UNIVERSITE DE YAOUNDE
II
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
FACULTE DES SCIENCES
FACULTY OF LAW AND JURIDIQUES ET POLITIQUES
POLITICAL SCIENCES
B.P.18 SOA
P.O. Box. 18 SOA
CAMEROUN
CAMEROON
LA REGLE DU DOUBLE DEGRE DE
L'INSTRUCTION DANS LE DROIT
REPRESSIF CAMEROUNAIS
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
Diplôme d'Etudes
Approfondies (DEA) en Droit Privé
Option : Droit Pénal et
Sciences Criminelles
Présenté par :
TCHATCHOUANG TCHEJIP Rodrigue
Sous la direction de :
Pr. Jeanne Claire NCHIMI MEBU
Maître de Conférences
Vice doyen en charge de la Programmation et des
Activités Académiques à la faculté des sciences
juridiques et politiques
Année académique 2011
SOMMAIRE
DEDICACE..................................................................... ..........................ii
REMERCIEMENTS....................................................................................iii
LISTE DES
ABREVIATIONS........................................................................iv
RESUME...................................................................................................................................v
ABSTRACT.................................................................................................................vi
INTRODUCTION GENERALE 1
TITRE I : L'ENCADREMENT DU PRINCIPE DU DOUBLE
DEGRE DE L'INSTRUCTION 13
CHAPITRE I : LA STRUCTURATION ORGANIQUE ET
FONCTIONNELLE DU PRINCIPE 15
SECTION-I : Le premier degré de
l'instruction 15
SECTION II- Le second degré de l'instruction
35
CHAPITRE II : LES FINALITES DU DOUBLE DEGRE
DE L'INSTRUCTION 54
SECTION-I : Le double degré de
l'instruction : une garantie du droit à un procès
équitable... 54
SECTION II : Le double degré de
l'instruction : un moyen de préservation des droits fondamentaux et
libertés individuelles 63
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 73
TITRE II : LA PRATIQUE DU DOUBLE DEGRE DE
L'INSTRUCTION 75
CHAPITRE I : MECANISME GENERATEUR DE LENTEURS
PROCEDURALES 78
SECTION-I : Les causes des lenteurs
procédurales 79
SECTION II : Les conséquences des lenteurs
procédurales dans le système judiciaire camerounais 93
CHAPITRE II : DES REPONSES AUX LENTEURS
PROCEDURALES A LA NECESSITE D'UNE REFORME
DE L'INSTRUCTION 102
SECTION I : Les mesures d'atténuation des
lenteurs procédurales 103
SECTION II : La réforme de l'instruction
préparatoire 111
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 123
CONCLUSION GENERALE 125
BIBLIOGRAPHIE 128
TABLE DES MATIERES 133
DEDICACE
A mes parents,
Tchéjip Daniel et Ngantchouo Jeannette pour
leur bon sens et leur soutien incommensurable.
A mon aîné le Dr Celestin
Tchéjip Kaptchouang, qui au sortir du collège me mit les livres
de Droit dans les mains.
REMERCIEMENTS
Nous tenons au bout de ce périple
à exprimer notre profonde gratitude au Professeur Jeanne Claire
NCHIMI MEBU qui en dépit de ses occupations multiples a bien voulu
diriger ce travail, muant ainsi ce qui hier encore relevait pour nous de
l'utopie en réalité.
Nos remerciements vont aussi à l'endroit de toutes
les personnes ayant contribué à notre éducation, en
l'occurrence les professeurs Adolphe MINKOA SHE, Paul-Gérard POUGOUE,
Jean-Marie TCHAKOUA, Grégoire JIOGUE pour le temps qu'ils ont bien voulu
nous consacrer et les enseignements dispensés.
Aux docteurs Justine DIFFO, Solange NGONO, Pierrette NLEM
MVA pour leurs enseignements et tous ceux que nous n'avons pas cité ici
mais n'ignorons point leur apport.
Nous exprimons aussi notre reconnaissance à la famille
NGUEMTA pour son soutien inconditionnel, à tous nos frères et
soeurs.
Aux camarades de promotion qui par d'incessantes discussions
ont contribué à la conduite de ce travail.
LISTE DES ABREVIATIONS
AJDA : Actualité
Juridique Droit Administratif
Bull Crim : Bulletin
criminel
CA : Cour
d'Appel
CE : Conseil
d'Etat
CEDH : Convention
Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme
Ch Acc : Chambre
d'accusation
Chron : Chronique
CIC : Code
d'Instruction Criminelle
Cons Const :
Conseil Constitutionnel
CPP : Code de
Procédure Pénale
Crim : Cassation
Criminelle
D : Dalloz
Ed :
Edition
FSJP :
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Gaz pal : Gazette du
palais
JCP :
Juris-classeur Périodique
LGDJ : Librairie de
Générale de Droit et de Jurisprudence
Obs :
Observations
P : Page
PUA
: Presses Universitaires d'Afrique
PUCAC : Presses de
l'Université Catholique d'Afrique Centrale
PUF
: Presses Universitaires de France
RIDP : Revue
Internationale de Droit Privé
RSC : Revue de
Sciences Criminelles
RTDH : Revue
Trimestrielle des Droits de l'Homme
Somm : Sommaire
T :
Tome
TGI
: Tribunal de Grande Instance
Th :
Thèse
TPI :
Tribunal de Première Instance
Vol : Volume
RESUME
La règle du double degré de juridiction
admise au cours de la phase de l'instruction est loin d'être une
originalité de la loi n°2005/007 portant Code de Procédure
Pénale au Cameroun. Cependant, la règle connaît un
encadrement remarquable à travers une organisation
structuro-fonctionnelle plus lisible. Cette fluidité organisationnelle
qui répartit les pouvoirs entre un premier degré et un second
degré de l'instruction conduit à une double considération
du principe.
On peut en premier lieu le concevoir comme la garantie
du droit à procès équitable. Elle se manifeste par les
garanties d'indépendance et d'impartialité des juges, qui
contribuent tout aussi à éviter l'arbitraire de ces derniers.
Ensuite, la règle s'érige aussi et surtout comme un moyen de
préservation des droits fondamentaux et libertés individuelles
à travers l'élargissement des manoeuvres des parties au
procès à cette phase et la relativisation du secret de
l'instruction. Il était donc important d'analyser les effets de la
règle telle que réaménagée par loi de 2005.
Il nous a été ainsi donné de
constater que malgré la brillante organisation et les attentes
escomptées, la mise en oeuvre reste encore le talon d'Achille de cette
règle on ne peut plus importante. Génératrice des lenteurs
procédurales du fait de multiples facteurs, les conséquences
issues de ces lenteurs étant importantes, il était important
d'analyser quelques réponses médiates à ces lenteurs et
surtout d'ébaucher des axes de réforme de l'instruction
préparatoire qui permettront sans doute l'accélération de
la procédure au cours de cette phase répressive.
ABSTRACT
The
rule of appeal admitted during the investigation phase is far from an original
Law No. 2005/007 on the Code of Criminal Procedure in Cameroon. However, the
rule has an outstanding leadership through a structural-functional organization
more readable. This fluidity organizational divides power between a first
degree and second degree of education leads to a double consideration of the
principle.
One can first
think of it as the guarantee of the right to fair trial. It is manifested by
the guarantees of independence and impartiality of judges, which contribute
equally to avoid the arbitrariness of the latter. Second, the rule stands
chiefly as a means of safeguarding the fundamental rights and freedoms by
expanding maneuvers of the parties in this phase and the relativization of
confidentiality of investigations. It was therefore important to analyze the
effects of the rule such as converted by Law of 2005.
It has been so
given that, despite the brilliant organization and the expectations expected,
the implementation is still the Achilles heel of this rule could not be more
important. Generating procedural delays due to multiple factors, the
consequences resulting from these delays is important, it was important to
analyze mediate some answers to these delays and especially to outline areas of
reform of the preliminary investigation that will probably the acceleration of
the procedure during this phase of repression.
INTRODUCTION GENERALE
Deux évènements majeurs et
remarquables auraient sans doute été des instigateurs ayant
conduit l'Etat camerounais à tenir les « promesses »
faites quelques années plutôt s'agissant des droits et
libertés fondamentaux. Il s'agit, si l'on doit se pencher uniquement sur
le droit privé et particulièrement le droit pénal, qu'il
soit de forme ou de fond, des premières journées portes-ouvertes
de la justice camerounaise1(*), et surtout de l'analyse du thème
« Droits de l'homme et droit pénal au
Cameroun »2(*). En
effet, la constitution camerounaise du 18 janvier 19963(*) à travers son « bloc
de constitutionnalité » consacre pour ses citoyens un droit
devenu aujourd'hui obligatoire dans tout Etat de droit. Il s'agit du droit
à la justice4(*) ; droit qui ne sera considéré comme
tel que si certains principes qui le protègent sont respectés. Le
respect de ce droit passe, s'il faut s'en tenir seulement à la
procédure pénale, par une organisation et un fonctionnement
moderne de celle-ci, c'est-à-dire respectueuse des droits des individus
délinquants ou victimes d'infractions.
Le plus souvent considérée comme le reflet
d'une société, la procédure pénale qui de
manière simple se définit comme le lien nécessaire,
l'inévitable trait d'union entre l'infraction et la sanction5(*) est confrontée à
une tâche titanesque. Il s'agit, pour remplir sa mission, de concilier
l'impératif de protection de la société qui se
déduit de la répression spontanée de tous les coupables,
et celui de la sauvegarde des droits et libertés individuels. Les lois
de procédure peuvent dès lors présenter un
caractère rigide dans le premier cas, ou un caractère so uple
si la priorité était accordée au second
impératif.
Au Cameroun, la procédure pénale a
oscillé entre l'impératif de protection de la
société6(*),
et celui de la sauvegarde des droits et libertés individuels7(*). Ceci se traduisant aussi bien
par la nature composite des textes de procédure applicables que par les
modifications qui y étaient effectuées. Cette situation
n'était guère propice pour l'unification et la modernisation du
CPP dans la mesure où les distances culturelles poussaient chaque
« héritier» à persévérer et à
maintenir la continuation de son héritage. C'est en effet ce que
pensaient déjà Gaston-Jean Bouvenet et Réné Boudin
dans le recueil des codes lois du Cameroun de 1956 qui fut remis à jours
par le Journal Officiel du 15 Janvier 1967 en ces termes :
« Etablir le texte de code d'instruction criminelle
en vigueur au Cameroun est une tâche délicate en raison de son
caractère composite. Il est indispensable de prendre partie sur
plusieurs points où de légitimes controverses peuvent s'instituer
et le résultat d'un tel travail ne présente pas ce
caractère de certitude absolue qui serait pourtant requis dans un
domaine d'une importance capitale pour la protection de l'individu et de ses
libertés. Seule une éventuelle consécration du texte
ci-après reproduit par les arrêts de la Chambre criminelle de la
Cour de cassation sera de nature à lui conférer cette
nécessaire solidarité»8(*).
Il ressort de ce texte qu'harmoniser la procédure
pénale au Cameroun n'était pas un problème facile à
régler autant avant l'indépendance qu'après celle-ci.
Aussi, est-il encore important de rappeler que depuis longtemps le Cameroun en
matière de procédure pénale jouissait d'une
législation double9(*).
Il a ainsi fallu attendre après
l'indépendance une douzaine d'années, notamment en 1972 pour voir
le législateur camerounais commencer à apporter sa marque dans
son droit pénal de forme. Ce dernier fera une entrée remarquable
dans l'échiquier procédural. Il va s'illustrer par la suppression
du juge d'instruction tel que prévu par le CIC. Cette fonction sera
dorénavant dévolue aux magistrats du Parquet, que l'on aura
coutume d'appeler magistrat instructeur et qu'une doctrine bien avisée
en fera le « JANUS » de la magistrature
camerounaise10(*).
Cette situation marquait sans doute le désir pour
le législateur camerounais de construire un droit judiciaire
répressif11(*)
« taillé à sa mesure ». Elle marquait aussi
le début de la grande refonte du système procédural
camerounais en matière pénale. Celle-ci prendra fin avec la loi
n°2005/007 du 27 Juillet 2005 portant CPP du Cameroun12(*). Code qui aura fait, à
en croire certains auteurs, l'objet d'une longue gestation13(*) et même d'une difficile
parturition14(*).
Devrait-on encore rappeler le caractère salutaire de cette refonte qui
hisse le Cameroun aujourd'hui au rang des Etats de droits, du fait de la
consécration d'une véritable « démocratie
pénale »15(*). A ceci on peut ajouter une idée de justice
telle que défendue par les Ecoles de Défense sociale Ancienne et
de Défense sociale nouvelle16(*). Et pourquoi ne pas aussi penser que presque
cinquante années après l'indépendance,
« âge de la maturité »17(*) le législateur
camerounais ne demandait qu'à produire un droit à l'image du
pays, pour emboiter le pas à cet auteur qui pensait que :
«comme on reconnait l'oiseau par son plumage on reconnait le droit
criminel à l'Etat dans lequel il s'est formé»18(*).
A l'entrée en vigueur de cette loi, nous aurons
droit à ``un revenant : le juge d'instruction''19(*), à une redistribution
des rôles entre les acteurs de la procédure pénale au
Cameroun, et surtout à un Procureur de la République
``décoiffé'' de sa casquette de magistrat instructeur20(*). Il faut ajouter à ceci
beaucoup d'autres institutions et mécanismes concourant à la
protection des justiciables. Nous pouvons entre autres citer la
procédure d'habeas corpus, la précision et la délimitation
des mesures de garde à vue et de détention provisoire,
l'indemnisation des victimes de détention abusive, la reprécision
de la règle « electa una via non datur regressus ad
alteram » etc. il est à penser, lorsqu'on s'en tient
à cette dernière énumération que seul l'individu
est au centre de ce code. En réalité il n'en est rien, car
l'intérêt social y occupe aussi une place de choix. L'article 64
précise :
« (1) Le Procureur Général
près une Cour d'Appel peut, sur autorisation du ministre chargé
de la justice, requérir par écrit puis oralement, l'arrêt
des poursuites à tout stade de la procédure avant l'intervention
d'une décision au fond, lorsque ces poursuites sont de nature à
compromettre l'intérêt social ou la paix publique.
(2) Dans le cas prévu au paragraphe 1er
du présent article, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement
constate son dessaisissement sur l'action publique et donne mainlevée
des mandats éventuellement décernés contre le
bénéficiaire de l'arrêt des poursuites ».
Cet article marque la considération de
l'intérêt social et de la paix publique dans le Cpp21(*).
Il faut remarquer ici que le Procureur
Général près la Cour d'Appel ainsi que le politique par le
biais du Garde des Sceaux disposent dans ces circonstances des pouvoirs non
négligeables. C'est au prix de toutes ces nouveautés que le CPP
aura sans doute été à la base de la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun. Cette
loi institue dans les tribunaux d'instance une fonction de juge d'instruction,
et surtout une Chambre de Contrôle de l'Instruction logée au sein
de la Cour d'Appel22(*).
Ces nouveautés nous font également part d'un
historique tumultueux de la procédure pénale, et
précisément de la juridiction d'instruction. En effet, s'il faut
remonter l'historicité de la juridiction d'instruction, nous devons
d'abord faire allusion au droit français. Plonger dans l'ancien
régime, on constate que le Lieutenant Criminel jouait déjà
ce rôle. Il faut noter qu'à cette époque ce dernier
était sous l'autorité d'un Lieutenant Général
considéré comme le chef des tribunaux. L'avant Code d'Instruction
Criminelle sera aussi marqué par la présence d'un juge de paix,
exerçant sous le contrôle d'un directeur de jury qui avait comme
la Chambre de Contrôle de l'Instruction actuelle, la latitude de faire
des suppléments d'information.
En 1808, le CIC institue un juge d'instruction. Mais
l'usage du terme était un peu abusif dans la mesure où celui qui
en était véritablement chargé était loin
d'être un juge, mais un officier de police désigné par le
Procureur de la République. Les actes accomplis par ce dernier
pouvaient tout de même faire l'objet de contrôle devant la chambre
d'accusation qui, apparemment fît plus de figuration que de
véritable contrôle, ce qui a conduit Pradel, parlant de cette
institution en France à remarquer que :
« Les magistrats qui la composaient
marquèrent peu d'empressement à exercer les pouvoirs
d'évocation et de révision que leur accordait la loi ; le
contrôle par la chambre d'accusation était largement
illusoire ».
C'est vers la fin du siècle dernier que certaines
lois en prenant en compte les droits de la défense vont permettre
l'ouverture de l'instruction aux conseils de l'inculpé, permettant
ainsi une possibilité de contester les actes d'instruction devant les
juridictions supérieures. Ce premier pas qui rompait avec le mythe du
secret de l'instruction annonçait certainement la modification la plus
remarquée de l'histoire de la juridiction d'instruction. Il s'agit de la
loi de 1958 qui érigeait un juge d'instruction devenu indépendant
et surtout inamovible. Cette conception du juge d'instruction va s'appliquer au
Cameroun jusqu'en 1972 où le grand banditisme eût raison du
législateur. Celui-ci va peu après pour s'adapter à
l'environnement prendre une ordonnance qui dispose en son article 24
que ;
« Le ministère public ou
parquet ; en matière pénale et sans préjudice des
droits de la partie civile, recherche et constate les infractions,
procède aux enquêtes et informations judiciaires, met en mouvement
l'action publique»23(*).
Il est important de constater après ce bref rappel
que la loi de 2005 portant Cpp n'a ressuscité qu'un être dont
l'existence ne souffrait d'aucune contestation.
Cependant, le retour du juge d'instruction dans le Cpp au
Cameroun n'aura pas été sans commentaires ni sans effets.
L'aménagement de la juridiction d'instruction notamment à un
double niveau ne fera pas du juge d'instruction l'homme le plus puissant du
Cameroun à l'image de ce que disait Balzac s'agissant du juge
d'instruction en France24(*). Aussi, on a pu dans le droit répressif
déceler à l'image du double degré de juridiction, un
double degré de l'instruction distinct de ce dernier principe.25(*) Il n'y a dès lors point
de doute que l'analyse d'un tel principe ne peut découler que de la
maîtrise même de la notion d'instruction.
Mais avant de cerner la notion même d'instruction,
on peut d'abord s'interroger sur la place du juge d'instruction dans la
procédure pénale. Est-il un organe incontournable dans le
procès répressif ? Les avis sont partagés s'agissant
de l'utilité du juge d'instruction. Pour les uns, le juge d'instruction
n'est que celui là qui vient prolonger la procédure
pénale. Pour les autres, le retour du juge d'instruction est
perçu comme une évolution positive, ce qui a fait dire qu'il
« vient au monde comme un messie au secours des
justiciables en détresse »26(*). Nous estimons avec ces derniers auteurs que le
retour du juge d'instruction dans le procès répressif est
salutaire autant pour les justiciables que pour le système juridique
tout entier. Il en est ainsi dans la mesure où la plus value
qu'apportera le juge d'instruction à travers ces enquêtes
permettra d'éviter les sanctions souvent injustes infligées aux
citoyens. Cette fonction de la justice pénale permettra aussi au juge
de faire un véritable procès de la personne du délinquant
au sens de la doctrine des écoles de défense sociale. Et, il est
à espérer qu'enfin sera oubliée cette imagerie populaire
du temps du « JANUS » qui faisait du citoyen inculpé
par le Procureur de la République un « présumé
coupable ».
Du coté des justiciables, il faut envisager avec
une telle institution une amélioration et surtout un
élargissement de la sphère de protection des droits fondamentaux
et libertés individuelles dans la mesure où l'instruction peut se
faire à un double degré. Au même moment, placé du
coté de la justice, service public de l'Etat, on admettra que
l'institution du juge d'instruction contribuera certainement à
l'amélioration des décisions de justice, dans la mesure où
la mission du juge d'instruction est d'enrichir les prises de position du
Procureur de la République et aussi les faits reprochés à
l'inculpé. Ces qualités de décisions de justice
contribueront à éviter la justice parallèle et surtout le
divorce entre la justice et le justiciable.
Encore appelé instruction préparatoire ou
information judiciaire, l'instruction se distingue de l'instruction
définitive qui est conduite par le juge de jugement. Elle se
définit comme la phase du procès pénal obligatoire en
matière de crime, facultative en matière de délit et
exceptionnelle en matière de contravention au cours de laquelle le
magistrat instructeur procède aux recherches tendant à identifier
l'auteur de l'infraction, à éclairer sa personnalité,
à établir les circonstances et les conséquences de cette
infraction, afin de décider de la suite à donner à
l'action publique27(*).
Dans le même sens, le Lexique des termes juridiques parle
de la phase de l'instance pénale constituant une sorte d'avant
procès28(*)
qui permet d'établir l'existence d'une infraction et de
déterminer si les charges relevées à l'encontre des
personnes poursuivies sont suffisantes pour qu'une juridiction de jugement soit
saisie. Cette phase facultative en matière de délit, obligatoire
à deux degrés en matière de crime est menée d'abord
par le juge d'instruction ensuite et éventuellement par la chambre
d'accusation29(*). Cette
dernière définition bien que plus expressive pour la conduite de
notre investigation se résume parfaitement dans cette autre qu'offre la
doctrine à savoir ``les moments qui forgent les éléments
d'appréciation de la personne poursuivie''30(*).
Après ces multiples définitions de
l'instruction, nous pouvons en déduire logiquement que celle du double
degré de l'instruction signifie simplement que les actes et les
ordonnances du juge d'instruction puissent être remis en cause devant des
juges supérieurs par les mécanismes légaux prévus
expressément par le Cpp. De manière plus concrète, la
règle du double degré de l'instruction signifie qu'en
matière pénale, une même affaire doit pouvoir être
successivement instruite par deux juridictions différentes dont l'une
est supérieure à l'autre, en l'occurrence le juge d'instruction
et la Chambre de Contrôle de l'Instruction.
Cette définition du double degré de
l'instruction semble bien justifiée par ces propos du professeur Minkoa
She qui, parlant du juge qui conduit la procédure écrit :
« Le juge n'est pas un personnage
sacré, il n'est pas un artiste solitaire, il n'est pas non plus le
propriétaire d'une charge. Il est simplement ``un homme ordinaire''
à qui on demande de remplir une fonction
extraordinaire »31(*).
L'auteur ne cache pas son sentiment pour la reconnaissance
des fonctions judiciaires comme une tâche rude pouvant conduire celui qui
l'accomplit dans des travers indésirables pour la société
exigeante, le demandeur assoiffé de bonne justice et surtout le
présumé innocent en quête de son innocence.
Dans le même sens, certains auteurs trouvent la
nécessité d'un double degré de l'instruction pour ces
raisons que les ordonnances du juge d'instruction peuvent avoir des
``conséquences fâcheuses pour le prévenu ou
l'accusé''32(*), que le juge d'instruction malgré sa
«science et sa conscience» peut commettre des erreurs qu'il
faut absolument réparer33(*). Toutes ces argumentations en faveur de la pratique
du double degré de l'instruction corroborant avec les dispositions de
la loi de 2006 portant organisation judiciaire et celle de 2005 portant
Cpp34(*), nous pouvons
sans risque de se tromper dire de ces deux textes qu'ils arriment le label
juridique camerounais aux importants textes internationaux, en l'occurrence
l'article 14 alinéa 5 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques qui dispose :
« Toute personne déclarée coupable
d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction
supérieure la déclaration de sa culpabilité et la
condamnation conformément à la loi »35(*).
Si ces textes sont justifiés par la
nécessité d'une justice équitable, l'expérience
accrue des magistrats qui composent la juridiction supérieure
ajouté à la garantie d'un nouvel examen de l'affaire sont les
moyens pour atteindre cette fin. Le litige sera ainsi soumis à une
double discussion. Ce qui suppose que les preuves vont être à
nouveau librement et contradictoirement débattues. Il nous semble
cependant important de dire à l'image de Faustin HELIE que :
« Ce second examen n'est efficace que s'il est
soumis aux mêmes règles et aux mêmes conditions que le
premier. Dès lors qu'il s'agit d'un second degré de juridiction,
il faut que l'instruction passe par les mêmes phases. A défaut, ce
ne serait qu'une révision sommaire du procès, qu'un simple
contrôle des formes procédurales plutôt que du fond de la
prévention »36(*).
Il ressort de ce qui suit que le juge supérieur ne
rendra efficace le mécanisme que s'il avait totalement
réexaminé et ce dans les mêmes conditions les actes
effectués par le juge inférieur.
Traditionnellement présenté comme une
garantie de la bonne justice, le principe du double degré de juridiction
comme celui de l'instruction est un principe fondamental de la procédure
pénale. Il est même par de nombreuses jurisprudences,
considéré comme un principe qui s'impose tant aux juges qu'au
législateur non seulement en ce qui concerne le jugement de l'action
publique, mais aussi en ce qui concerne le jugement de l'action civile
exercée par la victime dans la mesure où son non respect
« serait nécessairement générateur
d'inégalités devant la justice »37(*). Dans ce même
ordre d'idées, le Conseil d'Etat va plus loin en estimant qu'il s'agit
d'un principe général du droit qui ne peut être
écarté par aucune loi. La chambre criminelle ne s'en
écarte pas non plus. Elle affirme que : « Dans tous
les cas où la loi n'a pas attribué à une juridiction le
pouvoir de statuer en dernier ressort, la faculté d'appel subsiste
à l'égard de ses décisions »38(*).
Cette considération du double degré de
juridiction peut conduire à diverses interrogations lorsqu'on s'engage
dans l'analyse d'un tel mécanisme. La règle étant l'un des
multiples mécanismes prévu par le Code de procédure, on ne
peut émettre de doute sur le fait que le législateur veuille par
une telle institution gagner le pari de la célérité.
Ainsi donc, comment la règle du double degré de
l'instruction s'illustre-t-elle dans la procédure répressive
camerounaise ? Aussi, s'agit-il simplement d'une étude de
l'aménagement du double degré de l'instruction, suivie d'analyses
à l'aune de la pratique.
L'ordre judiciaire camerounais aussi précis que
varié nous conduira à analyser le double degré de
l'instruction uniquement devant les juridictions répressives de droit
commun39(*). Ceci exclut
l'analyse de ce mécanisme devant les juridictions d'exception où
l'instruction est le plus souvent dès le premier degré instruit
par un collège de juges40(*). Le choix d'une telle délimitation n'est pas
sans objet dans la mesure où ces juridictions connaissent des litiges de
la quasi-totalité des citoyens. Dès lors, l'analyse du principe
du double degré de l'instruction présente plusieurs
intérêts. On peut en trouver qui sont scientifiques et d'autres
qui sont sociaux.
Sur le plan scientifique, le décryptage du
mécanisme du double degré rendra compte des garanties que le
droit pénal offre aux individus (délinquants et victimes) pour la
sauvegarde de leurs droits et libertés. Du côté de
l'administration judiciaire l'étude du mécanisme permettra de
l'édifier sur les moyens de contrôle des actes du juge
d'instruction afin d'éviter l'arbitraire de ce dernier.
Sur le plan social, la protection des
intérêts de la société peut être une astuce
pour redorer le blason de la justice étatique qui le plus souvent
s'éclipse au profit de la vindicte populaire.
Sous cet aspect, il convient d'admettre que l'examen des
dispositions législatives fait observer une importante réforme du
procès pénal, la juridiction d'instruction qui renaît et
s'organise à un double degré dont l'encadrement mérite
d'être analysé (titre I), et dont l'appréciation, voir
l'évaluation du principe dans la pratique judiciaire en constitue un
autre point d'étude (titre II).
Titre I :
L'ENCADREMENT DU PRINCIPE DU
DOUBLE DEGRE DE L'INSTRUCTION
Dans sa définition de l'instruction, le
Lexique des termes juridiques parle d'une « sorte
d'avant procès». Ceci suppose l'existence de tous les principes
directeurs du procès, qu'il s'agisse des principes protecteurs de la
société ou de ceux protecteurs de l'individu. Ces principes
soutenus par la doctrine se résume en ces termes : «entre
deux intérêts également puissants, également
sacrés, qui veulent à la fois être protégés,
l'intérêt général de la société qui
veut la juste et prompte répression des délits,
l'intérêt des accusés qui est lui aussi un
intérêt social et qui exige une complète garantie des
droits de la collectivité et de la défense»41(*) et par la
jurisprudence42(*), le
législateur Camerounais soucieux d'une construction idéale de sa
procédure pénale qui à bien des égards, est le
miroir qui renvoie à chaque société son image, lui
montrant si elle est respectueuse où non des libertés
individuelles43(*) a
consacré de nouveau le sacro saint principe de la séparation des
fonctions répressives. Il aménage ainsi un espace respectable
à la phase de l'instruction. Celle-ci étant celle qui
décide ou non des voeux de la société et/ou de l'individu.
Le Cpp l'encadre strictement et même doublement, à travers la
règle du double degré de l'instruction. Aussi ne devions-nous pas
s'interroger sur le contenu du principe en matière pénale.
Il conviendra donc, pour essayer de rendre plus lisible le
principe d'analyser d'abord sa structure organique et fonctionnelle (chapitre
I), avant les finalités même du double degré de
l'instruction dans le droit répressif camerounais (chapitre II).
CHAPITRE I: LA STRUCTURATION ORGANIQUE ET FONCTIONNELLE DU
PRINCIPE
Parler de la structuration organique et fonctionnelle du
mécanisme du double degré de l'instruction revient à
traduire littéralement l'agencement des organes qui connaissent du
mécanisme, et partant des domaines de compétences de chacun de
ces organes. L'histoire aura déjà révélé que
cette structuration était celle préconisée par le CIC de
1808. Aujourd'hui de retour dans la loi de 2005 portant Cpp, on remarque
à quelques distinctions près l'armature de l'Ancien droit et
surtout celle du droit moderne, observée dans les systèmes
juridiques comparés44(*).
La tendance moderniste du Cpp s'est de façon
incontournable cantonnée dans les moyens de protection des droits des
justiciables. Moyens que l'on trouve à profusion dans ce code. A la
phase de l'instruction, le présumé innocent peut se faire
assister par un conseil sur toute la longueur de la procédure. Son droit
d'être chaque fois informé de ses droits et surtout pourquoi il
se retrouve devant telle ou telle autorité. Ces moyens que l'on peut
qualifier de communs à toutes les phases de la procédure,
cohabitent avec le principe du double degré de l'instruction propre
à cette phase répressive. Traité dans le titre cinq du
code camerounais de procédure pénale, il nous semble judicieux
d'analyser l'instruction devant le juge d'instruction (section I), et par la
suite l'instruction devant la chambre de contrôle de l'instruction
(section II).
SECTION-I : LE PREMIER
DEGRE DE L'INSTRUCTION
Le principe voudrait qu'avant d'être jugée,
toute affaire soit au préalable instruite. Ce principe présente
quelques particularités en matière répressive. Ici,
l'instruction est facultative en cas de délit et de contravention, mais
elle s'organise à un double degré lorsqu'elle est admise. C'est
dans ce sens que la loi portant organisation judiciaire au Cameroun
précise en ces articles 14 et 17 l'institution dans les tribunaux
d'instances d'un ou plusieurs juges d'instruction. De même, il est
prévu la présence dans chaque Cour d'Appel d'une ou plusieurs
Chambres de Contrôle de l'Instruction45(*).
L'interprétation de ces textes fait du premier
degré de l'instruction l'instance devant laquelle le juge d'instruction
accomplit sa fonction. Le plus souvent juge unique, ou comme le pense plusieurs
auteurs « homme seul », ce dernier constitue à
véritablement parler le premier degré de l'instruction.
Dès lors, il va falloir analyser les mécanismes de saisine et de
désignation du juge d'instruction (§-I), mécanismes sans
lesquels ce dernier ne saurait mettre en oeuvre le pouvoir d'instruire
(§-II).
§-I- La saisine du
Juge d'Instruction
A la lecture des lois n° 2005/007 et 2006/015, il
ressort que le juge d'instruction et le juge de jugement sont tous magistrat du
siège et ne sont pas facilement distinguable comme le serait par exemple
ces derniers et le magistrat du parquet. Dès lors, saisine et choix du
magistrat instructeur devraient certainement dépendre de sa
disponibilité, de la complexité de l'affaire46(*), voir que ce dernier est
inscrit sur le tableau de roulement au jour de la signature du
réquisitoire introductif d'instance.
Au delà de toutes ces conditions, qui ne demandent
que des actes d'administration judiciaire, on pourrait ajouter d'autres
conditions tenantes à l'existence de l'infraction, soit de la
qualité des délinquants47(*). Il nous importe ici d'analyser grosso modo les
sources de saisine du juge d'instruction (A) car « pour que ce
dernier statue même sur sa propre compétence, le juge
d'instruction doit être saisi chaque fois que l'information judiciaire
est nécessaire pour l'établissement des preuves de
l'infraction »48(*). Toutefois, la saisine du juge entraine des effets
considérables (B).
A- Les sources de saisine
du Juge d'Instruction
L'instruction démarre au moment où est saisi
le Juge d'instruction et se termine avec la clôture de celle-ci49(*). Les sources50(*) de saisine du Juge
d'instruction en droit camerounais sont diverses. Si on peut à la
lecture de la loi pénale penser que seul le Procureur de la
République est compétent pour saisir le Juge
d'instruction51(*), il ne
faudrait tout de même pas négliger la marge de manoeuvre de la
partie civile. Dès lors, si on s'accorde pour reconnaître une
diversité de source de saisine du juge d'instruction, il ne serait pas
vain d'analyser sa portée.
En effet, l'époque où le magistrat
instructeur encore Procureur de la République pouvait s'autosaisir d'une
infraction au nom de la répression du grand banditisme est
révolue. Aujourd'hui, au nom et au respect du principe de la
séparation des pouvoirs entre les autorités de la justice, le
Juge d'instruction ne s'autosaisie plus52(*). Il peut être saisi par deux personnes
défendant le plus souvent chacun des intérêts
différents. Ce qui conduira aussi à des modes de saisine
distincts. L'un procédant par un réquisitoire introductif
d'instance: le Procureur de la République (i), l'autre par une plainte
avec constitution de partie civile: la victime (ii).
i- Le réquisitoire
introductif d'instance
Au terme de l'article 143, le juge d'instruction ne peut
ouvrir l'instruction que s'il est saisi par un acte du Procureur de la
République. Et à l'alinéa 2 du même article de
préciser ; «l'acte par lequel le Procureur de la
République saisit le juge d'instruction s'appelle
réquisitoire introductif d'instance».
Encore appelé réquisitoire de soit
informé ou à fin d'informer, il peut parfois être un acte
négatif53(*). La
loi exige du réquisitoire qu'il soit écrit. Il doit faire mention
de l'extinction ou non de l'action pénale, qualifier les faits
dénommés, surtout être daté et signé par le
Procureur de la République. Le réquisitoire initial est transmis
au juge par intermédiaire du président du tribunal. Celui-ci est
complété en cours de procédure par le réquisitoire
supplétif54(*).
Tout réquisitoire conforme à la loi met à la charge du
juge d'instruction une obligation d'informer55(*). La qualification du ministère public ne
liant pas le juge d'instruction, celui-ci peut constater que les causes
affectant l'action publique ne sont pas constitutives d'infraction. Il peut
constater son incompétence, tout comme l'inculpé peut
bénéficier des immunités. De la même manière,
la saisine du juge d'instruction soumet ce dernier au secret professionnel
réprimé par l'article 310 du code pénal qui en même
temps reste une garantie au secret de l'instruction56(*). Toutefois, il est important
de noter que tous les effets produits par le réquisitoire du procureur
restent les mêmes lorsque le juge d'instruction est saisi par la
victime.
ii- La plainte avec
constitution de partie civile
La victime et le ministère public étant les
principales sources de saisine du juge d'instruction, ils disposent des
procédés distincts, même si les effets sont identiques. En
effet, conscient du fait que la victime défend en premier des
intérêts privés, la loi a expressément
rigidifié le mode de saisine accordé à cette
dernière. Les prérogatives accordées à toute
personne qui se constitue partie civile en portant plainte devant le juge
d'instruction semblaient être un moyen de contournement de l'inertie du
ministère public. En réalité, il n'en est pas un, car
pouvant buter sur plusieurs obstacles conditionnant la réception de la
plainte et même sur le mécanisme légal de la
procédure en cas de constitution de partie civile.
Lorsque le juge d'instruction est saisi par une plainte
avec constitution de partie civile, le plaignant est tenu à peine
d'irrecevabilité de consigner au greffe du tribunal de première
instance compétent la somme présumée suffisante pour le
paiement des frais de procédure. Cette somme est fixée par le
juge d'instruction et susceptible d'augmentation57(*). Le plaignant doit
élire domicile au siège du tribunal où se déroule
l'information par un acte du greffe de ce tribunal. A défaut, il ne
pourra opposer le défaut de notification58(*). Au regard de ce qui précède, on peut
noter dans le même sens que la plainte qui saisit le juge d'instruction
est distincte de celle qui saisit le Procureur de la République en ce
sens qu'elle doit être timbrée. Le juge d'instruction ne pouvant
être saisi d'une plainte irrégulière59(*), on doit dire que toutes ces
conditions constituant déjà une sorte d'épée de
Damoclès sur la tête des justiciables camerounais connaissent des
limites60(*). Lesquelles
limites sont elles même une exception au principe de la gratuité
de la justice et partant des services publics. On pouvait alors croire
résolus les problèmes de la partie civile lorsque les conditions
légales de constitution de partie civile sont remplies. Il n'en est
rien. Après l'accomplissement de toutes ces conditions, l'ouverture de
l'instruction ne peut avoir lieu que si le juge d'instruction après
communication de la plainte au Procureur de la République obtient son
réquisitoire introductif d'instance61(*). Il peut tendre à l'irrecevabilité de
la partie civile ou à mieux cadrer l'information. Aussi, est-il encore
important de rappeler que ce mode de saisine constitue un véritable
risque pour la victime. Nous pouvons tout abord parler d'un risque financier
dans la mesure où le Procureur de la République peut interdire la
recevabilité de la partie civile, mais aussi la victime peut voir sa
responsabilité civile engagée pour constitution de partie civile
abusive au cas où le juge d'instruction venait à rendre une
ordonnance de non-lieu62(*) et surtout si les dépens sont mis à la
charge de ce dernier63(*).
Ensuite, la plainte avec constitution de partie civile
risque aussi d'engager la responsabilité pénale de la victime. En
effet, selon les termes de l'article 260 ; «L'inculpé
bénéficiaire d'une ordonnance de non lieu devenue
définitive peut agir en dénonciation calomnieuse contre la
partie civile...».
Si l'on doit saluer ce droit conféré
à la victime pour la sauvegarde de ses intérêts, il faut
tout de même porter l'attention de l'opinion sur l'usage de celui-ci non
pas comme un objet de dissuasion, mais comme une garantie de
l'intérêt privé dans une matière où prime
l'intérêt général.
S'il reste que l'on peut qualifier celles-ci de sources
principales de saisine de la juridiction d'instruction, il n'en demeure pas
moins vrai que la loi prévoit d'autres mécanismes saisissant le
juge d'instruction même, si ces modes de saisine peuvent être
qualifiés de contentieux, leur considération comme tels se
justifie non seulement par le fait qu'ils produisent les mêmes effets que
les modes principaux de saisine, mais surtout qu'ils s'écartent des
mécanismes traditionnels de saisine du juge d'instruction. Il s'agit
d'une saisine par dessaisissement du juge d'instruction. Ce mécanisme,
bien qu'il permette de rendre un juge d'instruction initialement
étranger à l'affaire compétent, reste néanmoins un
mécanisme de régulation de la justice que de saisine du juge
d'instruction. Toutefois, il est important de remarquer que la portée
reste identique quel que soit le moyen mis en oeuvre pour la saisine du juge
d'instruction.
B- La portée de la
saisine du juge d'instruction
La saisine du juge d'instruction, indifféremment du
mode produit une double portée. Elle concerne aussi bien les faits
constitutifs d'infraction (i) que le(s) responsable(s) desdits faits (ii).
i- La portée de la
saisine quant à l'infraction.
Le principe est que le juge d'instruction est saisi
``in rem'' c'est-à-dire uniquement des faits qui lui sont
adressés dans un réquisitoire du Procureur de la
République. Ceci ne semble pas être le cas lorsqu'il s'agit de la
plainte de la partie civile. Dès lors, le juge d'instruction pourrait
voir ses ordonnances frappées de nullité s'il venait à
instruire où à délivrer des commissions rogatoires pour
des actes dont il n'est pas saisi64(*). Toutefois, la jurisprudence essaye d'encadrer le
principe, même si elle admet que les faits qui ne sont pas dans le
réquisitoire ne sont pas dans la saisine65(*). Elle veut ainsi dire que dans le sens de in
rem, on doit entendre les visas des dossiers du Procureur de la
République, mais aussi et surtout celui des qualifications
pénales y afférentes66(*). Cependant, des faits nouveaux peuvent naître
au cours des enquêtes.
Ces faits pouvant surgir lors des perquisitions et autres
procédés de recherche de la vérité, la
jurisprudence détermine les marges de manoeuvre du juge d'instruction
dans de telles situations. Il peut procéder à des actes
justifiés par l'urgence. Toutefois, il est interdit de procéder
à des actes coercitifs. Ce cadrage à la fois jurisprudentiel et
légal bute sur un même obstacle : la définition de
« fait nouveau ». De toutes les façons, la
jurisprudence résout la question en ceci qu'elle admet des faits
franchement nouveaux67(*)
et des faits partiellement nouveaux. Les premiers ont nécessairement
besoin d'un réquisitoire supplétif pour que l'instruction soit
ouverte. Il faut citer ici les faits connexes. Cependant, les faits
indivisibles et constitutifs de circonstances aggravantes peuvent être
instruits sans ce réquisitoire. Mais, ces faits instruits sans
réquisitoire doivent automatiquement figurer dans l'ordonnance de renvoi
du juge car le prévenu ou l'accusé doit être informé
de ses chefs d'accusation68(*).
ii- La portée de la
saisine quant aux personnes
Le principe étant que le juge d'instruction est
saisi in rem, on en déduit qu'il ne peut l'être in
personam. Ceci s'explique par le but même de la procédure
pénale qui n'est autre chose que la recherche des infractions, le
rassemblement des preuves, la recherche des auteurs et le jugement des
délinquants. Si elle tend le plus souvent à démontrer la
culpabilité des individus, il n'en demeure pas moins qu'elle s'oblige
aussi à démontrer l'innocence de certains. D'où la
prohibition d'une telle saisine. En effet, la loi précise que le
réquisitoire peut être fait contre une personne
dénommée ou non dénommée69(*). Ceci justifie de la
liberté de manoeuvre du juge d'instruction s'agissant des individus. Il
peut inculper toute personne indépendamment du réquisitoire ou de
la plainte70(*), son
rôle étant de rechercher les charges et les auteurs sur lesquels
pèsent celles-ci.
Cette « liberté »
donnée au juge d'instruction quant aux personnes est une garantie contre
l'arbitraire du ministère public. L'extension de l'inculpation à
toute personne soupçonnée d'une infraction permet de retirer au
ministère public la capacité de limiter arbitrairement les
poursuites à telle ou telle personne. Dès qu'il est saisi, le
juge d'instruction met en oeuvre ses pouvoirs.
§-II Les pouvoirs
du juge d'instruction
L'époque de la confusion entre l'autorité de
poursuite et celle de l'instruction est aujourd'hui révolue. La loi de
2005/007 loin de constituer un ``petit séisme''71(*) aura été un
véritable raz de marée, du moins en ce qui concerne la
distribution des fonctions répressives. Elle consacre de nouveau le
vieux principe déjà applicable dans le CIC de 1808. Il s'agit du
principe de la séparation des autorités répressives que
certains sont même allés jusqu'à comparer à la
séparation des pouvoirs consacrée en droit
constitutionnel72(*). La
consécration de ce principe par le législateur de 2005 fait
renaître un «ancien nouveau» ou mieux un revenant
considérée même comme un messie73(*). Celui-ci tenant la phase la
plus délicate de la procédure, nous pouvons aisément
s'interroger sur l'entendue des attributs dont il est dépositaire.
Cependant quelques inquiétudes demeurent quant au professionnalisme des
juges aujourd'hui chargés de l'instruction, car restés longtemps
écartés de celle-ci. La formation des juges au Cameroun
étant une formation générale, nous pouvons estimer que les
juges qui seront choisis pour l'information judiciaire sauront mettre en oeuvre
les multiples fonctions qui accompagnent cette phase procédurale. Il
s'agit de la fonction d'instruction (A) et de la fonction de juridiction
(B).
A- Les pouvoirs
d'information du juge d'instruction
Une large opinion du public fait du juge d'instruction un
homme en quête systématique de charges pour confondre la personne
inculpée. On a souvent tendance à oublier que ce dernier doit
instruire objectivement en recherchant au besoin tous les faits de nature
à établir l'absence d'infraction. C'est pour dire que le juge
instruit ``à charge et à décharge''. Cette mission du juge
d'instruction, d'une délicatesse avérée nécessite
l'accomplissement d'une multiplicité d'actes. Ces actes peuvent à
la fois être accomplis personnellement par le juge d'instruction, mais
aussi par d'autres personnes commises à cet effet. Le pouvoir
d'information du juge d'instruction se résume donc comme l'ensemble des
actes que celui-ci effectue dans le cadre et dans les limites de ses fonctions
pour traquer ou innocenter les personnes mises en cause. Dans tous les cas, le
juge d'instruction conduira sa mission soit seul soit avec l'aide des autres
acteurs de la procédure pénale. Ceci dépendra de la nature
de l'affaire74(*).
Dès lors, il est évident que le pouvoir d'information du juge
d'instruction se répartit entre les actes accomplis personnellement par
ce dernier (i) et les actes délégués (ii).
i- Les compétences
personnelles du juge d'instruction.
Le principe veut que le juge d'instruction soit saisi
in rem c'est-à-dire uniquement des faits. Ceci laisse la latitude
à ce juge d'avoir une liberté d'action sur quiconque sera
suspecté d'être auteur ou complice d'une infraction. Il faut
déduire logiquement de ce qui précède et à la
lecture de la loi de 2005 que le juge d'instruction est compétent pour
accomplir des actes qui porte tant sur la personne (a) que sur les biens de
celle-ci (b).
a- La compétence du juge d'instruction sur les
personnes
Saisie d'un réquisitoire nominatif ou non, le juge
d'instruction a l'obligation de rendre une ordonnance à fin d'informer
ou de refus d'informer75(*). Lorsqu'il opte pour l'ouverture de l'instruction, il
peut agir contre des personnes identifiées ou non. Lorsque la personne
est nommée, le juge procède à son inculpation s'il existe
contre lui des indices graves concordant à sa culpabilité. A ce
moment précis de la procédure, le juge est doté de
prérogatives pouvant aller jusqu'à atteindre la liberté de
l'individu. Toutefois, le juge d'instruction doit aussi bien mettre en oeuvre
ses pouvoirs qu'il respecte ses devoirs. Le juge d'instruction peut ainsi par
divers mandats obliger une personne à participer à l'information.
Il s'agit des mandats de comparution, d'amener, d'arrêt et de
dépôt et même de détention provisoire.
Le mandat de comparution met la personne en demeure de se
présenter devant son signataire, aux dates et heures y
indiquées76(*).
Quant au mandant d'amener, il est l'ordre donné aux officiers de police
judiciaire de conduire immédiatement devant son auteur la personne y
désignée77(*). Le mandat d'arrêt consiste à donner
l'ordre pour la recherche de l'inculpé, le mandat de détention
provisoire est l'ordre donné par le Procureur de la République au
juge d'instruction d'autoriser la réception d'un individu dans une
maison d'arrêt.
Dès que le juge d'instruction reçoit un
individu en vertu d'un mandat ci-haut cité, il l'entend sans
délai. Lors de l'interrogatoire de première comparution, il
identifie l'inculpé par un procédé souvent dit
«interrogatoire d'identité »78(*). Après l'inculpation,
il pèse sur le juge plusieurs obligations79(*). En dehors des actes accomplis
par le juge sur les personnes expressément mises en examen, celui-ci
peut aussi auditionner les témoins. Il le fait par convocation ou par
citation. Le juge procède à l'identification des témoins.
Après audition, il fait lire à ce dernier sa déposition.
Tous les actes accomplis par le juge sur les personnes sont à peine de
nullité consignés dans le procès verbal qui est
paraphé par le juge, le greffier, le témoin et
l'interprète s'il en existe80(*).
b- La compétence du
juge d'instruction sur les biens
On a coutume d'entendre parler des pièces à
conviction durant la procédure. Il peut s'agir de toute chose qui,
placée sous la main du juge peut servir de preuve. Ces pièces
peuvent se constituer de documents écrits, de tout autre objet ayant
permis la commission du crime ou appartenant à la victime. Ceux-ci
pouvant être dissimulés, la loi accorde au juge d'instruction
comme à la police judicaire tout un arsenal pour retrouver ces
pièces. Il s'agit entre autres des perquisitions et des saisies.
Selon l'article 177, « le juge
d'instruction peut se transporter sur toute l'étendue du ressort
territorial de sa juridiction pour effectuer tous les actes d'information
utiles à la manifestation de la vérité, et notamment
procéder à des perquisitions et à des
saisies ».
Les perquisitions s'imposent aux intéressés
et peuvent se faire dans tous les lieux81(*). Elles sont avec les saisies les moyens d'action sur
les biens d'autrui par le juge d'instruction, il faut cependant remarquer que
dans le but de protéger les libertés et les droits fondamentaux
des individus, elles sont strictement encadrées. On aurait pu
néanmoins se dire que l'erreur sur le lieu, le bien fondé et
l'opportunité de la perquisition ne pouvant fonder une action en
dommages intérêts consacre une liberté totale du juge
d'instruction. Il en est rien. Le juge d'instruction est soumis au respect de
la règlementation selon qu'il se trouve chez l'inculpé, le tiers
ou chez un professionnel.
S'agissant de l'inculpé, la perquisition et la
saisie ne sont valables que si les dispositions des articles 92 à 99
sont respectées. En ce qui concerne les professionnels, les
perquisitions ne peuvent être valables que dans les conditions
prévues par les articles 106 et 107. Le juge d'instruction ne peut
retenir que les objets pouvant contribuer à la manifestation de la
vérité. Dans le cas contraire, ils seront restitués et
mentionnés au procès verbal. Les objets saisis doivent faire
l'objet d'un inventaire. Le juge est lié par le secret professionnel.
Dans le cas contraire, il s'expose aux sanctions de l'article 310 du code
pénal. Toutefois Le juge d'instruction peut tout de même
déléguer certains de ses actes.
ii- Les compétences
déléguées du juge d'instruction
Transport sur les lieux, perquisitions, saisies et audition
des personnes, voilà répertoriées les techniques qui
permettent au juge d'instruction de rassembler le maximum d'indices qui
pourront contribuer à culpabiliser ou non l'inculpé. Toutes ces
techniques nécessitent un ensemble de mouvement de « va et
vient » qui peuvent parfois égarer le juge dans sa quête
et contribuer par là au prolongement de la procédure. Fort
heureusement, le législateur pour pallier cet imbroglio a prévu
des commissions rogatoires. Elles consistent en une délégation
écrite par laquelle le juge d'instruction, pour des raisons d'ordre
technique, pratique ou de bonne administration de la justice, charge un autre
juge d'instruction ou un officier de police judiciaire, de procéder en
ses lieux et places un ou plusieurs actes d'instruction82(*). Elles peuvent
s'étendre sur le sol national comme dans l'espace international. Les
commissions rogatoires présentent des avantages et des
inconvénients. Tout d'abord, elles permettent d'élargir la
compétence rationae loci du juge d'instruction.
Ensuite, elles désengorgent aussi l'éventuel encombrement du
cabinet du juge et décharge même ce dernier de l'accomplissement
de certains actes.
Cependant, elles présentent un danger dans la mesure
où le juge d'instruction peut avoir tendance à se
décharger de ses obligations au profit des auxiliaires. À
côté de ces commissions rogatoires (a) qui constituent la
charnière des actes d'instruction délégués, on peut
citer une autre forme de délégation qui cette fois s'impose au
juge d'instruction car ne pouvant s'accomplir que par un professionnel. Il
s'agit de l'expertise (b).
a- Les commissions
rogatoires
« Le juge d'instruction peut donner
commission rogatoire à tout autre juge d'instruction et sous
réserve des dispositions de l'article 152, à tout officier de
police judiciaire à l'effet de procéder à tous les actes
d'information.
Le juge d'instruction ou l'officier de police
judiciaire commis exerce dans les limites de la commission rogatoire, tous les
pouvoirs du juge d'instruction mandant(...) »83(*).
Cette pratique est souvent courante en raison des
nécessités de service pour la rapidité de la
procédure répressive. Cependant, le texte est clair en ce qui
concerne la portée de cette institution. Il limite autant les personnes
destinataires des commissions que l'objet même de ces commissions.
1- La limitation des
personnes habilitées à recevoir les commissions
rogatoires
La loi prévoit expressément deux
bénéficiaires des commissions rogatoires. Il s'agit d'un juge
d'instruction et d'un officier de police judiciaire. Nous pouvons estimer qu'il
était de bon augure que plusieurs juges d'instruction soient
nommés dans un même tribunal. La délégation des
pouvoirs à l'un par l'autre ne pouvant poser de véritable
problème, même si les juges sont des ressorts territoriaux
différents84(*).
Ces bénéficiaires dit principaux des
commissions rogatoires peuvent dans l'exercice de leur mission donner aussi
commissions rogatoires à d'autres officiers de police judiciaire. Cette
prérogative n'est permise qu'aux magistrats à l'exclusion des
officiers préalablement commis. Qu'il soit juge ou officier de police
judiciaire, le bénéficiaire de la commission rogatoire doit
accomplir sa mission dans les limites dictées par le juge mandant dans
son acte.
2- La limitation de
l'objet des commissions rogatoires
Les commissions rogatoires ne doivent pas être un
moyen pour le juge d'instruction de se dévêtir de sa mission
régalienne. Pour cette raison, la doctrine interdit les commissions
rogatoires générales, et la loi de 2005 l'a bien
intégré quand elle précise, « la commission
rogatoire doit indiquer la nature de l'infraction objet des poursuites (...).
Elle ne peut prescrire que des actes d'information se rattachant à
l'infraction objet des poursuites »85(*).
Cette disposition pourrait prêter à confusion
lorsque plus haut la loi précise que le commissionnaire peut
procéder à tous les actes d'instruction (Art 191
alinéa 1). Mais la lettre de l'alinéa 2 de cet article
précise, « le juge d'instruction ou l'officier de police
judiciaire commis exerce dans les limites de la commission rogatoire, tous les
pouvoirs du juge d'instruction mandant ».
Ceci permet de comprendre que la commission rogatoire ne
doit pas simplement prescrire les « actes se rattachant
directement à l'infraction objet des poursuites », mais
ces actes doivent émaner aussi de la volonté du juge mandant.
Cela s'explique par le fait que certains actes ne peuvent être
exécutés par les officiers de police. A ce titre, on peut
citer en exemple les mandats86(*), l'interrogatoire de première comparution, les
confrontations etc.
S'agissant de l'exécution des commissions
rogatoires, elle se fait dans les limites et les délais prescrits par le
juge d'instruction mandant. Il faut dire qu'à peine de nullité,
l'acte de commission doit revêtir son sceau, être daté et
signé par lui87(*).
Les bénéficiaires de la commission disposent des mêmes
pouvoirs que le juge d'instruction sur les actes délégués.
Ils peuvent découvrir de nouveaux faits, les personnes assujetties sont
tenues de comparaître. Ils peuvent mettre les individus en garde à
vue88(*). Ils sont
toutefois tenus d'agir dans les délais prescrits par le juge mandant.
Les actes accomplis par les bénéficiaires sont consignés
dans des procès verbaux. La régularité de ceux-ci sera
vérifiée par le juge mandant qui peut ordonner leur reprise ou
personnellement les accomplir. Cependant, d'autres actes plus techniques ne
peuvent être accomplis par le juge d'instruction et ne demandent que la
présence d'un professionnel.
b- La commission
d'expert
« Lorsqu'une question d'ordre technique se
pose au cours de l'information, le juge d'instruction peut, soit d'office, soit
à la demande des parties y compris éventuellement l'assureur de
responsabilité, ordonner une expertise et commettre un ou plusieurs
experts »89(*).
De ce qui précède, il ressort que la
commission de l'expert n'est possible que pour des questions techniques,
étrangères au juge d'instruction. L'expert ne peut pas être
la partie, même si elle s'y connaissait dans le domaine. La loi
précise que celui-ci peut être commis d'office,
c'est-à-dire à l'initiative du juge d'instruction.
Commis d'office, à la demande des parties ou de
l'assureur de responsabilité, l'expert doit avant l'exercice de sa
mission prêter serment soit oralement ou par écrit. En fonction de
la complexité de l'affaire, il peut être commis plusieurs experts.
La loi précise simplement que ceux-ci doivent être inscrits sur
une liste nationale. Ce choix que l'on peut qualifier de restreint cohabite
tout de même avec la possibilité d'un choix dit large. Il consiste
à choisir tout expert ne figurant pas sur ladite liste, ce dernier
devant simplement se conformer aux mêmes règles que les autres. Il
est cependant important de rappeler que « toute décision
de rejet d'une demande d'expert doit être
motivée ». Elle est susceptible d'appel.
Lorsqu'il est commis, l'expert doit limiter sa mission
sur les questions techniques qui ont commandé son intervention. Il doit
remplir sa mission dans les délais impartis. Ceux-ci sont susceptibles
de prorogation. L'expert doit consigner ses résultats dans un rapport
qui sera notifié aux parties. L'expert qui ne le fait pas dans les
délais pourra être à la diligence du ministère
public poursuivi sur le chef de requis défaillant90(*). Il est important de noter
qu'au cours de sa mission, l'expert, sous le contrôle du juge
d'instruction dispose de prérogatives diverses. Il peut entendre
l'inculpé s'il l'estime utile 91(*). Il ne pourra le faire qu'en présence de son
conseil et du juge d'instruction. Cette nouvelle vision contraste avec une
vielle jurisprudence qui jadis frappait cette pratique de nullité.
Doit-on cependant reconnaitre avec certains
auteurs92(*) le doute qui
peut peser sur la fiabilité des résultats de l'expertise au
Cameroun, en raison de l'insuffisance technologique dans certains
domaines ? Le juge d'instruction étant lié par les
résultats, il est fort probable que ceux-ci influencent l'orientation de
ce dernier. On serait alors appelé pour résoudre ce
problème à consacrer une « expertise
contradictoire », ou libre et contrôlée. Ce qui
évitera dans tous les cas l'arbitraire de l'expert. Nous pouvons aussi
sur cette question déplorer l'insuffisance des textes en droit
camerounais.
Après avoir accompli par lui-même ou par
personne interposée tous ces actes d'information, le juge d'instruction
fait usage de son pouvoir de juridiction.
B- Les pouvoirs de
juridiction du juge d'instruction
Les pouvoirs d'information du juge d'instruction93(*) ne sont pas son apanage. En
effet, tous les actes d'instruction sont le plus souvent effectués au
cours de l'enquête préliminaire par le ministère public.
Arguant de ceci, on pourrait s'interroger sur la nécessité
d'instituer un juge d'instruction. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue
l'élément fondamental qui distingue le juge d'instruction des
autres acteurs du procès répressif et consacrant ainsi son
indépendance. Il s'agit du pouvoir de juridiction reconnu au juge
d'instruction à l'exclusion de tout autre. Le pouvoir de juridiction du
juge d'instruction le distingue du ministère public et du juge de
jugement. L'imperium et la juridictio dont sont investis les
juges d'instruction et les juges de jugement peuvent souvent sous-tendre une
identité du pouvoir de juridiction de ces deux acteurs de la
procédure pénale. La distinction de ces pouvoirs peut se faire
à un double niveau. D'abord, au niveau de la nature reconnue au pouvoir
de juridiction du juge d'instruction (i), ensuite au niveau de la
matérialisation de ce pouvoir qui se fait selon un régime
juridique propre (ii).
i- La nature du pouvoir de
juridiction reconnu au juge d'instruction
Pour Faustin Hélie, « la
procédure est complète lorsqu'elle réunit les
éléments nécessaires pour décider s'il y'a lieu de
prononcer la mise en prévention de l'inculpé et pour
déterminer la juridiction
compétente »94(*). Dans le même sens,
« l'inculpé ne peut être renvoyé devant une
juridiction de jugement, s'il n'a pas été interrogé sur le
fond une fois au moins ou n'a été appelé par un mandat de
justice régulièrement notifié »95(*).
Il ressort logiquement de ce qui précède que
le juge d'instruction ne peut dans l'accomplissement de sa mission traiter des
questions qui touchent le fond de l'affaire. Cela suppose que ce dernier ne
dispose que d'un pouvoir de juridiction provisoire, imparfait, voir
d'orientation (a) qui ne va pas sans conséquences (b).
a- Le pouvoir de
juridiction du juge d'instruction est un pouvoir imparfait
Le pouvoir dont dispose le juge d'instruction même
s'il est juridictionnel n'est que provisoire, dans la mesure où celui-ci
se distingue du pouvoir juridictionnel reconnu au juge de jugement et à
la Cour Suprême. S'agissant du juge de jugement, il jouit d'un pouvoir
dit définitif. Ce pouvoir lui permet de connaitre d'un litige autant
dans les faits que sur le droit. Il est encore dit pouvoir de pleine
juridiction. Cependant, la Cour Suprême jouit elle d'un pouvoir dit
limité. Il est limité d'abord, dans la mesure où la Cour
Suprême ne connait pas des faits, mais seulement du droit ayant permis
de trancher les litiges. Il l'est ensuite, parce qu'il permet à la haute
cour de rendre des décisions juridictionnelles. Ces décisions
sont généralement insusceptibles de recours.
Le caractère imparfait du pouvoir de juridiction
du juge d'instruction s'explique par le fait que ce dernier en revoyant
l'inculpé devant un tribunal, donne plutôt une orientation de
l'affaire et non un dénouement. Le pouvoir juridictionnel du juge
d'instruction n'étant que provisoire, il est interdit à ce
dernier lors de l'accomplissement de ses actes de connaître de
l'entièreté du litige, à savoir les questions de fait et
de droit.
b- Les
conséquences du caractère imparfait du pouvoir du juge
d'instruction
On pourrait penser qu'étant conduit par le juge
d'instruction magistrat du siège, celui-ci dispose dans cette sorte
d'avant procès des mêmes pouvoirs que les juges de fond.
Il n'en est rien, respect du principe séparatiste des fonctions
répressives oblige. Dès lors, le caractère imparfait du
pouvoir juridictionnel du juge d'instruction lui interdit de connaître
des questions de droit relatives à un litige porté à sa
connaissance. Il ne peut en quelque sorte statuer sur le fond du litige. Il
doit, comme s'accordent jurisprudence et doctrine sur ce point, être
celui qui établit la liaison entre les organes de poursuite et les
organes de jugement. Cependant, on ne pourrait nier l'usage du pouvoir de
juridiction du juge d'instruction en cas d'incident de procédure. Il
tranche les contestations en faisant oeuvre de son pouvoir juridictionnel. A
partir de cet instant, l'indépendance du juge d'instruction s'exprime
aussi par la matérialisation de son pouvoir juridictionnel selon un
régime bien élaboré.
ii- Le régime
juridique du pouvoir juridictionnel du juge d'instruction
Au cours de l'information judiciaire, le juge d'instruction
prend plusieurs décisions aux conséquences inégales.
Certaines peuvent être liées à son pouvoir d'information.
On peut citer par exemple les mandats de divers ordres. D'autres sont
liées à son pouvoir de juridiction ; Il s'agit
principalement des ordonnances du juge d'instruction.
Si les premiers ne peuvent être sanctionnés
que de nullité lorsqu'ils ne sont pas conformes à la loi, les
secondes quant à elles ne peuvent être protestées que par
le mécanisme d'appel qui conduira à mettre en oeuvre les pouvoirs
du juge de l'instruction. Mais avant d'en arriver là, il importe de
constater que le pouvoir juridictionnel du juge d'instruction est contenu dans
les ordonnances dudit juge. Il faut en apprécier la portée.
a- Les ordonnances du juge
d'instruction
L'impérium et la juridictio du
juge d'instruction sont consignés dans ses ordonnances. Elles
constituent à la fois l'instrumentum et le
négotium. Le juge d'instruction peut être appelé
avant même de commencer les actes d'instruction à rendre des
ordonnances. Il va tout naturellement clore l'information par une ordonnance.
Tout ceci rend compte de l'extrême diversité des ordonnances du
juge d'instruction. Nous avons en premier les ordonnances prises par le juge
à l'ouverture même de l'instruction ou dite encore
« in limine litis »96(*). Elle peut consister pour le
juge de refuser d'informer, de déclarer son incompétence, de
décider de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile
et enfin de fixer la consignation à fin d'informer.
En cours d'instruction, plusieurs autres ordonnances sont
susceptibles d'être prises par le juge d'instruction. Les unes peuvent
tendre vers la violation des libertés individuelles, à savoir les
ordonnances de mise en détention provisoire97(*) et de placement sous
surveillance judiciaire98(*). De même, certaines ordonnances sont prises par
le juge pour conforter ou contester les droits de la défense. Il faut
ici citer l'ordonnance de commission, et/ou de refus d'une expertise. D'autres
peuvent enfin tendre à élargir l'instruction à de nouveaux
faits, à restituer la liberté de l'inculpé, ou s'opposer
à l'extension de l'instruction. Nous avons ici les ordonnances de mise
en liberté, de soit communiqué et de refus de plus ample
informé. Loin d'avoir énuméré de manière
exhaustive les ordonnances du juge en cours d'instruction, nous pouvons
remarquer que celles-ci comme celles prises à la clôture de
l'information sont pour la majorité sujettes à motivation.
Estimant avoir épuisé les actes
d'instruction, le juge peut prendre une autre ordonnance dite de clôture
de l'information. Celle-ci d'une importance capitale détermine la suite
de la procédure. Elle se décline en trois types. Elle peut
être une ordonnance de renvoi conduisant ainsi l'inculpé devant la
juridiction correspondante99(*). Elle pourra consister en une ordonnance de non-lieu
ou de non-lieu partiel qui retient la responsabilité partielle de
l'inculpé. De toute manière, il importe à l'image de la
diversité de ces ordonnances d'apprécier leur portée.
b- La portée des
ordonnances du juge d'instruction
La portée des ordonnances du juge est
conditionnée par sa nature. On distingue les ordonnances de nature
administrative et les ordonnances de nature juridictionnelle100(*). Il est vrai que le
législateur camerounais est resté vague sur cette distinction. En
effet, tout laisse à croire que toute ordonnance dressée suivant
l'article 257 du Cpp présente une nature juridictionnelle.
Dressée dans ces conditions, l'ordonnance produira des effets sur tous
les auteurs de la procédure. Cependant et selon la jurisprudence, les
ordonnances relevant du pouvoir juridictionnel du juge doivent être
notifiées à l'exclusion de tout autre101(*).
La portée des ordonnances en dépit de cette
grande distinction diffère aussi suivant qu'elle renvoie
l'inculpé ou qu'elle établit un non lieu. En cas de renvoi, la
procédure passe de l'instruction au jugement. Elle change de phase.
Mais, en cas de non-lieu les effets sont variables. L'ordonnance de non-lieu
rétablit l'inculpé dans ses droits. Elle lui offre la latitude de
demander des dommages et intérêts pour les préjudices
subis. Toutefois, il est important de noter que le non-lieu n'exclut pas la
possibilité de réouverture de l'instruction102(*). Toutes ces ordonnances
dites juridictionnelles ne peuvent être contestées que devant un
juge jugé supérieur au précédent, ou devant une
juridiction différente de la première de par sa composition. Il
s'agira en vertu des pouvoirs reconnus à cette dernière d'un
second degré de juridiction.
SECTION II : LE
SECOND DEGRÉ DE L'INSTRUCTION
Le premier degré de l'instruction est
l'oeuvre d'une juridiction particulière, il serait donc utopique de
penser à un second degré de juridiction conçue dans un
classicisme habituel, une juridiction de fond n'ayant encore été
saisie103(*). Pour cette raison,
l'organisation judiciaire au Cameroun prévoit au sein des Cours d'Appel
et, selon les nécessités de services plusieurs chambres dont la
Chambre de Contrôle de l'Instruction. Cette dernière est
compétente pour connaitre des contestations nées au cours de
l'instruction devant le juge d'instruction.
Autrefois qualifié de chambre de mise en accusation,
le second degré de l'instruction est aujourd'hui constitué de la
Chambre de Contrôle de l'Instruction logée à la Cour
d'Appel. En tant que juridiction de second degré, l'examen des
contestations est l'oeuvre d'un collège de juges. Cependant,
l'instruction devant la Chambre de contrôle n'est possible que si
celle-ci est saisie (§-I). C'est cette saisine qui permettra à la
Chambre de mettre en oeuvre ses pouvoirs en la matière (§-II).
§-I- La
saisine de la Chambre de Contrôle
Admis par certains comme juge
« naturel » de l'instruction104(*), la Chambre de
Contrôle de l'Instruction est de principe le second degré de
juridiction en matière d'instruction. En effet, selon l'article 267,
« Les actes du juge d'instruction peuvent être
frappés d'appel devant la Chambre de Contrôle de l'Instruction
(...) ».
À la lecture de cet article, on peut penser que la
Chambre n'est saisie que par le mécanisme d'appel, mode traditionnel de
contestation des décisions des juridictions de premier degré. Il
n'en est rien, car la loi pénale de 2005 prévoit bien d'autres
mécanismes de saisine cette instance qu'il importe d'examiner (A). On ne
pourra en douter que la diversité de moyens de saisine de la Chambre
produise des effets identiques (B).
A- Les mécanismes de
saisine de la Chambre de Contrôle de l'Instruction
À l'image des parties concernées par le
procès pénal, on ne peut se douter de ce que les modes de saisine
du juge de l'instruction soient diversifiés. En effet, la saisine de la
Chambre peut aussi dépendre des actes querellés. En tout
état de cause, les mécanismes de saisine restent
conditionnés par la partie qui entend porter sa contestation devant
cette chambre. On peut toutefois parler des modes ordinaires de saisine (i) et
du mode réservé de saisine de la
Chambre de Contrôle de l'Instruction (ii).
i- Le mode ordinaire de
saisine de la Chambre de Contrôle
L'appel est considéré comme le mode
ordinaire, voir même traditionnel de saisine de la Cour d'Appel. La
Chambre de Contrôle de l'Instruction qui constitue une section
spéciale de cette juridiction ne peut déroger à ce mode de
saisine. Alors, considéré comme voie de recours ordinaire contre
les décisions des juridictions de premier degré, il nous
échoit dans le cadre de cette étude de remarquer l'inégale
répartition du droit d'appel entre les principaux
bénéficiaires au cours de l'instruction préparatoire (a).
Il faut cependant constater qu'il est soumis à un formalisme simple
(b).
a- L'inégale
répartition du droit d'appel entre les
bénéficiaires
Au cours de l'instruction, seuls le ministère
public et les parties bénéficient du droit de contestation des
actes du juge d'instruction par voie d'appel. Ce droit est réparti de
manière inégale entre ces derniers.
1- Le droit d'appel du
ministère public
Le ministère public dispose d'un droit d'appel plus
large. En effet, comme le confirme l'article 268, « Le
ministère public peut sauf dispositions contraires ; interjeter
appel contre les ordonnances rendues par le juge d'instruction
(...)».
Ce texte ne limite pas le champ d'action du
ministère public dans ce domaine. On pourrait se dire que le
législateur camerounais à l'image de son homologue
français parle de « toute » ordonnance du juge
d'instruction. Cependant, on s'accorde pour reconnaitre l'existence de la
nature différente des ordonnances. La préoccupation sera donc
celle de savoir si quelque soit sa nature, l'ordonnance est sujette au recours.
Selon la doctrine majoritaire cette question est tranchée par la
négative. Sont seules sujettes à appel les ordonnances
juridictionnelles du juge105(*). Dans le même sens, une partie de la doctrine
affirme que les ordonnances du juge d'instruction sont susceptibles d'appel
« quelle que soit leur nature
juridique »106(*). La position de cet auteur paraît la plus
acceptable dans la mesure où la distinction ordonnance
administrative-ordonnance juridictionnelle n'est qu'une oeuvre de la doctrine
et de la jurisprudence, la loi elle-même ne faisant pas une telle
distinction. Le ministère public peut donc interjeter appel contre
toutes les ordonnances, y compris celles qui sont conformes à son
réquisitoire107(*). Ceci se justifie par le fait que celui-ci ne
« doit jamais être lié par une prise de position
qui, ultérieurement, pourrait lui sembler peut conforme à
l'intérêt général »108(*).
Le fait de contester toutes les ordonnances du juge
d'instruction peut aussi être fondé par le rôle que la loi
accorde au juge. Selon l'article 150, «lorsque le juge d'instruction
décide d'informer, il procède à tous les actes
d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité ».
Considérant à cet effet que, rentrent dans
les actes utiles à la manifestation de la vérité les
décisions administratives et juridictionnelles du juge d'instruction,
ces dernières devant être consignées dans les ordonnances,
il est admis que par voie de conséquence, elles devraient être
toutes sujettes au droit d'appel reconnu au ministère public. Nous
pouvons sans ambages remarquer l'ambigüité de la portée
d'une telle prérogative.
D'abord, elle pourra consister en une véritable
atteinte à l'indépendance du juge d'instruction. Si
l'indépendance suppose la «liberté d'action» sans
crainte possible de contrôle, le juge d'instruction pourrait se voir
retirer même la possibilité d'organiser sa propre mission dans la
mesure où même ses ordonnances administratives sont susceptibles
d'appel.
Ensuite, un tel droit constitue un atout à la bonne
administration de la justice, gage d'une bonne procédure même si
parfois le droit d'appel peut contribuer aux lenteurs judiciaires.
2- Le droit d'appel des
parties
La loi est claire et non équivoque :
«l'inculpé ne peut relever appel que des ordonnances relatives
à la détention provisoire, à la demande d'expertise ou de
contre expertise et à la restitution des objets saisis».
«La partie civile ne peut relever appel que des
ordonnances de refus d'informer, d'irrecevabilité de la constitution de
partie civile, de rejet d'une demande d'expertise ou de contre expertise, de
restitution des objets saisis ou de non-lieu»109(*).
De ces deux textes, il ressort que le domaine d'action des
parties (l'inculpé et la partie civile) est limité en ce qui
concerne l'appel. Contrairement au ministère public qui peut
«interjeter appel contre les ordonnances rendues par le juge
d'instruction» sans précision aucune, les parties ne le
peuvent que contre des ordonnances, précises. Il s'agit uniquement de
celles qui portent atteinte à leurs droits. Certains auteurs parlant du
droit d'appel des parties, le caractérise d'exceptionnel110(*). Si le droit camerounais se
range sur cette position, il n'en va pas autrement pour le droit
français. Seulement, ce dernier élargit un peu plus le droit
d'appel des parties. L'article 186 du Code de Procédure Pénale
français permet aux parties de faire appel des ordonnances de non
informer, de non lieu, de l'ordonnance par laquelle le juge a statué sur
sa compétence. Bref le code parle des ordonnances
« faisant grief aux intérêts
civils». De la même manière qu'une ordonnance
fait grief à une partie prenante au procès, elle peut en faire
autant aux tiers. Lors des perquisitions et saisies, il peut arriver que le
juge saisisse des biens n'appartenant pas à l'inculpé. On se
demande alors si ces actes faisant grief sont susceptibles d'appel. La loi
semble claire sur ce point. Il n'existe en principe pas de droit d'appel pour
les tiers. En effet, l'article 179 alinéa 5 est formel. Il
dispose : «toute personne qui prétend avoir droit sur les
objets et documents saisis peut réclamer la restitution au juge
d'instruction qui statue après réquisition du Procureur de la
République, par ordonnance non susceptible de recours, notifiée
au partie».
b- Le formalisme de
l'appel
Si les personnes et les actes sur lesquels l'instruction a
porté sont considérés comme conditions de fond de
l'exercice du droit d'appel, il est important de scruter le contenu et les
contours formels de l'appel. S'agissant de la forme, on doit préciser
qu'elle est une exigence de la loi. En effet, elle précise que,
« les actes du juge d'instruction peuvent être
frappés d'appel devant la chambre de contrôle de l'instruction,
dans les formes et délais prévus aux articles 271 et
274»111(*).
En ce qui concerne les modalités technico-pratiques
de l'appel, il se fait par requête non timbrée adressée en
quatre exemplaires au président de la chambre. L'ordonnance
querellée y est jointe sous forme de copie. Comme tout acte de
contestation devant la justice, il doit « à peine
d'irrecevabilité, articuler et développer les moyens produits
à l'appui de l'appel». Il faut dire que la juridiction
supérieure s'oblige en cas d'appel de dresser le procès-verbal de
réception, de notifier l'acte au Procureur Général
près la Cour d'appel et aux autres parties.
S'agissant des délais, l'appel doit être
interjeté dans les quarante huit (48) heures qui suivent, à
compter du jour de la notification de l'ordonnance. La loi requiert aussi les
délais au Procureur Général et aux autres parties pour le
dépôt de leurs conclusions. Cette forme d'interpellation de la
Chambre de Contrôle n'est pas unique. Il existe un autre qui peut sans
risque aucun être jugé de réservé.
ii- Le mode
``réservé'' de saisine de la chambre de contrôle
Nous pouvons dire de ce mode qu'il est réservé
dans la mesure où seul le juge d'instruction peut le mettre en oeuvre
pour saisir la Chambre de contrôle de l'instruction. Il s'agit de
l'ordonnance de transmission du dossier. Cette ordonnance peut
être requise par le juge d'instruction lui-même ou par les parties.
En effet, selon l'article 253 : «s'il apparait au juge
d'instruction qu'un acte d'instruction est entaché de nullité, il
en avise par écrit le Procureur de la République qui requiert la
transmission du duplicata du dossier de procédure au président de
la chambre de contrôle de l'instruction.
Le juge d'instruction prend une ordonnance de
transmission du dossier au président de la chambre de contrôle de
l'instruction. Cette ordonnance est notifiée au Procureur de la
République et aux parties».
Dans le même sens, l'article 254 dispose ;
« si une partie estime qu'un acte d'instruction, à
l'exception des ordonnances énumérées à l'article
257 (1) fait grief à ses intérêts ou à la bonne
administration de la justice, elle adresse au juge d'instruction une
requête tendant à l'annulation dudit acte.
Le juge d'instruction procède comme
indiqué à l'article 253, puis rend soit une ordonnance de rejet,
soit une ordonnance de transmission du dossier à la chambre de
contrôle de l'instruction...».
Il faut ici remarquer que l'ordonnance de transmission qui
saisit la Chambre de Contrôle pourrait produire les mêmes effets
que l'appel. Elle tendra le plus souvent à saisir la chambre pour un
contentieux en annulation. Elle offre une part de contrôle de
l'administration de la justice aux parties. L'ordonnance de transmission ne
peut être requise que par le Procureur de la République,
même lorsque la requête est faite par les parties. Dans tous les
cas, ce mécanisme permet de « purger les nullités
dès que le juge s'en aperçoit afin de repartir sur des bases
solides sans que toute la suite de la procédure soit
atteinte»112(*).
L'ordonnance de transmission présente une autre
image en droit français. Si la loi camerounaise de procédure
permet aux parties de demander au juge d'instruction de saisir la Chambre de
Contrôle de l'Instruction par ordonnance de transmission, le Code de
Procédure Pénale français, permet lui, à celles-ci
de saisir directement la Chambre par requête en annulation. Cette
requête peut buter sur trois bornes.
La requête doit être motivée et copie
doit être adressée à la chambre.
Ensuite, la requête à peine
d'irrecevabilité doit faire l'objet d'une déclaration au greffe
de la Chambre.
Enfin, la requête à fin de nullité ne
doit pas porter sur les vices de procédure pouvant faire l'objet
d'appel113(*).
Le Procureur de la République dispose aussi de
cette faculté en droit français. Nous pourrions donc
résumer ces propos en admettant quatre modes de saisine de la Chambre de
Contrôle. Même si le mode de saisine par requête n'existe pas
au Cameroun, nous estimons que le législateur devrait emboiter le pas au
législateur français, question de renforcer le droit des parties
et une grande lisibilité dans la procédure d'instruction.
§- II Les pouvoirs de la Chambre de
Contrôle de l'Instruction
Il était déjà admis pour souligner la
portée du pouvoir de la Chambre qu'il est «le contrôle
général de la procédure préalable nécessaire
à la décision définitive de clôture de
l'information»114(*). Dans le même sens et de manière plus
précise, une doctrine bien avisée remarque que le pouvoir de
révision reconnu à la Chambre est : «le droit
qu'à la chambre d'accusation de réparer les omissions commises
par le juge d'instruction, de redresser les qualifications données au
fait délictueux, de statuer sur tous les chefs de crimes, de
délits ou de contravention résultant des dossiers de la
procédure, d'inculper des personnes qui n'ont pas été
renvoyées devant elle et, à la fin de son examen, de renvoyer les
individus poursuivis devant la juridiction de jugement
compétente»115(*). Il faudrait, pour résumer ceci dire avec
GUYENOT que la Chambre de Contrôle de l'Instruction apparaît comme
le professeur qui corrige l'élève116(*). Il est donc
évident que la Chambre de Contrôle agit aussi bien sur les actes
d'instruction (A) que sur les actes de juridiction du juge d'instruction
(B).
A- La compétence de
la Chambre de contrôle sur les actes d'instruction
La Chambre de Contrôle dispose de deux
mécanismes principaux pour contrôler ou agir sur les actes
d'instruction du juge d'instruction. Il s'agit du contrôle de
l'opportunité de ces actes (i) et du contrôle de la
régularité des actes d'instruction (ii).
i- Le contrôle de
l'opportunité des actes d'instruction
La Chambre de Contrôle de l'Instruction est
qualifiée à la fois de juge de l'instruction et
d'instruction117(*),
dans la mesure où elle met en exergue les erreurs et omissions du juge
d'instruction et procède elle-même aux actes d'instruction. Elle
dispose de plusieurs moyens légaux pour ses missions, le contrôle
de l'opportunité met en oeuvre le pouvoir de révision de la
Chambre de contrôle de l'instruction. Le pouvoir de révision de la
Chambre n'étant possible qu'à certaines conditions (a), il
s'exerce suivant des modalités propres (b).
a- Les conditions
d'exercice du pouvoir de révision
Pour que la Chambre de Contrôle exerce son pouvoir
de révision, elle doit être saisie de l'affaire tout
entière. Cependant, si elle n'est saisie que d'une partie de l'affaire,
son pouvoir de révision interviendra après qu'elle ait mis en
oeuvre son droit d'évocation. Cette dernière pratique lui
permet selon certains auteurs d'élargir sa saisine118(*). Dès lors, on peut
analyser le pouvoir de révision du juge de l'instruction selon qu'il est
saisi de la totalité de l'affaire (1) ou qu'il ait été
saisi pour une partie de celle-ci (2).
1- La Chambre de
Contrôle de l'Instruction est saisie de l'affaire tout
entière
Il faudra certainement creuser dans la législation
et la doctrine française pour mieux comprendre l'exercice du pouvoir de
révision de la Chambre de Contrôle en cas de saisine de celle-ci
d'une affaire toute entière. En effet, le double degré de
l'instruction étant obligatoire en cas de crime, son pouvoir de
révision est automatiquement applicable lorsque le juge du premier
degré rend une ordonnance de mise en accusation contestée par
appel devant la Chambre. Dans une deuxième hypothèse, le
Procureur Général peut qualifier de criminelle les faits contenus
dans une ordonnance de renvoi devant un tribunal correctionnel ou de police. En
saisissant la Chambre, celle-ci devra réviser toute la
procédure.
Enfin, la troisième hypothèse vise un non
lieu rendu par un arrêt de la Chambre. En cas de réouverture de
l'information sur réquisition du Procureur Général, la
procédure devra reprendre devant cette même Chambre119(*). Au Cameroun, la loi n'est
pas suffisamment claire sur cette procédure. Toutefois, on peut
l'admettre suivant une interprétation téléologique de
certains textes. L'article 281 alinéa 1 dispose par exemple que ;
«Lorsque la Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie
conformément aux dispositions des articles 277 et 278, elle examine la
régularité de l'ensemble des actes de procédure qui lui
sont soumis».
Il faut sous-entendre dans le texte une permission de
l'exercice du pouvoir de révision de la Chambre. Dans le même
sens, l'article 277 permet à la Chambre en cas d'appel contre les
ordonnances du juge d'instruction en matière de détention
provisoire ou de surveillance judiciaire, de restitution des objets saisis de
donner mainlevée du mandat ou de la mesure, soit de restituer ou non les
objets saisis. Généralement, la loi permet que le dossier soit
renvoyé soit au même juge d'instruction, soit à un autre
lorsqu'elle infirme certaines décisions120(*).
2- La Chambre de
Contrôle de l'Instruction est saisie partiellement de
l'affaire
Les termes de l'article 279 sont d'application stricte.
Cet article dispose en effet que : «lorsque la Chambre de
Contrôle de l'Instruction infirme une ordonnance de clôture de
l'information judiciaire, elle peut évoquer et statuer à
nouveau».
On comprend ici que la Chambre de Contrôle de
l'Instruction ne peut s'atteler à annuler où à confirmer
l'acte contesté sans l'avoir totalement étudié. Il est
donc souvent nécessaire pour elle, d'évoquer avant de
réviser. L'évocation lui permet ainsi de prendre connaissance de
l'entièreté du dossier.
Il est cependant important de noter que ce droit est
facultatif pour la Chambre de contrôle. De la même manière,
la loi limite ce droit aux appels contre les ordonnances de clôture
à l'exclusion de toute autre. En France, l'objet de la saisine pouvant
entraîner le droit d'évoquer est plus large. Il peut s'agir des
appels des mises en cause contre un rejet d'une demande de mise en
liberté. Des requêtes des parties, du Procureur, du juge
d'instruction même tendant à l'annulation d'un acte
irrégulier.
En tant que possibilité offerte à la Chambre
de Contrôle de l'Instruction d'étendre l'information à des
faits et personnes autres que ceux qui étaient visés dans les
poursuites, le droit d'évocation n'est pas obligatoire. Il en est ainsi
car il touche à la question très sensible des rapports entre juge
d'instruction et Chambre de Contrôle de l'Instruction qui par voie de
conséquence présente un aspect sanctionnateur 121(*).
b- Les modalités
d'exercice du pouvoir de révision
«La Chambre de Contrôle de l'Instruction
peut soit d'office, soit à la demande du Procureur Général
ou de tout autre partie, ordonner tout supplément d'information qu'elle
estime utile. Il y est procédé, soit par le président de
la chambre, soit par un magistrat du siège de la Cour d'Appel ou par le
juge d'instruction désigné à cet
effet»122(*).
«Lorsque la Chambre de Contrôle de
l'Instruction constate que le juge d'instruction n'a pas statué sur
certains faits dont il était saisi ou que le réquisitoire
introductif d'instance a omis de le saisir de tous les faits
révélés par les procès-verbaux d'enquête
préliminaire, elle est tenue d'ordonner qu'il soit informé sur
toutes infractions ressortant du dossier d'enquête
préliminaire»123(*).
La lecture de ces deux textes donne à profusion des
éclairages sur les modalités de mise en oeuvre du pouvoir de
révision par la Chambre de Contrôle de l'Instruction. Il s'agit en
effet dans le premier cas des suppléments d'information et dans le
second de la prorogation des actes d'instruction.
1- Le supplément
d'information
Le supplément d'information n'est pas un acte
obligatoire pour la Chambre de Contrôle de l'Instruction. Il est
facultatif. Il permet quand besoin y est d'étendre la procédure
d'information à des faits nouveaux ou à instruire de nouveau sur
les mêmes faits en faisant intervenir des personnes nouvelles. Il peut
être fait soit à l'initiative de la Chambre de Contrôle, des
parties ou du Procureur Général. La conduite de ces actes
dépendra de la Chambre de Contrôle de l'Instruction qui peut
commettre son président, un magistrat du siège de la Cour
d'Appel ou un juge d'instruction.
2- La prorogation des
actes d'instruction
Elle est instituée par l'article 282 du code de 2005.
La loi permet à la Chambre de Contrôle de l'Instruction de pouvoir
agir sur des faits non instruits par le juge d'instruction. Peu importe que les
faits aient existé dans les réquisitoires. Il s'agit là du
visage exact du pouvoir de révision. Cette possibilité
donnée à la Chambre de contrôle de l'instruction pour
étendre l'information pose deux problèmes principaux.
D'abord, il y a une violation du principe de la saisie
in rem. La Chambre de Contrôle passe outre cette
saisine et se saisit d'elle-même des faits nouveaux. Cette forme d'auto
saisine au demeurant interdite viole ainsi le principe séparatiste des
fonctions répressives.
Ensuite, la Chambre de Contrôle dans sa saisine
in personam n'est pas liée. Elle peut étendre
l'instruction à qui elle veut si elle le juge nécessaire.
Toutefois, la jurisprudence admet que chaque fois qu'une nouvelle personne doit
intervenir dans ces circonstances, il s'agira plutôt d'un
supplément d'information dans le but de respecter les droits de la
défense124(*). Il
n'est cependant pas permis de perdre de vue que cette possibilité
d'action vise la célérité dans l'accomplissement des actes
d'instruction, et surtout à remplir la fonction idéale du droit
qui est de rendre la justice et surtout la bonne justice.
ii- Le contrôle de
la régularité des actes d'instruction
Si la loi de 2005 consacre une théorie
générale des nullités, c'est dans un but précis.
Elle recherche un équilibre entre les intérêts des
personnes concernées et ceux de la société125(*). En effet, l'article 3 du
code dispose : « la violation d'une règle de
procédure pénale est sanctionnée par la nullité
absolue (...) elle peut être invoquée à toute phase de la
procédure par les parties, et doit l'être d'office par la
juridiction de jugement ».
Dans le même sens, l'article 251 dispose que tout
acte d'instruction accompli en violation des articles 164, 167, 169 et 170 est
nul. L'article 3 est plus précis en parlant de nullité absolue.
Cependant, doit-on penser que les nullités de l'acte d'instruction
relève de l'article 4 du code de procédure pénale ?
La réponse semble négative dans la mesure où les actes
d'instruction peuvent porter préjudice aux droits de la défense
et porter atteinte à l'ordre public. Est souvent aussi restée une
question délicate la définition de la notion même ``d'acte
d'instruction''. La jurisprudence française l'a définie suivant
deux acceptions. Dans un premier temps, ne constituent pas les actes
d'instruction les décisions juridictionnelles qui ne peuvent faire
l'objet de contrôle que suite à l'exercice d'une voie de
recours126(*). Ensuite,
les actes d'instruction sont tous les actes ayant contribué à la
recherche de la vérité par le juge d'instruction, ainsi que ceux
accomplis au cours de l'enquête préliminaire127(*). Ces différentes
conceptions permettent sans doute de déterminer quels actes peuvent
être sanctionnés soit de nullité relative ou de
nullité absolue. Elles permettent aussi de relever la nuance entre les
nullités textuelles et substantielles. Si les premières sont bien
définies par la loi pénale, les secondes quant à elles
font l'objet d'une définition doctrinale.
Quelque soit la nature d'une nullité, on s'accorde
pour reconnaître la compétence de la Chambre de Contrôle de
l'Instruction quant au contrôle de la régularité de
celle-ci. Il est important d'analyser la mise en oeuvre des nullités (a)
avant de voir les effets qu'elles peuvent produire (b).
a- La mise en oeuvre des
nullités
La procédure d'annulation devant la Chambre de
Contrôle reste une question complexe de l'instruction
préparatoire. Elle peut être amenée à sanctionner
les irrégularités. Cependant, il faut qu'elle soit saisie. La
procédure de contrôle de régularité est mise en
oeuvre par les mécanismes prévus aux articles 252, 253 et 254. Il
s'agit en principe de l'ordonnance de transmission du juge d'instruction. Elle
peut être faite sur réquisition du Procureur de la
République, à l'initiative des parties ou même du juge
d'instruction. La loi dispose que lorsque le Procureur de la République
constate des actes entachés de nullité, il requiert par
écrit au juge d'instruction de transmettre le duplicata du dossier au
président de la Chambre de contrôle de l'instruction en vue de
l'annulation de l'acte vicié. Dans le sens inverse, le juge
d'instruction peut lui aussi constater des actes entachés de
nullité. Il avise le Procureur de la République par écrit
qui requiert la Chambre de Contrôle par un acte appelé ordonnance
de transmission.
Dans cet imbroglio, les parties agissent uniquement contre
les actes qui font grief à leurs intérêts propres ou
à la bonne administration de la justice. Elles saisissent par
écrit le juge d'instruction par requête pour que l'acte soit
annulé. Le juge d'instruction procède comme il est décrit
à l'article 253. Ce qui est certain est que l'acte annulé produit
des effets sur la suite de la procédure.
b- Les conséquences
des nullités
La principale conséquence de la nullité ne
peut se poser que par rapport à l'étendue de celle-ci. Nous nous
demandons s'il y a lieu de rapprocher la nullité d'un acte à la
théorie de la jurisprudence américaine des fruits de l'arbre
empoisonné ; en d'autres mots, à la nullité de la
procédure tout entière ? Sur cette interrogation les regards
sont divergents. Il peut arriver que la nullité soit partielle ou
qu'elle soit totale, ou que la nullité de l'acte entraîne
nullité procédurale. Le Cpp n'est pas précis sur la
détermination des nullités applicables. Tantôt il parle de
la transmission du dossier en vue de ``l'annulation de l'acte
vicié'' ou de ``l'annulation dudit
acte''. Tantôt encore, il parle simplement et sans
précision de la transmission du dossier à la Chambre de
Contrôle de l'Instruction. L'analyse de ces textes montre que les actes
entachés de nullité qui sont relevés par le Procureur de
la République et les parties ne peuvent en cas d'annulation par la
Chambre de Contrôle annuler la procédure.
En effet, la Chambre de Contrôle est libre d'annuler
toute la procédure ou un seul acte constaté irrégulier.
Toutefois, la jurisprudence estime que l'acte irrégulier annulé
ne peut entrainer nullité de procédure que s'il existe entre ce
dernier et les autres une connexité indiscutable. Elle affirmait
à travers la cour de cassation que : «La Chambre
d'accusation doit rechercher tous les actes de la procédure ayant un
lien de causalité avec les opérations litigieuses et prononcer
l'annulation de tous les actes dérivant des actes entachés de
nullité»128(*).
Il serait préférable que cette position soit
adaptée par la jurisprudence camerounaise. Il reste donc à
apprécier l'avenir des actes annulés.
D'entrée de jeu, les actes annulés sont
écartés du dossier et classés au greffe129(*). Ils ne peuvent plus servir
de source de renseignement contre les personnes concernées. Cette
interdiction est même sanctionnée de dommages et
intérêts. Cependant, on ne peut s'empêcher de relever cette
espèce de contradiction qui existe dans la loi de 2005. Elle dispose
que :
«L'inobservation des formalités prescrites
aux articles 93 à 99 est sanctionnée par la nullité de la
perquisition et la saisie. Toutefois, les objets saisis au cours d'une
perquisition déclarée nulle peuvent être admis comme
pièces à conviction s'ils ne font l'objet d'aucune
contestation»130(*).
Cette autorisation peut permettre au juge d'instruction de
commettre des infractions de violation de domicile, de correspondance etc. sans
risque d'engager sa responsabilité, car justifiée par la
reconstitution de la vérité. En effet, la nullité d'un
acte devrait en principe entraîner l'anéantissement de celui-ci
quelque soit sa contribution à la recherche de la
vérité.
B- Le contrôle des
actes de juridiction
Généralement, c'est le pouvoir de
contrôle sur les actes d'information du juge d'instruction qui va par
voie de conséquence entrainer le contrôle des actes de juridiction
de ce dernier. Ainsi, la Chambre de Contrôle de l'Instruction est le plus
souvent amenée à examiner tout le dossier. Au cas où elle
l'estime suffisamment éclairée, elle délibère
uniquement sur les charges. Dans le cas contraire, elle peut juger
l'information incomplète. Elle ordonne dans cette hypothèse un
supplément d'information. Tout ceci se solde par la substitution du
pouvoir de juridiction de la Chambre de Contrôle de l'Instruction
à celui du juge d'instruction.
Dès lors, la Chambre peut, lorsqu'elle estime
insuffisante les charges rendre un arrêt de non-lieu. Elle peut aussi
rendre des arrêts de renvoi. Ces décisions ne sont pas sans
conséquences131(*). C'est probablement pour cette raison
qu'indifféremment de son caractère intermédiaire entre la
poursuite et l'instruction définitive, la loi de 2005 a prévu une
moyen de contestation des décisions juridictionnelles de la Chambre de
Contrôle de l'Instruction devant la juridiction suprême.
«Les arrêts rendus par les Cours d'Appel
sont susceptibles de pourvoi en cassation devant la Cour
Suprême»132(*).
Cette disposition permet que les arrêts de la Chambre
de Contrôle au même titre que les arrêts des autres Chambres
soient attaqués devant la juridiction suprême. Tendant à
assurer l'exacte interprétation de la loi et l'unité de la
jurisprudence133(*), le
pourvoi en cassation contre les arrêts d'instruction produit des effets
lorsque certaines conditions sont remplies.
Comme tout acte juridique, le pourvoi contre les
arrêts de la Chambre de contrôle de l'instruction est soumis aux
conditions de fond et de forme.
S'agissant des conditions de fond, le pourvoi ne sera
recevable que s'il émane du Procureur Général ou de la
partie civile. Cette restriction ressort de l'article 285 al 3 qui
dispose : «Le Procureur Général et la partie civile
sont seuls habilités à former pourvoi devant la Cour
Suprême contre les arrêts de clôture de l'information
judiciaire».
Ceci suppose que ne sont recevables que les pourvois
émanant du Procureur Général et de la partie civile
portant sur les arrêts de clôture de l'information à
l'exclusion de tout autre. On peut s'imaginer très justement que les
arrêts susceptibles de pourvoi même s'ils ne sont pas
énumérés par la loi, sont ceux qui violent
l'intérêt général de la société et les
intérêts civils de la victime. Cependant, il est regrettable que
devant le juge du droit, le mis en cause ne puisse défendre ses droits.
Lecture faite de l'article 283 alinéa 3, on remarque une violation
énorme des droits de la défense. Ce qui était permis
à l'inculpé devant la Chambre de Contrôle de l'Instruction
ne l'est plus devant la juridiction suprême, ce dernier devant s'en tenir
à l'arrêt de la Chambre de Contrôle de l'Instruction.
Pour être recevable, la loi précise que le
pourvoi doit être adressé à la Cour Suprême dans un
délai de cinq jours à compter de la date de la notification de
cet arrêt au ministère public, aux parties ou à leurs
conseils134(*).
Le pourvoi est adressé au président par une
requête articulant et développant les moyens fondant le recours.
Celui-ci sera déposé au greffe de la Chambre de contrôle de
l'instruction pour acheminement à celui de la juridiction suprême.
Il y sera joint une copie de l'arrêt contesté.
Que le pourvoi soit contre des arrêts rendus sur le
fond ou des arrêts de clôture de l'instruction, il produit
sensiblement les mêmes effets. L'article 503 dispose : «le
pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif, notamment en ce
que :
a)-Le mandat décerné ou confirmé par
la Cour d'Appel continue à produire son effet ;
b)-Les mesures de surveillance judiciaire ordonnées
ou confirmées par la Cour d'Appel continuent à produire leurs
effets...».
Il faut remarquer que l'effet non suspensif ne s'applique
pas à tous les pourvois135(*). La loi prévoyant la possibilité de
renvoi par la Cour Suprême d'une affaire devant la même juridiction
autrement composée, on peut noter quelques remarques en matière
d'instruction.
D'abord, en ce qui concerne les arrêts de la Chambre
de Contrôle statuant sur une ordonnance de règlement, la
juridiction suprême peut désigner la même Chambre pour
être compétente de l'ensemble de la procédure.
Dans les cas autres que l'ordonnance de règlement, la
Chambre de Contrôle ne peut limiter sa compétence que sur l'objet
du pourvoi. Une fois terminé, elle renvoie le dossier à la
Chambre initialement saisie. Il faut cependant noter que la juridiction
suprême peut dans certains cas évoquer et statuer136(*). Il faudrait tout de
même reconnaître qu'elle ne représente pas un
troisième degré de juridiction, dans la mesure où elle ne
juge que le droit et non les faits.
CHAPITRE II : LES FINALITES DU
DOUBLE DEGRE DE L'INSTRUCTION
L'institutionnalisation de l'instruction à
double degré dans le Cpp n'est pas sans objet, ni le fait d'un simple
hasard ou d'une imitation quelconque. Mécanisme jadis existant dans le
CIC, il fît l'objet d'une modification, justifiée par les
circonstances de l'époque137(*). Si nous pouvons parler aujourd'hui d'un retour au
statut quo ante, il est envisageable pour justifier cela de penser
à tout le bonheur que procure un tel mécanisme dans un
procès à la limite attentatoire aux droits et libertés
individuels. Dès lors, il faut s'interroger sur la portée d'un
tel mécanisme dans la procédure répressive camerounaise.
Une portée qui certainement a reçu des qualificatifs
différents selon les courants doctrinaux. D'aucuns penseront sans doute
que le principe n'a rien amélioré dans la procédure
pénale. Pour d'autres par contre, le principe est un véritable
rempart contre la violation des droits et libertés des justiciables.
A juste titre, nous devons admettre que le
mécanisme du double degré de l'instruction, brillamment
organisé par le législateur de 2005 se conçoit à la
fois comme une garantie du droit à un procès équitable
(section I) et surtout comme un moyen de préservation des droits
fondamentaux et libertés individuelles (section II).
SECTION-I : LE DOUBLE
DEGRE DE L'INSTRUCTION : UNE GARANTIE DU DROIT A UN PROCES
EQUITABLE
Le droit à un procès équitable
suppose que soit suffisamment bien organisée la justice. L'organisation
de la justice pénale passe aussi bien par le bon fonctionnement de la
justice que par le respect des garanties propres à toutes personnes
victimes, suspectées, inculpées, prévenues ou
accusées. C'est cette idée qui est défendue dans
l'article 26 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui
dispose :
« Les Etats parties à la
présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des
tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement des
institutions nationales appropriées chargées de la promotion et
de la protection des droits et libertés garantis par la présente
Charte».
La nécessité présentée par le
législateur camerounais de respecter cette importante disposition
internationale à laquelle l'Etat a adhéré s'illustre par
l'institutionnalisation et l'organisation précise et minutieuse du
principe du double degré de l'instruction, qui pourra être
éventuellement suivi du principe du double degré de juridiction.
Ce principe du double degré de l'instruction remis en surface par la loi
de 2005 et matérialisé par la loi de 2006 corroborant avec le
préambule de la constitution qui dispose : «tout
prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa
culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans
le strict respect des droits de la défense», fait de ce
principe un principe régulateur de la justice (§I), et surtout
d'évitement de l'arbitraire des juges (§II).
§-I Double
degré de l'instruction : régulateur de la justice
Le terme aussi courant de bonne
administration de la justice ne se résume pas seulement
dans les actes d'administration que peut prendre l'autorité judiciaire.
La bonne administration relevant de ces actes peut être taxée de
secondaire ou d'accessoire dans la mesure où une telle prévision
découle tout naturellement des textes de loi procédurale. Il en
est ainsi par exemple, lorsque la loi pénale répartit les
fonctions répressives entre les acteurs de la procédure
pénale, lorsqu'elle réglemente les droits des parties au
procès et le déroulement du procès lui-même. Il
convient donc d'admettre le mécanisme du double degré de
l'instruction comme un moyen de contrôle de l'indépendance et de
l'impartialité des juges d'instruction, consacrant ainsi l'autonomie de
la juridiction d'instruction.
Cependant, une telle autonomisation doit se justifier par
un besoin de justice crédible et de rationalisation des choses. Mais,
son implémentation ne peut se réaliser effectivement que si elle
est garantie par l'indépendance du juge d'instruction (A),
indépendance qui elle aussi est garante de l'impartialité de la
juridiction (B).
A- L'indépendance du
juge d'instruction
Il importe ici d'analyser l'indépendance des juges
d'instruction en tant que donnée fondamentale pour une justice
véritablement garante des droits des justiciables et du droit à
un procès équitable.
L'idée était a priori consacrée. Une
décennie avant la loi portant Code de Procédure Pénale au
Cameroun, la loi fondamentale avait pris de l'avance sur la garantie
d'indépendance des juges en admettant : «le pouvoir
judiciaire est exercé par la Cour Suprême, les Cours d'Appel, les
tribunaux. Il est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif. Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs
fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur
conscience »138(*).
Cette disposition lourde de conséquence nous laisse
un peu dubitatif sur le terrain de la pratique judiciaire.
Si l'indépendance est admise
comme « la qualité d'une personne ou d'une
institution qui ne reçoit d'ordres ou même de suggestions d'aucune
sorte, qui est donc seule à prendre les décisions qu'elle rend,
et qui, en outre n'a pas à rendre compte, dans la mesure où
rendre compte évoque la critique»139(*), on se doit de dire que l'indépendance
ne vaut comme telle que si le juge est couvert par ce bouclier autant contre
les parties au procès que contre les autres pouvoirs de l'Etat,
susceptibles de s'introduire dans le domaine de la justice. Les parties
étant plus à même de contrôler l'indépendance
du juge140(*), il reste
que cette indépendance pose un problème à l'égard
des autres pouvoirs et surtout l'exécutif dans la mesure où c'est
le chef de celui-ci qui est garant de celle-là. Pire encore, il nomme
les magistrats dont la mention de leur inamovibilité n'existe dans aucun
texte de loi.
A s'en tenir à ceci, le doute peut se
pérenniser. Mais, en se référent à la jurisprudence
de la Cour Européenne de sauvegarde des Droits de l'homme, ce doute est
très vite levé. L'indépendance du tribunal selon cette
Cour peut s'apprécier suivant un critère organique, fonctionnel
et psychologique141(*).
L'indépendance la plus matérialisée à travers le
double degré de l'instruction est celle du juge à l'égard
de ses collègues. Cette garantie ne peut passer que par l'instruction
devant une collégialité. Cette possibilité était
déjà émise par Wilfried Jeandidier qui évoquait
l'idée d'une instruction collégiale au premier degré.
Cette idée qui visait plus de célérité dans la
phase de l'instruction, dans la mesure où il «est dangereux de
livrer le sort de l'inculpé à la discrétion d'un seul
homme», sous-entend l'existence d'un contrôle mutuel des juges
connaissant de la même affaire. C'est probablement dans cet ordre
idée que l'article 27 alinéa 2 de la loi n° 2006/015 portant
organisation judiciaire dispose : «l'appel est porté
devant la Chambre de Contrôle de l'Instruction composée de trois
magistrats». La composition collégiale garante de
l'indépendance du juge d'instruction est aussi la garantie de son
impartialité.
B- L'impartialité de
la juridiction d'instruction
L'impartialité du tribunal s'étend des
débats à la sentence du juge. En effet, cette exigence
transcendantale142(*)
consiste pour le juge de ne point avoir de partie pris, de
préférence, de préjugé, elle exige le principe du
contradictoire en permettant aux parties au procès pénal de
pouvoir débattre à ``arme égale'', c'est-à-dire de
jouir de mêmes chances de faire valoir leurs prétentions, en
tenant entre elles la balance égale de recherche des preuves.
L'impartialité exige aussi une obligation pour le juge de n'avantager
aucun des plaideurs. Avant la loi de 2005, cette exigence d'impartialité
pouvait être remise en cause par le fait que l'autorité de
poursuite était en même temps l'autorité chargée de
l'instruction. Aujourd'hui, on peut s'accorder pour admettre que cet obstacle
est banni. Ainsi donc, il s'avère vrai à la lecture du Code de
Procédure Pénale que celui qui poursuit ne peut instruire, ni
juger. De même, celui qui instruit ne peut juger et celui qui juge ne
peut rejuger. Toutes ces prohibitions du cumul successif143(*) se justifient dans la phase
de l'instruction, du moins en ce qui concerne le cumul vertical par
l'interdiction du juge d'instruction de statuer dans la Chambre de
Contrôle de l'Instruction (i), et l'admission de cette dernière
comme juge du contentieux de l'opportunité et de la
légalité (ii).
i- Le juge d'instruction
ne peut statuer dans la Chambre de Contrôle de l'Instruction.
«Tout magistrat du siège peut
être récusé pour l'une des causes ci
après :
c-) S'il a déjà connu de la
procédure ou s'il a été arbitre, conseil ou
témoin»144(*).
Les termes de cet article ne posent plus de doute sur
l'interdiction du juge d'instruction ayant commis les actes d'instruction
à statuer dans la Chambre de Contrôle de l'Instruction. L'appel
étant un moyen de réformation ou d'annulation des
décisions rendues au premier degré de juridiction, on comprendra
mal l'admission du juge décideur dans un procès tendant à
la remise en cause de sa propre décision. Ce dernier sera naturellement
plus enclin à défendre ses arguments qu'à s'investir des
pouvoirs reconnus aux juges du second degré. Encore, plus vrai serait le
risque de mettre en conflit les juges qui siègent en
collégialité dans la Chambre de l'instruction. La jurisprudence
n'émet aucune réserve dans cette interdiction. En effet, dans
deux arrêts rendus respectivement le 31 mai 1988 et le 27 mars 1990, la
Chambre criminelle admet une incompatibilité des magistrats ayant
participé à l'instruction dans la Chambre d'accusation concernant
la même affaire. Dans le cadre du second arrêt, elle
décide :
« Qu'en instituant la Chambre d'accusation
comme juridiction d'instruction du second degré et en lui attribuant la
connaissance des appels des ordonnances du juge d'instruction, la loi a voulu
une garantie efficace à l'administration de la justice ; que le
recours à la Chambre d'accusation serait illusoire si le même
magistrat pouvait dans la même affaire remplir son office dans les deux
degrés»145(*).
Si le principe reste l'interdiction du juge ayant connu le
litige de siéger dans la Chambre de Contrôle de l'Instruction pour
la même affaire, il n'en demeure pas moins vrai que le juge d'instruction
après appel de sa décision peut être sollicité pour
la suite de la procédure. Cette possibilité ne lui permet pas
pour autant de rendre des décisions juridictionnelles.
ii- La garantie
d'impartialité à travers les pouvoirs de la Chambre de
Contrôle de l'Instruction
Les pouvoirs de réformation et d'annulation dont
dispose la Chambre de Contrôle de l'Instruction ajoutés à
sa composition collégiale constituent une véritable garantie
d'impartialité du juge. Dès lors, l'appel interjeté devant
la Chambre peut sous-tendre la sanction de la partialité du juge
d'instruction. En effet, la Chambre de Contrôle de l'Instruction en tant
que juge du contentieux de l'opportunité doit, lorsque le dossier parait
incomplet ou peu approfondi, compléter ou approfondir les actes de
procédure. Si tel est l'économie de l'article 276 du Code de
Procédure Pénale, les articles 268 à 270 permettent aux
parties au procès pénal de relever appel contre les ordonnances
et les actes du juge d'instruction146(*). L'appel ainsi interjeté donne droit à
la Chambre de Contrôle de l'Instruction pour effectuer un contrôle
à la fois subjectif et objectif de l'impartialité du juge.
L'appel, voie de nullité en procédure
pénale147(*)
présente une fonction importante. Il contribue à une meilleure
administration de la justice. Il vise surtout la défense des
libertés individuelles, des droits de la défense par la garantie
d'une justice impartiale. Pour ces raisons, la loi pénale permet que les
actes entachés de nullité au cours de l'instruction soient
à la demande des parties, du ministère public ou du juge
d'instruction transmis à la Chambre de contrôle de l'instruction
qui peut annuler l'acte et procéder comme prévu à
l'article 278148(*). Le
contentieux des nullités soumises à la compétence du juge
supérieur vise la recherche de l'équilibre entre les
intérêts de la société et des délinquants, le
juge d'instruction ne pouvant refaire sa propre autorité des actes qu'il
a précédemment accomplis. La garantie d'impartialité se
veut plus rassurante lorsque les voies de recours sont ouvertes et offertes
d'égales portées aux justiciables. Il ne faut cependant pas nier
l'avancée de la sauvegarde des droits fondamentaux et des
libertés individuelles dans le droit répressif camerounais,
notamment dans la phase de jugement, d'enquête et de l'instruction. Cette
avancée permet aussi de contenir l'arbitraire des juges.
§-II Un moyen
d'évitement de l'arbitraire des juges
L'appréciation souveraine des actes d'instruction par
le juge d'instruction n'est plus discutable149(*). Cependant, leurs décisions ne doivent pas
être prises au mépris des règles existantes et
régissant la procédure pénale. Les garanties
d'indépendance et d'impartialité de la juridiction d'instruction
ne constituent pas un obstacle à l'arbitraire du juge. Ceci ne peut donc
être mieux contrôlé que par la collégialité de
la juridiction (A), le contrôle de l'application du droit (B) dans la
mesure où l'arbitraire consiste le plus souvent en une prise de
décision découlant de sa volonté libre piétinant
ainsi les textes.
A- La
collégialité de la juridiction d'instruction
Si l'on admet que la collégialité permet
d'éviter sur un champ très large l'arbitraire du juge, une
conséquence et la plus acceptable de cette idée est celle selon
laquelle la Chambre de Contrôle de l'Instruction est aussi investie des
pouvoirs de contrôle de l'arbitraire du juge inférieur. En effet,
le contentieux de l'opportunité, de la légalité et de
l'annulation que connait cette chambre permet de sanctionner l'arbitraire du
juge. C'est probablement dans cette hypothèse que la loi prévoit
la possibilité de changer ou de reconduire le magistrat instructeur dans
certains cas précis150(*). Elle peut même en vertu des articles 277 et
279 exercer en lieu et place du juge d'instruction les actes d'information
judiciaire.
L'admission de la collégialité au second
degré de l'instruction pour connaitre des actes d'instruction, moyen de
correction de l'arbitraire du juge s'étend aussi sur les actes souvent
taxés d'actes d'administration judiciaire. La Chambre criminelle de la
cassation a eu à sanctionner l'acte de désignation du juge
d'instruction au motif que le président du tribunal avait fait un choix
arbitraire lorsqu'il ne respectait pas le tableau de roulement. Son acte
était entaché d'excès de pouvoir151(*) . On pourrait par cette
collégialité, penser que le second degré de l'instruction
est épargné d'un éventuel arbitraire des juges. Celle-ci
consistant à passer outre certaines lois ou certains droits reconnus aux
parties, l'arbitraire des juges de second degré peut aussi être
mis en exergue par le pouvoir reconnu à la partie civile et au Procureur
Général. Cette prérogative permet à la Cour
Suprême de juger le droit appliqué par les juridictions
inférieures.
B- Le pourvoi en
cassation : un moyen de juguler l'arbitraire des juges
«Le Procureur Général et la partie
civile sont seuls habilités à former pourvoi devant la Cour
Suprême contre les arrêts de clôture de l'information
judiciaire»152(*).
Cette disposition énonce l'idée selon laquelle
la procédure pénale s'oblige à sauvegarder les
intérêts de la société et ceux des individus. Il est
à regretter que le droit de certains individus ne soit défendable
que jusqu'à la Cour d'Appel. Il s'agit principalement du
délinquant inculpé qui ne dispose plus de moyens de recours
dès lors que la Chambre de Contrôle de l'Instruction a rendu sa
décision.
Cependant, les heureux bénéficiaires de cette
prérogative peuvent contester aisément les torts, les erreurs,
les omissions et l'arbitraire des juges d'instruction autant du premier que du
second degré. En effet, on a souvent eu un regard unique qui
considérait la Cour Suprême comme un simple vérificateur de
l'application et de l'interprétation exacte du droit par les
juridictions du fond. Il constitue par là un véritable juge de
l'arbitraire dans la mesure où la violation de la loi et
l'interprétation imprégnée de sa volonté, ou encore
de ses sentiments sont constitutifs de l'arbitraire des juges. Il ne faisait
aucun doute que la Cour Suprême ne constituait pas un troisième
degré de juridiction. Aujourd'hui par contre, on peut le penser et
à juste titre. Mais cette admission demeure une utopie dans la mesure
où, ni doctrine, ni jurisprudence ne l'ont considérée
comme tel. Mais, nous pouvons remarquer à la lecture de la loi de 2005
l'accentuation du pouvoir du juge de cassation sur les litiges portés
devant les juges de fond. L'article 510 du code de procédure
pénale dispose à cet effet que : «lorsque les
moyens de pourvoi soulevés, soit par les parties, soit d'office sont
fondés, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême casse et annule
l'arrêt attaqué. Dans ce cas, elle évoque et
statue».
Il faut remarquer en filigrane l'existence d'un pouvoir
du juge suprême sur les faits et non plus seulement sur le droit.
L'évocation donnant ainsi des pouvoirs important au juge de cassation,
on peut sans risque de se tromper dire que le véritable juge de
l'arbitraire des magistrats est la Cour Suprême. En effet, le pourvoi en
cassation lui permet de revenir de fond en comble sur les actes et les
décisions des juges du fond. Cette faculté permet à la
Chambre judiciaire de contrôler l'arbitraire des juges à un double
niveau.
S'il est vrai que les décisions des juges du
premier degré ne sont pas directement portées devant la
juridiction suprême, l'existence des motifs de contestation de celles-ci
dans les mémoires153(*) des parties est indéniable. De même, le
législateur n'a pas eu de réticence à penser que
même collégialement composer, les juges de second degré
n'étaient pas totalement immunisés des risques
d'altération du cours de la justice. En effet, même si l'action
à trois est douée de vérité plus que celle
menée par un juge unique, il est envisageable de penser que les juges
n'étant pas des personnages sacrés, peuvent par une conscience
commune rendre des décisions arbitraires qui n'hésiteront pas
certainement d'être remises en cause par le juge suprême. Tout cet
arsenal que nous offre le principe du double degré de l'instruction
quant à l'administration de la justice n'a pour principal objectif que
l'amélioration de la qualité de cette dernière. Ainsi
donc, la bonne justice n'est admise que si les droits des justiciables sont
protégés dans un procès dit équitable.
SECTION II : LE DOUBLE DEGRE
DE L'INSTRUCTION : UN MOYEN PRESERVATION DES DROITS FONDAMENTAUX ET
LIBERTES INDIVIDUELLES
Libertés individuelles et droits fondamentaux sont
en gros ce que l'on a qualifié de droits subjectifs. Les libertés
individuelles sont en substance «l'état d'une personne qui
n'est ni arrêtée ni détenue, qui jouit donc de la
liberté d'aller et de venir»154(*). Cependant, les droits fondamentaux se
conçoivent comme tout droit garanti à la fois par la loi, surtout
la loi fondamentale et les textes internationaux. Ils doivent aussi être
protégés contre l'exécutif et le législatif. La
protection des droits fondamentaux contre ces pouvoirs nécessite qu'en
soient chargés de l'application des textes constitutionnels et ou
internationaux non plus seulement les juges ordinaires, mais aussi les juges
constitutionnels et internationaux155(*). Du moins en ce qui concerne la sauvegarde et la
préservation des droits subjectifs par le juge ordinaire, on peut lui
coller l'étiquette d'une effectivité totale. Aussi, est il encore
contestable aujourd'hui que l'action en justice156(*), les droits de la
défense, à un tribunal impartial et indépendant sont
autant de prérogatives que vise à protéger le principe du
double de l'instruction. Ce principe vise aussi à respecter le principe
de la présomption d'innocence qui confère aux délinquants
plusieurs droits au cours du procès.
La loi de 2005 prévoit expressément ce
principe comme plusieurs autres textes internationaux157(*). C'est donc à juste
titre que cette dernière veille au respect de ce droit. Elle le fait par
des moyens nouveaux comme l'ouverture de l'instruction aux parties (§I) et
surtout par la particularité des délais à statuer
lorsqu'une contestation porte sur des ordonnances du juge d'instruction
(§II).
§-I- La
relativité du secret de l'instruction à l'égard des
parties
Le principe traditionnel du secret de l'instruction est de
nos jours relativisé. Les techniques inquisitoriales et accusatoires
sont de plus en plus usitées, l'instruction est donc plus ou moins
secrète ou publique. Selon l'article 154, « l'information
judiciaire est secrète ». Cependant, il faut admettre
l'extrême souplesse de ce texte qui ne fait plus de l'instruction un
secret absolu. Secret qui n'avait pour seul but que la facilitation des
entreprises judiciaires contre les délinquants, et surtout laisser
volontairement l'accusé dans l'ignorance des charges recueillies contre
lui, de façon à le confondre et à le surprendre plus
aisément.
La relativité de l'instruction permet ainsi aux
personnes inculpées, à la partie civile de demander au juge
l'accomplissement de certains actes, de soulever des nullités. Certes,
le juge d'instruction reste encore « maître du
jeu », mais son refus doit prendre la forme d'une ordonnance
motivée, susceptible de recours devant la Chambre de Contrôle de
l'Instruction. Ce nouveau visage de l'instruction préparatoire rompt
avec la passivité antérieure. La défense comme la partie
civile peut préférer une attitude résolument active en
poussant le juge d'instruction à orienter différemment son
enquête.
Ainsi, il ne fait plus de doute sur l'admission de la
relativité de l'instruction comme un moyen de renforcement des droits
des demandeurs (A) et des défendeurs (B) au procès pénal.
A- Le renforcement des
droits de la défense des demandeurs au procès pénal
On pourrait logiquement s'interroger sur la
possibilité des demandeurs au procès répressif à
disposer des droits de la défense en dépit d'une jurisprudence de
la Cour Européenne des Droits de l'homme qui les réservait
exclusivement aux accusés158(*). Cette conception restrictive des droits de la
défense par la CEDH n'a pas pris en compte que les moyens
adressés par le demandeur dans sa plainte, son acte d'appel ou son
pourvoi en cassation constituaient une véritable défense de ses
droits. D'un autre côté, conscient que les juges ne sont pas des
personnages sacrés, ils peuvent constituer un véritable danger
dont la partie demanderesse devrait s'en débarrasser. Outre les juges
eux-mêmes, les arguments et prétentions de la partie adverse sont
ceux contre quoi tout demandeur voudrait triompher.
Conscient de tout ceci, l'information judiciaire sorte
d'avant procès, constituant le fil d'Ariane de la procédure
pénale dans la mesure où elle donne l'orientation de l'affaire ne
pouvait sauvegarder ces droits qu'en ouvrant l'instruction au demandeur.
L'affaire pouvant être instruite à un double
degré, la loi de 2005 portant Code de Procédure Pénale
permet par des mécanismes légaux au demandeur de sanctionner le
non respect de ses droits de la défense par le juge inférieur.
L'ouverture de l'instruction comme moyen de renforcement des droits de la
défense du demandeur se justifie par une double raison.
D'abord, la partie civile dispose de nombreuses
prérogatives qui lui permettent de contrôler le juge d'instruction
ou d'orienter ce dernier. En effet, la partie civile a le droit au cours de
l'instruction de demander une expertise ou une contre expertise159(*). De même, en vertu du
principe du contradictoire la partie civile à le droit de poser les
questions aux témoins. Il en est de même pour son conseil. Nous
pouvons tout de même préciser qu'il n'existe pas de disposition
légale ordonnant l'interrogatoire de l'inculpé par la partie
civile. Toutefois, ce qui peut ici être admis comme vide
législatif n'en est pas un, car en imaginant qu'il soit accordé
à l'inculpé le droit de poser directement les questions aux
témoins et à la partie civile, il faut sans doute penser qu'il
s'agira d'une confrontation d'où questions et réponses fuseront
de toute part.
Ensuite, la partie civile peut au cours de l'instruction
porter l'attention du juge d'instruction sur les actes faisant grief à
ses intérêts ou à la bonne administration de la justice.
Cette prérogative fait de la partie civile un véritable
défenseur non seulement des intérêts privés, mais
aussi de l'intérêt général.
Tout compte fait, l'immixtion de la partie civile dans le
secret de l'instruction préparatoire permet à celle-ci de mieux
faire respecter ses droits de la défense. Droits qui seraient
certainement bafoués suite à un manque d'information sur le
déroulement de la procédure d'instruction. Les droits de la
défense du demandeur n'étant tournés que vers la
réception de sa cause, ceux de l'inculpé visent à lui
restituer son honnêteté et surtout son honneur.
B- Le renforcement des
droits de la défense de l'inculpé
L'instruction préparatoire ne porte pas que sur
l'imputabilité matérielle des faits, dans sa vocation de
préparation complète du procès pénal, elle
examine les aspects les plus secrets de l'individu, de sa personnalité
et de son entourage. Cette atteinte profonde aux droits de l'inculpé
nécessite une défense rude de la part de ce dernier. Pour ces
raisons le Code de Procédure Pénale prévoit un arsenal de
devoirs à respecter par le juge d'instruction, devoirs qui du
côté de l'inculpé constituent des droits. Nous pouvons
entre autres citer le droit pour l'inculpé de se taire, le droit
d'être informé des faits qui lui sont reprochés. En plus,
au cours de l'information et surtout pendant les perquisitions et saisies, la
présence de l'inculpé est obligatoire160(*). De même, ce dernier
peut fouiller l'autorité chargée des perquisitions et saisies, il
dispose aussi du droit de «poser directement aux témoins, aux
autres inculpés et à la partie civile toutes questions qu'il
estime utiles (...)»161(*). Ce droit est aussi consacré par
l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'homme.
Véritable acteur de l'instruction
préparatoire, on peut sans risque de se tromper dire que :
«Le juge d'instruction n'ayant pas seul le
privilège ou la grâce de savoir ce qui est utile ou non à
la manifestation de la vérité, la modeste modification
suggérée permettrait de ne pas laisser dans l'ombre ou l'oubli
tel ou tel aspect»162(*).
Cette position consacrée par le code de
2005 est d'une importance capitale indéniable. En effet, on peut
admettre avec la doctrine qu'après avoir longtemps relégué
les parties au rang de spectateur de la procédure d'instruction, la loi
a finalement accordé le droit de demander au juge l'exécution de
certains actes d'instruction dans le souci d'accroître
l'efficacité de la procédure163(*). Naturellement, toutes ces prérogatives
reconnues aux parties, inculpés et victimes de défendre leurs
droits en orientant la procédure constituent une véritable
révolution apportée par le Code de Procédure
Pénale. En outre, il s'avère juste à la lecture de ceci
que l'information judiciaire n'est pas secrète à l'égard
des parties au procès pénal. Cette ouverture conduira tout
naturellement à accentuer les pouvoirs de contrôle sur le juge
d'instruction par les parties au cours de l'information judiciaire. Ce pouvoir
de contrôle n'ayant autre but que de défendre les droits des
parties, on ne peut nier une double défense de ses droits au cours de
l'instruction.
La personne poursuivie étant dans une situation de
faiblesse lorsque la procédure est dans sa phase de recherche des
preuves, les droits de la défense sont particulièrement
développés au cours de la recherche des charges. Le juge
d'instruction doué d'une omnipotence dans l'appréciation des
actes d'instruction peut passer outre les réclamations des parties.
Mais, l'appel que pourra interjeter ces derniers remet très rapidement
en cause cette décision. L'effet dévolutif de l'appel, les
pouvoirs de réformation et surtout d'évocation de la Cour d'Appel
(la Chambre de Contrôle l'Instruction) permettront ainsi aux parties
d'exposer leurs droits devant des juges plus expérimentés et
surtout collégialement composés. On peut dès lors estimer
que la collégialité et l'expérience du tribunal d'appel
permettront une appréciation plus juste et plus réaliste des
droits de la défense. Il n'est plus douteux d'admettre le principe du
double degré d'instruction comme un moyen de sauvegarde et de
préservation des droits de la défense durant cette phase
importante de la procédure pénale. Cette sauvegarde et cette
préservation des droits de la défense sont d'autant plus
marquantes que les délais pour la Chambre de Contrôle de
l'Instruction à statuer en cas d'appel n'en prouvent pas le
contraire.
§-II Les délais
pour statuer en cas d'appel devant les juridictions supérieures
L'omnipotence du magistrat instructeur dans la phase
de l'information judiciaire lui permet parfois de prendre des décisions
graves pouvant à la limite restreindre ou supprimer la liberté
d'aller et de venir des personnes. Cette liberté étant au centre
du procès pénal, elle peut souvent être violée avant
même que la procédure judiciaire ne soit engagée164(*). Cette liberté qui
constitue avec tant d'autres des droits fondamentaux va pousser «le
Code de Procédure Pénale à renforcer le dispositif
assurant la liberté des individus non plus seulement après sa
condamnation mais depuis l'orée de la procédure»165(*). Innervant
désormais la procédure pénale, les principes de la
liberté de l'individu comme les autres droits du justiciable aussi bien
défendus par la loi fondamentale que les textes internationaux sont
aussi l'objet d'une protection judiciaire indéniable. En effet, dans la
phase de l'instruction préparatoire, la loi permet à
l'inculpé d'interjeter appel en cas d'ordonnance de mise en
détention provisoire du juge d'instruction. En plus selon la même
loi, «l'inculpé justifiant d'une domicile connu ne peut faire
l'objet de détention provisoire qu'en cas de crime»166(*). Seulement, la
défense la plus ardente des droits à la liberté de
l'inculpé pendant l'instruction ainsi que d'autres droits ne se
résume pas à l'infirme développement sus-effectué.
Il faut scruter les délais imposés à
la Chambre de Contrôle de l'Instruction en cas d'appel pour mieux
comprendre la règle comme véritable clé de voûte de
la sauvegarde, et de la préservation des droits fondamentaux et
libertés individuelles (A), les lois de procédure n'étant
pas des «lex imperfecta». Cependant, on peut
remarquer qu'en dépit du caractère raisonnable de ces
délais, il existe une espèce de vide législatif s'agissant
des délais pour rendre des décisions (B).
A- La
précarité des délais pour statuer en cas d'appel au cours
de l'instruction
«La Chambre de Contrôle de l'Instruction
statue dans les trente jours de la réception de la requête
d'appel ;
En matière de détention, il doit
être statué dans les dix jours de la réception de la
requête d'appel»167(*).
La lettre de cet article établit clairement une
énorme distinction de délais dès lors que l'appel porte
sur la détention provisoire, prototype de violation des droits d'aller
et venir dans la procédure pénale, où que celui-ci porte
sur d'autres droits de la défense.
i- Les délais en
cas de violation du principe de la liberté individuelle
Principe de valeur constitutionnelle168(*), la liberté d'aller
et venir est un droit qui transcende les lois humaines. Elle ne date ni
d'aujourd'hui ni d'hier''. C'est un véritable droit naturel à
l'image des droits exprimés dans l'Antigone de Sophocle.
Véritable droit fondamental tel que pensé par Louis Favoreu, on
ne pouvait plus qu'imaginer pour un Etat qui se veut démocratique
«un Code de Procédure Pénale qui est la panacée
des garanties des libertés individuelles et des droits de
l'homme»169(*).
Droit naturel et droit fondamental, on ne pouvait
attendre d'aucun autre pouvoir sa véritable protection. Le pouvoir
judiciaire assis sur un principe on ne peut plus important à
savoir : le principe de la présomption d'innocence ne pouvait par
aucune autre façon justifier l'extrême précarité des
délais lorsque les juges supérieurs sont appelés à
statuer sur une contestation de détention provisoire. Dix jours, pas le
temps de suffisamment s'imprégner d'un dossier. Mais les juges d'appel
vont devoir protéger un droit sacré. Si ces délais sont
plus que raisonnables, on peut regretter qu'ils ne soient pas étendus
à la surveillance judiciaire qui contraint souvent l'inculpé de
jouir avec parcimonie de sa liberté d'aller et de venir, et de bien
d'autres prérogatives. On ne peut manquer de rappeler que les
délais de détention provisoire qui, autrefois étaient
imprécis sont de nos jours précisés avec fermeté.
Une lecture simple du Code de Procédure Pénale montre que les
droits sont inégalement protégés dans la phase
d'instruction. Cela peut se justifier par le fait que la violation de certains
droits fragilise le principe de l'égalité des armes au
procès tandis que d'autres n'ont aucun effet sur les parties.
D'où l'existence d'autres délais lorsque l'appel ne vise pas de
détention provisoire.
ii- Les délais dans
les cas autres que la violation des libertés d'aller et de
venir
La Chambre de contrôle dispose d'un délai
de trente jours à compter de la réception de la requête
d'appel pour statuer. On pourrait justifier ce délai par une
nécessité de rapidité et de célérité
de la justice. En effet, entre l'instruction par le juge d'instruction et
l'instruction devant la Chambre de Contrôle de l'Instruction, on peut
estimer que le temps requis est assez raisonnable pour éviter toute
dilatation des preuves. D'un autre côté, le double
impératif de la justice pénale peut aussi justifier la
précarité des délais au cours de l'information
judiciaire : la société et la partie civile
particulièrement qui demandent la prompte répression du ou des
coupables et surtout la réparation du préjudice qu'elle a
souffert ; les inculpés qui cependant doivent faire valoir le droit
de faire proclamer leur innocence s'ils sont injustement poursuivis.
On pourrait enfin admettre que la précarité
des délais en cas d'appel au cours de l'information consacre un
véritable droit à un procès équitable qui, le plus
souvent est entaché par des lenteurs judiciaires excessives dues aux
défauts de normes obligeant le juge à statuer. Ce qui
certainement justifiait les propos de la doctrine qui admettaient que
«les lenteurs judiciaires excessives constituaient la principale
caractéristique du système judiciaire camerounais»170(*).
La précarité des délais pour statuer
résout partiellement la question du droit à un procès
équitable basé sur les délais raisonnables dans la mesure
où ceux-ci sont inexistants s'agissant de la procédure devant la
Chambre de Contrôle de l'Instruction.
B- L'incertitude des
délais de procédure en cas d'appel des actes d'instruction
Le droit à un procès équitable
dépend aussi le plus souvent de la durée de la procédure.
Cependant, on peut constater autant au niveau de l'instruction devant le juge
d'instruction que devant la Chambre de Contrôle qu'aucun délai
n'est prévu par la loi. Les délais pouvant être fonction de
la complexité de l'affaire, du comportement des requérants et
même de l'attitude de l'autorité judiciaire selon la Cour
Européenne des droits de l'homme. Il faut cependant admettre que si la
première condition bénéficie d'une légère
attention devant le juge d'instruction, elle est avec les deux autres
constitutives de violation de droits et libertés individuelles devant
les juges supérieurs. Il ne sera pas souvent rare de voir les
délais de détention provisoire prolongés par les juges. Il
pourra aussi en être de même s'agissant de la surveillance
judiciaire. Les juges, conscient du fait qu'il n'existe sur eux aucune
obligation de rendre une décision avant un temps précis pourront
rythmer l'instruction à leur cadence. Cette situation est un peu
regrettable au niveau de l'instruction qui constitue juste une phase
précédant le jugement. Il était donc important pour une
véritable sauvegarde des droits des justiciables que l'instruction soit
callée dans des délais bien déterminés. Aussi,
est-il encore vrai que même si cette phase importante a l'honneur
d'orienter le procès répressif, les qualifications données
au cours de celle-ci ne lient pas le juge du jugement.
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE
Le principe de la séparation des fonctions
répressives est un principe directeur du procès pénal. Si
déjà avant-hier, il faisait partie du droit pénal de forme
au Cameroun171(*), hier
encore son absence était justifiée par des mesures
conjoncturelles et stratégiques de lutte contre le grand
banditisme172(*). Ceci
aura conduit, et avec raison une doctrine à remarquer que
« la réforme de 1972 a introduit un ton plus
répressif dans le droit criminel camerounais »173(*). Aujourd'hui, pour
confirmer ces propos du Doyen VEDEL selon lesquels « il n'y a que dans
les systèmes juridictionnels primitifs que le justiciable cherche son
juge»174(*),
et comme pour sortir de cette situation le justiciable camerounais, le Code de
Procédure Pénale de 2005 semble avoir fait un intéressant
retour à la normale. La création ou la recréation de la
juridiction d'instruction semble être le point de chute de ce principe
dans le droit pénal camerounais de forme.
Au centre de la procédure pénale, la
juridiction d'instruction accomplit à la fois les fonctions
d' « enquête et de jugement175(*) ». Deux fonctions
qui complexifient la fonction d'instruction en lui imposant l'engendrement des
exigences comme la conciliation nécessaire de l'efficacité et
l'implication de l'enquêteur, et, l'impartialité et
l'indépendance du juge176(*). Le législateur de 2005 n'a sans doute pas
oublié de prendre en considération cet aspect. Il consacre une
juridiction d'instruction à double degré. Cette institution du
principe du double degré de juridiction qui est à la fois un
principe général du droit, et un principe constitutionnel trouve
aussi son fondement dans les textes internationaux qui prônent le droit
d'accès à un tribunal, impartial, indépendant et surtout
respectueux des droits de la défense.
Sur le plan formel, il serait injuste de porter des
critiques sur la structure technique et fonctionnelle du mécanisme. La
juridiction d'instruction a su être un savant dosage des
mécanismes connus dans la juridiction de jugement quant à ce
principe du double degré de juridiction au niveau de l'instruction
préparatoire. La Chambre de Contrôle de l'Instruction devient de
par ses pouvoirs un véritable bouclier contre les dérapages du
juge d'instruction.
D'un adage aujourd'hui vulgaire, la
théorie sans pratique est vide et la pratique sans théorie est
aveugle. Il faut dire que si l'excellent encadrement du principe n'est pas
utilisé à bon escient, celui-ci ne peut constituer qu'un autre
mal qui vient s'ajouter aux nombreux autres que connaît
déjà la justice pénale au Cameroun.
Si l'instruction préparatoire n'avait d'autre but
que la célérité de la procédure et le respect des
droits des justiciables, on peut déjà quant à ceux-ci
relever des doutes.
Dans ce sens, la doctrine s'interrogeait
déjà sur le point de savoir si on pouvait affirmer qu'en
choisissant la renaissance du juge d'instruction le législateur de 2005
avait gagné le pari de la célérité et de
l'objectivité. Elle répondait elle-même à cette
interrogation par la négative en affirmant : « les
échos du terrain ne semblent pas aller dans ce sens en ce qui concerne
la célérité. On y dénonce au contraire des lenteurs
procédurales »177(*).
Dans tous les cas on doit reconnaitre que :
«Une codification nouvelle ne peut tout
prévoir, elle ouvre nécessairement le champ à la
controverse sur les points qu'elle n'a pas réglé et il appartient
à la doctrine, à la jurisprudence et à la pratique
d'achever l'oeuvre du législateur. Ce travail pourra s'effectuer sans
ordre, sans idée directive, au hasard des espèces qui seront
soumises aux tribunaux. Dans ce cas l'édifice que le législateur
vient de nous livrer sera rapidement déparé par les constructions
accessoires et disgracieuses de ses utilisateurs »178(*).
Titre II:
LA PRATIQUE DU DOUBLE DEGRE
DE L'INSTRUCTION
La règle du double degré de juridiction est
à l'image de celle du double degré de l'instruction
présentée comme une garantie de bonne justice. Cet idéal
lui a valu sa consécration et sa défense par les textes
internationaux179(*) et
nationaux180(*) et les
éloges qui lui sont reconnus en droit judiciaire. En effet, le conseil
constitutionnel français fait du double degré de juridiction un
principe fondamental du droit. Il admet que celui-ci s'applique autant dans le
jugement de l'action publique que de l'action civile exercée par la
victime. Il affirme que son non respect «serait nécessairement
générateur d'inégalités devant la
justice »181(*). Dans le même sens, le Conseil d'Etat va
accentuer l'idée en admettant la règle comme un principe
général du droit qui ne peut être écarté par
une loi182(*). La
Chambre criminelle de la cassation n'est pas en reste. Dans un arrêt du
29 décembre 1964, elle précise : «Dans tous les cas
où la loi n'a pas attribué à une juridiction le pouvoir de
statuer en dernier ressort, la faculté d'appel subsiste à
l'égard de ses décisions»183(*). Cette décision de la cassation
présente un intérêt double. Lorsqu'elle fait de l'appel une
faculté, elle permet non seulement de comprendre que le droit d'appel
est un droit subjectif. Ensuite, elle limite également le champ
d'appel.
La règle devenue maintenant incontournable dans la
phase d'avant procès, il nous sied de relever que cette dernière
présente d'énormes avantages en procédure pénale.
De même, suivant l'adage populaire selon lequel ``toute
médaille a son revers'', on peut regretter que ce principe
consacré en droit camerounais se présente plutôt comme le
revers de cette brillante médaille. Plusieurs raisons peuvent justifier
cette perception du mécanisme dans notre sphère juridique. Les
unes tiennent aux individus qui animent la justice et, les autres à
l'organisation même de ce service public qui est celui de la justice.
En dépit de cette considération de la
règle du double degré de l'instruction comme un moyen contribuant
aux lenteurs procédurales, passer outre le besoin d'abdication des
lenteurs judiciaires qui anime le législateur camerounais serait
injuste. Pour nous, la nécessité d'une réforme de
l'instruction n'est pas exclue (chapitre II). Mais, une telle analyse ne peut
intervenir qu'après qu'eut été mis en exergue la
dérive du principe comme une cause de lenteur judiciaire (chapitre
I).
CHAPITRE I : MECANISME GENERATEUR DE
LENTEURS PROCEDURALES
Considérée à juste titre comme une
phase essentielle du procès pénal, l'instruction
préparatoire n'a jamais cessé de subir les assauts des juristes
et des politiques. Destinée à la recherche de la
vérité, mais surtout à l'orientation de la
procédure et à l'enrichissement des faits
considérés par le Procureur de la République dans son acte
de saisine, la phase d'instruction connait régulièrement des
mutations souvent justifiées par le besoin de rapidité184(*) et de
célérité185(*) de la procédure pénale.
Si la célérité reste le but majeur de
la procédure d'instruction dans le procès pénal, la
rapidité quant à elle en constitue le talon d'Achille. Trop
longue l'a juge-t-on. Le doyen Fernand BOULAN estimait déjà
que :
«L'instruction préparatoire est trop
longue. Lorsqu'elle se déroule durant de longs mois, sinon des
années, par nécessité ou par commodité, les
détentions provisoires sont prolongées et alimentant les
établissements pénitentiaires à concurrence de la
moitié de la population carcérale. La présomption
d'innocence est bafouée et les droits de la défense vides de
signification face à l'omnipotence pour les uns du juge d'instruction
pour les autres du parquet»186(*).
Hors mis la durée de l'instruction, on peut
aussi remarquer une remise en cause des droits à la liberté et
des droits de la défense autant des victimes que des délinquants,
le plus souvent dictée par les pouvoirs à la fois du juge
d'instruction lui-même ou du Procureur de la République.
A la suite de tout ceci, on peut s'interroger sur les
conséquences de l'instruction, surtout du double degré de
l'instruction sur la procédure pénale. Ce principe bien
qu'étant fondamental ne présente pas toujours les mêmes
objectifs que le double degré de juridiction proprement dit. Si le
dernier tend à obtenir la meilleure justice possible, le premier quant
à lui peut être une véritable arme de dissuasion de la
procédure aux mains des parties au procès. Une
considération à laquelle la loi s'attèle tant bien que mal
à combattre, mais ne pourra l'abdiquer que par une réforme de la
procédure pénale. Tout compte fait, on peut admettre que les
causes de lenteurs judiciaires au cours de l'instruction (section I) ne sont
pas sans conséquences sur l'ensemble du système judiciaire
(section II).
SECTION-I : LES CAUSES DES LENTEURS PROCEDURALES
La justice recoupe pour sa mise en oeuvre à la fois
les hommes qui vont dire le droit pour rendre la justice et un ensemble de
règles et de moyens mis à la disposition de ces derniers pour
accomplir leurs missions. Ceci suppose que les causes de lenteurs
procédurales peuvent provenir vraisemblablement des hommes qui tiennent
la justice, qui la sollicitent ou encore qui sont sollicités par la
justice (§I), mais aussi des textes qui régissent cette justice
(§II).
§-I Les causes
subjectives des lenteurs procédurales
Il n'y a plus de doute que l'on admette le principe du
double degré de l'instruction comme une cause de lenteur judiciaire dans
le procès pénal. Le plus souvent on peut penser que les lenteurs
judiciaires sont le seul apanage des juges. Mais il n'en demeure pas moins vrai
pour ce qui concerne la procédure d'instruction que les parties peuvent
en vertu des prérogatives dont elles jouissent constituer une
véritable source de lenteur judiciaire au cours de cette phase
procédurale. En effet, l'instruction se faisant à un double
degré, toutes les parties au procès disposent du droit de
remettre en cause les actes du juge d'instruction et partant même de la
Chambre de Contrôle de l'Instruction devant une juridiction
suprême. S'il est vrai que le principe du double degré de
juridiction est un principe fondamental, on doit admettre au niveau de
l'instruction que cette règle connait un revers comme toute garantie
procédurale. C'est dans cette logique qu'il est admis que :
«L'appel dans la phase de l'instruction qui, on le
sait et sans le dire assez, est, par la fréquence et le caractère
systématique de son usage l'une des causes essentielles de la longueur
des procédures»187(*).
Un tel usage de l'appel au niveau de l'instruction
préparatoire constitue ce que le professeur LARGUIER a qualifié
de « côtés fâcheux »
de la règle du double degré de l'instruction et même de
revers de toute garantie de procédure188(*).
Dès lors, nous devons sans ambages admettre l'appel
au cours de l'instruction comme un moyen de dissuasion de la procédure
répressive. Toutes les parties au procès pouvant jouir de ce
droit, il reste que l'attitude des parties, autant celles chargées de
rendre la justice (B), que celles qui demandent ou défend en justice (A)
peuvent aisément contribuer au prolongement des procédures.
A- L'attitude des parties
privées
Il faut ici entendre par parties privées la partie
civile, l'inculpé et leurs conseils. Les voies de recours ainsi
reconnues aux parties au nom de la règle du double degré de
juridiction entrainent des défaillances de la procédure
pénale au niveau de l'instruction préparatoire. En effet, la
doctrine se demandait déjà si la célérité ne
serait pas mieux garantie si un seul organe assurait d'un bout à l'autre
le suivi d'une affaire189(*). L'organe unique qui, s'il était
constitué n'aura certainement pas à attendre un quelconque
réquisitoire ou une plainte pour se saisir de l'affaire. Nous remarquons
dès lors que les parties privées même si elles sont plus
enclines à dissuader la procédure, nous ne pouvons exclure
systématiquement une telle attitude à l'égard des autres
acteurs de la procédure pénale.
Il ne se fait plus de doute que les parties
privées constituent aujourd'hui et surtout en vertu du principe du
double degré de l'instruction un véritable obstacle à
l'avancée de la procédure pénale. Ceux-ci étant de
nos jours de véritables acteurs de l'instruction préparatoire, le
doyen BOULAN redoutait déjà que l'information ne soit en
permanence ralentie par les demandes dilatoires. Toutefois, si
l'hypothèse des demandes dilatoires est moins présente et moins
imaginables à l'égard des demandeurs aux procès, elles ne
sont pas exclues. La partie civile plus que l'inculpé qui a des voies de
recours plus renforcées peut étendre la procédure
jusqu'à la Cassation. Nous imaginons aussi bien que les demandes de la
partie civile peuvent constituer des demandes dilatoires lorsqu'elle interjette
appel contre un non lieu du juge ou un pourvoi contre l'arrêt de la
Chambre de Contrôle de l'Instruction, voulant à tout prix la
réparation d'un préjudice qui en réalité n'en est
pas un. Il en est de même des appels contre les ordonnances et
arrêt de refus d'expertise ou de contre expertise.
Le plus souvent, c'est du côté de
l'inculpé que l'on relève les appels dilatoires. Celui-ci ne
disposant pas de droit de se pourvoir en cassation. Aussi, comme le remarquait
LARGUIER, «l'inculpé de meurtre, détenu, demandera sa
mise en liberté tous les lundis matin, avec appel de l'ordonnance de
rejet». Dans la même logique il remarque que :
«On sait combien le temps travaille pour
l'inculpé, en apaisant l'émotion du public (donc, les affaires
criminelles, celle des jurés), ou en rendant incertaines les preuves et
douteux ce qui était net. Et le retard dans la condamnation civile
purement pécuniaire n'est pas sans profit pour le condamné
malgré l'augmentation du taux d'intérêt
judiciaire »190(*).
Il est donc important de comprendre que les manoeuvres
dilatoires dont usent les inculpés sont biens organisées. Un
autre argument fort permettant d'user de ces manoeuvres au cours de
l'instruction est le ralentissement même de l'issue de la
procédure. En effet, un inculpé qui doit être
condamné à une peine correctionnelle peut faire trainer la
procédure pour accomplir sa peine en détention provisoire.
L'imputation étant de droit, l'inculpé qui traine la
procédure pour purger sa peine en détention provisoire profite
des bienfaits de la loi de 2005 qui dispose que :
«Les inculpés, les prévenus et les
accusés détenus provisoirement sont incarcérés dans
un quartier spécial séparé de celui des condamnés
et sont soumis autant que possible, au régime de l'emprisonnement
individuel. Ils sont s'ils le désirent, employés aux travaux
d'entretien de la prison.
Les effets personnels des détenus sont
laissés à leur disposition sauf décisions contraires soit
de l'autorité pénitentiaire dans un souci d'ordre, de
sécurité ou de propreté, soit de l'autorité
judiciaire dans l`intérêt de l'information
judiciaire»191(*).
Il sera cependant injuste de croire que le droit est
resté muet sur les machinations dont usent les parties privées
pour faire trainer la procédure. La théorie de l'abus de droit
érigée il y a longtemps par SALEILLES se hisse comme un
véritable moyen de contrôle des manoeuvres dilatoires par l'usage
du droit. Pour cette raison, toute partie qui s'engage dans une telle mission
pourra voir sa responsabilité civile engagée : pour la
partie civile, en ce qui concerne l'usage abusif des voies de recours pour les
intérêts civils, et, pour l'inculpé en ce qui touche
l'action publique. Si les parties privées sont souvent à
l'origine des tractations tendant à la prolongation de la
procédure de l'instruction, il faut reconnaître que celles-ci sont
aussi souvent dues au fonctionnement et à l'organisation de la justice.
De manière plus simple, on peut imputer les causes de lenteurs
judiciaires à l'attitude même des magistrats au procès.
B- L'attitude des
magistrats
L'engagement du législateur camerounais dans le
combat de la modernisation de l'appareil judiciaire n'est plus à
démontrer. Cependant, ce qui reste à démontrer pour que
cet engagement soit conçu dans un sens absolu est la formation des
magistrats et la réforme fonctionnelle de la justice192(*). Il reste qu'en dépit
de la modernisation organisationnelle, le comportement même de
l'autorité judiciaire et le fonctionnement de la justice demeurent des
causes de lenteurs judiciaires.
« L'on a l'impression après l'abrogation
de l'ordonnance de 1972 que ceux qui sont chargés de l'instruction
continuent à se comporter comme les Procureurs de la
République ». Plus encore « les magistrats
instructeurs au Cameroun ont quelque peu peur d'assumer leurs
responsabilités »193(*).
Il ressort clairement de ceci que les juges d'instruction,
s'ils ont peur de dire le droit au motif qu'ils se feront des ennemies ou que
le sort de tel ou tel autre individu ne dépendra pas d'eux, ou encore la
« trouille » d'orienter la procédure dans un autre
sens que ce que désirait le politique, on se trouve très
nettement devant une situation où les juges ne rendront pas de
décision des enquêtes dont ils ont la charge. Cette situation sied
plus au juge d'instruction. Pourtant selon la conception
traditionnelle, il existe dans le procès pénal deux
catégories de magistrat. Le magistrat debout ou du parquet et les
magistrats assis. En vertu du principe de la séparation des fonctions
répressives, le premier est affecté à la poursuite de
l'infraction194(*), les
seconds quant à eux sont soit affectés à l'instruction
soit au jugement.
Cependant, si l'on a souvent comparé cette
séparation de fonction avec celle qu'on reconnait au droit
constitutionnel195(*),
on doit admettre que cette dernière est loin d'être une
séparation à l'Américaine. Nous remarquons ici la
pénétration expresse de certains organes de la procédure
répressive dans le domaine des autres. Ce qui fait remarquer une
séparation fonctionnelle moins parfaite196(*). Le cas le plus illustratif
est celui du Procureur de la République, organe de poursuite dans la
phase de l'instruction. Décoiffé de sa casquette de magistrat
instructeur depuis la loi de 2005, ce dernier dispose encore de
prérogatives importantes au cours de l'instruction. Comme les parties
privées, il dispose d'un droit d'appel aussi large que les actes
d'instruction. Ce qui le différencie de ces derniers. La question qui se
pose cependant est celle de savoir si les appels du Procureur de
République peuvent être considérés comme dilatoires
au cours de l'instruction.
Le désir inconscient d'accroître les
prérogatives du Procureur de la République au cours de
l'instruction peut sans doute constituer une cause de lenteur judiciaire.
Même s'il est admis que «l'esprit dilatoire qui anime les
parties privées au procès pénal est normalement
étranger au ministère public»197(*), il faut
néanmoins craindre un excès dans l'usage du droit d'appel de ce
dernier. En effet, le Code de Procédure Pénale prévoit
expressément que le Procureur de la République puisse interjeter
appel contre les ordonnances du juge d'instruction. Nous pouvons remarquer
là une implicite absence de délimitation du domaine d'appel
dû au ministère public, à l'image du droit français,
plus précis qui parle de ``tous les actes'' du juge
d'instruction. Il faut cependant imaginer que l'application rigoureuse de ce
texte pourra porter atteinte même aux actes d'administration du juge
d'instruction. Ce qui n'est guère reluisant pour la rapidité de
la procédure d'instruction.
Il reste que le Procureur de la République qui
contrôle les actes d'instruction n'en fait pas de même sur la
personne du juge d'instruction. Le juge d'instruction magistrat du siège
n'agit qu'en se référent à la loi et à sa
conscience198(*). Il en
va de même de tous les autres magistrats du siège quelque soit le
degré de juridiction. Or, la loi camerounaise ne donne aucun
délai aux juges pour accomplir leur fonction si ce ne sont les
délais accordés à la juridiction d'instruction de second
degré pour statuer sur les appels interjetés contre les
ordonnances du juge d'instruction199(*). Nous pouvons cependant prendre le risque de dire
que le népotisme n'est pas loin des juges chargés de
l'instruction. Scruter dans leur conscience n'est pas tout de même
aisé. Ainsi doit-on par exemple ranger les actes d'instruction
effectués en violation de la loi et sachant qu'ils sont susceptibles
d'appel dans les erreurs ou dans les prétentions dilatoires du juge qui
l'effectue ?
La tâche est encore moins aisée lorsque les
affaires sont portées devant les juridictions supérieures. Elles
peuvent souvent mettre beaucoup de temps avant d'être analysées.
C'est dans cette perspective que la Commission Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples avait sanctionné le Cameroun au motif que la Cour
Suprême en mettant plus de deux ans pour instrumenter un pourvoi sans
qu'aucune raison n'ait été avancée pour justifier le
retard et sans promesse de date certaine de reprise du procès violait
l'article 7 alinéa 1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples200(*).
Il faut cependant reconnaître aussi que les lenteurs
procédurales ne sont pas seulement le fait des hommes qui animent la
justice mais aussi des moyens de fonctionnement de la justice.
§-II- Les causes
objectives des lenteurs procédurales
En dehors des causes liées aux hommes, d'autres
sont à même de porter un coup à la bonne marche de la
justice. Celles-ci sont indépendantes de la psychologie et de la
volonté des personnes. Elles sont le plus souvent l'objet des lois qui
régissent la justice, et de la structuration même de cette
justice.
Il faut reconnaître qu'une loi ne peut tout
prévoir. Si elle venait à tout prévoir, certains points
seront toujours sujets à controverses. Il s'avère qu'au niveau de
l'instruction préparatoire, si on doit admettre l'existence des causes
objectives des lenteurs judiciaires, il serait important d'analyser
l'indépendance mitigée du juge d'instruction (A) avant les moyens
de fonctionnement de la justice (B).
A- L'indépendance
mitigée du juge d'instruction
Le principe du double degré de l'instruction est
certes une garantie d'indépendance du juge d'instruction. Si
l'indépendance peut se concevoir à l'égard des autres
pouvoirs201(*), elle
l'est aussi à l'égard des collègues et même des
parties.
Cependant, l'indépendance du juge n'est jamais
définie dans ses manifestations concrètes. Aussi, n'est-il pas
nécessaire de préciser qu'elle ne s'appréciera pas
uniquement dans le cadre des relations entre le pouvoir judiciaire et les
autres pouvoirs. Elle doit également être mesurée par
rapport aux influences ou pressions que ce dernier peut subir, provenant
éventuellement de la société. Par ailleurs, la corruption
très répandue en Afrique n'épargne pas la justice et, quoi
que l'on puisse dire des causes de ce phénomène (qui n'est
certainement pas propre au continent), la population reste
généralement persuadée que le juge ne résiste pas
à la tentation de recevoir des pots de vin. De cette indépendance
du juge d'instruction qui semblait être exigée comme un principe
dans la loi de 2005, il reste qu'autant sur le plan interne qu'externe une
telle conception souffre de plusieurs maux. Il sera donc important d'analyser
ici les atteintes à l'indépendance du juge d'instruction sur le
plan interne (i), avant de voir ce qu'il en est sur le plan externe (ii).
i- Les atteintes à
l'indépendance du juge d'instruction sur le plan interne
Plusieurs moyens permettent d'ébranler le principe
de l'indépendance du juge d'instruction. Nous pouvons entre autres citer
la subordination des juges d'instruction au président du tribunal
compétent s'agissant de leur désignation, l'immixtion du
Procureur de la République dans la phase d'instruction. Tous ces moyens
se résument dans ce qu'on doit ici traduire en contrôle de
l'activité du juge d'instruction. Un contrôle protéiforme
qui se déguise en contrôle d'objectivité et de
concomitance202(*).
Aussi, n'est-il pas vrai que ces contrôles auxquels sont soumis le juge
d'instruction dans son activité peuvent sans aucun doute retarder la
célérité de la procédure, même si parfois ils
vont dans l'intérêt des justiciables.
S'agissant du contrôle de l'objectivité des
juges d'instruction, plusieurs juridictions y sont compétentes203(*).
D'abord, le tribunal auquel appartient le juge d'instruction
soumet ce dernier au pouvoir du président de la juridiction. Il peut
ordonner le dessaisissement du juge qui au demeurant ne peut être saisi
que par lui. Nous remarquons ici un principe hiérarchique qui subordonne
le juge d'instruction au président du tribunal204(*), la Cour d'Appel
n'étant pas en reste. Premièrement, le président de la
Cour d'Appel dans le cadre du contrôle de l'objectivité du juge
d'instruction peut statuer sur une demande de récusation autre que le
président ou un magistrat du tribunal du ressort205(*).
Ensuite, la Chambre de Contrôle de l'Instruction peut
dessaisir un juge d'instruction lorsqu'elle est saisie. Il s'agit d'un
dessaisissement pour cause de suspicion206(*).
Quant au contrôle concomitant des actes
d'instruction, il est important de constater que les pouvoirs dont disposent la
partie civile, l'inculpé et le Procureur de la République peuvent
constituer un véritable obstacle à la rapidité de la
procédure. Les parties peuvent à tout moment interrompre la
procédure pour une quelconque raison. Le retour du juge d'instruction
semblait avoir consacré la mort du ``JANUS''. Mais, on constate que la
présence de ce magistrat ne semble pas être un moyen qui permette
la rapidité de l'instruction. Dans ce sens le professeur Meloné
remarquait que ce :
«Contrôle est concomitant à
l'exécution de l'acte, encore qu'il ne semble pas de prime à bord
conciliable avec l'indépendance de l'activité du magistrat
instructeur»207(*).
Nous savons en effet que le Procureur de la
République peut requérir le dossier d'instruction à
condition de le retourner dans un délai de deux jours. Il faut remarquer
que cette navette du dossier dans la pratique peut constituer une cause de
prolongement de la procédure. L'observation du délai de quarante
huit heures prescrit n'étant pas garantie par une quelconque
sanction208(*). Le
constat ici est que le Procureur de la République pourra prolonger
impunément la procédure dans le temps obligeant le juge
d'instruction, sur ce, impuissant, à l'inactivité et paralyser de
ce fait le cours de la justice209(*). Déjà et de façon courante, le
Procureur de la République veut souvent imposer au juge d'instruction
une conduite qui lui convient en tant que partie poursuivante. Et à bon
droit, il semble juste de penser que le juge d'instruction est sujet à
un impérialisme nostalgique de la part de ce dernier. Une situation qui
est aussi l'oeuvre du législateur qui n'a pas totalement enterré
le « Janus » pour que fasse librement surface le phoenix,
car le personnage du Procureur de la République hante
sérieusement la procédure d'information judiciaire210(*).
Ces tractations qui existent entre le juge d'instruction
et le Procureur présentent à la fois des avantages et des
inconvénients, dans la mesure où la communication des dossiers et
la participation du Procureur aux actes d'instruction
« permettent au Procureur de suggérer au juge
d'instruction ses idées lesquelles, ne le liant sans doute pas peuvent
contribuer grandement à la découverte de la
vérité »211(*).
Les parties elles aussi acharnées à la
défense de leurs intérêts et de leur honneur doivent
assumer profondément le rôle qui leur est accordé par la
loi. Ainsi elles sont prêtes au moindre doute sur l'accomplissement d'un
acte ou d'une procédure à demander le dessaisissement du juge
d'instruction, à saisir la Chambre de Contrôle de l'Instruction de
la moindre ordonnance qui au cours de l'instruction ne va pas vers les
résultats escomptés par elles. De manière plus simple,
elles peuvent lorsqu'elles estiment qu'un acte du juge d'instruction fait grief
à leurs intérêts ou à la bonne administration de la
justice demander son annulation. Ce qui permettra une autre navette du dossier
entre le juge et la Chambre de Contrôle de l'Instruction. Le refus du
juge d'instruction ouvre la voie à l'appel212(*).
Toutes ces manoeuvres qui portent un coup sérieux
à l'indépendance du juge d'instruction constituent des moyens de
prolongement de la procédure. Si ces atteintes internes sont du fait de
la loi pénale elle-même, les atteintes externes à
l'indépendance du juge proviennent des textes qui régissent le
statut de ce dernier et surtout de la société dans laquelle il
vit.
ii- Les menaces externes
à l'indépendance du juge d'instruction
L'indépendance du juge constitue une condition de
l'impartialité du tribunal, ce qui suppose que le juge pour être
impartial doit être libre de toute influence extérieure.
Cependant, on sait que ces pressions sont nombreuses. Il est admis que le juge
n'est pas un être abstrait. Comme tout citoyen, il vit au sein d'une
société dont il partage les espoirs et les craintes, les
enthousiasmes et les pulsions. La justice n'est pas une « bulle
aseptisée » imperméable aux mouvements
d'opinion213(*). Ceux-ci
peuvent avoir des effets considérables sur l'indépendance des
juges.
Il est tout de même admis que cette
indépendance doit être à la fois organique et
fonctionnelle. L'indépendance organique soustrait le judiciaire dans son
ensemble de toute pression extérieur. C'est de cette indépendance
qu'il est question ici. Les menaces externes à l'indépendance du
juge d'instruction sont aussi palpables qu'elles en étaient sur le plan
interne et ce pour plusieurs raisons.
Au niveau de leur statut tel qu'il ressort des textes, les
magistrats n'échappent pas à l'emprise, directe ou indirecte des
autorités politiques. Partout le magistrat est sous le contrôle
d'un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par le
chef de l'État et dont la fonction primordiale est de garantir le
respect des règles de fonctionnement du service public de la justice et
la protection des magistrats contre les éventuelles pressions du pouvoir
politique. C'est dans ce cadre que l'indépendance des magistrats et leur
inamovibilité constituent des principes qui leur ont
été reconnus comme une garantie pour une bonne administration de
la justice. Pourtant, la doctrine est unanime pour constater l'existence des
dysfonctionnements au sein de cet important organe214(*).
Certes les articles 37 de la constitution camerounaise et
5 du statut de la magistrature disposent que dans l'exercice de ses fonctions
le juge n'a pour guides que les lois et sa conscience. Cependant, il ne
faudrait pas tout de même perdre de vue quant à la dimension
ambiguë de ces textes comme garant de l'indépendance du juge.
L'inamovibilité qui se devait d'être un principe constitutionnel
ne figure pas dans la loi fondamentale. Cette situation est de nature à
faire peur aux juges qui ne pourront plus rendre de bonnes décisions de
peur d'être affectés à Guidiguis215(*). L'idéal sera donc
pour ces derniers de faire trainer la procédure en attendant parfois
quelques impulsions et orientations politiques de l'affaire.
Au plan personnel, l'environnement médiatique peut
porter un coup à l'indépendance du juge. En plus de ceci, on ne
peut manquer de porter une attention sur ceux des juges qui soumettent leur
indépendance à certains individus du fait de leur position
sociale, de leur poids financier, de leur amitié etc. Tout ceci,
associés aux moyens de fonctionnement de la justice, c'est sans
réserve aucune qu'on les admet comme causes objectives de lenteurs
procédurales.
B- Les moyens de
fonctionnement de la justice
Les moyens de fonctionnement de la justice tiennent autant
des personnes qui animent la justice, de l'équipement de la justice et
de la répartition géographique des organes judiciaires.
En ce qui concerne le personnel de justice, on peut ajouter
à leur formation qui n'est pas déjà une formation de
spécialiste, le nombre réduit des magistrats chargés de
l'instruction. Cette carence de magistrats s'étend aussi aux autres
auxiliaires de la juridiction d'instruction tels les greffiers et de la justice
dans sa globalité216(*). L'illustration de cette carence est d'autant plus
vraie que la loi dispose que :
«Les juges d'instruction du tribunal de
première instance du siège d'un tribunal de grande instance
peuvent, cumulativement avec leurs fonctions, être nommés juges
d'instruction de ce tribunal de grande instance »217(*).
Cette situation se présente aussi au niveau de la
Cour d'Appel. La loi de 2006 suscitée est claire ;
«un même magistrat peut appartenir à plusieurs
Chambres»218(*). Tout ceci peut très clairement constituer
une véritable cause de lenteur judiciaire. Nous pouvons aussi à
ceci ajouter la carence des experts qui au cours de l'instruction peuvent jouer
un rôle important dans la recherche de la vérité.
La carence des experts s'accompagne d'un sous
équipement de la justice dans ce domaine, et même d'une
répartition géographique insuffisante des organes judiciaires. Il
est en principe prévu au Cameroun un tribunal de première
instance dans chaque arrondissement et un tribunal de grande instance dans
chaque département219(*). La théorie n'étant pas
assimilée à la pratique, l'extension légale de
compétence prévue par ces textes peut certainement contribuer non
seulement à la densification du nombre d'affaires à instruire
devant un tribunal qui, et cela va s'en dire encombrer le cabinet d'un juge
d'instruction déjà appelé à se diviser entre les
deux tribunaux susceptibles d'exister sous sa charge.
La Cour d'Appel quant à elle n'existe que dans les
chefs lieux de région. En plus de son éloignement des
justiciables, nous pouvons ajouter la probable indisponibilité des
magistrats qui appartiennent à plusieurs chambres. Quand on sait que les
moyens de communication ne sont pas aussi développés au Cameroun,
il faut admettre, que ce soit du côté de la justice, que de celui
du justiciable qu'ils constituent un véritable obstacle à la
fluidité de la justice dans la mesure où, au cours de
l'instruction on peut avoir droit à des descentes sur le terrain. C'est
dans ce sens que la doctrine parlant de la difficulté d'accès au
droit relevait :
« Dans la recherche de la preuve, le juge
est souvent amené à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures
telles l'enquête, l'expertise, la descente sur les lieux etc., et parfois
ces mesures provoquent des lenteurs et des dysfonctionnements de la
procédure »220(*).
S'agissant de la juridiction suprême qui
connaît des pourvois des parties civiles ou du Procureur
Général près une Cour d'Appel, on sait qu'elle est unique.
Située à Yaoundé, elle est à plus de mille
kilomètres de certaines régions du pays. Il est vrai qu'en
dépit de l'article 480 du Code de Procédure
Pénale :
« Le pourvoi est formé, à peine
d'irrecevabilité, par la partie intéressée, soit en
personne, soit par son conseil, soit par un mandataire muni d'une procuration
dument légalisée. Il est fait par déclaration au greffe de
la Cour Suprême ou de la Cour d'Appel qui a statué, par
télégramme avec récépissé, par
lettre-recommandée avec accusé de réception ou par tout
autre moyen laissant trace écrite et ayant date certaine. Il est
adressé au greffier en chef de ces juridictions ».
Ces moyens qui facilitent le pourvoi sont loin
d'être des remparts contre les lenteurs procédurales, lenteurs qui
ne restent pas sans conséquences sur le droit judiciaire camerounais.
SECTIONII : LES CONSEQUENCES DES LENTEURS PROCEDURALES
DANS LE SYSTEME JUDICIAIRE CAMEROUNAIS
Trait d'union entre l'infraction et la sanction, la
procédure pénale considérée comme tel doit
s'effectuer dans des délais raisonnables. Trop expéditive, elle
court le risque de violer les droits des justiciables. De même, trop
lente la procédure pénale ne répond plus aux attentes de
la société qui veut une prompte répression. Avant le Code
de Procédure Pénale, on faisait déjà des
lenteurs judiciaires excessives le principe en droit
judiciaire camerounais. Cette situation produisait déjà des
conséquences remarquables sur la justice. Aujourd'hui nous devons, pour
parler suivant un adage courant admettre qu'une seule hirondelle ne fait pas le
printemps. Si c'était le cas, il serait admis sans réserves
aucunes que la loi de 2005 est un palliatif à tous ces maux qui minaient
la justice. Il faut donc reconnaître ici que le problème est
ailleurs. En effet, comme le remarquait Maître Assira ENGOUTE ;
«Les textes sont globalement bons. Le problème
c'est plutôt l'application de ces textes, parce que très souvent
ils sont galvaudés par ceux-là mêmes qui sont
chargés de leur application. En plus, comme les voies de recours sont
purement formelles il y a encore moins de contrôle»221(*).
Il apparaît que malgré
l'avancée textuelle, la pratique judiciaire nous replonge dans les
mêmes travers du passé. La question fondamentale serait donc celle
de savoir si le justiciable a vraiment bénéficié de
l'entrée en vigueur des lois conjointes de 2005 et 2006. Le moment n'est
pas peut être approprié pour s'interroger. Trop tôt vont le
juger certains.
Il est vrai que l'amélioration des textes
entraîne l'amélioration de la procédure. L'instruction
préparatoire, aujourd'hui à double degré constitue une
véritable garantie des droits des justiciables. Mais, elle pose tout
aussi un sérieux problème quant à la rapidité de la
procédure. En effet, au niveau de l'instruction, le législateur
ne fixe pas les délais de réponse au juge d'instruction. Ce qui
permet aux magistrats de régulièrement répondre aux
conseils des parties en ces termes :
«Maître vous savez que chez nous au Cameroun,
les délais sont purement indicatifs »222(*).
Ces délais ``purement
indicatifs'' n'étant pas du goût des justiciables ont permis
à ceux-ci de se doter d'autres délais plus prompts dans une
procédure expéditive menée par quelques
`` magistrats'' commis sur le tas. Cette orientation des justiciables
consacre pour rejoindre une doctrine bien avisée sur ce point le
``divorce'' entre la justice et les justiciables (§I) et surtout la
création des justices parallèles à la justice
étatique (§II).
§-I- Le
« divorce » entre la justice et les justiciables
Le divorce est peut être déjà
consommé entre la justice et les justiciables au Cameroun223(*). Les causes sont multiples.
Certains évoquent l'implantation des traditions judiciaires
étrangères dans les systèmes africains. C'est dans cet
ordre d'idées que monsieur Nkou Mvondo écrivait :
« La justice de l'Etat camerounais est en
crise. Une crise reflétée par un divorce désormais
consommé entre la justice et les justiciables. L'Etat a voulu organiser
une justice moderne, répondant par ses structures et ses règles
de fonctionnement aux exigences du modèle prétendu universel
d'Etat-nation dans sa version libérale. Mais cette justice qui s'appuie
sur des méthodes et techniques importées d'Occident va se heurter
à l'incompréhension des justiciables insuffisamment
préparés pour faire face à un système de
règlement des litiges prévu pour une société autre
que la leur. On assiste alors au rejet de la justice de l'Etat. Les solutions
mises en place par celui-ci pour rétablir le dialogue entre sa justice
et les justiciables vont se révéler vaines »224(*).
Cet échec se résume dans ces propos du
professeur Maurice Kamto :
« La colonisation en surimprimant sur
les sociétés africaines des cultures étrangères et
différentes, y a jeté le trouble d'exister en leur imposant
l'obligation de relever le défi permanant d'adaptation et de
conciliation des cultures. La justice de l'Etat africain nouveau prend racine
sur un socle déjà façonné par d'autres cultures car
derrière la façade harmonieuse d'une modernité d'emprunt,
existe une pluralité d'entité ethniques avec leurs conceptions du
monde, leurs modes d'organisation sociale et politique, leurs échelles
des valeurs constituant (par suite) autant de sous ordres juridiques dans
l'espace étatique»225(*).
Aussi, devrait-on reconnaître avec le professeur
Keba M'baye que « la justice traditionnelle était
essentiellement conciliatoire. Elle appliquait un droit façonné
selon les nécessités des différentes
civilisations(...) »226(*). Cependant, il est important de remarquer l'absence
d'un retour aux sources après le divorce, mais plutôt la
création d'une nouvelle forme de justice.
La justice étatique est aujourd'hui elle-même
à la barre, on essaye tant bien que mal de scruter les causes même
du divorce. Une chose qui est vrai c'est qu'elles sont certaines et connues
même des autorités politiques et judiciaires. En effet, le premier
président de la Cour Suprême dans son discours de rentrée
de l'institution remarquait que :
«On reproche tout à la fois à
l'institution judiciaire ; ses délais, ses lenteurs, son
organisation parfois qualifiée d'irrationnelle, sa complexité,
son inaccessibilité, son langage exotique alambique et
hermétique, son coût, son absence de transparence, la
désinvolture du juge caractérisée quelques fois par de
nombreuses remises en cause des procédures souvent prêtes à
êtres réglées, des mises en délibéré
interminables de certaines affaires (...) on dénonce ses faibles moyens,
on doute de son indépendance, de son impartialité, de sa
disponibilité, de sa compétence, de sa sagesse ».
Toutes ces causes peuvent consister en des motifs
légitimes pour que les justiciables remettent en question la justice
étatique.
La justice est un idéal que recherche le droit.
Elle tend chaque fois vers la modernisation et la conciliation à la fois
des intérêts de la société et des
délinquants. La modernisation des textes de droit n'a autre objectif que
l'amélioration de la qualité de la justice rendue. De son
côté, le crime est une offense qui touche l'individu dans son
intimité et viole les lois de la société. La sanction doit
être rapide et proportionnelle afin d'apaiser les rancoeurs des uns et
des autres. Les lenteurs procédurales ne sont pas les bienvenues dans
une telle quête. Les textes de loi ayant évolué sans
entrainer avec eux l'évolution des moyens de fonctionnement de
l'institution judiciaire, on comprend à juste titre que les victimes ne
puissent se contenter de la pesanteur de la justice qui va certainement avec le
temps qu'elle prend apaiser leurs souffrances. Nul ne pouvant accepter soigner
une injustice par une autre. Pour cette raison, bon nombre de justiciables
camerounais ont choisi de se rendre justice. Une justice qui n'a pour
véritable but que l'élimination du présumé innocent
suspecté par un quelconque individu d'avoir commis une infraction qui,
parfois est reconnue par la seule conception collective des habitants de la
zone. Cette forme de justice ne prend en compte aucune mesure de protection
des droits de la défense. Elle est expéditive et strictement
vindicative. Dans tous les cas, l'émergence de cette forme de justice au
Cameroun n'est plus à démontrer. Elle prend de plus en plus de
l'épaisseur dans nos métropoles. Elle constitue une
véritable justice parallèle à la justice
étatique.
§-II La
création des « justices pénales
parallèles »
La création des justices parallèles consiste
en la réponse des populations camerounaises à la crise de la
justice étatique227(*). En effet, les lenteurs procédurales ne
frappent pas seulement la procédure pénale, encore moins
l'information judiciaire. Même les juridictions presque essentiellement
tournées vers la réparation en souffrent228(*).
Ceci peut pousser à s'interroger sur le point de
savoir si le divorce entre la justice et les justiciables est un divorce
général. Si on venait à répondre par l'affirmative,
on devrait tout de même remarquer que c'est la justice pénale qui
semble de plus en plus s'éloigner des justiciables.
Du jour au lendemain, les justiciables remettent sur la
sellette la fameuse loi du Talion. Ils créaient leurs propres juges qui
peuvent être commis selon l'âge ou la capacité physique, ou
selon des superstitions que l'on se fait sur leurs pouvoirs mystiques. Dans
tous les cas, la justice parallèle est une justice dotée d'une
procédure expéditive et des sanctions sévères (A),
une procédure judiciaire qui n'est pas sans conséquence sur la
conception de l'Etat de droit garante de l'accès à un
procès équitable (B).
A- La procédure dans
les « justices pénales parallèles »
Il faut d'abord reconnaître que les justices
pénales parallèles se présentent sous plusieurs formes.
Elle revêt parfois la forme d'une justice populaire où chaque
individu doit faire répondre à un autre, présumé
« coupable » tous les forfaits qu'il a subit. L'autre
forme, sans considérer les côtés métaphysiques est
la justice des groupes dit d'auto défense. Il s'agit en l'occurrence des
comités de vigilance institués dans les villages et dans certains
quartiers urbains. Dotés le plus souvent d'une hiérarchie bien
structurée, la justice pénale est loin d'être l'affaire de
tous. Seuls les membres influents du groupe en sont responsables de la
procédure à suivre et des sanctions à infliger. Dans ces
formes de justice, on peut souvent remarquer la simplicité de la
procédure. En effet, la plainte est faite de manière très
informelle par la victime ou un ayant droit, par un tiers qui a simplement vu
la scène ou encore comme le reconnait le Code de Procédure
Pénale par la ``clameur publique''229(*). Dès lors, une foule se rassemble
spontanément auprès du « présumé
coupable » si ce dernier venait à être
maîtrisé. Un ``magistrat'' auto désigné ou commis
sur le tas procède à une enquête et une instruction
sommaire. Des fouilles et saisies sont effectuées. A partir des objets
saisis, on peut reconnaître l'innocence ou la culpabilité du
suspect. Dans l'hypothèse où ce dernier est innocent, il est
relâché et ne peut poursuivre personne pour dénonciation
calomnieuse, séquestration etc. l'identification des plaignants et des
juges n'étant pas possible.
Dans le cas contraire, la sanction est immédiate.
C'est une sanction de masse. L'assemblée se rue sur l'individu dans
l'intention de lui arracher simplement la vie afin qu'il ne constitue plus
jamais un danger pour qui que ce soit. Les techniques de sanction sont
diverses. Mais l'objet est unique. Il s'agit de l'éradication de toute
forme de criminalité et de toute forme de criminels. MAROLLEAU faisait
déjà une remarque sur cette forme de sanction. Il
écrivait :
« Le coté grandement spectaculaire de la
cérémonie d'exécution du coupable, la terreur et l'honneur
qui l'accompagnent montrent que les populations veulent que cela serve à
décourager tous ceux qui cherchent à emprunter la voie de la
criminalité. Le corps brûlé et mutilé du coupable
reste ainsi exposé en plein carrefour toute la journée durant
afin que nul ne l'ignore »230(*).
Le caractère de cette justice, atroce et
irrespectueuse de la dignité humaine semble de jour en jour devenir la
préoccupation de l'Etat qui ne doit pas simplement vouloir la combattre,
mais doit mettre tout en oeuvre pour l'éradiquer.
B- La justice
parallèle et l'Etat de droit garant du droit à un procès
équitable
Pour reprendre l'expression de monsieur Prosper Nkou
Mvondo, on doit dire que c'est un véritable défi que les justices
parallèles lancent à la justice étatique. C'est dans cet
ordre d'idées qu'il s'interrogeait en ce sens :
« Va-t-on demander à l'Etat, pour
relever ce défi, de combattre ces justices qui, il faut l'avouer,
participent abondamment à la violation des droits de
l'homme ? ». Répondant lui-même à cette
inquiétude, l'auteur déclare :
«Une telle démarche ne serait pas du tout
conséquente dans la mesure où, il faut aussi le
reconnaître, les justices parallèles participent à leur
façon à la régulation sociale, au maintien de la paix au
Cameroun. Il serait même difficile de se passer de leurs services en
l'état actuel des choses. Il serait peut être plus indiqué
pour l'Etat d'apprivoiser ces juridictions, de les modeler, de les faire passer
de l'état sauvage dans lequel elles se trouvent en ce moment à un
état plus civilisé »231(*).
L'Etat de droit est dans sa conception la plus simple un
Etat ou règne le droit. En d'autres termes, il s'agit de cette situation
résultant, pour une société, de sa soumission à un
ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée232(*). Le cas de l'Etat
camerounais est un peu paradoxal. La loi de 2005 portant Code Procédure
Pénale hisse sur le plan de la forme le pays au rang d'Etat de droit. De
la même manière, depuis 2005, il est difficile de dire que la
justice telle que redéfinie par le législateur attire
déjà ses clients. L'humanisation de la justice pénale n'a
pas encore fait fléchir la justice privée. Elle reste toujours
présente dans l'esprit des citoyens, portant ainsi un coup sur le plan
pratique à la notion d'Etat de droit.
Les justices pénales parallèles que
créaient les citoyens sont de véritables instruments de violation
des droits de l'homme. Aussi, n'est-il pas vrai que la violation des droits de
l'homme qui se fait par des citoyens non fonctionnaires de l'Etat traduit
l'incapacité de celui-ci à sauvegarder les droits de ses
citoyens ? Dans le même sens, le professeur Alain Didier Olinga
affirmait :
«La violation des droits fondamentaux n'est pas
uniquement le fait des pouvoirs publics de l'Etat. Nombre de violations des
droits constitutionnels sont le fait des particuliers à l'endroit
d'autres particuliers dans les circonstances les plus diverses de la vie
quotidienne »233(*).
Peut-on alors parler d'un Etat de droit qui, par ricochet
est sur le plan de la justice garant du droit à un procès
équitable quand tout un listing de droits et principes consacrés
par la loi fondamentale et les textes internationaux est bafoué par
quelques citoyens autoproclamés juges? Il s'agit pour en citer quelques
uns de l'égalité des citoyens, la légalité des
délits et des peines, le droit à la liberté individuelle,
la consécration d'un juge indépendant et impartial, le droit
à la vie privée, la présomption d'innocence et surtout le
droit à un procès équitable. La justice est là
devenue la chose de quelques groupuscules d'individus dépourvus de toute
expérience en la matière. Tout ceci contraste avec ces propos du
chef de l'Etat camerounais qui disait : « rendre la justice
est une noble mission mais aussi lourde de responsabilité ; ici
c'est l'éthique et la déontologie qui doivent servir de
guides »234(*).
Etat de droit, l'aide internationale en
dépend. Ce qui suppose que de nos jours l'éradication des
justices privées reste un véritable défi pour l'Etat.
Défi qui pour être relevé ne consistera pas à
créer des textes répressifs pour sanctionner ceux qui se vouent
à cette tâche, mais à recréer la confiance entre la
justice et les justiciables. Cette confiance ne peut passer que par des textes
qui à nos yeux sont déjà acceptables, mais aussi et
surtout par l'application de ceux-ci. La véritable cause du divorce
étant l'inapplicabilité des textes précisément au
cours de l'instruction où les choses se font secrètement.
Toutefois, nous devons cependant remarquer que le législateur de 2005
résolument tourné vers la promotion et la conservation de l'Etat
de droit exprime vivement sa volonté de limiter dans la durée les
procédures, notamment au cours de l'instruction. Instruction qui en
dépit des moyens de fonctionnement actuel de la justice nécessite
une réforme dans le but d'amplifier et de densifier les actes
d'instruction.
CHAPITRE II : DES
REPONSES AUX LENTEURS PROCEDURALES A LA NECESSITE D'UNE REFORME DE
L'INSTRUCTION
Les délais de procédure sont un instrument
d'appréciation et d'évaluation du droit à un procès
équitable. Les textes nationaux et internationaux garantissant la bonne
justice n'en disent pas le contraire235(*). La loi de 2005 portant Code de Procédure
Pénale au Cameroun semble avoir mis les petits plats dans les grands
s'agissant des délais raisonnables comme garantie du droit à une
justice équitable. Au niveau de l'instruction précisément,
si nous devons déplorer l'absence des délais ne seraient ce
qu'indicatifs accordés au juge d'instruction pour rendre leurs
ordonnances, il n'en demeure pas moins vrai que les délais
imposés à la Chambre de Contrôle pour statuer, les
délais d'appel, de production des mémoires, de pourvoi etc. sont
une véritable révolution. Considéré à juste
titre comme révolutionnaire dans son esprit236(*), le Code de Procédure
Pénale a fait beaucoup d'effort dans la promotion du droit à un
procès équitable, mais il reste évident qu'il n'est pas
insusceptible de critiques. D'où la nécessité d'une
réforme de l'instruction.
La réforme pourrait tendre à instituer par
exemple un collège de juges instructeurs au premier degré. Ceci
permettant d'éviter les recours contre les actes du juge d'instruction,
cause généralement admise pour justifier le prolongement de
l'instruction. Quant à sa suppression, elle consistera pour le
législateur à consacrer dans les systèmes dit de droit
civil la procédure telle qu'elle existe dans les systèmes de
``Common Law''. Si ce système peut sembler rapide, dans la mesure
où la procédure ne s'étale que sur deux phases, Il n'en
demeure pas moins que le système anglophone émet aujourd'hui
l'idée d'instaurer le juge d'instruction pour corriger les
défauts de leur système procédurale. Jadis parlant de la
suppression de l'instruction, une doctrine admettait qu'«il ne semble
pas que ce soit non plus le meilleur moyen de réduire la durée
des procédures et le nombre des détentions puisque le royaume uni
avec un taux d'incarcération de 90 pour 100 000 habitants est
largement devant la France»237(*).
Hier, et aujourd'hui encore, réunir les juges de la
chambre d'appel au cours de l'instruction n'est pas une évidence. Dans
ce sens, le législateur qui voulait simplifier la forme des actes et
abréger la longueur des délais doit constater que la Chambre de
Contrôle de l'Instruction, il faut le dire n'apporte à
l'administration de la justice qu'un concours imparfait et peu utile. Elle est
un obstacle à la prompte expédition des procédures. Ceci
dit, nous analyserons dans ce chapitre la volonté du législateur
d'atténuer les lenteurs procédurales (section I) et envisagerons
quelques axes de réforme de l'instruction préparatoire au
Cameroun (section II).
SECTION I : LES MESURES
D'ATTENUATION DES LENTEURS PROCEDURALES
La volonté du législateur ne peut plus
être remise en cause en ce qui s'agit de l'abdication des lenteurs de
procédure, notamment à la phase de l'instruction
préparatoire. Si nous pouvons constater, et ce au nom d'un procès
équitable l'admission du principe du double degré de
l'instruction, il faut cependant remarquer l'ingéniosité du
législateur de 2005 quant à la limitation du
« principe de lenteur judiciaire » qui animait
autrefois la justice camerounaise. Dans cette initiative fort
appréciable entérinée par le Code de Procédure
Pénale, on ne pourra s'attarder ici que sur les plus illustratifs
à savoir la simplification des mécanismes et l'effet non
suspensif de l'appel interjeté contre les ordonnances du juge
d'instruction (§I) et surtout la limitation du domaine d'action des
justiciables et des juges (§II).
§-I La simplification des
mécanismes et l'effet non suspensif des voies de recours
Il faut remarquer que dans l'avant-procès
consacré par la loi de 2005, procès généralement
qualifié de long et de lent, le législateur camerounais a
tenté de contourner ces qualificatifs en essayant de mettre la pression
sur les parties par une simplification des mécanismes des voies de
recours (A). Surtout leur effet non suspensif en est l'illustration parfaite
(B).
A- La simplification des
mécanismes des voies de recours
La simplification des mécanismes des voies de
recours tient tant aux conditions de forme que de fond. Nous pouvons constater,
s'agissant de l'appel qu'il peut être formé par requête non
timbré238(*)
adressé au président de la Chambre en quatre exemplaires. Quant
au pourvoi, il n'est pas exempt de timbre, mais la loi permet quand même
qu'il puisse être formé par des moyens doués d'une
rapidité extrême. Nous pouvons entre autres citer le
télégramme avec récépissé, la lettre
recommandée et surtout la précision faite «par tout
moyen laissant trace écrite»239(*). Cette simplification des actes s'accompagne
aussi de la simplification ou mieux la précarité des
délais.
L'appel doit être interjeté dans les
quarante-huit heures suivant la notification de l'acte. Le pourvoi quant
à lui doit l'être dans les cinq jours qui suivent la notification.
Les appelants et intimés sont autant contraints par les délais
d'appel que par les délais de dépôt de leurs conclusions
devant la Chambre de Contrôle de l'Instruction240(*) et probablement en cas de
pourvoi241(*). Les
délais sont aussi contraignants pour les autorités judiciaires.
Le greffier par exemple dispose de dix jours pour acheminer la requête,
la Chambre devant statuer dans dix ou trente jours suivant les cas242(*). Nous ne saurions parler de
cette simplification sans rappeler que le pourvoi ne nécessite pas de
déplacement pour le siège de la Cour Suprême. La
requête pouvant être ``déposé au greffe de la Chambre
de Contrôle pour acheminement''. Tout ceci ne pouvait se parfaire qu'avec
la rupture des effets traditionnels des voies de recours à savoir
principalement l'effet suspensif de celles-ci.
B- L'effet non suspensif
des voies de recours au cours de l'instruction préparatoire
Les voies de recours en procédure pénale
produisent deux effets principaux. L'effet suspensif et l'effet
dévolutif. Si le second effet permet à l'appelant de soumettre
ses contestations à la juridiction supérieure, le premier quant
à lui rend impossible l'exécution des ordonnances du juge
d'instruction pendant le délai d'appel, et, une fois l'appel interjeter
jusqu'à la décision de la Chambre de l'instruction. L'effet
suspensif permettrait dès lors de mettre en liberté un individu
mis en détention provisoire en cas d'appel de ce dernier, où
l'inexécution de certaines actes pouvant conduire à la
manifestation de la vérité.
Fort heureusement, la loi de 2005 s'écarte de cette
logique en précisant :
«L'appel interjeté contre les actes
d'instruction autres que les ordonnances de renvoi ou de non-lieu, ne suspend
pas l'information judiciaire»243(*).
Nous pouvons légitimement penser que les
ordonnances de non-lieu et de renvoi en sont exclues dans la mesure où
elles interviennent automatiquement et indiscutablement à la fin de
l'instruction préparatoire. Cependant, l'effet non suspensif qui frappe
les autres actes du juge d'instruction est une suite logique du
déroulement de l'instruction sur la forme. La loi prévoit en
effet que :
«Toutes les pièces du dossier y compris,
l'inventaire sont établies au moins en double exemplaire, afin de
permettre en cas de recours, la transmission du double à la Cour
d'Appel»244(*).
Il important de reconnaître ici que les pièces
en double ont pour principal objet la facilitation de l'accès des
parties privées et du ministère public aux dits actes, question
de mieux contrôler l'action du juge d'instruction. Cette
considération, n'est pas erronée. Toutefois, il serait plus
légitime d'admettre que le dossier double permet au juge d'instruction
lorsqu'il communique le dossier à la Chambre de Contrôle de
l'Instruction, soit par ordonnance de transmission, ou par demande du
président de la chambre en cas d'appel de continuer à instruire.
Cette initiative salutaire permet de combattre les appels qui se veulent
dilatoires. L'effet non suspensif des voies de recours pendant l'instruction
contribue aussi à la rapidité, et surtout à la
conservation des indices et des preuves pouvant contribuer à la
manifestation de la vérité. Nous devons en plus de toutes ces
prévisions du législateur contre les lenteurs procédurales
remarquer que ce dernier a confiné les parties privées dans un
domaine bien précis auquel elles ne peuvent transgresser.
§-II : La
limitation du domaine d'action des justiciables et du temps de
l'instruction
La réponse pénale aux
lenteurs judiciaires passe aussi par la limitation du domaine d'action des
justiciables quant aux voies de recours (A), et la détermination du
temps de l'instruction (B).
A- La limitation du domaine d'action des justiciables
quant aux voies de recours
Par rapport au Code d'Instruction Criminelle et
l'ensemble des textes précédents, le Code de Procédure
Pénale nous fait remarquer une évolution notable des droits
d'appel des parties privées. Loin d'être comparable à celui
du ministère public, le domaine des voies de recours de celles-ci est
quand même considérable, certainement pour plusieurs raisons. Tout
d'abord, leur admission au cours de l'instruction est la manifestation de la
volonté du législateur à ériger un procès
équitable où la présomption d'innocence se défend
à un double degré de juridiction. Ensuite, la limitation de ce
domaine est une autre volonté importante du législateur à
combattre les lenteurs procédurales. Cette seconde idée est
d'autant plus vraie que la loi de 2005 n'a pas hésité à
limiter le champ d'appel des parties, au regard des textes, nous pouvons sans
risque de se tromper conclure qu'elle l'a fait en fonction de leur
faculté de ``nuisance''. Jadis la jurisprudence considérait
l'appel comme un droit exceptionnel des parties. Ce qui conduisait cette
dernière à veiller à ce que les parties ne profitent pas
d'un appel régulier pour soumettre à la Chambre de l'instruction
une autre question pour laquelle l'appel est exclu. C'est la position de la
fameuse jurisprudence dite de ``l'unique objet'' qui dispose que l'appel
« est un droit exceptionnel qui ne comporte aucune extension et
dont les parties ne sauraient s'autoriser pour faire juger à l'occasion
de ces procédures spéciales, des questions
étrangères à leur unique objet». Cette
jurisprudence grandement suivie a permis d'interdire aux parties de saisir la
Chambre de Contrôle plusieurs fois par acte d'appel et au cours d'une
même affaire245(*).
Sauf cas de force majeure procédurale, on peut
admettre avec Pradel que :
«Sans cette règle, les parties
privées pourraient multiplier les saisines de la Chambre de
l'instruction, ce qui retarderait la procédure puisque dès la
purge d'une nullité par elle soulevée, elles pourraient en
invoquer une autre, puis après la purge de cette seconde, en invoquer
une troisième»246(*).
Ces positions jurisprudentielles s'illustrent par le
domaine limité de l'appel qu'offre la loi. Il est ainsi permis de
constater que l'inculpé ne peut faire appel que de certaines ordonnances
du juge d'instruction. Il s'agit des ordonnances relatives à la
détention provisoire, à la mesure de surveillance judiciaire,
d'expertise ou de contre expertise et à la restitution des objets
saisis. Cette limitation du domaine d'appel au cours de l'instruction traduit
déjà la volonté du législateur à combattre
les lenteurs procédurales dans les procédures répressives.
Cette idée se justifie encore par le fait que l'inculpé est
systématiquement interdit de se pourvoir en cassation contre les
arrêts de la Chambre de Contrôle de l'Instruction autre que ceux
qui portent sur la détention provisoire et la restitution des objets
saisis. La partie civile quant à elle bénéficie d'un
domaine un peu plus large que celui de l'inculpé. Elle peut à la
différence de ce dernier contester devant la Cour Suprême les
arrêts de clôture de la Chambre de Contrôle de l'Instruction.
Tout compte fait, si nous pouvons après cette
analyse constater que le principe du double degré de l'instruction
présente des failles quant à la garantie d'un procès
équitable, nous ne pouvons tout de même pas balayer d'un revers de
la main les efforts consentis à la fois par le législateur et les
politiques pour combler ces défaillances. Cependant, une limitation du
temps de l'instruction apportera un plus dans la célérité
de la procédure.
B- La détermination du temps de
l'instruction
La détermination du temps de l'instruction
comme réponse médiate aux lenteurs procédurales passe par
l'encadrement de la durée de l'instruction. Cet encadrement se traduit
aussi bien par le dessaisissement du juge d'instruction inactif (i), la
détermination des délais prévisibles d'achèvement
de l'instruction (ii), ainsi que la justification de la durée de
l'instruction (iii).
i- Le dessaisissement du juge d'instruction
inactif
La loi de 2005 ne prévoit aucune action contre les
juges d'instruction jugés inactif dans leurs fonctions. Cependant, si on
doit se référer au droit comparé français, la
présence d'une telle mesure ne souffre d'aucune contestation. En effet,
le Code de Procédure Pénale français issu de la loi
n°87-1062 du 30 décembre 1987 en son article 221-1 prévoit
que lorsqu'un délai de quatre mois s'est écoulé depuis la
date du dernier acte d'instruction nécessaire à la manifestation
de la vérité, le président de la chambre de l'instruction
peut par requête saisir cette juridiction qui pourra, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice, soit
évoquer, soit renvoyer le dossier au juge d'instruction ou à tel
autre afin de poursuivre l'information.
Dans le même sens, l'article 222-2 du code de
procédure français issu de la loi n°96-1235 du 30
décembre 1996, dans les mêmes conditions que les
précédentes permet aux parties de saisir la chambre de
l'instruction. Le législateur camerounais gagnerait à s'aligner
sur cette initiative qui permet de booster les juges malveillants. Une telle
situation donne des moyens supplémentaires d'accélération
du cours de l'information dans les cas où le juge d'instruction,
notamment en cas d'encombrement et de surcharge des cabinets ne
procèderait pas régulièrement à des investigations
permettant de découvrir la vérité. Ces mesures que l'on
peut qualifier des mesures essentiellement incitatives peuvent s'accompagner
d'autres prévisions contre les lenteurs procédurales.
ii- La détermination des délais
prévisibles d'achèvement de l'instruction
La lenteur du procès pénal,
l'expérience le prouve, est due avant tout à l'instruction
préparatoire. Les législateurs en sont conscients, ils exigent le
plus souvent la célérité à ce niveau de la
procédure. Une telle déclaration de principe est
généreuse, mais les impératifs de la vie pratique et la
bousculade quotidienne d'autorités surchargées la rendent pie.
D'ailleurs, certains législateurs ne sont pas dupes et ont fixé
un catalogue de délais pour procéder à certaines
opérations d'instruction ou à imposer à l'autorité
de surveillance de tenir la main pour que la règle soit
respectée247(*).
Ainsi, afin de rendre plus effective l'exigence du respect
des délais raisonnables dans les procédures judiciaires
répressives, le législateur camerounais peut, ne serait ce
qu'à titre indicatif énoncer dans une fourchette des
délais prévisibles d'achèvement de l'instruction. Ces
délais doivent bien évidement prendre en compte la nature de
l'affaire ainsi que la complexité de celle-ci. Cette mesure qui à
première vue peut simplement être qualifiée d'indicative ou
de dissuasive peut se révéler comme une véritable arme
contre l'arbitraire du juge si elle était assortie de sanction.
En France par exemple, la loi du 15 juin 2000 a
créé une sorte de contrat de procédure avec les parties.
En application de l'article 89-1 du Code de Procédure
Pénale :
«S'il estime que le délai prévisible
d'achèvement de l'information est inférieur à un an en
matière correctionnelle ou à dix-huit mois en matière
criminelle, le juge d'instruction donne connaissance de ce délai
à la partie civile et l'avise qu'à l'expiration dudit
délai elle pourra demander la clôture (...). Dans le cas
contraire, il indique à la partie civile qu'elle pourra demander en
application de ce même article, la clôture de la procédure
à l'expiration d'un délai d'un an en matière
correctionnelle et de dix-huit mois en matière criminelle ».
Cette position qui pouvait être suivie par le
législateur camerounais permet aux parties de contrôler le respect
des délais raisonnables. Ce contrôle se justifie par le fait qu'il
doit être institué un calendrier prévisionnel
notifié en début de procédure aux parties par le juge
d'instruction.
iii- La justification de la durée de
l'instruction
La loi précitée du 15 juin 2000 oblige les
juges d'instruction à l'issue d'un délai de deux ans, à
compter de l'ouverture de l'information si celle-ci n'est pas terminée,
de rendre une ordonnance motivée par référence à la
gravité des faits reprochés à la personne mise en examen,
à la complexité des investigations nécessaires à la
manifestation de la vérité et à l'exercice des droits de
la défense, expliquant les raisons de la durée de la
procédure, comportant les indications qui justifient la poursuite de
l'information et précisant les perspectives de règlement.
L'ordonnance de justification, qui doit être renouvelée tous les
six mois, est communiquée à la chambre de l'instruction. Celle-ci
pourra alors, dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice, soit évoquer l'affaire, soit renvoyer le dossier au même
juge d'instruction ou à un autre.
L'obligation de justifier la durée de l'instruction
constitue une nouvelle charge de travail pour le juge d'instruction et est
d'une efficacité limitée. En effet, la jurisprudence
précise que cette ordonnance relève de l'administration de la
justice, et plus particulièrement de la surveillance du fonctionnement
du cabinet de l'instruction par le président de la chambre de
l'instruction248(*).
Toutefois, il n'est pas exclu que ce procédé joue un rôle
efficace dans le maintient du fil conducteur de la procédure. Il permet
d'apaiser les tensions des justiciables qui le plus souvent sont nourries par
le silence des juges d'instruction et de la justice tout entière.
Après ces ébauches de réponses
pénales médiates aux lenteurs procédurales, il est
important d'amorcer la réflexion sur un autre type de réponse
souvent mis en oeuvre par les juridictions de jugement lorsqu'une affaire
s'avère complexe. Cependant, la mise en oeuvre d'une telle
réponse nécessite une réforme de l'instruction
préparatoire.
SECTION II : LA REFORME DE
L'INSTRUCTION PREPARATOIRE
Aussitôt réformée qu'on en demande
encore. A juste titre bien sûr. Mais avant, il faudrait s'interroger sur
certains points. Si l'on estime nécessaire une nouvelle réforme
de notre système pénal pour les affaires complexes, celles qui
aujourd'hui sont instruites par un juge d'instruction ou devraient
l'être, une approche ponctuelle n'est plus permise.
Une autre approche est possible, fondée sur un
pragmatisme conciliant le respect des principes du droit à un
procès équitable et l'efficacité dans la lutte contre la
criminalité. Nous pouvons réfléchir à
l'amélioration de la phase préparatoire au jugement en partant de
quatre questions clés. Avec un juge d'instruction plutôt que sans,
la procédure pénale est-elle plus efficace?, Les libertés
sont-elles mieux garanties?, L'égalité des armes entre accusation
et défense, et l'égalité des citoyens devant la loi
sont-elles mieux assurées?, Les ingérences politiques dans
l'établissement de la vérité judiciaire sont-elles
limitées? Les réponses sont aussi variables que le sont les
interrogations.
D'abord, si l'on étudie les délais
d'instruction, la réponse est non. Lorsque l'on analyse la valeur
ajoutée du travail du juge d'instruction, la réponse est
variable. Dans trop de dossiers, le juge d'instruction se contente de reprendre
ou de compléter à la marge les investigations policières,
voire de leur donner un cadre juridique pendant le temps de la détention
provisoire. Pour une grande partie de ces dossiers qui passent actuellement par
l'instruction, même pour des affaires criminelles susceptibles
d'aboutir, il suffirait de saisir un juge d'instruction qui autoriserait les
principaux actes portant atteinte aux libertés, ordonnerait des
compléments d'enquête et des expertises, statuerait en premier
ressort sur les détentions provisoires et les mesures de contrôle
judiciaire et s'assurerait par un débat public et contradictoire entre
le parquet, les parties civiles et les mis en cause, que l'affaire est en
état d'être jugée. L'essentiel est que le juge du fond soit
saisi rapidement pour une audience publique qui devra nécessairement
prendre plus de temps aujourd'hui, puisqu'il faudra entendre les principaux
témoins, procéder aux confrontations. L'oralité des
débats, redeviendra la règle effective. Compte tenu du temps
d'audience nécessaire, cela implique un redéploiement des moyens
et des modes d'organisation moderne, que le système judiciaire peut
intégrer si la pédagogie, les moyens humains et
budgétaires précèdent et accompagnent la réforme.
Egalement si par ailleurs pour dégager le temps d'audience, on traite
selon le mode de la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité, en débat public, des affaires graves mais dans
lesquelles les faits sont reconnus.
A la deuxième question, on doit répondre
aussi par la négative, du fait de « la justice de cabinet »
à laquelle on doit toujours préférer le débat
public qui empêche les pressions expresses ou diffuses.
Ensuite pour la troisième préoccupation, on
doit noter que dans un système de type inquisitoire comme le
nôtre, le coût des procédures est à la charge de
l'Etat, à la différence du système accusatoire de Common
Law où les personnes modestes ne peuvent pas réellement assurer
leur défense, ou documenter leur plainte en ce qui concerne les
victimes. Beaucoup dépend de la qualité, des moyens et des
prérogatives de la défense. Il faut donc créer un service
public de défense pénale, financé sur le budget de l'aide
juridictionnelle, intégrant des avocats seniors encadrant des plus
jeunes avec un statut leur garantissant une totale indépendance. Le
coût sera élevé, mais sans investissement lourd,
l'égalité des armes ne sera qu'un leurre et seules les personnes
disposant des moyens financiers suffisants pourront se permettre le recours aux
services d'avocats spécialisés, l'appui d'experts et la mise en
oeuvre de contre-enquêtes.
Enfin pour la dernière interrogation, l'affirmative
est requise car le juge d'instruction est celui qui peut conduire ses
investigations lorsque des ``puissants'' sont en cause, notamment dans
les affaires politico-financières. Nombre d'affaires de corruption,
d'abus de biens sociaux, impliquant le pouvoir socio-économique ou des
personnalités ayant les réseaux d'appui suffisants n'auraient
jamais pu aboutir, voire n'auraient même pas été
initiées si des juges d'instruction n'avaient pas été
saisis. Là réside le principal risque si les Procureurs se voient
confier l'initiative de toutes les investigations. Le garde des sceaux, encore
plus depuis la loi du 9 mars 2004 en France et le Code de Procédure
Pénale au Cameroun, veut s'affirmer comme « le chef des parquets
»249(*).
En tout cas, l'enthousiasme constaté qui anime les
pays dit ``sous développés'' à adhérer au rang
d'Etats de droit pour éventuellement bénéficier de
quelques avantages de la communauté internationale250(*) a souvent conduit ces
derniers à réformer leurs textes législatifs, et surtout
sur le plan procédural. Voulant les arrimer aux normes internationales,
on constate une avancée théorique qui ne rime pas toujours avec
la pratique. Très nettement on peut pour le cas du Cameroun, et dans le
cadre de notre analyse citer la réforme pénale de 2005 qui
consacrait le Code camerounais de procédure pénale.
Vraisemblablement très respectueuse des droits de
l'homme au cours du procès, et, notamment à l'instruction
préparatoire avec la contradiction et le double degré de
juridiction, nous pouvons constater que l'aisance théorique n'est pas
suivie sur le plan technico-pratique. Les surveillances judiciaires peuvent
être citées en exemple. En France, elles s'accompagnent du port de
bracelets électroniques par la personne sous surveillance. Il n'en va
pas de même au Cameroun. Ce qui nous conduit à penser que les
réformes, aussi belles soient-elles doivent prendre en compte les
capacités techniques qui l'accompagnent. Aussi, l'instruction
préparatoire et notamment le principe du double degré de
l'instruction tels que prévus par la loi camerounaise ne
nécessite-t-elle pas de nos jours une autre réforme qui, sans
doute pourra s'ériger comme une panacée aux problèmes
actuels de la phase préparatoire du procès pénal, quand on
sait l'agitation qui anime cette phase, que l'on se retrouve en droit
comparé251(*) ou
en droit interne.
Conscient du fait que le principe du double degré de
l'instruction tend à corriger les erreurs du juge d'instruction, qu'il
peut éventuellement être utilisé comme une manoeuvre
dilatoire par les bénéficiaires, c'est à juste titre que
nous pouvons prescrire une réforme. La perfection ne faisant pas partir
de ce monde. Encore est-il vrai qu'une chose n'est parfaite que lorsqu'on n'a
plus rien à retrancher, mais pas a augmenté. On estime cependant
pour une lucidité de l'instruction, une célérité,
un contrôle renforcé et une loyauté des actes d'instruction
qu'il soit admis une collégialité dans la juridiction
d'instruction du premier degré, question d'éviter les nombreuses
erreurs commises à cause de la ``solitude'' du juge d'instruction. Cette
collégialité pourrait se présenter sous plusieurs formes.
On pourrait ainsi avoir une forme dite passive, et une autre qualifiée
d'active. Leurs régimes juridiques (§I) et surtout la portée
de cette collégialité de l'instruction au premier degré
illustreront notre axe de réflexion (§II).
§-I Les régimes
juridiques de la collégialité de l'instruction au premier
degré
L'institution de la collégialité au premier
degré de l'instruction peut présenter un double visage à
notre sens. Dans une première approche, il sera question d'analyser une
forme de collégialité que l'on pourra qualifier de passive (A),
avant de voir dans la seconde hypothèse la forme de
collégialité dite active (B).
A- La
collégialité passive
Cette forme de collégialité découle
d'une institution jadis existante dans le code d'instruction criminelle avant
d'être modifiée et enfin supprimée par des lois
subséquentes.
Dans son organisation, on pouvait remarquer un
bicéphalisme au premier degré de l'instruction. Il y avait d'un
côté le juge d'instruction et de l'autre la chambre de conseil.
Cette chambre composée de trois magistrats avait pour mission de rendre
les décisions juridictionnelles. Le juge d'instruction avait ainsi pour
rôle de diligenter la procédure. On pouvait très
vraisemblablement reconduire cette pratique en remplacement de celle qui
consiste pour le juge d'instruction de transmettre le dossier au Procureur.
Les juges pouvaient ainsi être investis des
mêmes pouvoirs que ceux dont jouissent les juges actuels, à
l'exception du pouvoir juridictionnel. Il était, comme le pensait
déjà certains auteurs «un simple agent
d'information»252(*). Dans le même sens, l'institution avait
déjà poussé Jeandidier à parler d'une
«répartition des rôles qui procédait d'une
ingénieuse conception proche dans l'absolu de la
perfection»253(*). Cette conception de l'auteur qui tenait
forcement au fonctionnement de cette forme de collégialité n'est
pas du tout contestable. En effet, la chambre de conseil aussi permanente que
le juge d'instruction lui-même était tout au long de l'information
sollicitée par le ``juge du terrain''.
Cependant, Il faut noter que l'article 127 du Code
d'Instruction Criminelle prévoyait que le juge devait rendre compte au
moins une fois par semaine à la chambre de conseil des affaires qui lui
sont dévolues. Cette sollicitation de la chambre, d'une fréquence
hebdomadaire, n'avait semble-t-il autre but que de purger les nullités
pouvant faire grief à la clôture de l'instruction. Nullités
qui, dans l'organisation actuelle de la procédure sont dévolues
par voie d'appel ou d'ordonnance de transmission du juge d'instruction à
une instance supérieure où ce dernier ne peut siéger. La
conséquence logique ne pouvait être que d'éviter l'appel
qui, au niveau de l'instruction a souvent pour but le ralentissement de la
procédure et, surtout l'entrave à la bonne conduite de cette
procédure. Ce que défendait déjà Faustin HELIE
lorsqu'il pensait que «la justice pénale doit marcher sans
repos. Mais elle ne doit pas se hâter».
Cette institution dont on retrouve encore les bribes dans
la procédure actuelle, notamment par la possibilité du juge
d'instruction de saisir la Chambre de Contrôle de l'Instruction par une
ordonnance de transmission présente un intérêt capital. On
peut ainsi penser à l'exclusion du concept de l'appel voie de
nullité de la procédure. Et, comme pour donner raison à
Faustin HELIE dans le regret de l'élimination de cette organe,
«peut être eût-il mieux valu, au lieu de renverser une
institution mal organisée, lui donner une organisation nouvelle et plus
efficace»254(*)
. C'est aussi pour s'associer au regret de cet auteur que la seconde
option de la collégialité proposé dans cette analyse
mériterait une attention un peu plus particulière.
B- La
collégialité active au premier degré de l'instruction
Parler d'une collégialité active au premier
degré de l'instruction préparatoire n'est pas plus plongé
dans l'imaginaire que dans la réalité. Dans l'imaginaire, on peut
l'être en droit camerounais. Avec le droit comparé
français, on se retrouve souvent dans la réalité.
En effet, le droit français selon la
complexité de l'affaire permet au président du tribunal
d'adjoindre au juge d'instruction chargé de l'information un ou
plusieurs juges d'instruction qu'il peut désigner dès l'ouverture
de l'information, soit à la demande du juge chargé de
connaître l'affaire, et à tout moment de la
procédure255(*).
Selon les termes de l'article 142, l'information judiciaire est obligatoire en
matière de crime et facultative en matière de délit. Ce
texte traduit très naturellement le crime comme une affaire
déjà complexe. Ce qui devrait rendre logique le principe de la
collégialité au premier degré de l'instruction. Dès
lors et si c'était le cas, l'institution d'une
collégialité active à l'instruction pourrait être
protéiforme.
Premièrement, nous pouvons faire allusion à
une composition essentiellement constituée de juges du siège qui
agiront ensemble au moment des investigations et surtout au moment des prises
de décisions. Si par mégarde il ne devait en être ainsi, on
espèrerait quand même qu'en vertu de leur formation
spécialisée, les magistrats joueront un rôle actif
même s'ils ne sont pas chargés du dossier. Cette composition
garante d'impartialité et d'indépendance semble le moyen le plus
efficace d'éviter l'arbitraire du juge unique et l'omnipotence d'un
``homme seul''. Il est important de reconnaître que cet homme, bien que
toujours unique dans la conduite de l'instruction, est soumis à
d'éventuelles remises en cause de ses décisions devant un juge
supérieur qui ici est la Chambre de Contrôle de l'Instruction et
éventuellement la Cour Suprême. Le principe du double degré
de l'instruction ne fait plus du juge d'instruction un homme aussi puissant.
Autrefois considéré comme le défenseur des droits, il est
paradoxalement de nos jours présenté pour tous comme le fouteur
des troubles, celui dont on doit se méfier, celui qui juge en se
trompant256(*).
Une telle situation ne peut, semble-t-il, se
réparer que par un renforcement de l'instruction préparatoire.
Renforcement qui consistera à remettre cette phase répressive
entre les mains de plusieurs magistrats. Ce qui permettrait de renforcer
à la foi le contrôle et la loyauté de l'instruction, car
nul ne peut raisonnablement récuser la collégialité
à un stade aussi grave que l'instruction et ce pour les mérites
fondamentaux qui lui est reconnu.
Dans le deuxième cas, nous pouvons suggérer
que soit introduit dans la collégialité des experts. L'expertise
étant l'occasion souvent usitée par les parties pour faire
trainer la procédure, on peut estimer que la composition
collégiale des tribunaux d'instruction gagnerait soit à rendre
les juges experts ou simplement recruter des experts dans la composition du
tribunal. La première situation consisterait à faire des juges,
spécialistes du droit, spécialiste d'un type de litige
déterminé.
Ensuite, dans une troisième hypothèse, on
peut faire de l'expert un juge, c'est-à-dire rompre avec la technique
actuelle du choix de l'expert qui ouvre le plus souvent une occasion aux
parties de gagner un peu de temps en contestant le choix opéré
par le juge d'instruction. Dorénavant en faisant partir de la
collégialité qui compose le tribunal d'instruction,
automatiquement il sera appelé à se manifester.
Il faut cependant dire que ces différentes
propositions peuvent avoir des portées considérables sur le
procès pénal.
§-I- La portée de
la collégialité de la juridiction d'instruction de premier
degré
Il ne fait pas de doute que la collégialité
présente dans le procès pénal des atouts
considérables. Toutefois, il est regrettable de constater qu'à la
différence de la phase de jugement, il n'existe aucune
possibilité de composition collégiale pour conduire l'instruction
préparatoire257(*). Pourtant, nous devons reconnaître que la
phase préparatoire du procès est la plus importante dans la
mesure où, même si dans la phase de jugement le juge n'est pas
lié par la qualification donnée par le juge d'instruction dans
son ordonnance de renvoi, elle en dépend largement. D'où la
nécessité d'un tel aménagement au niveau de l'instruction
préparatoire. Aménagement qui nécessairement apportera un
plus sur la qualité des actes accomplis (A) et particulièrement
sur la procédure d'instruction (B).
A- L'amélioration des actes de l'instruction
Le juge d'instruction est un homme seul à la
quête d'une « prétendue
vérité » parfois introuvable. Son omnipotence peut
souvent lui conférer des pouvoirs très larges. En vertu de
l'adage célèbre selon lequel «tout homme investi d'un
pouvoir a tendance à en abuser», faire une exception avec le
juge d'instruction serait une utopie. Dès lors, il n'est pas exclu que
celui-ci peut parfois être plus guidé par ses sentiments que par
la loi.
Certes le Code de Procédure Pénale soucieux
d'une justice équitable permet par plusieurs moyens de contrôler
les actions du juge d'instruction258(*). Ces moyens dont le principal reste le principe du
double degré de l'instruction est certes respectueux du principe
fondamental de bonne justice. Cependant, ils peuvent aussi constituer un trou
noire dans la justice et ce pour bien de raisons. La procédure
pénale prise dans l'étau de l'impératif de la prompte
répression des coupables d'infraction doit agir rapidement pour combler
les attentes de la société. De même, l'impératif de
respect de la présomption d'innocence doit obliger celle-ci à
prendre en considération les droits du présumé
innocent.
Ne faisant pas les éloges de la procédure de
type Anglo-saxon où l'instruction est quasi absente, nous pouvons sans
risque de se tromper admettre que la célérité des actes de
l'instruction peut être garantie au premier degré de l'instruction
par la composition collégiale du tribunal, car il est vrai qu'une
vérité trouvée par plusieurs personnes surtout expertes
dans leur domaine vaut plus que celle trouvée par un homme seul. En
plus, il sera aussi admis que les actes pris collectivement seront moins
contestables devant la Cour d'Appel que ceux émanant du seul juge.
L'institution de la collégialité permettra aussi une meilleure
interprétation de la règle de droit. Et enfin, comme pour
confirmer l'apport des bienfaits de la collégialité au premier
degré de l'instruction, un proverbe africain estime que «le
meilleur paquet ne peut s'attacher d'une seule main». En transposant
ceci dans notre analyse, on doit admettre que les actes pris pas la juridiction
collégiale représentent dans leur grande majorité des
actes dénués d'imperfection.
B- Portée de la
juridiction collégiale sur la procédure d'instruction
L'institution d'une juridiction collégiale a un
impact remarquable sur la procédure d'instruction. En défenseur
de cette forme de composition des juridictions répressives, on doit sans
crainte affirmer qu'avec la collégialité, l'indépendance
et l'impartialité sont renforcées.
D'abord l'indépendance, dans la mesure où
les juges rendent leurs décisions dans l'anonymat. Une telle situation
permet à ceux-ci de s'extraire d'éventuelles pressions qu'ils
pourraient subir ça et là. Il est honnête de penser que la
collégialité peut constituer une source de
l'irresponsabilité de certains juges qui viendront cacher leurs
médiocrités et leurs paresses dans le travail de masse.
Cependant, on doit aussi s'accorder pour admettre que les attitudes d'un
individu solitaire trouvent des limites dans la collectivité.
Ensuite l'impartialité, en ce sens que les
décisions ne seront plus issues de la loi et de la conscience d'un homme
seul, mais de cette même loi et de la conscience de plusieurs hommes aux
qualités différentes. Plus encore, l'impartialité est
renforcée par le fait que les décisions ne sont adoptées
que lorsque la majorité des juges l'approuvent. Dès lors, la
collégialité trouve toutes ses lettres de noblesse dans la mesure
où le juge unique souvent redouté par les parties pour quelques
raisons qu'elles soient sera contrôlé par ses pairs.
Nous pouvons aussi estimer que la
collégialité du tribunal constitue une véritable voie de
contournement des procédures particulières que sont la
récusation et le renvoi d'une juridiction à une autre, dans la
simple hypothèse que les justiciables ne peuvent mettre en
évidence les liens d'amitié, de fraternité entre le
collège de juges désigné et une partie au procès.
Ces procédures lorsqu'elles surgissent dans un procès sont sans
conteste des causes à la fois de lenteurs et de prolongement de la
procédure. L'apport de la collégialité dans cette phase
procédurale est remarquable à deux nivaux.
Une répartition des tâches entre les juges
d'instruction est envisageable. Ensuite, on imagine aussi que
l'empêchement d'un juge ne peut en aucun cas interrompre le cours de
l'instruction préparatoire. C'est soutenant cette idée que le
président Badinter dans son discours devant l'Assemblée National
française précisait :
«La collégialité, autre avantage, est
le meilleur remède aux empêchements divers du juge d'instruction
(maladie, maternité, etc.) : la désignation par la
chambre en son sein d'un remplacement déjà au courant de
l'affaire est un gage de rapidité et
d'efficacité»259(*).
Il est important de noter qu'en dépit des atouts
considérables de la collégialité de la juridiction
d'instruction de premier degré, ceci ne va pas sans effet.
La collégialité au premier degré de
juridiction nécessite que soit recrutée un nombre important de
magistrats. Cet accroissement doit s'accompagner de la cohésion entre
ceux-ci dans l'accomplissement de leur devoir de rendre la justice. Surtout que
celle-ci se rend au nom du peuple tout entier. Il faut ici redouter quelques
discordances très souvent observées dans le travail de groupe. La
passivité de certains, le désengagement des autres peuvent
émailler toute la splendeur reconnue à la composition
collégiale des juridictions. En tout état de cause, il reste que
l'on peut redire ces propos du premier président de la Cour
Suprême du Cameroun :
«Il n'est un secret pour personne, la justice est en
difficulté : sans vouloir prétendre justifier quelque
carence que ce soit, il me semble permis de dire que dans les conditions
actuelles d'existence et de travail, il est difficile à un juge
d'assumer, dans l'honneur, la dignité et la délicatesse la lourde
charge, l'écrasante responsabilité de juger ses semblables et
d'avancer ou tenter d'avancer avec sérénité sur le chemin
cahotant de la vérité. Citoyens d'une démocratie libre,
nous sommes tous concernés par une bonne administration de la justice de
notre pays : la justice est l'affaire de tous, et chacun, dans un pays de
droit, doit pouvoir demander raison. Cessons d'être des témoins
passifs de la détérioration et de la dégradation constante
du fonctionnement des services judicaires, et partant, de l'image de marque du
juge(...) veillons à les doter d'instruments modernes de travail
adaptés à leur fonctionnement et à l'évolution
technologique du monde. Quant à nous animateurs principaux et
auxiliaires des services judicaires, magistrats, avocats, greffiers, notaires,
huissiers, experts officiers de police judicaire, n'attendons pas passivement
que des statuts, des lois organiques ou ordinaires des décrets ou des
circulaires fournissent la thérapeutique nécessaire(...) tirons
donc notre prestige, de nos mérites, de notre imagination
créatrice et de notre efficacité. Gardons nous de nous servir de
peur d'asservir le justiciable»260(*).
CONCLUSION DE LA DEUXIEME
PARTIE
La justice est encore au centre d'une crise de nos
jours. Quand nous savons que les objectifs premiers du Code de Procédure
Pénale issu de la loi de 2005 étaient la réduction, voir
l'éradication des lenteurs procédurales qui, autrefois
constituaient le principe en droit camerounais, et l'adaptation des
règles de procédure aux exigences de sauvegarde des droits du
citoyen à toutes les phases répressives, nous sommes en droit de
s'interroger sur la réussite d'un tel pari par le législateur.
C'est dans cet ordre d'idées que monsieur Emmanuel Ndjéré
se demandait si ledit code était un outil efficace ou une parure de
façade261(*). Il
proposait, pour éviter de faire de cette merveille une parure
de façade l'implication des pouvoirs publics, des universitaires, des
membres des professions judiciaires, des forces de l'ordre et même des
populations dans la mise en oeuvre de celle-ci.
En effet, hier déjà on réclamait
pour la subordination de la légalité pénale au droit,
«la mise en place effective des constitutions
idoines»262(*). Aujourd'hui cela ne semble plus être le
problème. Nous nous retrouvons plutôt dans une situation où
les institutions nouvelles doivent s'accompagner d'un recyclage de son
personnelle sur le rôle qu'ils ont à jouer dans la
préservation de la paix sociale et d'une prise de conscience à la
fois de ces derniers et des populations.
Le juriste Allemand IHERING pensait déjà
que «la forme ennemie jurée de l'arbitraire est soeur jumelle
de la liberté»263(*). Il est donc assez clair pour le droit
pénal camerounais de forme qui dispose des mécanismes acceptables
sur le plan de la garantie du droit à un procès équitable,
que l'arbitraire des juges reste le trou noir de la conquête de cet
idéal. A ceci, nous devons ajouter le faible déploiement des
structures d'accueil en matière de justice, qui entraine les
conséquences que l'on connaît. Cependant, on pouvait devant cette
situation densifier le nombre de magistrats instructeurs dans le peu de
structure que l'on a à sa disposition. Car on peut penser que cet homme
prétendument seul en quête de « l'introuvable
vérité » ; le juge d'instruction, même
s'il ne se retrouve pas seul au second degré de l'instruction peut a
priori au premier degré être assisté d'autres personnes
(juges et experts). Cette assistance offrira sans doute plus de
crédibilité aux actes d'instruction.
A ce niveau de l'instruction, même s'il n'agit pas
véritablement seul, on peut penser avec Monsieur TRICOT qui en parlant
de l'instruction préparatoire écrit :
«Une oeuvre de qualité mais d'un
homme seul, il fut critiqué ! Il est étrange de constater
qu'à l'époque où selon le garde des
sceaux : « nous ne sommes plus du temps de la diligence de
la marine à voile», pour résoudre une affaire aussi
délicate, on n'ait pas fait appel à la collégialité
alors qu'à quelques semaines d'intervalle, on la présente comme
la panacée pour l'instruction»264(*).
CONCLUSION GENERALE
C'est sans réserve aucune que l'on doit admettre
que chaque loi nouvelle n'a pour seul objectif la perfection du fonctionnement
des institutions qu'elle régit. En droit pénal par exemple, et en
procédure pénale particulièrement, miroir de la
société, les lois souvent taxées de rigide ou de souple ne
s'adaptent qu'aux exigences du moment265(*). La prise en compte de l'individu est au centre de
la loi de 2005, notamment au cours de l'instruction préparatoire
où, la contradiction occupe une place de choix, entraînant ainsi
une relativisation du secret de l'instruction. Et, plusieurs autres
prérogatives comme le droit d'appel et surtout le pouvoir de
contrôle qu'ont les parties privées sur le juge d'instruction.
Sur un autre plan, cette prise en compte de l'individu
concrétise un autre voeu pieux du législateur camerounais :
le droit à un procès équitable. Il peut s'analyser sous
plusieurs angles. On peut entre autres citer les délais raisonnables, le
droit à un tribunal indépendant et impartial. Tous ces droits,
aujourd'hui érigés au rang de droit fondamental, sont garantis
par une règle primordiale du droit à un procès
équitable à savoir la règle du double degré de
juridiction.
Seulement dans notre étude, il fallait encore pour
montrer le degré de préservation et de garantie du droit à
un procès équitable étudier cette règle au niveau
de l'instruction. Cette consécration du double degré de
l'instruction fait bien la preuve que le législateur ne veut plus punir
injustement ou par erreur dans la conduite des procédures. La
possibilité ainsi donnée aux parties de contester les actes
d'instruction devant la Cour d'Appel traduit la volonté de ce dernier de
faire de la juridiction d'instruction non pas un organe chargé de
déclarer la culpabilité, mais simplement de recherche des charges
probables pouvant peser sur un individu.
Les résultats de l'analyse sont peut être
mitigés. Mais à défaut de quelques dérives qui
peuvent faire de la règle un obstacle à la
célérité de la procédure, il faut admettre que
celle-ci s'érige en un véritable rempart contre les excès
des juges. Il faut au regard de ceci dire que dans un même procès,
les justiciables peuvent saisir la juridiction d'appel au moins deux fois. Au
cours de l'instruction et notamment au cours du jugement. De cette
manière la problématique centrale de la règle du double
degré de juridiction reste son apport dans la
célérité de la procédure pénale.
Si évidement le but de la règle est la
préservation et la sauvegarde du droit à un procès
équitable, on doit admettre suivant un point de vue purement formelle
que cette règle rempli sans ambages sa fonction dans le droit
camerounais. Mais, il faudrait tout de même déplorer les
égos de certains tenants de la justice qui dans la pratique se plongent
dans l'informel, ce qui fait parfois de l'instruction préparatoire le
maillon faible de la chaîne procédurale.
C'est donc à juste titre que, considérant la
collégialité dans toute sa splendeur comme un moyen de
légitimation du droit à un procès équitable, son
institution au premier degré de l'instruction serait aussi une
manière efficace de s'insurger contre le dimensionnement personnel du
fonctionnement du service public de la justice au profit de quelques
intérêts égoïstes. Ce qui entrainera avec lui toutes
les critiques acerbes en direction de la justice. Dans tous les cas et en tout
état de cause, on peut admettre que le double degré de
l'instruction constitue une véritable garantie du droit à un
procès équitable.
Nous devons donc admettre sans réserve aucune que
le Code de Procédure Pénale est assurément une
avancée dans la bonne justice. Cependant, la justice n'est pas
l'affaire du législateur et des juges, certaines carences de la justice
sont l'oeuvre même des justiciables. La sécurité juridique
ne pouvant se limiter aux simples textes, il est important que la
société entière s'investisse afin que le Code de
Procédure Pénale ne constitue pas une simple parure de
façade.
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entre la justice et les justiciables », Penant n°824,
1997, pp 208-228.
- Nkou mvondo, « La Justice parallèle au
Cameroun : la réponse des populations camerounaises à la
crise de la Justice de l'État », Droit et
société n°51-52/2002.
- Ohanda Eloundou (A), « Un revenant : le juge
d'instruction », juridis-périodique,
n°68, 2006, pp 91-97.
- Remy Cabrillac, A.M Frisson Roche, Thierry Revet, (dir),
Libertés et droits fondamentaux, Paris, D., 9e
éd, 2003.
- Spener Yawaga, L'information judiciaire dans le code
Camerounais de procédure pénale, PUA, 2006, 226p.
- Tchakoua (J.M), (dir), « Des acteurs et
procédés dans la nouvelle procédure
pénale », in Les tendances de la nouvelle procédure
pénale camerounaise, vol 1, PUA, 2006, 394p.
- Tchokomakoua (V), « Chronique d'une longue
gestation : du code d'instruction criminelle au code de procédure
pénale », Les tendances de la nouvelle procédure
pénale camerounaise, vol 1, PUA, 2006, pp 21-26.
- Wilfried (J), « La juridiction collégiale
d'instruction », in Mélange en l'honneur d'André VITU,
Cujas, 1987.
C- OUVRAGES METHODOLOGIQUES
- Beaud (M), L'art de la thèse, Paris,
éd. La découverte, 1994, 194p.
- Bergel (J.L), Méthodes du droit, Théorie
générale du droit, Paris, D., 2e éd.,
1989, 342p.
- Perelman (chaïm), Méthode du droit. Logique
juridique, nouvelle rhétorique, Paris, D.1976, 193p.
III- THESES ET MEMOIRES
- Abanda Essomba (M.R), « Le contrôle de
régularité de la procédure d'information judiciaire en
droit pénal camerounais », mémoire DEA
Université de Yaoundé II, 2008-2009, 136p.
- Anoukaha (F), « Le magistrat instructeur dans
l'avant projet du code de procédure pénale »,
Thèse, Université de Yaoundé, 1982, 528p.
- Babelen (D.H), « L'instruction
préparatoire dans le code de procédure pénale
camerounais », mémoire DEA Université de
Yaoundé II, 2005-2006, 74p.
- Engo Assoumou (C), « Les garanties
d'impartialité du juge dans le code de procédure
pénale », Mémoire DEA, UYII, 2005, 89p.
- Mihman (A), «Contribution à l'étude
du temps dans la procédure pénale : pour une approche
unitaire du temps de la réponse pénale »,
Thèse, Université paris sud 11, 2007, 634p.
IV- DICTIONNAIRES
- Beziz-Ayache (A), Dictionnaire de droit pénal et
procédure pénale, Paris, Ellipses, 2e éd,
2003.
- Cornu (G), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, PUF, 8e éd, 2009.
- Guillien (R) et Vincent (J), Lexique des termes
juridiques, D.2007.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE........................................................................................i
DEDICACES ii
REMERCIEMENTS ........................iii
LISTE DES ABREVIATIONS ..........iv
RESUME ...............v
ABSTRACT ......................vi
INTRODUCTION GENERALE 1
TITRE I : L'ENCADREMENT DU PRINCIPE DU DOUBLE
DEGRE DE L'INSTRUCTION 13
CHAPITRE I : LA STRUCTURATION ORGANIQUE ET
FONCTIONNELLE DU PRINCIPE 15
SECTION-I : LE PREMIER DEGRE DE L'INSTRUCTION
15
§-I- La saisine du Juge d'Instruction 16
A- Les sources de saisine du Juge d'Instruction 17
i- Le réquisitoire introductif d'instance 17
ii- La plainte avec constitution de partie civile 17
B- La portée de la saisine du Juge d'Instruction 18
i- La portée de la saisine quant
à l'infraction... 20
ii- La portée de la saisine quant aux personnes 21
§-II- Les pouvoirs du Juge d'Instruction 22
A- Les pouvoirs d'information du Juge d'Instruction 22
i- Les compétences personnelles du Juge d'Instruction.
23
a- La compétence du Juge d'Instruction sur les personnes
24
b- La compétence du Juge d'Instruction sur les biens.
24
ii- Les compétences déléguées du
Juge d'Instruction 25
a- Les commissions rogatoires 26
1-La limitation des personnes
habilitées à recevoir les
commissions rogatoires 27
2- La limitation de l'objet des commissions rogatoires 27
b- La commission d'expert 28
B- Les pouvoirs de juridiction du Juge d'Instruction 29
i- La nature du pouvoir de juridiction reconnu au Juge
d'Instruction 31
a- Le pouvoir de juridiction du Juge d'Instruction est un
pouvoir
imparfait 31
b- Les conséquences du caractère imparfait du
pouvoir du Juge d'Instruction 32
ii- Le régime juridique du pouvoir juridictionnel du Juge
d'Instruction 32
a- Les ordonnances du Juge d'Instruction 33
b- La portée des ordonnances du Juge d'Instruction 33
SECTION II- LE SECOND DEGRÉ DE L'INSTRUCTION
34
§-I- La saisine de la Chambre de Contrôle 35
A- Les mécanismes de saisine de la Chambre de
Contrôle 36
i- Le mode ordinaire de saisine de la Chambre de
Contrôle 36
a- L'inégale répartition du droit d'appel entre les
bénéficiaires 37
1-Le droit d'appel du ministère public 37
2-Le droit d'appel des parties 37
b- Le formalisme de l'appel 39
ii- Le mode ``réservé'' de saisine de la Chambre de
Contrôle 40
§- II- Les pouvoirs de la Chambre de Contrôle de
l'Instruction 42
A- La compétence de la Chambre de Contrôle sur les
actes d'instruction 43
i- Le contrôle de l'opportunité des actes
d'instruction 43
a- Les conditions d'exercice du pouvoir de révision 43
1- La Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie de
l'affaire tout entière 44
2- La Chambre de Contrôle de l'Instruction est saisie
partiellement de l'affaire 45
b- Les modalités d'exercice du pouvoir de révision
45
1- Le supplément d'information 46
2- La prorogation des actes d'instruction 46
ii- Le contrôle de la régularité des actes
d'instruction 47
a- La mise en oeuvre des nullités 48
b- Les conséquences des nullités 49
B- Le contrôle des actes de juridiction 50
CHAPITRE II : LES FINALITES DU DOUBLE DEGRE
DE L'INSTRUCTION 54
SECTION-I : LE DOUBLE DEGRE DE
L'INSTRUCTION : UNE GARANTIE DU DROIT A UN PROCES EQUITABLE 54
§-I- Double degré de l'instruction :
régulateur de la justice 55
A- L'indépendance du Juge d'Instruction 56
B- L'impartialité de la Juridiction d'Instruction 57
i- Le Juge d'Instruction ne peut statuer dans la Chambre de
Contrôle de l'Instruction. 58
ii - La garantie d'impartialité à travers les
pouvoirs de la chambre de contrôle de l'instruction 59
§-II- Un moyen d'évitement de l'arbitraire des juges
60
A- La collégialité de la juridiction d'instruction
61
B- Le pourvoi en cassation : un moyen de juguler
l'arbitraire des juges 61
SECTION II : LE DOUBLE DEGRE DE
L'INSTRUCTION : UN MOYEN DE PRESERVATION DES DROITS FONDAMENTAUX ET
LIBERTES INDIVIDUELLES 63
§-I- La relativité du secret de l'instruction
à l'égard des parties 64
A- Le renforcement des droits de la défense des demandeurs
au procès pénal 65
B- Le renforcement des droits de la défense de
l'inculpé 66
§-II Les délais pour statuer en cas d'appel devant
les juridictions supérieures 68
A- La précarité des délais pour statuer en
cas d'appel au cours de
l'instruction 69
i- Les délais en cas de violation du principe de la
liberté individuelle 70
ii- Les délais dans les cas autres que la violation des
libertés d'aller et de venir 70
B- L'incertitude des délais de procédure en cas
d'appel des actes
d'instruction 71
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 73
TITRE II : LA PRATIQUE DU DOUBLE DEGRE DE
L'INSTRUCTION 75
CHAPITRE I : MECANISME GENERATEUR DE LENTEURS
PROCEDURALES 78
SECTION-I : LES CAUSES DES LENTEURS PROCEDURALES 79
§-I- Les causes subjectives des lenteurs procédurales
79
A- L'attitude des parties
privées......................................................80
B- L'attitude des magistrats 83
§-II- Les causes objectives des lenteurs
procédurales 85
A- L'indépendance mitigée du Juge d'Instruction
86
i- Les atteintes à l'indépendance du Juge
d'Instruction sur le
plan interne 86
ii- Les menaces externes à l'indépendance du Juge
d'Instruction 89
B- Les moyens de fonctionnement de la justice 90
SECTION II : LES CONSEQUENCES DES LENTEURS
PROCEDURALES DANS
LE SYSTEME JUDICIAIRE
CAMEROUNAIS 93
§-I- Le « divorce » entre la justice et
les justiciables 94
§-II- La création des « justices
pénales parallèles » 97
A- La procédure dans les « justices
pénales parallèles » 98
B- La justice parallèle et l'Etat de droit garant du droit
à un procès
équitable 99
CHAPITRE II : DES REPONSES AUX LENTEURS
PROCEDURALE A LA NECESSITE D'UNE REFORME DE L'INSTRUCTION......102
SECTION I : LES MESURES D'ATTENUATIONS DES
LENTEURS JUDICIAIRES 103
§-I- La simplification des mécanismes et l'effet non
suspensif des voies recours 104
A- La simplification des mécanismes des voies de recours
104
B- L'effet non suspensif des voies de recours au cours de
l'instruction
préparatoire 105
§-II : La limitation du domaine d'action des
justiciables et du temps
de l'instruction 106
A- La limitation du domaine d'action des justiciables quant aux
voies de recours 106
B- La détermination du temps de l'instruction 108
i- Le dessaisissement du Juge d'Instruction inactif 108
ii- La détermination des délais prévisibles
d'achèvement de l'instruction 109
iii- La justification de la durée de l'instruction 110
SECTION II : LA REFORME DE L'INSTRUCTION
PREPARATOIRE 111
§-I- Les régimes juridiques de la
collégialité de l'instruction au premier degré 115
A- La collégialité passive 115
B- La collégialité active au premier degré
d'instruction 117
§-I- La portée de la collégialité de la
juridiction d'instruction de premier degré 118
A- L'amélioration des actes de l'instruction 119
B- Portée de la juridiction collégiale sur la
procédure d'instruction 120
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 123
CONCLUSION GENERALE 125
BIBLIOGRAPHIE 128
TABLE DES MATIERES 133
* 1 Elles se sont tenues du
25 au 29 octobre 1999 dans tous les chefs-lieux de province. Pour l'essentiel,
la direction des assises était assurée par les présidents
de Cours d'Appel, à l'exception de la cérémonie tenue
à Yaoundé sous la présidence du ministre de la Justice,
Garde des Sceaux.
* 2 Ce thème est le
titre de l'ouvrage du professeur Minkoa She Adolphe, ouvrage dans lequel
l'auteur fait le point sur le niveau de prise en compte des droits de l'homme
dans le droit pénal camerounais, Economica, 1999.
* 3 Elle est issue de la loi
n° 96 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02
Juin 1972. Il est aussi important de noter qu'elle a été
légèrement modifiée par une loi du 14 avril 2008.
* 4 Le droit à la
justice ou droit d'accès à la justice est devenu aujourd'hui une
aspiration partagée par plusieurs Etats modernes. Il sous-tend plusieurs
autres droits tels, le droit à la présomption d'innocence,
à la défense, à l'exécution des décisions et
même le droit à un juge indépendant et impartial.
* 5 Pradel Jean,
Procédure pénale, paris, 9e éd. n°2.
* 6 Le durcissement de la loi
pénale dans le but de réprimer le ``grand banditisme'' a
donné lieu à l'ordonnance du 26 août 1972 qui consacrait la
suppression du juge d'instruction.
* 7 Telle est la position
consacrée dans la refonte du droit pénal de forme au Cameroun.
* 8 Ce texte est cité
par Emmanuel Ndjere, in L'information judicaire au Cameroun, Presses de l'UCAC,
juin 2003.
* 9 Etaient appliqués
au Cameroun après l'indépendance et la réunification le
Code d'instruction criminelle de 1808 hérité des colonisateurs
français et la « criminal procedure ordinancy » du
colon anglais. Le premier était applicable dans le Cameroun oriental. Il
présentait un caractère mixte où la procédure
inquisitoire menée par un juge d'instruction était strictement
secrète. Le second applicable dans le Cameroun occidental était
accusatoire, privilégiant ainsi les droits et libertés
individuels par la garantie de l'égalité entre l'accusé et
l'accusateur dans le duel qu'il organise entre ceux-ci dans un procès
oral, public et contradictoire.
* 10 Anoukaha Francois,
« Le Procureur de la République ``JANUS'' de la magistrature
Camerounaise », Pénant 1985, P.111 et s.
* 11 Cette expression est de
Boulan Fernand, ``Le double visage de l'action civile exercée devant la
juridiction répressive', JCP, 1973, I 2563.
* 12L'expression code de
procédure pénale semble pour nous plus approprié au
détriment de celui de nouveau code de procédure pénale
dans la mesure où le Cameroun n'en a jamais eu un du genre et n'avait
jusqu'ici qu'appliqué les textes conjugués français et
britannique.
* 13 Tchokomakoua Venant,
« Chronique de la longue gestation : Du code d'instruction
criminelle au code de procédure pénale», in Les tendances
de la nouvelle procédure pénale Camerounaise, vol 1, PUA.
2006.
* 14 Le Code de
procédure pénale devait ici attendre près de treize mois
pour être appliqué comme tel au Cameroun. Ce laps de temps
observé après la promulgation de la loi de 2005 devrait selon les
autorités permettre aux acteurs de la procédure de mieux
s'imprégner du précieux sésame.
* 15 Si la démocratie
doit s'entendre comme l'art de parler et d'écouter les autres dans le
strict respect des droits des personnes, on peut à la lecture du code de
procédure pénale camerounais affirmer l'existence d'une telle
démocratie dans la procédure camerounaise, notamment au cours de
l'instruction où l'inculpé peut interroger d'autres personnes et
surtout au cours de la phase de jugement.
* 16 Ces écoles
respectivement défendues par Grammatica et Marc Ancel défendent
l'idée selon laquelle la protection de la société passe
par celle des individus asociaux (délinquants) ; le jugement de ses
individus devait se dérouler en deux phases, le procès de l'acte,
phase au cours laquelle le juge devait établir la
matérialité des faits et se prononcés sur la
culpabilité du prévenu ; ensuite devrait suivre le
procès de la personne, phase au cours de laquelle le juge
procédait à l'étude de la personnalité de
l'individu asocial en vue de moduler la peine à son degré de
responsabilité morale et de prendre les mesures de protection les plus
adéquates. Sur l'ensemble de la question, lire Merle et Vitu,
traité de droit criminel. Problèmes généraux de
sciences criminelle et droit pénal général, 4e
éd, Cujas, tome1, n° 73 et Pradel (J), Droit Pénal
Général, éd 2001, Cujas, P.28 et s.
* 17 Cette qualification a
été tirée des discours du chef de l'Etat camerounais
prononcés lors de ses multiples sorties courant 2010.
* 18 Berend (B), L'influence
de l'organisation de l'Etat sur le droit pénal, RIDP, 1949, P.23
cité par Minkoa She (A) in Droit de l'homme et droit pénal au
Cameroun, op.cit.
* 19 Pour reprendre
l'expression de Ohanda Eloundou, in Juridis- périodique,
n° 65, 2006, P. 91 et s.
* 20 Mebu Nchimi Jeanne
Claire, «Le Procureur de la République
« décoiffé» de sa casquette de magistrat
instructeur» ; in Les tendances de la nouvelle procédure
pénale Camerounaise, vol 1, PUA, 2007, P.241 et s.
* 21 Sur l'ensemble de la
question, lire Tchakoua Jean Marie, « La considération de
l'intérêt social et de la paix publique en matière de
poursuite : conjectures autour de l'article 64 du code de procédure
pénale », in Les tendances de la nouvelle procédure
pénale camerounaise, vol 1, PUA, 2007.
* 22 Sur l'ensemble de la
question, lire Anoukaha (F), «Commentaire de l'organisation judiciaire au
Cameroun », in Juridis- périodique n°65 de
2006.
* 23 Ordonnance n°72/4
du 26 Aout 1972 portant organisation judiciaire au Cameroun.
* 24 La comédie
humaine, éd. La pléiade, T.6, P.178.
* 25 Contrairement au double
degré de juridiction qui consiste à interjeter appel après
un premier jugement rendu sur le fond de l'affaire, le double degré de
l'instruction consiste quant à lui à remettre en cause par appel
l'ordonnance du juge d'instruction. Il est aussi important pour dissocier ces
deux mécanismes de rappeler qu'ils peuvent s'exercer dans une seule et
même affaire à la condition que cette dernière soit sujette
à instruction.
* 26 Ohanda Eloundou,
« Un revenant : le juge d'instruction »,
juridis-périodique n° 65, 2006, P.91 ; Ndjere (E), Du
juge d'instruction au juge d'instruction : quel changement pour quel
résultat ?, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2006.
* 27 Cette définition
est donnée par le Vocabulaire juridique, Gérard Cornu,
Association Henri Capitant, 8e éd, PUF, 2009, P .500.
* 28 On peut sans risque
dire avec ces auteurs que l'instruction est une véritable sorte d'avant
procès non parce qu'elle se situe en amont de l'instruction
définitive mais au regard du véritable débat
contradictoire qui anime cette phase de la procédure.
* 29 Guillien (R) et Vincent
(J), Lexique des termes juridiques, D, 13e éd, P.311. Il
faut dire que la Chambre d'accusation, aujourd'hui Chambre de l'instruction en
France a pour équivalent au Cameroun la Chambre de Contrôle de
l'Instruction.
* 30 Mebu Nchimi (J.C),
op.cit, P.242.
* 31 Minkoa She (A), op.cit.
P.179.
* 32 Perrot (R), Institution
judiciaire, 8e éd, Montchrestien, P.149.
* 33 Merle et Vitu,
Traité de droit criminel, procédure pénale, Paris, 1980,
3e éd, Cujas, T. II, P. 518 et s.
* 34 Ces deux lois
organisent la pratique du double degré de l'instruction.
* 35 Dans le même
sens, on peut faire allusion aux articles 7 de le Convention Européenne
des droits de l'homme, de la Charte Africaine des droits de l'homme et des
peuples, et enfin l'article 11 de la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme.
* 36 Faustin Helie,
Traité d'instruction criminelle, n°1676, cité par D Allix,
in Les droits fondamentaux dans le procès pénal, n°115.
* 37 Cons const, 19 janvier
1981.
* 38 Cass. Crim. 29
décembre 1964, Gaz. Pal, I, 257.
* 39 Au Cameroun, elles se
composent des juridictions d'instance, des Cours d'Appel et de la Cour
Suprême.
* 40 C'est le cas devant la
Haute Cour de Justice
* 41 Faustin Helie,
Traité de l'instruction criminelle, 2e éd, 1866, tome
I, P.4, Cité par Pradel (J), in Manuels de procédure
pénale, 11e éd, 2001, Cujas, n°357.
* 42 Dans ce même
ordre d'idées, le conseil constitutionnel le 16 juillet 1996
décidait : ``considérant que la recherche des auteurs
d'infractions est nécessaire à la sauvegarde de principes et
droits de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient au
législateur d'assurer la conciliation entre un objectif de valeur
constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques
constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la
liberté individuelle (...)», Cons. Const. 16 juillet 1996, D. 1997,
note, Mereuzot, JCP, 1996. II. 22709, note Nguyen van Tuong.
* 43 Tchakoua (J.M) ``Des
acteurs et procédés dans la nouvelle procédure
pénale'', in Les tendances de la nouvelle procédure pénale
camerounais, vol1, PUA, 2006.
* 44 Sur les distinctions,
on peut remarquer les différences nominatives des organes de la chambre.
En ce qui concerne le droit comparé, on cite le cas de la France.
* 45 Article 20 loi n°
2006/015.
* 46 Cette condition tient
compte du nombre de juges à commettre.
* 47 En vertu de l'article
142, l'information n'est pas obligatoire pour toutes les infractions.
S'agissant de la qualité du délinquant, il est important de noter
que mineur et majeur ne sont pas soumis au même régime.
* 48 Melone (S),
« L'instruction préparatoire en Afrique noire
francophone », RIDP, 1985, Pp. 253 à 311.
* 49 Pradel (J), Manuels de
procédure pénale, op.cit., Spener Yawaga, L'information
judiciaire dans le code camerounais de procédure pénale, PUA,
2006. Cette conception nous semble réductionniste, car comme un
véritable procès la décision finale reste en suspend
lorsque les voies de recours sont encore ouvertes.
* 50 Cette terminologie est
empruntée à Larguier (J), Mémentos de procédure
pénale, 19e éd, D.2003.
* 51 Le Procureur de la
République doit même en cas de plainte avec constitution de partie
civile être requis par le juge d'instruction pour son
réquisitoire. De même, on peut justifier ceci par le principe de
la séparation des fonctions répressives, la victime
n'étant dépositaire d'aucune de ces fonctions.
* 52 Cette interdiction
était déjà consacrée par le CIC en son article 59.
Le code de procédure pénale en fait de même à
travers l'article 143.
* 53 Le Procureur peut
prendre un réquisitoire de non-informé surtout lorsque la
poursuite est juridiquement impossible. Le juge d'instruction ne pouvant s'en
écarter même par ordonnance motivée.
* 54 Article 145
* 55 Article 147
* 56 Article 154
* 57 Article 158
* 58 Article 159
* 59 Ohanda Eloundou,
op.cit. P.94.
* 60 C'est le cas par
exemple des personnes bénéficiant de l'assistance judiciaire
conformément à la loi du 14 avril 2009.
* 61 Article 160
* 62 Article 162
* 63 Article 258
* 64 Il s'agit ici de
sauvegarder le respect de l'article 143 qui interdit l'auto saisine du juge
d'instruction.
* 65 Crim. 12 janvier 1965,
JCP. 1965, II 14210.
* 66 Crim. 27 Juin 1991, D.
1991, 587, note Mayer.
* 67 Pradel (J), op.cit.
n° 616.
* 68 Article 359
* 69 Article 144
* 70 Article 169
alinéa 3
* 71 L'expression est du
professeur Pougoue (P.G), utilisé pour qualifier la réforme du
Code du Travail camerounais par la loi du 14 août 1992.
* 72 Pradel (J), op.cit.
P.25.
* 73 Ohanda Eloundou,
op.cit. P. 91.
* 74 Certaines affaires sont
souvent complexes que le juge d'instruction seul ne peut les conduire. La
complexité peut être due à la connexité avec
d'autres faits, commis hors du domaine de compétence d'un juge
d'instruction.
* 75 Article 147, 148 et 149
Cpp.
* 76 Article 13
* 77 Article 14
* 78 Larguier (J), op.cit.
P.135.
* 79 Cf. article 170 Cpp.
* 80 Article 185 Cpp.
* 81 Article 178
* 82 Ohanda Eloundou,
op.cit. P.95.
* 83 Article 191 CPP.
* 84 Ceci peut s'expliquer
par le fait que les juges étant tous de l'instruction mèneront
leur activité dans le strict respect des règles de l'art. Cette
éventualité aura pour conséquence la consolidation de
l'indépendance du juge d'instruction.
* 85 Article 193
* 86 Article 195
* 87 Article 193
* 88 Article 196
* 89 Article 103
* 90 Article 174
* 91Crim. 27 février
1978, JCP ; 1979, II 19193, note Chambon.
* 92 Spener Yawaga, op.cit.
P.129.
* 93 Supra.
* 94 Cité par
Emmanuel Ndjere, op.cit. p.177.
* 95 Ibid.
* 96 Abanda Essomba,
« Le contrôle de régularité de la
procédure d'information judiciaire en droit pénal
camerounais », mémoire de D.E.A Université de
Yaoundé II, 2008-2009, P. 71.
* 97 Article 218
* 98 Article 246
* 99 La juridiction
correspondante sera le TPI s'il s'agit d'un délit ou d'une contravention
et le TGI s'il venait à être inculpé pour crime.
* 100 Sur les
critères de distinction, lire Pradel, op.cit, n°654.
* 101 Crim. 24 juin 1898,
BC n°238.
* 102 Articles 259
* 103 Dans le même
sens, Emmanuel Ndjere affirmait qu' « il est donc maladroit que
ce genre d'affaires soient instruites dans la salle d'audience de la Cour avec
trois conseillers ou vice-présidents sur le siège de la Cour, un
représentant du parquet général sur le banc du
ministère public, plusieurs personnes dont certaines ne sont même
pas inculpées, mais sont assistées de conseil sur le
prétoire ». Ndjere (E), op.cit. P.134.
* 104 Pradel (J), op.cit.,
P.641.
* 105 Pradel (J), op.cit,
n°74, Guinchard et Buisson cités par Yawaga (S), op.cit. P.166.
* 106 Rassat (M.L),
Procédure pénale, Paris, PUF, 1990, P.547.
* 107 Crim., 15 novembre
1956, BC n°753, 14 octobre 1997, BC n° 332.
* 108 Pradel (J), Ibid.
* 109 Article 269 et
270.
* 110 Merle et Vitu,
Traité de droit criminel, T. II, Procédure pénale,
5e éd, Cujas, 2001.
* 111 Article 267
* 112 Guichard et Buisson,
Procédure pénale, Paris, litec, 2000, P.688.
* 113 Sur l'ensemble de la
question, confer article 173 Code Procédure Pénale
français, Pradel (J), op.cit. n° 742.
* 114 Wilfried Jeandidier,
La juridiction d'instruction du second degré, 1982, n°200,
cité par Pradel (J), op.cit. n° 729.
* 115 Merle et Vitu,
op.cit. n°1264
* 116Guyénot (J),
Le pouvoir de révision et le droit d'évocation de la Chambre
d'accusation, RSC, 1964, P.561.
* 117 Pradel (J), op.cit.,
P.623.
* 118 Conte (Ph) et Du
chambon, Procédure pénale, 3e éd,
2001, Pp.292-293, cités par Spener Yawaga, op.cit. n°233.
* 119 Sur l'ensemble de la
question, Cf. les articles 186, 195 et 196 du Code de Procédure
Pénale français, Merle et Vitu, ibid, Pradel (J), op.cit.,
n°731.
* 120 Article 278
* 121 Chronique, D.1981,
P.101 et s.
* 122 Article 276
* 123 Article 282
* 124 Crim. 13 Fév
1984, D.1984
* 125 Spener Yawaga,
op.cit. n° 148.
* 126 Crim, 21 Août
1986, BC n° 250.
* 127 Crim. 30 Juin 1987,
BC n° 276, D., 1988 Somm. 193, obs. Pradel.
* 128 Crim. 4 Juin 1969,
bull crim n°186.
* 129 Article 5
* 130 Article 100
* 131Les arrêts de la
Chambre de contrôle de l'instruction peuvent produire les effets
énumérés aux articles 277, 283 etc., toutefois les
arrêts de renvoi peuvent mettre en cause des personnes nouvelles. Ils
peuvent modifier la trajectoire du procès en renvoyant ceux qui
étaient initialement renvoyés par le juge d'instruction devant le
tribunal de grande instance ou de première instance dans un sens
contraire.
* 132 Article 472
* 133 Larguier (J), op.cit.
P.258.
* 134 Article 479
* 135 Article 504
* 136 Article 510
* 137 Voir supra.
* 138 Article 38
alinéa 2 constitution du 18 janvier 1996.
* 139 Minkoa She, op.cit.
n°379.
* 140 Cette
indépendance est facilement contrôlable et peut même faire
l'objet de contestation par les mécanismes qu'offre la loi
pénale. On peut ainsi citer la procédure de récusation et
du renvoi d'un tribunal à un autre et même l'appel devant la
chambre de contrôle de l'instruction.
* 141 Le critère
organique tient au mode de désignation et à la durée du
mandat des juges. Du point de vue fonctionnel ou légal, contre les
pressions extérieures susceptibles d'être subies par les juges. Le
critère psychologique met en exergue les considérations
d'apparence. Sur l'ensemble de la question lire (A) Minkoa
She, op.cit. ; Cabrillac, Frisson Roche, Revet, Libertés et
droits fondamentaux 9è édition, D. P. 413 et s.
* 142 Plus de trois mille
ans auparavant, la règle donnée au Deutéronome
précisait : «Tu ne biaiseras pas avec le droit, tu n'auras pas
de partialité, tu n'accepteras pas de cadeaux, car le cadeau aveugle les
yeux des sages et compromet la cause des justes», Deutéronome
16-19.
* 143 Engo Assoumou,
mémoire DEA, « Les garanties d'impartialité du juge
dans le Code de Procédure Pénale », Université
Yaoundé II SOA, 2006-2007, P.55 et s.
* 144 Article 591 Cpp.
* 145 Cim 27 mars 1990,
RSC, n°1, 1991, P.188, notes André Brunsweig.
* 146 Voir supa.
* 147 (G) Clément,
RSC n° 2, 1990, P. 261.
* 148 Article 281 CPP.
* 149 Le principe de la
séparation étant consacré par le code, le juge
d'instruction est seul souverain des actes d'information.
* 150 Article 276, 278
* 151 RSC n°2 1981,
P.571 et s, notes André Braun Scheig, RSC n°1, 1981, P.115, note
Jean Robert.
* 152 Article 285
alinéa 3.
* 153 Le mémoire est
le document qui devant la Cour Suprême remplace à la fois les
conclusions et la plaidoirie en ce sens qu'il contient les arguments et les
prétentions d'une partie.
* 154 Colliard (A),
Liberté Publique, 5ème éd, D. P.218,
cité par Anoukaha (F), in «La liberté d'aller et de venir au
Cameroun depuis le nouveau code de procédure pénale», 17
pages, Annales FSJP Université de Dschang.
* 155Louis Favoreu,
«Universalité des droits fondamentaux et diversité
culturelle», in L'effectivité des droits fondamentaux dans les
pays de la communauté francophone, Colloque international de
l'île Maurice, 1993 éd Aupelf. Uref, 1994, P.48.
* 156 C'est le droit pour
l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci
afin que le juge la dise bien ou mal fondée (Article 30 alinéa
du nouveau code de procédure civile français) du coté du
défendeur l'action est le droit de discuter cette prétention
alinéa 2.
* 157 Selon l'article 8 du
Code de Procédure Pénale, «toute personne suspectée
d'avoir commis une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès où toutes
les garanties nécessaires à sa défense lui sont
assurées ». Ce principe est également admis par
l'article 11 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme,
l'article 7 de la charte Africaines des droits de l'homme et des peuples et par
le préambule de la constitution du 18 janvier 1996.
* 158 CEDH. 13 Avril 1994,
Bonvoisin c/ Belgique, RTDH, 1995, P.123 et s, note D Szafra.
* 159 Article 203 CPP.
* 160 Article 93
alinéa 2.
* 161 Article 175
alinéa1. Il est important de rappeler que les questions injurieuses et
insidieuses sont interdites de réponse. Surtout, il faut admettre que le
terme «toutes questions qu'il estime utiles» un peu équivoque
ne suppose pas utile à l'instruction mais plutôt à la
défense de ce dernier.
* 162 Boulan (F), «La
réforme de l'instruction», in Droit Pénal
contemporain, mélanges en l'honneur d'André VITU, op.cit.
Pp.51-63.
* 163 Soyer (J-C), Droit
pénal et procédure pénale, 16è éd, LGDJ,
2002, P.317.
* 164 On admet ici
l'hypothèse des arrestations arbitraires et illégales.
* 165 Anoukaha (F), la
liberté d'aller et de venir dans le Code de Procédure
Pénale, op.cit.P.2.
* 166 On peut ici citer la
mise en liberté sans caution ou sous caution lorsque les circonstances
la justifient. Il en est de même des mesures de surveillance judiciaire.
Toutefois, il importe de remarquer que dans cette situation le juge peut
limiter les déplacements de l'inculpé.
* 167 Article 275 Cpp.
* 168 Conseil
constitutionnel, arrêt du 12 juillet 1979, AJDA, 1979, n°9,
pp 46 et s.
* 169 Foko (A), ``Nouveau
Code de Procédure Pénale : la panacée des garanties
des libertés individuelles et les droits de l'homme au Cameroun ?
`', In les annales de la FSJP UDS, 2007, T.11, P. 21 et s.
* 170 Minkoa She (A), op.
cit., n°376.
* 171 A travers le CIC.
* 172 L'ordonnance de 1972
supprimait ainsi ce principe.
* 173 Melone, op.cit.,
P.285.
* 174 Cité par le
professeur Magloire Ondoa dans le cours magistral de Contentieux administratif,
2006-2007
* 175 Ces termes
dévolus principalement aux autres fonctions répressives
traduisent ici l'ambivalence de la fonction d'instruction.
* 176 Mebu Nchimi, op.cit.,
P.269.
* 177 Mebu Nchimi, Idem.
Cette position est aussi celle qui ressort d'un entretien avec le Dr. Nyobe
Christophe.
* 178 Blondet (M),
« L'enquête préliminaire dans le nouveau code de
procédure pénale », JCP 1959, I 1513.
* 179 Le pacte
international relatif aux droits civils et politiques dispose en son article 14
que « toute personne déclarée coupable d'une infraction a le
droit de faire examiner par une juridiction supérieure la
déclaration de culpabilité et la condamnation conformément
à la loi».
* 180 Les lois de 2005 portant
Code de Procédure Pénale et de 2006 portant organisation
judiciaire en sont les souvenirs au Cameroun.
* 181 Cons. Const. 19-20
janvier 1981.
* 182 C.E Ass. 4 janvier
1957, Lamborot A.J.D.A 1957,44 108, concl Chardeau cité par Dominique
Allix, in Les droits fondamentaux dans le procès pénal,
Montchrestien, 1999, p.91.
* 183 Cass. Crim. 29
décembre 1964, gaz. Pal. 1965, 257.
* 184 C'est dans cette
optique que l'ordonnance de 1972 faisait du magistrat du parquet le magistrat
compétent pour connaître de l'information judiciaire au
Cameroun.
* 185 La doctrine dans ce
sens a le plus souvent émis l'idée d'une
collégialité de la juridiction d'instruction au premier
degré, d'un contrôle plus renforcé des actes d'instruction
et même d'un renforcement de la loyauté de l'instruction.
* 186 Boulan (F), ``La
réforme de l'instruction'', op.cit., P.50.
* 187 Larguier (J),
«Remarques sur l'évolution d'une voie de recours : le domaine
de l'appel des ordonnances rendues par le juge d'instruction», in
Droit pénal contemporain, op.cit., P. 289.
* 188 Ibid.
* 189 Mebu Nchimi, op.cit.
P.244. Dans cette même lancée, l'auteur relevait
déjà le népotisme et les lenteurs comme des maux qui
minent l'administration publique camerounaise. Cette idée était
déjà relevée par le professeur, Minkoa She qui faisait des
lenteurs judiciaires excessives une caractéristique principale de la
justice camerounaise.
* 190 Larguier, op.cit.,
P.289.
* 191 Article 553
* 192 On peut quant
à la formation des magistrats dire que ces derniers ne sont ni
spécialistes de l'instruction, de la poursuite ou de jugement au sortir
de l'école. En ce qui concerne la réforme fonctionnelle, le
nouveau juge consacré ne bénéficie d'aucune situation
nouvelle, comparée à la l'ancienne. Ceci dit le juge
d'instruction reste confronté aux mêmes difficultés que par
le passé.
* 193 Nous a
révélé un juge d'instruction du TGI du Mfoundi
(entretien).
* 194 Article 60 Cpp
* 195 Pradel (J), op.cit.
Pp.2 et s.
* 196 Sur la question lire
Mebu Nchimi (J.C), op.cit., P.246.
* 197 Larguier (J),
op.cit., P.290.
* 198 Cf. article 37 de la
constitution.
* 199 Cf. article 275
Cpp.
* 200 Communication n°
39/90, affaire Abdoulaye Mazou.
* 201 Ici on parle de
l'indépendance du pouvoir judiciaire à l'égard des
pouvoirs exécutif et législatif.
* 202 Sur la question, lire
Abanda Essomba, op.cit., P.39.
* 203 Elles
s'étalent des juridictions de fond à la juridiction
suprême.
* 204 Mahouvé (M)
Kembo Takam Gasting ; «Le nouveau juge d'instruction
camerounais : un juge à la recherche de son autonomie »
RSC, Avril-Juin 2008, P.325.
* 205 Article 594
alinéa 1a CPP.
* 206 Buisson (J) et
Guinchard (S), op.cit, P. 672. Aussi le principe du double degré de
juridiction permet à la chambre de contrôler de l'instruction, de
s'assurer du bon fonctionnement du cabinet d'instruction.
* 207 Meloné (S),
op.cit, P. 285.
* 208 Mahouvé (M) et
kembo Takam (G.H), op.cit, P.334.
* 209 Face à une
telle situation, certains auteurs proposaient qu'il soit remis au juge
d'instruction le duplicata du dossier de manière à ce qu'il soit
passé outre en cas d'inobservation des délais de
rétablissement du dossier au greffe de l'instruction. Cf.
Mahouvé et Takam, ibid.
* 210 Abanda Essomba,
op.cit. P.49.
* 211 Ngono (S)
« Le procès pénal camerounais au regard des exigences
de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples », Th.
Paris XIII, Avril 2000.
* 212 Article 254 Cpp.
* 213 Perrot (R),
cité par le premier président de la Cour Suprême lors de la
rentrée de l'institution.
* 214 Cette
inamovibilité concerne les magistrats du siège et signifie qu'ils
ne peuvent faire l'objet d'aucune affectation, même par voie d'avancement
sans leur consentement, sauf lorsque les besoins du service l'exigent. Mais la
réalité en dit le contraire au Cameroun. Les juges sont
très régulièrement balancés du siège au
parquet, ils sont même souvent victimes d'affectation disciplinaire. Tout
ceci démontre la main mise du politique sur le judiciaire.
* 215 Me Assira Engoute
(C.B), in Les Cahiers de mutations, vol 064, juillet 2010.
* 216 Allusion ici est
faite aux avocats, huissiers etc.
* 217 Article 17
alinéa 3 loi n° 2006/015 portant organisation judiciaire au
Cameroun. Le même article en prévoit autant en ce qui concerne les
greffiers les juges, les présidents des tribunaux.
* 218 Article 20
alinéa 2 (c).
* 219 Article 13 et 16 loi
de 2006. Cette loi prévoit l'extension des compétences des
tribunaux à plusieurs arrondissements ou départements.
* 220 Kenfack (P.E),
« L'accès à la justice au
Cameroun », in Cahiers de l'UCAC, 1996, 15 pages.
* 221 Me Assira Engoute
(C.B), in Les cahiers de mutations, vol 064, juillet 2010. L'auteur remarque
aussi que le procès dure parfois une éternité
malgré que le Cameroun a signé les textes internationaux qui au
nombre de leurs exigences de bonne justice mettent en avant les délais
de justice.
* 222 Assira Engoute,
ibid.
* 223 Dans plusieurs
situations délictuelles auxquelles nous avons assisté et
essayé de poser quelques questions à quelques individus, les
réponses semblaient confirmer le divorce dont il est question.
Dans le premier cas, un jeune garçon venait
d'être assassiné par un groupe de malfrats au quartier ngousso
(yaoundé). La foule réunie au petit matin, nous avons
essayé de savoir quelle serait la réaction des uns et des autres
s'ils étaient ayant-droits, et que les coupables étaient
arrêtés. Toutes les réponses recueillies avaient pour
fondement la loi du Talion.
Ce même fondement animait quelques temps plus tard les
habitants du quartier Akwa à Bafoussam. En effet, un homme
venait d'être interpelé par les forces de l'ordre au motif que ce
dernier offrait la chair humaine grillée à ses clients en lieu et
place des viandes consomptibles. Parlant de l'instruction, certains
n'hésitaient pas à vous répondre :
« ça c'est une histoire des blancs, vous allez perdre du temps
pour des choses qui sont vraies devant des juges qui attendent les plus
offrants... ». Et d'autres de
renchérir « l'instruction est certes une bonne chose,
mais elle n'est pas faite pour durer longtemps comme c'est le cas ici chez
nous, c'est cette lenteur de la justice toute entière qui nous
éloigne des tribunaux. On préfère maintenant
« finir » avec le malchanceux sur le coup ».
Interpellés sur la question du divorce entre la justice
et les justiciables, les praticiens du droit n'hésitent pas de fustiger
le comportement des magistrats qui non seulement ne disent plus le droit, mais
peuvent prendre des mois, voir des années pour examiner une
contestation. Ils relèvent aussi le manque d'éducation des
justiciables, leur état de pauvreté, qui les poussent à
penser qu'ils sont incapables de s'offrir un conseil devant un tribunal
où le plus souvent ces derniers ne comprennent rien du tout.
* 224 Nkou mvondo (P),
« La crise de la justice de l'Etat en Afrique noire francophone.
Etude des causes du « divorce » entre la justice et les
justiciables », Penant, n°824, 1997, P.208 et s.
L'auteur admet plusieurs causes de ce divorce.
Premièrement, il attribut le divorce à la difficile
réception d'un modèle de justice de type légaliste
libérale. Ensuite, l'auteur met en exergue les difficultés
pratiques rencontrées par les justiciables où il ne manque pas de
faire une place aux lenteurs de la procédure.
* 225Cité par Emmanuel
Ndjéré, L'information judiciaire au Cameroun, op.cit. P. 20.
* 226 Keba M'baye, ``La
justice en Afrique'' in Afrique contemporain, n° spécial, sous la
direction de Jean Dubois de Godusson et Gérard Conac.
* 227 Nkou Mvondo, ibid.
* 228 Allusion est ici
faite aux juridictions civiles et administratives ou l'instruction n'est pas
moins présente. Dans son article ``L'accès à la justice au
Cameroun'', le Docteur Kenfack (P.E) remarquait déjà plusieurs
causes de lenteurs judiciaires ; il écrivait ``le problème
en droit administratif est qu'aucun délai n'est imparti au juge pour
statuer sur les demandes y relatives'' parlant des mesures conservatoires
pendant l'instruction. Dans le même sens on peut citer l'affaire Mbong
Yomb Silas y Despotakis qui a duré vingt cinq ans pour être
jugée cf. A.D Tjouen, le code du travail camerounais.
* 229 La clameur publique
qui intervient généralement après la commission de
l'infraction est selon l'article 103 Cpp un moyen de définition du
délit flagrant.
* 230 Morolleau (J.L)
« Le massacre des bandits, une stratégie. Des voleurs
assassinés », L'effort camerounais, cité par Nkou
Mvondo (P), op.cit, P.378.
* 231 Nkou Mvondo (P),op
cit., P.208 et s. La réponse qu'apporte l'auteur à cette
interrogation est difficilement concevable pour plusieurs raisons. D'abord, les
droits de l'homme et le respect de la dignité humaine voudraient une
humanisation de la sanction pénale. Les sanctions atroces et
vindicatives autrefois à l'ordre du jour, et encore applicables dans les
justices parallèles ne cadrent plus avec la société
actuelle. Ensuite, l'absence de règles écrites peut être un
obstacle quant à la civilisation de cette justice, dans la mesure
où elle continuera à être diligentée par les humeurs
de ceux qui feront office de juge.
* 232 Gérad Cornu,
Vocabulaire juridique, op.cit., P.374.
* 233 Olinga (A.D),
« Vers une garantie constitutionnelle crédible des droits
fondamentaux », in La réforme constitutionnelle du 18
janvier 1996 au Cameroun : Aspects juridiques et politiques, sous
direction de Stanislas Meloné, Minkoa She, Luc Sindjoun, Pp.344 et s.
L'auteur relevait ici la place du juge judiciaire quant à la protection
des droits fondamentaux consacrés par la constitution.
* 234 Discours
prononcé lors des activités de commémoration du
cinquantenaire de l'ENAM, 1er décembre 2009.
* 235 On peut faire
allusion aux articles 5 alinéa 3, 6 alinéa 1 de la CEDH, 7
alinéa 1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.
Dans le même sens et en France, la loi du 16 Juin 2000 renforçant
la protection de la présomption d'innocence et du droit des victimes
crée un article préliminaire dans le Code de Procédure
Pénale dont l'alinéa 3 dispose qu'il doit être
définitivement statué sur l'accusation dont la personne fait
l'objet dans un délai raisonnable.
* 236 Mbunja
(Y), «Les droits de la défense dans le nouveau Code
camerounais de procédure pénale», in Annales de
l'Université de Dschang op.cit., P.57.
* 237 Boulan (F), op.cit.,
P.50
* 238 Article 274 Cpp.
* 239 Article 480 Cpp.
* 240 Article 274
alinéa 4.
* 241 Il faut dire que
l'article 479 du Cpp qui requiert un délai de cinq jours pour former un
pourvoi est muet en ce qu'il s'agit des délais pour déposer les
mémoires. A dessein, nous pouvons dire que ces délais sont les
mêmes que ceux du pourvoi dans la mesure où l'alinéa 2
dispose que ``le demandeur au pourvoi doit adresser au président de la
Cour Suprême une requête articulant et développant les
moyens qui servent de fondement à son recours.
* 242 Voir supra.
* 243 Article 287 Cpp. Dans
le même sens, voir article 503 en ce qui concerne le pourvoi en
cassation.
* 244 Article 165
alinéa 4.
* 245 Crim. 30 mai 1996,
BC, n°226.
* 246 Pradel (J), op.cit.
n° 742.
* 247 C'est le cas des
codes de procédure pénale de la Yougoslavie et de la suisse, bien
élucidé par Clerc François dans son ouvrage Initiation
à la justice pénale, T.1, 1975, n° 121.
* 248 C'est dans ce sens
que la Cour d'Appel de Paris agissait en décidant :
« aucune disposition législative ne confère aux
ordonnances rendues par le juge d'instruction sur le fondement de l'article
175-2 le caractère d'acte de procédure devant être
porté à la connaissance des parties et versé au
dossier ». Arrêt cité par le professeur Morvan in
« L'ordonnance justifiant la poursuite de l'instruction de l'article
175-2 du code de procédure pénale : critique d'un
arrêt de règlement », D.2003, Chron. P.2551. Pour ce
dernier, contrairement à la Cour, les ordonnances doivent avoir une
nature juridictionnelle, et donc susceptibles de recours. C'est dans cette
dernière nature que le professeur Pradel conçoit ces ordonnances
dans son article « les personnes suspectes ou poursuivies
après la loi du 15 juin 2000. Evolution ou révolution ?
P.1121.
* 249 L'ensemble de ces
réponses découle des entretiens menés avec des avocats,
juges et autres praticiens du droit.
* 250 On peut entre autres
citer les aides internationales et surtout la crainte de l'isolement et du
confinement.
* 251 On peut citer le cas
du droit français qui a souvent tenter de basculer dans la
procédure Anglo-saxonne, et, qui dans des débats récents
émettait l'idée de passer d'un juge d'instruction à un
juge de l'instruction probablement magistrat soumis au Garde des sceaux.
* 252 Levasseur et Bouloc,
Procédure pénale, D. 1984,12e éd,
n°348.
* 253 Jeandidier (W),
«La juridiction collégiale d'instruction du premier
degré», op.cit n°4, il faut tout de même
reconnaître que cette appréciation n'était pas du
goût de certains auteurs à l'image de Pradel. Pour lui, une telle
institution n'avait d'autre but que le ``dépeçage'' de
l'instruction. Cf. Pradel (J), Procédure pénale,
3e éd, Cujas, 1985, n°9.
* 254 Cité par
Jeandidier, ibid.
* 255 Article 82
alinéa 2 code de procédure pénale Français.
* 256 Ndjere (E), op.cit,
P.198.
* 257 Selon la loi de 2006
portant organisation judiciaire au Cameroun, les tribunaux d'instance peuvent
statuer en formation collégiale composée de trois magistrats. On
pouvait estimer qu'en prévoyant dans un tribunal un ou plusieurs juges
d'instruction cette situation pouvait être envisageable.
* 258 On peut entre autres
citer l'appel devant la chambre de contrôle de l'instruction, les
contrôles concomitant et curatifs qui peuvent s'exercer au cours de
l'information judiciaire. Sur l'ensemble de la question, lire Abanda Essomba
(M. R), op.cit.
* 259 Badinter, J.O,
Débat Assemblée Nationale 1985, P. 2989, cité par Wilfried
Jeandidier, op.cit, n°14.
* 260 Ce texte ressort du
discours de M. Alexis Dipanda Mouellé prononcé lors de la
prestation de serment des magistrats de la promotion 1995. Fort
d'évocation, il permet d'engager la responsabilité de tous les
citoyens pour la réforme de la justice dans le but de la rendre moderne
et surtout respectueuse des grands principes fondamentaux tant de la justice
que de la démocratie.
* 261 Ndjéré
(E), Du juge d'instruction ... au juge d'instruction : quel
cheminement pour quel résultat ?, Presses de l'UCAC ,
2006, P.222 et s.
* 262 Minkoa She (A),
op.cit, n° 231.
* 263 Cité par
Kéré Kéré (G), Droit civil processuel : La
pratique judiciaire au Cameroun et devant la Cour commune de justice et
d'arbitrage, 1e éd, SOPECAM, 2006, 326 p.
* 264 Cité par E
Ndjere, op.cit, P.203.
* 265 C'est ce qui a
expliqué les différentes modifications des textes de
procédure pénale au Cameroun. L'ordonnance de 1972 était
ainsi conditionnée par la répression du grand banditisme. De la
même manière l'exigence de la consolidation de l'Etat de droit
gage de l'aide internationale semble être la principale motivation de la
loi de 2005/2007.