2.3
DROIT FONCIER COUTUMIER AU CAMEROUN
Pour Teyssier (2003), la régulation foncière au
Cameroun présente une diversité de systèmes fonciers
déterminée par l'émergence d'un marché foncier et
par le rapport de forces entre une coutume résurgente et une
administration affaiblie. Diverses situations sont décrites, illustrant
la généralisation de l'insécurité foncière,
due en grande partie à des institutions étatiques en
décalage avec la capacité de l'Etat, et une dualité des
relations à la terre, considérée soit comme le bien d'une
communauté, soit comme un simple facteur de production.
La charge démographique, de plus en plus importante sur
les territoires, ainsi que les flux migratoires croissants, stimulent des
recompositions territoriales qui participent à une
dérégulation du jeu foncier et éloignent les populations
rurales de l'administration domaniale. La faillite de l'administration
foncière laisse libre cours à une gestion du sol par les chefs
locaux. Ces derniers, loin d'être irréprochables, assurent les
transactions foncières avec une efficacité exemplaire à
l'intérieur des communautés.
2.3.1 Droit coutumier : une
gestion efficace
Selon Teyssier (2003), « La gestion
communautaire des biens fonciers, individuels et collectifs, présente
des avantages évidents. En premier lieu, cette régulation peut se
prévaloir d'une véritable efficacité. Dans la mesure
où la collectivité s'accorde sur l'identité de celui qui
octroie des droits sur le patrimoine foncier, les règles établies
ne sont pas contestées, ce qui confère au producteur un
degré acceptable de sécurité foncière à bon
marché et ne le motive pas pour une consécration de ses droits
par l'Etat. La légitimité du pouvoir local tient à une
reconnaissance collective justifiée par son rôle d'interface
entre la communauté et son environnement spirituel. Efficace à
l'intérieur du territoire communautaire, ce type de régulation
foncière provoque des conflits au contact d'autres
communautés. » Pour illustrer son propos, l'auteur a pris
l'exemple des plateaux de l'Ouest du Cameroun « où les
groupes Bamiléké, extrêmement fragmentés et en
compétition incessante, se livrent sur les pourtours de leurs
territoires à de sanglantes batailles, à tel point que plusieurs
interventions de bataillons militaires et de la Croix-Rouge ont
été nécessaires au cours des dernières
années pour héberger des centaines de réfugiés et
reconstruire les villages détruits. Aucune capacité de
négociation ne permet de désamorcer les
conflits. » Selon lui cette situation continue d'exister parce
que « les arbitrages sont rendus impossibles par
l'interférence de différents corps de l'administration et de
personnalités politiques, généreusement
rémunérés par les villages antagonistes pour intervenir en
leur faveur. » Ceci fait qu' « on assiste
à une surenchère dans la hiérarchie des notables et des
administratifs, et donc, à un envol des dépenses pour
établir une médiation dans le sens recherché.
L'administration parvient à apaiser temporairement les tensions, sans
pouvoir régler le fond des litiges. »
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