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La règle du double degré de l'instruction dans le droit répressif camerounais

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par Rodrigue TCHATCHOUANG TCHEJIP
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé 2011
  

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B- Les pouvoirs de juridiction du juge d'instruction

Les pouvoirs d'information du juge d'instruction93(*) ne sont pas son apanage. En effet, tous les actes d'instruction sont le plus souvent effectués au cours de l'enquête préliminaire par le ministère public. Arguant de ceci, on pourrait s'interroger sur la nécessité d'instituer un juge d'instruction. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue l'élément fondamental qui distingue le juge d'instruction des autres acteurs du procès répressif et consacrant ainsi son indépendance. Il s'agit du pouvoir de juridiction reconnu au juge d'instruction à l'exclusion de tout autre. Le pouvoir de juridiction du juge d'instruction le distingue du ministère public et du juge de jugement. L'imperium et la juridictio dont sont investis les juges d'instruction et les juges de jugement peuvent souvent sous-tendre une identité du pouvoir de juridiction de ces deux acteurs de la procédure pénale. La distinction de ces pouvoirs peut se faire à un double niveau. D'abord, au niveau de la nature reconnue au pouvoir de juridiction du juge d'instruction (i), ensuite au niveau de la matérialisation de ce pouvoir qui se fait selon un régime juridique propre (ii).

i- La nature du pouvoir de juridiction reconnu au juge d'instruction

Pour Faustin Hélie, « la procédure est complète lorsqu'elle réunit les éléments nécessaires pour décider s'il y'a lieu de prononcer la mise en prévention de l'inculpé et pour déterminer la juridiction compétente »94(*). Dans le même sens, « l'inculpé ne peut être renvoyé devant une juridiction de jugement, s'il n'a pas été interrogé sur le fond une fois au moins ou n'a été appelé par un mandat de justice régulièrement notifié »95(*).

Il ressort logiquement de ce qui précède que le juge d'instruction ne peut dans l'accomplissement de sa mission traiter des questions qui touchent le fond de l'affaire. Cela suppose que ce dernier ne dispose que d'un pouvoir de juridiction provisoire, imparfait, voir d'orientation (a) qui ne va pas sans conséquences (b).

a- Le pouvoir de juridiction du juge d'instruction est un pouvoir imparfait

Le pouvoir dont dispose le juge d'instruction même s'il est juridictionnel n'est que provisoire, dans la mesure où celui-ci se distingue du pouvoir juridictionnel reconnu au juge de jugement et à la Cour Suprême. S'agissant du juge de jugement, il jouit d'un pouvoir dit définitif. Ce pouvoir lui permet de connaitre d'un litige autant dans les faits que sur le droit. Il est encore dit pouvoir de pleine juridiction. Cependant, la Cour Suprême jouit elle d'un pouvoir dit limité. Il est limité d'abord, dans la mesure où la Cour Suprême ne connait pas des faits, mais seulement du droit ayant permis de trancher les litiges. Il l'est ensuite, parce qu'il permet à la haute cour de rendre des décisions juridictionnelles. Ces décisions sont généralement insusceptibles de recours.

Le caractère imparfait du pouvoir de juridiction du juge d'instruction s'explique par le fait que ce dernier en revoyant l'inculpé devant un tribunal, donne plutôt une orientation de l'affaire et non un dénouement. Le pouvoir juridictionnel du juge d'instruction n'étant que provisoire, il est interdit à ce dernier lors de l'accomplissement de ses actes de connaître de l'entièreté du litige, à savoir les questions de fait et de droit.

b- Les conséquences du caractère imparfait du pouvoir du juge d'instruction

On pourrait penser qu'étant conduit par le juge d'instruction magistrat du siège, celui-ci dispose dans cette sorte d'avant procès des mêmes pouvoirs que les juges de fond. Il n'en est rien, respect du principe séparatiste des fonctions répressives oblige. Dès lors, le caractère imparfait du pouvoir juridictionnel du juge d'instruction lui interdit de connaître des questions de droit relatives à un litige porté à sa connaissance. Il ne peut en quelque sorte statuer sur le fond du litige. Il doit, comme s'accordent jurisprudence et doctrine sur ce point, être celui qui établit la liaison entre les organes de poursuite et les organes de jugement. Cependant, on ne pourrait nier l'usage du pouvoir de juridiction du juge d'instruction en cas d'incident de procédure. Il tranche les contestations en faisant oeuvre de son pouvoir juridictionnel. A partir de cet instant, l'indépendance du juge d'instruction s'exprime aussi par la matérialisation de son pouvoir juridictionnel selon un régime bien élaboré.

ii- Le régime juridique du pouvoir juridictionnel du juge d'instruction

Au cours de l'information judiciaire, le juge d'instruction prend plusieurs décisions aux conséquences inégales. Certaines peuvent être liées à son pouvoir d'information. On peut citer par exemple les mandats de divers ordres. D'autres sont liées à son pouvoir de juridiction ; Il s'agit principalement des ordonnances du juge d'instruction.

Si les premiers ne peuvent être sanctionnés que de nullité lorsqu'ils ne sont pas conformes à la loi, les secondes quant à elles ne peuvent être protestées que par le mécanisme d'appel qui conduira à mettre en oeuvre les pouvoirs du juge de l'instruction. Mais avant d'en arriver là, il importe de constater que le pouvoir juridictionnel du juge d'instruction est contenu dans les ordonnances dudit juge. Il faut en apprécier la portée.

a- Les ordonnances du juge d'instruction

L'impérium et la juridictio du juge d'instruction sont consignés dans ses ordonnances. Elles constituent à la fois l'instrumentum et le négotium. Le juge d'instruction peut être appelé avant même de commencer les actes d'instruction à rendre des ordonnances. Il va tout naturellement clore l'information par une ordonnance. Tout ceci rend compte de l'extrême diversité des ordonnances du juge d'instruction. Nous avons en premier les ordonnances prises par le juge à l'ouverture même de l'instruction ou dite encore « in limine litis »96(*). Elle peut consister pour le juge de refuser d'informer, de déclarer son incompétence, de décider de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile et enfin de fixer la consignation à fin d'informer.

En cours d'instruction, plusieurs autres ordonnances sont susceptibles d'être prises par le juge d'instruction. Les unes peuvent tendre vers la violation des libertés individuelles, à savoir les ordonnances de mise en détention provisoire97(*) et de placement sous surveillance judiciaire98(*). De même, certaines ordonnances sont prises par le juge pour conforter ou contester les droits de la défense. Il faut ici citer l'ordonnance de commission, et/ou de refus d'une expertise. D'autres peuvent enfin tendre à élargir l'instruction à de nouveaux faits, à restituer la liberté de l'inculpé, ou s'opposer à l'extension de l'instruction. Nous avons ici les ordonnances de mise en liberté, de soit communiqué et de refus de plus ample informé. Loin d'avoir énuméré de manière exhaustive les ordonnances du juge en cours d'instruction, nous pouvons remarquer que celles-ci comme celles prises à la clôture de l'information sont pour la majorité sujettes à motivation.

Estimant avoir épuisé les actes d'instruction, le juge peut prendre une autre ordonnance dite de clôture de l'information. Celle-ci d'une importance capitale détermine la suite de la procédure. Elle se décline en trois types. Elle peut être une ordonnance de renvoi conduisant ainsi l'inculpé devant la juridiction correspondante99(*). Elle pourra consister en une ordonnance de non-lieu ou de non-lieu partiel qui retient la responsabilité partielle de l'inculpé. De toute manière, il importe à l'image de la diversité de ces ordonnances d'apprécier leur portée.

b- La portée des ordonnances du juge d'instruction

La portée des ordonnances du juge est conditionnée par sa nature. On distingue les ordonnances de nature administrative et les ordonnances de nature juridictionnelle100(*). Il est vrai que le législateur camerounais est resté vague sur cette distinction. En effet, tout laisse à croire que toute ordonnance dressée suivant l'article 257 du Cpp présente une nature juridictionnelle. Dressée dans ces conditions, l'ordonnance produira des effets sur tous les auteurs de la procédure. Cependant et selon la jurisprudence, les ordonnances relevant du pouvoir juridictionnel du juge doivent être notifiées à l'exclusion de tout autre101(*).

La portée des ordonnances en dépit de cette grande distinction diffère aussi suivant qu'elle renvoie l'inculpé ou qu'elle établit un non lieu. En cas de renvoi, la procédure passe de l'instruction au jugement. Elle change de phase. Mais, en cas de non-lieu les effets sont variables. L'ordonnance de non-lieu rétablit l'inculpé dans ses droits. Elle lui offre la latitude de demander des dommages et intérêts pour les préjudices subis. Toutefois, il est important de noter que le non-lieu n'exclut pas la possibilité de réouverture de l'instruction102(*). Toutes ces ordonnances dites juridictionnelles ne peuvent être contestées que devant un juge jugé supérieur au précédent, ou devant une juridiction différente de la première de par sa composition. Il s'agira en vertu des pouvoirs reconnus à cette dernière d'un second degré de juridiction.

* 93 Supra.

* 94 Cité par Emmanuel Ndjere, op.cit. p.177.

* 95 Ibid.

* 96 Abanda Essomba, « Le contrôle de régularité de la procédure d'information judiciaire en droit pénal camerounais », mémoire de D.E.A Université de Yaoundé II, 2008-2009, P. 71.

* 97 Article 218

* 98 Article 246

* 99 La juridiction correspondante sera le TPI s'il s'agit d'un délit ou d'une contravention et le TGI s'il venait à être inculpé pour crime.

* 100 Sur les critères de distinction, lire Pradel, op.cit, n°654.

* 101 Crim. 24 juin 1898, BC n°238.

* 102 Articles 259

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