IV. CONCLUSION GENERALE
IV. 1. CRITIQUE
Pour ne pas perdre le contact avec un paysage
géopolitique du monde profondément transformé,
l'idée kantienne de l'état cosmopolitique demande à
être reformulée. Autrement dit, une conception du droit
cosmopolitique doit être reformulée en fonction des besoins de
notre époque, car une elle est parfaitement susceptible de rencontrer
une constellation favorable des forces en présence, si nous donnons de
conditions fort différentes auxquelles nous avons affaire à la
fois du XXè siècle une interprétation
appropriée.
Cette reformulation se doit toutefois de prendre en
considération l'ère actuelle du monde, c'est-à-dire elle
doit tenir compte des enjeux actuels de la mondialisation. C'est ce que
souligne Habermas en stipulant que
Aujourd'hui, les médias ramifiés à
travers le monde, les réseaux et systèmes en
général obligent à intensifier les relations symboliques
et sociales, ce qui entraîne l'influence réciproque des
événements locaux et des événements lointains. Du
fait de tels processus de globalisation, les sociétés complexes
à infrastructure technique fragile deviennent de plus en plus
vulnérables 86.
C'est donc à ce travail de reformulation et
d'actualisation que Habermas87 s'est adonné en
écrivant son livre intitulé La paix perpétuelle
avec comme sous titre Le bicentenaire d'une idée
kantienne.
Aussi l'effort habermassien de repenser le projet kantien
s'est-il déployé de manière significative à travers
les trois éléments suivants dont il faut intégrer dans le
projet de paix perpétuelle. Il s'agit de :
i) La création d'un Parlement mondial
ii) Le développement d'une justice mondiale
iii) L'urgence de réorganiser le conseil de
Sécurité.
86 Ibidem, p. 35.
87 D'aucuns qualifient Jurgen Habermas de Kant
d'aujourd'hui.
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Il convient de souligner que Habermas situe sa contribution
dans la dynamique de la réformation des Nations unies en une
démocratie cosmopolitique comportant les trois éléments
susmentionnés.
C'est ainsi, dit Habermas, que
(...)Depuis l'initiative du président Wilson et la
fondation de la société des Nations à Genève, cette
idée a été sans cesse reprise et implémentée
par la politique. Après la fin de la seconde guerre mondiale,
l'idée de la paix perpétuelle a acquis une forme concrète
dans les institutions, les déclarations et les initiatives politiques de
Nations unies (et d'autres organisations supranationales)88.
D'après le constat de Habermas, « la
globalisation remet en question certaines conditions essentielles du droit
international classique, notamment la souveraineté des Etats et la
séparation rigoureuse entre politique intérieure et politique
extérieure »89.
Il illustre son argumentation en reconnaissant que
Les acteurs non étatiques, comme les multinationales et
les banques privées ayant une influence internationale, sapent la
souveraineté nationale formellement reconnue. Tel est le cas : de nos
jours, chacune de trente entreprises les plus importantes qui opèrent
à l'échelle du globe produit un chiffre d'affaire annuel plus
important que le produit national de chacun des quatre-vingt-dix pays
représentés dans l'ONU 90
Aussi Habermas renchérit-il que
A la suite de la dénationalisation de l'économie
et en particulier de la mondialisation du réseau des marchés
financiers et de la production industrielle elle-même, la politique
nationale perd cependant à la fois le contrôle des conditions de
production générales et, du même coup, le levier permettant
de maintenir le niveau de vie atteint 91.
Eu égard à ce qui précède, il
appert que le projet kantien de paix perpétuelle vaut encore son
présent d'or à notre ère de la mondialisation. Mais
seulement, comme l'a si bien explicité Habermas, il convient de
l'actualiser en fonction des besoins de notre temps. C'est dans ce
88 Ibidem, p.48.
89 Ibidem, p.35.
90 J. Habermas, op.cit., p.36.
91 Ibidem, p. 37.
92 Ibidem, p.101.
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sens qu'il est important de restructurer l'ONU qui serait le
tremplin donateur d'élan à l'établissement mondial de la
paix.
Aujourd'hui, dans sa forme classique, souligne Habermas,
Le droit international a manifestement échoué
devant la réalité factuelle des guerres totales
déclenchées au cours du XX ième siècle.
Le débordement des limites -territoriales, techniques et
idéologiques- de la guerre repose sur de puissants moteurs. Or, il y a
plus de chance de les juguler par les sanctions et les interventions d'une
communauté organisée des peuples, que par l'appel, inefficace du
point de vue juridique, à la conscience éclairée des
gouvernements souverains 92
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