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Dynamique des réseaux et des systèmes de communication des migrants sénégalais en France

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par Moda GUEYE
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 - Doctorat de géographie 2010
  

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10.1.2 La ruée vers l'Espagne

Tout récemment, l'Espagne est devenue une destination fortement appréciée par les migrants. En Espagne, l'arrivée de milliers de migrants (3.021.808 résidents étrangers au 31 décembre 2006) concentrés dans les grandes métropoles comme Madrid et Barcelone, dans les villes méditerranéennes comme Valence, Murcie et Tarragone et les îles Canaries et Baléares est un phénomène relativement nouveau. La nouvelle situation socio-politique espagnole et les progrès économiques ont permis à l'Espagne de passer de la situation de pays émetteur de flux migratoires en un pays récepteur de flux croissants d'immigration. La pleine intégration économique de l'Espagne dans le système capitaliste international et la demande croissante de main-d'oeuvre peu qualifiée qui en a résulté ont provoqué l'afflux massif des migrants d'origine extrêmement diverse. Les

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courants migratoires les plus marquants ont été constitués par les latino-américains (Equatoriens : 376.233, Colombiens : 225.504, Péruviens : 90.906, Argentins : 86.921) et les africains (Marocains : 543.721, Algériens : 39.433 et Sénégalais : 28.560) fuyant la misère dans leurs pays respectifs. Source : Instituto Nacional de Estadística (INE).

Les flux migratoires sénégalais en Espagne ont été fortement alimentés par les flux de clandestins. La population sénégalaise vivant en Espagne, notamment au niveau des îles Canaries et des grandes villes comme Barcelone et Madrid, est estimée à environ 60.000 personnes avec une prédominance masculine (autour de 80%). Les femmes trouvent du travail surtout dans les secteurs de l'agriculture et de services aux particuliers. Pendant longtemps, le gouvernement espagnol a plus ou moins toléré l'arrivée massive des migrants sur son territoire parce qu'elle avait précisément besoin d'une main-d'oeuvre bon marché pour accompagner la croissance de son économie. Pour des milliers de jeunes africains qui tentent de rejoindre l'Europe par tous les moyens, le plus souvent au détriment de leur vie, à bord d'embarcations de fortune, l'Espagne est devenue la porte d'entrée. En Espagne, la majorité des migrants travaille dans l'agriculture, les autres secteurs de prédilection sont constitués par la construction, le commerce, l'hôtellerie et les travaux domestiques.

Nous présentons ci-dessous des extraits d'entretiens réalisés, en novembre 2002, avec des migrants résidents en Espagne venus passer l'hiver en famille au Sénégal.

Lamine est « modou-modou » à Valence. Il est âgé d'une soixantaine d'années et habite dans le quartier de Gawane à Mbacké dans la région de Diourbel.

« Avant mon départ du Sénégal, j'étais commerçant à Mbacké, une ville située à 7km de Touba. J'ai exercé mes activités de commerçant à Dakar pendant quelques temps avant de revenir à Mbacké. Ensuite, je me suis rendu à Bandjul avant de revenir de nouveau à Mbacké. Mon départ pour l'Espagne a été un véritable périple. Tout d'abord, je me suis rendu au Mali. Puis, je suis passé par la Côte d'ivoire où j'ai pu trouver un visa pour le Portugal. Après la Côte d'ivoire, j'ai séjourné quelques temps au Maroc où j'ai réussi à prendre le bateau qui m'amènera au Portugal. A mon arrivée au Portugal, j'ai été accueilli et hébergé par des compatriotes qui m'ont par la suite mis en contact avec un passeur d'origine portugaise. Avec l'aide de ce dernier et aussi celle d'un autre passeur espagnol, je parvins enfin à entrer en Espagne. Avant d'avoir des papiers en règle, je travaillais à la fois comme marchand ambulant et ouvrier agricole. Mais depuis que je suis en

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possession d'un permis de séjour en règle et d'une permission pour faire du commerce, je vends des statuettes, des sacs, etc. Je m'approvisionne au Sénégal, en Espagne et en France. Je pense que c'est en Italie que l'on retrouve le plus grand nombre de ressortissants sénégalais après le Sénégal car la législation y est plus souple que dans les autres pays européens. Pour joindre au téléphone ma famille restée au Sénégal, j'avais recours jusqu'en 1986 au numéro de téléphone de Serigne Amdy Mbacké, un marabout habitant dans le même quartier. Mais comme les deux domiciles étaient assez éloignés, les membres de ma famille devaient parcourir une longue distance pour venir répondre au téléphone. L'inconvénient, c'est que je ne pouvais appeler que la journée ».

Les propos de Lamine ont été effectivement confortés par Fama, une jeune femme habitant le même quartier, rentrée récemment au Sénégal avec ses deux enfants après un séjour de 6 ans en Espagne. Fama est âgée d'une trentaine d'années. Elle a deux enfants, nés tous les deux en Espagne. Cet entretien a été réalisé trois mois après le retour définitif de Fama au Sénégal, le 21/11/2002.

« Découragée par les conditions de vie difficiles en Espagne, mon mari et moi avons pris la décision de notre (elle et ses deux enfants nés tous les deux en Espagne) retour au pays. Cette villa où nous habitons à Mbacké a été construite par mon mari et moi à la suite de longues années de labeur, de privations et de sacrifice à l'étranger. Mon mari travaille 5 à 6 mois dans l'année en Espagne comme « modou-modou » et rentre deux fois au moins dans l'année au Sénégal retrouver sa famille. Quand j'étais en Espagne, je l'accompagnais de temps en temps sur les marchés comme le font beaucoup de « fatou-fatou ». Nous faisions les marchés hebdomadaires de Valence et aussi nous rendions parfois à Palme, Madrid et Las Palmas pour vendre leurs marchandises. Pendant l'été, je travaillais trois mois comme coiffeuse, je faisais des tresses aux Espagnoles ainsi qu'aux touristes. Pour joindre mes parents au téléphone, j'ai d'abord eu recours au numéro de téléphone de Serigne Amdy Mbacké. Ainsi, le domicile de Serigne Amdy Mbacké servait de lieu public de téléphone pour tous les habitants du quartier. Pour me joindre au téléphone, mes parents m'appelaient à partir d'un télécentre et je les rappelais ensuite sur le téléphone du télécentre. C'est principalement de cette façon que je parvenais à obtenir des nouvelles de la famille et des nouvelles du pays. Aujourd'hui, pour communiquer avec mon mari quand ce dernier est encore en Espagne, j'utilise à la fois le téléphone fixe et le téléphone portable ».

Les profils des migrants sénégalais établis en Espagne, étant généralement les mêmes que ceux des migrants sénégalais résidant en Italie, on constatera à peu près les mêmes pratiques de communication. Le téléphone portable est le moyen de communication

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privilégié pour maintenir et renforcer les relations avec le pays d'origine. D'autre part, une bonne partie des migrants au sein de la diaspora sénégalaise en Espagne ne dispose pas des compétences pour utiliser Internet. Cependant, ceux qui ont les connaissances nécessaires s'en servent pour s'informer et communiquer gratuitement.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius