4.2.2.2 Difficultés d'accès à la
propriété foncière au Cameroun
Les difficultés d'accès à la
propriété foncière au Cameroun en général et
dans la ville de Ngaoundéré en particulier, proviennent de
l'absence d'une politique volontariste, d'une structuration
inappropriée, d'un cadre juridique opaque, inadapté et mal connu
et se manifestent par la faible capacité de délivrance du titre
foncier, l'insécurité foncière
généralisée, la dégradation du climat social et la
réticence à l'investissement. On enregistre sur l'ensemble du
territoire national en moyenne 10 000 demandes. Et ces chiffres ne
représentent même pas 1 % de la demande potentielle basée
sur les 4 millions de ménages. Le rythme de délivrance des
titres fonciers stagne à 1 000 titres fonciers par an dont un bon
pourcentage fait l'objet de litiges. Et ce rythme confirme cette très
faible capacité à délivrer des titres fonciers. Depuis
plus d'un siècle, seuls 125 000 titres fonciers ont été
délivrés sur le triangle national. De 1884 à 2008 : soit
en 124 ans, on a délivré en moyenne par an 1 000 titres fonciers.
Ramené à l'espace, ces chiffres ne couvrent même pas le
nombre de ménage de la ville de Yaoundé avec ses plus de 1 600
000 habitants. Au total, des tentatives d'amélioration de l'accès
à la certification de la propriété foncière ont
été entreprises notamment par la déconcentration des
centres de décisions vers la périphérie (niveau
régional et départemental). Cet aménagement organique qui
a permis de rapprocher l'administration foncière des administrés
l'a été par la création du bulletin provincial d'avis
foncier et domanial et par la modification du décret fixant les
conditions d'obtention du titre foncier (BAD et FAD, 2009).
Ces différentes observations amènent à
s'interroger sur le rôle effectif de l'Etat camerounais en matière
de régulation foncière. L'intention initiale, contenue dans le
code foncier de 1974, s'avérait ambitieuse. Par la constitution de
domaines public, privé et national, l'Etat s'est arrogé depuis 30
ans le monopole de la gestion foncière, dont un bilan succinct invite
aujourd'hui à un constat mitigé. L'utilité du titre
foncier, pivot de la politique foncière, n'apparaît plus
clairement. L'obtention du titre n'est pas recherchée là
où l'autorité coutumière assure la gestion du foncier.
Avant la crise économique, le titre cautionnait encore l'octroi de
crédit bancaire. Aujourd'hui, les banques n'accordent plus de
crédit aux producteurs ruraux, même garanti par un titre foncier.
Ce dernier apparaît davantage comme une exposition à l'imposition.
Dans ce cas, à quoi bon engager cette procédure, longue car
nécessairement minutieuse, quand les droits sont consacrés par
d'autres moyens ? Le coût de la procédure augmenté
annuellement par une charge fiscale modère l'enthousiasme pour
l'immatriculation dans les contextes où l'usager ne se sent pas
menacé. Le titre est devenu, soit une arme utilisée par les
« élites » pour conquérir des terres, soit une
défense pour parer à ces tactiques d'accaparement (Teyssier,
2003).
De plus le titre n'a pas pour vocation de régler des
litiges. Il stabilise une appropriation déjà clarifiée et
sera opposable en cas d'arbitrage judiciaire. D'aucune utilité pour une
« première appropriation », il ne peut servir dans
les situations - les plus courantes - où l'on cherche à
identifier des droits. Les commissions consultatives ne jouent plus le
rôle qui leur était initialement attribué. Elles avaient
pour fonctions de régler tous litiges fonciers et de constater la mise
en valeur des terrains pour la délivrance de titres. Actuellement, rares
sont les conflits tranchés par ces instances. Les obstacles au bon
fonctionnement des commissions consultatives tiennent essentiellement à
leur financement défaillant. Depuis que l'Etat ne subvient plus au
fonctionnement des services fonciers, la procédure est financée
par le requérant, ce qui transforme les commissions en juteux fonds de
commerce. Rendues serviles, ces commissions se transforment en prestations de
service réservées aux notables. La complaisance et la disparition
de facto de ces commissions attestent d'une impossible régulation de
l'accès aux ressources en sol par les seuls pouvoirs publics. Quand les
populations considèrent que l'Etat a moins de légitimité
que les organisations traditionnelles, la légalité de son
dispositif institutionnel devient caduque. Au Cameroun, la reconnaissance de
l'usage sur le sol et des transactions se fait désormais sans l'Etat.
D'ailleurs, les sous-préfets seraient rapidement débordés
s'ils devaient engager des commissions pour répondre aux demandes
d'immatriculation, pour constater de nouvelles mises en valeur, pour
déterminer des limites et valider leur changement, pour régler
des litiges agro-pastoraux (Teyssier, 2003), bref s'ils décidaient de
faire le travail qui est le leur comme prévu par la loi.
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