les foyers de tensions se ravivent, plongeant le pays dans une
situation identique à celle qu'avait créée les actuels
tenants du pouvoir.
Il serait impossible de faire ici une présentation
synthétique de toutes ces forces et structures rebelles, tant elles sont
nombreuses et multiformes. Les rebellions qui seront présentées
dans cette partie sont celles qui ont été effectives, c'est
à dire qui ont constitué, à un moment de leur existence,
une menace pour le régime d'Idriss Deby. Par ailleurs, il convient
d'indiquer que nous nous inspirerons dans une certaine mesure des
présentations faites dans les ouvrages de Jean Marc Balencie 31(*) et de Mohamed
Tétémadi BANGOURA32(*), quand bien même ces travaux procèdent
à des classifications de mouvements rebelles en fonction de leurs aires
géographiques.
Notre approche obéira à une présentation
chronologique des mouvements rebelles (§1) sans occulter le fait que
ceux-ci ont une certaine facilité à se fédérer en
d'éphémères coalitions. (§2)
§1- Les structures des
mouvements rebelles.
Il s'agira dans cette première partie de situer
géographiquement les mouvements rebelles (A), d'indiquer les soutiens
logiques et financiers dont ils disposent et enfin d'évoquer, dans la
mesure du possible, le parcours de leur leader (B).
· A- La localisation des mouvements rebelles.
1- Le Mouvement pour la
Démocratie et le Développement - Forces Armées Nationales
Tchadiennes (MDD-FANT).
Surpris par la prise du pouvoir d'Idriss Deby, Hissein
Habré et ses partisans ne renoncent pas pour autant à le
récupérer. Fort des deniers publics amassés pendant la
gestion du pays par Hisseine Habré, les barons du régime
déchu exilés au Cameroun, en République Centrafricaine et
au Niger s'organisent pour reconquérir le pouvoir.
C'est ainsi que naît le MDD-FANT. Ce mouvement recrute
essentiellement chez les Goranes du Kanem et chez les
Annakazas du Borkou (clan d'origine de Hisseine Habré). Le
mouvement est financé par Hisseine Habré (même si
officiellement il ne joue aucun rôle) et ses partisans. Le MDD-FANT a
opéré à la fin de l'année 1991 et début 1992
autour du lac Tchad. Il était dirigé par Adoum YACOUB,
assisté de plusieurs membres de la famille d'Hisseine Habré.
Cependant, suite aux dissensions internes (ralliement partiel des
combattants au régime d'Idriss Deby33(*), sourde rivalité à la tête du
mouvement entre Adoum Yacoub et Mahamat Fadil, scission du printemps 1995 des
combattants d'origine krédas conduit par Mahamat
Hassabalah34(*) et la
scission d'Ahmat Allatchi35(*)), le MDD-FANT disparaît de l`échiquier
militaire et politique tchadien.
Outre ces éléments sus indiqués, la
désagrégation du mouvement s'explique en partie par les coups
sévères portés par l'armée régulière
et l'opération tripartite (Tchad, Niger, Nigeria) au cours de laquelle
plusieurs combattants du mouvement trouvèrent la mort.
2- Le Mouvement pour la
Démocratie et le Développement - Forces armées
Occidentales (MDD FAO)
Vu comme l'héritier de FAO-IIIe armée des
années 70-80 en raison de sa zone d'implantation (le Kanem et la
région du lac Tchad) et de son milieux de recrutement ethnique (les
Kanembou et les Boudouma), le MDD FAO apparaît au
début de l'année 1991. Il dispose de bases arrières au
Niger, au Nigeria et au Cameroun. Il opère dans les régions de
Baga Sola et de Tchoukou-Hadjer et dans certaines îles du Lac Tchad. Il
est dirigé par Moussa Medella et Ibrahim Mallah et compte un
demi-millier de combattants. Compte tenu de sa proximité
géographique avec la capitale N'djamena, Idriss Deby entreprit des
négociations avec le mouvement qui échouèrent36(*). Nonobstant son poids et sa
position géographique favorable, le mouvement connut des dissensions
internes : querelles de personnes entraînant la scission en deux
tendances, celle de Moussa Medella et celle de Brahim Mallah. Cette
dernière tendance prit le nom de MDD- MPLT37(*).
A cette division interne s'ajoute l'absence de moyens
financiers. En effet, il faut rappeler que le financement de MDD FAO provient
essentiellement de la Diaspora tchadienne vivant au Nigeria et en Arabie
Saoudite. Au cours des années 1996-1998, le mouvement replié au
Niger et au Nigeria ne cessera de se déliter au profit des alliances. Sa
disparition définitive interviendra peu après l'arrestation de
Moussa Medella et de son état major38(*)
3- Le Front National du Tchad/Front de Libération
du Ouaddaï (le FNT/FO).
Cette formation est née sous les cendres d'un
mouvement fondé dans les années 80 par Mahamat Nour adam Barka et
se situe dans les confins soudano-tchadien. Elle regroupe plus d'un millier
d'hommes repartit entre les hommes du Ouaddaï, des
Zaghawa tchadiens et soudanais. Elle a été active au
début de 1992 dans les régions d'Abéché et
d'Adré ainsi que dans le Darfour. Le docteur Haris BACHAR en assure
théoriquement la direction. Mais cette formation va très
rapidement se dissoudre suite aux accords39(*) conclu avec le gouvernement ayant abouti au
ralliement de Haris BACHAR et de ses partisans.
Cependant, les accords de paix ne vont pas être
respectés par le gouvernement. La question de l'intégration et
l'insertion des anciens rebelles et de leur casernement à
Abéché va constituer la principale pomme de discorde. La lenteur
et la mauvaise foi gouvernementale dans l'exécution de cet accord va
pousser le docteur Haris Bachar à reprendre le chemin des maquis.
Toutefois, depuis octobre 1994 une faction du mouvement dirigée par
Mahamat Souboune a signé avec le gouvernement. Le FNT/FLO est
scindé en plusieurs branches dont le plus représentatif est le
Front National du Tchad-Rénové de Adoum Ahmat alias
« Bazooka ».
4- Le conseil national de
redressement (CNR)
Suite aux accusations de détournements de fonds et aux
rumeurs répétées de coups d'Etat portées à
son encontre par le régime d'Idriss Deby, Abbas Koty quitte le Tchad
pour le Cameroun. Au même moment plusieurs de ses partisans prennent la
direction du nord et de l'est du pays. Koty fonde le CNR en été
1992. Cependant, Koty se trouve très vite dans une impasse politique et
militaire. En effet, grâce à un forcing diplomatique d'Idriss
Deby, Tripoli et Khartoum n'accordent pas leur soutien à Abbas Koty
durant son exil au Cameroun. Cette situation d'isolement le conduit à
signer un accord de réconciliation à Tripoli le 13 août
1993 avec Idriss Deby.
Pourtant, le 22 octobre il trouve la mort dans des conditions
non encore élucidées. La mort d'Abbas Koty ne met pas pour autant
un terme à la lutte armée du CNR. Elle entraîne
plutôt sous une solidarité clanique à une forte
désertion des militaires issu du clan Kobé de la garde
républicaine. Les rescapés du CNR seront dirigés par une
direction collégiale comprenant Hissein KOTY, frère cadet du
défunt Abbas Koty, et Bichar Idriss AGGAR. Le CNR relance les incursions
dans le Guéra, le Biltine et le Ouaddaï. Depuis 1995 le CNR n'a
plus fait parlé de lui.
5- Le Forces Nationales de
Résistance (le FNR)
Ce mouvement est apparu en fin d'année 1994 sous la
direction du lieutenant-colonel Mahamat Garfa. Il naît suite à un
désaccord avec les autorités de N'djamena au sujet de la
réorganisation de l'armée nationale tchadienne.
Dénommé Armée Nationale Tchadienne- Dissidente (ANT-D), il
se compose en majorité d'éléments issus de l'ethnie
Tama comme Garfa. Leur zone d'activité a commencé dans
le Biltine pour s'étendre progressivement dans le Darfour soudanais. Eu
égard à son passé, Mahamat Garfa apparaît aux yeux
de plusieurs observateurs internationaux comme l'une des principales menaces
pour le régime d'Idriss Deby40(*).
6- Le Conseil de Sursaut
National pour la Paix et la Démocratie CSNPD
Ce mouvement s'est constitué à la fin du mois
de février 1992. Il est dirigé par un officier déserteur
de l'armée nationale tchadienne, le lieutenant Kétte Nodji Moise.
Il s'est officiellement fait connaître à partir de l'attaque de la
garnison de Doba du 20 avril 1992. Il regroupe plus de 500 combattants et
opère dans la région du Logone Oriental. Il compte de nombreux
sympathisants et s'est progressivement montré actif dans le Mayo-Kebbi,
la Tandjilé et les deux Logones. Après les premières
incursions de ses éléments, il dût faire face aux
importantes représailles des forces gouvernementales.
Ces représailles firent plusieurs victimes au sein de
la population civile. Moïse Kétte voit peu à peu son
mouvement s'effriter. Le gouvernement tente dans un premier temps de
négocier41(*) mais
ces négociations ne connurent pas d'issue heureuse. C'est dans ce
contexte que débuta en 1993 la conférence nationale qui facilita
la conclusion d'un accord entre le gouvernement et le CSNPD. Cet accord mit fin
aux hostilités tout en permettant au CSNPD de prendre part à la
conférence. Cependant, à l'image des précédents
groupes rebelles, celui de Moïse Ketté connaît lui aussi des
dissensions internes.
La fragilité interne de son mouvement incite Moïse
Ketté à participer aux négociations de Bangui de
février 1994 et à signer un accord de cessez le feu le 10
août 1994. Cet accord prévoit la légalisation du CSNPD, sa
transformation en parti politique et l'intégration de ses militants au
sein de l'ANT.
La signature de cet accord ne trouve pas l'adhésion de
tous les membres du CSNPD. Laokein Bardé par exemple va le contester
pour créer à son tour le FARF42(*). Cette formation s'imposera au cours de
l'année 1995-1998 comme un mouvement incontournable. Mais la disparition
du leader Laoukein mit fin à la poursuite de la lutte car ses partisans
ont choisi de regagner la légalité.
7- Le Mouvement pour la
Justice et la Démocratie au Tchad (MDJT).
Considéré comme le plus important mouvement
rebelle de cette décennie43(*), le MDJT fut créé en octobre 1998 par
Youssouf TOGOIMI. Ce mouvement recrute dans le milieu Toubou et était
actif dans le Tibesti. Il disposait de solides relais sociaux dans la Libye
voisine et menait une guerre de basse intensité. En 2000, le
gouvernement tente en vain de nouer le dialogue avec le mouvement.
Mais le phénomène de querelles internes atteint
à son tour le mouvement. Après la mort de son leader Youssouf
TOGOIMI, un de ses lieutenants Adoum Togoï Abbo, se rallie avec une
faction du mouvement aux autorités de N'djamena.
· B- Le parcours de certains leaders rebelles
Ce retour sur la trajectoire de certains leaders de groupes
rebelles a pour principal objectif de fournir quelques indications pouvant
aider à comprendre l'évolution de tel ou tel groupe armé.
Nous ne serons pas en mesure de donner des informations sur tous les leaders
des groupes rebelles présentés ci-dessus, mais seulement sur ceux
dont le parcours est pertinent pour notre analyse.
1- Abbas KOTY
CNR
Il est d'ethnie zaghawa du clan Kobé
et apparenté au clan bidéyat d'Idriss Deby par sa
grand-mère. Il était un ancien responsable militaire du
Gouvernement d'Union Nationale de 1978. Il se rallie à Hisseine
Habré en 1985. Il était avec Idriss Deby, Hassan Djamous et
Ibrahim Itno l'un des meneurs du coup d'Etat manqué du 1er
avril 1989. Il deviendra plus tard l'homme clé de la victoire du MPS en
1990. Après, la victoire du MPS, il fut successivement chef
d'état major général des armées, Ministre de la
défense avant de prendre la tête du ministère des travaux
publics. Il faut aussi observer qu'Abbas KOTY fut l'artificier qui stoppa la
progression des anciens partisans d'Hisseine Habré.
2- Mahamat Garfa du
FNR
Si Abbas Koty est considéré comme un
élément majeur de la victoire du MPS, Mahamat Garfa fait en
revanche partie des héros dans l'ombre. Fidèle lieutenant
d'Idriss Deby, Mahamat Garfa fut chef d'état major de l'Armée
Nationale Tchadienne et ministre des mines et de l'énergie
jusqu'à la fin de l'année 1994.
Après s'être rebellé, Garfa finit par
signer un accord sous l'égide du Gabon en 2001, où il rejoint son
compagnon il fut promu à plusieurs postes ministériels.
3- Ketté Nodji
Moïse, chef CSNPD
Originaire du sud, principalement du Logone Oriental,
Ketté est juriste de formation avant d'embrasser une carrière
militaire. Officier, il fut considéré comme l'instigateur de la
lettre ouverte écrite par les officiers sudistes et des
évènements qui s'en sont suivis.
Apres s'être retiré dans le sud du pays où
il crée son mouvement avec plusieurs autres officiers, il finit par
signer un accord de paix avec le gouvernement. Il devient à l'issu de
cet accord, directeur général de la sécurité
publique puis ministre de la sécurité publique.
Plus tard, il quitte la gestion publique pour tenter une
seconde fois sa chance dans le maquis. Il meurt lors de cette seconde
rébellion en 1999.
4- Youssouf Toigoimi chef
du MDJT
Originaire du Tibesti, Togoimi est Toubou. Ce magistrat
formé à l'école de la magistrature de Paris (section
internationale) est reconnu pour son franc parlé : il avait
notamment critiqué Hisseine Habré lorsqu'il était
procureur de la République en poste à Abéché. Avant
son entrée en rébellion, Toigoimi a occupé plusieurs
postes de responsabilités dans l'exercice de sa fonction de magistrat.
Sous Idriss Deby, il fut ministre de la justice (1990-1993),
ministre de la défense (1995-1997) puis, quelques mois plus tard,
ministre de l'intérieur. En 1997 il entre officiellement en
rébellion contre le régime d'Idriss Deby. Il est mort le 24
septembre 2002 en Libye dans des circonstances troubles.
§2- Les coalitions de
rebellions.
Les coalitions de rebellions sont nombreuses. Nous ne pourrons
rendre compte de toutes ces coalitions. Seules deux coalitions retiendront
notre attention : l'ANR et La CMAP. Ce choix se justifie par l'impact
qu'elles produisirent sur la scène politique nationale à travers
les dommages qu'elles causèrent au pouvoir central.
· A- L'alliance nationale de la résistance
(ANR)
Face à la puissante répression de l'ANT et aux
difficultés éprouvées sur les terrains par les
différentes formations rebelles, la coalition semble être la seule
issue pour venir à bout du régime d'Idriss Deby. En effet,
constitués pour la plupart sur des bases individuelles, ethniques voire
religieuses dans le seul objectif de prendre le pouvoir, ces mouvements
rebelles vont progressivement tenter d'aplanir leurs divergences pour
s'associer. La mutualisation des forces rebelles conduit à la
création le 16 novembre 1995 de l'Alliance Nationale de
Résistance (ANR).
L'ANR regroupe l'ANDT de Mahamat, le FNT de Harris Bachar, le
FARF de Laoukein Bardé, le CDR de Acheik Ibn oumar, le FAIDT et les FNR
de Garfa. Mahamat Garfa assure la coordination de tous ces mouvements. Mû
par le seul désir de renverser Idriss Deby, l'ANR tente de
déstabiliser les forces gouvernementales par de régulières
incursions. En raison du charisme de Garfa, l'ANR fut considérée
comme l'une des principales menaces pour le régime d'Idriss
Deby44(*). Pourtant, entre
1997-1998 l'alliance connaît un ralentissement de ses activités
sur le plan militaire. Elle se dissout définitivement avec la signature
par Mahamat Garfa à Libreville d'un accord de paix avec le gouvernement
d'Idriss Deby.
· B- La Coordination des Mouvements Armés et
Partis Politiques (CMAP)
C'est dans la recherche d'alternatives au régime
d'Idriss Deby qu'est née la CMAP. La CMAP est une coordination de partis
politiques (pour la plupart installés à l'étranger) et de
mouvements armés plus ou moins actifs sur le terrain. Elle est
créée en décembre 1999 et regroupe le Front National
Tchadien Rénové (FNTR) de Ahmat yacoub, l'Action Tchadienne pour
l'Unité et le Socialisme (ACTUS) de Ley Ngardigal Djimadoum, le Front
Uni pour l'Alternance Démocratique (FU/AD) de Jean Prosper Boulada, le
Rassemblement pour le Progrès et la Justice Sociale (RPJS) de Bourkou
Louise Ngaradoum, le Front Extérieur pour la Rénovation (FER) de
Antoine Bangui, le Front Démocratique Populaire de Nahor, l'Alliances
des Démocrates Résistants (ADR) de younous Ibedou, la Convention
des Forces Nationalistes (CFNT) de Moussa Tchorgue, le Conseil d'Union pour le
Renouveau (CURE) de Ngaro Ahidjo, la Force pour le Ratissage et le Redressement
du Tchad (FRRT) de Yaya Batit Ali, et enfin le Mouvement pour la
Révolution Populaire (MRP) de Titinan Biré.
Comme la défunte ARN, la CMAP ne présente aucun
projet de société, moins encore de structure politico-militaire
fiable. Exceptions faites de quelques incursions sporadiques menées par
certaines branches armées appartenant à la coordination, elle
s'est cantonnée à une guerre de communiqués.
En définitive, il faut retenir que cette
première décennie de « l'ère Deby » se
caractérise par une profonde instabilité politique et militaire.
Cet état de fait résulte de la gestion chaotique du pouvoir par
Idriss Deby et par les dissensions au niveau des leaders politiques tchadiens.
Par ailleurs, il convient de revenir sur les raisons de l'échec de
toutes ces tentatives visant à renverser Idriss Deby. Ces échecs
s'expliquent soit par l'absence de cohésion interne au sein des
mouvements, soit par le fiasco des tentatives de coalition des
différents mouvements.
De plus, il faut souligner que la constitution de
rébellions devient un fonds de commerce pour les différents chefs
de guerre qui cherchent à obtenir des fonctions dans l'appareil de
l'Etat. La conséquence de cette mercantilisation des rébellions
est que chaque conclusion d'accord entraîne des mécontentements,
des scissions et donc la formation de nouveaux mouvements rebelles.
Chapitre 2 L'éclosion des mouvements rebelles
de 2001-2008
Pendant la première décennie de son
règne, Idriss Deby a dû affronter plusieurs sortes de conflits.
D'abord, il fait face, dès sa prise du pouvoir, aux caciques du
précédent régime d'Hisseine Habré qui souhaitent
revenir sur le devant de la scène politique.
Il est ensuite confronté au phénomène
d'empilement des allégeances qu'il avait lui-même utilisé
pour conquérir le pouvoir. De plus, son noyau militaire vole très
rapidement en éclats à cause de la marginalisation dont sont
victimes les militaires qui l'avaient préalablement soutenu. Il faut
noter également qu'il a surmonté durant cette période la
fronde de la population et de certains groupes d'officiers qui n'ont
cessé de critiquer sa gestion du pays.
Mais, en dépit de tous ces tumultes, il a
résisté et s'est même constitué un autre soutien,
celui de son clan zaghawa. Grâce au soutien de ce clan et de ses
alliés, Idriss Deby pense assurer la pérennité de
son régime.
Cependant, ce soutien clanique, pour des raisons de partage du
pouvoir, va lui aussi voler en éclat. De ces dissensions claniques entre
Zaghawa naîtront la majeure partie de la seconde vague de
rebellions. Ces dernières viendront grossir le rang des anciens
mouvements qui continuent toujours de mener la lutte armée contre le
pouvoir. Si ce recours à la lutte armée contre le régime
d'Idriss Deby n'apparaît pas comme un fait nouveau, de nouveaux facteurs
entrent en jeu dans la formation de ces rebellions (section 1). La
présentation de ces facteurs nous aidera dans l'identification de ces
nouvelles rébellions et coalitions rebelles (section 2).
Section 1 Les nouveaux facteurs de l'émergence
des rébellions.
Un observateur averti de la scène insurrectionnelle
tchadienne pourrait dire qu'il n'y a pas véritablement de changement
dans les causes qui expliquent la naissance de cette seconde vague de
rébellions. La nature des revendications et les acteurs n'ont pas
profondément changé depuis FROLINAT jusqu'à aujourd'hui.
On retrouve toujours en filigrane la question du partage du pouvoir, de la
forme de l'état, de l'éthnitisation du pouvoir.
Toutefois, depuis le début de l'année 2000, on
peut noter une relative mutation dans les revendications des rébellions
ainsi que l'apparition de nouveaux acteurs. Cette mutation des revendications
s'explique dans une certaine mesure par l'ouverture démocratique voulue
par le régime de N'djamena et la gestion des revenus du
pétrole. Notons par ailleurs l'implication active du gouvernement
soudanais dans l'émergence de ces nouvelles rebellions. Ces
éléments font que les facteurs qui légitiment la prise des
armes aujourd'hui au Tchad sont tant endogènes (§1)
qu'exogènes (§2).
§1- Les facteurs
endogènes
Les opposants au régime d'Idriss Deby peuvent trouver
plusieurs raisons pour justifier leur recours aux armes. Nous ne pourrons
malheureusement pas, au cours de cette analyse, toutes les identifier. Nous
nous limiterons aux questions relatives à la difficile mise en oeuvre du
processus démocratique (A) et à la mauvaise gouvernance (B).
· A- La difficile mise en oeuvre du processus
démocratique.
Une observation attentive de la manière avec laquelle
Idriss Déby règle les questions des mouvements rebelles, pendant
la première décennie de sa gestion du pays, fait apparaître
de façon éloquente l'issue des accords de paix signés avec
les différentes factions rebelles.
En effet, dans le but d'instaurer la paix et la
cohésion sociale, plusieurs formations rebelles ont signés des
accords de paix avec le gouvernement. Pour la plupart, ces accords se
résument à la mutation de la branche armée en parti
politique, à l'intégration des anciens rebelles dans les forces
armées gouvernementales et à l'insertion de ceux qui le
désirent dans la vie socio-professionnelle.
Mais très vite, il est apparu que ces accords sont
devenus une stratégie politique du président Déby visant
à diviser les rebellions et à atténuer leur ardeur. A la
différence d'Hisseine Habré qui répondait à toute
dissidence, velléitaire ou ouverte, par une répression aveugle
visant indistinctement l'ensemble du groupe ethnique concerné45(*), Idriss Déby a en
revanche tempéré l'usage de la force et a
privilégié le recours aux moyens financiers pour diviser les
dissidents. L'échec de la plupart des alliances entre dissidents est le
résultat de cette tactique. Il s'est maintenu en rachetant des anciennes
allégeances temporaires passées entre dissidences ou en
créant de nouvelles dans l'entourage adverse46(*). Cette tactique a jusque
là porté ses fruits et a permit au régime de surmonter les
défis des mouvements rebelles. Elle a aussi occasionné le retour
de nombreux combattants du maquis au sein des forces gouvernementales. C'est ce
qui explique en partie une nette floraison des formations rebelles dans la
période allant de 2001 à 2008.
Outre la question de la gestion des accords, se trouve
l'épineux problème de la consolidation du processus
démocratique. En effet, le processus de démocratisation
enclenché en 1990 avec la venue d'Idriss Déby n'a pas produit les
résultats escomptés. Dès le début de la
conférence nationale jusqu'aux consultations
référendaires, législatives et présidentielles qui
se sont succédées, les contestations n'ont pas cessé de
grandir. Et la démocratie apparaît comme une simple vitrine vivant
à donner bonne conscience au régime.
Devant les critiques de la population et les nombreuses
réserves émises par la communauté internationale, Idriss
Déby s'est engagé à respecter la constitution en
promettant de ne pas la modifier pour briguer un troisième mandat. Cette
promesse sonne comme une voie de succession ouverte dans le cercle des
dirigeants du MPS et de l'Etat.
A partir de 2002, des cercles de réflexion
zaghawa planchent sur la question de succession et le nom de Timane
Erdimi est évoqué comme une alternative47(*). Mais au congrès du
MPS de 2003, le débat tourne autour d'un troisième mandat et
d'une éventuelle modification constitutionnelle. Paradoxalement, deux
éminences grises du MPS, les frères Erdimi, étaient
absents à ce congrès48(*). La proposition de loi de la révision
fût adoptée par l'Assemblée Nationale (majoritairement issu
du MPS) le 23 mai 2004. Un referendum va avaliser la modification
constitutionnelle le 6 juin 2005. Cette modification permet à Idriss
Déby de briguer un troisième mandat et de se représenter
sans aucune limitation.
Cette situation va être perçue par certaines
élites zaghawa (au rang desquelles figurent les frères
Erdimi), ainsi que par certains barons du MPS qui aspiraient à remplacer
Idriss Deby (Hassaballah Soubiane), comme un coup d'Etat. Ces derniers
préfèreront l'option militaire à celle d'un dialogue
démocratique avec Idriss Deby. Cette volonté de pérenniser
son pouvoir, et face aux différentes contestations va faire resurgir la
question de la bonne gouvernance.
· B-La
question de la gouvernance
La crise de l'Etat au Tchad prend un accent particulier
depuis un certain temps. Cette tournure s'explique entre autre par le
développement du clientélisme, la généralisation de
la corruption et la « malédiction »
pétrolière. Durant ses premières années de
règne, Idriss Déby avait fait des services centraux de l'Etat
ainsi que de ses extensions (les sociétés nationales) des
instruments de redistribution des privilèges et des prébendes
pour ses proches. Ce système qui fonctionne en faveur des membres de la
famille, du clan, connaît une nouvelle orientation. Il
bénéficie de plus en plus aux courtisans et moins à la
famille elle-même. Certains de ces courtisans occupent des postes
stratégiques dans les sociétés nationales49(*). Ce système permet
l'alimentation d'un vaste réseau de clientélisme et est à
l'origine d'une déperdition fiscale considérable50(*). Cette pratique atteint tous
les services de l'Etat et a permis au Tchad d'obtenir le tristement
célèbre trophée de Transparency International51(*).
A cette corruption ambiante, la gestion du revenu
pétrolier s'invite dans le débat. En effet, les grands espoirs
nés de l'accession du Tchad au club des pays producteurs de l'or noir
vont s'évaporer. Constituant l'investissement le plus
élevé d'Afrique, l'exploitation du pétrole tchadien
était vu comme un modèle grâce à l'adoption de la
loi portant sur la gestion de revenus pétroliers52(*). Cette loi reçu un
échos particulier car elle prévoyait un fonds pour les
générations futures et un collège du contrôle de
surveillance des ressources pétrolières. Mais quelques
années après la promulgation de cette loi et la réception
des premières dividendes, la loi fût modifiée53(*). La nouvelle loi consacre de
facto la disparition du fonds pour les générations futures et une
redéfinition des secteurs prioritaires, désormais laissée
à la discrétion du gouvernement. L'éducation, la
santé, les infrastructures ne sont plus les seuls domaines prioritaires
pour lesquels le revenu du pétrole doit être consacré. La
nouvelle réorientation permet dorénavant d'inclure les secteurs
de l'administration et de la sécurité comme faisant partie des
priorités.
Et aujourd'hui le Président ne se cache pas d'utiliser
l'argent du pétrole pour acheter des armes54(*). Cette situation de gestion
chaotique du revenu pétrolier est présente dans les
revendications des rebelles. Mais il convient aussi de remarquer que les
facteurs déclenchant cette nouvelle vague de rebellions se trouvent
également à l'extérieur du Tchad.
§2- Les facteurs
exogènes.
Il n'est de doute aujourd'hui pour personne qu'il existe une
connexité entre l'instabilité politique au Tchad et la guerre qui
sévit au Darfour55(*). Cette connexion s'explique tant par des raisons
démographiques, historiques et politiques. Mais surtout par la posture
de Déby dans la gestion de la crise soudanaise (A) qui trouve
échos du côté du gouvernement du Soudan (B).
· A-La posture d'Idriss Déby dans la gestion de
la crise du Darfour
Ayant bénéficié du soutien logistique et
financier du régime de Khartoum lors de sa conquête du pouvoir en
1990, Idriss Déby, en guise de reconnaissance, est resté un
allié loyal du régime soudanais jusqu'au début du conflit
du Darfour. Cette loyauté s'est traduite par le refus opposé par
ce dernier lorsque les groupes de rebelles du Darfour et du sud soudan ont
sollicité son concours56(*).
Mais à partir de 2003, Déby n'était plus
en mesure d'empêcher les deux mouvements rebelles du Darfour,
l'armée de Libération du soudan (SLA) et le mouvement pour la
justice et l'égalité (JEM), de faire du Tchad une base
arrière, de lever des combattants et de rechercher le soutien des
Béri tchadiens.
Malgré ses nombreux gestes de fidélité
(l'envoi en 2003 des troupes tchadiennes pour lutter contre le SLA et le JEM,
l'arrestation par les autorités tchadiennes de deux leaders57(*) pour les livrer au Soudan,
l'acceptation de jouer la carte de Khartoum en créant des divisions au
sein de JEM), Deby ne bénéficie plus de la sympathie de Khartoum.
Il est plus que jamais pris en étau entre son alliance avec EL Bechir et
sa solidarité avec les Béri soudanais, les deux camps
qui lui ont permis d'accéder au pouvoir. Cette situation fait planer le
doute sur un double jeu possible58(*).
En 2005, Idriss Déby ne résiste plus et
cède à la pression Béri pour accorder aux
rebelles zaghawa du Darfour des équipements et le droit de se
servir du Tchad comme base arrière. Ce revirement place Idriss
Déby dans la catégorie des anciens alliés devenus
encombrants et qu'il faut remplacer ; d'où le soutien de Khartoum
aux rebellions en prise avec le pouvoir de N'djamena.
· B- Khartoum et les rebelles tchadiens.
Qui mieux que Déby peut comprendre que toutes les
rebellions ayant conquis le pouvoir de N'djamena, à l'exception de
Malloum, doivent leurs victoires au Soudan59(*). Et la situation dans laquelle il se trouve avec la
solidarité Béri ne peut contribuer qu'à
l'éloigner de Khartoum son ancien mentor. Khartoum ne tarde pas à
entrevoir le remplacement de Déby.
Dés l'été 2004, Khartoum change de
perception par rapport au régime de N'djamena. Ce changement
s'opère en faveur des groupes des rebelles tchadiens qui trouvent enfin
des interlocuteurs du côté soudanais.
Pour ce faire, Khartoum tente d'organiser les rebelles
tchadiens, d'abord pour leur cantonnement, puis l'armement et le financement.
Ce renforcement des rebelles obéit à deux logiques :
prêter mains fortes à Khartoum contre les insurgés
darfouriens d'une part, et évincer Déby du pouvoir afin que
cessent tous liens financiers entre les Beri d'autre part. Le soutien
permet la mobilisation des opposants en quête de soutien populaire,
d'argent, et d'une légitimité qui leur permettrait de faire
valoir leur ambition un jour au Tchad. Et les coalitions d'avril 2006 ou de
février 2008 sont les traductions concrètes de la volonté
de Khartoum.
Le choix de Khartoum est fait en tenant compte de
paramètres sociologiques tels que les rivalités entre les
Zaghawa et les Tama ou encore Arabes. Ce savant
dosage a permis à Khartoum de soutenir Mahamat Nour, chef de la
formation front uni pour le changement qui avait échoué aux
portes de N'djamena en avril 2006. C'est aussi le cas de la coalition qui, en
février 2008, a failli prendre le pouvoir n'eut été les
dissonances entre les chefs rebelles. Depuis, par rebelles interposés,
Khartoum et N'djamena se livrent une guerre par procuration aux
conséquences désastreuses pour les populations civiles tant
côté tchadien que soudanais.
Section 2 Les formations rebelles
La facilité avec laquelle les rebellions tchadiennes
des dernières années naissent, forment les alliances et changent
d'appellation rend assez difficile de procéder à une trajectoire
linéaire. Toutefois, partant de l'observation de la scène
insurrectionnelle, certains acteurs apparaissent de manière
décisive qu'il convient de les élucider (§1) et de
procéder à quelques présentations laconiques des chefs
rebelles (§2).
§1- Les
différentes formations et coalitions.
Dans la floraison de rebellions qui s'observe actuellement
à l'est et au nord est du Tchad, les coalitions sont très
fréquentes (B) même si éphémères. Elles
naissent en général des petites formations (A).
· A-Les différentes factions rebelles.
1-Front Populaire pour la
Renaissance Nationale (FPRN)
C'est la formation rebelle créée en 2001 par
Adoum Yacoub, originaire du Ouaddaï. Cette formation puise ses combattants
chez les Ouaddaïens et les Massalit. Basée dans
le Darfour ouest, elle n'a pas reçu un grand soutien de Khartoum et
n'est partie à l'accord de Syrte. Elle opère dans la
région de Tissi, à la frontière entre le Tchad, le Soudan
et la Centrafrique.
2-Concorde Nationale du
Tchad (CNT)
Apparue en 2004, la concorde est l'émanation de Hassan
Saleh Al-Gaddam dit « Al-Jineidi », un Arabe
Hemat tchadien. Ses combattants sont de même ethnie que le chef
Al-Jineidi. C'est la formation qui a contrôlé pendant un bon
moment les régions de Daguessa et de Tissi dans le Sud-Est entre 2006 et
2007. Le groupe aurait des liens étroits avec les janjawids actifs au
Tchad et dans le Darfour Ouest. Ancien membre du Conseil Démocratique
Révolutionnaire et ancien vice président de FUC, Al-Jineidi a
été partie à l'accord de Syrte. Après les
échecs de l'accord, il entrepris des pourparlers avec le régime
et s'y rallia, suivi d'une bonne partie de ses forces60(*).
3- Le Rassemblement pour
la Démocratie et les Libertés ou RDL
Né sous les cendres de l'ANR (Cf. chp1) du fait du
ralliement de Mahamat Garfa, le RDL est fondé en 2005 par Mahamat Nour.
Il constitue la principale branche du FUC (voir plus bas). Il recrute
principalement parmi les Tama (Tchadiens et Soudanais), les
Arabes tchadiens (principalement les Ergat de Dar Tama) ainsi
que les Ouaddaïens. En raison des rapports que chef Mahamat Nour
entretient avec la Soudan est à la base du FUC.
4- Front pour le Salut de
la République ou le FSR
Le front a été fondé en 2007 par Ahmat
Hassaballah Soubiane61(*),
un Arabe tchadien de la branche des Mahamid. Il comptait
environ 1000 homme en 2008, et n'est partie à l'accord de Syrte. A
défaut d'obtenir le soutien de Khartoum, il a tenté plusieurs
coalitions notamment avec le FPRN (ci-dessus). Ce mouvement est né suite
à la modification constitutionnelle contestée par Soubiane qui
voit ses ambitions présidentielles bloquées.
· B-Les coalitions éphémères des
rebellions
Plusieurs tentatives ont été faites pour
fédérer les forces des rebellions afin de renverser Déby.
Ces différentes coalitions ont été créées
sous l'impulsion soudanaise qui souhaite se débarrasser de son ancien
prodige. Mais la plupart de ces coalitions tournent court en raison des
querelles de leadership, ou des considérations ethniques ou
matérielles.
Outre ces questions, il convient de signaler le manque de
projet politique de ces coalitions et leur incapacité à avoir un
commandement intégré, préférant toujours agir en
coalition tout en gardant leurs commandements respectifs. Il s'agit
de :
1- Le Front Uni pour le
Changement (Démocratique). FUC ou FUCD
Il résulte de la coalition de décembre 2005 et
avait pour ambition de fédérer l'ensemble des factions rebelles
tchadiennes contre Déby. Il regroupe à sa fondation le
Rassemblement des forces démocratiques (RAFD) de Timane Erdimi, le
Rassemblement Pour la Justice (RPJ) de Abakar Tolli et certains reliquats du
Mouvement pour la Démocratie et la Justice au Tchad (MDJT) ainsi que
certaines factions dont la réalité militaire sur le terrain reste
discutable. Il est sous le commandement de Mahamat Nour Abdelkerim, un Tama.
Il représente la première tentative de
fédération soudanaise. A son apogée en avril 2006, le FUC
comptait 5000 à 7000 hommes62(*). Mais depuis l'offensive ratée d'avril 2006,
il s'est peu à peu désagrégé en raison de
dissensions. En mars 2007, quelques combattants et Nour se sont ralliés
à la suite d'un accord de paix. Cependant, plusieurs centaines de
combattants sont revenus à la rebellions et ont rejoint le rang d'autres
formations.
2- Union des Forces pour la
Démocratie et le Développement ou UFDD.
L'UFDD est fondée le 22 octobre 2006 sous la direction
de Mahamat Nouri, un Gorane du sous groupe Anakassa, comme
Hisseine Habré. Elle regroupe principalement le Conseil
Démocratique Révolutionnaire (CDR) de Acheik Ibn Oumar, le front
uni pour le changement ( FUC) de Mackaye, et l'Union de Forces pour le
Progrès et la Démocratie (UFPD) de Mahamat Nouri.
En 2007, l'UFDD regroupe près de 3000 hommes parmi
lesquels on dénombre les Ouddaiens, les Arabes, les
Goranes et les Bideyats du sous groupes
Borogate63(*).
Elle opère au sud est du Tchad, à Adré,
Abéché et l'ouest de l'Ennedi. Cette union née à la
suite de la désagrégation du FUC rentre dans la deuxième
stratégie de Khartoum de rassembler les rebelles sous une seule
bannière. Souscrivant à l'accord de Syrte d'octobre 2007, l'UFDD
a connu plusieurs scissions. Elle reste aujourd'hui la faction du chef Nouri
de 2006.
3-UFDD-Fondamentale.
Née à la suite des tensions entre
Arabes et Goranes qui régnaient au sein de
l'UFDD, elle est une faction arabe dissidente de l'UFDD formée en
mai 2007 sous la direction de Acheik Ibn Oumar et Abdelwahid Aboud Makaye. Elle
regroupe le CDR, le FIDEL (forces pour l'instauration de la démocratie
et les libertés) d'Abdelwahid Aboud Makaye, le CPR (Concorde pour le
Progrès et le Redressement) d'Amine Ben Barka. Elle comptait en 2007
1000 hommes et a souscrit à l'accord de Syrte. L'UFDD-F apparaît
comme un groupe essentiellement arabe.
4-Alliance nationale ou
AN
Après les échecs du FUC et de l'UFDD et sous
l'impulsion soudanaise, l'AN a été fondée en
février 2008. Elle est dirigée par Mahamat Nouri et regroupe
quatre principales formations :
UFDD (voir ci -dessus)
1- Union des forces pour le changement et la démocratie
ou UFCD. C'est la formation que dirige Adouma Hassaballah. Elle a
été fondée en mars 2008 après les déboires
de son leader avec le UFDD et FUC. Elle compte 2000 hommes issus du
Ouaddaï pour la plupart anciens de l'UFDD et de FUC.
- UFDD-Fondamental voir ci-dessus.
- Front pour le salut de la république cf. FSR
(§1-A-4)
5-Rassemblement des forces
pour le changement/ Rassemblement des forces démocratiques ou
RFC/RAFD.
Née en 2005, la coalition regroupe pour sa majeur
partie les déserteurs Bidéyat, dont le principal est le
Socle pour le changement, l'unité et la démocratie (SCUD). Le
Socle pour le changement, l'unité et la démocratie (SCUD) est
née de la forte défection qui avait eu lieu dans les rangs de la
garde républicaine 2005, essentiellement des Bidéyat. Il
fût dirigé par Yaya Dillo Djerou64(*), neveu des Erdimi. Ce mouvement formé
essentiellement des intellectuels zaghawa est apparu sous
l'appellation Rassemblement des Forces Démocratiques (RAFD), avant
d'être rebaptisé RFC à la suite de l'alliance avec le
Rassemblement Démocratique Populaire (RNDP) Ouaddaï.
Aujourd'hui la direction du mouvement est assurée par
Timane Erdimi, une personnalité importante du dispositif du
régime Déby entrée en rébellion. Le RAFD est
établi dans la région de Hadjer Morfaïn, à la
frontière orientale du Guéréda, et disposerait de 3000
hommes65(*). Cette
formation n'est pas très appréciée du milieu rebelle
tchadien ni de Khartoum à cause de ses liens familiaux avec le
régime Déby.
L'échos particulier des rebellions qui agissent
actuellement s'explique en grande partie par la figure des chefs rebelles.
§2- La figure des chefs
rebelles.
Une chose que l'on peut retenir des différentes
formations rebelles est qu'elles sont conduites par des personnalités
qui ont été plus ou moins proches du pouvoir d'Idriss
Déby. Contrairement à la première vague de rebellions qui
tentent de trouver leur légitimation dans le partage du pouvoir entre
associés, la seconde tient sa logique dans la volonté de nombreux
collaborateurs de s'affranchir de leur « parrain ».
Ces collaborateurs devenus rebelles sont nombreux et nous ne
pourrions pas tous les énumérer ici. En outre, dans les
développements qui suivent, ce sont quelques indications sommaires de
certains leaders qui peuvent faciliter la compréhension qui seront
écrits.
1- Mahamat Nour
Abdelkerim.
Mahamat Nour Abdelkerim appartient au groupe
ouaddaïen des Tama et est le petit fils de leur
sultanat. Il fait partie des héros de l'ombre de la victoire de
décembre 1990 et devient préfet de Biltine. Lors du retour de
Garfa à la rébellion, il suit son oncle Mahamat Garfa. Lors de la
rébellion de ce dernier, Nour fait partie de ses hommes clés.
Après l'accord intervenu entre Déby et son oncle
Garfa, Nour décide de faire cavalier seul compte tenu de son antipathie
vis à vis des zaghawa. Soutenu par Khartoum, Nour a failli prendre le
pouvoir en avril 2006 avant de signer un accord avec Déby.
Affaibli politiquement après l'attaque d'avril 2006, il
signe l'accord en décembre 2006 et prend le poste de ministre de la
défense. Mais très vite, l'accord tourne court ; Nour
échappe à un assassinat et se réfugie à l'Ambassade
de la Libye au Tchad d'où il apprendra son limogeage le 1er
décembre 2007.
2-Mahamat Allatchi Nouri
dirigeant de l'UFFD
Originaire de Faya Largeau, Nouri est d'ethnie Gorane
du sous clan des Anakaza comme Hisseine Habré. Agent de poste
de profession, il s'engage en 1969 dans le FROLINAT. Après plusieurs
scissions intervenues dans le Frolinat, il fonde avec Habré les forces
armées du nord (FAN). A la suite des accords de Khartoum de 1978 ayant
conduit Habré à entrer dans le gouvernement d'union nationale du
Tchad, Nouri occupe le poste de ministre de l'intérieur. En 1982,
à la victoire des forces conduites par Habré, il occupe le poste
du ministère des transports et de l'aviation civile.
Evoluant toujours du côté des gagnants, Nouri
prête ses services à Idriss Déby lorsque celui-ci s'empare
du pouvoir au détriment de Habré. Ce revirement permit à
Nouri d'être préfet du Borkou Ennedi Tibesti, et d'occuper
plusieurs fonctions ministérielles notamment celui de la défense.
Il finit par être nommé ambassadeur du Tchad en Arabie Saoudite.
C'est ce poste qu'il quitte en 2006 pour reprendre les armes. Il fonde l'UFDP
qui deviendra l'UFFD à la suite de l'union éphémère
avec le CDR.
Mais suite aux nombreuses querelles entre Nouri et d'autres
groupes rebelles, notamment les Timan, Nouri maintient toujours ses forces et
sa rébellion.
3-Ahmat Hassaballah
Soubiane
Ancien membre fondateur du MPS, haut cadre du régime
Déby, Souboubiane est un arabe du Guéra. Il fut Préfet
dans le Logone occidentale et Ministre de la sécurité publique en
1992. Durant ce mandat il reçu le sobriquet
« bavure » par la presse locale pour son
opiniâtreté à défendre les exactions commises contre
les populations civiles par les forces gouvernementales lancées contre
le mouvement de Ketté Nodji Moise.
Il fut aussi ambassadeur du Tchad aux Etats-Unis et au Canada,
poste qu'il quitte pour entrer en rébellion afin de protester contre la
modification constitutionnelle. Il vient de signer un accord avec le pouvoir de
N'djamena.
4- Les frères
ERDIMI : Tom et Timane ou les ex-idéologues du régime
Déby
Jusqu'en 2005, les jumeaux Erdimi sont
considérés comme les têtes pensantes du régime et
ont tous les pouvoirs. Ils sont zaghawa.
Tom Erdimi est physicien de formation et enseignant chercheur
à la faculté des sciences exactes appliquées de Farcha. Il
fut le tout premier directeur de cabinet civil de son oncle Déby en
1991. Il a été recteur de l'Université de N'djamena et
coordonnateur national du projet Pétrole de Doba. Il a également
représenté le Tchad au consortium pétrole de Exxon Mobil
à Houston (1997) d'où il a noué des liens étroits
avec des pétroliers texans. Il est officiellement aujourd'hui aux
Etats-unis mais exerce une influence considérable sur le mouvement
rebelle que dirige son frère Timane Erdimi.
Timane Erdimi, inconnu du milieu politique tchadien
jusqu'à la prise du pouvoir de 1990, a succédé un temps
à son frère Tom Erdimi à la direction du cabinet civil de
son oncle Déby. Il a aussi été le président du
conseil d'administration de la société Coton Tchad,
première mamelle de l'économie avant l'exploitation du
pétrole. Dans le cercle zaghawa, il a été
perçu, avant le congrès du MPS qui a abouti à la
modification constitutionnelle, comme l'alternative à son oncle
Déby. Il est à la tête du RFC.
Les rébellions naissent, se transforment, sans pour
autant venir à bout du régime de Déby. Cette situation
trouve ses éléments de compréhension dans le
caractère ethnique très marqué des rebellions de ces
dernières années. Elle s'explique aussi par l'animosité et
la guerre de leadership entre les chefs rebelles. C'est pourquoi les alliances
ne sont qu'éphémères. Elles ne peuvent permettre
d'opérer un changement, mais participent beaucoup plus à des
logiques de positionnement sur l'échiquier politique des acteurs
rebelles. Si cette logique n'est pas nouvelle, puisque pratiquée par les
devancières, elle devient une pratique quasi internalisée par les
chefs rebelles.
Partie 2 Les logiques à l'oeuvre dans les mouvements
rebelles tchadiens.
L'histoire du Tchad est certes tumultueuse, mais on peut
retenir que le régime d'Idriss Déby a été, de tous
ces prédécesseurs, celui qui s'est le plus confronté
à des vagues de contestations armées. Ce foisonnement de
contestations armées s'explique par plusieurs facteurs :
l'échec de l'instauration de la démocratie comme mode de gestion
publique, l'exploitation du pétrole, la crise du Darfour, etc.
Cependant, force est de constater qu'aucune formation ou
coalition rebelle n'a pu jusque là ébranler le régime
d'Idriss Déby. Ce constat d'échec résulte de l'état
des organisations rebelles, des querelles entre chefs rebelles, mais aussi du
manque d'appui extérieur. Cependant, la scène insurrectionnelle
tchadienne demeure plus riche qu'hier.
Si l'ambition affichée est de renverser Idriss
Déby, force est de constater que cet objectif n'est pas aujourd'hui
atteint. Il convient donc d'appréhender ce qui peut expliquer un tel
engouement, c'est à dire les autres sources de motivation de
l'éclosion des mouvements rebelles.
La recherche de ces nouvelles motivations, ces logiques,
conduit à analyser la question des rébellions actuelles au Tchad
comme moyen d'accumulation de richesses (Chapitre 3) d'une part, et comme
logique de revanche et de contribution à la pérennisation du
pouvoir d'Idriss Déby de l'autre (chapitre 4).
Chapitre3 Les rébellions comme logique d'accumulation
de richesse
Toutes les forces rebelles en activité au Tchad ont
officiellement pris les armes pour demander ou opérer un changement
qu'elles ne peuvent obtenir par les voix légales. Cette situation
s'explique par les difficultés à faire émerger un
régime démocratique au Tchad : élections
truquées, gabegie dans la gestion publique, inexistence d'une
armée nationale, présidence à vie pour celui qui le
détient, non-respect des droits et libertés fondamentales,
liberté de presse confisquée, etc. Si l'on s'en tient à ce
chapelet de doléances, il paraît difficile de reprocher quoi que
ce soit à tous ceux et toutes celles qui choisissent la voix des
armes.
Malheureusement, la pratique et l'issue des rebellions
poussent davantage à voir les chefs rebelles comme des entrepreneurs de
la guerre66(*). La logique
commerciale s'observe très nettement dans la précipitation avec
laquelle la conclusion des accords de paix (section 2) se matérialise.
Ces accords de paix sont synonymes d'accès à des hautes
fonctions ; ils recèlent de facteurs (section 1) qu'il convient de
circonscrire.
Section 1 Les facteurs conduisant à la conclusion des
accords.
Plusieurs facteurs peuvent être mobilisés ici
pour tenter de justifier le changement de tactique que peut opérer une
faction ou une coalition rebelle en signant un accord de paix. Pour ce travail,
nous en retiendrons deux : le manque de travail politique des
rébellions (§1) et les rapports entre les rébellions et les
zones sous leur contrôle (§2).
.
§1- Le manque de travail
politique des rébellions.
La réussite d'une rébellion contre n'importe
quel ordre constitué suppose deux choses : l'action, c'est à
dire la lutte armée sur le terrain, et le travail politique qui doit
accompagner cette action.
Les différentes rébellions sous Idris
Déby ont constitué, à un moment de leur existence, une
réelle menace pour les forces gouvernementales. Certaines sont
passées à quelques doigts du pouvoir. Mais si aujourd'hui ces
victoires militaires parcellaires n'ont pas réussi à renverser le
régime, c'est que l'action armée à elle seule reste
insuffisante pour changer la situation. Il faut impérativement
l'associer à un travail politique.
Par travail politique, nous entendons le discours que doit
porter la rébellion au sein de la population pour expliquer le bien
fondé du mouvement afin que celle-ci adhère à la cause
rebelle ; l'objectif étant, à terme, de faire prendre
conscience à la population de l'oppression dont elle est victime. C'est
un travail de sensibilisation, de propagande.
Le travail politique doit précéder et
accompagner la lutte armée. L'histoire de la victoire des grandes
révolutions nées de rébellions est illustrative : la
révolution russe, la révolution française, la
révolution chinoise de Mao ou les luttes de libération en
Afrique, etc. Elle atteste de l'importance du travail politique et les effets
que cela peut produire sur la population. Quand il est accomplit, le travail
politique conduit la population à ne plus respecter l'ordre
établi. Il peut être à l'origine du déclenchement de
l'adhésion de la population à la cause rebelle. Cette
adhésion peut se traduire de plusieurs façons : soutien
moral et financier, engagement des jeunes comme combattants, refus de la
population à obéir à l'autorité légalement
établie, etc. C'est la création de ce que Gérard Chaliand
appelle « l'infrastructure politique
clandestine »67(*).
Le déclenchement de ce processus dépend de la
capacité des dirigeants rebelles à communiquer avec la
population, à leur expliquer de manière claire le projet de
société dont ils sont porteurs, le pourquoi de
l'opportunité de leur lutte, les avantages que la victoire de la
rébellion accorderait à la population, etc. En clair, c'est
l'idéologie politique dont il est question.
Or au Tchad, la rébellion se crée comme le
résume cette déclaration : « Vous êtes
mécontents de votre situation ? Vous voulez rapidement
accéder aux sommités de l'État et aux privilèges
reluisants ? Vous avez des comptes à régler avec X ou Y
tribu ? Rien de plus facile... Il vous suffira de devenir un `rebelle' ou
plus pudiquement `un politico-militaire »68(*).
Cette déclaration qui émane d'un acteur, un
porte-parole d'une ancienne coalition rebelle FUC, est assez
révélatrice. Elle traduit la pauvreté, l'absence dans les
rébellions tchadiennes de la prise en compte du travail politique. Et
Allazam de poursuivre « ... Ce qui nous manque
c'est l'esprit de sacrifice pour la patrie. La force de Déby repose
sur notre amateurisme et notre absence de
patriotisme. »69(*)
En effet, comme nous avons pu le décrire dans la
première partie de ce travail, les rébellions naissent souvent
sous l'initiative d'une personne, d'un cercle d'amis. A l'origine, c'est
parfois des considérations d'ordre personnel, ethnique, tribal ou
régional, qui conduisent à la rébellion. De ce fait, il
est vraiment difficile d'avoir une doctrine ou un projet de
société qui puisse réussir un jour à trouver
l'adhésion de la population. Une lecture attentive des différents
projets de société proposés sur les sites70(*) Internet des rébellions
conduit à dire que nous sommes en face des
« rébellions copier-coller »71(*).
Le plus grand projet est le départ
du « criminel, sanguinaire, dictateur, étranger
Idriss Déby » du pouvoir. A part cette hargne, cet
acharnement à vouloir le départ de Déby du pouvoir, il
n'existe presque pas de projet de société des rébellions.
C'est ce qui complique davantage la réalisation d'un travail politique.
Outre cette inexistence de projet politique, il faut signaler
que ceux qui sont aujourd'hui à la tête des différentes
formations ou coalitions rebelles ont été presque tous des
« très proches collaborateurs » du
régime ; et donc comptables d'une partie de la gestion du pouvoir
Déby. Et Allazam Albassaty constate « Il y a parmi nous
des voleurs des deniers publics, des anciens fanfarons du régime [de
Déby] en disgrâce avec ce dernier, des coupeurs de routes, des
marabouts ratés, une brochette assez grasse de crétins... Au lieu
de chercher à vaincre Déby, il faudrait d'abord se vaincre.
Vaincre notre égoïsme, notre opportunisme, nos coups bas ; en un
mot vaincre notre morale politiquement criminelle... Je dirais même
qu'ils [les leaders politico-militaires actuels] sont à la limite
très dangereux pour la république ; surtout pour l'avenir de la
jeunesse qu'ils dupent... » 72(*).
C'est pourquoi aujourd'hui aucun chef rebelle ne peut, de
manière claire, établir sa part de responsabilité quand il
était aux commandes avec Déby. Chaque chef rebelle brandit,
à qui veut l'entendre, la responsabilité du président du
MPS dans la dérive du pouvoir en place, sans pourtant s'exprimer sur sa
propre contribution. En expliquant leur part de responsabilité dans la
gestion des affaires publiques par exemple, les différents chefs
rebelles auraient, par un travail politique, amené bien des personnes,
même les plus sceptiques, à soutenir leurs actions. Une telle
auto-évaluation des leaders politico-militaires établirait la
confiance entre les insurgés et la population. Mais il n'en est point
question. Ce qui, au demeurant, rend très difficile la collaboration
entre les populations et les rebelles dans les zones sous leur
contrôle.
§2 Le rapport population
et rebelles dans les zones sous contrôle rebelle.
Le plus gros perdant de la vague des rébellions et des
répressions successives qui en ont résulté est la
population civile. Elle reste la cible tant des actions des forces
gouvernementales que celle des rebelles.
D'ordinaire les rebellions tchadiennes ont comme base
arrière la localité dont sont issus leurs chefs. C'est là
où le recrutement des combattants se fait et où le quartier
général tente de prendre place. Ce processus d'installation de
la rébellion ne reçoit pas forcement l'adhésion des chefs
traditionnels et religieux locaux.
Ce climat de suspicion fait parfois naître un sentiment
d'animosité entre ces derniers et les rebelles. Ce qui conduit souvent
les rebelles à installer une « administration
bis », visant au besoin, à destituer tous les
détenteurs du pouvoir local qui ne veulent pas coopérer.
A ce climat d'animosité s'ajoutent « les
impôts parallèles »73(*) que les paysans doivent payer et l'enrôlement
forcé de leurs progénitures. Cette situation rend
délétère la collaboration rebelles-populations, car faute
de travail politique préalable, la population n'arrive toujours pas
à comprendre les motifs de l'insurrection et pourquoi elle doit y
contribuer.
Outre ce climat de harcèlement de la population par la
rébellion, on retrouve aussi la répression des forces
légales ou gouvernementales.
En effet, dans le cadre de la répression des rebelles
par les forces gouvernementales, on assiste parfois à une
répression de la population civile. Cette situation rentre peut
être dans la stratégie du gouvernement qui consiste à faire
craindre le pire à la population qui souhaiterait s'engager ou soutenir
les rebelles.
Et depuis la prise du pouvoir par le MPS, sans dépasser
le niveau de violence connu sous Habré où les villages entiers
étaient brûlés, les exemples deviennent de plus en plus
nombreux et criards. Les forces armées, lors de leurs différentes
interventions contre les incursions rebelles, n'épargnent parfois pas
les populations civiles. En 1991, lors de « l'affaire Maldoum
Bada Abbas », une chasse aux sorcières a
été menée contre la communauté
Hadjaraï74(*).
Pendant la lutte opposant les insurgés du CSNPD et les forces
gouvernementales, des exactions ont été commises sur les
populations civiles dans les zones où les rebelles ont trouvé
refuge75(*). C'est encore
le cas des massacres des Ouaddaiens Ninguilim lorsque certains leaders du
Ouaddaï ont réagi aux actes d'humiliation et de torture dont ils
ont été victimes. Ces derniers temps, cette pratique ne peut plus
revêtire le qualificatif « erreur des forces de
l'ordre », ou « bavure »,
expression chère à Ahmed Hassaballah Soubiana, mais correspond
plutôt à un système pensé pour humilier et
éliminer telle ou telle communauté dont les membres ont choisi la
voie armée. Les ratissages réalisés dans le Dar Tama suite
aux affaires de FUC76(*)
constituent un autre exemple récent assez éloquent de cette
pratique.
Devant l'effritement des rapports avec leur fief, en partie
dû aux pressions exercées par les forces armées
gouvernementales ainsi qu'aux mauvaises relations que les rebelles
entretiennent avec leurs bases, les chefs rebelles sont contraints de signer
les accords de paix pour sauver leur honneur.
Section 2 - Les accords de paix comme droit d'accès
aux richesses nationales
La construction de la nation, définie comme un
plébiscite quotidien par René Renan, résulte des
sacrifices conjugués de tous les éléments composant
celle-ci. Il importe de maintenir le plébiscite en faisant des
concessions pour s'accorder sur la manière dont les affaires publiques
doivent être conduites. En cas de rupture du plébiscite, les
concessions doivent être faites pour le rétablir.
C'est pourquoi on s'attèle à signer les actes de
réconciliation avec les rebelles pour favoriser la construction de la
nation (§1). Mais il arrive que cet acte de réconciliation soit
détourné de son but et produise des déçus
(§2).
§1- L'acte de la
réconciliation nationale.
Personne aujourd'hui ne peut s'opposer à la sortie
d'une crise armée. C'est l'explication du travail de médiations
ou de bons offices entrepris auprès des belligérants pour leur
permettre d'harmoniser leur point de vue afin d'aplanir leurs divergences. En
soi, négocier et signer un accord de paix reste salutaire.
Toutefois dans le contexte insurrectionnel tchadien, la
conclusion des accords de paix ressemble beaucoup plus à un tremplin
pour accéder aux postes juteux dans l'administration publique, donnant
droit au partage de richesses nationales (A). De plus, les accords de paix
participent à favoriser l'émergence et la consolidation de la
culture de l'impunité (B).
· A- L'acte de réconciliation comme droit
d'accès aux richesses.
Depuis l'effondrement du mur de Berlin et la fin de la
bipolarisation qui en résulte, bon nombre de conflits en Afrique cessent
d'attirer l'attention de la communauté internationale. Ce
désintéressement fait place à un certain nombre d'acteurs
qui entrent en scène. On retrouve d'une part les sociétés
et firmes transnationales et les entrepreneurs de la guerre de l'autre. La
combinaison des intérêts de ces deux nouveaux acteurs va plonger
l'Afrique dans une situation de crises de basses intensités mais
interminables.
L'Afrique, après les guerres de libération,
renoue avec une recrudescence de la violence. Cette violence résulte
soit de la contestation du pouvoir central par un groupe d'insurgés,
soit des actes de groupes incontrôlés qui bradent les richesses
nationales. L'intensité et la médiatisation de la violence
dépendent en grande partie du contrôle de richesses nationales. Ce
sont les guerres de rentes. Ainsi la capacité des groupes ou coalitions
rebelles à combattre ou à résister aux forces
gouvernementales dépend étroitement des gisements passés
sous leur contrôle. Ces gisements constituent les sources de
financement de leur action. C'est ce qui explique l'éclosion des
mouvements rebelles en Angola, en République démocratique du
Congo, au Libéria, en Sierra Leone où le diamant, l'or, le
cobalt et autres matières premières ont permis d'alimenter les
différents fronts des conflits.
Contrairement à leurs homologues d'Angola, du
Libéria, ou de la République Démocratique du Congo, les
rebelles au Tchad n'ont pas de ressources minières sous leur
contrôle77(*). Ce
n'est pas que les ressources n'existent pas, mais elles ne sont pas encore
exploitées. Par ailleurs, celles qui sont exploitées (l'or de
Pala, le pétrole de Doba ou celui du Bassin de Mogo) sont sous le
contrôle du gouvernement. Les rebelles ne peuvent donc pas
s'auto-financer. Ils dépendent toujours des financements
extérieurs, qu'ils proviennent des Tchadiens vivant à
l'extérieur ou des bailleurs étrangers, le plus souvent des pays
voisins. Cette dépendance financière, surtout des pays voisins,
fait que les rebelles n'ont pas souvent assez de marges de manoeuvres dans
leurs décisions. Le plus souvent, ils sont soumis au diktat des
bailleurs qui ne rentrent pas forcement dans leur logique de lutte. Les
rebelles se trouvent face à un dilemme : continuer à
guerroyer avec les finances du bailleur pour ses visées ou cesser la
lutte armée et regagner la légalité.
En général, c'est la seconde option que beaucoup
de mouvements choisissent. Mais étant donné que le retour
à la légalité ne se fait pas de manière
automatique, il faut un accord de réconciliation entre les
insurgés et le gouvernement.
Le but avoué et affiché des accords de
réconciliation reste la résolution du conflit par les moyens
pacifiques. La réconciliation est un acte courageux qui profite beaucoup
à la population civile victime des différentes atrocités
liées aux affrontements. Cependant, la lecture des accords de paix varie
suivant que l'on se situe du côté du gouvernement ou des rebelles.
Pour le gouvernement, les accords de paix sont
considérés comme une tactique visant à affaiblir les
rebelles en créant des tensions au sein des formations rebelles. Par
contre, bien des chefs rebelles trouvent dans les accords de paix un moyen de
se faire entendre et d'obtenir certains avantages qu'ils ne peuvent avoir par
la prise des armes.
C'est ainsi que la question de partage de postes
ministériels et autres avantages occupent une place
prépondérante lors des négociations. Preuve en est, la
quasi-totalité des chefs rebelles ont été promu ministres
lorsqu'ils ont accepté de rendre les armes. La classe dirigeante de la
formation ayant signé l'accord est récompensée par les
postes de responsabilité (direction des douanes, direction des
impôts, direction de la police) et par des rétributions
monétaires. Certains combattants ralliés sont d'office
affectés dans les effectifs des officiers de police ou de la
gendarmerie, d'autres par contre vont grossir les rangs de la fonction publique
et ce, sans aucune véritable qualification. La kalachnikov permet de
gravir plus rapidement les échelons de l'Etat que l'école ou le
stylo. La rébellion devient un ascenseur social ; c'est ce qui
facilite le recrutement massif des enfants78(*). Cette pratique tend à s'institutionnaliser au
Tchad. Elle n'est certes pas nouvelle79(*), mais sous Idriss Déby, elle se produit de
manière récurrente.
Une fois les postes partagés, le gros des combattants
est laissé à son triste sort dans les camps de cantonnements. Les
chefs ont pour préoccupation l'adoption de la loi d'amnistie synonyme
d'impunité.
· B-L'acte de réconciliation comme un acte
producteur de l'impunité.
Dans le processus de signature des accords de paix, deux
aspects retiennent particulièrement l'attention des chefs
rebelles : la question du partage du pouvoir, nous l'avons analysée
ci-dessus, et la question de l'amnistie.
En effet, afin de montrer sa volonté de régler
le différend et permettre une nouvelle vie commune dans la
société, le gouvernement, dans les accords de paix, accorde une
amnistie aux anciens rebelles.
Dans le Vocabulaire Juridique80(*), l'amnistie est
« une mesure qui ôte rétroactivement à
certains faits commis à une période déterminée leur
caractère délictueux ». L'amnistie n'efface pas
les faits mais leur fait perdre leur caractère délictueux ;
ils ne sont plus punissables, ne constituent plus une première
infraction pour les récidives. L'amnistie est, selon Stéphane
Gacon, « un processus juridique surprenant par l'effet radical
qu'il impose : on oublie tout, rien ne s'est
passé »81(*). Et dans cette logique, elle doit être
l'émanation du peuple, ce qui justifie son origine législative.
C'est la loi d'amnistie qui est votée par le parlement. Elle est un acte
du parlement qui a pour but d'exonérer de toutes responsabilités
les rebelles pour les actes commis dans la rébellion afin
d'éviter d'éventuelles poursuites. Notion de droit public
pénal, l'amnistie se distingue de la grâce présidentielle
qui permet au président de la République, dans certaines
conditions, d'accorder la remise ou la modération des peines
définitives.
Selon les termes de Stéphane Gacon82(*), « l'amnistie a
une utilité première et immédiate, celle de la
pacification définitive, de la volonté affirmée d'un
retour à la normale ». Il est admis que les effets de
l'amnistie participent à la réconciliation du corps social, et
constituent un artifice pour pouvoir vivre ensemble après la
lutte ; mais les effets de l'amnistie font apparaître une autre
question, celle de l'impunité.
En effet, il faut admettre que de graves soupçons de
détournement de deniers publics et de violations massives des droits
humains pèsent sur certains chefs rebelles. Et le retour à la
vie normale expose beaucoup de leaders politico-militaires aux poursuites si
aux termes de leur rébellion ils n'ont pas
bénéficié d'une loi d'amnistie. C'est pourquoi dans les
accords de paix qu'ils signent, la question de l'amnistie apparaît aussi
cruciale que celle du partage des postes.
Par l'effet de l'amnistie, ils ne seront ni jugés, ni
condamnés. Et partant des exemples antérieurs de
« va et vient » des rebelles, on constate que
l'amnistie apparaît pour les rebelles comme un moyen de se mettre
à l'abri des poursuites.
Au lieu d'être un acte de pacification, l'amnistie au
Tchad bascule plutôt vers l'impunité, car les accords de paix
durent seulement le temps que les uns et les autres affinent leurs nouvelles
stratégies. Pour les victimes des exactions commises par les rebelles,
l'amnistie apparaît comme un déni de justice, car leurs causes ne
seront jamais élucidées. L'impunité tend donc à
devenir une règle car on peut tuer, voler et se rebeller pour voir ses
fautes absoutes.
Dans cette logique, l'acte de réconciliation ne peut
pas apporter le sentiment de retour à la normale mais participe à
installer la méfiance au sein de la communauté où,
parfois, la justice privée est vivante.
§2 Les
déçus des accords de paix.
Plusieurs foyers de tensions existent aujourd'hui en
Afrique, mais ne reçoivent pas forcément les mêmes
audiences. Certains sont beaucoup médiatisés et d'autres le sont
moins. Cela s'observe dans les moyens mis en oeuvre par la communauté
internationale pour faire cesser telle ou telle crise. On voit comment
l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'active dans les conflits en
République démocratique du Congo (RDC) ou en Côte d'Ivoire.
L'implication active de cette dernière, même si elle
connaît des difficultés, contribue de toute façon à
la construction de la paix. Ainsi, l'Onu prend activement part au processus de
désarmement démobilisation et réinsertion
des ex-combattants en Côte d'Ivoire par exemple. Elle tente de
convaincre la communauté internationale de financer le processus de
construction de la paix à l'oeuvre dans certains pays africains. La
continuité de ces conflits dans lesdits pays constitue une menace pour
la paix et la stabilité en Afrique en général et dans le
monde.
Le conflit tchadien, contrairement à ceux qui
s'observent en Côte d'Ivoire ou RDC, ne retient pas l'attention
jusqu'à l'éclatement du conflit au Darfour83(*). Devant ce
désintéressement, les conflits restent une affaire
tchado-tchadienne ; exceptées les interventions des traditionnels
voisins et parrains, la Libye et le Soudan. Ceci explique que les accords de
paix soient le plus souvent conclus sous l'égide de la Libye ou du
Soudan. Les efforts déployés par ces voisins dans la
résolution de ce qu'on appelle « le cancer
tchadien »84(*) sont considérables, il n'en demeure pas moins
que les accords de paix signés sous leurs houlettes ne produisent pas de
grands résultats.
En effet, les actes de réconciliation signés
mettent l'accent sur le désarmement, la démobilisation et la
réinsertion (DDR). Mais dans ces accords, la question des
mécanismes de suivi des accords semble être éludée.
Cette situation aboutit le plus souvent à la négligence du
processus de DDR ; négligence imputable tant aux chefs rebelles
qu'au gouvernement.
Du côté de la rébellion, les chefs
rebelles, une fois accédé aux fonctions ministérielles et
autres postes juteux de l'Etat, oublient la cause pour laquelle ils ont pris
les armes. Ils délaissent ainsi leurs combattants cantonnés pour
la plupart dans une zone en attendant le déclenchement du processus de
DDR. Ces ex-combattants livrés à eux-mêmes vivent dans
des conditions misérables. Dans cette situation, les arnaques de la
population se multiplient ainsi que l'intensification du
phénomène de « coupeurs de routes ». Beaucoup
de ces ex-combattants, sous la direction de certains responsables, finissent
par dénoncer l'accord et se rallient une nouvelle fois à un autre
groupe rebelle ou se constituent en une nouvelle faction ; d'où les
sigles « Rénové »,
« Tendance », « ailes »
observés ça et là dans les formations rebelles
tchadiennes. Ils sont les déchus de l'acte de réconciliation.
C'est un cycle infernal où l'on est gagnant que pour un temps
relativement court.
Cependant les chefs, loin de transformer leur mouvement en
une formation politique, préfèrent fusionner avec le parti au
pouvoir, le MPS. Cette option leur permet de conserver les privilèges
qu'ils viennent d'obtenir.
Du point de vue gouvernemental, c'est l'éternelle
question de finance qui est mise en avant pour ne pas procéder au
programme de DDR. S'il est vrai que les finances font parfois défaut,
il n'est pas à exclure la mauvaise volonté des dirigeants
à respecter les accords de paix. Sinon comment comprendre que tous les
accords de paix signés sous Idriss Déby ont connu ou connaissent
pratiquement le même sort ? Il apparaît que les accords de
paix s'analysent beaucoup plus du côté gouvernemental, comme une
stratégie de guerre visant à affaiblir ou à dissuader
toutes tentatives de nouvelles rébellions.
Et comme il n'existe pas de cadre de suivi des accords, il est
impossible d'évaluer l'évolution des anciens accords pour voir si
le fait de signer un accord au Tchad est synonyme de rétablissement de
la paix ou plutôt un facteur engendrant l'instabilité.
Au demeurant, les accords de paix constituent une porte
d'accès à la richesse nationale pour beaucoup de groupes
rebelles. Par contre, la rébellion apparaît parfois comme un acte
de vengeance pour d'autres groupes.
Chapitre 4 Les rébellions : entre logique
de revanche et contribution à la pérennisation du régime
d'Idriss Déby
Si l'époque de la prise du pouvoir par les armes au
Tchad semble revoulue comme le font remarquer Jean Marc Balencié et
Arnaud de la Grange85(*),
on se pose la question du bien fondé de la naissance tout azimut de
mouvements rebelles au Tchad aujourd'hui. Il est vrai que l'aboutissement de la
prise du pouvoir par un mouvement armé résulte de la combinaison
de plusieurs facteurs : la bonne organisation du mouvement, l'aide
extérieure, le programme politique, etc.
Cependant se rebeller peut aussi suivre d'autres logiques si
les facteurs sus cités ne sont pas réunis. C'est la logique
revanche (Section 1). Mais la naissance de la rébellion peut aussi
s'analyser comme une oeuvre ou une stratégie élaborée par
le régime pour pérenniser son règne (section 2).
Section1 La rébellion comme logique de
revanche.
Le pouvoir reste un site de contestation par excellence. La
contestation peut émaner de la population, de la société
civile, des organisations internationales mais aussi des personnes
impliquées dans la gestion du pouvoir. Cette dernière forme de
contestation, lorsqu'elle se fait entendre, résonne le plus souvent
comme un acte de revanche de certains alliés ou supposés dauphins
(§1).
Elle commence de l'intérieur pour aboutir à des
actes violents conduisant à la rébellion. Mais parfois, la
logique de revanche peut aussi provenir d'un ancien parrain sans lequel le
régime ne serait jamais établi (§2). Elle vient
généralement de l'extérieur et s'analyse à des
actes entrepris par le parrain pour se défaire de son mentor.
§1 -La revanche des
anciens alliés et anciens dauphins du régime de N'djamena
La construction du régime d'Idriss Déby s'est
faite en deux temps. Il a d'abord été construit sur l'alliance de
Bamina, puis sur la solidarité Béri. Mais ces phases
successives de sédimentation du régime n'ont pu résister
aux ambitions personnelles de certains caciques et à la volonté
de Déby d'être le seul maître à bord. De cette
situation, chaque acteur se positionne en vue de reprendre le devant de la
scène politique nationale ; d'où le climat ambiant de
revanche dans le pays.
D'abord, le climat de revanche apparaît des
« associés de Bamina. Ce sont les
« Baministes86(*) » qui ont tenté de s'emparer du
pouvoir, mais en vain (les tentatives des coups d'Etat de Abbas Koty, Maldoum
Bada Abbas et de Hissein Dassert). Officiellement les
« baministes» reprochaient à Déby de
s'être trop écarté de leurs logiques de départ en
faisant de l'administration publique un domaine presque exclusif de son ethnie
ainsi que de l'armée. Leur action s'inscrit dans la logique d'une
punition à l'égard d'un ancien associé devenu nuisible
pour la poursuite du projet de Bamina dont ils sont porteurs. Leurs
différentes actions n'ont pas abouti car Idriss Déby a pu les
éliminer (Abbas Koty, Maldoum Bada Abbas) et éloigner au maximum
Hissein Dassert. Ce dernier continue toujours de poursuivre la lutte
armée mais peine jusque là à être réellement
crédible faute de moyens financiers et de soutiens extérieurs. Le
pouvoir de N'djamena considère que Dassert ne représente que
l'ombre de lui-même.
Puis vient l'affaiblissement de la solidarité
Béri. En effet, le régime d'Idriss Déby repose en
grande partie sur la solidarité Béri. Cette même
solidarité lui avait permis de recruter les Kobé du
Soudan lors de son avancée sur N'djamena en 1990. Curieusement les cinq
ou six dernières années, on note un effritement dans le cercle
clanique de Déby. Les kobé et les Bideyat,
majoritaires au sein de la garde présidentielle, font
défection pour tenter de renverser le régime depuis
l'éclatement du conflit au Darfour. Cette divergence inter
zaghawa peut certes s'expliquer par l'ambiguïté d'Idriss
Déby dans la gestion de la crise du Darfour. Mais elle
révèle davantage une volonté affichée de certains
barons zaghawa de remplacer leur parrain. Mais devant
l'impossibilité d'obtenir la place du parrain par les voies
légales (la prise de la tête du parti MPS par exemple), Idriss
Déby pouvant briguer autant de mandats qu'il le souhaite depuis la
modification constitutionnelle, certains barons zaghawa ont
préféré les armes pour opérer leur vengeance afin
d'obtenir le changement.
Dans cette atmosphère de revanche des
« Baministes » d'une part et de certains barons
zaghawa de l'autre, il apparaît de manière établie
que tous en veulent à Idriss Déby parce que tous ont le
rêve de devenir président. Il n'existe aucun projet politique
solide, comme nous l'avons analysé dans le chapitre
précédent, chez les mouvements rebelles. C'est de l'antipathie
pure et simple. Sinon comment comprendre que ces chefs rebelles qui connaissent
bien le régime et qui disposent d'hommes bien placés dans le
système n'arrivent pas à le faire basculer après de
sérieuses incursions aux portes de la capitale tchadienne ? Comment
expliquer la non-adhésion de la population à la cause rebelle
nonobstant les critiques, vraisemblablement fondées, formulées
contre Idriss Déby ?
Il apparaît de toute évidence, et tirant les
enseignements des échecs des tentatives de fédérations des
forces rebelles, que ce sont les ambitions personnelles de certains chefs
rebelles qui prédominent et non la cause nationale. C'est pourquoi il
serait plus à propos de parler des actions de certains mouvements
rebelles comme des actes de revanche des anciens alliés et anciens
dauphins du régime de N'djamena. Cette volonté revancharde
rencontre celle du parrain qui veut aussi se débarrasser du poulain
devenu depuis lors encombrant.
§2- La revanche de
l'ancien parrain
Le pouvoir de Khartoum avait été le parrain de
Déby lors de sa conquête du pouvoir. C'est dans les confins du
Soudan que Déby s'est installé pour s'organiser et se lancer
à l'assaut du pouvoir à N'djamena. Il a puisé une partie
importante de ses combattants dans le milieu Béri soudanais. Déby
apparaît au début de son règne et jusqu'en 2003 comme le
protégé de Khartoum. Tout a été mis en oeuvre par
le Soudan pour mettre fin à toutes velléités tendant
à nuire au régime de N'djamena.
Mais la situation a changé depuis que le Soudan fait
face à l'insurrection armée dans le Darfour. En toute logique, le
Soudan compte sur son poulain Déby pour l'aider à venir à
bout des insurgés. Ce dernier, compte tenu de ses attaches ethniques le
liant à certains chefs des insurgés, se trouve dans une position
assez ambiguë que Khartoum a du mal à comprendre.
Entre soutenir Khartoum et céder à la pression
des cercles Béri, Idriss Déby choisit la solidarité
Béri. Ce choix est ressenti par Khartoum, et particulièrement par
le président Oumar El-Bechir, comme un acte d'insoumission d'un
protégé. Khartoum élabore une stratégie, celle
d'installer un nouvel homme au palais présidentiel de N'djamena qui
convienne aux aspirations du Soudan. C'est le changement de poulain qui se
dessine.
Où trouver le nouvel homme providentiel ? C'est
naturellement du côté des différents chefs rebelles en
activité qu'il faut regarder pour déceler celui qui ferait les
affaires de Khartoum au Tchad. C'est cette option de changement qui explique
les nombreuses tentatives de structurations des rebelles par Khartoum que nous
avons analysées dans la première partie de ce travail.
Dans ce changement, Khartoum veut faire d'une pierre deux
coups, c'est à dire installer un nouveau régime à
N'djamena et à charge pour ce dernier de l'aider à vaincre la
rébellion au Darfour alimentée par la solidarité
Béri. Sans l'appui des forces françaises et les querelles
sourdines qui traversent les coalitions des mouvements armés tchadiens,
la stratégie aurait pu porter ses fruits.
Mais une question vient à l'esprit quand on regarde le
paysage des rebelles tchadiens aujourd'hui. Les rebellions actuellement en
activité ne sont elles pas une stratégie élaborée
par le pouvoir d'Idriss Déby pour se pérenniser au
Pouvoir ?
Section 2 La contribution à la
pérennisation du régime d'Idriss Deby ?
L'analyse des structures des rebellions et de leur
capacité à opérer un changement de régime nous
livre beaucoup de leçons. Ces leçons résultent des
facteurs propres aux organisations rebelles. C'est le caractère
aléatoire et éphémère des alliances rebelles
(§1) qui contribue à hypothéquer les chances de l'option
armée pour opérer un changement de régime. A ces facteurs
organisationnels des rebelles viennent se greffer certains facteurs
extérieurs qui jouent en défaveur des rébellions (§2)
et renforcent le pouvoir Déby.
§1- Le caractère
aléatoire et éphémère des alliances rebelles :
quelques éléments d'explications.
Comme toutes les organisations humaines, les rebellions
tchadiennes connaissent de nombreux problèmes qui nuisent de
manière significative à leurs actions. Nous ne pourrions faire
une analyse détaillée de tous ces problèmes, nous nous
focaliserons sur le problème de leadership (A) et les conflits inter
ethniques qui minent (B) les rebellions.
· A-Le problème de leadership
Tous les chefs de mouvements rebelles en activité
aujourd'hui au Tchad ont été des courtisans, voire des proches
collaborateurs d'Idriss Déby. A ce titre, ils connaissent mieux que
quiconque les tares de la gestion et le fonctionnement du pouvoir d'Idriss
Deby. Et les déceptions qu'ils éprouvent à l'encontre de
Deby sont profondes et justifient, au delà des griefs personnels, le
désastre que traverse le pays. Mais, en dépit de cette bonne
connaissance du régime, ces chefs rebelles reproduisent à
l'identique les maux du régime qu'ils combattent.
En effet, à regarder de près les faits qui
justifient l'échec des coalitions rebelles, on trouve la querelle des
personnalités entre certains chefs des mouvements rebelles et leurs
ambitions personnelles.
Données difficiles à saisir puisque souvent
inavouées, les querelles de personnes et les ambitions personnelles
occupent une place importante dans l'analyse des échecs des coalitions
rebelles tchadiennes. Tous les chefs rebelles inscrivent leur lutte dans le
combat pour l'instauration de la démocratie, lutte contre l'arbitraire,
le clanisme, la corruption et le respect des droits humains, etc. Mais
l'aboutissement de cette lutte nécessite parfois des concessions, des
sacrifices, et aussi une mise entre parenthèse des ambitions
personnelles.
Or, on s'aperçoit que dans le monde rebelle tchadien,
faire des concessions relève de la pure spéculation. Chaque chef
rebelle se positionne. Il estime toujours être celui qui peut
représenter au mieux toutes les autres sensibilités lorsqu'il
s'agit de fédérer les différentes factions rebelles en une
alliance ou coalition. Chacun se voit chef et oublie que c'est dans l'union
qu'il est possible de constituer une alternative crédible au
régime en place. Et cette situation s'observe facilement depuis le
début du règne Deby.
Quelques exemples méritent d'être circonscrits.
La première coalition des insurgés zaghawa n'a pas tenu, suite
aux querelles de leadership persistantes entre Timane Erdimi, Yaya Dillo
(aujourd'hui rallié au pouvoir) et Abakar Tollimi. Les deux premiers
étant Bidéyat et le second Borogate.
La deuxième coalition créée en avril 2006
entre le FUC et le RAFD n'a pas non plus durée. Elle fut courte car le
FUC avait choisi en avril 2007 d'attaquer seul N'djamena sans tenir compte de
l'avis des autres forces composantes de la coalition.
Après la défaite du FUC, une coalition
regroupant l'UFFD, L'UFFD-F, le RFC, L'UFCD et la CNT vit le jour. Elle s'est
très vite fissurée après les accords de Syrte en Libye.
Al-Jineid, chef de la CNT, quitte la coalition et regagne N'djamena. Aux
conflits de leadership, s'ajoutent les clivages ethniques.
· B- Les clivages ethniques
L'une des accusations récurrentes du pouvoir de
Déby est la base clanique ou ethnique de son pouvoir. Tous ses
détracteurs s'accordent à reconnaître qu'Idriss Déby
assoit son pouvoir sur son ethnie, son clan ; ce qui explique les
mécontentements tous azimut dont il est l'objet.
Curieusement, toutes ces personnes qui dénoncent la
volonté de Deby à avoir comme critère important de sa
gouvernance l'ethnie, n'échappent elles non plus à cette logique.
En effet, il n'est de secret pour personne que toutes les
rebellions actuellement au Tchad ont leurs bases et leurs fiefs dans les
régions dont sont issus leurs chefs respectifs. De même, tous les
postes de commandements de factions rebelles se trouvent soit entre les mains
des cousins et frères du chef du mouvement, soit dans le cercle de
l'ethnie. Cette configuration ethnique des rébellions explique les
difficultés qu'éprouvent celles-ci à harmoniser leur point
de vue et à avoir une audience nationale. Nous sommes loin de la lutte
armée comme une continuité de la lutte politique par d'autres
moyens, postulat cher à Clausewitz.
Par ailleurs, la configuration ethnique obéit parfois
à des antagonismes historiques qui règnent entre telle ou telle
ethnie. Cette situation apparaît de plus en plus établie depuis
que l'aire géographique de la rébellion se concentre vers le
Nord-Est et l'Est du pays. Cette concentration de la rébellion dans
cette partie du pays trouve ses sources dans l'histoire du peuplement de cette
partie du territoire87(*).
A titre d'exemple, nous prenons le tandem Tama - Zaghawa.
En effet, l'animosité entre les Tama, (vivier
producteur des combattants du FUC) et les Zaghawa (au pouvoir et en
rébellion) trouve ses origines dans la conscience collective de rejet
mutuel de ces deux couches de population. Ces deux communautés
véhiculent des préjugés qui sont tenaces. Ces
préjugés alimentent et compliquent la situation du conflit
actuel. A Iriba (considéré comme fief des zaghawa) les
Tama sont vus comme des esclaves et les serviteurs des
zaghawa. A Guereda (capitale du Dar Tama) les
zaghawa ont une réputation de voleurs, de paresseux et de
cupides88(*).
A cette considération de mépris
réciproque entre les deux communautés vient s'ajouter le fait que
c'est un zaghawa qui est au pouvoir central au Tchad. Cet
élément va exacerber le climat déjà morose et
délétère qui règne au sein de ces deux
communautés. Fort des appuis de leurs frères installés au
palais à N'djamena, certains zaghawa n'hésitent pas
à commettre des exactions contre la population civile d'origine
Tama. Ces actes ne seront jamais punis et engendrent des frustrations
au sein de la communauté Tama. C'est en réponse à
ce climat « d'impunité » et
« supériorité » des zaghawa que
certains officiers Tama se rebellent. C'est l'explication
première que l'on pourrait fournir à la naissance des mouvements
rebelles d'obédiences Tama (de l'ANR à RDL puis FUC). Ce
climat explique aussi les difficultés de Mahamat Nour, responsable du
FUC, à avoir une entente solide avec les rebellions d'obédience
zaghawa (le RFC, le SCUD) d'une part, et à consolider la paix
avec Idriss Deby quand il avait signé l'accord de paix, de l'autre.
Vient ensuite le tandem Zaghawa- Gorane.
L'animosité Zaghawa- Gorane remonte à la perte du
pouvoir des seconds au profit des premiers. En effet, sous Hisseine
Habré, les Goranes avaient tous les privilèges. Mais
cette situation n'existe plus depuis que le pouvoir s'est déplacé
chez les zaghawa. Les Goranes qui le digèrent
très mal veulent à tout prix reconquérir le pouvoir. Et
les conflits Goranes-Zaghawa sont mûs par cette logique de
revanche. C'est pourquoi les chefs rebelles issus du milieu zaghawa
conçoivent très mal d'être sous le commandement Mahamat
Nouri pour évincer un autre zaghawa du pouvoir. L'échec
des attaques menées par la coalition (Alliance Nationale) dirigée
par Mahamat Nouri aux portes de N'djamena en février 2008
résulterait de ces antagonismes ethniques sourdines qui traversent la
coalition.
En effet, sur le plan tactique, l'attaque lancée par
l'UFDD sur N'djamena devrait bénéficier du soutien de RFC. Mais
la rivalité entre Nouri (Gorane) et Timane (Zaghawa) a
commencé à être visible lorsque la victoire semblait
être à portée de main. Timane Erdimi avait donné un
contre ordre pour ne pas engager ses troupes en soutien des autres forces de la
coalition89(*). Cette
division peut s'expliquer par le fait que les rebelles ne se sont pas entendus
sur celui à qui devait échoir la présidence.
Et le porte-parole de la coalition, Abderamane Koulamalah
avait reconnu, quelques jours après l'échec de la coalition sur
les antennes de la Radio France Internationale, que «l'opposition
avait commis une erreur historique en ne s'entendant pas sur un gouvernement
d'unité nationale avant de prendre N'djamena »90(*). L'échec est
également dû au caractère circonstanciel, voire
forcé, de la coalition qui a été relayé par les
rebelles eux mêmes91(*). Par exemple, Timane Erdimi se voyait très mal
contribuer à aider un Gorane à prendre le pouvoir qui se
trouvait entre les mains d'un zaghawa. Il préfère les
disputes au sein du clan Bideyat à ceux l'opposant à des
Goranes. De plus, peut être qu'un beau jour viendra où la
solidarité zaghawa trouvera une issue à ses
différends et lui permettrait de sauver la face. L'échec de
l'attaque de la coalition UFDD révèle aussi l'épineuse
question de la synchronisation des forces rebelles. Cette synchronisation sans
laquelle les rebelles ne parviendront pas à renverser la situation.
L'histoire des coalitions rebelles sous Idriss Déby
montre qu'il n'y a jamais eu une intégration des différentes
factions lorsqu'elles sont parties à une coalition. En outre le plan de
stratégie adopté dans la coalition ne rencontre pas souvent les
considérations des officiers de certaines factions qui hésitent
parfois à mobiliser leurs troupes.
Le constat qui s'impose aujourd'hui est que le conflit
tchadien est un conflit de certaines communautés à
l'échelle local qui prend des proportions nationales du fait de son
instrumentalisation par les acteurs. Les rebellions comme projet national
n'existent presque pas. C'est pourquoi toutes les tentatives de
fédérer les forces sont des échecs annoncés, car
les relents ethniques sont trop prégnants dans les stratégies des
rebelles. Et Idriss Déby ne peut que jouer sur ces aspects pour pouvoir
diviser afin de mieux conforter sa position dominante.
§2- Les facteurs
exogènes comme obstacle à l'éclosion des mouvements
rebelles.
Depuis la disparition du monde bipolaire, certains conflits
intra-étatiques n'attirent plus beaucoup l'attention des grandes
puissances ; exceptés ceux mettant en jeu le contrôle des
matières premières.
Mais la montée et le positionnement de la Chine dans
certains conflits peuvent produire aujourd'hui des effets significatifs. Ainsi,
dans le conflit tchadien, le rétablissement des liens diplomatiques (A)
par les autorités de N'djamena avec les autorités de Pékin
peut être une donnée non négligeable dans le renversement
de la situation des rebelles ; quand il est apparu que ces derniers
reçoivent, par Soudan interposé, le soutien chinois.
Aussi faut-il rappeler que le Soudan et le Tchad, depuis
l'éclatement de la crise du Darfour, se font une guerre par rebelles
interposés. Mais dans cette guerre il est difficile de désigner
le gagnant et le perdant. Il faut admettre que l'effet de la crise du Darfour
peut être analysé comme un élément favorable au
régime de N'djamena. C'est à travers le mandat d'arrêt
international lancé contre le président soudanais que se
décline cet effet (B).
· A- Le rétablissement des liens diplomatiques
avec la Chine comme une nouvelle stratégie du pouvoir de N'djamena.
Soucieuse de sécuriser ses approvisionnements
énergétiques, la Chine déploie depuis 2000 une
véritable diplomatie pétrolière en Afrique. Cette
diplomatie conduit la Chine à s'intéresser à tous les
fournisseurs potentiels, et le Tchad entre dans cette catégorie depuis
que le pétrole y a été trouvé et exploité.
Mais la Chine, compte tenue des liens diplomatiques rompus avec le Tchad depuis
1997, se sert du Soudan pour atteindre le Tchad.
Le Soudan reste son partenaire privilégié
où il investit massivement en dépit du boycott
opéré par les compagnies américaines et canadiennes au
motif du non respect des droits humain. Représentant 7% du brut des
exportations chinoises, le Soudan est l'allié sûr qui concentre
les investissements chinois. 13 des 15 sociétés
étrangères les plus importantes92(*) qui exploitent le brut soudanais sont chinoises.
La China National Petrolium Corporation (CNPC), par exemple, a
investit plus de trois milliards de dollars, le plus important projet chinois
à l'étranger, pour la mise en route du champs de Muglad (500000
barils/ jour), une affinerie (capacité de 2 500 000 tonnes /an) et d'un
oléoduc de long de 1500 kilomètres pour l'exploitation de brut
à partir d'un terminal sur la mer rouge.
Mais étant donné que les liens diplomatiques
sont suspendus entre N'djamena et Pékin, ce sont les rebelles qui seront
visés par la Chine grâce aux services soudanais. L'aide chinoise
à Khartoum et, directement ou indirectement, aux oppositions
armées tchadiennes n'est sans doute pas le fruit d'un lobbying de
Khartoum. Elle s'inscrit dans une posture classique de la Chine populaire
depuis plus d'une dizaine d'années de ramener Taiwan sous son aile et de
punir ses appuis internationaux de quelque manière que ce soit. Et cette
logique a fortement joué en défaveur d'Idriss Déby
lorsqu'il s'est allié à Taiwan. Elle oblige ce dernier à
revoir son positionnement, compte tenu des capacités de nuisances dont
ont fait preuve les coalitions rebelles tchadiennes aux portes de la capitale
N'djamena.
En août 2006, le Tchad décide de normaliser ses
relations diplomatiques avec la Chine Populaire en renonçant à la
reconnaissance de l'indépendance de Taiwan. Cette reconnaissance
taiwanaise, faut-il le souligner, avait permis au régime d'Idriss Deby
de bénéficier des pétrodollars taiwanais. Le retour
à la Chine populaire revêt plusieurs aspects, mais deux
retiendront notre attention.
En renouant les relations avec la Chine, le régime
d'Idriss Déby réaffirme d'abord une amitié qui date de
1972 entre les deux Républiques. Au-delà de ce côté
symbolique, Idriss Déby amène la Chine à se
désintéresser des rebelles pour se tourner vers le pouvoir de
N'djamena. Ce désintéressement doit se traduire
concrètement par le non soutien logistique et financier des rebelles par
la Chine via le Soudan. Par cette stratégie, Idriss Déby compte
ainsi tarir les possibles sources de financements des rebellions pour les
obliger à revenir à la table des négociations.
Ensuite, ce réchauffement des liens diplomatiques et
consulaires rencontre l'intérêt de la Chine qui peut, à
partir de maintenant, s'ériger en acteur dans le schéma de
l'exploitation pétrolière au Tchad. C'est ainsi que la Chine par
le truchement de China National Petrolium Corporation (CNPC) est très
active aujourd'hui au Tchad. La CNPC est engagée dans la construction du
gazoduc dans la partie sud-ouest qui permettra d'ici 2011 le transport du brut
du champ de pétrole de Kouldawa Djarmaya à la raffinerie
située aux alentours de N'djamena . Ce projet vise à
réduire la dépendance en gaz et pétrole du Tchad de ses
pays voisins (le Nigeria et le Cameroun). Par ce retour à la normale,
Pékin trouve ce qu'elle cherche en tentant de financer les rebelles, et
permet au pouvoir de Déby de prendre l'ascendant sur ses rivaux. Ce
revirement opéré par Déby vient fragiliser quelque peu les
calculs des rebelles ainsi que les positions soudanaises.
· B- Le mandat international contre le président
Oumar El-Béchir.
En février 2003 éclate dans la région du
Darfour un conflit situé à l'ouest du Soudan. Le Darfour compte 6
millions d'habitants dont les principaux tribus sont : les Four,
les Masalit et les Zaghawa. Au départ, le gouvernement
soudanais considère ce conflit comme un dérapage bénin,
d'escarmouches tribales, menées par des cavaliers armés de
lances, et se querellant pour des rituelles histoires de puits et de
pâturages. Mais très vite, cette considération s'estompe
car les racines du conflit sont profondes. Elles sont politiques ; car la
population se sent délaissée depuis près d'un demi
siècle par les autorités de Khartoum. Et c'est pour revendiquer
une répartition des ressources et des richesses du pays que sont
nés les mouvements armés tel que l'armée de
Libération du Soudan (ALS)93(*) et le mouvement pour la justice et
l'égalité (MJE)94(*).
Bien que le conflit soit politique, les principaux acteurs
mobilisent les facteurs identitaires, notamment ethniques pour recruter les
combattants. Devant la volonté du gouvernement de Khartoum de venir
à bout de ces mouvements par tous les moyens, le conflit prend de
l'ampleur et fait beaucoup de victimes. Selon les sources des Nations unies, le
conflit au Darfour a fait plus de 300 000 morts et plus de 2 millions de
réfugiés au Tchad. L'arrive massive des réfugiés
soudanais constitue une autre source de problèmes pour le Tchad
déjà très instable politiquement. Ce conflit
déborde et demande une intervention internationale. Et devant cette
situation, la communauté internationale, par le biais de l'ONU, avait
réagi en septembre 2007 par la Résolution 1778 (2007) pour
permettre à la force européenne (EUFOR) de se déployer
dans la zone du Darfour. Elle fut remplacée par les forces onusiennes
depuis le mois de mars 2009 car son statut de force humanitaire ne lui
permettait pas de résoudre le conflit.
En dépit de la mobilisation de la communauté
internationale, le conflit du Darfour est loin de connaître une issue.
C'est dans ce contexte de l'escalade de la violence au Darfour que la Cour
Pénale Internationale a lancé le 4 mars 2009 un mandat
d'arrêt internationale contre le président soudanais Oumar
el-Bechir pour crime de guerre et crime contre l'humanité. Le monde
entier a prêté attention et les réactions
positives95(*) et
négatives96(*) se
sont multipliées. L'annonce de ce mandat d'arrêt résonne
comme un coup de massue dans le monde rebelle tchadien, car le parrain doit
dorénavant faire attention à ses engagements même s'il
prétend n'avoir pas peur du mandat d'arrêt international. La
coalition des rebelles tchadiens de l'union des forces pour la
résistance (UFR), par la voix de son porte parole Abdermane Koulamalah,
exprime leur solidarité avec le président soudanais. Il
affirme « ce mandat d'arrêt est injuste et
disproportionné. Le véritable coupable de la crise du Darfour est
Idriss déby Itno (le président du Tchad) qui a soutenu et
organisé la rébellion au Darfour et a causé des
dégâts par un règne calamiteux. Oumar el-Bechir n'a fait
que se défendre »97(*). Ces mots traduisent bien un sentiment
d'inquiétude chez les rebelles, car le mandat d'arrêt
influencerait dorénavant la position d'Oumar el-Bechir. De plus,
l'existence d'une force onusienne à l'Est du Tchad constitue un autre
frein pour le développement de la rébellion.
La conjugaison de tous ces éléments forcent
à croire que la logique de l'agression soudanaise brandie par Idriss
Déby Itno semble porter ses fruits. De ce fait, la rébellion n'a
pas beaucoup d'autres solutions que de négocier avec Déby.
Abdermane Koulamalah n'exclut pas l'opportunité quand il
déclare « nous ne renonçons pas à notre
ambition démocratique par la voie du dialogue ou par la voie des
armes. Nous privilégions encore le dialogue. »98(*) Cette déclaration fait
apparaître la prise de conscience de la rébellion d'un certain
nombre de facteurs qui jouent en leur défaveur en sus des divisions
internes qui traversent les mouvements rebelles.
Si Oumar el-Bechir opère un revirement de ses positions
et veut coopérer avec la communauté internationale, afin de faire
lever le mandat d'arrêt, les rebelles tchadiens n'auront pas beaucoup de
cartes en main. Privés d'appuis chinois et de soutiens soudanais, les
rebelles tchadiens se trouvent dans une véritable impasse et
risqueraient fort de signer n'importe quel accord de paix pourvu qu'il leur
accorde une amnistie.
Conclusion générale
Le contexte de la guerre froide et les régimes
dictatoriaux qui se sont succédés au pouvoir au Tchad ont
été des facteurs ayant aidé les différents chefs
rebelles qui se sont lancés à la conquête du pouvoir. Mais
depuis la fin de la bipolarisation et l'amorce du processus de la
démocratisation enclenché au Tchad, les rebelles n'arrivent pas
à conquérir le pouvoir central nonobstant les capacités de
nuisances dont ils font preuve. C'est dans ce contexte que nous avons voulu
comprendre les sources des motivations des actions rebelles aujourd'hui au
Tchad.
Pour nous permettre de mener notre analyse, nous avons, en
guise d'hypothèses, affirmé que les rebellions participent
beaucoup plus à la logique d'accumulation de richesses et de revanche
qu'à un véritable désir de conquête du pouvoir.
En effet, l'analyse des mouvements ou coalitions rebelles sous
le régime d'Idriss Déby renferme beaucoup de problèmes.
Le travail documentaire nous a permis de saisir certains maux qui minent le
monde rebelle tchadien d'aujourd'hui. Ces maux se trouvent dans la base
ethnique des formations rebelles, les ambitions personnelles des leaders
politiques militaires au détriment de la cause nationale, les alliances
fantaisistes, les accords d'opportunités sous fond de calculs
d'intérêts des chefs rebelles, les soutiens logistiques et
financiers.
Outre les questions d'organisation et de positionnement des
différentes formations rebelles, vient se greffer l'absence de programme
politique. De tous les mouvements ou coalitions rebelles évoqués
dans notre analyse, le travail politique reste une question qui ne constitue
pas une préoccupation primordiale des rébellions. Les
rébellions comptent beaucoup plus sur les victoires militaires. Or une
victoire militaire ne peut produire d'effets durables que si elle est assise
sur un programme politique qui reçoit une adhésion populaire.
L'absence de cette adhésion populaire est souvent l'origine de la
détérioration des rapports rebelles et populations dans les zones
passées sous le contrôle des rebellions.
A cela s'ajoute la répression des forces
gouvernementales qui fait craindre le pire à la population civile pour
leurs supposés soutiens aux rebelles. Tous ces éléments
viennent en défaveurs des rebelles qui subissent déjà le
contexte international de la fin de la bipolarisation.
Par ailleurs, l'analyse du monde rebelle permet de mettre en
exergue l'utilisation des réseaux transnationaux existants entre le
Tchad et le Soudan. Ces réseaux font que les gouvernements du Tchad et
Soudan se font la guerre par mouvements rebelles interposés.
L'utilisation des réseaux des acteurs non étatiques permet de
comprendre la dimension qu'occupent ces derniers dans la compréhension
et l'analyse des relations internationales actuelles et plus
précisément de l'instabilité politique tchadienne et la
crise du Darfour.
Aussi faut-il souligner que Idriss Déby a,
jusqu'à aujourd'hui, su tirer son épingle du jeu grâce
à un dosage du contexte de la crise du Darfour et à la tactique
de la division interne des rébellions par les accords de paix sans
lendemain qu'il développe.
Ainsi, toutes considérations nous conduisent à
dire que les rébellions actuelles au Tchad constituent un fonds de
commerce et continuent de réduire les potentialités du pays en
matière de développement. C'est le partage des postes juteux dans
l'administration publique, et la course pour l'accès aux richesses
nationales qui prédominent dans les naissances des rébellions.
Nous sommes dans la logique de jeu du « cache-cache ».
Bibliographie
1- Ouvrages
Balencié, Jean Marc et De la Grange, Arnaud,
- Les nouveaux mondes rebelles ; Conflits,
terrorismes et contestations, Paris, Michalon, 2005, 608p.
- Mondes rebelles. Acteurs, conflits et violences
politiques, Paris, Michalon, 1996, 562p.
Buijtenhuijs, Robert,
- Le Frolinat et les révoltes populaires du
Tchad : 1965-1967. The Hague, Mouton, 1978, 475p.
- Le Frolinat et les guerres civiles au Tchad
(1977-1984). Paris, Karthala et ASC, 1987, 475p.
- La Conférence nationale souveraine au Tchad. Un
essai histoire immédiat. Paris, Karthala,1993, 212p.
Battistella Dario, Théories des relations
internationales, Paris, sciences po, 2006, 563p
Camus, Albert. L'homme révolté, Paris,
Gallimard, 384p.
Derlemari Nebardoum, Les labyrinthes de
l'instabilité politique au Tchad, Paris,
L'Harmattan, 1998, 176p.
Fillieule olivier et Pechu Cécile, Lutter ensemble.
Les théories de l'action Collective. Paris L'harmattan,
218p.
Mohamed Tétémadi Bangoura, Violence
politique et conflit en Afrique. Le cas du Tchad. Thèse, Paris,
L'Harmattan, 2006, 485p.
Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris,
La découverte, 1996, 128p.
Nicolas, Jean. La rébellion française.
Mouvements populaires et consciences Sociales. 1661-1789, Paris, Seuil,
576p.
Ngarlejy Yorongar, Le Tchad ; Le procès de
Déby, témoignage à charge, Paris, L'Harmattan, 2003,
384p.
Tubiana Marie José, Carnets de route au Dar-fur
(Soudan) 1965-1970, Paris, Sépia, 2006, 208p.
Tubiana, Jérôme, La guerre par procuration
entre le Tchad et le Soudan et la « darfourisation » du
Tchad : mythe ou réalités, Genève, IHEID, 2008,
87p.
Tubiana, Jerome ety Tanner, Victoire, Divided they fall.
The fragmentation of Darfour's rebel group, HSBA, working Paper n°6,
2007
2- Articles et Revues
Bayart Jean François « la politique par
le bas », Politique africaine n°1
Babett et Tim Janszky « Tchad /Soudan : des
alliances changeantes » Outre- Terre n°20/2007
pp.289-300.
Dumont, Gérard- François
« géopolitique et population au Tchad »
Outre-Terre n°20/2007 pp.263-288.
Gata Nder « les incertitudes de l'après
Habré », N'djamena- Hebdo, n°10/1990.
Ibni Oumar Mahamat Saleh « le Tchad, objet d'un
double enjeux », Nouvelle fondation, n°5/2007,
pp.134-138
Lanne Bernard « conflits et violences au
Tchad » Afrique contemporaine, n°80/ 1996
Macré, David, « course aux
hydrocarbures, crises du Darfour, déstabilisation régional :
le Tchad entre jeux pétrolier et jeux guerrier » ,Working
Paper, Institut Thomas More, n°9 avril 2007
Marchal, Roland « où va le Tchad »
Afrique contemporaine n°215 /2005/3, pp117-156
« Tchad/ Darfour : vers un système de
conflit » Politique africaine n°102 juin 2000
pp135-154
Massuyeau , Benoît et Dorbeau-Falchier, Delphine
« gouvernance pétrolier au Tchad : la loi de gestion des
revenus pétroliers », Afrique Contemporaine,
n°216
Rabier, Yves « politique internationale du
conflit tchadien 1960-1990. Guerre civile et mondiale », Journal
des africanistes, 1994, Vol64 n°1
Sennen Andriamirado « Tchad : un
éternel champ de bataille », Jeune Afrique, n°
1643 du 2 au 8 Juillet 1992.
Triaud, J.L, « au Tchad : la démocratie
introuvable » Le Monde Diplomatique, février 1992.
Tubiana, Jérôme « Au Darfour
après Abuja : quand l'insécurité devient la
règle » Outre Terre, n°20/2007 pp.55-79
Tubiana, Jérôme et Tanner, victor,
« Au Tchad, un second Darfour » Outre- Terre
n°20/200è pp.301-315
Alladoum, René « un congrès
redouté », N'djamena- Hebdo n°26 du 25 juillet
1991
Cheik Yérim Seck « Idriss Déby
Itno : je ne suis pas un tueur ni un dictateur », Jeune
Afrique n°2531 du 12 au 18 Juillet 2009
3- Rapports
* Amnesty International, L'union africaine refuse de
coopérer à l'exécution du mandat d'arrêt contre
Oumar el Bechir, Rapport consultable sur le site
www.amnesty.org
* FIDH, Le comité des
droits de l'homme des nations unies préoccupés par l'inaptitude
du Tchad à lutter contre l'impunité, Rapport consultable sur le
site
www.fidh.org
* International Crisis Group :
-Tchad : le retour de la guerre ? Rapport Afrique
n°111 Nairobi/ Bruxelles Juin 2006 38p
-Tchad : un nouveau cadre de résolution du
conflit, Rapport Afrique n°144 Nairobi/ Bruxelles Septembre 2008, 54p
-To Save Darfur, Rapport Afrique, n°105 Nairobi/
Bruxelles, Mars 2006, 54p
-Tchad : la poudrière de l'Est, Rapport Afrique
n°149 Nairobi/Bruxelles, Avril 2009, 53p
4- Cours
Cumin David,
- Séminaire de Stratégie, 2008-2009
- Acteurs non gouvernementaux, 2008-2009
Joubert Jean Paul, Dossiers de Séminaires et
Travaux de Recherche, 2008-2009
Ramel Frédéric, Les théories
contemporaines de la sécurité, 2008-2009
5- les sites
consultés
http/www.alwihdainfo.com
http/ www.amnesty.asso.fr
http/www.atd-tchad.com
http/www.ialtchad.com
http/ www.fidh.org
http/www.jeuneafrique.com
http/ www.librafrique.com
http/ www.rfi.fr
http/www.tchadforum.com
http/www.tchadien.com
http/www.yaltchad.com
Tables des matières.
Remerciement
a
Acronymes
b
Dédicaces
c
INTRODUCTION GENERALE
2
A-Contexte
3
B-La revue de littérature
4
C-Problématique
7
D-Hypothèses
8
E-Méthodologie
8
1-Modèle d'analyse
8
2-Justification du choix de l'étude
9
3- Technique d'investigation
9
Articulation du travail
10
PARTIE I : DE LA FROMATION AUX
STRUCTURES DES REBELLIONS
11
SOUS LE REGIME D'IDRISS DEBY
11
Chapitre1 : Les rebellions de la
période 1990 à 2000.
12
Section1 Les facteurs de l'émergence des
rébellions dans la périonde1990-2000.
12
§1 - La survivance des rebellions
antérieures.
13
A-La survivances des rebellions
antérieures.
13
B-Les férus de Hissein Habré.
15
§2- La gestion du pouvoir politique par
« les associés de Bamina ».
15
A-Les associés de Bamina à
l'épreuve de la gestion politique.
16
B-Les exclus du pouvoir.
19
Section 2- Les Mouvements ou formations rebelles en
activité dans la période de1990 à 2000.
20
§1-Les structures des mouvements rebelles.
20
A-La localisation des mouvements rebelles.
21
1-Le Mouvement pour la Démocratie et le
Développement -Forces Armées Nationales Tchadiennes
(MDD-FANT).
21
2-Le Mouvement pour la Démocratie et le
Développement- Forces armées Occidentales (MDD FAO)
21
4-Le conseil national de redressement(CNR)
23
5- Le Forces Nationales de Résistance
(le FNR)
23
6-Le Conseil de Sursaut National pour la Paix et la
Démocratie CSNPD
24
7 -Le Mouvement pour la Justice et la
Démocratie au Tchad (MDJT).
25
B-Le parcours de certains leaders rebelles
25
1-Abbas KOTY CNR
25
2-Mahamat Garfa du FNR
26
3-Ketté Nodji Moïse ,chef CSNPD.
26
4- Youssouf Toigoimi chef du MDJT.
26
§2- Les coalition de rebellions.
27
A-L'alliance nationale de la résistance
(ANR)
27
B-La Coordination des Mouvements Armés et
Partis Politiques (CMAP)
27
Chapitre 2 L'éclosion des
mouvements rebelles de 2001-2008
29
Section1 Les nouveaux facteurs de
l'émergence des rébellions.
29
§1- Les facteurs endogènes
30
A- La difficile mise en oeuvre du processus
démocratique.
30
B- La question de la gouvernance
33
§2- Les facteurs exogènes.
33
A-La posture d'Idriss Déby dans la gestion
de la crise du Darfour
33
B-Khartoum et les rebelles tchadiens.
34
Section2 Les formations rebelles
35
§1- Les différentes formations et
coalitions.
36
A-Les différentes factions rebelles.
36
1-Front Populaire pour la Renaissance Nationale
(FPRN)
36
2-Concorde Nationale du Tchad (CNT)
36
3-Le Rassemblement pour la Démocratie et les
Libertés ou RDL
37
4-Front pour le Salut de la République ou le
FSR
37
B-Les coalitions éphémères des
rebellions
37
1-Le Front Uni pour le Changement
(Démocratique). FUC ou FUCD
38
2-Union des Forces pour la Démocratie et le
Développement ou UFDD.
38
3-UFDD- Fondamentale.
39
4-Alliance nationale ou AN
39
5-Rassemblement des forces pour le changement/
Rassemblement des forces démocratiques ou RFC/RAFD.
39
§2- La figure des chefs rebelles.
40
1-Mahamat Nour Abdelkerim.
40
2-Mahamat Allatchi Nouri dirigeant de l'UFFD
41
3-Ahmat Hassaballah Soubiane
41
4-Les frères ERDIMI : Tom et Timane ou
les ex- idéologues du régime Déby
42
PARTIE 2 LES LOGIQUES A L'OEUVRE DANS
LES MOUVEMENTS REBELLES TCHADIENS.
43
Chapitre3 Les rébellions comme
logique d'accumulation de richesse
44
Section1 Les facteurs conduisant à la
conclusion des accords.
44
§1- Le manque de travail politique des
rébellions.
44
§2 Le rapport population et rebelles dans les
zones sous contrôle rebelle.
47
Section 2- Les accords de paix comme droit
d'accès aux richesses nationales
49
§1- L'acte de la réconciliation
nationale.
49
A-L'acte de réconciliation comme droit
d'accès aux richesses.
49
B-L'acte de réconciliation comme un acte
producteur de l'impunité.
51
§2 Les déçus des accords de
paix.
53
Chapitre4 Les rébellions :
entre logique de revanche et contribution à la pérennisation du
régime d'Idriss Déby
55
Section1 La rébellion comme logique de
revanche.
55
§1 -La revanche des anciens alliés et
anciens dauphins du régime de N'djamena
55
§2- La revanche de l'ancien parrain
57
Section 2 La contribution à la
pérennisation du régime d'Idriss Deby ?
58
§1- Le caractère aléatoire et
éphémère des alliances rebelles : quelques
éléments d'explications.
58
A-Le problème de leadership
58
B-Les clivages ethniques
59
§2- Les facteurs exogène comme obstacle
à l'éclosion des mouvements rebelles.
62
A- Le rétablissement des liens diplomatiques
avec la Chine comme une nouvelle stratégie du pouvoir de N'djamena.
63
B- Le mandat international contre le
président Oumar El-Béchir.
64
Conclusion générale
67
Bibliographie
69
1-Ouvrages
69
2 Articles et Revues
70
3-Rapports
71
4 Cours
71
5- les sites consultés
71
* 1 BUIJTENHUJS
R. La Conférence Nationale
Souveraine, Paris, Karthala, p.15.
* 2 Jean NICOLAS, La
Rébellion française. Mouvements populaires et consciences
sociales 1661-1789 p.21
* 3 Albert CAMUS, L'homme
révolté, Paris, Gallimard,1951
* 4 Albert CAMUS, L'homme
révolté, p. 377
* 5 Jean NICOLAS op. cit.
p.19
* 6 Robert BUIJTENHUIJS,
Le Frolinat et les révoltes populaires au Tchad (1965-1976).
Paris, La Haye, Mouton ,1978 ; Le Frolinat et les guerres civiles
au Tchad( 1977-1984). La révolution introuvable, Paris,
Karthala/ASC,1984
* 7 Front de Libération
Nationale du Tchad
* 8 Olivier FILLIEULE et
Cécile PECHU, Lutter ensemble. Les théories de l'action
collective. L'Harmattan p.14. Sur le même sujet lire aussi Erik
NEVEU, Sociologie des mouvements sociaux. La Découverte
1996.
* 9 L'expression est de
Bayart Lire Politique africaine n°1
* 10 Denis Martin Coulon ,
Les objets politiques non identifiés.
* 11 Nebardoum DERLEMARI,
Les labyrinthe de l'instabilité politique au Tchad, Paris
,L'Harmattan,1998
* 12 Mohamed
Tétémadi BANGOURA, Violence politique et conflit en Afrique.
Le cas du Tchad. Thèse, Paris, L'Harmattan, 2006. Lire
également Bernard LANNE « conflits et violence au
Tchad » Afrique Contemporaine n°80/1996
* 13 Yves
RABIER, « Politique internationale du conflit tchadien
1960-1990. guerre civile et mondiale », Journal des
africanistes, 1994, vol 64 n°1
* 14 Jean Marc BALENCIE et
Arnaud de La GRANGE, Les nouveaux mondes rebelles. Conflits, terrorismes et
contestations. Paris, Michalon, 2005 p.165
* 15 idem
* 16 Jean-Marc BALENCIE et
Arnaud de LA GRANGE(sous dir.), Mondes rebelles. Acteurs, conflits et
violences politiques. Paris, Michalon, 1996, pp.481-514
* 17 Robert BUIJTENHUIJS,
Le Frolinat et les révoltes populaires au Tchad (1965-1976).
Paris, La Haye, Mouton ,1978 ; Le Frolinat et les guerres civiles
au Tchad (1977-1984). La révolution introuvable, Paris,
Karthala/ASC, 1984
* 18 Le clan béri se
subdivise en sous clan kobé, bideyat, borogate et kapka. Le terme
zaghawa est une appellation d'origine arabe pour désigner les
Béri. Et l'appellation zaghawa s'est imposé dans le domaine
scientifique comme le souligne René Lémarchand. Lire R,
Lémarchand « où va le Tchad », Afrique
contemporaine n°215/2005/3 . Nous utilisons le clan Béri
par rapport à la nomenclature de la division linguistique faite par
Marie-josé Tubiana, Carnets de route au Dar-for
(Soudan)1965-1970, Paris, Sépia, 2006.
Cette nomenclature rend compte de manière
édifiante les structures de la société et les
systèmes de dons chez les groupes Béri tant au Tchad qu'au
Soudan. Elle permet de comprendre l'implication des soudanais dans les
conflits tchadiens et vice versa.
Lire aussi Jérôme Tubiana, La guerre par
procuration entre le Tchad et le Soudan et la
« darfourisation » du Tchad : mythe et
réalités, Document de travail, institut de hautes
études internationales et du développement, Genève, 2008
87p
* 19 Thierry
Michalon « les vrais blocages de l'Afrique »
,article inédit septembre 2001,cité dans le Rapport n°144
de International Crisis Group, Tchad : un nouveau cadre de
résolution de conflit,24 septembre 2008,p.3
* 20 Pendant longtemps la
Coton Tchad fut dirigé par les frères Erdimi Timane neveu de
Deby, aujourd'hui en rebellions, la SNER par Daoussa Déby, le grand
frère de Déby .
* 21 Il convient d'observer
qu'au Tchad le pouvoir se décline presque toujours sous l'appellation de
l'ethnie dont est issu le Président de la République. On est
parti du pouvoir des Sara au temps de Ngarta à celui des Goranes avec
Habré pour aboutir à celui communément appelé
pouvoir des Zaghawa au temps de Deby.
* 22 Sur la question du
dialogue lire International Crisis group, Tchad : un nouveau cadre de
résolution du conflit, Rapport n°144, semptembre, 2008
* 23 Gata Nder
« les incertitudes de l'après Habré »,
N'djamena-Hebdo n°10 décembre 1990
* 24 Lire N'djamena
-Hebdo n°16 du 14 mars 1991
* 25 Marchés
Tropicaux et Méditerranéens, n°2390,1991. Pour un
aperçu Lire Robert Buijtenhuijs, La conférence nationale
souveraine du Tchad. Une histoire immédiate, Paris,
Karthala,1993
* 26
Triaud,J.L, « Au Tchad : la démocratie
introuvable » Le Monde Diplomatique, février, 1992
* 27 Senen Andriamirado
« Tchad : un éternel champs de
bataille », Jeune Afrique, n°1643 du 2 au 8 juillet 1992
* 28
Alladoum,R, « Un congrès redouté »,
N'djamena Hebdo n°26 du 25 juillet 1991
* 29 N'djamena
Hebdo, n° 69,du 7 janvier 1993
* 30 Pour les raisons de sa
démission lire N'djamena Hebdo n° 65, du 3 décembre
1992
* 31 Jean Marc BALENCIE et
Arnaud de la GRANGE, Mondes rebelles. Acteurs, conflits et violences
politiques. Tome1. Amériques, Afrique, Paris, Michalon,1996,
p.502-511
* 32 Mohamed
Tétémadi BANGOURA, violences politique et conflits en
Afrique : le cas du Tchad, op. cit.
* 33 Ce ralliement a
été rendu possible suite à l'accord de N'djamena du
septembre 1992.
* 34 Hassabalah fonde alors
le MDD-Conseil National pour la démocratie et la révolution.
* 35 Allatchi fait
scission pour former un MDD- Originel.
* 36 Echec de l'accord de
Libreville du 24 juin 1992 et celui de Niamey du 11 décembre de la
même année.
* 37 Mouvement populaire de
libération du Tchad.
* 38 Les autorités
nigérianes ont arrêté le leader Medella et son état
major qu'ils ont transféré à N'djamena en février
1992. Ils auraient pour la plupart été exécutés.
Pour amples informations, lire Ngarléjy Yorongar, Le Tchad, le
procès de Déby, témoignage à charge, Paris
L'harmattan, 2003.
* 39 Les accords
d'Abéché du 5 septembre 1992 et celui d'El-Geneina du 31 octobre
1992.
* 40 Lire, Monde
rebelles op. cit. p.504
* 41 Les accords de en
septembre, et de Moundou en novembre 1992.
* 42 Forces armées
de la République Fédérale. Elle a pour zone d'action la
région de Doba et Moundou. Elle doit ses exploits à son chef
Bardé réputé pugnace. Elle connaîtra aussi, comme
toutes les autres formations politico militaires, une petite vie et
disparaît après la mort de son leader.
* 43 International Crisis
Group, Tchad : vers le retour de la guerre ? Rapport Afrique
n°111, Juin 2006, p5
* 44 Mohamed
Tétémadi Bangoura, violence politique et conflits en
Afrique : cas du Tchad, op. cit. p392
* 45 A l'est comme au sud
du Tchad, Habré n'a pas hésité à utiliser son
appareil répressif contre les populations civiles afin de
décourager toute tentative de soutien aux contestataires. Cela a
été le cas en 1984 au sud, en 1987 dans le Guera contre les
Hadjaraï, mais aussi en 1990 dans le Biltine à l'encontre
des zaghawa.
* 46 Les illustrations sont
les cas de Abbas Koty, Mahamat Garfa, Kette Nodji Moise, Mahamat Nour, Yaya
Dillo, Hassane Al Djineid dont le pouvoir a obtenu le ralliement.
Excepté le cas Koty, tous ces leaders sont en retour promus
ministres.
* 47 Lire International
Crisis Group, Tchad : vers le retour de la guerre ? Rapport
Afrique n°111, juin 2006, p.9. Il faut noter par ailleurs le rôle
joué par les frères Timane et Tom Erdimi dans la
prévarication et l'impasse du régime d'Idriss Déby. Nous
reviendrons dans la section 2 sur la présentation de ces deux
personnages.
* 48 Pour amples
informations se reporter au rapport n°111 op. cit.
* 49 Pour prendre seulement
l'exemple de la Coton Tchad. Les Directeurs généraux successifs
après Timane ont été promus à des postes importants
au sein du gouvernement. Haroun Kabbadi fut premier ministre de 2002 à
2003. Son successeur Moussa Faki à la Coton Tchad a été
premier ministre en 2003. Il est actuellement ministre des affaires
étrangères.
* 50International Crisis
Group, Tchad : Un nouveau cadre de conflit, op. cit. p.4
* 51 Tranparency
International a classé le Tchad parmi les pays les plus corrompus de la
planète au cours des trois dernières années. De
145éme sur 149 en 2004, à 162ème sur 162 en 2005, il a
occupé la 160ème sur 166 en 2006. cf. site de Transparency.
* 52 Loi N°1 du 11
janvier portant sur la gestion du revenu pétrolier. Cette loi identifie
les ressources financières et oblige le gouvernement à les
inscrire intégralement au budget de l'Etat.
* 53 Loi N°2 du 11
janvier 2006.
* 54 Lire Cheik Yérim
SECK « Idrss Déby Itno « Je ne suis pas un
tueur ni un dictateur », Jeune Afrique N°2531 du 12 au
18 juillet 2009 pp.21-26
* 55 Lire la Revue
Outre Terre le numéro 20/3 2007. Dans ce numéro
plusieurs articles traitant la crise du Darfour donnent d'importants liens de
connexions du conflit tchadien et soudanais.
* 56 Tanner, Victor et
Jérôme Tubiana, Divided they fall. The fragmantation of
Darfour's rebel group, HSBA working paper n°6, 2007.
* 57 Bachar Idris Abu Garba
le numéro deux du mouvement (vice président et secrétaire
général), et Jamal Idris-ed-Din, tous deux zaghawa du Soudan.
* 58 Il faut observer que
bien des documents font état du soutien financier de Daoussa
Déby, le grand frère de Idriss Deby, au JEM. Khalil Ibrahim,
responsable de JEM est lié à Timan Déby par sa
mère. Cf. International Crisis Group, Tchad. Vers un retour de la
guerre ? Op. cit. ET Jérôme Tubiana, la guerre par
procuration entre le Tchad et le Soudan, op. cit.
* 59 Cf. Buijtenjhuis
,Robert, Frolinat et les guerres civiles au Tchad, op.cit.
* 60 Al-Jineidi est
aujourd'hui Secrétaire d'Etat à la défense nationale,
chargé des anciens combattants et des victimes de guerre dans le
gouvernement d'ouverture de Youssouf Saleh Abbas, lui aussi un ancien du
MDJT.
* 61 Au moment où
nous rédigeons ce travail, Soubiane a déjà regagné
la légalité en signant un accord avec le gouvernement.
* 62 Les données que
nous utilisons dans les développements ci après sont celles
figurant dans Jérôme Tubiana, la guerre par procuration,
op.cit
* 63 Un groupe Bideyat
très proche des Goranes et dont le chef rebelle principal est Abakar
TOLLI.
* 64 Yaya Dillo Djerou a
rallié le régime depuis novembre 2007 et est actuellement
Ministre des Mines et de l'énergie dans l'actuel gouvernement
* 65 Gerad
Prunier, « Armed Movements in Sudan » op .cit pp
7-8
* 66 Jean Marc
Châtaigner « le modèle de l'effondrement libérien
ou la tentation de la déconstruction en Afrique de l'Ouest »,
Afrique contemporaine , n°199/2001
* 67 Gérard Chaliand
cité par David Cumin, séminaire de stratégie, Master2
science politique Parcours Sécurité Internationale et
Défense, 2008-2009, policope, p51
* 68 Déclaration de
l'ancien porte-parole de FUC et aujourd'hui président du Rassemblement
Démocratique pour la Paix et les Libertés (RDPL), Docteur
Albissaty Saleh Allazam propos recueilli par Abbas Kayangar
« étonnantes déclarations et aveux : Docteurr.
Albissaty Saleh Allazam se vide le coeur » , consultable sur
www.librafique.com
* 69 Dr Allazam ibidem
* 70 Visiter les sites
suivants :
www.ialtchad.com;
www.librafique.com;
www.tchadactuel.com;
www.tchadforum.com;
www.alwihdaino.com;
www.tchadien.com;
www.tchadforum.com. Sur ces
sites on peut lire tout sur la vie politique tchadienne principalement sur les
rebellions des dernières années. On y trouve des analyses
intéressantes comme celles dépourvues de considérations.
Malheureusement ces sites ne restent pas accessibles au public tchadien au
niveau national du fait de l'accès à l'Internet au Tchad.
* 71 Nous utilisons
l'expression « copier coller » pour exprimer les
mêmes arguments évoqués par les différents
mouvements rebelles. Tous parlent du régime tyrannique, clanique et
corrompu d'Idriss Déby. Cependant aucun projet de société
ne figure explicitement dans leur statut, mise à part l'instauration
de la démocratie, lutte contre la corruption. On se demande bien si les
combattants connaissent ce pourquoi ils luttent.
* 72 Docteur Allazam
op.cit.
* 73 L'impôt
parallèle peut être l'argent prélevé sur les
commerces, l'obligation qui est faite aux paysans de verser plutôt aux
rebelles les taxes qu'ils doivent payer à l'autorité
établie. Il peut aussi prendre la forme de l'engagement au
côté de la rébellion
* 74
Fédération Internationale des Droits de L'Homme, Liste de
préoccupation sur la situation des droits de l'homme au Tchad, 94eme
session du Comité des droits de l'homme,13-31 decembre2008,
Genève, Rapport. Consultable sur le site :
www.hrw.org
* 75 Lire Robert
Buijtenhuijs, la conférence nationale souveraine, op. cit. p133
et suivant.
* 76 International Crisis
Group , Tchad : la poudrière de l'Est, Rapport
Afrique n°149, avril 2009.
* 77 Cette
considération est à atténuer car depuis 2005 les soutiens
de la Chine à certaines forces rebelles s'expliquent par les promesses
de contrat de l'exploitation de pétrole passées entre les
rebelles et la Chine. Toutefois, il convient de souligner que cette situation
s'est estompée depuis que le pouvoir de N'djamena a renoué les
relations diplomatiques avec la Chine populaire.
* 78 Remadji
Beguy, « les enfants soldats. Le phénomène
persiste », Tchad et Culture, n° 258
* 79 L'histoire politique
du Tchad recèle d'exemples, à ce sujet lire Mohamed
Tétémadi Bangoura, violence politique op. cit.
* 80 Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique, Association Henry Capitant, Paris, PUF,
édition de 1992.p.49
* 81 Stéphane Gacon
et Suzanne Citrou « Amnistie - Les contraintes de la
mémoire officielle », in Oublier nos crimes :
amnésie nationale, spécificité française ?
p.100
* 82 Stéphane Gacon,
ibidem.
* 83 Même avec la
crise du Darfour, c'est beaucoup plus la connexion de certains facteurs qui
fait que de temps en temps on évoque la situation tchadienne. Par
ailleurs, si on vient à en parler, c'est lorsque les rebelles sont
à la porte de N'djamena. Mais le processus de réconciliation
tchado-tchadien n'est guère intéressant. C'est beaucoup plus la
situation soudano tchadienne qui reste préoccupante eu égard aux
conséquences humanitaires.
* 84 François
Soudan, « le cancer tchadien », Jeune Afrique du 12 au
18 février 2008 pp17-18
* 85 Jean Marc
Balencié et Arnaud de la Grange, les nouveaux mondes rebelles,
op.cit p.165
* 86 Baministe est le terme
utilisé pour désigner ceux qui étaient à l'origine
de la victoire du 1er décembre 1990, ceux ayant pris part au
congrès de Bamina et qui ont signé l'acte constitutif du MPS.
* 87 Gérard-
François Dumont, « géopolitique et populations au
Tchad »,Outre-Terre,2007/3 n° 20 pp.263-288
* 88 Pour plus
d'informations, lire Jérôme Tubiana, la guerre par procuration
entre le Tchad et le Soudan et la « Darfourisation » du
Tchad : mythe ou réalité, op.cit . Ou encore
lire Crisis Group, Tchad : la poudrière de l'Est, Rapport
n°149, 15 avril 2009, p.5-8.
* 89 Lire les notes de la
page17 du Rapport n°144 de Crisis group
* 90 Voir Interview de
Koulamalah, le 21 mars 2008. « Tchad, le manque cohésion a
coûté la victoire aux rebelles »,
www.rfi.fr.
* 91 les chefs rebelles
reconnaissent que l'enjeu de la coalition voulu par le parrain était de
« faire tomber Idriss Deby » et pour la suite
« on verra ». voir Jeune Afrique,
www.jeuneafrique.com/
n°5116
* 92 David Mascré,
« course aux hydrocarbures, crise du Darfour, déstabilisation
régional : le Tchad entre jeux pétrolier et jeux
guerriers », Working paper, Institut Thomas More, n°9
avril 2007 p.4
* 93 ALS a pour principaux
dirigeants Abdel Wahid Mohamed Ahmed Nur, Khamis Abdallah Abakar et Minni Arkoi
Minawi.
* 94 Le mouvement est
dirigé par Khalil Ibrahim Mohamed.
* 95 Le point des
organisations de défense des droits de l'homme, communiqué de la
FIDH sur le mandat d'arrêt contre le président soudanais,
www.fidh.org
* 96 La position de l'Union
africaine relayée par le site d'Amnesty International, consultable sur
www.amnesty.org
* 97 AFP cité dans le
Jeune Afrique n°2535 du 9-15 août 2009.
* 98 cf. Jeune Afrique
op.cit.
|