Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména au Tchad( Télécharger le fichier original )par Emmanuel Ngueyanouba Université catholique d'Afrique Centrale - Maà®trise en sciences sociales- socio- anthropologie 2005 |
risque de nous perdre dans des nébuleuses, des équivoques et la polysémie des mots qui recouvrent ici une chose et ailleurs une autre ; qui ne sont parfois que des points de vue ou pire, fortement chargés d'idéologie et donc partiels et partiaux. De plus, « en procédant de cette manière, le sociologue, dès sa première démarche, prend immédiatement pied dans la réalité. En effet, la façon dont les faits sont ainsi classés ne dépend pas de lui, de la tournure particulière de son esprit, mais de la nature des choses » (Durkheim, 1988 : 127-128). Ce qui nous permet de dire à la suite de Jean Beachler (1976 :15) qu' « une définition est en fait une conceptualisation, ce qui revient à dire que l'objet n'est pas donné mais doit être construit de sorte qu'il ne se distingue pas de l'activité scientifique elle-même ». Nous reconnaissons par ailleurs qu'il s'agit des clarifications qui ne sont pas toujours porteuses de solutions, mais dont le mérite est de considérer la complexité de la construction de notre objet sociologique, qu'elles permettent de circonscrire avec autant de précision que possible. Ainsi après une analyse critique de quelques définitions proposées par un certain nombre d'auteurs, nous indiquerons celles qui seront considérées dans ce travail. Connaissances conceptuelles et théoriques
I. PERCEPTION, REPRESENTATIONS, ESPACES URBAINS ET NOTIONS QUI S'Y RAPPORTENT1.1. PERCEPTION ET REPRESENTATIONS.1.1.1. La perceptionLa perception est un concept que l'on rattache volontiers à la psychologie et dans une certaine mesure, à la philosophie. Et dans ces deux sciences, le concept de perception désigne en général des sensations interprétées. C'est par nos cinq sens que nous percevons le monde environnant. Pour la psychologie, la perception est précisément le processus par lequel les stimulations sensorielles sont interprétées. Ce processus consiste effectivement à transformer les messages sensoriels en les rendant compréhensibles, connus par la personne qui perçoit. Piaget dira d'ailleurs que «la perception est la connaissance que nous prenons des objets, ou de leurs mouvements par contact direct » (Georges Thirès , 1985 : 203). Elle remplit donc une fonction essentiellement cognitive. C'est dire que c'est par la perception que nous acquérons des connaissances du monde extérieur. Il convient de noter qu'il y a deux catégories de facteurs qui gouvernent l'activité perceptive : - la première est constituée par les facteurs objectifs, c'est-à-dire extérieurs à l'individu qui perçoit. Il s'agit en fait des caractéristiques de l'objet perçu, ses mesures, sa forme, ses couleurs, son goût etc. ; - la deuxième catégorie de facteurs est constituée des éléments subjectifs qui tiennent à la culture, à la personnalité, aux valeurs personnelles ... des individus. A titre d'exemple, lorsque nous voyons trois points non alignés, nous y percevons volontiers un triangle quand bien même ces points ne seraient pas reliés entre eux. Bref, quand un objet est perçu, il est représenté sous une forme donnée par le sujet qui perçoit. Il lui donne forme. C'est donc à la dimension représentative de la perception que nous nous intéresserons particulièrement. Qu'est-ce alors une représentation ? Connaissances conceptuelles et théoriques
__ 1.1.2. Représentations.Comme le constate Gilles Ferréol (2002 : 190) « le concept de représentation occupe aujourd'hui une place grandissante dans de nombreuses disciplines (Sociologie, psychologie, psychologie sociale, science politique...) ». Il est presque à la mode dans les recherches sociales. Et c'est peut-être parce que c'est un concept particulièrement savant qu'il est si souvent sollicité comme objet de recherche. Dans ce travail, nous nous intéressons aux représentations non pas par effet de mode ni parce que le concept nous séduit. La séduction du concept aurait pourtant bien pu justifier un intérêt pour son étude. Aristote, en son temps déjà avait remarqué que c'est l' « émerveillement qui poussa l'homme à philosopher ». Mais notre intérêt pour l'étude des représentations vient plutôt de ce qu'il est impossible de saisir la perception des espaces publics et privés et des ordures ménagères sans déterminer les représentations que les individus s'en font. Mais une fois de plus qu'est-ce qu'une représentation ? De façon élémentaire, le Petit Larousse définit la représentation comme étant « l'action de rendre sensible quelque chose au moyen d'une figure, d'un symbole, d'un signe ». Selon Denise Jodelet (1989, 37), « Représenter ou se représenter un objet correspond à un acte de pensée par lequel un sujet se rapporte à un objet. Celui-ci peut-être aussi bien une personne, une chose, un évènement matériel, psychique ou social, un phénomène naturel, une idée, une théorie, etc. (...) » Il n'y a pas de représentation sans objet. L'acte de représentation suppose d'abord un sujet et un objet qui est généralement absent mais qui est rendu présent. C'est le cas de la représentation théâtrale. « En philosophie comme en psychologie génétique, la représentation est l'une des formes de l'activité symbolique visant à rendre présent un objet absent (...) La représentation devient une manière de conserver certaines parties de l'information contenue dans des entités originales, dans la perspective d'une utilisation différée (Gilles Ferréol, 2002 : 190). Mais comment la sélection de ces informations se fait-elle, à quoi obéit-elle ? De plus, comme se demande Ferréol, y a-t-il une distinction radicale entre l'objet et sa représentation ? Et dans le cas contraire qu'est-ce qui explique cette distinction entre un objet et sa représentation, entre une institution et sa représentation par exemple ? Dans la perspective psychologique, la représentation est très souvent confondue à la perception, aux images mentales dont le contenu se rapporte à un objet, à une situation à une Connaissances conceptuelles et théoriques
scène, etc., du monde dans lequel vit le sujet. Il existe différents types de représentations. Ferréol note que « les représentations sociales (par exemple) se présentent d'abord sous une grande diversité phénoménale : image du réel, croyances, valeur, systèmes de références et théories du social coexistent le plus souvent » (Gilles Ferréol, 2002 : 189). Mais si nous admettons avec Jodelet (1989 :37) que les représentations sociales sont « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social », nous dirons que les représentations des espaces urbains consisteront soit dans leur définition fonctionnelle et formelle, soit dans celle forgée par le sens commun, soit enfin les deux cas réunis. 1.1..2.1. ESPACES, REPRESENTATIONS ET CONDUITESIl convient ici de faire une exploration des travaux portant sur les représentations et de voir ses interactions avec l'espace de vie des individus. De l'avis de Jean-Claude Abric (1994:17), les représentations sociales remplissent plusieurs fonctions. Parmi ces fonctions il y a les fonctions d'orientations et les fonctions justificatrices des actions des individus. Les fonctions d'orientation sont celles qui guident les comportements et les pratiques. A cet effet il soutient que « la représentation intervient directement dans la définition de la finalité de la situation déterminant a priori le type de relations pertinentes pour le sujet mais aussi éventuellement, dans des situations où une tâche est à effectuer, le type de démarche cognitive qui va être adopté. » Jean-Claude Abric (idem) Il relève également que la représentation remplit des fonctions justificatrices des actions des individus. Ici l'action de représentation se situe en aval du comportement des individus. En effet, les représentations permettent aux acteurs « d'expliquer et de justifier leurs conduites dans une situation ou à l'égard de leurs partenaires. » Ainsi, peut-on dire que les représentations de l'espace urbain peuvent-elles justifier et/ou expliquer les usages que les individus en font. Connaissances conceptuelles et théoriques
Par notre représentation de l'espace, nous l'organisons et lui attribuons des fonctions précises. Ce qui détermine de facto les comportements des individus vis-à-vis de lui. Selon E.T. Hall (1966 :130-170), « «l'espace à organisation fixe» constitue l'un des cadres fondamentaux de l'activité des individus. Il cite comme espace à organisation fixe les bâtiments construits ou encore l'intérieur d'une maison occidentale. Pour ce qui concerne l'organisation de l'intérieur de la maison occidentale, E.T.Hall (1978, 176) montre qu'on trouve « des pièces particulières correspondant à des fonctions particulières telles que la préparation de la nourriture [la cuisine], la consommation des repas [salles à manger], la réception et les activités sociales, le repos et le sommeil, la procréation et même l'hygiène ». Il pense que cette organisation et la disposition intérieure actuelle de la maison occidentale - « considérée par les Européens et les Américains et aujourd'hui par les Africains comme allant de soi » - est une acquisition récente. En effet, il rapporte de Philippe Ariès12 que jusqu'au XVIIIe siècle les pièces n'avaient pas de fonctions fixes dans les maisons européennes. Il s'explique : « les membres de la famille ne pouvaient pas s'isoler comme il le font aujourd'hui. Il n'existe pas d'espaces privés ou spécialisés. Les personnes étrangères à la maison allaient et venaient à leur gré, tandis que les lits ou les tables étaient dressés ou enlevés selon l'humeur ou l'appétit des occupants. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que la structure de la maison a changé. Et on a commencé à distinguer la chambre de la salle » (E.T.Hall, 1978 : 176). Antoine Prost (1987 : 62) rapporte que c'est au début du 20 e siècle que « l'ensemble de la population française a conquis l'espace domestique nécessaire au développement de la vie privée. » C'est à ce moment qu'apparaît la compartimentation des habitations au départ dans les ménages bourgeois. Il écrit que ceux-ci « avaient de la place : des pièces de réception, une cuisine et ses annexes pour la ou les domestique(s), une chambre pour chacun des membres de la famille, et souvent encore quelques pièces. Une entrée, des couloirs assuraient l'indépendance de ces divers espaces » (Antoine Prost, 1987 : 62). Les ménages des ouvriers par contre ne disposaient en général que d'une seule chambre pendant longtemps. L'Anglais introduit non seulement une distinction précise des espaces intérieures désormais fixes des maisons mais encore désigne ces espaces par des noms comportant leur fonction. Ainsi on aura par exemple Bedroom littéralement « salle du lit » qui est la chambre ( à coucher) de nuit ; dining-room, la salle à manger, etc. 12Dans : L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime Connaissances conceptuelles et théoriques
La conclusion que nous tirons avec E. T. Hall est qu'à partir de ce moment de nouveaux comportements se structurent et se déploient suivant la logique des fonctions attribuées à chaque espace. En est-il de même pour les espaces urbains qui remplissent chacun une fonction précise dans la ville ? L'article de Stéphane Tessier (1999 : 311-324), Marginalisation de l'enfant et espace public urbain est une sorte de démonstration de cette conclusion. Stéphane Tessier en effet, fait une démonstration des usages de l'espace et montre que ceux-ci peuvent varier par affectation de nouvelles fonctions. Il pose d'abord que l'espace public ne peut faire l'objet d'appropriation privée ; « la collectivité autorise une appropriation temporaire de cet espace dans un cadre fonctionnel parfaitement défini en théorie. La ville moderne centre sur la circulation et l'échange, l'usage de l'espace dont elle consent le partage. L'appropriation peut durer quelques minutes ou quelques secondes, selon le mode de transport utilisé (ou la durée d'attente du bus ou du taxi). Mais c'est aussi le lieu anonyme de circulation collective des marchandises, des personnes, et de l'évacuation des déchets partagés. C'est par la qualité de cette fonction excrétoire collective que l'espace public urbain gagne son identité. On dit d'une ville qu'elle est sale ou propre» (Stéphane Tessier, 1999 : 316). Les fonctions des espaces publics urbains sont bien définies mais la logique de leurs usages varie dans le temps. « Un marché n'a d'usage public que dans la journée, la nuit, il pourra faire l'objet d'autres usages. Une place pourra être désertée par les véhicules la nuit, et servir d'abri ou de lieu de rendez-vous. » Dans les carrefours des rues, le passage au rouge qui crée l'immobilisation du flot des véhicules « transforme instantanément ce lieu en marché ou prédomine l'échange économique entre le véhicule détenteur de pouvoir d'achat et l'enfant vendeur. Dés que le flot s'immobilise l'usage de circulation cède la place à celui d'échange. Ce détournement d'usage de l'espace public, détournement au sens où il n'était pas prévu par les planificateurs, crée un interstice spatio-temporel. » L'auteur montre que l'enfant des rues essaie de survivre en transformant l'espace de circulation urbaine en espace d'échange. Il y a donc attribution de nouvelles fonctions à l'espace, non pas au sens mertonien car cette fonction n'est pas latente ou secondaire. Il y a dédoublement conscient de fonction pendant un moment précis de l'espace public urbain. Mais on peut également passer de l'espace public à « l'espace privé particularisé du fait de l'usage pratique quotidien de cet espace » suivant un processus d'appropriation de l'espace tel que le montre bien Pierre Mayol (1994 :18). Connaissances conceptuelles et théoriques
1.2. ESPACES URBAINSLes espaces urbains se composent de deux grandes catégories : nous distinguons les espaces urbains publics et les espaces urbains privés. 1.2.1 ESPACE PUBLICAvant de définir l'espace public (ou les espaces publics puisqu'il y en a plusieurs), il convient de relever une ambiguïté que cette notion comporte. Disons plutôt que la notion est bien équivoque et c'est cette équivocité qui peut rendre ambiguë son utilisation. On peut distinguer aussi bien des espaces physiques ou matériels que des espaces immatériels (et même virtuels), support de la communication, cadre d'expression des Organisations de la Société Civile (OSC) ... L'espace public possède ainsi un double sens. Dans sa seconde énonciation, l'espace public peut comporter la première acception dans la mesure où les supports physiques des organes de la communication notamment les locaux des télévisions nationales par exemple peuvent être des espaces physiques publics. Dans la Grèce antique, les débats philosophiques qui se tenaient à l'agora (qui signifie place publique) constituaient un cadre d'expression des citoyens de ce temps. Les supports physiques des orateurs qui étalent leurs opinions politiques (voir dans la tradition britannique) aux passants qui veulent bien les écouter sont bien souvent les places publiques et les rues. Après avoir levée cette équivoque, on penserait aisément que l'espace public dont il sera question ici est physique. Mais qu'est-ce alors un espace physique public ? Liliane Voye (1992 :8) le définit comme étant « la partie du territoire qui est partagée, ouvert à tous et à chacun ». Cette définition manque cruellement de précision. D'abord à qui renvoie le « à tous et à chacun » ? La cathédrale qui est ouverte à tous et à chacun des chrétiens catholiques est-elle un espace public ? De quel point de vue le serait-elle ? De celui du chrétien ou du citoyen lamnda ? Nous notons tout de même avec intérêt l'accessibilité des espaces publics qui renvoie à la notion de communauté d'usages de ces espaces. Jürgen Habermas (1992 ; 14) nous rappelle que « nous qualifions de publiques certaines manifestations lorsqu'au contraire des cercles fermés elles sont accessibles à tous - de même que nous parlons de place publique ». Nous ajoutons que le public qui est Connaissances conceptuelles et théoriques
implicitement visé ici doit être considéré comme étant l'ensemble des citoyens d'une nation et non les membres d'une organisation quelconque. Ensuite, excepté une situation d'anarchie, l'accessibilité d'un espace ouvert à un grand public est gérée par un agent qui en assure l'entretien. Le terme public, attribut de l'espace renvoie de plus à cet agent qui est à priori l'Etat ou précisément ces institutions ou ses représentants. Finalement, pour définir l'espace public il faut réunir les deux éléments ci-dessus. Ainsi nous considérons comme espace public l'ensemble des espaces qui sont accessibles à tous les citoyens et dont l'Etat est le premier gestionnaire. Il s'agit des voies publiques, d'espaces verts, de stades, des établissements hospitaliers nationaux, les places publiques. On distinguera l'espace public de l'espace semi-public qui est l'ensemble des espaces ayant fait l'objet d'une certaine appropriation par les individus qui l'exploitent dans des conditions bien précises alors que ces espaces ne leur appartiennent pas strictement. Ce sont notamment des espaces des établissements de services publics (lieux de travail), les établissements commerciaux, etc. 1.2.2. ESPACE PRIVEIl se définit par opposition à l'espace public. Ce sont tous les espaces appartenant au domaine privé des individus « c'est-à-dire à accessibilité limitée ou réservée » (Jean Liliane Voye, 1992 :8) que sont les cours des concessions, les chambres, les terrasses des maisons particularisées. 1.3. LA VILLELa définition du mot ville ne réalise pas l'unanimité de toutes les disciplines qui se proposent d'en donner les traits caractéristiques. Selon Max Weber (1986 :17) « on peut tenter de définir une ville de manière très différente. Toutes ces définitions ont un seul point commun : la ville ne consiste pas en une ou plusieurs habitations implantées séparément, elle constitue, en tout cas un habitat concentré (au moins relativement), une localité. Dans les villes (mais pas seulement là) les maisons sont construites très près les unes des autres. D'ailleurs aujourd'hui la règle est de les bâtir mur contre mur ». Il relève fort heureusement que ce n'est pas seulement en ville que les habitations sont concentrées car on ne saurait se Connaissances conceptuelles et théoriques
fonder sur la nature de l'habitation pour définir la ville. L'habitation concentrée se retrouve aujourd'hui aussi bien en ville qu'en campagne. Le système des Nations Unies (Tricaud, 1996 :13) apporte une lumière à l'imprécision que manifeste la concentration d'habitation caractéristique de la ville selon Max Weber. Selon les Nations Unies en effet, il s'agit de considérer comme ville les constructions éloignées de moins de 200 à 500 mètres13. Ce critère est également retenu par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (l'INSEE) de Paris (Tricaud ; 1996 :19). Le défaut de ce critère est qu'il peut aussi bien servir à caractériser la ville que transformer une agglomération rurale en ville. Il suffit par exemple qu'un bloc de construction se situe à 200 mètres ou 500 mètres (selon les régions) entre une ville et une campagne pour transformer aussi bien ce bloc de construction, cette campagne que tous les autres villages situés à pareille distance de celle-ci en ville. Un autre écueil semble être « la valeur du seuil de la population au-dessus duquel une agglomération peut-être appelée ville. Ce seuil varie de 2000 à 50.000 habitants selon les pays » (Tricaud,1996 :13). Il existe pourtant des agglomérations rurales dont la population dépasse bien ce seuil. M. Weber (1986 ,17), à son époque déjà relevait qu' « Il y a dans la Russie (...) des villages (par exemple dans la zone de résidence polonaise de l'Est de l'Allemagne) qui, avec plusieurs milliers d'habitants sont bien plus grands que maintes villes qui ne comptent que quelques centaines d'habitants ». Jean-Bernard Charnier (1988 :12) relève heureusement que « de fait, certains pays font appel, pour définir leurs villes, à des critères qui ne sont pas simplement numériques : d'ordre administratif14 (...); fonctionnel15 (...) ou encore urbanistique 16(...) ». Si par contre on cherche une définition purement économique poursuit Max Weber (1986 ,17), « la ville serait une agglomération dont la plupart des habitants vivent de l'industrie ou du commerce et non de l'agriculture ». Il faut faire attention de ne pas y inclure « les villages industriels ». Il existe cependant une agriculture urbaine dans les pays 13 Selon les régions : 200 mètres en Europe, 500 mètres en Amérique latine. 14 Chef-lieux de municipalité au Brésil, au Tchad, chef-lieu de poste administratif. 15En Tchécoslovaquie, les villes doivent avoir au moins deux médecins, une pharmacie, divers équipements scolaires et moins de 15% de population active agricole. 16Au Bengladesh, une commune urbaine doit avoir au moins 5000 habitants et disposer en outre de l'eau potable de l'électricité, et l'évacuation des eaux usées, et comporter des rues ou places numérotées. Connaissances conceptuelles et théoriques
en développement notamment en Afrique noire qui, selon Tricaud (1996 :42), est « la source principale ou complémentaire de revenu de survie de beaucoup de citadins ». Cet auteur nous propose une définition de la ville qui procède de la notion d'espace urbain. Il identifie « la parcelle comme unité d'occupation du sol homogène, non divisée, avec un même utilisateur ou groupe d'utilisateurs » ( Tricaud, 1996 : 19). Il part donc de cette définition, pour aboutir à celle précise de la ville. Selon lui, « on peut appeler parcelle bâtie ou revêtue, ou encore parcelle urbaine, une parcelle portant un bâtiment ou majoritairement couverte d'un revêtement empêchant la végétation (dallage, ciment, enrobé...) ou sol suffisamment tassé pour limiter celle-ci et pour assurer la circulation (cour de marché, etc.) ». Il appelle espace urbain l'ensemble des parcelles bâties ou revêtus. Il en arrive ainsi à définir la ville comme étant un « espace urbain de surface ou de population supérieure à un seuil donné ». Le seuil de cette population est celui mentionné plus haut. Cette définition qui procède par découpage rigoureux des éléments qui la compose a l'avantage de donner une idée de ce qu'on appelle parcelle urbaine, espace urbain. Mais la définition de la ville elle-même qui en découle n'est peut-être applicable qu'aux villes des pays développés et hautement industrielles car dans beaucoup de villes des pays en voie de développement, on pratique une agriculture urbaine comme nous l'avons relevé ailleurs et qui crée en ville une végétation qui, en principe, n'existe pas dans la ville telle que la définit Tricaud. De plus, dans les pays tropicaux humides du fait du climat, se développe une végétation urbaine abondante comme on peut le remarquer à Yaoundé par exemple. Ce recensement des caractéristiques physiques de la ville nous permet certes de constater et de prendre en compte la totalité du fait urbain. Mais comme le font observer les auteurs de l'Ecole de Chicago, la ville n'est pas seulement un mécanisme matériel et une construction artificielle. Selon ces auteurs en effet, « la ville est quelque chose de plus qu'une agglomération d'individus et d'équipements collectifs : rues, immeubles, éclairage électrique, tramways, téléphone etc. ; c'est également quelque chose de plus qu'une simple constellation d'institutions et d'appareil administratifs : tribunaux, hôpitaux, écoles, postes de police et corps de fonctionnaires de toutes sortes. La ville est plutôt un état d'esprit, un ensemble de coutumes et de tradition, d'attitudes et de sentiments organisés, inhérents à ces coutumes et transmis avec ses traditions. » (Y. Grafmeyer et al., 1984). Connaissances conceptuelles et théoriques
Alors qu'entendons-nous finalement par ville dans ce travail ? D'abord il faut préciser qu'une définition de la ville à partir de ses caractéristiques physiques propres aux pays développés est difficilement applicable aux pays en voie de développement. Définir une ville du Tiers-Monde exige en revanche la prise en compte des données telles que, la ruralité qui coexiste dans les agglomérations définies comme ville alors qu'elle permet, ailleurs, de distinguer la ville de la campagne. L'agglomération que nous tentons de définir comme ville ici, en l'occurrence N'Djaména, remplit les critères démographiques (environ 1000.000 d'habitants), économique, spatial et elle abrite également la direction des institutions politiques. Bref, les caractéristiques retenues précédemment pour définir la ville se retrouvent, à quelques nuances près dans l'agglomération de N'Djaména. Mais à ces caractéristiques matérielles, démographiques, institutionnelles, politiques et administratives nous ajoutons celles de l'école de Chicago ci-dessus présentées qui sont en fait une façon d'être au monde urbain. 1.4. CONSCIENCE COLLECTIVE/CONSCIENCE COMMUNALE.Le concept de conscience collective désigne chez Durkheim (1893) cet « état représentatif cognitif et émotionnel qui embrasse, outre la personne elle-même, tous les individus du groupe, de même que les intérêts et les valeurs culturelles ». A travers ses caractéristiques la conscience collective apparaît comme « un facteur d'intégration et de cohésion sociales, un ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d'une société » (Gilles FERREOL, 1995 : 30-31). L'intérêt de cette définition de Durkheim est qu'elle contient des caractéristiques qu'on retrouve dans la définition d'un sous ensemble du concept de conscience collective à savoir la conscience communale. En effet, en prenant comme « collectif » ou « groupe », la commune, on peut postuler que la conscience communale est non seulement un facteur d'intégration et de cohésion des citoyens appartenant à une même commune mais elle est également un ensemble de croyances et de sentiments communs à la moyenne des citoyens de cette commune. Cette conscience - si elle existe - est mobilisatrice d'action en faveur de la vie de la commune ou tout au moins organisatrice de comportements relatifs à la gestion communale. Connaissances conceptuelles et théoriques
II. ORDURES MENAGERES ET NOTIONS QUI
S'Y
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Les ordures ménagères sont citées précédemment comme éléments de la définition des déchets solides auxquelles s'ajoutent les déchets non dangereux des établissements industriels et commerciaux. Mais en quoi consistent les ordures ménagères ? Il s'agit des déchets organiques et non organiques (biodégradables et non biodégradables) issus de la consommation des ménages. Pour en donner une idée plus concrète, nous en citons quelques éléments : les restes de cuisines, les eaux sales, les plastiques, la cendre, les papiers et les cartons usés, les métaux, les verres, les céramiques, les cuirs usés, le caoutchouc, les tissus, les feuilles d'arbres, la paille, le bois, le charbon, le sable, la poussière, les selles etc.
Une telle définition, en procédant par énumération des parties de la chose qu'on entend ainsi définir ne permet guerre d'identifier avec précision la réalité qu'elle recouvre. On s'accordera volontiers pour dire qu'une ordure est ce qui est destiné à être jeté, dont on se débarrasse parce que ne servant plus son propriétaire. Il faut observer cependant que cette définition comporte non seulement une part importante de subjectivité de la part des individus (qui décident de leur propre chef d'appeler un objet « ordure ») mais surtout qu'elle ne prend pas en compte les ordures qui entrent dans un cycle de transformation où elles sont triées, recyclées en vue d'être réintroduites dans le circuit économique.
Nous entendrons donc par ordure tout objet qui ne sert plus immédiatement son propriétaire du fait de sa dépréciation, sa décomposition ou tout autre changement d'état qui le prive de son utilité première et que ce dernier décide de revaloriser ou dont il choisit de se débarrasser.
On distingue les ordures biodégradables de celles qui ne le sont pas. Et selon Joël S. Hirschhorn (1997 :17) un produit est biodégradable s'il est « susceptible d'être décomposé par les micro-organismes (champignons, bactéries) et des macro organismes (escargots, limaces, etc.) dans des conditions en rapport avec la gestion et l'élimination des déchets ». Joël S. Hirschhorn ne nous renseigne pas sur ces conditions qui favoriseraient, en matière de gestion et d'élimination des déchets, la décomposition « des produits biodégradables ». On retiendra donc simplement l'idée d'une éventuelle décomposition qui caractérise les produits biodégradables.
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Il convient également de définir les notions de récupération et de recyclage qui sont assez courants dans la gestion et l'élimination des ordures ménagères.
En fait la récupération c'est « la restitution d'un déchet à un état meilleur ou plus utile ». La récupération peut être considérée comme une étape qui précède le recyclage qui « est la séparation d'un déchet spécifique de la masse d'ordures, et la transformation qui le rend utile à la confection d'autres produits d'origine » (Bindu N. Lohani, 1990 :52).
Une décharge est un « site de dépôt des déchets dans des fosses ou à même le sol sur lequel on déverse où on enterre les résidus. Il s'agit d'une décharge contrôlées si on y met en oeuvre diverses formes de confinement de l'eau et de produits chimiques » (Bindu N. LOHANI, 1990 :52). On distingue les décharges brutes qui sont des sites « où l'on dépose des déchets solides et des produits dangereux en vrac, sans aucun plan et aucune mesure de vérification des conditions d'hygiène et de sécurité» et des décharges contrôlées.
Dans le langage courant au Tchad, la décharge tient lieu de poubelle. Le mot poubelle a subit une déformation qui l'assimile à tout lieu où l'on entasse des ordures ménagères. La décharge est un réceptacle de déchets au même titre le récipient qui sert de poubelle. Il est clair que Eugène Poubelle17 méconnaîtrait la poubelle, enfin le récipient qu'il imposa en France au 19e siècle et qui a finalement porté son nom.
17 Eugène René Poubelle est préfet de la Seine de 1883 à 1896. C'est lui qui a imposé l'utilisation d'un récipient destiné aux ordures ménagères (Le Grand Larousse Universel t.12 Paris 1987)
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« Tout travail, tout choix d'études et de méthodes en sociologie suppose une théorie du progrès scientifique. Tout progrès scientifique est cumulatif, il n'est pas l'oeuvre d'un homme mais d'une quantité de gens qui révisent, critiquent; qui ajoutent et qui élaguent. Pour faire date, il faut associer son travail à ce qui
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a été fait et à ce qui se fait. Il le faut pour dialoguer, il le faut pour
l'objectiver » (C. W. Mill, 1983 :130).
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La gestion des ordures ménagères (G.O.M.) est une notion dont il n'est pas aisé de repérer la définition dans la littérature. En effet, les techniciens et même les chercheurs en gestion urbaine qui s'intéressent aux ordures ménagères dans les milieux urbains ne proposent pas expressément une définition de la gestion des ordures ménagères. Ils s'attachent en revanche à définir avec soin les termes qui s'apparentent à celles-ci [Supra, chapitre I]. Le sens de la gestion des ordures ménagères se décline à travers les activités d'assainissement du cadre de vie.
De ce qui précède, la gestion des ordures ménagères apparaît moins comme un concept qu'un terme descriptif et surtout technique, indiquant à chaque étape l'activité à réaliser pour assainir le milieu de vie et pour revaloriser, le cas échéant, les déchets. Une telle acception ne renseigne pas sur les moyens de cette gestion des ordures. Pourtant, gérer c'est assurer l'adéquation entre les ressources disponibles pour ainsi dire les moyens (humains, matériels, organisationnels, techniques...), et les objectifs qu'on se fixe ou les missions qu'on doit remplir.
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De l'avis de Bertolini (1987 :19) jusqu'au XIIe siècle, les fosses sceptiques étaient inconnues en France. Les habitants rejetaient « à la rue - véritable dépotoir - tous leurs déchets, où de nombreux animaux trouvent leur nourriture. » Selon lui, « Le passage [des déchets] de la sphère domestique à l'espace public constitue la forme première ou primitive de l'élimination, c'est-à-dire en réalité un transfert au détriment d'un premier type d'espace faible en particulier parce que sa propriété ne peut être revendiquée par un individu. La pratique du « tout-à-la-rue » se traduit par une dispersion et une crise généralisée de l'espace urbain » (p.10). Il cite Mumford qui montre que « jusqu'au XIX e siècle, le porc demeura un auxiliaire précieux de la salubrité publique même dans les villes qui se piquaient de modernisme comme New York et Manchester. » Cet auxiliaire ne s'est pas arrêté de fouiller dans les poubelles des hommes, jusqu'aujourd'hui et ce, dans bon nombres de villes encore. A l'observation, il apparaît que l'homme est aujourd'hui - s'il ne l'a pas toujours été - un concurrent attesté de cet auxiliaire. Un commensalisme de poubelle entre d'une part les chiens, les porcs et d'autre part des malades mentaux, mendiants, enfant de la rue et que nous observons tous les jours dans nos villes. (Voir Photo en annexe 3).
Avant le XIIe siècle en France, les villes ne recevaient aucune toilette. Les rues étaient couvertes de boue. « La méthode de tassage des ordures ménagères, écrit Bertolini, est naturelle ; elle résulte du piétinement des animaux et des passants, et des roues de charrois. » (P.19) Bertolini conclut cette description en indiquant que « dans la cité médiévale aux habitations de chaume et de bois, le plus radical des bactéricides urbains est, de temps en temps, l'incendie. » (p.20). C'est avec le souverain Phillipe-Auguste au XIIe siècle que se manifestent en France les premières velléités de nettoyage de la ville. En effet « c'est en 1185 qu'on situe la scène qui en constituerait le point de départ : le souverain Philippe-Auguste est tellement incommodé par l'odeur dégagée par la boue lors du passage d'une charrette qu'il ne peut rester à la fenêtre de son palais. Il ordonne aussitôt que les rues et voies de la cité soient pavées (Girard, 1923 :8). Cette réalisation a été appelée le carreau du roi ; jusqu'à l'avènement des Valois, elle ne concerne guère que les deux artères principales, qui traversent la ville et se coupent vers le Châtelet. Après cette réalisation, son entretien est ordonné. » (P.21)
18 Cette partie est traitée grâce au livre de G. Bertolini (1987)
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L'auteur précise que le pavage à grande échelle interviendra beaucoup plus tard au XVe siècle en Allemagne ; ainsi Augsbourg fut la première ville à l'entreprendre vers 1415. On voit, comme Bertolini ne manque pas de le souligner, que l'élément déclencheur des premières interventions fut le « nez du roi », début de ce que A. Corbin qualifiera d'offensive contre l'intensité olfactive de l'espace public19.
Ensuite la décision émane du pouvoir central au bénéfice de la capitale, une décision qui tient lieu de règlement. « Les ordonnances énoncent des interdictions, ou édictent des obligations de résultat ; elles sont assorties de sanctions très lourdes : amendes, privation de propriété, emprisonnements, châtiments corporels. » (P.20)
La gestion des espaces urbains se traduit, à cette époque tel qu'il suit : l'entretien du carreau est à la charge des habitants. L'autorité publique n'intervient au départ, que pour veiller à sa réalisation. Selon un « règlement de 1270, relatif au nettoyage, les rues seront nettoyées lorsque le Voyer en publiera l'ordre, en faisant crier le ban ». Plus explicitement,
l' « autorité royale se contente de prescrire aux habitants d'enlever des chaussées les boues et autres encombrements, et leur laisse la charge de s'en débarrasser20. Ils les entreposent dans leurs cours et jardins, devant la porte du voisin (...) ou sur la place publique. Mais certains bourgeois vont prendre l'initiative de louer en commun un tombereau pour faire transporter hors de la ville les immondices accumulées autour d'eux. Cette action est symptomatique de ce que beaucoup d'auteurs ont appelé le virus de NIMBY (Not In My Back Yard) que nous décrirons plus loin.[Infra, chapitre IV].
Ce que nous venons de décrire ce sont des tâches réalisées individuellement ou collectivement par les habitants ou confiées par ceux-ci aux particuliers (entreprises privées) qui le font moyennant paiement. Progressivement, l'administration ordonnera le dépôt hors de la ville des boues et immondices. Ensuite, vu que l'ordre donné à chacun de nettoyer devant sa maison n'étant pas respecté, le nettoyage de la ville sera progressivement remplacé par un service public municipal, assorti de la perception des taxes.
A partir de 1532, du fait notamment du refus des nobles et gros bourgeois de payer la taxe, « on dut en venir à un système mixte qui consistait à recourir à nouveau aux habitants
19 Note de Bertolini (1987) voir notamment Le miasme et la jonquille, l'odorat et l'imaginaire social, XVIIe et XIXe siècle, aubier, 1982.
20 Note de Bertolini (1987)
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pour effectuer le balayage des rues et la mis en tas des immondices alors que l'autorité royale restait seulement chargée du transport et prélevait une taxe dans ce but » (p.21).
S'agissant du balayage des rues, « une ordonnance de police de 1799 impose à tous les propriétaires ou locataires d'habitation (de Paris) bordant la voie publique de balayer tous les jours devant leur habitation : au droit de façade et jusqu'au milieu de la chaussée, dans les rues à doubles ruisseau et jusqu'au ruisseau du milieu dans les autres, et la surface angulaire comprise entre les prolongements des deux façades pour les maisons d'angle. Ce balayage doit être terminé à sept heures du matin depuis le premier avril jusqu'au premier octobre, et à huit heures, les autres mois de l'année. Des hommes parcourent les divers quartiers de la ville pour rappeler aux habitants que l'heure est venue de balayer, durant l'hiver, l'obligation de mettre la neige en tas et de casser la glace des ruisseaux »
A cette même époque, existaient des compagnies de balayage public, chargées « de nettoyer les places, marchés, les quais et les parties de voies publiques qui ne sont pas bordées par aucune propriété particulière ». Ainsi apparaissent pour la première fois en France des prestataires de service privés d'assainissement. Ceux-ci vont, dans un premier temps s'entendre avec « les propriétaires ou les locataires pour exécuter à leur place, moyennant une somme assez modique, le balayage auquel ils sont astreints par les règlements de police. » Mais ce type de contrat va générer un désordre sur la voie publique... Et vu que les mesures prises par le préfet de police en 1873 pour redresser cette situation ne favorisaient pas les compagnies privées, la plupart d'entre elles durent se retirer : « l'administration municipale se substitue à celles qui disparaissent, et crée des abonnements au balayage facultatif .» Mais l'abonnement n'étant pas obligatoire, une taxe de balayage a été instituée.21 L'état actuel de la réglementation du nettoiement des voies publiques retracé par l'Association Générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux (AGHTM) que rapporte G. Bertolini donne un aperçu de la gestion de l'assainissement des espaces publics dans divers pays européens.
Au regard des réglementations des pays cités par Bertolini, se dessinent deux modèles de nettoyage des espaces publics.
21 Bertolini cite la loi du 26 mars 1873 instituant la taxe de balayage à Paris ; la loi du 31 juillet 1880 à Alger et a Oran, la loi du 05 avril 1884 autorisant les communes de France et d'Algérie à prendre des décrets pour instaurer une telle taxe.
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Le premier modèle, dominant d'ailleurs, qu'on retrouve en Allemagne fédérale, au Danemark, aux Royaumes Unis, en Suisse et en France est celui où la responsabilité de l'assainissement de l'espace public incombe aux services municipaux. Dans certains de ces pays (Danemark, Pays-Bas, France) le service municipal conserve la possibilité d'imposer une taxe de balayage des rues aux riverains ou encore l'obligation de nettoyage « des trottoirs, (seulement) jusqu'à dix mètres de largeurs ».
Le deuxième modèle est celui où, en Autriche, en Italie et au Pays-Bas par exemple le nettoyage des rues incombe entièrement aux riverains. Il s'agit du nettoyage de la devanture des immeubles, des trottoirs en plus d'un paiement de frais de ramassage des ordures (comme au Pays-Bas) une taxe de nettoyage des espaces se trouvant hors de la responsabilité des riverains (comme en Italie).
Mais la tendance, comme le note Bertolini « est de décharger les riverains de ces tâches pour le reporter sur le service public. » A titre d'exemple, la loi des 16 et 24 août 1790 réglemente pour toute la France le nettoyage, et en confie la responsabilité aux maires ».
Gérard Bertolini témoigne tout d'abord d'une construction historique de l'espace public comme territoire distinct sinon à distinguer de l'espace privé par son assainissement. Et, même si Bertolini ne le relève pas, il est clair que l'élément distinctif de cet espace est sans conteste son accessibilité publique tel que nous l'avons montrée avec J. Habermas.[Supra, chapitre I].
Ce qui consacre la spécificité de ce territoire est son assainissement dont l'organisation a connu tant de changements avant d'arriver à sa forme actuelle c'est-à-dire celle qui, particulièrement en France institue le service communal comme l'autorité suprême de la gestion des ordures ménagères. La réglementation française de la gestion des ordures ménagères dans les espaces publics est en tout point comparable à celle du Tchad. Evidemment cela n'est pas étonnant vue que le Tchad comme toutes les anciennes colonies françaises a hérité des instruments juridiques de l'administrateur colonial. La réglementation juridique ainsi copiée ne s'est pas accompagnée de son application dans les villes coloniales. Le service public, de façon générale et celui d'enlèvement des Ordures Ménagères en particulier était exécuté uniquement dans les quartiers dits résidentiels22 qui étaient en fait les
22 Le terme de quartiers résidentiels est une aberration dans la mesure où il sous-entend que seuls les habitants de ces quartiers résident en ville. Tout se passe en tout cas comme si les populations qui habitent les quartiers que Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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quartiers des administrateurs européens. A cette discrimination dans la prestation du service public vont s'ajouter d'autres problèmes (d'ordre démographique, financier et politique ...) qui rendent bien particulière la gestion des ordures ménagères dans les pays en voie de développement.
Evelyne Waas (ENDA, 1990 : 9) s'efforce de décrire comment les ordures ménagères sont gérées en milieu urbain des pays du Tiers Monde. « Cette gestion varie des quartiers dits défavorisés ou périphériques aux quartiers modernes, quartiers d'affaires ou résidentiels ». Elle indique que les « ménages (...) produisent surtout des déchets organiques. Environ 500g/jour pour un citadin du Tiers-Monde soit 180kg/an ».
Selon elle, les ordures ménagères des quartiers défavorisés sont évacués, dans un carton, un panier, une bassine ou un bidon usagé, par la ménagère ou une des filles de la maison, soit vers la benne à ordure publique, soit vers une décharge sauvage aux abords du quartier. Elle relève ensuite que l'effort « rural » de propreté à l'intérieur de la maison et de l'espace considéré comme privé est maintenu en milieu urbain. La perception de l'espace collectif ou public, en revanche, change considérablement. La responsabilité de son maintien incombe aux autorités locales. Très peu d'attention est en général portée à cet espace public. Parcelles non construites, terrains vagues et ruelles à quelque distance des maisons, se transforment ainsi en dépotoirs d'ordures ménagères.
Trop souvent, le ramassage officiel des déchets s'effectue de manière irrégulière et insatisfaisante dans ces quartiers périphériques. Les poubelles collectives débordent et le service ne tient pas ses engagements. Le défaut de prise en charge publique, le traitement en « parent pauvre» des quartiers périphériques par le service de collecte des déchets d'une part, et la méconnaissance des dangers sanitaires des décharges et dépotoirs sauvages d'autre part alimentent le « laisser-aller » et la « déresponsabilisation » des habitants quant à l'espace collectif urbain.
La notion de « déresponsabilisation » évoquée ici mérite de retenir l'attention. En fait l'auteur, en le soulignant laisse croire que les habitants dont il est question ici avaient été
l'on qualifie de quartiers indigènes ne résident pas en ville.
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« responsabilisés » vis-à-vis de la prise en charge de la propreté de l'espace collectif urbain. Car la « déresponsabilisation » nous semble être nécessairement un état postérieur à celui de la « responsabilisation ». Or l'auteur ne mentionne nulle part la responsabilisation dont elle regrette la perte. Mais un état de responsabilisation a-t-il précédé celui dont parle Evelyne Waas ? Comment se caractériserait-il ?
Par ailleurs, parlant de l'évacuation et du transport des déchets, cet auteur montre que l'accès aux quartiers périphériques des pays du Tiers-Monde, souvent d'une grande densité de population et sans infrastructures routières conséquentes, est difficile au service officiel. Aussi, les habitants de ces quartiers doivent-ils porter eux-mêmes leurs déchets jusqu'aux bennes publiques installées là où le camion pourra venir les vider.
Pour ce qui concerne les quartiers modernes, d `affaires ou résidentiels le constat est tout différent du discours précédent. Ces quartiers, selon Evelyne Waas, connaissent en général une collecte de porte à porte. Les poubelles privées, individuelles ou communes, s'il s'agit d'un immeuble sont déposées au pas de la porte et vidées quotidiennement par le service de ramassage. Ces quartiers qu'Evelyne Waas appelle vitrine de la ville bénéficient d'un minimum de moyens.
Quant aux déchets industriels, ceux de l'artisanat, des commerces, des marchés, des hôpitaux, ils sont soumis à des conditions de gestion particulières. En fait, en fonction des dangers potentiels pour l'environnement, l'entreprise surtout industrielle est tenue d'assurer le transport de ses déchets sur des sites spécifiques. Les établissements de petite échelle et les commerçants des marchés, quant à eux recourent en général aux bennes publiques lorsqu'il y en a, sinon au dépotoir sauvage.
Dans son ouvrage, Les ordures à Yaoundé. Urbanisation, environnement et politique au Cameroun, Anne Sidonie Zoa (1995 : 9) montre que Yaoundé, la capitale du Cameroun entre dans un processus de « poubellisation au moment même où l'Etat, au lendemain de la conférence de Rio sur l'environnement et le développement, a pris des mesures pour empêcher le déversement des déchets toxiques et dangereux provenant des pays industriels. »
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Elle s'indigne devant « la quasi indifférence, l'insouciance et la tolérance par lesquelles l'Etat au Cameroun réagit face à l'ampleur des ordures ménagères dans une ville comme Yaoundé. En un mot comment expliquer la prolifération des villes poubelles dans un Etat qui se refuse d'être une décharge pour les pays industriels ?»
Selon cet auteur, la croissance urbaine a des incidences sur l'environnement, notamment pour ce qui concerne la production des déchets par les citadins. Elle montre ensuite que la production des ordures ménagères à Yaoundé est liée d'une certaine manière aux systèmes de représentations, aux croyances et aux pratiques sociales de ceux qui sont passés du village à la ville et qui ne semblent pas avoir rompu tout à fait avec les modèles socioculturels enracinés dans la tradition du terroir. C'est sur ce dernier point que nous reviendrons plus amplement dans la suite de notre exploration.
Le diagnostic que fait Valentin Mouafo (1999 :331) des villes du Cameroun de façon générale rejoint le constat de Anne Sidonie Zoa. Il part d'abord du postulat que « l'insalubrité urbaine constitue aujourd'hui l'indicateur de dégradation de l'environnement le plus perceptible dans la quasi-totalité des grandes agglomérations urbaines camerounaises ». Selon lui le diagnostic est clair et aucune ville ne fait exception. De Yaoundé à Maroua, de Douala à Garoua en passant par Bafang et Bafoussam, les déchets ménagers sont partout présents : dans les cours d'eaux, dans les caniveaux, sur les chaussées, dans les marchés, aux entrées des établissements scolaires et hospitaliers. La principale conséquence de cette situation est le risque environnemental et sanitaire qui l'accompagne. Il relève par ailleurs que de multiples contraintes entravent la recherche de solutions :
- il cite d'abord l'absence des données précises sur les caractéristiques et les quantités des déchets. Ceci a pour conséquence le fait que, « les options techniques choisies par les municipalités pour la collecte et le traitement restent non efficientes » ;
- ensuite le financement de l'enlèvement des déchets ménagers à partir exclusivement des ressources, de l'Etat et des collectivités locales a échoué depuis l'avènement de la crise économique qu'a connue le Cameroun (en 1987) et accentuée par la dévaluation du franc CFA ;
- enfin les rôles et les responsabilités des acteurs impliqués dans la gestion des déchets ne sont pas bien clarifiés. Ces acteurs sont notamment le gouvernement, les collectivités locales la coopération internationale. La responsabilité principale de la collecte des déchets ménagers au
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Cameroun est dévolue uniquement aux collectivités locales qui souffrent du manque de compétences techniques et aussi de leur subordination à un département ministériel central.
Fidèle Tonon dans un article publié dans Enda (1990 : 79-92) note que la collecte et l'élimination des déchets solides dans les villes du Tiers Monde constituent l'une des difficultés de gestion que rencontrent les autorités municipales. Les déchets en fait sont très visibles dans le milieu urbain mais l'urgence de leur élimination n'est pas perçue comme éminente. Selon cet auteur, le rythme de développement des villes crée des besoins d'investissement (eau, éclairage, transports...) par rapport auxquels la gestion des déchets n'est pas une priorité. Et il pense que ceci illustre bien la situation de la ville de Cotonou.
Cotonou en fait est présenté comme la première ville du Bénin. Elle renferme 51% de la population urbaine du pays et plus de 75% des activités industrielles. Ce développement s'accompagne de nombreux problèmes dont l'assainissement et l'évacuation des déchets de la ville. Tonon rapporte avec prudence que 35% seulement de déchets produits en 1982 dans la ville sont ramassés par le service de voirie (l'étude qui fournit ce chiffre date de 1985 la situation du Bénin a donc probablement changé depuis ce temps). Cette année-là, 50850kg de déchets sont collectés par jour soit 123g par habitant. Selon Tonon, ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Car sur le plan spatial, les véhicules de la voirie desservent à peine le tiers du territoire de la ville.
L'année suivante, un autre auteur Bindu N. Lohani rapporte qu' « à Bamako, 800m 3 d'ordures ménagères sont produites par jour mais seuls 250m3 environ sont collectées sur une zone qui ne couvre pas l'ensemble de l'agglomération » (Bindu N. Lohani ; 1990 :166-167). Et pour remédier à cette situation, les pouvoirs publics « ont décidé de l'organisation périodique de campagne de salubrité, qui mobilisent tous les travailleurs et les populations de Cotonou. » Mais le problème n'est pas résolu pour autant car « l'extension des tas d'immondices se poursuit, surtout dans les quartiers populaires ». Il tente d'expliquer cet échec par un certain nombre d'arguments.
- l'échec des acteurs politico-administratifs : il montre que, le quartier, la commune, le district et la province sont des structures de l'Administration territoriale béninoise « définies par la loi organique du 10 octobre 1981 portant création, organisation, attribution et fonctionnement
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des organes locaux du pouvoir de l'Etat et de ses organes exécutifs » en matière de gestion des déchets.
- au niveau du quartier par exemple, il existe le « Conseil Révolutionnaire Local (CRL), présidé par le délégué du quartier (...). Dans le domaine de la gestion des déchets, le CRL doit organiser les campagnes nationales de salubrité et veiller à l'entretien des chemins et des rues, ainsi qu'à leur commodité et à la sécurité des usagers ». Malheureusement le quartier ne dispose pas de budget propre.
- la commune, elle, est le niveau administratif le plus bas ayant droit de décision en matière d'urbanisation et de gestion urbaine. Mais il se trouve que le budget communal relève du budget de district. La dépendance financière de ces structures leur pose certes des problèmes dans leurs tâches mais l'auteur ne montre pas comment.
- le district par contre assigne à la voirie une série de tâches et de moyens pour la gestion des déchets solides mais il peut accomplir un certain nombre de tâches. Ici également l'auteur ne montre pas quelles sont les difficultés qui se posent au district. De même, il ne montre pas quelles sont les difficultés de la Province qui a son autonomie budgétaire, contrôle les budgets des districts et dispose des services techniques telle que la voirie.
Le défaut majeur des acteurs politico-administratifs réside dans l'inégale répartition des districts urbains par province. En effet, selon Tonon, Cotonou dispose seulement de six districts urbains qui sont tous situés dans la province de l'Atlantique qui est la province administrative. Or la ville entière se compose de quatorze provinces. C'est dire qu'il y a treize provinces qui ne disposent pas de districts urbains.
Il y a également les acteurs techniques tels que le service de voirie urbaine, la société de gestion des marchés autonomes. Il faut noter que le service de voirie urbaine par exemple ne dispose pas de structures spécifiques de collecte des ordures. De plus il s'occupe d'avantage de l'entretien des espaces verts (gazon des artères principales) que de la collecte des ordures. Elle n'a pas de moyens adaptés à la forme de l'habitat.
Enfin, il y a les agences du gouvernement comme la Direction de la voirie urbaine, la direction du génie du sanitaire et de l'assainissement et la société béninoise d'électricité et d'eau.
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Tonon pense que c'est « l'ancienneté et le flou relatifs des textes définissant les attributions respectives de ces acteurs [qui] sont en partie responsables de la situation très grave qui prévaut au niveau de la collecte et de l'élimination des déchets solides. »
Nous faisons remarquer que l'étude de Tonon comme bien d'autres travaux portant sur la gestion des déchets solides en milieu urbain cite les populations uniquement comme acteurs producteurs des déchets et non comme acteurs à prendre en compte dans la gestion de ces déchets. Les auteurs s'attachent à démontrer l'inefficacité des techniques, tant à travers leurs formes que leurs fonctionnements, dans la collecte et l'élimination des déchets. Ce faisant, ils oublient les populations dont la perception de l'environnement et de ce qu'on appelle déchets même est déterminante dans la gestion des ordures en milieu urbain.
Dans cette partie, nous faisons le point sur la gestion actuelle des ordures ménagères à N'Djaména. Il s'agit d'en identifier les acteurs et de montrer avec quels moyens et quelles techniques ceux -ci réalisent l'assainissement de leurs territoires. C'est peut-être à travers une telle description que l'on comprendra le mieux la gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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et peut-être la notion de G.O.M tout court (que l'étude tente d'ailleurs de saisir depuis le début de cette réflexion).
Les principaux acteurs de la G.O.M à N'Djaména sont les ménages, les C.A, les entrepreneurs privés et la mairie. Ces acteurs interviennent dans la G.O.M avec des moyens et des techniques plus ou moins différents sur des territoires dont les frontières sont plus ou moins étanches.
Les ménages sont rarement identifiés comme acteurs de la G.O.M. Pourtant c'est bien des ordures produites par les ménages qu'il est question. On a pu observer d'une part que les taux de génération des ordures ménagères varient selon le type d'habitation des ménages et d'autre part « un fort taux de sable et de cendre dans la composition des ordures ménagères (BCEOM, 2000 : 87). C'est ce qui a conduit à distinguer, dans les statistiques ci-dessous présentée des variables telles que le type d'habitation des ménages (traditionnel ancien, traditionnel intermédiaire, traditionnel récent, résidentiel) et les ordures avec sable ou sans sable. Il apparaît dans ce tableau que la moyenne de génération journalière des ordures ménagères par habitant exprimée en kilogramme est plus élevée dans les ménages des quartiers résidentiels que dans ceux des quartiers d'habitation traditionnelle.
Tableau 1 : Taux de génération des ordures à N'Djaména selon le type d'habitation
Source : BCEOM
2000
Type d'habitation |
Taux de génération par KG/HB/J |
|
Avec sable |
Sans sable |
|
Traditionnel ancien |
0,83 |
0,48 |
Traditionnel intermédiaire |
0,96 |
0,48 |
Traditionnel récent |
0,60 |
0,36 |
Résidentiel |
1,63 |
1,08 |
Mais si les études citent si peu les ménages comme acteurs de la gestion des ordures, cela signifie-t-il qu'en réalité ils n'interviennent pas ou interviennent très peu dans la gestion
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de celles qu'ils produisent ? En fait, la préférence des chercheurs va vers des acteurs institutionnellement macroscopiques tels que la mairie, les C.A et les ONGs de développement urbain qui financent les projets d'assainissement de la ville. Or l'intervention ou la part d'action des ménages dans la G.O.M si souvent occultée est d'une évidence très banale en réalité. C'est d'ailleurs cette discrimination qui justifie l'intérêt que nous portons à l'étude des représentations et pratiques relatives aux espaces et ordures par les populations que constituent les ménages de N'Djaména.
Nous avons pu observer qu'il existe deux formes de G.O.M réalisée par les ménages à N'Djaména.
Une première forme de G.O.M où on retrouve les ménages est ce que nous appelons gestion autonome des ordures ménagères. Nous qualifions cette gestion d'autonome parce qu'elle est réalisée uniquement par les ménages qui en définissent les étapes et s'en dotent les moyens. Quels sont ces étapes et les moyens qui permettent de les réaliser ?
Il s'agit premièrement du nettoyage des chambres, de la cour et de la devanture des concessions ; bref des espaces que les individus définissent comme espaces privés ou du moins dont l'assainissement relève de leur responsabilité. Les ménages utilisent en majorité des balais traditionnels faits de bottes d'herbes d'une espèce donnée. Ce balayage a pour conséquence le décapage régulier du sol. Le sable est presque entièrement emporté dans les autres ordures que les ménages ramassage par cette technique. Ce sable a un taux très important dans les ordures à N'Djaména. D'où la séparation des ordures avec sable des ordures sans sable (voir le tableau ci-dessus). Mais on rencontre également des ménages utilisant des balaies fabriquées industriellement. Nous considérons ce nettoyage comme étant la première étape de la G.O.M par les ménages.
Les ordures ramassées sont entassées - dans une deuxième étape - à un coin de la concession ou de la devanture de celle-ci, formant ainsi de petites décharges anarchiques communément appelées « poubelles ». Ce traitement des ordures ménagères est plus courant dans les zones périphériques de N'Djaména. Mais on le retrouve dans tous les quartiers de la ville.
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Enfin, les ménages réalisent la dernière étape de cette G.O.M en mettant sporadiquement le feu à ces « poubelles ». Le sable, les cailloux, la cendre, le charbon... qui résultent de cette incinération sont utilisés pour remblayés les zones dépressives et divers petits trous des concessions ou des rues. Ce qui est une forme de valorisation des ordures qui fait déboucher la G.O.M sur une certaine gestion des espaces qui sont par nature très propices aux inondations. Cette forme d'élimination des ordures ménagères est typique de ce qui est pratiqué dans les campagnes avec la seule nuance que les usages faits des résidus des décharges brûlées servent plus couramment à enrichir les sols dans les zones rurales.
Ensuite à côté de ce cas de figure, on peut observer d'autres où les ménages ne procèdent pas eux-mêmes à l'élimination de leurs ordures. En pratique, les ordures ramassées dans les espaces privés des ménages sont jetées dans de vieux cartons, des sceaux ou des sacs qui tiennent lieu de poubelles, placés soit à l'entrée ou à la sortie de la concession. Le contenu de ces poubelles sera acheminé dans un premier cas par les ménages eux-mêmes vers les bacs à ordures, les décharges autorisées, les marécages (communément appelés boutas en arabe tchadien à N'Djaména), les terrains vagues les plus proches. Et dans un deuxième cas, cette pré-collecte est assurée par les éboueurs des comités d'assainissement (CA) comme cela se présente dans les paragraphes ci-dessous.
Nous notons d'entrée de jeu qu'après la G.O.M réalisée par les ménages ci-haut décrite, c'est la pré-collecte qui est l'activité de G.O.M la moins mal assurée au Tchad. Le contrôle des décharges de transit ou provisoires , la collecte des ordures des décharges de transite vers les décharges finales, la mise en oeuvre d'une filière des ordures visant leur réintroduction dans le circuit économique notamment par le tri, le recyclage, bref la revalorisation, restent très peu développés. De plus au regard des actions déployées dans les différentes activités de G.O.M, les ordures sont gérées davantage comme une chose nuisible, négative que comme une matière susceptible d'être revalorisée. On pourrait postuler que la faiblesse d'investissement et de professionnalisation de la filière ordures résulte entre autre chose de cette perception des ordures. Mais ce qui reste en vue somme toute est la pré-collecte que réalisent tant bien que mal les C.A de façon plus effective. Mais qu'est-ce qu'un C.A et comment celui-ci réalise la pré-collecte des ordures dans les ménages ?
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Les C.A sont des associations de quartiers. Il s'agit de structures d'assainissement issues d'initiatives locales dont on situe la création vers la fin des années 1980. Ils sont créés essentiellement pour pallier ce que beaucoup d'auteurs considèrent comme la démission des autorités de l'assainissement de la ville. On peut en effet parler d' « Etat démissionnaire » dont la désertion en matière de politiques publiques sert de fenêtres d'opportunité à l'émergence d'un certain nombre d'acteurs de la société civile sur la scène publique. Ceci explique, entre autres, l'émergence des écoles communautaires. C'est également ce qui explique l'action des jeunes de différents quartiers de N'Djaména en matière de sécurité et de salubrité. Il s'agit en fait des jeunes qui s'entendent pour curer sporadiquement les caniveaux, balayer les rues de leurs quartiers ou encore - et pour ce qui concerne la sécurité - de traquer les malfrats et les voleurs qui opèrent dans les quartiers la nuit en y faisant la ronde.
Mais en matière d'ordures ménagères comme dans d'autres aspects des politiques publiques, il s'agit essentiellement d'une concession de pouvoir puisque l'action de ces acteurs reste fortement soumise à une réglementation de l'Etat. Mais l'apparition du premier C.A en 1987, celui du quartier Ambassatna dans le deuxième arrondissement de N'Djaména, est propulsée par l' Organisation Non Gouvernementale (ONG) humanitaire INTERMOM OXFAM. Le soutien financier, matériel et technique accordé par cette ONG a permis au C.A d'Ambassatna de fournir un service gratuit aux populations de ce quartier. Ce qu'on appelle Ambassatna-nadif ou encore Ambassatna propre (le mot nadif en arabe tchadien signifiant propre ) va servir d'exemple à plusieurs autres quartiers qui vont se lancer dans cette initiative. Et au départ ces initiatives étaient fortement encouragées par les ONGs et les organismes présents à N'Djaména afin qu'elles prennent à leur compte l'assainissement de la ville (A Dobingar, 2002). Dix ans plus tard, et selon les enquêtes de la mairie de N'Djaména, le nombre de ces C.A d'après le répertoire des C.A de la ville de N'Djaména (Mairie de N'Djaména, 1998) s'élève théoriquement à plus de quarante cinq. L'étude plus récente du BCEOM (2000) que celle qui permit la publication de ce répertoire, nous permet d'apprécier l'évolution de la reconnaissance officielle de quarante C.A étudiée dans cette étude.
Figure 1: Reconnaissance officielle des comités d'assainissement entre 1987 et 1998
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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Reconnaissance officielle des comités d'assainissement entre 1987 et 1998
1
2
3
2
10
6
4
3
6
1987 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
12
10
8
6
4
2
0
Nous n'avons pas pu obtenir des chiffres concernant la période qui va de 1999 à nos jours. Ce qui, en revanche est important à relever est qu'aujourd'hui, tous les quartiers de N'Djaména disposent d'au moins un C.A. C'est donc un phénomène qui est constatable à l'échelle de la ville entière et qui a permis, par voie de conséquence à nombre d'analystes d'affirmer qu'il rend compte d'une prise en charge populaire des problèmes d'assainissement à N'Djaména. Mais cette affirmation mérite d'être relativisée puisque les statistiques relatives à l'abonnement des ménages aux services des C.A par quartiers présentés ci-dessous sont loin d'être homogènes et situées toutes au moins au-delà de la moyenne des concessions des zones d'action des C.A. Il s'agit des données du 2e et 3e arrondissement issus de l'étude du BCEOM et qui sont les moins incomplètes comparativement à celles des autres arrondissements. Il est en effet regrettable qu'aucune étude n'ait présenté de façon exhaustive les données sur les taux d'abonnement des concessions dans tous les quartiers. C'est ce que reflète le résultat de l'étude du BCEOM ci-haut citée, commandée par la mairie. Les données des C.A du 2e et 3e arrondissement sont présentées à titre illustratif.
Il faut noter que les taux d'abonnement situés au- delà de la moyenne des concessions par quartier (Mardjan Djaffack : premier tableau ; Ambassatna, Ardep Djoumal : deuxième tableau) doivent être rattachés aux variables telle que l'ancienneté des C.A.
Tableau 2: Répartition des comités
d'assainissement par quartier dans le 2e
arrondissement.
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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|||||
Nom de quartier |
Nombre de concessions |
Nombre de concessions abonnées |
Frais d'abonnement mensuel |
Pourcentage (%) |
||
Bololo |
302 |
112 |
500 F CFA |
37.08 |
||
Mardjan Djaffack |
1453 |
865 |
500 F CFA |
59.53 |
||
Djambal bahr |
- |
200 |
1000 F CFA |
- |
||
Goudji Amral-Goz |
1375 |
350 |
1000 F CFA |
25.45 |
||
Klémat |
1106 |
286 |
500 F CFA |
25.85 |
||
Total |
4236 |
1813 |
- |
42.79 |
Source : BCEOM 2000
Tableau 3:Répartition des comités d'assainissement par quartier dans le 3e arrondissement.
Nom de |
Nombre de |
Nombre de |
Frais |
Pourcentage |
quartier |
concession |
concessions abonnées |
d'abonnement |
(%) |
Gardolet |
751 |
600 |
- |
7.98 |
Ambassatna |
805 |
600 |
500 F CFA |
74.53 |
Kabalaye |
374 |
150 |
500 F CFA |
40.10 |
Ardep Djoumal |
11111 |
8000 |
200 F CFA |
72.00 |
Sabangali |
641 |
264 |
250 F CFA |
41.18 |
Total |
13682 |
9074 |
- |
66.32 |
Source : BCEOM 2000
On remarque à travers ce tableau que les frais d'abonnement varient selon les C.A et donc selon les quartiers puisque les territoires d'intervention des C.A coïncident avec les limites des quartiers dans lesquels ils sont compétents. Dans le quartier couvert par le C.A dénommé Service d'Assainissement du Quartier Résidentiel, Administratif et Commercial (SAQRAC) par exemple, les frais d'abonnement des nationaux s'élèvent à 1500 F CFA par mois tandis que celui des expatriés est de 3000 F CFA par mois pour un service de ramassage des ordures dont la fréquence est de trois fois par semaine. Mais la moyenne des frais d'abonnement est de 500 par mois.
Les C.A nous intéressent dans ce travail pour leur action en matière de gestion des ordures ménagères qui est principalement la pré-collecte des ordures dans les ménages abonnés à leur service avec une fréquence moyenne de 2 à 3 fois par semaine. Selon A. Dobingar (2002 : 3) « 69% des comités y travaillent de façon permanente ou
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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sporadiquement ». Il faut quand même préciser que les C.A investissent également des
domaines qui touchent directement ou indirectement à la salubrité urbaine. On distingue :
- l'entretien des ouvrages de drainage pour l'évacuation des eaux usées ;
- la désinfection des puits d'eau;
- la distribution d'eau potable ;
- la gestion des latrines publiques dans les marchés ;
- la sensibilisation ;
- les opérations de reboisement de quartier ;
- les manifestations culturelles.
Pour ce qui concerne directement la G.O.M, il faut préciser que ce sont les éboueurs de ces C.A qui réalisent la pré-collecte à l'aide des pousse-pousses pour les acheminer vers les décharges autorisées ou les bacs à ordures construits par la mairie à cet effet. Certains C.A initient d'une part des techniques de tri visant la récupération de certaines matières notamment des bouteilles en plastique et en verre et, d'autre part une forme de recyclage qui consiste à transformer les emballages en plastique communément appelées lédas en ardoise.
De ce qui précède, on constate que le territoire d'intervention concret des C.A en matière de ramassage des ordures est essentiellement constitué par les zones où les ordures des ménages situés dans les concessions abonnées sont stockées. Les C.A ne participent donc pas à l'assainissement des espaces autres que ceux privés des ménages situés dans les concessions abonnées. Ainsi l'action des C.A et celle des ménages se conjuguent pour assurer l'assainissement d'un espace précis, à savoir l'environnement immédiat que Harday et Satterthaite appellent l'indoor environnement ou l'environnement à l'intérieur des concessions (Mohamadou Sall ,1996).
Il apparaît, dans cette présentation de la G.O.M et des espaces privés par les ménages et les C.A qu'il existe effectivement un effort d'assainissement et de maintien de la salubrité des espaces privés en milieu urbain comme le souligne déjà Evelyne Waas (Enda, 1990).
Il faut noter que les C.A. ont perdu leur ardeur et leur activisme en matière de pré-collecte des ordures ménagères. Il est vrai que les C.A. émergent comme un nouveau pôle de pouvoir qui a tenté de conquérir l'espace économique de la G.O.M. Ce nouveau pole de pouvoir économique puisque nous choisissons de les qualifier ainsi, a été présenté au Tchad
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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comme une structure mise en oeuvre par les populations locales en vue d'apporter une solution au crucial problème de l'insalubrité urbaine. Cette proposition est tout à fait discutable au regard des facteurs qui ont présidé de façon effective à l'émergence des comités d'assainissement. En effet, si l'initiative C.A a échoué, les causes efficientes méritent d'être recherchées dans le projet lui-même. C'est dire que l'échec des C.A était plus ou moins prévisible dès le départ. Voici deux éléments d'explications :
Le premier se trouve être l'exogénéité du projet. Selon les études du BCEOM, c'est OXFAM qui fut le premier organisme de développement à provoquer la création du premier comité d'assainissement de N'Djaména, en l'occurrence le C.A d'Ambassatna-nadif. Les C.A sont donc une forme d'association exogène à la population de N'Djaména. L'idée tout comme les moyens matériels viennent de l'extérieur. En effet OXFAM a fourni au C.A d'Ambassatna-nadif du matériel pour son lancement. On peut lire dans un rapport d'étude du BCEOM (2001 : 13), ce qui suit :
« La première expérience fut menée en 1986 dans un quartier ancien appelé Ambassatna. C'est à travers elle qu'est apparu pour la première fois le terme « comité d'assainissement ». Le projet « Ambassatna-nadif » fut mené par OXFAM. C'est à cette ONG que fut confié le pilotage de l'opération aux côtés des habitants du quartier et de la municipalité. Ce projet avait pour objectif d'améliorer le niveau de salubrité du quartier en y associant la population. »
Tout ceci porte à croire que les C.A sont loin d'avoir été une invention des populations de N'Djaména alors même que la situation critique de l'insalubrité et la désertion du service public pouvait inspirer une telle invention.
Deuxièmement, à son origine, le service des C.A était offert gratuitement aux populations qui se plaignaient déjà du défaut de la mairie à réaliser la collecte des ordures ménagères. Il a donc été considéré comme un service qui est offert en réparation de celui que la mairie était censée leur fournir. Aussi sont-elles constituées consommatrices passives de ce service ou tout au moins elles l'ont considéré comme étant fourni en contrepartie du paiement de la taxe sur l'habitat prélevée par la mairie. C'est ici que nous identifions le deuxième élément d'explication de l'échec des C.A. Il s'agit de l'erreur qui consiste à présenter, dès le point de départ le service des C.A comme étant fourni gratuitement aux individus et initié par une ONG de développement communément appelé organisme au Tchad. Or dire organisme
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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signifie pour les populations fourniture gratuite de service ou tout au moins, à moindre frais. Aussi la monétarisation de ce service qui intervient plus tard a été reçue comme abusive. Actuellement, les C.A qui fonctionnent normalement sont ceux qui sont soutenus par la municipalité à l'exemple de SACRAQ, et de ceux qui sont situés dans les quartiers résidentiels où seuls les expatriés en sont les meilleurs clients.
On situe dans cette catégorie de producteurs gestionnaires des ordures les groupes hôteliers, les industries agro-alimentaires et chimiques et les hôpitaux. De façon générale, ces
acteurs font recours aux prestataires privés pour assurer l'évacuation de leurs ordures, conformément à l'article 4 du décret n°08/PR/MSP/SE « fixant les taxes de désinfection, désinsectisation, dératisation, de mise en bière, d'exhumation et amendes à infliger pour non observation des règles d'hygiène » qui dispose que :
« Les opérations citées à l'article 223 sont :
- Payantes sur demande des particuliers ;
- Obligatoires et payantes pour les industries, entreprises et assimilées, restaurants et assimilés, débits de boisson et assimilés, bars dancings et assimilés, Entrepôts de stockage et assimilés. »
Nous présentons à titre d'illustration la G.O.M réalisée par les établissements suivants.
Les ordures produites par les hôtels sont constituées de bouteilles (verres, plastique et métal), de matières organiques et chimiques, de papiers etc. Selon les enquêtes du BCEOM, l'hôtel Novotel par exemple produit en moyenne 300 kg/jour d'ordures. Les hôtels font appel au prestataire privé pour l'évacuation quotidienne de ces ordures.
23 Jl s'agit de la désinfection, désinsectisation, dératisation, mise en bière et exhumation. Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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Il s'agit de la Compagnie Sucrière du Tchad (C.S.T.), des Brasseries du Logone, de l'Huilerie Savonnière du Tchad (HST), des Boissons Glacières du Tchad ( BDL) et des Abattoirs Frigorifiques de Farcha.
La CST de N'Djaména produit presque uniquement des déchets liquides qui sont évacués sans traitement préalable dans les eaux du fleuve Chari24. Il en est de même pour les BDL et l'HST. Les BGT produisent 100kg de débris de verre par jour et utilisent les services d'un prestataire privé pour leur évacuation.
Enfin, il y a les abattoirs frigorifiques de Farcha qui produisent quotidiennement deux tonnes de déchets constitués de cornages, sang et eaux usées qui sont évacués dans la nature et dans le fleuve.
Il faut relever qu'aucun de ces producteurs ne procède à un contrôle préalable de ces ordures avant leur évacuation. Et leur gestion se limite en général à enlever les ordures qu'ils produisent.
Les centres hospitaliers produisent deux types d'ordures. Ils produisent des déchets dangereux susceptibles de contagion (Seringues, sondes, lames métalliques, bistouris etc.) qui sont incinérées au sein des hôpitaux. Et des déchets alimentaires. Ces derniers sont stockés dans des poubelles et enlevées par un prestataire privé tous les deux jours.
Finalement nous observons que le point commun entre tous les acteurs producteurs et gestionnaires des ordures ménagères ci-dessus décrits est la nature des territoires de G.O.M. Ces acteurs en effet assainissent des espaces privés en général au détriment des espaces urbains publics. Ce qui se traduit par la création dans le neighborwood environnment des centres de stockages des ordures anarchiques qui ne sont pas sans conséquences majeures pour la santé publique et l'esthétique urbaine. Il convient par ailleurs d'interroger l'action de la municipalité, qui est le premier responsable de l'assainissement de ces espaces publics urbains pour en apprécier sa G.O.M.
24 Il faut noter que les déchets solides sont produits par l'usine de Sarh. Ils sont pratiquement constitués de déchets de cannes à sucre compressées et de paille qui sont utilisés pour l'enrichissement des plantations de
cannes à sucre.
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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C'est le principal responsable en matière de G.O.M à l'intérieur du périmètre urbain. C'est à elle que revient l'organisation de la G.O.M réalisée par tous les acteurs impliqués dans l'assainissement urbain.
La mairie réglemente la gestion urbaine de façon générale et la G.O.M en particulier en prenant des arrêtés municipaux. On peut citer tout d'abord l'Arrêté n°107/M/SG/95 réglementant l'enlèvement des ordures dans le périmètre urbain de la commune de N'Djaména. Dans son article 2, cet arrêté dispose que « tous les habitants de la commune de N'Djaména sont tenus de déposer leurs ordures dans des poubelles privées ou dans les bacs à ordures installés par la municipalité ». Et l'article 3 indique, toute chose étant égale par ailleurs, que « les ordures ne doivent ni déborder les poubelles ni être répandues sur les territoires et les voies publiques. Leurs dépôts sur les terrains nus, les rives du fleuve et des cours d'eau, dans les caniveaux et les collecteurs sont formellement interdits ». Ces deux articles sont une reprise, avec quelques nuances près des articles 4 et 5 (respectivement) de l'arrêté municipal n°109 du 28 décembre 1959 réglementant le service d'enlèvement des ordures à l'intérieur du périmètre urbain de la ville de Fort Lamy, ancien nom de la ville de N'Djaména. Il y a en outre l'arrêté n°145/M/SG/DSTM/SUHA/96 portant interdiction de défécation en pleine aire dans le territoire communal, l'arrêté n° 146/M/SG/DSTM/SUHA/96 rendant obligatoire la construction des latrines familiales dans la ville de N'Djaména. Mais en dehors de ces arrêtés communaux, l'environnement général dans lequel on peut situer celui urbain est réglementée par l'article 48 de la constitution de la République du Tchad (1996; art.48). Cet article dispose que :
« L'Etat et les collectivités territoriales décentralisées doivent veiller à la protection de l'environnement. Les conditions de stockage, de manipulation et d'évacuation des déchets toxiques ou polluants provenant d'activités nationales sont déterminées par la loi. Le transit, l'importation, le stockage, l'enfouissement, le déversement sur le territoire national des déchets toxiques ou polluants étrangers sont interdits.»
Ou encore l'article 52 de cette constitution qui énonce que : «Tout citoyen a le devoir de respecter et de protéger l'environnement. »
25 Les textes cités dans cette partie se trouve dans : Textes réglementaires municipaux Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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Il faut relever que la mairie supervise les activités des C.A en matière de G.O.M et les subventionne parfois. Mais il lui appartient surtout d'assurer l'assainissement des espaces urbains publics notamment par le nettoyage des rues et places publiques d'une part et d'autre part par la collecte des ordures ménagères des décharges provisoires vers les décharges finales ainsi que de leur contrôle. Comment se prend-elle pour réaliser cette gestion des espaces publics urbains ? Un regard rétrospectif sur la prestation du service d'enlèvement des ordures par le service officiel permet d'apprécier son évolution des premières années de l'indépendance à nos jours.
Selon le chef du service urbain d'hygiène et d'assainissement de la commune de N'Djaména, « pendant la période coloniale où N'Djaména n'était qu'une bourgade... [ il n'y avait pas un] système organisé d'ordures puisque cela n'inquiétait personne compte tenu de la quantité négligeable de la production de déchets. La ménagère faisait son rejet juste au dehors, dans un creux abandonné et cela n'attirait aucune remarque »26. Mais étant donné que le volume de production des ordures varie avec l'augmentation de la population et avec l'évolution du mode de vie de celle-ci, on a commencé également à percevoir des problèmes relatifs aux ordures urbaines. Le tableau suivant permet d'apprécier la corrélation entre l'augmentation de la population et la production des ordures aux horizons 2000, 2005 et 2010.
Tableau 4:Evolution de la population et de la
production des ordures ménagères à
N'Djaména
entre 2000 et 2010
Période |
Population |
Production journalière |
Quantité produite |
2000 |
780303 |
340 |
364723 |
2005 |
1012056 |
428 |
461467 |
2010 |
1296321 |
533 |
578994 |
Source : BCEOM 2000 : Etude sur l'amélioration de la gestion des déchets solides à
N'Djaména.
Les ordures produites à N'Djaména comportent une part importante de sable. Ceci s'explique à la fois par la topologie de la ville que nous avons mentionné comme étant, composée, entre autre, de sol très sableux et, de la technique de nettoyage des cours des concessions (voir notre partie sur la gestion des ordures par les ménages (Supra Chapitre II)).
26 Intervention à la table ronde pour la mise en place d'un plan d'action de gestion durable des déchets solides et de l'assainissement de la ville de N'Djaména, du 02 au 04 juin 1998
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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Ainsi, la production des ordures ménagères avec sable ou sans sable à N'Djaména évoluera finalement selon le tableau suivant entre 2000, 2005 et 2010.
Tableau 5: évolution de la production des
ordures ménagères avec sable et sans sable
aux horizons
2010.
Années |
Production des |
Production des |
||
ordures avec sables |
ordures sans sables |
|||
T/J |
M3/an |
T/J |
M3/an |
|
2000 |
600 |
634364 |
340 |
364723 |
2005 |
752 |
800011 |
428 |
461467 |
2010 |
931 |
999591 |
533 |
578994 |
Source : BCEOM 2000 : Etude sur l'amélioration de la gestion des déchets solides à N'Djaména
Et en réaction à cela, la municipalité va concéder, dans un premier temps, l'enlèvement des ordures ménagères « à une société de transport : Uni-tchadienne. Celle-ci disposait de douze (12) bennes fermées pour assurer le service. Il est vrai que cette société ne disposait pas d'un matériel aussi diversifié et moderne que celui utilisé par la municipalité actuellement mais elle utilisait plus de véhicules que cette dernière. En effet, en dehors d'une pelle chargeuse, le service d'hygiène et de santé de la mairie utilise seulement six (6) bennes basculantes et une multi-benne contre douze (12) camions que Uni-Tchadienne utilisait sur un territoire dont la superficie était estimée à 882 hectares (Dobingar, 1998 : 66).
A partir de 1972, la commune de N'Djaména rompt le contrat avec Uni-Tchadienne suite à des difficultés financières et décide de réaliser elle-même la collecte des ordures ménagères tandis que les ménages en assurent la pré-collecte. La guerre civile qui a éclaté dans cette ville en 1979 a marqué une trêve aux activités de la mairie. C'est en 1982, à l'arrivée de Hissein Habré au pouvoir que la mairie va reprendre ses activités d'enlèvement des ordures, grâce à cinq bennes prêtées par un particulier » pour l'enlèvement des ordures et des décombres de la ville » (BCEOM, 2000).
Aujourd'hui, le service municipal d'enlèvement qui est théoriquement étendu à toute la ville est en réalité limité au centre ville, aux quartiers résidentiels et aux grands marchés. Ce qui, selon une étude du BCEOM (2001 : 8), permet l'enlèvement de 40% des ordures ménagères produites dans la ville de N'Djaména.
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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D'entrée de jeu, il convient de rappeler que c'est à travers l'étude des représentations que nous entendons saisir la perception des phénomènes sur lesquels porte notre objet d'étude. En trame de fond de notre démarche se trouve l'idée selon laquelle l'agrégation de différentes représentations que les individus peuvent avoir d'un objet social donné, permet de déterminer la nature de la perception ou des perceptions que ces individus ont dudit objet.
Nous observons ces représentations sous multiples facettes. « Elles circulent [en effet] dans les discours, sont portées par les mots, véhiculées dans les messages et images médiatiques, cristallisées dans les conduites et les agencements matériels ou spatiaux. » (Jodelet et al., 1989 : 32).
Nous commençons par la définition qui nous semble être le premier exercice pouvant renseigner sur les représentations des gens. Car il nous semble évident que lorsque les individus se représentent un objet, ils lui forgent d'abord une définition spécifique, ils le nomment. Ce sont ces définitions qui renseignent sur le contenu matériel ou empirique de la chose représentée. Au plus, « ces définitions, partagées par les membres d'un même groupe construisent une vision consensuelle de la réalité pour ce groupe » (Jodelet et al, 1989 : 35). C'est dire qu'on peut observer ces représentations aussi bien au niveau individuel qu'au niveau social.
Les espaces urbains sont des données physiques qui existent indépendamment des perceptions que les individus peuvent en avoir. Nous les avons définis comme étant « l'ensemble des espaces publics et privés. »
.
Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
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Les espaces publics sont constitués de « l'ensemble des espaces qui sont accessibles à tous les citoyens et dont l'Etat est le premier gestionnaire. » Il faut voir que les représentations de ces espaces publics ne coïncident pas nécessairement avec leurs définitions officielles. Ce qui rend flou la notion d'espaces publics tant dans leur énonciation que dans leurs conséquences. Notre préoccupation majeure ici est de montrer que les représentations des espaces publics qui sont plurielles participent d'une construction de l'environnement urbain plus ou moins distinct de ce qu'on appelle espaces publics en milieu urbain. De cela découle le degré d'attention que l'on peut porter à ces espaces du point de vue de l'assainissement ou de tout autre action réalisée sur ces espaces. Mais qu'est-ce qu'un espace public du point de vue des N'Djaménois (néologidme que nous utilisons pour désigner les habitants de la ville de N'Djaména) ou tout au moins des personnes qui ont été touchées par nos enquêtes ?
Cette préoccupation nous a permis de recueillir les définitions suivantes qui rendent compte de la diversité des représentations des espaces publics à N'Djaména
Les espaces publics sont perçus comme une réalité tout à fait distincte des espaces privés. Trois catégories de représentations sont identifiées : les espaces publics sont des espaces appartenant à l'Etat ; ce sont des espaces appartenant à tout le monde et enfin ce sont des espaces vides, non habités ni plus, ni moins.
Par ailleurs, il faut noter que certaines personnes ont défini par des exemples ce qu'elles entendent par espaces publics.
Mlle Y. niveau baccalauréat : « Moi, je pense que les espaces publics ce sont les marchés, les rues, les églises... »
M. D. M., niveau terminal : « Les espaces publics ? Ce sont les endroits comme le centre Don Bosco27, le lieu de travail, les églises, la présidence, la mairie... »
On constate, au regard de ces données que lorsque les personnes ne définissent pas les espaces publics dans des termes englobant tels qu'énumérer ci-dessus, ils empruntent le détour d'une citation d'exemples d'espaces qu'ils entendent ainsi. C'est le lieu de dire en plus que lorsque les personnes interrogées rencontrent une difficulté à cerner le concept d'espace urbain dans la question, nous leur demandions de nous dire en quels termes ils désignent les
27 Le centre Don Bosco est un centre culturel catholique situé au quartier Chagoua. Gestion des ordures ménagères à N'Djaména
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espaces autres que ceux qui leur appartiennent ou appartiennent aux individus à titre personnel.
Nous avons rencontré de façon récurrente, notamment auprès des informateurs ne s'exprimant pas en français et n'ayant pas été à l'école, les termes de « akouma » en Arabe, d'une et d'autre part de « gogue », la dent ou de « Ngé kon bée ge28 » en Sara, ceux qui mangent le village, le pays. Ces termes renvoient tous à l'Etat. Cette dernière observation nous fait dire que le niveau d'instruction n'est pas un indicateur pertinent dans la connaissance des espaces publics comme réalité distincte des espaces privés. On peut soutenir sans ambages que les espaces publics sont normalement perçus comme une réalité factuelle, matérielle. Ceci correspond à notre sens au premier moment de la représentation à savoir l'identification de l'objet qui peut exister empiriquement ou de façon imaginaire. Dans notre cas, les espaces urbains existent empiriquement et sont perçus comme tels. Ils sont envisagés cependant de façon plus ou moins différente.
Dans cette considération où les espaces publics sont représentés comme étant des espaces appartenant à l'Etat, il faudrait tenir compte du rapprochement qui existe entre le terme public et celui de l'Etat. Le terme public comporte un double sens. Jurgën Habermas(1992, 14) indique que c'est un pole d'attraction de tous les citoyens. Il écrit à ce propos que « nous qualifions de publiques certaines manifestations lorsqu'au contraire de celles fermées, elles sont accessibles à tous - de même que nous parlons de places publiques ou de maisons publiques ». Mais le public est, dans un deuxième sens, tout ce qui abrite les institutions de l'Etat. On dit aisément pouvoirs publics
Les espaces publics définis ici comme espaces appartenant à l'Etat sont des espaces qui abritent d'une part les instituons de l'Etat et d'autre part, tous les espaces qui sont investis du pouvoir de ce dernier. Il faut néanmoins relever la nuance suivante, à savoir que les espaces publics abritant les institutions de l'Etat ne sont pas nécessairement accessibles à tous mais seulement à une catégorie de personnes dans des conditions bien précises (fonctionnaires, usagers des services publics etc.).
Par ailleurs, les espaces appartenant à l'Etat recouvrent un domaine plus vaste que les territoires où sont implantées les institutions de celui-ci. Ils coïncident, dans le jargon de
28 Littéralement ceux qui mangent le village, le pays.
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l'administration publique à ce que cette dernière nomme domaine public. Le concept d'espaces publics n'apparaît, en effet, que de façon allusive dans les textes portant sur l'administration du territoire urbain. Nous avons plutôt rencontré des termes tels que « périmètre urbain », « domaine public », « territoire urbain », « domaine de l'Etat »... qui sont plus englobant et dont les espaces urbains ne sont qu'un sous-ensemble. Selon l'article 1er de la loi n°23 du 22 juillet 1967 portant statut des biens domaniaux, le domaine public constitue avec le domaine privé le domaine national de l'Etat. Dans le domaine public, on distingue le domaine public naturel29 et le domaine public artificiel. C'est dans le domaine public artificiel que sont énumérés les territoires qui rentrent dans notre définition des espaces publics. Le domaine privé par contre correspond à ce que nous définissons comme espace privé. Le domaine public artificiel est défini à l'article 3 paragraphe1 de cette loi comme suit :
« Le domaine public artificiel comprend les canaux de navigation et de distribution, les conduits d'eau de toute nature, les dispositifs d'évacuation et d'assainissement d'eaux usées ; les voies de communication de toute nature ; les aérodromes ; les moyens de transmission de toute nature : matériels et immatériels ; les ouvrages de production et de transport d'énergie à condition que ces ouvrages ou moyens aient été réalisés ou acquis dans un but d'utilité publique ; les dispositifs de production et fonctionnement de ses ouvrages, les signaux, bornes et repères géodésiques et topographiques. »
Finalement, en faisant l'hypothèse que le domaine public artificiel ainsi défini désigne la même réalité que l'espace public dans la conscience des populations de N'Djaména, l'Etat que l'on désigne ici comme propriétaire de cet espace est-il considéré comme l'organe qui gère l'espace public au profit de la collectivité urbaine ? Il nous semble que seule l'effectivité d'une gestion des espaces par les institutions en charge à savoir le service de l'urbanisme, d'aménagement du territoire et de l'habitat et le service municipal et qui consiste dans sa mise en valeur pour la communauté urbaine et son entretien, permet de répondre par l'affirmative. Au regard des usages dont font si librement les populations de N'Djaména des espaces publics et que beaucoup de journalistes tchadiens qualifient d'actes inciviques30, on pencherait d'avantage pour l'hypothèse de l'assimilation de l'espace de l'Etat à l'espace de tout le monde. « L'espace de l'Etat, c'est l'espace de tout le monde donc je peux y faire tout ce que bon me semble, voire déféquer à l'air libre, quitte à défier les règles de la pudeur ». Ce qui
29 Voir l'article de la loi ci-dessus citée
30 Occupation anarchique des espaces réservés, notamment les aires de ventilation, ou réservées à la construction des infrastructures publiques, dépôts des ordures sur les voies publiques ou dans les caniveaux etc.
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nous fait déboucher immanquablement sur la deuxième catégorie de définition de l'espace public à N'Djaména.
Cette deuxième définition de l'espace public n'est théoriquement pas séparable de celle que nous venons de voir. Ce qu'il y a de commun, c'est la relation qui existe entre le concept d'Etat et la notion de « tout le monde ». L'Etat à travers ses gouvernants assure la gestion de la chose publique dans toute société politique ainsi organisée. Etymologiquement, la République est d'ailleurs la chose publique. Ce mot se compose de Res (chose) et Publica (publique). Donc si on définit l'espace public comme étant ce qui appartient à tout le monde, c'est en vertu de ce qu'il est une chose publique et non privée. Il faut noter cependant que ces considérations sont d'ordre purement théorique. Car en pratique l'espace de tout le monde est convoqué très souvent pour justifier ou dénoncer des usages à titre privé à l'oeuvre dans les espaces publics à N'Djaména. Il s'agit généralement de la mise en valeur de ces espaces pour l'installation du petit commerce de quartier, pour le stockage de certain matériau de construction, dans le parking des engins ou des animaux, la création des décharges d'ordures anarchiques et même le rejet, notamment dans les rues et tous les espaces publics des déchets de consommation des agents.
L'explication fournie pour justifier ces usages se résume en ces termes : « c'est la voie publique » ; « c'est l'espace de tout le monde ». Mais il n'est jamais possible de prendre cette justification à la source, c'est-à-dire fournie au chercheur par l'agent même qui se sert de l'espace public comme l'espace de tout le monde. Tous nos informateurs nous renseignent que leurs voisins se justifient ainsi lorsqu' « on » leur demande pourquoi ils jettent les ordures, les eaux sales dans les rues ou les caniveaux. A titre d'exemple, Mme L.N, nous avoue ce qui suit lors d'une journée de salubrité organisée par les jeunes d'une rue du quartier Moursal et à laquelle nous avons pris part : « mois je constate que ce sont les femmes du quartier qui jettent les ordures dans les caniveaux et les rues. Elles nettoient pourtant bien chez elles. Et quand « on » leur demande pourquoi elles font ça, elles répondent que c'est la voie publique donc tout le monde peut y jeter ses ordures ». Ce qui est désigné par caniveaux ici est un canal creusé tout au long de chaque devanture des concessions et servant à drainer hors de celles-ci les eaux de pluie et des toilettes. Les voies publiques ci-dessus désignées sont simplement les devantures des concessions des voisins puisque, comme le note Max Weber, dans un
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environnement urbain contrairement à celui rural les habitations sont construites côte à côte. Ainsi, jeter les ordures pardessus le mur de son habitation reviendrait à les jeter devant l'habitation des voisins.
Enfin, il convient de mentionner également que la définition des espaces publics, comme espaces de tout le monde et les usages qu'une telle définition autorise découlent d'une certaine incompréhension de ce qui caractérise le mieux les espaces publics à savoir un bien d'utilité publique. Si un bien est d'utilité publique, est-il le bien de tout le monde de sorte que quiconque puisse en faire un usage à titre privé et a fortiori un usage dangereux pour la santé publique ? Ce questionnement au sujet des pratiques dont sont l'objet les espaces publics définis comme bien d'utilité publique nous conduit inéluctablement, du reste, à reposer l'épineuse problématique, plus générale, de la gestion du bien commun en milieu africain. En touchant à cette problématique de la gestion du bien commun, nous adhérons peu ou prou à l'idée largement partagée par les chercheurs qui investissent les domaines du bien commun notamment dans l'administration publique en milieu africain et qui partagent la thèse selon laquelle les africains n'ont pas une culture du bien commun ou plus exactement, le bien commun se présente aux yeux de ceux-ci comme une ressource que quiconque peut exploiter, s'approprier et, toute chose étant égale par ailleurs, en faire un usage à titre privé. Ce faisant, ce dernier perd sa caractéristique fondamentale de bien d'utilité publique à préserver par chacun ou, si l'on veut, à gérer par chacun au bénéfice de l'ensemble de la communauté. Ce que l'on constate en fin de compte est qu'une telle gestion du bien commun le voue à la disparition.
Par ailleurs, pour comprendre les usages du bien commun (tel que nous le faisons pour les espaces urbains et les ordures ménagères) le savant ou le chercheur comme on aime le dire plus modestement aujourd'hui se demandera quelles sont les représentations, les connaissances et les (ou la )définition(s) que les acteurs retiennent du bien commun. C'est ce qui donne sens, selon toute logique - notamment interactionniste - à leurs actions.
La troisième catégorie de définition donnée par les informateurs aux espaces publics qu'il convient d'analyser est celle qui définit l'espace public comme étant l'ensemble des espaces vides. A l'espace ceux-ci substituent tout aisément le mot endroit de sorte qu'espace vide et endroit vide renvoient à la même réalité que sont les espaces publics. Qu'est-ce donc
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l'espace public quand il est défini comme espaces ou endroits vides et quelles sont ses implications en termes de pratiques sociales ?
La référence à l'espace vide est ce qu'il y a de plus banal dans les réponses fournies par nos informateurs quant à la question de savoir ce qu'est l'espace public. En effet, si l'espace vide n'est pas évoqué sommairement pour définir l'espace public, il est tout de même cité parmi les exemples d'espaces publics, que celui-ci soit défini comme l'espace de l'Etat, ou comme l'espace de tout le monde. L'évocation de cet exemple est systématique chez tous nos informateurs. Et le premier élément d'analyse qui peut fournir une explication à cette référence somme toute appauvrissante de la définition de l'espace public est que l'Etat dispose de grands espaces vides dans la ville de N'Djaména. C'est ce qu'on appelle dans le jargon de la direction technique de la voirie de N'Djaména des « espaces réservés » et des « aires de ventilation de la ville ». Le directeur technique de la voirie, dans la définition de l'espace public qu'il nous fournit a commencé par cette référence aux espaces réservés : « l'espace public, dit-il se compose des espaces réservés (pour la ventilation de la ville, la distraction, le sport...), les espaces construits, notamment les ronds-points (pour l'embellissement de la ville), les rues, les jardins publics (...) ». Définition purement fonctionnelle puisqu'elle attache à chaque type d'espace sa fonction urbaine : ventilation de la ville, distraction, sport, embellissement etc.
Nous présentons en passant les statistiques relatives aux espaces publics fournies par le
Directeur ci-dessus cité. Dans son ensemble, la ville de N'Djaména dispose de :
- quatre vingt (80) kilomètres de routes bitumés et environ 1000 kilomètres de
routes en terre ;
- onze (11) ronds-points aménagés ;
- cinq (5) places de distractions (Jardins publics) ;
- une dizaine de zones reboisées.
Nous faisons l'économie de tout discours sur ces statistiques que les lunettes de
l'urbaniste ou de l'ingénieur de génie urbain peuvent rendre plus intelligibles.
A l'intersection des deux premières représentations se trouve la notion d'accessibilité publique qui est la caractéristique fondamentale de l'espace public telle que nous le définissons et telle que cela transparaît d'ailleurs dans la conception de la notion de domaine
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public au Tchad. Mais lorsque les individus accèdent aux espaces publics, ils y déploient plusieurs comportements : ils circulent, ils s'installent, ils vendent, ils se distraient... autant d'occasions de production des ordures ménagères, de leur gestion et surtout d'interaction sociales entre les individus. On y accède également uniquement pour y abandonner les déchets produits dans les espaces privés. Gérard Salem (1998 :110) observe que « dans un milieu plus anonyme qu'on le croit, la règle est de considérer les limites de la parcelle comme celles de l'espace dont on a la responsabilité. Il est fréquent de voir des ménages jeter leurs déchets ménagers derrière le mur de clôture de leur parcelle, voir dans la rue. » Tout ceci non seulement met l'espace public en contact permanent avec les ordures (ce qui est dangereux pour la santé publique) mais également il peut introduire du désordre dans l'agencement des espaces publics. D'où l'importance de la réglementation de la G.O.M dans les espaces urbains.
Quant à la troisième représentation de l'espace public, celle qui considère l'espace public comme étant l'espace vide, elle ne comporte a priori pas la notion d'accessibilité publique. Pourtant les espaces vides, tels que nous venons de le montrer, sont investis par les individus qui y déploient moult activités.
Si telles sont les usages subséquentes aux représentations des espaces publics, les espaces privés bénéficient des usages plus favorables à leur assainissement. Mais avant d'en arriver à ces usages, que signifie espaces privés ?
Il convient à présent d'analyser les données recueillies sur les représentations des espaces privés. Ici également nous nous sommes posé les mêmes questions que précédemment c'est-à-dire celles qui nous servent pour le recueil des données sur les représentations des espaces publics. Une première remarque mérite d'être faite ici : lorsque nous commencions les
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entretiens sur les espaces publics, les données que les informateurs nous fournissaient ensuite sur les espaces privés étaient, dans la plupart du temps opposées à celles relatives aux espaces publics. Ainsi à la question de savoir ce qu'est l'espace privé, les individus répondaient de façon sommaire tel qu'il suit : « Mais, c'est le contraire de l'espace public que voulez-vous savoir encore ?» ou autrement, les espaces privés étaient simplement définis comme « espace appartenant aux individus et non à l'Etat ». En revanche, les définitions les plus précises et que nous qualifions comme étant plus homogènes que celles des espaces publics sont les suivantes :
- le domicile ;
- la concession ;
- la propriété privée ;
- le « chez soi ».
A part la propriété privée qui peut recouvrir d'autres réalités que les espaces physiques où habitent les personnes, le domicile, la concession, le « chez soi » sont des territoires qui appartiennent effectivement aux individus en tant qu'ils en sont propriétaires ou locataires. Il n'y a donc pas de difficulté majeure à désigner et à situer géographiquement les espaces privés. Mais pourquoi cet espace est si aisément circonscrit et pourquoi les individus réussissent-ils à en fournir des définitions qui renvoient toutes à une même réalité : « le Chez » ?
On peut identifier l'espace privé au Tchad du point de vu architectural. Il s'agit d'un territoire entouré de mur et parfois d'une clôture en paille tissée qu'on appelle secco, de 1,5 à 2 mètres de hauteur. C'est une règle à laquelle très peu de propriétaires de concession dérogent dans ce pays. Cela permet, à vue d'oeil de l'isoler des espaces publics. L'espace privé peut donc être défini comme un espace protégé. Il est protégé du voleur et plus généralement du regard d'autrui parce que, bien entendu, il abrite des valeurs d'intimité. Michel de Certeau et Luce Giard (1994, 205) observent que « ce territoire, il faut le protéger des regards indiscrets, car chacun sait que le moindre logement dévoile la personnalité de son occupant ». Pour paraphraser de Certeau, on dira que c'est le lieu de mis en oeuvre quotidienne des activités de la vie intime des individus. Selon la description offerte par cet auteur, il s'agit d'un lieu de la toilette, des activités sexuelles, de repos, de la paresse, de l'éducation de l'enfant, de la courtoisie, de diverses cérémonies familiales (naissances, mariages, décès) etc. En outre, la clôture (le mur ou le secco) cache ou met en exergue la richesse ou la pauvreté
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des individus. Elle abrite donc un « chez soi» qu'on veut montrer ou cacher. Indiscret, l'habitat avoue sans fard le niveau de revenu et les ambitions sociales de ses occupants. Tout en lui parle toujours et trop : sa situation dans la ville, l'architecture de l'immeuble, la disposition des pièces, l'équipement de confort, l'état d'entretien » (Michel de Certeau, 1994 : 206). Elle affiche prétendument aux voisins et aux passants, un « intérieur » qu'elle reflète mais également qu'elle cache. A N'Djaména on peut observer facilement des concessions dont les clôtures, construites en matériaux solides abritent des habitations traditionnelles c'est-à-dire construites en terre battue, des murs aux toits. Il y a également des concessions dont les façades et éventuellement les premières maisons c'est-à-dire celles qui sont les plus proches de la rue sont des constructions de type moderne mais qui cachent en arrière cour des maisons traditionnellement construites et plus modestes. La clôture n'abrite donc pas seulement et de manière innocente les valeurs d'intimité comme voudrait le faire croire C.Le Bris (1987 :21). Elle abrite de façon ostentatoire aussi bien la richesse que la misère des citadins. C'est le premier élément du « chez soi », de l'espace privé cela s'entend, qui participe à une logique de démonstration sociale mise en oeuvre par les agents.
Il se dégage de cette analyse que l'espace privé remplit deux fonctions au sens mertonien : une fonction manifeste et une fonction latente. Manifestement la clôture qui entoure la maison, la chambre, la véranda, la cour etc. et de façon générale le « chez soi », au risque de nous répéter, abrite les valeurs d'intimité, elle protège des agressions extérieures. Et, de façon latente, il est fortement utilisé par les individus dans la démonstration sociale : marque du prestige social, signe de réussite sociale, désir d'appartenance à une classe sociale située à une strate sociale donnée.
C'est cette argumentation qui justifie, ici comme ailleurs, dans notre méthode, le choix du fonctionnalisme, en particulier la variante mertonienne comme grille de lecture. C'est également l'argumentation précédente qui explique la circonscription géographique si aisée de l'espace privé.
Plus généralement, l'espace privé mobilise plus d'attention, d'émotion et finalement bénéficie de plus d'action gratifiante en termes d'assainissement parce que « le chez, c'est avant tout, un espace qui abrite les valeurs d'intimité, protégée, qui crée le sentiment de sécurité, de sûreté. On pense à l'essence de coquille, de refuge essentiel que Gaston Bachelard analyse de manière si originale dans sa poétique de l'espace. Là où l'environnement social de la ville introduit la dispersion, le chez joue comme protection » ( C. Le Bris et al. , 1987 :21) ; ce que nous appelions fonction manifeste de l'espace privé.
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Cet espace, on l'appelle couramment la concession au Tchad. Il s'agit d'une extrapolation de la concession de terrain faite par l'Etat aux individus pour leur habitation. Finalement le terme désigne aussi bien le terrain que les constructions qu'il porte au nom des individus auxquels il a été concédé. Le domicile par contre peut ne pas être une propriété privée de quelqu'un. Ceci est vrai pour des locataires de maisons d'habitation par exemple. Il reste à montrer que les frontières de cet espace quoique bien défini et construit ne s'arrêtent pas aux limites de la clôture du « chez », de la concession ou du domicile. En effet, où s'arrête le chez et où commence l'espace public ?
Le « chez soi » déborde ce cadre du fait de son prolongement dans les espaces publics par appropriation des espaces publics avoisinant ou morcellement regrettés par un responsable du service d'hygiène et de santé publique de la voirie. Les devantures des concessions qui sont en fait des veines qui desservent les quartiers perdent leur statut public ou se dédoublent. La considération de la devanture des concessions (qui coïncident avec les rues et ruelles des quartiers) comme prolongement naturel de l'espace privé est défendu comme un fait naturel.
Du point de vue éthologique, c'est un territoire fortement marqué comme pour dire au monde « ici également c'est chez moi ». Cette appropriation de l'espace public est la résultante d'un processus qui s'inscrit dans le temps et qui d'ailleurs est socialement construit et reconnu au moins tacitement. En effet, « la fixité de l'habitat des usagers, l'accoutumance réciproque du fait du voisinage, le processus de reconnaissance - d'identification - qui se mettent en place grâce à la proximité, à la coexistence concrète sur un même territoire urbain » (de Certeau, 1994 : 18) notamment celui qui appartient à la catégorie du public, tous ces éléments rendent bien compte des conditions de possibilité d'appropriation de l'espace public. Mayol relève que « c'est dans la tension [entre] le dedans et le dehors qui devient peu à peu le prolongement d'un dedans, que s'effectue l'appropriation de l'espace » (1994 : 21). Ce qui permet d'assurer la « continuité entre ce qui est le plus intime (l'espace privé du logement) et ce qui est le plus inconnu (l'ensemble de la ville ou même, par extension le reste du monde.» (1994 : 21). De ce qui précède, on peut conclure avec Mayol que « le public est le privé ne sont pas renvoyés dos à dos comme deux éléments exogènes, quoique coexistants ; il sont bien plus, sans cesse interdépendants. L'un et l'autre puisque dans le quartier, l'un n'a
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aucune signification sans l'autre » (1994 : 21). Antoine Prost (1987 : 16 ) notait déjà, et plus largement, que la vie privée n'a de sens que par rapport à la vie publique. »
L'appropriation du territoire public se traduit concrètement à N'Djaména par une transformation de ces espaces en parking d'engins, en lieux de commerce et de prière. Au quartier Amrigébé, une section de rue barrée retient notre attention et très rapidement, notre traducteur31 engage une conversation en ces termes avec les personnes qui vraisemblablement habitaient dans la concession dont la devanture était ainsi barrée ; deux femmes et deux jeunes filles. En désignant les pneus de voiture qui obstruaient le passage, Abba demande :
« S'il vous plaît ! Pourquoi placez-vous ces pneus au travers de la route ? »
Une femme : « Et alors ? Ce n'est pas la bouche de notre maison32 ? »
Abba : « Non ! C'est la route. C'est pour tous les usagers, la route. Attendez, je vais appeler la police »
Toutes les femmes à la fois : « Oui ! C'est ça, va vite les appeler ! Nous t'attendons. »
Une autre femme : « Tu penses que la police viendra nous chasser de chez nous ? Et puis tu imagines que la police n'est jamais passée par ici pour constater ? Pourtant c'est là ! »
La devanture est considérée ici comme une partie du « chez » à en comprendre ces femmes qui sont convaincues que la police ne les renverra pas de chez elles ; le chez nous ici désigne la devanture de la concession. Ce discours également permet de réaliser le laisser - aller qui caractérise la gestion par les populations des espaces publics. La police a vu que les rues sont barrées pour éviter que les usagers passent très près d'une concession mais elle ne réagit pas ; de même qu'elle ne réprime pas le rejet dans les rues, les caniveaux et les espaces vides des ordures ménagères, eaux usées...
D'un autre côté, l'expression « chez nous » est régulièrement convoquée pour justifier le nettoyage des rues attenantes aux espaces privés des individus. L'espace privé, au regard du discours qui précède, apparaît comme un espace particulièrement défendu par ses occupants. Il est défendu jusqu'au-delà de ses frontières les plus immédiates. Il est même concrètement surveillé par un chien méchant comme l'indiquent les plaques affichées aux portails :
31 Nous nous servons d'un interprète pour réaliser des entretiens avec les informateurs d'expression arabe tchadien.
32 Littéralement la sortie, la porte, et par extension la devanture de la maison ou de la concession. La concession tout comme la maison est un intérieur, un dedans ou analogiquement c'est un ventre dont l'accession est possible par une bouche. En langue Sara, ta ndogue ou la bouche du secco est la porte d'entrer et de sortie du kem ndogue, le ventre du secco soit l'intérieur de la concession qui n'est rien d'autre que la cour.
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« Attention aux chiens méchants ! »Il faut noter qu'aujourd'hui, les chiens sont remplacés ou complétés par des vigiles qui renforcent la sécurité des espaces privés.
En dernière analyse, nous noterons à la suite des sociologues de l'école de Chicago que « l'action de chacun sur l'environnement est déterminée par le sens donné à cet environnement. Autrement dit, les humains agissent à l'égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux » (Alain Cerclé et Alain Somat, 2002). Il n'est pas sûr en effet que n'importe qui devinerait que les femmes dont nous venons de rapporter les propos justifient leurs usages de l'espace public par ce qu'elles le définissent comme faisant partie de leurs espaces privés.
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CHAPITRE IV : LES FACTEURS STRUCTURANT DES REPRESENTATIONS DES ESPACES ET RAPPORTS AUX ORDURES MENAGERES |
Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures
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Les représentations des espaces urbains n'existent pas ex-nihilo. Quelques facteurs président à leur élaboration. Nous identifions des facteurs qui tiennent à l'aménagement et à l'organisation des espaces urbains et des facteurs qui tiennent aux habitudes et aux rapports que les individus ont quotidiennement avec les espaces.
D'abord, la confusion faite entre espaces publics et espaces non habités peut résulter du fait que dans leurs définitions de l'espace public, les individus s'arrêtent au mot espace. Il est vrai que cela se comprend parce que le mot espace tout court renvoie aux grandes étendues non couvertes de construction ou au grand vide céleste. Mais ce qui peut entretenir des confusions sémantiques à propos de la définition d'espace public chez une population qui commence une expérience de l'urbanisation dans une ville, c'est le non aménagement des espaces publics. Ces espaces demeurent au stade de réserves de l'Etat destinés aux travaux d'intérêts publics. Ceci ne permet pas aux citadins d'être renseignés sur les fonctions urbaines des espaces urbains. Ces espaces sans infrastructures trouvent auprès des populations des fonctions définies tacitement par celles-ci. Ainsi, lorsqu'un espace est vide - et donc non seulement l'espace public défini ainsi mais également des domaines des particuliers non construits - il devient un champ de déploiement des comportements multiples : parking des troupeaux, défécation, décharges d'ordures comme nous l'avons vu plus haut. Selon un responsable du service d'hygiène et de santé publique de la direction technique de la voirie, il y a plus de décharges anarchiques spontanément créées par les populations de la ville sur des espaces vides qui sont en fait des réserves de l'Etat en vue de la création « des édifices publics » que des décharges autorisées ; un aveu que notre observation de la ville conforte. De façon générale lorsqu'un espace est vide et demeure ainsi pendant plusieurs années, il devient un lieu de défécation, de dépôt d'ordures pour les populations environnantes, que cet espace appartienne à l'Etat ou à un citoyen.
Il y a également la faiblesse d'une organisation et d'une réglementation à travers lesquelles devraient transparaître des définitions et des fonctions urbaines précises des espaces publics. Certains espaces publics en milieu urbain n'ont pas les mêmes fonctions qu'en milieu rural. Ceci est tout particulièrement vrai des fonctions esthétiques urbaines. Les espaces qui
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remplissent ces fonctions sont notamment les ronds-points et les jardins publics. Et ces fonctions sont en principe définies par les autorités administratives en charge de la gestion des espaces urbains. Mais le défaut de la mise en oeuvre de ces fonctions pourtant bien définies favorise l'apparition d'autres types de représentations.
Selon un responsable du service d'hygiène et de santé publique de la commune, le problème se situe à deux niveaux : au niveau des gouvernants et au niveau de la population n'djaménoise.
Au niveau du gouvernement, il dit que : « La loi est là... mais on ne l'applique pas. Si on l'appliquait la population n'utiliserait pas les espaces publics anarchiquement. » Selon lui enfin, « le gouvernement n'aide pas la population à le comprendre (le sens du bien public, cela s'entend). Le gouvernement morcelle les espaces publics. »
Nous luis demandions ensuite : Vous parlez du gouvernement ?
Et il répondit : « mais oui ! Les personnes proches du régime au pouvoir comme les militaires par exemple. Ils occupent les espaces publics comme si c'était leurs propres espaces. Ils construisent dessus, ils s'y installent... ».
Pour ce qui concerne la population, il dit ceci : «la population n'djaménoise n'a jamais compris le sens de l'intérêt public. Quelqu'un qui a un espace devant sa maison préfère le morceler plutôt que de le conserver... Dans la ville, les réserves mêmes si elles ne sont pas morcelées, les populations ne veillent pas dessus, ça devient les lieux d'aisance33, on y jette les ordures, les arbres sont coupés etc. »
Le premier élément d'explication des comportements à l'oeuvre dans ces espaces vides provient de ce que le service n'installe pas de structures pouvant recevoir les déchets de consommation des ménages dans les quartiers de N'Djaména. En l'absence de poubelles et bacs à ordures publics etc. les ménages se résument à abandonner dans l'espace vide le plus proche leurs ordures.
Mais cette défaillance du service officiel ne suffit pas pour expliquer tous les comportements induits par la représentation de l'espace public comme espace vide. Ce qui affaiblit l'argument ci-dessus semble être la nature même des espaces vides. En effet, selon les informateurs, c'est « parce que c'est l'espace vide » qu'il est ainsi géré et non nécessairement par défaut d'infrastructures de gestion des ordures ménagères ou de w.c. C'est une chose qui va de soi. Le défaut d'une mise oeuvre de l'aménagement des espaces publics et de la
33 Le chef du service HSP nous confie, à l'occasion d'un autre entretien portant sur la gestion des ordures ménagères par les populations que « les gens préfèrent déféquer en plein aire, même ceux qui ont des latrines chez eux. Ils disent que c'est bon quand le vent fouette leur derrière. »
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réglementation rend possible le déploiement des comportements que l'anonymat de la ville favorise.
Il s'agit principalement des espaces de distraction comme les jardins publics, de sports comme les stades. Il nous semble peu fécond de recueillir des informations sur la fréquentation des rues. Leur fréquentation nous semble aller de soi notamment pour sa fonction de circulation.
Enfin, en formulant l'hypothèse qui met en relation représentations des espaces urbains et les usages que les individus en font, nous avons été conduit à considérer comme indicateur la fréquentation des espaces urbains. Nous cherchons à évaluer le degré de fréquentation des espaces publics parce que nous postulons que non seulement elle est révélatrice du degré de connaissance et de la représentation que l'individu peut en avoir, mais également que c'est une occasion pour celui-ci d'évaluer tant soit peu les éventuels dangers liés à son insalubrité et auxquels il serait exposé à l'occasion de ses séjours dans ces espaces. Le tableau ci-dessus présente les données sur la fréquentation des espaces aménagés.
Tableau n°6 : Fréquentation des espaces publics aménagés
Libellé |
Nombre |
Pourcentage (%) |
Personnes fréquentant les espaces aménagés |
29 |
42,03 |
Personnes ne fréquentant pas les espaces aménagés |
39 |
56,52 |
Indéterminé |
1 |
1,45 |
Total |
69 |
100 |
Source : nos enquêtes (juillet 2004)
Toutes les personnes qui affirment fréquenter ces espaces publics sont des élèves et des étudiants qui s'y rendent essentiellement pour lire leur cours. Et les espaces aménagés régulièrement cités sont des zones de reboisements urbains communément appelées « forêts ».
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Nous verrons plus loin que ce faible niveau de fréquentation des espaces publics aménagés s'explique par la quasi-inexistence de ce type d'espace dans la ville de N'Djaména et également par les représentations de ceux qu'ils identifient somme toute. L'avis du directeur technique de la voirie est tranché : « Je pense que nous tchadiens, on n'a pas cette mentalité de distraction sur les espaces publics. Les gens n'utilisent pas les espaces verts pour se distraire. Je n'ai jamais vu les gens le faire. C'est un problème de culture...Le Tchadien ne se lève pas comme ça pour aller avec sa femme et son fils se distraire. Seuls les étudiants les utilisent pour leur lecture. Après, il n'y a personne. »
Nous choisissons deux exemples pour illustrer notre propos. Il s'agit de l'usage des espaces publics pour la réalisation des rites thérapeutiques, la satisfaction des besoins naturels et le rejet dans ces espaces des ordures ménagères.
Un nombre non négligeable de comportements déployés dans les espaces vides en milieu urbain mérite d'être considérés comme une reproduction des usages de cette catégorie d'espace en milieu rural. Dans les campagnes en effet, les espaces vides (excepté les lieux sacrés : bois sacrés, cimetières par exemple) qui sont grosso modo les alentours des cases, les terrains d'agriculture mis en jachère non loin des cases ou des zones de pâturage sont des endroits où sont jetées des ordures non pas en tant qu'ils servent de décharges d'ordures mais de zones de production agricole ou d'élevage. Les rues peuvent être transformées temporairement en lieu de rite thérapeutique.
Mais ces espaces sont fortement réglementés par les moeurs en milieu rural. En effet s'il est vrai que l'on peut déféquer en pleine brousse, on ne peut pas le faire dans les environs des concessions des voisins sous prétexte que ces espaces sont vides ou non habités. Quant aux ordures ménagères, elles n'investissent les espaces publics en milieu rural dans la partie méridionale du Tchad par exemple, notamment les croisements des rues, qu'à la suite des rites thérapeutiques qui se réalisent d'ailleurs la nuit. Le rite thérapeutique, en effet, consiste généralement à transporter le malade à un croisement de rue et à lui faire une toilette à base
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d'une solution obtenue après la cuisson de certaines écorces, des feuilles et des racines d'arbres ayant une vertu thérapeutique. Les récipients et les résidus des matières utilisées (écorces, feuilles et racines d'arbres, récipients en poterie) sont abandonnées sur les lieux du rite et, avec elles, la maladie dont souffrait le malade. Ici la maladie apparaît comme une saleté, une ordure bref un corps étranger maléfique qui habite le corps de l'individu. Il est donc vital de s'en débarrasser par une toilette et ce, loin de chez soi, dans un espace vide où elle n'a pas assez de chance de contaminer une autre personne. Ceci se passe également sur les poubelles personnalisées c'est-à-dire celles que l'on possède en milieu rural à titre individuel. Ces lieux de rite deviennent des endroits maléfiques puisque les maladies y ont été abandonnées. Les passants les évitent de peur de contracter les maladies qui s'y trouvent dorénavant. Les espaces publics (les rues surtout) ainsi que les décharges publiques ou anarchiques expressément créées par les individus servent à N'Djaména à ces fins thérapeutiques.
Quant à la proportion des ménages ne disposant pas de latrines elle n'est pas négligeable. Le recensement général de la population et de l'habitat de 1993 présente les statistiques suivantes au niveau national :
Tableau n°7 : Proportion des ménages par type de lieu d'aisance et par lieu
d'habitation
Pourcentage des ménages par milieu de résidence (%) |
||
Type d'aisance |
Urbain |
Rural |
Latrines traditionnelles |
71,2 |
6,6 |
Water Closets (W.C.) modernes |
2,4 |
0,3 |
Nature |
26,4 |
93,1 |
Total |
100 |
100 |
Source : Rapport du recensement de la population et de l'habitat (1993)
Les pourcentages sont obtenus en faisant le rapport entre le nombre total des lieux d'aisance et le nombre total des ménages soit par milieu urbain, soit par milieu rural. Le tableau suivant présente cette répartition sur l'ensemble des ménages tant ruraux qu'urbains de l'ensemble national.
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Tableau n°8 : Proportion des ménages par type d'aisance au niveau national
Type d'aisance |
Pourcentage des ménages (%) |
Latrines traditionnelles |
20,2 |
Water Closets (W.C.) modernes |
0,8 |
Nature |
79 |
Total |
100 |
Source : Rapport du recensement de la population et de l'habitat (1993)
Pour l'ensemble de la population les statistiques indiquent que seuls 0,8% de ménages disposent de W.C. modernes contre 20,2% ayant des latrines traditionnelles. Le reste des ménages soit 79% ne disposent pas de lieu d'aisance et, selon les auteurs des rapports du recensement général de la population et de l'habitat de 1993, les membres de ces ménages font leurs besoins dans la nature. Ils écrivent en effet que « malgré une importance des latrines à N'Djaména (voir tableau ci-dessous), les problèmes sanitaires se posent avec acuité à cause de certaines pratiques telles que la sollicitation des dépotoirs ou des domaines réservés à l'Etat comme les espaces verts (zones de reboisement) pour la satisfaction des besoins (...). L'utilisation de la nature pour de tels besoins expose la population aux maladies infectieuses et parasitaires, et accroît les risques de maladies endémiques ou épidémiques » (BCR, 1995 :14). Daoussem Ronaye Lucie (1994, 14) observe que « même les familles qui ont des latrines préfèrent déféquer dans les espaces vides (forêts de Milezi34, terrain de football). Les petits enfants sont autorisés à déféquer dans les concessions et leur excréta est soit, jeté dans les tas d'ordures gardés à l'intérieur des concessions, soit remis dans la rue » Le tableau suivant donne une idée sur la situation à N'Djaména.
Tableau n°9: Repartions des ménages selon le type d'aisance à N'Djaména
Type d'aisance |
Nombre de Ménages |
Pourcentage ( %) |
Latrines traditionnelles |
91696 |
87.8 |
Water Closets modernes |
3213 |
4.0 |
Nature35 |
9776 |
8.2 |
Total |
104687 |
100 |
34 Voir carte de la ville de N'Djaména page ii
35 Ce que les rédacteurs des rapports du recensement général de la population et de l'habitat du Tchad appellent
« nature » à N'Djaména c'est l'ensemble des espaces non habités, les marécages et les espaces réservés par l'Etat en vue de la réalisation des infrastructures d'intérêts publics.
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Source : Rapport du recensement de la population et de l'habitat (1993)
L'explication ci-dessus est proche de celle soutenue par Emmanuel Fauroux et al. Ces auteurs rapportent que l'un des facteurs qui expliquent l'extrême insalubrité de la ville de Tulear à Madagascar se trouve être les habitudes culturelles des immigrants. Ils s'expliquent en ces termes :
« Leurs villages d'origines et leurs campements de brousse (entendez ceux des immigrants) se trouvaient le plus souvent dans des clairières au coeur de la forêt. Déchets, ordures, excréments s'y dissimulaient aisément et étaient rapidement consommées par les sangliers et les porcs domestiques en errance libre. Les comportements acquis dans ce milieu ont été transposés dans le nouveau contexte urbain : on défèque ou on se débarrasse des détritus divers à quelques dizaines de mètres de sa case. » (Emmanuel Fauroux et al., 1991 :356).
Ce que l'on désigne par poubelles ici ce sont généralement des vieux seaux ou des sacs usés que l'on installe à proximité de la cuisine ou non loin des portails. Dans les concessions composées de plusieurs ménages, chacun dispose de sa (ses) propre (s) poubelle (s). C'est très souvent le cas des concessions où cohabitent plusieurs locataires ou un regroupement de plusieurs familles constituant chacune un sous-ménage avec, très souvent, un seul chef de ménage comme dans les familles polygamiques. Il faut mentionner que ces poubelles reçoivent des ordures solides alors que les eaux sales sont déversées dans les caniveaux ou ce qui en tient lieu ou, dans les rues. Le tableau suivant renseigne sur l'utilisation des poubelles par les ménages à N'Djaména.
Tableau n°10 : Répartition des personnes selon l'utilisation des poubelles
Libellé |
Nombre |
Pourcentage(%) |
personnes utilisant une (des) poubelle (s) |
38 |
55,1 |
personnes n'utilisant pas une (des) poubelle (s) |
29 |
42,0 |
Indéterminés |
2 |
2,9 |
Total |
69 |
100 |
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Source : nos enquêtes juillet 2004
Les vingt neuf personnes qui, dans notre échantillon affirment ne pas posséder de poubelles se servent en réalité de décharges individuelles qui sont également appelées communément « poubelles ». Donc une poubelle n'est pas seulement un récipient tel que l'a voulu M. Poubelle. La poubelle désigne tout endroit ou l'on peut jeter des ordures.
Nous voulons montrer que cet indicateur révèle deux choses extrêmement simples :
Premièrement l'utilisation des poubelles individuelles peut être accompagnée d'une connaissance des dangers que représentent les ordures dans le cadre de vie des individus. Et deuxièmement, le fait d'utiliser les poubelles crée chez les individus des réflexes favorables à l'assainissement des espaces urbains. Il est clair qu'un individu habitué à se servir des poubelles pour se débarrasser de ses ordures reproduirait plus aisément ce comportement dans les espaces publics qu'un individu non habitué à se servir des poubelles dans la sphère privé. En tout cas, la possibilité d'acquérir une culture-poubelle est plus forte chez le premier que chez le second. Evidemment, l'espace public en milieu urbain étant le lieu d'interaction par excellence, l'action des individus peut être influencée par d'autres facteurs notamment le regard accusateur des autres. Mais ce qui peut rendre homogène les comportements des individus dans les espaces publics est la loi. Car comme le soutiennent les auteurs de l'Ecole de Chicago, « les moyens de régulations des comportements se transforment quand on passe de la campagne à la ville. La régulation fondée sur les moeurs et la tradition devient une régulation fondée sur la loi écrite » (B. Valade et al., 1996 :455). Ainsi la connaissance des dangers sanitaires que représentent les ordures doit être combinée avec le respect de la loi pour créer chez les individus des comportements favorables à l'assainissement des espaces publics tel que l'utilisation correcte et systématique des bacs à ordures.
Ce que nous essayons de démontrer ici est que les populations de N'Djaména ont reproduit des habitudes acquises dans les espaces non habités en milieu rural dans les espaces urbains non habités. Mais ce qui apparaît comme un fait anodin en zone rurale devient un problème sérieux de santé publique notamment en ville. Car le volume des ordures déposées dans ces espaces est plus important étant donné que la production des ordures par les ménages est fonction de la densité de la population et du niveau de vie de celle-ci. En général, la production et/ou la reproduction des modes de vies hérités du monde rural peut être source de désorganisations sociales importantes dans le nouveau milieu de vie. « La désorganisation
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sociale s'entend d'une situation dans laquelle les attitudes (héritées du groupe d'origine) ne correspondent plus aux valeurs régnant dans le nouveau milieu » (B. Valade et al., 1996 : 451). C'est pourquoi, pour maintenir l'ordre, ou pour reprendre le savant concept d'« organisation sociale » 36 hérité de Thomas et Znaniecki dans le nouveau contexte urbain, « le moyen de régulation des comportements se transforment quand on passe de la campagne à la ville : la régulation fondée sur les moeurs et la tradition devient une régulation fondée sur la loi écrite » (Valade et al., 1996 : 454). Mais comme le constatent les autorités de la voirie la loi n'est pas appliquée.
Ceci est symptomatique de ce que Ledrut (1979 : 187) appelle savamment dans sa sociologie urbaine, le « continuum rural » qu'on peut observer dans certaines sociétés urbaines. C'est ce concept qui justifie sa métaphore villageoise de « village dans la ville » employée pour qualifier des manières d'être en ville se caractérisant par quelques traits associés aux modes de vie rurale.
RAPPORTS AUX ORDURES
Les rapports aux ordures s'établissent de plusieurs façons. Il s'agira d'analyser les différentes fonctions que remplissent les ordures. On verra que les ordures ne sont pas seulement ce que l'on doit jeter ou que l'on jette réellement aux poubelles. Une forme de valorisation, un usage des ordures à l'oeuvre à N'Djaména révèle la particularité de la gestion des ordures ménagères dans cette ville.
Nous avons également porté notre attention sur les menus comportements des individus avec les ordures dans les espaces publics. Il est question pour nous de savoir ce que les individus font des éléments résiduels de leur consommation alimentaire (mégot de cigarette, bout de pain, noix des fruits etc.) et leurs emballages (plastiques en particuliers ce qu'on appelle Léda qui sont les emballages plastiques noirs fabriqués au Nigeria, papier, tissus etc.) lorsqu'ils n'en ont plus besoin alors qu'ils se trouvent :
- dans leurs espaces privés ;
- dans les espaces publics.
36 Cf Ecole de Chicago
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Deux types de comportement sont observables.
D'abord un petit nombre de personnes interrogées avouent rechercher systématiquement une poubelle ou un endroit susceptibles d'accueillir leurs déchets pour les abandonner lorsqu'elles se trouvent dans les espaces publics. En fait, compte tenu de l'inexistence des poubelles publiques le long des trottoirs comme on peut en observer dans les axes routiers du centre ville de Yaoundé et, compte tenu de la rareté des bacs à ordures, ce sont les décharges anarchiques communément appelées « poubelles » qui sont qualifiées « d'endroits susceptibles d'accueillir mon ordure.» Il se trouve par ailleurs que cette catégorie de personnes utilise au quotidien une poubelle pour gérer ses ordures sans compter que les espaces aménagés et propres inspirent un minimum de respect. Il faut considérer que les individus sont plus enclins à abandonner les ordures dans des espaces antérieurement sales que dans ceux qui ne le sont pas ou le sont moins. Un espace assaini inspirerait de ce point de vue du respect quant à sa gestion. C'est peut-être un souci de l'ordre qui explique ce genre de comportement.
Ainsi donc, on peut présumer qu'en plus de la prise en considération des conséquences des représentations des espaces urbains et des ordures ménagères précédemment vues, le dallage systématique et le nettoyage régulier des espaces publics urbains se présenterait comme une voie possible de solution de ce qu'on appelle volontiers la question des ordures ménagères dans les espaces publics à N'Djaména.
Ensuite, un petit nombre de personnes interrogées rendent compte d'un comportement qui consiste au contraire à « laisser traîner » ou à « abandonner quelque part » les ordures qui se trouvent dans leurs mains lorsqu'ils se trouvent dans les espaces publics. Ils gèrent par contre ces ordures dans des territoires prévus pour cela lorsqu'elles sont dans leurs espaces privés. Tout se passe comme si l'espace public se définissait vis-à-vis des ordures ménagères comme une poubelle, une décharge ou un bac à ordure au format géant, à la dimension de la ville. Mais ce qui ne se donne pas à voir à l'observateur imprudent, c'est la signification profondément politique de cette insalubrité volontaire des espaces publics qu'un certain journalisme - et pas seulement ce dernier mais également les autorités communales - qualifient « d'actes d'incivisme » et de « mentalités villageoises » des n'djaménois. Même si l'incivisme peut-être convoqué ici pour justifier l'insalubrité des espaces urbains, le discours que nous développons jusque-là invite au relativisme des jugements. Il peut néanmoins être l'un des facteurs défavorisant la gestion des ordures ménagères. On comprend que notre démarche privilégie l'explication multi variée des facteurs.
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Le soupçon que nous portons sur la signification politique de la salubrité volontaire des espaces publics est éveillé par le discours tenu d'une part par les populations sur les responsabilités imputables aux autorités communales en charge de l'enlèvement des ordures ménagères dans les espaces publics, et d'autre part le discours en tout point opposé à celui des populations et, tenu par les autorités communales sur les responsabilités des populations en tant que contribuables et dans un contexte de décentralisation actuellement à l'oeuvre. De quoi s'agit-il ?
D'une part l'enquête révèle la récurrence d'un discours qui consiste pour l'essentiel à dire, du côté de la population urbaine que la mairie qui prélève les taxes sur l'habitat et qui, de plus obtient des subventions du gouvernement central de l'Etat a le devoir d'enlever les ordures ménagères, entre autres activités d'aménagement urbain et plus généralement de la gestion urbaine, sans discrimination de quelque nature que ce soit. Certains propos illustrent les comportements : « Nous payons pour que la mairie nettoie nos rues, alors, si elle ne le fait pas ce n'est pas nous qui allons ajuster nos comportements à elle ! ». En réalité le service officiel dessert uniquement sinon presque exclusivement les quartiers résidentiels qui coïncident partiellement avec les quartiers du nord. Dans les quartiers du sud, géographiquement, les avis sont unanimes : « la mairie n'est jamais venue enlever les ordures dans ce quartier ».
Il va de soi que cette désertion du service public par le service officiel frustre lesdites populations à qui on exige une taxe sur l'habitat. Mais où voyons-nous l'insalubrité volontaire des espaces publics comme l'expression d'une protestation contre une discrimination? La protestation contre cette discrimination se manifeste par le fait de jeter les ordures et résidus alimentaires de toute nature dans les espaces publics et de se justifier en disant : « nous avons payé la taxe sur l'habitat à la mairie ... mais la mairie ne fait pas son travail alors qu'elle est prête à venir nous réclamer de l'argent. » On note également des propos plus précis comme les suivants : « où voulez-vous que nous déposions nos ordures ? C'est bien pour assurer ce genre de service qu'il y a la mairie ! » c'est le décryptage des actes, attitudes et surtout du discours qui permet de penser que l'on salit les espaces urbains pour exiger un service que les contribuables payent à travers la taxe, ce qu'on appelle en France la taxe de nettoyage. La protestation apparaît très clairement lorsque les populations des quartiers sud disent que « nous payons la taxe [ou on nous exige la taxe] alors que la mairie enlève les ordures uniquement chez « eux ». » On voit transparaître également l'opposition Nous/Eux observée
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par Hantigton dans ses analyses à propos du conflit des civilisations. Mais le « Nous » et le « Eux » ici représentent davantage respectivement le « Bas » et le « Haut » au sens de Bayart (F.) Si l'opposition que nous relevons ici autour du service officiel de la G.O.M n'est pas aussi systématique qu'on peut le croire, elle met tout au moins en lumière d'un côté les mécontents et parents pauvres de la G.O.M (« les Nous ») et de l'autre les enfants chéris, les bénéficiaires du service officiel, ceux que les « Nous » désignent « Eux ».
Evidemment les autorités communales reconnaissent une monopolisation sinon une confiscation du service officiel aussi bien par des ministres, des militaires que par des personnalités influentes du régime au pouvoir et qu'une autorité de la commune a discrètement nommé « gouvernement ». En effet, du fait des inondations et des dégradations des voies publiques occasionnées à N'Djaména par les pluies, les autorités politiques ci-dessus cités « réquisitionnent » le matériel du garage municipal en l'occurrence ceux que le service d'hygiène et de santé publique utilise pour l'enlèvement des ordures dans les quartiers résidentiels, pour des travaux d'aménagement de leurs espaces privés et de leur neighborwood. Nos enquêtes à la voirie entre juillet et août qui sont deux mois de saisons de pluie nous ont donné l'occasion d'observer cet usage du service public. On assiste ainsi à une privatisation illégale du service public facilitée par la position politique des acteurs.
D'autre part, la voirie qui reconnaît bien la déserte effective et exclusive de l'enlèvement des ordures par le service officiel des quartiers résidentiels présente un discours justificateur de son action par deux arguments : premièrement, de l'avis des autorités communales, ces quartiers sont la vitrine de la ville. Et à ce titre, ils méritent une toilette régulière pour refléter l'image de la ville aux yeux des expatriés qui y habitent37 sans compter que c'est dans ces quartiers que sont réunies les infrastructures administratives publiques et privées. L'assainissement de ces espaces devrait en outre contribuer à la création de bonnes conditions de travail. Mais le résultat de cette action de salubrité montre qu'il s'agit d'un assainissement au rabais, vue d'ailleurs les moyens utilisés. Ce sont des moyens qui sont non seulement insuffisants mais qui servent inconditionnellement les élites politiques à des fins privées. Ici encore se pose la question du bien commun ou plus précisément celle de son aliénation à la volonté des individus.
Du reste, le privilège accordé aux espaces publics localisés dans les quartiers résidentiels est loin de lui conférer le qualificatif de vitrine de la ville. Ces quartiers ne sont en
37 La ville de N'Djaména ne se résume pas aux quartiers résidentiels. Et les expatriés qui y vivent ne sont pas dupes non plus. D'ailleurs construit-on une ville pour soi ou pour les beaux yeux des expatriés ? Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures
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réalité pas aussi salubres qu'on l'espère et pis, ils sont un point microscopique dans le magma d'insalubrité des quartiers populaires du sud de N'Djaména. De plus on a perdu de vue l'impossibilité d'établir des frontières infranchissables aux ordures et à leurs conséquences sur la santé publique.
Deuxièmement, les autorités communales soutiennent que seuls les habitants des quartiers résidentiels payent régulièrement la taxe sur l'habitat. Ce qui justifie la desserte dont bénéficie leurs quartiers. « Nous ne pouvons pas enlever les ordures des quartiers du sud dont la population refuse de payer la taxe qui nous permet d'être à mesure de fournir ce service. » On voit se dessiner un cercle vicieux entre voirie et populations des quartiers du sud. Les uns refusent de payer la taxe sur l'habitat en prétextant que la mairie ne leur fournit pas le service pour lequel la taxe est imposée ; les autres refusent de fournir ledit service parce que les populations refusent de payer la taxe. On retrouve ici la question de l'antériorité de l'oeuf et de la poule. Dans le cas de la gestion des ordures qui nous occupe ici, il s'agit d'un faux problème ou simplement un déplacement du problème par les uns et les autres car il suffit que les uns et les autres se conforment à la réglementation sur la gestion des ordures ménagères dans les espaces urbains. Or ce n'est pas le cas. Et c'est là tout le problème. Il existe une tranche de la population, notamment celle qui est proche du pouvoir qui jouit d'une immunité vis-à-vis des actes de vandalisme sur les espaces publics (rejet des ordures dans les rues, occupation anarchique des espaces urbains...), les agents de l'ordre des arrondissements n'appliquent pas la lois si toutefois il leur arrive de surveiller la gestion que les populations font des espaces publics.
A partir des ordures ménagères, on peut tenter d'apprécier le niveau de vie des ménages par le truchement de leur consommation alimentaire en fouillant dans leurs poubelles dès lors qu'on s'accorde pour considérer le contenu des poubelles tant par sa qualité que par sa quantité comme un indicateur de niveau de vie des ménages ; ou encore, étudier des phénomènes sociaux comme la souillure ou les dualités propreté/saleté, pureté/impureté telle que le fait si brillamment Mary Douglas dans De la souillure (1986), la stratification sociale, le tabou, etc. Ce sont là, autant de choses autour desquelles les individus établissent des rapports de proximité, de mise à l'écart avec les ordures ménagères.
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Il est probable qu'on nous reproche en revanche de préférer l'étude des représentations socio-culturelles des espaces urbains à ces aspects sociologiques des ordures. Il est bien vrai que les espaces urbains sont incontestablement du ressort de la géographie urbaine, de l'urbanisme voire de l'éthologie mais grâce à l'Ecole de Chicago, ils sont aujourd'hui un domaine très fécond en sociologie urbaine. L'une des premières problématiques de cette Ecole avait d'ailleurs porté sur les interactions mutuelles qu'il y a entre « les deux principaux éléments de l'écosystème urbain » que ses théoriciens distinguent à savoir « la structure matérielle de la ville d'une part (bâtiments, rues, automobiles, métro, téléphone, ascenseurs, etc.) [qui n'est rien d'autre que ce que nous appelons dans notre terminologie espaces urbains] et l'organisation morale d'autre part (les règles de comportement) » (B.Valade et al., 1996 : 454). Evidemment l'hypothèse sous-jacente à cette problématique énonce que l'afflux de nouveau habitants à Chicago conduit à une expansion de la structure matérielle de la ville, laquelle entraîne des processus de décomposition (délinquance par exemple) et de recomposition (par le développement des moyens de communication urbains, l'émergence des zones résidentielles dans lesquelles la population se stabilise ou enfin, the last but not the least, le mode d'occupation de l'espace urbain. (B.Valade et al., 1996 : 454)
Et si nous avons choisi d'étudier les représentations des espaces urbains (publics et privés), c'est d'abord compte tenu d'une sorte de discrimination dont sont l'objet les espaces publics urbains et qui a pour conséquence majeure le développement de son insalubrité au profit de la salubrité plus ou moins relative de l'espace privé. Tel est le tout premier pont que nous établissions entre représentations des espaces urbains et gestion des ordures ménagères. Mais nous avons réalisé, lors de notre descente sur le terrain dans la ville de N'Djaména que les représentations des ordures ménagères sont tout aussi importantes que celles des espaces urbains dans la compréhension de la gestion des ordures ménagères et de l'insalubrité attestée de la ville de N'Djaména. Les représentations des espaces urbains ne suffisent pas en effet à rendre compte de la manière dont les ordures sont gérées dans les espaces urbains publics comme privés. D'où la formulation de notre première hypothèse où nous coordonnons désormais représentations des ordures ménagères et représentations des espaces urbains pour rendre compte de la G.O.M. Et, comme nous avons tenté de le montrer, dans les chapitres précédents comment les représentations des espaces urbains instruisent à la fois leurs usages et leur investissement par les ordures, il reste à montrer comment les représentations des ordures ménagères déterminent leur propre gestion dans ces espaces.
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Ces représentations sont perceptibles à travers les définitions des ordures ménagères et leurs fonctions. Les ordures sont des saletés, des impuretés et souillures que les hommes choisissent généralement de mettre hors de porté de mains. Mais à N'Djaména, les ordures ménagères ne sortent pas toujours des demeures des individus compte tenu de la fonction qu'elles y remplissent. Les ordures en effet servent de remblais dans un environnement où la pédologie favorise les inondations. On achète des ordures lorsque l'habitation est située dans une zone de forte dépression lorsqu'on n'en produit pas assez pour cela. Il y a finalement dans la G.O.M à N'Djaména deux cas de figures qui traduisent un va-et-vient entre les ordures et les espaces publics et privés :
1. les ordures telles que nous l'avons montré précédemment partent du « chez » vers les espaces publics ;
2. les ordures ménagères partent ensuite des espaces publics vers le « chez ». Celles produites par les ménages dans ce cas de figure ne sortent pas de « chez » eux. Il existe même des ménages qui autorisent les voisins à jeter leurs ordures soit dans un coin de leur maison, soit devant leur concession. Ce deuxième cas de figure est exactement l'inverse du mouvement précédemment décrit. Cette situation est à l'origine d'un développement du marché des ordures ménagères. Et la mairie est l'un des grands fournisseurs de cette marchandise.
Il transparaît ici une mise en oeuvre de logiques d'acteurs qui consiste dans leur préférence des ordures comme remblais donc ayant une place dans le « chez » lieu où, en principes elles ne sont pas désirées. Ceci permet de dire une fois de plus que le rejet n'est pas une caractéristique fondamentale de la définition des ordures. Les ordures ne sont pas nécessairement ce dont l'individu se débarrasse. La preuve, à N'Djaména c'est bien ce que les individus définissent comme ordures qu'ils conservent « chez » ou achètent et rependent dans leurs cours. Une forme originale de la revalorisation des ordures ménagères, qui trahit en fait la mise en oeuvre d'une logique d'acteurs, donne sens à un comportement qui est des moins banals. Il faut tirer profit des biens de consommation à tous les niveaux, de leur consommation (notamment alimentaire) jusqu'à la valorisation de leurs éléments résiduels non directement consommables.
Tout ceci ne doit pas être minimisé dans cette recherche des facteurs explicatifs de l'insalubrité ou comme le dira Anne-Sidonie Zoa « le développement des cités-poubelles » car
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non seulement en occultant cet aspect on ne réussira jamais à fournir une explication satisfaisante aux comportements développés par les individus envers les ordures ménagères dans un environnement dont la pédologie est si défavorable comme N'Djaména mais surtout il apparaît que tout projet d'assainissement qui ne le prend pas en compte sera voué à l'échec. En termes clairs, les individus refusent d'envoyer leurs ordures dans les bacs à ordures parce qu'elles leurs servent à résoudre un problème d'inondation du sol. Il faut craindre que les bacs à ordures construits actuellement par la mairie et qui attendent d'être opérationnels (voir tableau et ci-dessous ainsi que la planche de photos à l'annexe 3) ne servent pas aux populations à stocker leurs ordures. Il faut nécessairement tenir compte de cette contrainte spatiale dans la gestion des ordures à N'Djaména.
Tableau : n°11 Répartition des bacs à ordures par arrondissement : première phase
Arrondissements |
Nombre de bacs à ordures |
Premier arrondissement |
7 |
Deuxième arrondissement |
12 |
Troisième arrondissement |
9 |
Quatrième arrondissement |
10 |
Cinquième arrondissement |
7 |
Sixième arrondissement |
11 |
Septième arrondissement |
2 |
Huitièmement arrondissement |
2 |
Total |
60 |
Source : Nos enquêtes juillet 2004
Tableau n°12 : Répartition des bacs à ordures par arrondissement : deuxième
phase
Localisation |
Nombre de bacs à Ordures |
Marché Choléra |
2 |
Marché de Farcha |
2 |
Marché central |
2 |
Marché de Dembé |
2 |
Marché à Mil |
2 |
Marché du champ des fils |
2 |
Marché de Diguel |
2 |
Gare routière |
1 |
Marché Dombolo |
1 |
Marché Diguel Est |
2 |
Présidence |
1 |
Commissariat central |
1 |
Brigade |
1 |
Hôpital |
2 |
Total |
23 |
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Source : nos enquêtes (juillet 2004)
Aussi paradoxale que cela puisse paraître, la notion de NIMBY entendu Not In My Back Yard ne se vérifie pas toujours dans la gestion des ordures ménagères. Des pratiques contraires à celles qui sont définies par le sigle NIMBY sont observables dans un milieu urbain comme N'Djaména qui d'ailleurs en fournit l'explication. Il faut rappeler que le NIMBY que G. Bertolini (1987) évoque de façon sommaire dans Le marché des Ordures renvoie à la situation de refus par les individus que soient installés près de leur demeure des infrastructures accueillant les déchets urbains. Déjà au 12e siècle, à défaut de contester le stockage des ordures ordonné par l'autorité royale dans leur voisinage, les bourgeois décident de louer les services des entreprises qui les en débarrassent (voir supra chapitre I ou G. Bertolini, 1987). On peut également observer le NIMBY au niveau macro social notamment celui des Etats africains lorsque ceux-ci choisissent de ne pas (ou de ne plus) accepter sur leur territoire les déchets industriels des pays développés (voir supra chapitre I ou A-S Zoa, 1996).
A N'Djaména, un comportement qu'on peut décrire approximativement comme représentatif du NIMBY est celui qui consiste pour les individus, non pas à exprimer leur désaccord quant au stockage des ordures ou à l'installation des infrastructures dans leur voisinage mais à détruire celles que la mairie construit. Selon le Chef du service d'Hygiène et de Santé Public de la voirie de N'Djaména, 2/3 des bacs à ordures de la ville ci-dessus présentés ont été détruits par les habitants voisins. Cet acte de vandalisme vise ici tout simplement à mettre un terme à l'usage des bacs qui sont soit hors d'usage, soit qui ont disparus sous les ordures non (ou jamais) enlevées par le service officiel. C'est dire que l'on peut accepter les ordures dans son voisinage lorsqu'elles sont accueillies dans un récipient destiné à sa gestion. Elles ne sont pas désirées au contraire lorsqu'elles débordent leur territoire pour investir les espaces privés des individus. Evidemment ce que André Le Bozec (1994) qualifie de « syndrome du NIMBY » à propos de la gestion des ordures en France n'est pas, dans le cas des populations n'djaménoises, une manifestation du refus systématique d'installation des infrastructures.
L'ambivalence du NIMBY vient en revanche du développement d'une rationalité contraire à celle du NIMBY tel que nous venons de le voir. Ce que révèle l'enquête de terrain en fait se trouve être l'attribution d'une fonction de remblais que les individus ont assignée aux ordures ménagères. L'ordure, qui est utilisée ici comme remblais, est très généralement
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les résidus des déchets de consommation qui ont été soit entassés et brûlés à l'angle de la cour ou devant la concession, soit qui ont subi une biodégradation par le temps. Mais il existe également des ménages qui utilisent pour remblayer leur cour les ordures qu'ils ne soumettent à aucune transformation. La règle d'ailleurs est de transformer en décharges toutes les crevasses de la cour de la concession. Il faut ajouter que les ménages utilisent les ordures pour remblayer aussi les rues ou plus exactement les devantures de leur concession.
Ainsi, à cause de l'inégalité du relief, les ordures sont répandues aussi bien dans les espaces privés que dans les espaces publics. Selon le chef du service d'hygiène et de santé publique de la voirie, en réalité très peu d'ordures sortent effectivement de la ville du fait d'abord de la non effectivité de la collecte des ordures par le service officiel ; ensuite par l'usage des ordures précédemment décrit. Il note par conséquent que tout ceci conduit à la contamination de la nappe phréatique par les microbes « ce qui a conduit la STEE (Société Tchadienne d'Eau et d'Electricité) à aller plus loin sous la terre chercher de l'eau ». Il observe avec regret que tous les puits d'eau de N'Djaména ne sont plus des sources d'eau potable (s'ils ne l'ont jamais été38), pour la population. Allassembaye Dobingar nous offre une description d'une pédologie plutôt propice aux inondations :
« N'Djaména, fut construit ... dans une zone marécageuse. Etaient alors exondés l'espace sur lequel a été construit le fort militaire et les logements des colons, espaces qui deviendra plus tard le centre ville. Tout autour s'étendaient de grands marécages que drainaient plusieurs petits affluents du Chari. Avec la croissance urbaine, ces zones marécageuses ont été progressivement investies par les populations pour bâtir leurs habitations... » (Allassembaye, 2001 : 21). A ceci il faut rappeler le fait que la ville de N'Djaména se construit sur un sol essentiellement argileux, ce qui pose un problème d'infiltration et de ruissellement des eaux de pluies, bref de leur rétention. Du coup, tous les ménages cherchent à élever le niveau du sol de leur concession de façon à le rendre exondé. D'où l'usage des ordures ménagères.
Finalement, les ordures remplissent pour les N'Djaménois une fonction qui est immédiatement perçue et utilisée par la plupart d'entre eux. Evidemment cela enrichit les représentations que ceux-ci ont des ordures et par ricochet marque les rapports aux ordures et à leur lieu de gestion. Ceci mobilise tout simplement des actions, réactions et interactions autours de ces données (ordures ménagères, espaces urbains). Aussi, au risque de nous répéter si l'on ne comprend pas ces dimensions, on s'étonnera de ce que les individus choisissent de
38 C'est nous qui soulignons.
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répandre dans leurs espaces privés et dans ceux publics des ordures que tout le monde attend en principe provisoirement dans les poubelles, ou définitivement dans les décharges finales.
Les réflexions que nous avons tenté de mener au sujet des représentations des espaces urbains et des ordures ménagères ont permis de constater tout premièrement la complexité du sujet choisi. Et le défi a consisté, dans un premier temps à identifier les différentes représentations des espaces urbains, publics et privés tels que nous les avons distingué ainsi que les représentations des ordures ménagères. En second lieu il s'agit d'établir les liens de causalité possibles qui existent entre ces représentations et la gestion des ordures ménagères.
En somme, il s'est agi pour nous de comprendre et d'expliquer un fait social à l'oeuvre dans une société en plein développement urbain. Et une chose nous est apparue évidente : les espaces urbains vivent sous des images mentales. En tant que supports privilégiés des activités des hommes, ils sont diversement perçus et valorisés par ceux qui les habitent ou les mettent en valeur : « à l'étendue qu'ils occupent, qu'ils parcourent et qu'ils utilisent se superpose, dans leur esprit, celle qu'ils connaissent, qu'ils aiment et qui est pour eux signe de sécurité, motif de fierté ou source d'attachement. » (Paul Claval, 1978 : 16). A la fonctionnalité des espaces qui participent de la formation des représentations des espaces urbains, s'ajoutent une organisation et une gestion des espaces urbains qui ne fournissent pratiquement aucun repère aux citadins en quête de sens à ce nouvel environnement en plein développement. Les espaces publics urbains, qu'ils soient définis comme « espaces de l'Etat », « espaces de tout le monde » ou « espaces vides », ont en commun le fait de ne pas être perçus à travers des fonctions urbaines de divertissement, d'esthétique, de ventilation urbaine, de circulation, de commerce, de sport, ... Ceci produit une désorganisation sociale qui affecte l'assainissement
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desdits espaces car il y a inadéquation entre ces fonctions urbaines et les usages que suggèrent les représentations desdits espaces par ses consommateurs quotidiens. Or ces derniers, en plus de leur réglementation, suggèrent des normes de salubrité imposables et qui s'imposent d'ailleurs très souvent d'elles-mêmes à l'ensemble de la communauté urbaine particulièrement lorsqu'ils bénéficient d'un assainissement régulier. En absence donc de ce modèle qui accompagne le développement urbain, les représentations qui se constituent autorisent pour l'essentiel des investissements des espaces urbains sans une véritable responsabilité des populations urbaines39quant à leur assainissement. Bien entendu, les espaces urbains ne seront jamais investis uniquement à travers les fonctions que lui définit l'aménageur urbain. Car à ces fonctions se superposeront nécessairement des fonctions que lui attribueront soit, sporadiquement soit, permanemment les personnes qui les exploitent dans leurs quêtes quotidiennes des « bénéfices [notamment] symboliques » pour emprunter le terme de Michel de Certeau (1994 : 17).
Les espaces urbains sont en outre gérés en fonction des contraintes naturelles que l'on y rencontre. Nous avons pu voir que compte tenu de leur géomorphologie et de leur géologie, on y accueille des ordures qu'on attend en réalité ailleurs dans des territoires prévus à cet effet.D'où l'ambivalence du concept de NIMBY vue ci-dessus.
En tout cas, la G.O.M à N'Djaména se réalise en marge de la gestion des espaces urbains. Or, gérer les ordures ménagères suppose nécessairement que soit également gérés les espaces qui en sont les supports. Car finalement le problème qui préoccupe (ou qui devrait préoccuper) les gestionnaires des ordures ménagères ou même les populations, c'est de gérer sainement les ordures dans les espaces même où elles sont produites. C'est évident en plus qu'en milieu urbain, chaque ménage ou chaque individu ne transporte pas les déchets de ses consommations ni individuellement, ni aussitôt après leur production, aux décharges finales généralement situées hors de la ville. Les déchets urbains partent des ménages et autres producteurs des déchets aux décharges finales en transitant par les espaces urbains où parfois ils séjournent pendant longtemps. Il faut donc gérer aussi bien les espaces urbains que les ordures ménagères.
39 Qui sont d'ailleurs une sorte de citadins hybrides ; peut-on dire des néo-citadins en quête de citadinité ? Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
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Ouvrages
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+ Beachler (J.), 1976, qu'est-ce que l'idéologie ? Seuil, Paris
+ Bertolini (G.), 1990, Le marché des ordures : économie et gestion des déchets
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+ Douglas (M.) 1981, De la souillure : essai sur les notions de pollution et de tabou,
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6. Durant (J. P.) et Weil ( R.) , 1990, Sociologie contemporaine, Vigot, Paris
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+ Montigny (G.), 1992, De la ville à l'urbanisation : essai sur la genèse des études urbaines françaises en géographie, sociologie et statistique sociale, L'harmattan, Paris
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+ Quivy (R.) et Campenhoudt (L. V.), 2002, Manuel de recherche en sciences sociales, Dunod, 2e éd., Paris
+ Salem (G.), 1998, La santé dans la ville. Géographie d'un petit espace dense : Pikine (Sénégal)., Karthala-Orstrom, Paris
+ Sall (M.), 1996, Les perceptions relatives aux problèmes d'environnement en milieu africain: cas de Yaoundé, Cahiers de l'IFORD n°9 Yaoundé
+ Tricaud (P-M.), 1996, Ville et nature dans les agglomérations d'Afrique et d'Asie, Gret, Paris
+ Valade (B.) et Filleule (R.), 1996, Introduction aux sciences sociales, Puf., Paris + Voye (L.) et al., 1992, La ville : vers une nouvelle définition ? L'harmattan, Paris + Weber (M.), 1986, La ville, Aubier Montaigne, Paris
+ Zoa (A-S), 1995, Les ordures à Yaoundé: Urbanisation, environnement et politique au Cameroun, L'Harmattan, Paris
Revues
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+ Lohani (B. N.), 1990, Les déchets solides pluriels : récupération et recyclage, in Enda Tiers Monde , pp.51-64, Dakar
+ Mouafo (V.), 1999, Les déchets ménagers dans la problématique environnementales au Cameroun. Problèmes, acteurs, pratiques et propositions, in Cahiers de l'Ucac n°4, Pucac/Karthala, pp. 311-324
+ Tessier (S.), 1999, Marginalisation de l'enfant et espace public urbain, in Cahiers de l'Ucac n°4, Pucac/Karthala, pp. 405-412
+ Tonon (F.), 1990, Gestion des ordures ménagères à Cotonou, in Enda Tiers Monde, pp.79-92, Dakar
+ Waas (E.), 1990, déchets urbains, déchets pluriels : propos introductif, in Enda Tiers Monde, pp.7-20, Dakar
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Thèses, mémoires et rapports d'étude
+ BCEOM, 2000, Etude sur l'amélioration de la gestion des déchets solides à N'Djaména, s.é, s.l.
+ BCEOM, 2001, Etude sur l'amélioration de la gestion des déchets solides à N'Djaména, s.é, s.l.
+ BCR, 1995, Recensement général de la population et de l'habitat, volume IV :tome 9, ménages et habitation, AGB , Venise
+ BCR, 1995, Recensement général de la population et de l'habitat, volume IV : analyse Tome 4 migration, urbanisation, AGB , Venise
+ BCR, 1998, Enquête Démographique et de Santé, Tchad, 1996-1997, BCR et Macro International Inc., Claverton Maryland,
+ Dobingar (A.), 2001, Gestion spatiale et construction urbaine. L'assainissement, un révélateur de gestion urbaine à N'Djaména (Tchad), Thèse de doctorat en géographie, Strasbourg
+ Dobingar (A.), 2002, L'Assainissement des villes: le casse-tête de la gestion urbaine , Conférence du CEFOD, Communication, N'Djaména
+ Douassem Ronaye (L.), 1994, Gestion de l'environnement urbain à N'Djaména. Ecrits 2, Base/PPE Financement, N'Djaména
+ FNUAP, 2004, Evolution de la population du Tchad de 1920 à 2000. Les travaux sectoriels vol 1 n°1, PPLS2/UNFPA, N'Djaména
+ Nations Unies, 1993, Action 21 : Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement. Déclarations de principes relatifs aux forêts. Conférence des nations unies sur l'environnement et le développement, Nations Unies, New York
Textes juridiques
+ Secrétariat des services techniques municipaux, s.d., Textes réglementaires municipaux, Secrétariat Général, N'Djaména,
Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
Les facteurs structurant les représentations des espaces urbains et rapports aux ordures
I
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
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II |
Les représentations de l'espace : les images mentales que les individus ont de l'espace influencent son utilisation; et ceci peut expliquer les comportements adoptés vis-à-vis des espaces publics.
Etre natif du milieu : Etre natif d'un lieu peut générer des relations affectives liant l'individu à ce lieu. Il peut se faire que l'individu soit indifférent au cas contrairement.
La durée de résidence en milieu urbain : la durée de vie en milieu urbain permet aux individus de découvrir les fonctions urbaines des espaces publics aménagés.
La propriété : le fait d'être propriétaire d'une maison ou d'une concession peut créer une relation psychoaffective, des attentions particulières à celle-ci. Un locataire et un propriétaire n'entretiennent pas nécessairement les mêmes types de relations avec le milieu de vie.
La durée de logement des locataires d'une maison : Plus on réside dans un milieu, plus on a tendance à se l'approprier et, il peut se faire que le mécanisme précédent se produise chez l'individu.
L'utilisation des poubelles : l'utilisation des poubelles prouve que l'individu a une connaissance des dangers liés à l'insalubrité du milieu de vie. Elle peut, ce faisant, créer des réflexes favorables à l'assainissement du cadre de vie notamment les espaces publiques.
La fréquentation des jardins publics : l'utilisation des espaces verts permet de mettre les individus en contact des dangers dus à son insalubrité.
Le sexe : nous retenons le sexe comme indicateur car dans la société où nous faisons notre recherche les hommes et les femmes sont différemment mis en contact avec les ordures ménagères. On sait par exemple que c'est aux femmes que les hommes réservent les travaux ménagères de façon générale. Ainsi on peut soutenir que les femmes sont plus couramment en contact des déchets de consommation provenant des travaux de cuisines qui leur sont réservés.
Les institutions éducatives : selon MOHAMADOU SALL (1996;28) « les instituions sont importantes dans la mesure où elles permettent de conserver les normes traditionnelles en matière de préservation de l'environnement; à l'opposé elles peuvent favoriser l'introduction d'idées nouvelles dans la gestion de l'environnement, en rendant au préalable le système culturel plus réceptif. » En d'autres termes les institutions éducatives peuvent aider à faire émerger au niveau des individus des types de perceptions favorables à la protection de l'environnement.
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III |
Le niveau d'instruction : L'instruction dispose l'individu d'une capacité de compréhension des problèmes liés à l'environnement ainsi qu'une capacité de réflexion sur les actions néfastes sur celui-ci et ses conséquences sur la santé des hommes.
Conscience communale : elle est perçue comme la reconnaissance par les individus d'appartenir à une commune. C'est le sentiment d'appartenance que ressentent les individus d'une commune et qui est susceptible de les mobiliser autour d'une activité d'intérêt communale. On le remarquera à travers la participation à la vie communale sous diverses formes et notamment celle des travaux d'assainissement des quartiers.
IV
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX MENAGES
I. IDENTIFICATION
I.1 Nom
I.2 Age
I.3 Sexe
I.4 Situation matrimoniale
I.5 Quartier
I.6 Niveau d'instruction
I.7 Religion
I.8 Quelle fonction exercez-vous ?
I.9 Depuis combien de temps habitez-vous à N'Djaména ?
2.10 Où habitez-vous avant de venir à N'Djaména ?
- Autre ville
- Village
1.11 Habitez-vous dans votre maison ou êtes-vous locataire ?
II REPRESENTATIONS DES ESPACES URBAINS PUBLICS ET PRIVES
2.1 Comment définissez-vous l'espace public ?
2.2 Quels sont les exemples d'espaces publics que vous connaissez :
- Dans votre quartier ?
- Dans votre arrondissement ?
- Dans la ville de N'Djaména?
2.3 A votre avis à quoi servent ces espaces publics ?
2.4 Fréquentez-vous des espaces publics, Lesquels ?
2.5 Que faites-vous dans ces espaces ?
2.6 Que pensez-vous de la gestion des espaces publics à N'Djaména ?
2.7 Comment définissez-vous l'espace privé ?
2.8 Que représentent pour vous vos espaces privés ?
2.9 Quels dangers représente pour vous l'insalubrité ?
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V |
__
3.1 Qu'est-ce qu'une ordure ?
3.2 Et une ordure ménagère ?
3.3 Qu'est-ce qu'un déchet ?
3.4 Comment appelez-vous ordures dans votre langue maternelle ?
3.5 Connaissez-vous des adages, proverbes, blagues, humours etc. portant sur les ordures,
les déchets ou contenant ces mots ?
3.6 Qu'est-ce qu'une poubelle ?
3.7 En avez-vous ?
3.8 Selon quelle fréquence nettoyez-vous vos espaces privés ?
3.9 Que faites-vous de vos ordures ménagères ?
3.10 Etes-vous membre d'un comité d'assainissement ?
3.11 Pourquoi abonnez-vous à ce comité d'assainissement ?
3.12 Pourquoi n'êtes-vous pas abonné à un comité d'assainissement ?
3.12 Quelle est la fréquence de pré-collecte de vos ordures par les éboueurs de votre Comité
d'assainissement ?
3.13 Etes-vous satisfait du service que vous offre le comité d'assainissement
3.14 Que pensez-vous de la gestion des ordures ménagères ?
3.15 La mairie réalise-t-elle des activités d'assainissement dans votre quartier ? Lesquelles ?
3.16 Existe-t-il des bacs à ordures dans votre quartier ? Sont-ils vidés et par qui ?
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VI |
GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX RESPONSABLES DU
SERVICE
D'HYGIENE ET DE SANTE PUBLIQUE
1 Comment définissez-vous la notion de gestion des ordures ménagères ?
2 Existe-t-il des textes réglementant la gestion des ordures ménagères dans l'ensemble du territoire national ?
3 Quels sont les moyens dont votre service dispose pour réaliser cette gestion :
- matériels ?
- financiers ?
- humains ?
- techniques ?
4. Quelles sont vos prévisions budgétaires et quel est votre budget effectif ?
5. Quelles régions de la ville votre service couvre en matière d'enlèvement des ordures ménagères ?
6. quels problèmes identifiez-vous dans la gestion des ordures ménagères à N'Djaména :
- au niveau de votre service ?
- au niveau des ménages ?
- au niveau des comités d'assainissement
- au niveau des autres producteurs particuliers des déchets ménagers ?
7. Quelle gestion les ménages font-ils des bacs que la mairie met à leur disposition ?
VII
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
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VIII
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad)
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) IX |
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TABLE DES MATIERES |
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SOMMAIRE I |
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CARTE DE LA VILLE DE N'DJAMENA II |
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ABREVIATIONS III |
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LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUE V |
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LISTE DES ANNEXES VI |
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DEDICACE VII |
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REMERCIEMENTS VIII |
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RÉSUMÉ VIII |
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SUMMARY XI |
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AVANT-PROPOS XIII |
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INTRODUCTION 1 |
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2.1. Problématique 8 |
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2.2. Hypothèses 12 |
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2.3. Modèles d'analyse 14 |
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2.4. La collecte des données 15 |
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2.5. L'échantillon 16 |
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2.6. Le champ de l'étude : N'Djaména 17 |
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CHAPITRE I : CONNAISSANCES CONCEPTUELLES ET THEORIQUES 20 |
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2.1. Déchets solides 32 |
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2.2 Ordures ménagères 33 |
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2.3 Décharge 34 |
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CHAPITRE II GESTION DES ORDURES MENAGERES A N'DJAMENA 35 |
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TERRITOIRES, MOYENS ET TECHNIQUES 46 3.1. Les ménages 47 |
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) X |
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__ 3.1.1. Du balayage des espaces privés a l'élimination par brûlage des ordures ménagères 48 |
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3.1.2. Du balayage à la pré-collecte. 49 |
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3.2. Les comités d'assainissement 49 |
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3.2.1. Contexte de création des comites d'assainissement 50 |
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3.3. La gestion des ordures produites par les établissements industriels et publics 55 |
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3.3.1. Les groupes hôteliers 55 |
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3.3.2. Les industries agro-alimentaires. 55 |
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3.3.3. Les centres hospitaliers 56 |
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3.4. La mairie 57 |
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3.4.1. Les textes Juridiques 57 |
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3.4.2. Le ramassage des ordures ménagères : un petit historique 58 |
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CHAPITRE III REPRESENTATIONS ET USAGES DES ESPACES URBAINS 60 |
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REPRESENTATIONS DES ESPACES PUBLICS ET CONDUITES SUBSEQUENTES 62 1.1. Espaces publics/ Espaces appartenant à l'Etat 63 |
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1.2. Espaces publics/ Espaces appartenant à tout le monde 65 |
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1.3. Espaces publics/Espaces, Endroits vides 67 |
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II. REPRESENTATIONS DES ESPACES PRIVES ET CONDUITES SUBSEQUENTES 68 2.1. Le « chez soi » 69 |
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2.2. Où finit le « chez soi » et où commence l'espace public ? 71 |
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CHAPITRE IV : LES FACTEURS STRUCTURANT DES REPRESENTATIONS DES ESPACES ET |
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RAPPORTS AUX ORDURES MENAGERES 74 |
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I. ESPACES PUBLICS : UN FAIT URBAIN EN MARGE DE L'URBANISATION 75 1.1. Des espaces urbains sans aménagement 75 |
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1.1.1. La non application de la réglementation des espaces urbains 75 |
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1.1.2. Des espaces non aménagés et non fréquentés 77 |
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1.1.3. - Quand l'anonymat de la ville favorise la reproduction de certaines habitudes rurales d'investissement |
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des espaces. 78 |
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1.1.3.1. Espaces publics : lieu de rite, d'aisance et décharges publiques ? 78 |
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1.1.3.2. S'agissant des rites thérapeutiques 78 |
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1.1.3.3. S'agissant de l'usage des espaces publics comme lieux d'aisance 79 |
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1.1.3.4.. Utilisation des poubelles et rejet des ordures dans les espaces publics 81 |
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RAPPORTS AUX ORDURES 83 2.1.Insalubrité volontaire : incivisme ou protestation politique 83 |
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2.2. Gestion des espaces, gestion des ordures ménagères : au croisement des contraintes géologiques. 87 |
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2.2.1. L'ambivalence du NIMBY 89 |
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CONCLUSION 93 |
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BIBLIOGRAPHIE 95 |
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ANNEXES I |
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ANNEXE 1 : INDICATEURS II ANNEXE 2 : GUIDE D'ENTRETIEN IV ANNEXE 3 : PLANCHE DE PHOTOS VII TABLE DES MATIER . IX |
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NOTE DE L'AUTEUR . I |
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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à N'Djaména (Tchad) |
I |
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Note de l'auteur
Lesréflexionsquenousavonstentédemenerausujetdesreprésentationsdesespacesurbainsetdesorduresménagèresontpermisdeconstater toutpremièrementla complexitédusujetchoisi.Et le défia consisté,dansun premiertempsà identifierlesdifférentesreprésentationsdesespacesurbains, publicsetprivéstelsquenouslesavonsdistinguésainsiquelesreprésentationsdesorduresménagères.Ensecondlieuil s'agitd'établirlesliensdecausalité possiblesquiexistententrecesreprésentationsetlagestiondesorduresménagères.
En somme,il s'estagipournousdecomprendreetd'expliquerunfaitsocialà l'oeuvredansunesociétéenpleindéveloppementurbain.Etune chosenousestapparueévidente: lesespacesurbainsviventsousdesimagesmentales.En tant quesupportsprivilégiésdesactivitésdeshommes,ilssont diversementperçuset valoriséspar ceuxqui les habitentou les mettenten valeur ...A la fonctionnalitédesespacesquiparticipentde la formationdes représentationsdesespacesurbains,s'ajoutentuneorganisationetunegestiondesespacesurbainsquinefournissentpratiquementaucunrepèreauxcitadins n'djaménoisen quêtedesensà cenouvelenvironnementen pleindéveloppement.Lesespacespublicsurbains,qu'ilssoientdéfiniscomme« espacesde l'Etat», « espacesde tout le monde» ou « espacesvides», ont en communle fait de ne pas êtreperçusà traversdesfonctionsurbainesde divertissement,d'esthétique,de ventilationurbaine,de circulation,de commerce,de sport, (partagéespar les populationsurbaines) ...Ceciproduitune désorganisationsocialequi affectel'assainissementdesditsespacescar il y a inadéquationentrecesfonctionsurbaineset les usagesquesuggèrentles représentationsdesditsespacesparsesconsommateursquotidiens.Orcesderniers,enplusdeleurréglementation,suggèrentdesnormesdesalubritéimposables et quis'imposentd'aileurstrèssouventd'eles-mêmesà l'ensemblede la communautéurbaineparticulièrementlorsqu'ilsbénéficientd'unassainissement régulier.En absencedoncde ce modèlequi accompagnele développementurbain, les représentationsqui se constituentautorisentpourl'essentieldes investissementsdesespacesurbainssansunevéritableresponsabilitédespopulationsurbaines40quantà leurassainissement...
Lesespacesurbainssontenoutregérésenfonctiondescontraintesnaturelesquel'ony rencontre.Nousavonspuvoirquecomptetenudeleur géomorphologieet deleurgéologie,ony accueiledesorduresqu'onattendenréalitéailleursdansdesterritoiresprévusà cetefet.D'oùl'ambivalencedu
conceptdeNIMBYquenousavonsdéveloppé. Entoutcas,laG.O.Mà N'Djaménaseréaliseenmargedelagestiondesespacesurbains.Or...
NguéyanoubaEmmanuelestnééle lundi,18 juin 1979 à Koumraau Tchad. Il a fait ses étudessecondairesaulycée-colègejésuiteSt CharlesLwangade Sarh (Tchad)oùil a obtenuson BaccalauréatA4 en juin2000. Il est admisà la FacultédesSciencesSocialesetGestionde l'UniversitéCatholiqued'AfriqueCentraleoù il obtientunemaîtriseen Socio-anthropologie.Il prépareactuelementun Masteren Développementet ManagementdesProjetsenAfriquedansla mêmeuniversité.
40 Qui sont d'ailleurs une sorte de citadins hybrides ; peut-on dire des néo-citadins en quête de citadinité ?