Genève, octobre 2007
Mémoire de Baccalauréat Universitaire en
Gestion d'Entreprise
Enjeux de la Grande
Distribution Helvétique
« Analyse socio-économique et
stratégique de l'évolution des acteurs de la grande distribution
alimentaire en Suisse »
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely
Direction : Professeur Yves Flückiger
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 1
* Tribune de Genève du 13 janvier 2007
*
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
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Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 2
INTRODUCTION DU MARCHE SUISSE 4
ENTREE ET SORTIE D'ACTEURS SUR LE MARCHE
SUISSE
DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE 6
REWE SUISSE 6
CARREFOUR 8
RETROSPECTIVE DES CONCENTRATIONS 10
GLOBUS 10
JUMBO 10
WARO ET RAST HOLDING 10
EPA, UNIPRIX 12
LES VALAISANS, PAM, MAGRO ET USEGO 13
PICK-PAY 14
DENNER 14
LA DEFERLANTE ALLEMANDE : AUBAINE OU MENACE ?
16
IMPORTANCE DU RESEAU 17
TAILLE ET OFFRE DES MAGASINS 19
COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS ET NOTORIETE DE MARQUE 21
LA STRATEGIE ANGLAISE DE MIGROS ET DE COOP 23
TROUVER DES EMPLACEMENTS 24
MAUVAIS MOMENT ? 26
CONCLUSION 27
LA REACTION STRATEGIQUE DES ENTREPRISES 29
LES STRATEGIES DE CROISSANCES 29
STRATEGIES D'ASSORTIMENT 31
AUTRES POLITIQUES EMPLOYEES PAR LES DISTRIBUTEURS 33
SEGMENTATION DES CLIENTS ET SOCIETE MULTIOPTIONNELLE
37
PREMIER PRIX 37
PRIX BAS 38
PRIX MOYEN 39
PRIX PREMIUM 39
NIVEAU DE CENTRALISATION ET STRUCTURE DE DISTRIBUTION
41
T'ES MIGROS OU T'ES COOP ? 43
COOP 44
MIGROS 44
DENNER 45
« LA COOPERATIVE » : UNE SPECIALITE SUISSE
46
AU-DELA DE NOS MONTAGNES, UNE AUTRE CONFIGURATION ?
48
LE BENELUX 48
LES PAYS SCANDINAVES 49
LE ROYAUME-UNI 50
EN CONCLUSION : UTILITE DE LA COMPARAISON 51
LA VALAISANNE HOLDING , UNE HISTOIRE A LA «
VALAISANNE » 53
LA, OU L'HOMO OECONOMICUS DEVIENT SENTIMENTAL
56
LES CONDITIONS DE TRAVAIL 56
LE CADRE DE L'ACHAT 57
LE MANQUE DE CHOIX 58
L'ETHIQUE 59
COMPARAISON DES RAPPORTS DE GESTION ENTRE MIGROS ET
COOP 62
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RELEVES DE PRIX 63
LA GRANDE DISTRIBUTION HELVETIQUE A TRAVERS LA BOULE DE
CRISTAL 64
UNE SOCIETE MIGROS - COOP 66
UNE NOUVEAUTE DE L'ETRANGER ? 68
STRUCTURES, PERFORMANCES ET CONCLUSION 70
LES STRUCTURES DU SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION EN
SUISSE 70
L'atomicité 70
Indice d'Herfindhal-Hirschmann (HHI) 70
L'homogénéité 73
La transparence 73
La libre entrée/libre sortie 74
ANALYSE DE LA PERFORMANCE 75
LE PROFIT ET LE TAUX DE RENDEMENT 75
L'intensité d'innovation 76
La diversité des produits 76
LISTE DES CONTACTS 77
ENTRETIENS PERSONNELS 77
CONTACTS PAR VOIE ELECTRONIQUE 77
BIBLIOGRAPHIE 78
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page
4
Introduction du marché suisse
Waro, EPA / UNIP, ABM, Pick-Pay, Primo, Vis-à-Vis,
Magro, Jumbo, Grand-Passage / Innovation / Jelmoli, bientôt Carrefour :
Toutes ces enseignes suisses de grande distribution alimentaire nous les
connaissions, nous les fréquentions, elles font partie du paysage des
magasins alimentaires suisses. Plus exactement elles faisaient partie du
paysage car elles ont toutes disparu ou ont annoncé leur intention de
disparaître de notre pays si particulier en termes de grande
distribution.
Ces quinze dernières années, nous avons
assisté à de très nombreuses fusions et absorptions, une
concentration et disparition d'acteurs de la grande distribution qui
inquiètent les consommateurs et qui sont le résultat d'une suite
stratégique et politique qu'il aurait fallu limiter ou
réglementer trente ans plus tôt.
Le marché suisse de la grande distribution alimentaire,
soit l'ensemble des magasins qui vendent des produits alimentaires de
catégories multiples (viande, biscuits, pâtes), des produits
manufacturés (boîtes de conserves, barquettes) mais
également des produits d'utilisation courante comme des produits
d'hygiène ou d'entretien, est très particulier en termes de
comparaison internationale. En effet, nulle part ailleurs dans les pays
industrialisés, deux groupes détiennent à eux seuls
près de 90% du marché. Ces deux groupes sont devenus tellement
présents dans la vie des consommateurs suisses que la
société les a affublé d'un déterminant ou de divers
surnoms : la Migros, connue également sous le nom de « géant
orange » et Coop sous celui de « la Coop » ou la «
Coopé ».
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Notons que ces deux entreprises sont hautement
appréciées des citoyens suisses et qu'elles jouissent d'une
très bonne image en termes de sérieux, environnement,
avant-gardisme, service, qualité des produits, prix attrayants. Il
semble impossible d'imaginer une Suisse sans Coop et Migros.
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Ces deux entreprises de forme coopérative rythment
presque chaque jour un peu plus la vie des citoyens suisses. Elles ont une
forte influence politique et possèdent en plus de leurs magasins
homonymes une multitude d'autres acteurs du commerce de détail suisse.
Il est impossible de vivre en Suisse sans consommer Migros ou Coop !
Régulièrement ces deux coopératives investissent de
nouveaux marchés, se livrant officiellement une rude bataille
concurrentielle dans des domaines de plus en plus larges, en l'occurrence :
Électronique, Hi-Fi vidéo, Électroménager, Grande
distribution alimentaire, Téléphonie, Assurances, Banques,
Bricolage, Ameublement, Jardinage, Luminaires, Parcs de loisirs, Stations
d'essence, Grands Magasins citadins, Cartes de crédit, Culture et
Spectacles, Dépannage routier, Librairies, etc...
En tant que coopératives, Migros et Coop
possèdent également des entreprises de production ou de
transformation de denrées alimentaires très diverses qui couvrent
pratiquement toute la gamme possible de l'alimentaire transformé. Ces
deux entreprises, de par leur implantation dans la vie économique suisse
et les très nombreux emplois qu'elles génèrent, ont un
poids économique et surtout politique dont les médias ne parlent
que peu ou pas.
Ces géants suisses sont inquiétés par la
venue annoncée de deux acteurs allemands, Lidl et Aldi, des magasins de
maxidiscompte (Hard discount), qui suivent une politique agressive de prix
bas.
Ces deux groupes allemands ont une force financière
éminemment plus importante que Migros et Coop et bien que ces deux
entreprises n'aient pas à craindre une faillite, il se pourrait que
leurs importantes parts de marché dans le secteur alimentaire, diminuent
quelque peu.
La seule annonce de la venue d'Aldi et Lidl a suffi à
réveiller ou accentuer la concurrence entre les deux géants
suisses. Existe-t-il un duopole ou une entente cartelaire sur les prix, la
concurrence est-elle efficace dans le secteur de la grande distribution
alimentaire, qu'en est-il pour le consommateur en termes de prix mais aussi de
qualité des produits, de choix, d'innovation, de goût, et qu'en
est-il pour les producteurs indépendants des grands groupes
internationaux ou de nos deux coopératives ?
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Entrée et sortie d'acteurs sur le
marché suisse
de la distribution
alimentaire
Pendant très longtemps, le marché suisse,
protégé et difficile d'accès pour les entreprises
étrangères (normes particulières, frais de douanes, etc.),
à été exclusivement en mains suisses. Cependant certains
acteurs étrangers, tous beaucoup plus importants que Migros et Coop, ont
tenté une intrusion en Suisse :
Rewe Suisse
Rewe, groupe allemand, a racheté le 11 juin 2003 le
troisième groupe suisse du moment soit « Bon Appétit Group
» qui venait de revendre son magasin en ligne « LeShop »
à Migros car il avait de la peine à démarrer. Bon
Appétit Groupe possédait les enseignes « Pick-Pay » et
« Magro » ; cette dernière étant surtout
présente en Valais, ainsi que le groupe de distribution de
proximité Usego avec ses enseignes « Primo » et «
Vis-à-Vis ».
Rewe s'est vite rendu compte qu'aucun développement
n'était possible à terme avec Bon Appétit Group.
|
Les enseignes Pick-Pay étant principalement
situées dans des bâtiments Migros avec des baux Migros, Pick-Pay
agissait comme complément à Migros qui ne vend pas d'alcool ni de
cigarettes et ne vend pratiquement que des marques distributeur. Pick-Pay
vendait quelques marques « Phares », du vin, de l'alcool et des
cigarettes.
|
De son côté, les magasins « Magro »
sont à mi-chemin entre un dépôt de gros pour professionnels
(même modèle que le groupe « Aligro » à
Genève) et les magasins grand public. Magro avait 10 magasins sous son
enseigne et était présent surtout en Valais et dans
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quelques cantons romands. Sans grande évolution depuis
1996, Bon Appétit Groupe à acquis Magro en 2000 et ouvert 3
magasins.
Rewe a tenté de transformer les Pick-Pay en
mini-discompte avec des produits d'appel premier prix de marque et la ligne
« Clever ». Le projet de lancer l'enseigne « Penny Market »
(Maxi-discompte de Rewe) en transformant les Pick-Pay a également
été étudié.
Le groupe Rewe s'est résolu à vendre sa branche
suisse en cédant les principaux Pick-Pay à Denner (Rast Holding,
Phillipe Gaeydoul), avec la bénédiction de la Migros, et les
Pick-Pay franchisés ou les Pick-Fresh à « La Valaisanne
Holding » (LVH) propriétaire des magasins valaisans : PAM (Produits
Alimentaires Martigny).
Rewe à également revendu son pôle Usego de
Suisse romande à LVH avec les enseignes « Promo » et «
Vis-à-Vis » de Suisse romande qui ont été
intégrées au réseau PAM.
Le pôle suisse alémanique de Usego ainsi que les
enseignes « Primo » » et « Vis-à-Vis » de
Suisse alémanique ont été cédées aux
magasins « Volg », qui appartiennent à une troisième
importante coopérative suisse, la FENACO, Société
Coopérative des agriculteurs suisses. Elle possède entre autres
les magasins « Landi ». les stations services « Agrola » et
Unidrink SA qui lui, détient entre autres les jus « Ramseier »
et « Granador », les eaux « Elmer » et la licence suisse
pour « Pepsi » et « Sinalco ».
En novembre 2004, les magasins « Magro » ont
été cédés à un investisseur français,
Monsieur Paul-Louis Chailleux possédant plus de trente ans
d'expérience dans la grande distribution et propriétaire en
France de plusieurs supermarchés sous enseigne franchisée «
Casino » (5ème groupe en France, derrière Leclerc,
Carrefour, Auchan et ITM-InterMarché). « Peu après, la
direction valaisanne du groupe avait démissionné en bloc, en
désaccord avec la stratégie du nouveau patron. »1
En décembre 2004, les produits Casino et Premier Prix
Casino arrivent en rayons et au cours du printemps 2005, l'ensemble des
enseignes « Magro » deviennent « Casino » (en
franchise).
1 TSR-INFO. (24 février 2005). Consulté le 20
septembre 2007 sur le site
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200000&wysistatpr=www.tsrinfo.ch
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-- Pick-Pay -) Denner
-- Pick-Pay Partenaire, Pick-Fresh --) PAM/LVH
-- Usego Suisse romande Primo, Vis-à-Vis --) PAM/LVH
-- Usego Suisse alémanique Primo, Vis-à-Vis --)
Volg
-- MAGRO --) Vendu à Paul-Louis Chailleux sous
franchise « Casino »
Carrefour
|
|
|
Au début des années 1990, le groupe
français Carrefour (Hypermarché Carrefour) a tenté une
entrée en Suisse avec deux hypermarchés en Suisse romande, un
à Lausanne et un à Bienne. En 1991, Carrefour s'est retiré
et a revendu ses deux hypermarchés à Migros.
|
A noter qu'à l'époque, les années 90,
Carrefour n'avait pas fusionné avec le français «
Promodès » (Hypermarché Continent, Supermarché
Champion) et était le numéro 6 mondial. C'est par la suite, en
1998, que Carrefour a racheté les « Comptoirs modernes »
(Supermarché : Stoc) et est ainsi passé du numéro 6 au
numéro 4 mondial devant Metro et Sears. En 1999, Carrefour a
fusionné avec son principal concurrent « Promodès »
pour éviter une éventuelle OPA de Wal-Mart sur les deux leaders
français, et devient numéro 2 mondial et numéro 1
européen. Suite à la fusion, les enseignes « Continent
» et « Stoc » ont été abandonnées.
Le 2 octobre 2000, Carrefour alors numéro 2 mondial
derrière Wal-Mart et numéro 1 européen, signe une
participation conjointe avec le groupe Maus Frères (« Jumbo »,
« Manor », « Athleticum », « Lacoste ») dans
Distributis, propriétaire des hypermarchés « Jumbo
».
Carrefour prend 40 %, puis plus tard 50% de Distributis. Le
1er janvier 2001, les 11 hypermarchés « Jumbo » passent sous
l'enseigne « Carrefour ». La majorité des produits est
confectionnée spécialement pour Distributis et a
été reprise des magasins Jumbo. Carrefour a amené sa
stratégie de marketing, certains produits à bas prix et
mène une politique de
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promotion à la semaine avec un journal distribué
en tout ménage, sur le modèle de ce que fait pratiquement chaque
enseigne.
Le 21 août 2007, Carrefour et son associé Maus
Frères ont annoncé la cession des 12 hypermarchés
Carrefour de Suisse au groupe Coop pour 470 millions de francs suisses. 2200
collaborateurs sont concernés. En 2006, Carrefour Suisse
représentait 1,1 % du marché en volume pour un chiffre d'affaires
de 950 millions de francs. Cette cession à Coop doit encore recevoir
l'aval de la Commission suisse de la Concurrence.
Carrefour international à décidé de
quitter le pays car il n'est pas numéro 1 ni numéro 2, ceci en
accord avec sa nouvelle politique stratégique. A son arrivée, le
groupe français avait annoncé la construction d'un
hypermarché par an. Or, en 7 ans, un seul hypermarché a
été ouvert. La difficulté de construire et les
spécificités suisses en termes de normes techniques ont fortement
empêché le développement de Carrefour en Suisse.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 10
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Rétrospective des
concentrations
Globus
Migros reprend le groupe Globus en 1997 et par-là
l'enseigne « ABM, Au Bon Marché ». Sur le même segment
que l'EPA/Unip, « Grand Bazar » bon marché. Les
bénéfices d'ABM s'érodent régulièrement pour
atteindre un chiffre négatif en 2001. Après analyse il ressort
qu'un fort investissement serait nécessaire pour relancer les ventes de
cette chaîne et que son principal concurrent EPA est mieux placé
sur le secteur des Grands Magasins à bon prix qu'ABM. Le Groupe
Globus/Migros décide alors en 2001 de repositionner les magasins ABM
avec d'autres concepts : en magasins de mode Oviesse, drogueries Estorel,
Coffee-Shops Nannini, ou transformé en Globus. En 2003, constatant
l'échec du repositionnement des magasins ABM, Globus/Migros se
séparent des surfaces de ventes.
Jumbo
Le 2 octobre 2000, Carrefour reprend les marchés «
Jumbo » en participation conjointe dans Distributis avec « Maus
Frères », propriétaire de « Manor ».
Waro et Rast Holding
Le 1 janvier 2003, les 10 Hypermarchés, 15
Supermarchés, 3 marchés, 13 stations services, 15 restaurants et
les actifs immobiliers de « Waro », de couleur Verte et Jaune (un
bâtiment aux couleurs « Waro » est présent le long de
l'autoroute Genève Lausanne au niveau de Gland), ont été
vendus à Coop.
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Waro faisait partie de Rast Holding S.A . (100% Famille
Gaeydoul) qui possédait à l'époque les discomptes
(discount) « Denner » et les magasins de jouets « Franz Carl
Weber » vendus en 2006 au français « Ludendo ».
Cette opération a permis à Coop de mettre la
main sur 22 magasins en Suisse alémanique et 6 en Suisse romande et
surtout, de rattraper son retard dans les surfaces de 1500 à 5000
m2 et ainsi d'abandonner plusieurs projets de construction.
(Consulter les graphiques de la répartition des magasins Coop en
annexe).
Coop a déclaré à l'époque que les
emplacements pour grandes surfaces étaient rares en Suisse et souvent
déjà construits. De plus les procédures d'autorisation de
construction sont longues2.
À la suite de cette vente, Rast Holding S.A. sous la
conduite de son célèbre patron Phillipe Gaeydoul, a fortement
investi dans la rénovation et l'amélioration de Denner,
transformant ses magasins plus proches à l'époque d'un
maxidiscompte de marque, on parlait alors de 600 références, en
magasin discompte possédant plus de références (1'400
références) et en réintroduisant fortement des marques
à hauteur de 75%3.
Des produits laitiers et du pain frais ont fait leur
apparition et par la suite des fruits et des légumes sur la base,
semble-t-il, d'un modèle développé en France par le groupe
Carrefour avec ses magasins de discompte « ED, l'épicier » et
les produits « Dia % ». Denner à créé sa marque
de distributeur (MDD) « Denner » vendant ainsi ses produits premier
prix a côté de produits de marques. Par exemple, les yaourts
Denner et les yaourts Hirtz de Nestlé, du café soluble Denner
à côté du café de marque.
De par cette revalorisation de ses enseignes et un
repositionnement stratégique bien en phase avec ce qui se faisait
à l'étranger, Denner a enregistré ces dernières
années une hausse de son chiffre d'affaires/parts de marché bien
plus importante que la moyenne et atteignant parfois les 2 chiffres. (+11.8 %
en 2004)4
2 Communiqué de presse Coop
3 PROMARCA. (2002). « Rapport annuel de Promarca 2002.
» Consulté le 2 octobre 2007 sur le site
http://www.promarca.ch/
4 TSR-INFO. (05 septembre 2005). Consulté le 23 septembre
sur le site
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200000&wysistatpr=www.tsrinfo.ch
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EPA, Uniprix
EPA, mais également Grands Magasins S.A., Uniprix,
l'Unip, une enseigne aux noms multiples selon les époques et la
région linguistique. « On trouve tout à l'Unip » «
l'EPA c'est l'Unip » sorte de magasin « Grand Bazard » sur le
modèle de la « Samaritaine » ou du BHV (Bazard de
l'hôtel de Ville) à Paris.
Les magasins EPA étaient implantés dans les
centres-villes et étaient réputés pour leurs prix bas sur
la quincaillerie, les parfums, les cosmétiques, les jeans et les habits,
etc.
Les magasins EPA entrent dans le cadre de cette étude
car comme tout Grand Magasin ils faisaient également marché
alimentaire. Bien que la vocation première des Uniprix n'était
pas l'alimentaire, cette dernière fait partie d'une obligation qui veut
que l'on puisse faire ses courses en même temps que ses achats.
|
EPA a été fondé dans les années
1930 et était détenu par Oscar Weber Holding (OWH) du nom du
fondateur d'EPA. OWH est la propriété de trois familles. En 2002
OWH est démantelé, les activités immobilières sont
transférées à Swissville (groupe Rentenanstalt), les
magasins EPA sont repris à 100% par la famille Buhofer. Les 90 magasins
franchisés « EPA/Superdiscount » sont remis à Bon
Appétit Groupe et passent sous enseigne Pick-Pay.
|
En avril 2002, la famille propriétaire d'EPA S.A. et
Coop signent un partenariat. Coop prend 40 % de EPA S.A. et une option sur la
majorité du capital à utiliser entre 2004 et 2009. Coop
gèrera les achats et la vente « nourriture » des 39 magasins
EPA et de ses 22 restaurants. Cette prise de participation est annoncée
comme un rapprochement stratégique dans le but de renforcer la position
des deux enseignes et de devenir numéro 2 dans le domaine des «
Grands Magasins » derrière « Manor ». Il est
annoncé dans le communiqué de presse que « EPA reste EPA
». Les enseignes EPA sont conservées.
Il est annoncé le 30 novembre 2002 qu'à compter
du 1er janvier 2003, les magasins EPA seront progressivement
transformés en un nouveau concept de Grands Magasins et porteront le nom
de la marque de tutelle « Coop City » tout en conservant leur
autonomie. La nouvelle
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 13
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Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 14
direction des magasins EPA reste dans une large mesure entre
les mains de responsables EPA. 3 magasins seront fermés : EPA Sion le 30
juin 2004 ; EPA Wetzikon le 1 janvier 2005 et le Coop City Märthof de
Bâle le 30 septembre 2003.
Cette décision semble motivée par le constat que
le segment des petits prix ciblés par EPA n'est plus rentable et n'offre
que peu ou prou de perspectives d'avenir. Il faut repositionner les Grands
Magasins EPA. Le concept des Coop City, Grands Magasins à la sauce Coop
est alors développé.
Le 1er janvier 2004, Coop prend 100% du capital
d'EPA et le 22 juin 2004, Coop annonce la fermeture de 9 ex magasins EPA entre
janvier et décembre 2005: EPA Regensdorf, EPA Volketswil, EPA Brugg, EPA
Granges, EPA Lausanne Métropole, EPA Sierre, EPA La Chaux-de-Fonds, EPA
Kreuzlingen et EPA Vevey. Le 30 novembre 2004, Coop annonce l'ouverture pour
septembre 2005 d'un Interdiscount XXL à la place de l'ex EPA de la
Croix-d'Or à Genève.
Les Valaisans, PAM, Magro et Usego
A l'automne 2004, les magasins PAM sont repris par LVH, une
société fondée peu de temps avant et inconnue
jusqu'à présent, qui fait son entrée dans le secteur de la
grande distribution Helvétique.
|
En novembre 2004, Magro (Bon Appétit Groupe/Rewe) passe
en mains d'un privé français puis, au printemps 2005, sous
franchise Casino.
|
Le 10 février 2005, Usego (Bon Appétit
Groupe/Rewe) : les 77 Primo et les 161 Vis-à-vis de Suisse romande
passent sous enseigne « PAM » ou « Proxi » via LVH en
Suisse romande et le 14 décembre 2004, les 218 Primo et 394
Vis-à- vis de Suisse alémanique sous enseigne « Volg »
via la Coopérative agricole FENACO.
« Bon appétit justifie ces désengagements
par le fait que le commerce de détail en petite surface n'est plus
rentable pour lui depuis plusieurs années. Le nombre de points de
vente
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Genève - Octobre 2007
livrés a reculé de 35 % depuis 1995. Le chiffre
d'affaires d'Usego généré dans le commerce alimentaire de
gros est passé de 700 millions de francs en 1999 à 400 millions
aujourd'hui. »
Pick-Pay
|
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Le 1er novembre 2005, les 75 détaillants
franchisés Pick-Fresh et Pick-Pay partenaires sont cédés
par Bon Appétit Groupe/Rewe à LVH. Ils passeront sous enseigne
PAM et Proxi.
|
Le 5 septembre 2005, Denner reprend les 146 magasins Pick-Pay
a Bon Appétit Groupe/Rewe portant ainsi le nombre de magasins Denner
à plus de 700. « C'est la plus grande acquisition dans l'histoire
de Denner», a déclaré son directeur Philippe Gaydoul. Les
magasins Pick-Pay, toujours situés à proximité des Migros
pour y vendre des produits complémentaires à l'offre de Migros
(vins, alcool, cigarettes, produits phares/stars de marques suisses ou
internationales), passeront sous l'enseigne Denner.
Cette acquisition permet à Denner de devenir le
3ème distributeur suisse après le
démantèlement et la liquidation des activités de Bon
Appétit Groupe par son propriétaire, l'allemand
Rewe.5
Denner
Le 12 janvier 2007, Migros et Denner annoncent sous le slogan
« Denner reste Denner » leur intention de passer Denner sous le giron
de Migros. « Migros rachète 70% du capital du discounter Denner. Le
patron de ce dernier, Philippe Gaydoul, garde les parts restantes et en
conserve la direction pendant au moins trois ans. Le prix de la transaction n'a
pas été dévoilé. Denner restera une entreprise
indépendante et les 3500 emplois sont garantis. »6
5 Les informations de ce chapitre sont issues de trois sources :
http://www.tagesanzeiger.ch/dyn/news/wirtschaft/393987.html
http://www.kvschweiz.ch/sw739.asp
http://classic.facts.ch/dyn/magazin/wirtschaft/766168.html
6 TSR-INFO. (12 janvier 2007). Consulté le 15 octobre 2007
sur le site
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200700&sid=7423756
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 15
Le 3 septembre 2007, « La Comco, tout en donnant son
aval, a énoncé cinq conditions, dont la plupart sont valables
sept ans, du moins tant que les hard discounters allemands Aldi et Lidl
n'auront pas ouvert ensemble au moins 250 magasins. La première consiste
à maintenir l'indépendance de Denner, notamment du point de vue
de l'identité visuelle. Migros doit s'engager à ne racheter aucun
autre détaillant dans le secteur alimentaire en Suisse. «Nous
n'achèterons donc ni Coop ni Aldi», a ironisé Herbert
Bolliger. Les administrateurs de Denner devront être majoritairement
autonomes à l'égard du géant orange. De plus, Migros n'est
pas autorisé au cours des trois prochaines années à ouvrir
des magasins M-Budget, ce qui reviendrait à créer une nouvelle
chaîne de discounts. Enfin, des restrictions sont posées au niveau
de l'approvisionnement, en vue notamment de ne pas pénaliser les petits
et moyens fournisseurs suisses. »7
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7 ATS. (4 septembre 2007) Consulté le 15 octobre 2007 sur
le site
http://www.romandie.com/infos/news2/200709041631000AWPCH.asp
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 16
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La déferlante allemande : aubaine ou
menace ?
Depuis quelques années déjà, on parle
beaucoup de l'entrée, et pour les nommer tout de suite : Aldi et Lidl,
des Hard Discounters allemands sur le marché suisse. La presse et les
médias en ont parlé abondamment et en ont fait ainsi un sujet de
discussion important, qui a constitué de ce fait une bonne
publicité pour les deux distributeurs tudesques, publicité de
surcroît gratuite8.
Certains voient dans cette entrée une aubaine pour
toute l'économie suisse, au travers de la baisse des prix dont
bénéficieraient les consommateurs9 ; d'autres, en
revanche, appréhendent l'arrivée des Allemands, soit parce qu'ils
craignent pour la qualité de l'alimentation10, soit parce
qu'ils ont peur pour la condition sociale des employés.11
Actuellement (été 2007), il y a 34 succursales
Aldi12 mais aucune succursale Lidl13 en Suisse. Ceci
n'est pas encore beaucoup, mais correspond bien aux stratégies que les
deux hard discounters ont déjà appliquées dans d'autres
pays. Aldi entre sur un nouveau marché par étapes successives
alors que Lidl ouvre généralement d'un coup un grand nombre de
filiales. C'est ainsi qu'on peut s'attendre à une cinquantaine de
succursales Lidl d'ici à la fin 2008. 170 filiales d'Aldi et Lidl
ensemble, sont à cette date déjà planifiées, et vu
que chacun des huit centres de distribution (4 pour Lidl et 4 pour Aldi) peut
approvisionner jusqu'à 60 filiales, on pourrait se retrouver avec 480
filiales dans quelques années. Il semble donc que le petit pays
peuplé « d'irréductibles Helvètes » ne
résistera plus pour longtemps à l'envahisseur (en citant
librement René Goscinny), d'autant plus qu'il est déjà
entouré par des pays qui sont « occupés » par Aldi
(Allemagne, Autriche,
8 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im
Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007
9 PANTZER, A. (25 juillet 2005). « Aldi und Lidl
mischen den Detailhandel auf. » Consulté le 27 juin 2007 sur
le site
http://emagazine.credit-
suisse.com/app/article/index.cfm?fuseaction=OpenArticle&aoid=104775&lang=de
10 UNITERRE. (2004). « La course au dumping des prix ?
» Edito du journal Uniterre du mois de novembre 2004
11 SYNA. (SANS DATE). « Aldi - A la limite de la loi.
» Consulté le 27 juin 2007 sur le site
http://www.syna.ch/secteurs-branches/secteur-tertiaire/commerce-de-details/aldi.html
12 ALDI SUISSE AG. (SANS DATE). Site d'Aldi Suisse.
Consulté le 27 juin 2007 sur le site http://suisse.aldi.com/
13 LIDL. (SANS DATE). Site de Lidl Suisse.
Consulté le 27 juin 2007 sur le site
http://www.lidl.ch/ch/home_fr.nsf/pages/i.home
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 17
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
France) et Lidl (Allemagne, Autriche, France, Italie). Et il y
a de bonnes chances qu'Aldi ne quitte pas de sitôt la Suisse,
étant donné qu'il n'a encore jamais quitté un pays
où il s'était installé, quitte à accepter des
pertes opérationnelles durant les premières années. Lidl a
toutefois déjà abandonné des marchés quand la
situation est devenue trop difficile. Ce fut notamment le cas des pays baltes
et de la Norvège.14
Dans ce chapitre, nous allons faire une projection sur les
parts de marchés attendues de Lidl et Aldi dans les années qui
viennent, en exposant simultanément les enjeux, le risque et
l'utilité de l'arrivée des hard discounters en Suisse.
Importance du réseau
Plusieurs indices nous amènent à croire que les
deux détaillants allemands à prix cassés ne vont pas
réellement bouleverser le marché suisse. Le premier indice est
l'importance du réseau, toute relative comparée au réseau
des magasins Coop et Migros. Nous avons vu qu'Aldi et Lidl ensemble auraient au
maximum 480 filiales, en tenant compte des centres de distribution actuellement
prévus. En comparant cela au nombre de magasins détenus par
Migros (530)15 et Coop (802)16, nous voyons qu'il faut
relativiser l'importance du réseau des hard discounters allemands.
Denner, le concurrent sans doute le plus direct d'Aldi et Lidl qui
désormais appartient à Migros, détient quant à lui
727 magasins17 (y compris les Denner Satellite). De ce fait, tout en
n'étant pas en nombre ridicule, la quantité des magasins Aldi et
Lidl est plutôt restreinte par rapport aux grands acteurs de la
distribution suisse.
Si on compte 7 523 934 habitants pour la Suisse18
et qu'on envisage 480 filiales Aldi et Lidl, ceci donne 6.38 magasins pour
100'000 habitants. En tenant compte seulement du nombre de 170 filiales
prévues à ce jour, le chiffre se réduit à 2.26
magasins pour 100'000 habitants. En comparant avec l'Allemagne, le pays
d'origine du hard discount, on trouve19 7.85 magasins
14 HEER, G. (12 juin 2007). « Aldi/Lidl: Nun machen
deutsche Discounter ernst. » Handelszeitung du 12 juin 2007.
Consulté le 27 juin 2007 sur le site
http://www.handelszeitung.ch/de/artikelanzeige/artikelanzeige.asp?pkBerichtNr=154785
15 RAPPORT DE GESTION MIGROS. (2006).
16 RAPPORT DE GESTION COOP. (2006).
17 DENNER. (SANS DATE). Site de Denner. Consulté
le 29 juin 2007 sur le site
http://www.denner.ch/de/filialen/filialen_suche.php?1
18 POPULATION DATA. (SANS DATE). Consulté le 30 juin 2007
sur le site
http://www.populationdata.net/europe.php
19 KPMG. (2005). « Der deutsche Lebensmitteleinzelhandel
aus Verbrauchersicht. » P.5
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 18
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Aldi et Lidl pour 100'000 habitants. Et par comparaison avec
la France, on constate qu'il y a 1951 magasins Lidl et Aldi, ce qui donne 3.2
magasins Aldi et Lidl pour 100'000 habitants20.
Il faut bien relativiser ces chiffres concernant l'Allemagne
et la France : dans ces deux pays, Aldi et Lidl font bien partie des hard
discounters les plus importants sur le marché (et même les deux
plus grands en ce qui concerne l'Allemagne), mais ils ne sont pas les seuls
dans cette catégorie. En France, il y a, entre autres, les chaînes
Ed, LeaderPrice, Netto et le Mutant et en Allemagne, nous pouvons citer Netto
et Norma parmi les plus grands. En comptant tous les magasins hard discount,
leur nombre, toutes chaînes confondues, est donc encore nettement plus
élevé.
Ces chiffres nous montrent que le réseau d'Aldi et Lidl
est extrêmement dense en Allemagne, ce qui s'explique par le fait que les
deux distributeurs sont d'origine allemande et que le hard discount est, de
manière générale, très prisé en Allemagne.
En France, le réseau est nettement moins grand, même en tenant
compte des autres distributeurs hard discount. Que pouvons-nous déduire
de ces chiffres pour la Suisse ? En comparaison avec l'Allemagne, le
réseau des Aldi et Lidl sera bien entendu moins grand. Par rapport
à la France, le futur réseau hard discount helvétique ne
sera pas négligeable, bien qu'il faille relativiser les chiffres pour la
France, car celle-ci compte encore d'autres hard discounters sur le
marché, tandis qu'Aldi et Lidl seront les seuls pour la Suisse (vu que
Denner fait partie des soft discounters).
Nous pouvons néanmoins affirmer que si Aldi et Lidl
concrétisaient l'ouverture de plus de 400 magasins, ils disposeraient
d'un nombre de filiales largement suffisant pour faire partie des grands dans
les le commerce de détail suisse, sans bien sûr atteindre les
chiffres de Coop et Migros. Nous constatons donc qu'ils mènent une
attaque relativement sérieuse en Suisse, ce qui leur permettra
d'atteindre assez rapidement une position importante sur le marché, par
la taille de leurs réseaux respectifs.
20 DISTRIPEDIE, L'ENCYCLOPEDIE DE LA DISTRIBUTION. (14 avril
2007). Le Hard-Discount en France : nombre de magasins, surfaces totales et
moyennes par enseigne. Consulté le 04 juillet 2007 sur le site
http://www.distripedie.com/distripedie/spip.php?article149
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 19
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Pour conclure ce paragraphe, nous pouvons donc dire qu'Aldi et
Lidl auront un réseau suffisamment dense et suffisamment bien
réparti sur le territoire national pour être proche des clients
potentiels, sous condition que les emplacements soient stratégiquement
bien choisis. Mais ils ne pourront néanmoins pas concurrencer Coop et
Migros qui restent largement supérieurs au niveau du réseau et
qui ont ainsi une position plus forte sur le marché.
Taille et offre des magasins
Un magasin Aldi a une surface moyenne de 900
m2,21 tandis qu'un Lidl aura une superficie entre
500m2 et 1500 m2.22 Notons que
l'uniformisation extrême des magasins fait partie de la stratégie
de ces deux discounters pour minimiser les coûts. De ce point de vue, ils
ne peuvent donc pas concurrencer les grands distributeurs suisses, car aussi
bien Migros que Coop sont des généralistes qui couvrent le
marché entier grâce à un ensemble de filiales allant du
petit magasin de quartier jusqu'à l'hypermarché et disposant d'un
assortiment adéquat pour chaque commerce, ce qui fait défaut chez
Aldi et Lidl.
En effet, le nombre de références plutôt
restreint (700 références chez Aldi Suisse23), fait
partie de la stratégie des « prix cassés » des hard
discounters. Si l'on compare au nombre minimum d'au moins 2300
références dans les plus petites succursales de Coop24
ou encore au nombre moyen de références dans un magasin PAM
(300025), par exemple, l'assortiment d'Aldi paraît très
maigre. L'offre d'Aldi et Lidl pourra donc au mieux compléter les achats
chez Migros, Coop et compagnie mais pas les remplacer. On pourra
peut-être observer un phénomène semblable à la
réaction provoquée par les produits M-Budget et Coop
PrixGarantie. Car les dernières études du panier de la
ménagère montrent que le consommateur moyen ne se cantonne pas
à l'achat exclusif de produits « bon marché » ou de
produits « de luxe ». Le consommateur choisit en même temps la
ligne premier prix du magasin pour les produits de base, mais ne se prive pas
de mettre aussi quelques produits de
21 KELLER, P. (17 septembre 2006). « Aldi-Offensive
stockt. » NZZ am Sonntag du 17 septembre 2006. Consulté le 04
juillet 2007 sur le site
http://www.nzz.ch/2006/09/17/wi/articleEHAOH.html
22 LIDL. (SANS DATE). Site de Lidl Suisse.
Consulté le 04 juillet 2007 sur le site
http://www.lidl.ch/ch/home.nsf/pages/c.p.ps.immobiliengesuch
23 KELLER, P. (17 septembre 2006). « Aldi-Offensive
stockt. » NZZ am Sonntag du 17 septembre 2006. Consulté le 04
juillet 2007 sur le site
http://www.nzz.ch/2006/09/17/wi/articleEHAOH.html
24 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im
Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007
25 Contact par e-mail avec Mme Sandrine Bujard de
Valrhône-PAM
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 20
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
luxe dans son panier26. Reste à voir si les
consommateurs continuent d'acheter les produits de base dans la ligne
entrée de gamme chez Migros et Coop ou s'ils vont acheter ceux-ci chez
Aldi ou Lidl. Le comportement des consommateurs sera par conséquent
décisif ainsi que l'opportunité pour Aldi et Lidl de s'installer
à proximité des centres commerciaux existants. Nous reviendrons
sur ce point ultérieurement.
Par contre, Aldi et Lidl seront des concurrents sérieux
surtout pour Denner, même s'il est vrai que Denner propose sur une petite
surface un plus grand nombre de références que les Allemands
ainsi que des produits de marque. Bien qu'ayant un assortiment différent
de celui de Lidl et Aldi, Denner se rapproche tout de même de ses deux
concurrents allemands sur certains points : Denner mise aussi prioritairement
sur les prix bas et possède des magasins de petite taille avec une offre
restreinte (p.ex. peu ou pas de produits frais/légumes) qui ne peut
couvrir l'ensemble de la demande alimentaire des consommateurs. Point positif
pour Denner : ses magasins sont souvent situés près d'un centre
commercial Migros et constituent donc une offre complémentaire par
excellence. Ceci s'est avéré d'autant plus évident
après le rachat de la chaîne Pick-Pay par Denner. Denner serait
donc à priori plus fortement menacé par les discounters
allemands, d'autant plus que ceux-ci ont financièrement les
épaules assez larges. Bien qu'après le rachat de Denner par
Migros la situation ait changé, Denner ayant désormais ses
arrières assurés.
Un autre obstacle dans la conquête du marché
suisse par Aldi et Lidl pourrait être le manque de produits Bio et de
produits éthiques. Le consommateur suisse a été depuis
longtemps habitué par Coop et Migros à ce type de produits, les
deux leaders ne laissant, dans certains cas, même pas le choix aux
clients, puisque certains produits ne sont disponibles que sous forme de
produits équitables27. Or, les discounters allemands ne
disposent pas ou très peu de ce type de produits dans leur assortiment,
cela ne faisant pas partie de leur stratégie de ne
26 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien
im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der
Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de
St-Gall. P.32
27 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane,
économiste à la Fédération Romande des
Consommateurs (FRC)
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 21
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
proposer par référence qu'un seul produit au
prix le plus bas. Reste à savoir si le consommateur acceptera le manque
de produits équitables et biologiques. A noter qu'Aldi vend, en
Allemagne uniquement, des produits Bio depuis peu. Sur ce point, notons que
leur principal concurrent Denner n'est pas non plus riche en produits de ce
type, mais qu'il a malgré tout défendu sa place sur le
marché.
Comportement des consommateurs et
notoriété de marque
Le succès ou la non-réussite de Lidl et Aldi
dépendront grandement du comportement des consommateurs. En effet, la
réussite du hard discount dans d'autres pays est souvent due au fait que
les distributeurs ont su répondre aux besoins des consommateurs. Or, la
clientèle suisse est différente de celle des pays voisins. Les
hard discounters devront donc répondre à l'intérêt
des consommateurs pour les bas prix tout en s'adaptant aux
particularités locales. L'intérêt pour les bas prix
étant déjà démontré par le succès des
lignes entrée de gamme créées par Migros et Coop. Ils ont
su ainsi précéder Aldi et Lidl sur leur propre terrain en leur
« coupant l'herbe sous les pieds » ce que confirme leur succès
considérable avec ces gammes de produits28, que le
consommateur apprécie et qu'il trouvera à l'avenir aussi chez
Aldi et Lidl. Le succès que rencontrent ces produits est tel, qu'ils
sont non seulement acceptés et achetés quotidiennement par les
consommateurs, mais sont même devenus « culte », en tout cas en
ce qui concerne la gamme M-Budget. Il est intéressant de constater que
la marque Aldi est devenue « culte » il y a quelques années
déjà en Allemagne, « culte » assez proche de celui
généré par Migros pour les produits M-Budget29.
Il ressort de ce que nous venons d'expliquer qu'il n'est plus nécessaire
pour Aldi et Lidl de créer le besoin pour des produits entrée de
gamme, Migros et Coop s'en étant déjà chargés.
Cependant, ce succès de Migros et Coop est à
double tranchant : d'un côté ils ont su imposer leurs lignes
à bas prix, qui bénéficient d'une bonne acceptation
auprès des consommateurs, ce qui n'est pas encore le cas pour les
produits Lidl et Aldi ; d'un autre côté, les consommateurs
habitués à ce genre de produits, ne se gêneront pas
d'acheter les mêmes chez Aldi et Lidl.
28 LE TEMPS. (24 février 2005). « M-Budget, ou
l'art d'acheter « cool et simple ». » Le Temps du 24
février 2005.
29 STERN. (27 novembre 2002). « Warum ist Aldi so
erfolgreich? » Stern du 27 novembre 2002. Consulté le 4
octobre 2007 sur le site
http://www.stern.de/wirtschaft/geld/index.html?id=350859&nv=cb&eid=501055
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 22
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
L'avenir montrera si Aldi et Lidl seront assez forts en Suisse
pour transférer l'intérêt des clients pour les produits
d'entrée de gamme Migros et Coop sur leurs propres produits. A priori,
Aldi et Lidl ont de bonnes chances d'y parvenir, pour diverses raisons :
d'abord la comparaison avec l'étranger montre qu'Aldi et Lidl savent
attirer les clients chez eux, grâce notamment à des offres
attractives, deux fois par semaine, telles que des ordinateurs, des
vélos ou des portables (dont le stock est d'ailleurs très vite
épuisé30) et qui servent surtout à capter la
clientèle.
Ensuite, il faut savoir qu'Aldi et Lidl misent beaucoup sur la
qualité de leurs produits. Cela peut surprendre à première
vue, mais en Allemagne ces produits sont souvent très bien placés
dans les tests de qualité des organismes de consommateurs tels que la
Stiftung Warentest. Il leur arrive même assez fréquemment de
surpasser les produits de marque31. Ceci constitue par ailleurs une
des raisons pour lesquelles Aldi et Lidl ont su aussi bien s'imposer en
Allemagne. Les clients suisses, friands de produits de bonne qualité, y
trouveront donc leur compte. De plus, Aldi et Lidl ne sont pas vraiment
inconnus pour les Suisses. La Suisse étant un petit pays entouré
d'autres pays où Aldi et Lidl sont déjà bien
implantés. Bon nombre de Suisses domiciliés près de la
frontière, font déjà leurs achats chez Aldi et
Lidl32. Comme nous le voyons, Aldi et Lidl jouissent
déjà d'une bonne notoriété en Suisse, ce qui
constitue un autre avantage pour les deux discounters.
Néanmoins, il reste encore une inconnue pour Aldi et
Lidl, le consommateur suisse étant assez différent des
consommateurs allemands et français. Comme nous l'avons
déjà mentionné dans le paragraphe précédent,
les dernières études montrent que le consommateur suisse n'est
pas à ranger dans une seule catégorie : il achète aussi
bien des produits d'entrée de gamme que des produits de luxe, il est
convaincu également par les produits régionaux, Bio et
éthiques33. Nous avons vu que Coop et Migros disposent de
l'assortiment idéal pour ce type de consommateur, car ils offrent toutes
ces possibilités. Par contre, les chaînes Aldi et Lidl disposent
surtout de produits premier prix, ce qui est un moins par rapport aux
distributeurs suisses. Mais ces deux chaînes pourraient s'adapter en
proposant également des
30 Expérience personnelle des auteurs
31 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien
im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der
Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de
St-Gall. P.26
32 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im
Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007
33 LE TEMPS. (24 février 2005). « M-Budget, ou
l'art d'acheter « cool et simple ». » Le Temps du 24
février 2005.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 23
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
produits « de luxe », qui pour l'instant font
défaut dans leurs magasins34. Ils pourraient ainsi
s'approcher du consommateur suisse.
La stratégie anglaise de Migros et de
Coop
Comme nous venons de l'expliquer, Migros et Coop ont su
anticiper l'arrivée des hard discounters en créant leur propre
ligne de bas prix permanents. Migros a de plus réussi un grand coup en
rachetant le seul discounter suisse existant, Denner. Avec sa ligne M-Budget et
ses succursales Denner, Migros a de beaux atouts à jouer pour lutter
contre l'arrivée des discounters allemands. En effet, rien
n'empêche Migros de « hard-discountiser » les succursales
Denner d'après les conditions requises par la Comco35. En
faisant ainsi passer Denner du soft-discount au hard-discount, ils auraient un
concurrent direct d'Aldi et Lidl, de plus bien positionné, car bon
nombre de Denner sont actuellement situés dans ou à
proximité de centres commerciaux Migros, tandis que les emplacements
acquis par Aldi et Lidl seront la plupart du temps nettement moins
favorables.
Cette stratégie d'anticipation n'a d'ailleurs pas
été inventée par Migros ou par Coop. Les deux
distributeurs ne font en fait que suivre le modèle anglais. Car le
marché anglais est le marché européen qui a le mieux
résisté à l'arrivée de Lidl et d'Aldi. Et ce,
justement en créant des lignes bas prix avant l'arrivée des deux
allemands et en lançant leurs propres chaînes hard discount. Cette
stratégie a été couronnée de succès, car
Aldi et Lidl ont bien pu s'implanter sur le marché anglais, mais ils
n'ont cependant pas plus de 5% de part de marché36. Migros et
Coop essayent donc d'adapter cette stratégie à la Suisse, une
stratégie qui pourrait bien porter ses fruits.
34 FACTS. (22 mars 2007). « Den Geizkragen lockern.
» Facts du 22 mars 2007
35 WEKO. (3 septembre 2007). « Auflagen zum
Zusammenschluss Migros/Denner. » Consulté le 5 octobre 2007
sur le site
http://www.weko.admin.ch/publikationen/pressemitteilungen/00294/index.html?lang=de&PHPSESSID=130168
dd4cd205a38bc01060d852910d
36 AWBI, A. (3 avril 2006). « UK supermarkets chase
discount pound. » Consulté le 29 septembre 2007 sur le site
http://www.foodanddrinkeurope.com/news/ng.asp?n=66812-lidl-asda-netto
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 24
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Trouver des emplacements
Il faut aussi prendre en compte le fait qu'il existe un autre
obstacle à franchir pour les discounters allemands : il s'agit de la
difficulté pour trouver un emplacement en Suisse.
Il s'avère en effet que la recherche d'emplacements
pose quelques problèmes à Aldi et Lidl. Les plans ambitieux
qu'Aldi affichait en 2005 encore37 n'ont pas pu être tenus.
L'entrée s'est bien faite, mais nettement plus lente
qu'espérée. De son côté, Lidl a fermé il y a
peu son bureau d'expansion de Lausanne ; ceci semble être un signe
négatif quant à l'implantation rapide de Lidl en Suisse Romande.
Aldi n'est pas le seul détaillant étranger à avoir
été surpris par les spécificités
helvétiques. Carrefour, qui pensait également s'installer et se
développer facilement sur le territoire suisse a vu ses espoirs
déçus et constaté qu'il devait abandonner ses plans
initiaux. La faute revient donc à une grande difficulté pour
trouver des emplacements. Ces difficultés résultent de plusieurs
facteurs :
Les premiers facteurs sont les nombreuses possibilités
juridiques pour empêcher ou du moins ralentir la construction de
supermarchés38. La construction prévue d'un centre
Ikea à Meyrin39 dans la banlieue genevoise montre à
quel point l'opposition de la part de la population (ou du moins d'une certaine
frange de la population) peut retarder une construction. Allant presque
jusqu'à dissuader l'entreprise de s'installer et la faire opter
plutôt pour la construction facilitée de l'autre coté de la
frontière en France. Est-ce que Lidl aura les nerfs assez solides pour
supporter ces contraintes ?
Car aux ralentissements juridiques s'ajoute un manque
évident de volonté politique dans certaines communes dans
lesquelles Lidl et Aldi désireraient s'installer. Ainsi l'installation
sur leur sol des hard discounters allemands semble avant tout poser des
problèmes aux communes gouvernées par un conseil administratif
à majorité de gauche, comme le montre l'exemple de la commune
bernoise de Bolligen. L'accusation des syndicats allemands, portée
contre Lidl, lui reprochant d'exercer une « pression impitoyable »
sur ses employés est
37 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane,
économiste à la Fédération Romande des
Consommateurs (FRC)
38 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen
Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004
39 POYETTON, V. (20 février 2004). « Le PDC veut
sauver les meubles... d'IKEA. » Le Courrier du 20 février 2004.
Consulté le 7 octobre 2007 sur le site
http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=3551
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 25
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
parvenue aux oreilles des élus municipaux de gauche et
en a refroidi d'aucuns40. D'autres communes craignent une
augmentation trop forte du trafic routier et exigent une diminution du nombre
de parkings de la part des hard discounters pour éviter d'attirer trop
d'automobilistes, à l'image de la commune de Pfäffikon
ZH41. Enfin, il paraît, que la pression qui serait
éventuellement exercée par les deux hard discounters sur le
commerce de détail local ne les rend pas attractifs aux yeux de
certaines municipalités42.
En outre, il faut aussi tenir compte du fait que les nouveaux
arrivés doivent faire face à un réseau déjà
bien établi et très dense de supermarchés qui est en
grande partie dans la main des deux grands que sont Migros et Coop. Il sera
très difficile pour Aldi et Lidl de trouver des bons emplacements. Or,
le choix de l'emplacement est bien entendu primordial dans la grande
distribution, le supermarché devant être facilement atteignable
par les clients. Migros et Coop sont remarquablement bien positionnés en
matière de réseau, d'abord parce qu'ils ont un réseau
historiquement construit et après parce qu'ils ont pu
considérablement l'enrichir grâce aux rachats de ces
dernières années. Les deux leaders ont donc par conséquent
déjà occupé tous les bons emplacements. Si l'on observe
d'ailleurs les emplacements des filiales Aldi déjà existantes en
Suisse allemande, il n'y en a qu'une seule qui soit située au centre
ville, il s'agit de celle de Bâle. En ce qui concerne les autres grandes
villes suisses, les magasins Aldi se sont établis en banlieue et sont
par conséquent avant tout accessibles en voiture. Cela montre bien la
difficulté pour Aldi et Lidl de trouver des emplacements au centre ville
où tout est déjà occupé par Migros, Coop et Denner.
De plus, les exigences en terme d'uniformisation de la taille des magasins, est
en autre obstacle important pour trouver des emplacements en
ville43. Il faut tout de même un peu nuancer cela, car la
tâche sera relativement plus facile pour les succursales se situant dans
les petites villes du pays, où les emplacements sont plus près du
centre, les distances moins grandes et où les gens acceptent plus
facilement de se déplacer en voiture pour effectuer leurs achats.
L'exemple type d'une telle succursale est celle d'Aldi à Viège en
Valais.
40 KOWALSKY, M. et GUENTERT, A. (12 octobre 2006). «
Aldi lockt Schweiz aus der Konserve. » Facts du 12 octobre 2006
41 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz
rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28
janvier 2005
42 KAEGI, M. (4 octobre 2006). « Aldis langer Atem.
» SDA - Basisdienst Deutsch du 4 octobre 2006
43 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz
rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28
janvier 2005
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 26
Ce problème de localisation auquel sont
confrontés les discounters allemands laisse planer un doute sur leur
capacité à attirer les gens, du moins en ce qui concerne les
grands centres urbains. Les distributeurs qui entrent sur un nouveau
marché doivent en effet faire face à une certaine culture
d'achats propre à chaque pays. Cette culture d'achats requiert en Suisse
la proximité des magasins par rapport aux habitations, car les
consommateurs ont une forte propension à faire leurs achats à
pied ou par le moyen des transports publics (ceci surtout en Suisse
alémanique)44. L'enjeu pour Aldi et Lidl sera par
conséquent de convaincre les clients potentiels de prendre leur voiture
pour faire leurs achats dans leurs succursales qui seront situées en
banlieue. Avec leurs grands et vastes parkings, les discounters allemands
offrent, il est vrai, une approche assez facile pour les voitures ; cependant,
il reste incertain si cela suffira à faire changer les habitudes des
habitants des villes. Toutefois, le fait que Denner ait déjà
testé le concept, originalement créé par Aldi et Lidl, de
magasins « sur le pré », avec l'ouverture de quelques
succursales, démontre que les distributeurs suisses ont prévu une
possible acceptation de ce type d'emplacement de la part de la
clientèle45.
46
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Mauvais moment ?
Le moment qu'ont choisi Aldi et Lidl pour entrer sur le
marché helvétique ne va pas nécessairement favoriser un
succès rapide de ces deux nouveaux concurrents. Leur réussite en
Allemagne, par exemple, a été grandement favorisée par un
changement de mentalité auprès de la population qui rendait
soudainement populaire la recherche des plus petits prix. C'est
44 UVEK. (6 mars 2003). « Zu Fuss einkaufen: Das Gute
liegt so nah. » Consulté le 7 octobre 2007 sur le site
http://www.uvek.admin.ch/dokumentation/00474/00492/index.html?lang=de&msg-id=1467
45 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen
Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004
46 Extérieur d'un magasin Denner « sur le pré
». Téléchargé sur le site
www.denner.ch
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 27
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
l'apparition du consommateur malin qui recherche la meilleure
qualité possible mais au prix le plus bas. Or, il est évident
qu'une situation conjoncturelle plutôt mauvaise comme l'a connue
l'Allemagne dans les années 1990 incitera davantage les acheteurs
à se muer en « consommateurs intelligents »47. La
Suisse étant actuellement en phase de haute conjoncture48,
cela ne va pas favoriser le changement de mentalité. Les gens auront
tendance à dépenser plus facilement et garderont donc leurs
vieilles habitudes d'achats. La haute conjoncture ne va en tout cas pas inciter
les gens à rechercher à tout prix des petits prix. Notons
toutefois qu'il y a toujours un certain pourcentage de la population en
situation précaire qui est bien obligé de chercher les produits
bas prix.
Aldi et Lidl ne trouvent donc pas les conditions
conjoncturelles idéales pour l'entrée sur le marché
suisse. Cela ne va sans doute pas empêcher leur expansion sur le
marché, mais pourrait du moins la retarder.
Conclusion
En résumé, il y a un bon nombre de points qui
favoriseront l'installation d'Aldi et Lidl en Suisse. Il faut remarquer que les
deux entreprises sont de véritables machines de guerres49
avec beaucoup d'argent, une volonté de fer et des « reins solides
», Aldi n'étant encore jamais sorti d'un marché. Le nombre
de centres de distribution planifié montre la volonté des deux
discounters d'entrer massivement sur le marché helvétique. Ils
seront donc concurrentiels à moyen terme, de par le nombre de magasins.
En plus, le consommateur est déjà habitué aux produits
premier prix, grâce à l'assortiment de Migros et Coop et à
la présence des discounters près des frontières
suisses.
Certains points d'interrogation demeurent cependant concernant
le succès d'Aldi et Lidl. Il y aura de nombreux obstacles que les deux
discounters devront franchir avant de vraiment pouvoir prétendre devenir
une véritable force concurrentielle sur le marché de la grande
distribution en Suisse. Énumérons ces points : d'abord, ils
manquent de références par rapport aux concurrents suisses ;
ensuite, ils ne disposent pas ou peu de produits Bio ou du commerce
47 GOY, M. (2 décembre 2001). « Profiteur der
Rezession. » Welt am Sonntag du 2 décembre 2001
48 HOLDEREGGER, U. (2 octobre 2007). «
Bundesökonomen sind für 2007 zuversichtlich. » NZZ du 2
octobre 2007. Consulté le 4 octobre 2007 sur le site
http://www.nzz.ch/nachrichten/kultur/literatur_und_kunst/seco_prognose__1.563723.html
49 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau,
secrétaire général du groupe Maus Frères
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 28
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
équitable. De plus, ils rencontrent des
difficultés dans le choix des emplacements de leurs commerces. À
cela s'ajoutent l'imprévisibilité du comportement des
consommateurs, car le consommateur suisse se révèle être
plutôt « difficile », et une réaction anticipée
assez importante de la part de Migros et Coop. Dernier point : le moment
relativement mal choisi pour entrer sur le marché vu la haute
conjoncture régnante.
Notre enquête sur les différences de prix entre
les distributeurs du pays a par ailleurs démontré qu'Aldi
était certes bon marché, mais que les différences qui
existent dans le « panier de la ménagère » entre les
divers magasins, n'étaient finalement pas très
élevées. Globalement, les premiers prix entre Aldi, Denner et
Migros se valent. (Consultez à ce propos nos relevés et analyses
dans les annexes) Notons, qu'une étude faite en 2005 par
l'Université de St-Gall mentionne un avantage de 7% sur les prix pour
Aldi50. L'arrivée d'Aldi et Lidl est donc loin de
créer une révolution des prix sur le marché suisse. Ceci
étant dû de fait à la baisse progressive des prix chez les
grands distributeurs établis, du fait de la création de gammes
premier prix, et d'autre fait au protectionnisme agraire suisse par le
truchement de taxes à l'importation
élevées51.
Concernant l'estimation des parts de marché pour Aldi
et Lidl, différentes études tablent toutes sur une part de
marché de 3%52, 4%53 au maximum 6%54,
ce qui correspondrait assez bien au 5% de part de marché obtenue par
Lidl et Aldi en Angleterre où ils ont dû faire face à une
forte réaction de la part des entreprises établies sur la
place.
Au final, nous pouvons estimer que Lidl et Aldi
réussiront bien à moyen terme à s'installer durablement
sur le marché suisse, mais que leur tâche sera tout de même
plus ardue que prévue et que leur part de marché ne suffira pas
à en faire un véritable contrepoids à Migros et Coop. Mais
ils pourront quand même les titiller légèrement dans le
secteur des petits prix.
50 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im
Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007
51 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen
Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004
52 ibid.
53 LE TEMPS. (25 juin 2005). « Les ventes suisses d'Aldi
et de Lidl plafonneront à 1,2 milliard. » Le Temps du 25 juin
2005
54 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien
im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der
Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de
St-Gall. P.39
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 29
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
La réaction stratégique des
entreprises
Dans ce chapitre, nous voulons résumer et analyser les
stratégies suivies par les principaux acteurs du commerce de
détail en Suisse. Il est important d'étudier ces
stratégies en vue d'une analyse complète du marché
helvétique, car elles nous informent du positionnement des
différentes entreprises sur le marché et des éventuels
changements qui pourraient intervenir sur le marché dans les
années à venir.
Les stratégies de croissance
Sur le marché suisse, les deux leaders Migros et Coop
dominent nettement le marché. Cela dit, la Migros, par sa part de
marché, reste pour le moment le numéro un devant Coop. Le but de
Migros étant donc de rester en tête, alors que le but de Coop est
de dépasser la Migros55, ceci étant corroboré
par une déclaration du patron de Coop, Hansueli Loosli, qui affirme
vouloir dépasser la Migros en chiffre d'affaires d'ici
201556. Coop suit une stratégie d'agrandissement aux moyens
de rachats, appelée aussi « Hunterstrategy », une
stratégie qui comporte aussi certains risques57. Cela se
confirme en regardant toutes les acquisitions faites par Coop ces
dernières années, surtout celles qui ne concernent pas le
marché alimentaire. Si l'on considère plus en détail
certaines de ces acquisitions telles que le rachat de Lumimart, TopTip ou
encore Fust, on s'aperçoit qu'elles ont souvent été faites
à la hâte, sans doute sans analyse approfondie de la
viabilité économique et financière de ces rachats et pour
un prix quelquefois excessif selon les dires de certains experts58.
D'ailleurs la marge de manoeuvre financière de Coop a certainement
diminué due à ces rachats, si bien qu'elle a vendu un grand
nombre d'actifs immobiliers dans le but d'améliorer son
bilan59. (Consultez à cet effet nos relevés et
analyses des bilans de 1975 à 2006 de Migros et Coop, en annexe)
55 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau,
secrétaire général du groupe Maus Frères
56 REGENASS, R. (30 mai 2007). « Coop zahlt für
Elektrohändler Fust viel Geld. » Tages-Anzeiger du 30 mai
2007
57 HANDELSZEITUNG. (24 mai 2006). « Hunterstrategie
stärkt Coops Marktmacht. » HandelsZeitung du 24 mai 2006
58 REGENASS, R. (30 mai 2007). « Coop zahlt für
Elektrohändler Fust viel Geld. » Tages-Anzeiger du 30 mai
2007
59 HANDELSZEITUNG. (24 mai 2006). « Hunterstrategie
stärkt Coops Marktmacht. » HandelsZeitung du 24 mai 2006
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 30
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Genève - Octobre 2007
Nous pouvons donc observer chez Coop une stratégie de
croissance externe importante. Bien entendu, comme il est difficile, sur un
marché aussi saturé que le marché de détail suisse,
de trouver une autre solution que de racheter pour s'agrandir60, la
Migros compte aussi beaucoup sur sa croissance externe pour affirmer son statut
de leader sur le marché. Mais tandis que la Coop favorise, dans de
nombreux cas, la croissance patrimoniale sous forme d'absorption
complète de l'entreprise reprise, à l'image du rachat de l'EPA
où les filiales ont été complètement
transformées en magasins Coop City, la Migros semble
préférer une stratégie de croissance externe
financière. En effet, chez Migros, les entreprises acquises restent
souvent des entités distinctes, se gérant elles-mêmes, au
sein du groupe Migros, à l'image de Globus et de Denner pour l'avenir.
Car, bien avant la condition imposée par la Comco demandant à
Migros de ne pas intégrer les filiales Denner dans le M orange, Migros
avait déjà affirmé vouloir garder Denner en tant
qu'entité distincte. « Denner reste Denner ».
Du point de vue du nombre de magasins, Coop a beaucoup plus de
succursales que Migros, en ne comptant ici que les succursales avec le M
orange, les filiales Denner fraîchement acquises ne faisant pas partie
des magasins Migros. Coop est surtout bien lotie en magasins de petite taille,
du genre magasins de quartier. Ceci lui permet d'ailleurs d'être
finalement assez proche des clients. Par contre, Coop a de sérieuses
lacunes en ce qui concerne les grands supermarchés et les
hypermarchés. La Migros ayant dans ce domaine un avantage sur Coop,
celle-ci essaye donc tout naturellement d'investir dans ce domaine en rachetant
les magasins Carrefour en Suisse, sous condition de l'autorisation de la part
de la Comco bien évidemment. Avec l'intégration des anciens
magasins Carrefour dans ses actifs, Coop serait désormais
concurrentielle face à Migros, dans chaque catégorie de magasins,
notamment en ce qui concerne le nombre de magasins ; même avec un certain
avantage concernant le nombre de petites surfaces, Coop y étant
nettement mieux représentée. Mais comme nous pouvons le
constater, le nombre total de magasins, nettement supérieur chez Coop,
ne lui permet quand même pas de dépasser Migros en termes de
ventes61. (Consultez à cet effet nos relevés et
analyses des bilans de 1975 à 2006 de Migros et Coop, en annexe)
60 ibid.
61 RAPPORT DE GESTION COOP. (2006).
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 31
Les autres concurrents sur le marché de la grande
distribution ont un réseau beaucoup moins bien fourni que les deux
leaders, et surtout, ils ne sont pas présents dans tous les cantons. La
Valaisanne Holding (LVH) est désormais présente dans certains
cantons suisses allemands avec ses magasins PAM, après la reprise des
magasins PickFresh de Rewe. Volg et Spar ne sont présents qu'en Suisse
allemande sur le secteur des petites surfaces. Toutefois, le groupe Spar
Suisse, avec ses 6 magasins Eurospar, détient aussi des surfaces plus
importantes (plus de 1500 m2). Le groupe Magro/Casino est le seul
concurrent de Coop et Migros sur le segment des hypermarchés, mais ceci
uniquement en Suisse romande. Par faute de moyens financiers, mais aussi par
faute d'opportunités, étant donné que Migros et Coop
dominent le marché et ne laissent que peu de place à leurs
adversaires, des groupes comme Magro et LVH ont peu de marge de manouvres.
Notons que Magro à ouvert en avril 2007 un Hyper Casino, soit sont
16ème magasin et 6ème sur le canton de
Vaud, à Lausanne dans le quartier du Flon. La chaîne Manor,
propriété du groupe genevois Maus Frères, est en outre en
train de construire plusieurs nouveaux centres commerciaux dans
différents coins du pays62, y incluant aussi des
supermarchés alimentaires, et qui suit donc, par là, une
véritable stratégie de croissance interne, puisqu'il ne s'agit
pas de racheter des magasins existants. Avec ces nouveaux magasins, qui vont
s'ajouter aux 31 supermarchés actuels, Manor ne fait toutefois pas le
poids comparé à Migros et Coop.
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Concernant l'assortiment des distributeurs en Suisse, on
constate que les gammes des différents produits offerts sont presque
toujours très larges. Concrètement, cela signifie que l'on trouve
pour le même produit élémentaire divers labels à des
prix de niveaux différents. Et il est intéressant de remarquer
qu'il s'agit d'un phénomène qui a pris beaucoup d'ampleur ces
dernières années et que pratiquement tous les distributeurs
actuellement présents sur le marché helvétique s'y sont
mis, mis à part bien entendu Aldi, qui a une stratégie de prix et
produit unique. Notre enquête dans les différents
supermarchés du pays63 a démontré que les deux
leaders Migros et Coop ont le mieux réussi l'exercice de la
diversification de leurs gammes. En effet, le choix possible pour chaque
produit élémentaire est très large, à
62 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau,
secrétaire général du groupe Maus Frères
63 Enquête sur le terrain menée par les auteurs les
10 et 11 juillet 2007 dans différents supermarchés de Suisse
romande
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 32
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Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 33
commencer avec les produits à bas prix (M-Budget, Coop
Prix Garantie) en passant par les produits à calories réduites
(Léger, Weight Watchers) pour aboutir dans les produits de luxe (Migros
Sélection et Coop Fine Food) ; sans oublier le grand choix de produits
Bio et éthiques, prioritairement dans l'assortiment de Migros et Coop.
Les autres acteurs ne sont pas en reste, car ils offrent tous au minimum une
gamme à bas prix. Les distributeurs offrant des produits de type unique
ne sont finalement qu'au nombre de deux : Globus qui s'est
spécialisé dans les produits de luxe et Aldi, plus tard Lidl, qui
n'offrent pour l'instant, en Suisse, que des produits premier prix.
Cette diversification dans l'offre a pour but, en
théorie, de répondre aux différents besoins de la part de
la clientèle. Il faut être présent sur le segment des bas
prix du type M-Budget pour les personnes qui n'ont pas des grands revenus ainsi
que sur le segment des produits de luxe pour attirer les hauts revenus. En
pratique cependant, le comportement du consommateur est plus complexe que cela.
En effet, comme les dernières enquêtes l'ont
démontré64, le panier moyen de la
ménagère suisse se compose aussi bien de produits à bas
prix que de produits de luxe, le client moyen ne va donc pas se cantonner
à un seul segment de prix. Celui-ci va, par exemple, acheter des
produits de base à bas prix pour économiser de l'argent, des
produits diététiques pour la santé, des produits issus du
commerce équitable par un besoin de justice ainsi que des produits de
luxe pour se faire plaisir. En cela, son comportement est loin d'être
rationnel au sens d'un homo oeconomicus. Les grands distributeurs suisses ont
bien compris ce comportement en adaptant leur assortiment en
conséquence. Ils répondent exactement aux désirs des
clients en leur offrant cette multiplicité de produits.
Comme nous l'avons vu dans le chapitre sur l'arrivée
d'Aldi et Lidl en Suisse, les deux discounters allemands pourraient rencontrer
des difficultés à s'imposer sur le marché suisse,
difficultés dues à un faible choix de produits et à
l'inexistence actuelle de produits Bio et éthiques, jouissant d'une
forte demande sur le marché Suisse. Les consommateurs seront par
conséquent obligés de continuer à faire leurs courses chez
Migros et Coop pour obtenir ces produits-là. Pour profiter de cet
avantage stratégique, les distributeurs établis en Suisse ont
lancé et renforcé leur gamme à bas prix, à l'image
des produits M-Budget et Coop Prix Garantie. Ainsi ils offrent pratiquement le
même nombre de produits premier prix que les hard
64 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien
im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der
Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de
St-Gall. P.32
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Genève - Octobre 2007
discounters nouveaux venus, tout en offrant un choix autrement
plus important dans les autres types de produits.
Migros et Coop ont vite compris qu'il fallait offrir des
produits premier prix pour concurrencer efficacement les hard discounters.
Toutefois, dès qu'ils ont remarqué que Lidl et Aldi
n'étaient finalement pas si menaçants que cela, ils ont tout
aussi rapidement arrêté l'extension de leur gamme à bas
prix65. D'ailleurs, si l'on a souvent l'impression que la guerre des
prix est lancée en Suisse, elle ne l'est en fait que sur le segment des
prix entrée de gamme. En effet, une récente étude pour
l'émission Kassensturz sur la télévision suisse
alémanique a démontré qu'il n'y avait pratiquement aucune
différence de prix sur les produits « de marque » plus
chers66.
Remarquons toutefois que les discounters savent aussi
s'adapter à la demande des clients à l'exemple d'Aldi en
Allemagne qui offre désormais un assortiment relativement large de
produits Bio. Il est très probable qu'Aldi lance une gamme de produits
Bio en Suisse à moyen terme. À noter que cette stratégie
qui consiste à couvrir le plus de besoins possible, y compris les
besoins en produits à bas prix, n'a pas été
inventée en Suisse, mais était déjà
pratiquée depuis plus d'une décennie en Grande-Bretagne et aux
Pays-Bas (voir les comparaisons avec différents pays).
Autres politiques employées par les
distributeurs
Une mode actuelle veut que les distributeurs
s'éloignent de plus en plus de leur activité de base pour aller
chercher des clients dans des domaines souvent très
éloignés de la vente des aliments. Ainsi les deux leaders suisses
offrent désormais des services financiers, des abonnements de
téléphones portables et même une assistance routière
; sans parler des nombreux « services » complémentaires comme
la vente par Internet, les cartes de crédit et les cartes
fidélité. Ces services sont par ailleurs aussi utilisés
par les entreprises pour obtenir des informations sur le comportement de la
clientèle. Il est d'ailleurs intéressant de voir que même
les hard discounters tels que Lidl et Aldi n'ont pas pu résister
à la tentation d'offrir des
65 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane,
économiste à la Fédération Romande des
Consommateurs (FRC)
66 KASSENSTURZ. (4 septembre 2007). « Migros-Deal: Das
Ende der Tiefpreise. » Emission Kassensturz diffusée le 4 septembre
2007 sur SF1
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 34
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 35
services supplémentaires non liés à la
vente d'aliments, alors même que leur concept de base est justement de
réduire au minimum tous les coûts annexes pour pouvoir vendre les
produits alimentaires le meilleur marché possible. Comme exemple de
cette nouvelle tendance, qui touche même les hard discounters, on peut
citer qu'Aldi Suisse offre déjà des voyages, et qu'en Allemagne,
aussi bien Aldi que Lidl proposent des cartes prépayées pour
téléphones portables ainsi que des abonnements ADSL.
Une des raisons de cette offre abondante en biens et services
additionnels est la poursuite d'une stratégie financière de
diversification. Les grandes entreprises cherchant au travers de celle-ci une
diminution de leurs risques financiers, il s'agit d'un côté
d'augmenter leurs revenus en cas de succès, et de l'autre
côté, de réduire les risques qui pourraient être
liés à une trop grande dépendance à la seule vente
de détail. Ceci est d'autant plus important que les chiffres de
croissance du secteur de la grande distribution sont certes encore relativement
élevés en Suisse, mais que les prévisions tablent
plutôt sur une baisse de la croissance à moyen terme causée
par une saturation du marché67.
L'autre raison de ces biens et services supplémentaires
est que la diversification de leurs activités permet aux distributeurs
de fidéliser la clientèle. La carte de fidélité en
est bien sûr l'exemple le plus flagrant, mais une offre d'assurance, par
exemple, peut aussi fidéliser un consommateur. En effet, cette
présence dans différents secteurs permet premièrement, de
faire connaître l'entreprise et de pénétrer durablement
dans l'esprit des gens ; deuxièmement, ceci permet de lier le client
à l'entreprise, car si celui-ci possède un compte bancaire
à la Banque Migros par exemple, il aura tendance à favoriser la
Migros pour y faire ses courses car il est même possible de retirer de
l'argent aux caisses des magasins Migros. À l'extrême, il devient
même possible aujourd'hui, d'acheter pratiquement tous les biens et
services dont on a besoin dans la vie courante chez Migros, respectivement chez
Coop. Les deux leaders suisses proposent en effet des meubles, des assurances,
des services financiers, des produits électroniques, de la musique
à télécharger sur Internet et des voyages. En ce qui
concerne la Migros, elle offre au travers de son Ecole-Club Migros un
très grand choix de cours à des prix intéressants. On peut
donc clairement entrevoir
67 THE ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT LIMITED. (juin 2005).
« Market profile Switzerland. » Consumer Goods and Retail
Forecast - The Economist Intelligence Unit Limited du juin 2005
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
la stratégie des deux géants de la grande
distribution qui consiste à être présents dans tous les
domaines de la vie courante pour « imprégner » ainsi le
consommateur.
Au final, ces stratégies peuvent se résumer en
une phrase : créer des barrières endogènes à
l'entrée, c'est-à-dire des barrières constituées
par les stratégies dont nous venons de parler, érigées par
les acteurs présents sur le marché. Barrières auxquelles
vont s'ajouter des barrières exogènes au travers des
difficultés juridiques, fiscales et douanières pour s'installer
en Suisse. Le cumul de ces barrières exogènes et
endogènes, crées efficacement par Migros et Coop, ont comme
résultat qu'il devient vite décourageant pour un concurrent
étranger potentiel, de s'installer en Suisse68. On peut
facilement observer l'efficacité de ces barrières à
travers ces deux exemples : l'échec de Rewe et de Carrefour pour
s'établir durablement en Suisse et la relative lenteur que prend
l'installation de Lidl et d'Aldi.
Il faut bien entendu surveiller de près la
stratégie des deux leaders suisses, qui consiste à être
omniprésents dans l'économie suisse. Leur poids
économique, de toute façon très important dans la grande
distribution, devient de plus en plus grand dans d'autres domaines aussi. C'est
là, où cette puissance envahissante pourrait devenir vraiment
inquiétante d'un point de vue économique. Car, le duopole
déjà présent dans le commerce de détail risquerait
de s'étendre dans d'autres segments de la vie courante de tout un
chacun, ce qui pourrait créer une trop grande dépendance du
consommateur face aux deux géants, Migros et Coop. Une dépendance
qui pourrait entraver finalement la concurrence, pourtant indispensable au bon
fonctionnement d'une économie de marché.
Les autres concurrents sur le marché de la grande
distribution suisse essayent aussi de suivre cette tendance vers une offre plus
large visant la fidélisation des clients. Ainsi, le groupe Magro/Casino
offre une carte clients à l'image de Migros et Coop. Mais
malheureusement les efforts de ces concurrents en la matière sont
fortement freinés par le manque de ressources financières, avant
tout dû à leur petite taille comparée à celle des
deux géants.
68 SCHILLER, U. et WALKER, B. (juillet 2006). «
Marktzutrittsbarrieren, Preistreiberei oder Kostendruck ? » Travail
de l'Université de Berne, P.16-22
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 36
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Cependant, on remarque, dans d'autres secteurs industriels,
qu'il existe actuellement une tendance inverse qui se concentre sur le produit
central, à l'image de ce que proposent de nombreuses compagnies
d'aviation low cost, tels qu'EasyJet ou RyanAir. Autre exemple, dans le secteur
des télécommunications, où certains prestataires de
services de téléphonie mobile se concentrent sur l'essentiel,
c'est-à-dire la téléphonie et l'envoi de SMS, sans offrir
une multitude de tarifs et de services différents, à l'image de
Yallo, par exemple. Il est toutefois intéressant de constater qu'Aldi
fait finalement partie des initiateurs de cette concentration sur le produit
central. Dans les années 1980, c'est bien Aldi Allemagne qui a pour la
première fois « osé » présenter les aliments
dans un cadre d'achat le plus simple possible, en se concentrant sur le produit
central, en laissant volontairement de côté tout ce qui n'en
faisait pas partie. Or, comme nous l'avons déjà dit ci-dessus,
Aldi et Lidl, sont en train d'abandonner cette stratégie en faveur d'une
stratégie du style Migros où il s'agit d'offrir de nombreux
services et produits complémentaires dans le but d'attacher les clients
et de diversifier leurs activités. Reste à voir si la
multiplication des « stratégies du produit central » dans
d'autres secteurs va pousser les hard discounters vers un retour aux sources ou
s'ils vont continuer leur politique de diversification de l'offre.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 37
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Segmentation des clients et
société multioptionnelle
Migros et Coop ont ces derniers temps segmenté leurs
produits en gammes différentes. On peut ainsi identifier quatre gammes
de produits, à savoir une gamme de produits « Premier Prix »,
une gamme de produits « Prix Bas », une gamme de produits « Prix
Moyen » et une gamme de produits « Premium ».
Cette volonté de segmenter le marché
répond à une constatation d'évolution de la
société. Le 15 mars 2005, Coop déclare en
conférence sur son bilan 2004 : « Dans cette société
multioptionnelle faite de consommateurs multioptionnels, Coop mise à
fond, en bonne logique, sur un assortiment multioptionnel ou, si vous
préférez, sur la diversité des offres, selon le principe:
« La liberté de choisir est garantie par le choix ».
De ce constat découle le lancement par Coop, puis par
Migros de produits multioptionnels.
Premier Prix
Tout a commencé en août 1996, Migros lance la
gamme M-Budget avec 70 produits, des produits simples et bon marché, un
emballage unique et simplifié, des quantités plus
élevées. Dix ans plus tard, en 2006, la gamme compte 380
produits.
Le lancement de M-Budget répond à la rumeur
persistante de l'arrivée de maxi-discomptes étrangers sur le sol
suisse et du lancement par Denner de produits « Premier Prix ».
Migros se calque sur ce qui se fait à l'étranger depuis dix ans
(lancement en France de la chaîne Leader Price en 1989 et ED en 1978).
La nouveauté ici est d'oser mélanger les
différentes gammes dans un même magasin. De tout temps les
distributeurs ont craint un phénomène de cannibalisation.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 38
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
En janvier 2005 Coop lance, semble t'il dans la
précipitation, la gamme « Prix Garantie » en réponse au
succès croissant de « M-Budget ».
Ici la Migros fait encore une fois très fort en termes
d'image et de sympathie sociale. La Marque M-Budget est qualifiée de
marque « culte », cela fait cool, responsable et astucieux d'acheter
M-Budget.
Des produits ostensiblement M-Budget comme des serviettes de
bain, des surfs et même des sous-vêtements ont été
lancés. A des prix plus élevés toutefois, on voit ici
l'exploitation du segment « Prix Premium » au sein de la gamme
M-Budget. En Suisse alémanique, il est tendance, surtout chez les
jeunes, de porter des habits ou des accessoires M-Budget.
Cette « dépénalisation » de l'achat
« Premier Prix » correspond à ce que l'on a pu observer dans
les pays étrangers. Au lancement des Aldi ou des magasins « Tati
» en France, on se cachait pour aller y faire ses achats, c'était
mal vu socialement. Par la suite, les produits premier prix sont
également devenus « in ». La société à
changé et est devenue multioptionnelle.
M-Budget s'est étendu à d'autres secteurs
toujours avec un succès phénoménal :
Téléphonie, cartes de crédit, concerts, etc...
Coop est clairement suiveuse sur ce concept, c'est Migros qui
apporte les innovations et Coop qui suit. Les produits premier prix se limitent
aux produits de base. C'est ainsi qu'il à été
annoncé en 2007 que Migros ne comptait plus lancer de nouveaux produits
M-Budget dans les années à venir. La gamme, en 2007, compte 500
articles.
Prix Bas
|
|
|
Ce sont les produits historiques des coopératives, les
produits en marque propre ou MDD (marque de distributeur). Produits par les
industries de Coop et Migros, ils offrent des alternatives aux marques
internationales ou suisses avec un prix moyen inférieur de 20 %.
|
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 39
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Genève - Octobre 2007
La gamme est complète et très large, elle
s'étend à tous les produits d'usage courant et même
davantage. Les MDD sont plus présentes chez Migros, qui historiquement a
commencé avec seulement des MDD. Coop mise plus sur les marques, mais
reste une coopérative avec ses propres industries. Les produits MDD sont
des « valeurs sûres », il est plus rare de trouver une
innovation en MDD que chez une marque.
Prix Moyen
Le segment « Prix Moyen » est pratiquement
inexistant chez Migros où seules quelques marques « Phares »
sont présentes, Nutelle, Kellogs, Pepsi, etc.. Ces dernières
années, de nouveaux articles Prix Moyen sont apparus chez Migros mais
Coop est leader dans ce segment délaissé par Migros.
Coop exploite ce segment en proposant dans tous ses magasins
un large choix de marques qui satisfont tous les besoins. Coop
bénéficie des campagnes de publicité et de promotion,
menée aussi bien sur le plan des marques internationales que nationales
car les consommateurs retrouvent ces marques à l'étranger
également.
Les innovations sont régulièrement
présentes sur ce segment et régulièrement de nouveaux
produits sont proposés dans la gamme Prix Moyen par les marques.
Prix Premium
En 2005, Migros et Coop ont lancé leur gamme respective
« Sélection » et « Fine Food ». Ce segment est
occupé de longue date par des produits où les principes
écologiques et éthiques sont importants : par exemple, produits
biologiques respectueux de l'environnement, production de montagne, production
suisse, promotion des droits sociaux dans des pays en développement,
ligne basses calories, etc..
Avec Sélection et Fine Food, c'est, cette fois-ci, le
côté « luxe » qui est visé avec des emballages
très soignés, des quantités plus faibles de produit et un
prix plus élevé. On remarquera ici l'exacte opposition aux
produits « Premier Prix » : M-budget et Prix-Garantie.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 40
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Avec ce découpage vertical en gammes de prix, des
premiers prix jusqu'au prix premium, on remarque également une dimension
horizontale où l'écologie, l'éthique, la relation avec les
producteurs suisses sont présentes. La dimension horizontale est pour
l'instant surtout présente dans les prix premium, mais l'annonce
récente par Coop de vouloir indiquer clairement sur chaque produit, la
provenance, le mode de production, le mode de transport et la quantité
de CO2 dépensé pour son arrivée en rayon, montre que les
dimensions horizontales font leur apparition dans les gammes de prix
inférieurs également.
Gamme MIGROS : (D'après lettre aux coopérateurs,
votations mai 2007) M-Budget : 500 Standard : 30'000 Sélection : 100
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 41
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Niveau de centralisation et structure de
distribution
En observant les structures d'organisation chez les
différents grands distributeurs présents sur le marché
suisse, on peut voir des différences assez significatives.
La Migros est une coopérative qui a gardé ses
diverses coopératives régionales. Ainsi, elles sont au nombre de
dix aujourd'hui69. Cette structure permet à Migros
d'être plus présente sur le plan local bien entendu. Ceci peut
d'un côté faciliter les rapports avec les agriculteurs locaux et
d'un autre côté, permet aussi d'être dans certains cas mieux
acceptée par les clients, car le client a le sentiment que les
décisions sont prises dans sa région et que le magasin est donc
mieux adapté aux goûts locaux, ce que l'on peut d'ailleurs
observer au large choix de fruits et légumes régionaux offerts
par Migros. Cependant, en pratique, Migros est souvent obligée
d'être gouvernée comme le sont les sociétés anonymes
pour faire face justement à la concurrence de celles-ci. Cette
façon de gérer exige aussi une centralisation des
décisions stratégiques, si bien qu'il ne reste aux
coopératives régionales, bien souvent, que les décisions
opérationnelles.
Coop, quant à elle, est organisée depuis
quelques années de manière complètement
centralisée, celle-ci ayant supprimé toutes les
coopératives régionales encore existantes il y a de cela quelques
années. Ce type de structure permettant bien sûr de réduire
certains coûts de gestion, peut en fait constituer un certain
désavantage par rapport à la structure régionale de
Migros. Il est en effet plus difficile d'être à l'écoute
des clients et des fournisseurs locaux si l'on est basé à
quelques centaines de kilomètres de ceux-ci. D'autant plus que la Suisse
est un pays avec des différences culturelles sensibles et il peut
s'avérer difficile pour un manager de Coop installé à
Bâle de comprendre les attentes des consommateurs du Valais.
Les autres concurrents suisses des deux leaders, avant tout
Volg, Spar, Magro/Casino et Pam, connaissent moins ces problèmes
d'adaptation régionale, car ils sont présents uniquement en
69 MIGROS. (SANS DATE). « Die Genossenschaften der
Migros. » Consulté le 28 septembre 2007 sur le site
http://www.migros.ch/DE/Regionen/Seiten/Uebersichtsseite.aspx
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 42
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Suisse alémanique en ce qui concerne Volg et Spar, et
uniquement en Suisse romande pour ce qui est de Magro/Casino. Pam,
détenu par la société valaisanne LVH, ayant
été, il y a peu de temps encore, une chaîne strictement
valaisanne, est désormais obligée de revoir sa façon de
gérer son organisation, puisqu'elle est passée du stade de
distributeur local à celui de distributeur national en reprenant les
franchises Primo et Vis-à-Vis de Suisse Romande et en rachetant en 2002
les magasins PickFresh. Le français Carrefour avait quant à lui
plus de facilités à s'intégrer dans le paysage de la
grande distribution romande, vu la proximité géographique et
culturelle de la France, où les magasins Carrefour sont
déjà bien connus. Leur acceptation par les clients suisses
allemands a pris un peu plus de temps70. Cela dit, on ne peut plus
considérer à l'heure actuelle Carrefour comme véritable
concurrent de Migros et Coop, car le groupe a la ferme volonté de
quitter le marché à travers la vente de ses magasins,
détenus jusqu'à présent par une participation conjointe
entre Carrefour et Maus Frères, cette dernière
société possédant la chaîne Manor. La vente des
magasins à Coop doit néanmoins encore recevoir l'accord de la
Comco. Manor est d'ailleurs un des rares distributeurs, à
côté de Pam, à être présent à
l'échelle nationale. À noter que dans ce travail, nous ne nous
intéresserons pas aux structures de Denner en tant qu'acteur
indépendant à cause de son appartenance au groupe Migros.
Toutefois, en continuant à être géré de façon
indépendante, et n'étant par conséquent pas soumis aux
coopératives régionales, Denner continuera au moins pendant les 7
ans qui viennent à être géré de façon
centralisée sur le plan national.
Les deux hard discounters allemands fraîchement
arrivés sur le marché suisse ont de leur côté une
structure volontairement très centralisée qui se traduit par une
forte uniformisation de la gestion des différents magasins et de
l'assortiment. Comme nous l'avons vu ci-dessus, le consommateur est par contre
habitué dans de nombreux cas à une gestion plus locale des
supermarchés dans lesquelles il va faire ses courses. L'avenir montrera
si Aldi et Lidl seront en mesure de s'affirmer sur le marché
helvétique malgré un certain désavantage concernant la
gestion centrale et non régionale de leurs magasins et une forte
uniformisation comme concept de départ.
70 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau,
secrétaire général du groupe Maus Frères
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 43
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
T'es Migros ou t'es Coop ?
Afin de prendre du recul par rapport à la
déferlante annoncée par les médias sur l'arrivée
d'Aldi et Lidl, nous avons décidé d'essayer de sonder les raisons
qui poussent les consommateurs à se rendre à telle ou telle
enseigne. L'hypothèse de base étant que le prix est un facteur
déterminant, mais qu'il est accompagné d'autres facteurs tout
aussi importants.
Nous avons voulu ici nous éloigner du modèle
purement économique du consommateur « rationnel » et
étudier les aspects « non rationnels » qui entrent en jeu dans
la société mais qui ne sont pas pris en compte dans une
étude purement économique.
Il est de réputation que les consommateurs suisses sont
des consommateurs particuliers, exigeants en termes de qualité et
possédant un pouvoir d'achat élevé et moins sensibles aux
prix. La société change, ce constat peut découler d'un
certain formatage des consommateurs par Migros et Coop. Le consommateur
caricatural suisse, préférera la qualité d'un produit
suisse ou éthique quitte à payer légèrement plus
cher. Il préférera faire ses achats à côté de
chez lui et se retrouvera chez lui, choyé dans ses magasins, dans un
environnement connu.
Nous avons interrogé quelques personnes pour
connaître leurs habitudes d'achats alimentaires. Nous n'avons pas pu,
pour des raisons de temps et de disponibilité, organiser un sondage
très approfondi avec des données répertoriées.
Cependant, il nous est possible de dégager une certaine tendance et une
classification, qui est peut être subjective, mais nous sommes
persuadés de la présence d'un grand fond de vérité
dans cette lecture de la société des consommateurs suisses.
Nous constatons que nos deux géants ont
segmentarisé le marché. Bien que les produits proposés
soient totalement substituables, l'élasticité de choix entre la
Migros et la Coop est de loin influencée par divers facteurs :
Entre Migros et Coop, lequel choisissez-vous ?
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 44
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Coop
Voici les principales raisons souvent avancées par ceux
qui effectuent leurs achats chez Coop : la diversité des produits, le
choix, les nouveautés et une qualité offerte par les marques
supérieures aux produits de Migros. Le cadre et la présentation
des produits ainsi qu'un grand choix de produits biologiques ou de label de
qualité ou d'environnement. Coop se positionne plus en termes de
qualité « élargie » des produits. Le fait d'avoir la
Supercard est également mentionné dans les avantages.
Les critiques à l'égard de Coop mentionnent des
prix légèrement plus élevés et moins de leadership
par rapport à Migros qui investit régulièrement de
nouveaux marchés. Coop est vue comme suiveuse et non comme leader. Le
fait que Coop ait démantelé les magasins bon marché EPA ou
la reprise de Waro et la transformation de ces enseignes en Coop avec des prix
Coop plus élevés, ont chagriné certains clients. Coop est
vue comme une entreprise prédatrice, absorbante.
Migros
L'habitude des produits Migros et la connaissance de leur
emballage
sont souvent avancées pour le choix de cette enseigne.
Considérée comme une sorte de tradition familiale, « Ma
mère allait à la Migros, je vais à la Migros, je connais
les produits, je sais où ils se trouvent ». Une certaine
éthique dans l'esprit Migros, le fait de ne vendre ni cigarettes ni
alcool et l'aide apportée à la culture parlent en faveur de
Migros. Migros est vue comme une entreprise bienfaisante en Suisse. L'argument
prix est régulièrement avancé : « La Migros est moins
chère que la Coop », aussi à travers les produits M-Budget.
Le fait de « vivre » Migros également dans plusieurs domaines
: « je suis à la Banque Migros, je vais à l'école
Club Migros », en somme Migros comme philosophie de vie. Le fait d'avoir
conservé l'indépendance entre Migros et le groupe Globus et le
fait qu'il ne soit pas affiché Migros dans les magasins de ce groupe
jouent également pour Migros : les gens ne se sentent pas envahis. Si
Migros renommait toutes ses entreprises en « Migros » les
consommateurs seraient sûrement affectés dans leur attachement
envers ces enseignes. Le fait d'avoir la carte Cumulus est également un
argument avancé.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 45
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Les raisons qui sont en défaveur de Migros, sont
l'absence de cigarettes, d'alcool et de vin, le manque de marques et de choix
des produits, ainsi que le manque d'originalité de ceux-ci et enfin, la
suprématie de Migros sur le commerce de détail.
Denner
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La raison principale de la fréquentation de Denner est
l'achat d'alcool et de cigarettes car les prix sont bas et l'achat de certaines
marques à bon prix également. Rares sont les gens à se
fournir exclusivement chez Denner, Denner étant largement vu comme un
complément aux deux géants.
|
Les raisons avancées contre Denner sont l'absence de
produits frais, le manque de qualité et de choix dans ses produits, la
présentation des plus simples, l'accueil laissant à
désirer, le cadre d'achat peu attirant et la classe sociale qui
fréquente les Denner pour s'y fournir en alcool et cigarettes.
Concernant la question « que pensez-vous du rachat de
Denner par la Migros » les consommateurs sont partagés. Beaucoup ne
se sentent pas affectés car ils ne fréquentent pas Denner et de
toute façon, Migros est déjà leader et Denner un tout
petit à côté de Migros. Ils préfèrent
également que Denner reste suisse et que l'enseigne ne disparaisse
pas.
Il ressort de ces questionnaires que les points importants pour
le choix d'un magasin sont :
1. Proximité
2. Accessibilité
3. Diversité des produits et des prix
4. Qualité des produits, ambiance du magasin
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 46
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Genève - Octobre 2007
« La coopérative » : une
spécialité suisse
En vue d'une analyse complète du marché de la
grande distribution suisse, il ne faut pas oublier de mentionner le fait que
les deux plus grands acteurs, Migros et Coop, sont tous deux des
coopératives. Cette situation est d'ailleurs unique dans le domaine de
la grande distribution en Europe. Chez Migros avant tout, ce statut de
coopérative est entre autres lié à une longue histoire
d'engagement social et culturel basée sur la volonté de son
fondateur Gottlieb Duttweiler. Migros compte actuellement 1'993'543
coopérateurs71 et Coop 2'461'462
coopérateurs72. Il faut toutefois remarquer que les deux
coopératives sont aujourd'hui, par obligation, gouvernées comme
des sociétés anonymes, justement pour faire face à la
concurrence de celles-ci73. Mentionnons aussi une autre
coopérative en Suisse, la coopérative de paysans Fenaco, qui
possède les magasins d'alimentation Volg, présents uniquement en
Suisse allemande. Cependant, avec ses 640 succursales, qui sont pour la plupart
des petits commerces villageois, les magasins Volg sont nettement moins
importants que les deux grands leaders.
Remarquons que le statut de coopérative comporte
certains avantages stratégiques pour Migros et Coop, qu'ils utilisent
dans le but d'affirmer et de renforcer leur position sur le marché.
D'abord, parce que la direction d'aussi grandes coopératives est,
paradoxalement, moins contrôlée que celle d'une
société anonyme, ceci étant dû à la
difficulté de mobiliser 2 millions de coopérateurs dans le but de
changer éventuellement des modes de gestion, coopérateurs qui, la
plupart du temps, ne se sentent pas tellement concernés. Alors que, dans
une société anonyme, les actionnaires sont logiquement plus
impliqués dans la gestion de l'entreprise, car c'est leur argent qui est
en jeu. La gestion d'une coopérative peut donc s'avérer plus
commode pour les gestionnaires que la gestion d'une société
anonyme, car ils ont les coudées plus franches pour l'élaboration
et la poursuite de leurs stratégies. De plus, il est pratiquement
impossible, pour une autre entreprise, de racheter d'aussi grandes
coopératives que Migros ou Coop74. Ce fait est
particulièrement intéressant, car cela signifie
71 RAPPORT DE GESTION MIGROS. (2006).
72 RAPPORT DE GESTION COOP. (2006).
73 WELTER, M. (avril 2005). « Genossenschaft -
bedrohter und aktueller denn je ; Interview mit Peter Moser. » Landfreund
d'avril 2005
74 ZULLIGER, J. (SANS DATE). « Eidgenossenschaft -
nicht Schweiz AG. » Consulté le 26 septembre 2007 sur le site
http://kvschweiz.ch/sw1437.asp
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 47
que Migros et Coop peuvent racheter des entreprises sans
toutefois risquer de subir le même sort. Si bien que les deux
distributeurs ne subissent pas de pression de ce point de vue-là. De
plus, cela empêche de grands groupes étrangers d'entrer sur le
marché suisse en rachetant éventuellement une des grandes
chaînes locales, comme l'Américain Wal-Mart l'a fait au
Royaume-Uni en rachetant le distributeur Asda75.
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Genève - Octobre 2007
75 DATAMONITOR. (mai 2007). « Food Retail in the United
Kingdom. » P.16
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 48
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Genève - Octobre 2007
Au-delà de nos montagnes, une autre
configuration ?
Le Benelux
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|
|
Il est intéressant de comparer la situation de la
grande distribution en Belgique et aux Pays-Bas avec celle de la Suisse, car
les deux pays ont vécu une transformation du marché de
détail similaire à celle que vivra la Suisse avec
l'arrivée des hard discounters. De plus, les deux pays font partie tout
comme la Suisse des petits pays européens et sont donc plus facilement
comparables.
|
En observant en premier le cas des Pays-Bas, nous remarquons
qu'il y existe une guerre des prix très intense depuis quelques
années, celle-ci étant largement due à l'arrivée
des hard discounters allemands Aldi et Lidl. À ce sujet, il est
intéressant de voir la réaction de l'entreprise
néerlandaise Laurus pour contrer l'attaque des hard discounters
allemands. Elle a en effet choisi de transformer certaines succursales de sa
chaîne de supermarché Edah en softs discounters. Une comparaison
avec la Suisse s'impose puisque Migros a opté pour une stratégie
similaire en rachetant le soft discounter Denner.
Le marché belge, quant à lui, est
structurellement plus proche du marché français vu l'importance
de la catégorie des hypermarchés. Le consommateur belge a lui
aussi profité d'une guerre des prix dans la grande distribution. Ceci
non seulement à cause de l'arrivée des hard discounters mais
aussi comme réaction à une croissance relativement faible du PIB
ces dernières années et à un taux de chômage assez
élevé. Ces deux conditions favorisaient tout naturellement la
recherche de bas prix du côté des clients. On a pu
également observer l'apparition et le renforcement des marques propres
à bas prix chez les distributeurs établis76. Cette
réaction de leur part face à l'arrivée des discounters
allemands est semblable à celle de Migros et Coop en Suisse avec le
lancement de leurs lignes bas prix M-Budget et Prix Garantie.
76 MOREAU, R. (hiver 2005). « Retailing in Belgium
and the Netherlands. » European Retail Digest (Issue 48) d'hiver
2005
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 49
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Les pays scandinaves
Le cas de la Scandinavie est lui aussi spécialement
intéressant à mettre en parallèle à celui de la
Suisse, car on y trouve un marché de la grande distribution assez
semblable à celui de la Suisse. Deux pays scandinaves sont
particulièrement intéressants pour cette comparaison : le
Danemark et la Finlande. Ces deux pays sont proches de la Suisse parce que deux
distributeurs y dominent le marché. Au Danemark, il y a deux groupes qui
ressortent, le groupe « Dansk Supermarked A/S » et le groupe «
Coop Norden Sverige AB », ce dernier étant, comme son nom
l'indique, un groupe d'origine suédoise. D'autres groupes plus petits se
partagent le reste du marché.
Le marché finlandais possède la même
structure que le marché danois, mais il est encore plus
concentré. Les deux premiers distributeurs du pays, le « S-Group
» et le groupe « Kesko », détiennent à eux seuls
plus de 70% du marché77. C'est donc à priori une
structure assez proche de celle que l'on peut observer en Suisse. Cependant les
troisième et quatrième distributeurs du marché («
Tradeka » et « Spar-Group ») y ont tout de même une part
de marché non négligeable de respectivement 10,8% et 6,2%
(chiffres de 2005). Cela ressemble donc un peu à la situation en Suisse
avant le rachat de Denner par Migros.
Mais il apparaît clairement que la petite taille des
marchés scandinaves combinée à une forte concentration
dans le secteur, fait que ce marché n'est finalement pas très
intéressant pour des concurrents étrangers78. En tout
cas ils ne se pressent pas pour y entrer, à l'instar du marché
suisse. Pourtant, il y a une grande différence avec la Suisse : en
Finlande, Lidl est entré sur le marché en 2002 déjà
et a pu s'établir avec un succès certain, car sa part de
marché est évaluée à 5% aujourd'hui. En effet, en
2006 Lidl possédait déjà 110 succursales, ce qui est
relativement beaucoup pour un pays de 5 millions d'habitants. Cette belle
réussite a été largement favorisée par la mauvaise
préparation des distributeurs établis. Quand Lidl a
débarqué sur le marché finlandais en 2002, il a pu ainsi
offrir des prix 20% à 30% meilleur marché que les concurrents. Ce
n'est qu'après coup que les détaillants établis ont
commencé à réagir. En observant la stratégie
utilisée par Lidl pour se frayer un chemin sur le marché
finlandais, on remarque qu'ils ont su s'adapter aux coutumes locales en
proposant peu à peu
77 RÖKMAN, M. (hiver 2006). « Lidl Settling into
Finland. » European Retail Digest (Issue 52) d'hiver 2006
78 MOREAU, R. (hiver 2006). « Retailing in the Nordics.
» European Retail Digest (Issue 52) d'hiver 2006
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 50
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Genève - Octobre 2007
des produits du pays, y compris certaines marques «
premium ». De plus, Lidl se fait livrer par des fournisseurs finlandais
pour certaines marques propres, que Lidl estampille d'un drapeau finlandais.
Cette stratégie s'est révélée décisive pour
la réussite sur le marché finlandais vu la grande demande des
habitants pour des produits Bio et éthiques. En ce sens, le comportement
du consommateur finlandais se rapproche de celui du consommateur suisse. La
stratégie adoptée par Lidl Finlande pourrait par
conséquent être bientôt appliquée par Lidl et Aldi en
Suisse aussi.
Le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni fait aussi partie des marchés à
forte concentration sur le plan européen, même si ce n'est de loin
pas comparable à la Suisse ou à la Finlande. Il y a quatre
distributeurs qui dominent le marché : Asda, Tesco, Sainsbury's et
Morrisons79. Le cas du Royaume-Uni est intéressant par
comparaison à la Suisse, car il est un des seuls marchés
européens qui a pu résister avec succès à
l'arrivée des hard discounters. Cette comparaison est d'autant plus
intéressante vu l'arrivée d'Aldi et Lidl en Suisse. Et il semble
bien que Migros et Coop, en suivant l'exemple des distributeurs anglais, sont
sur la bonne voie pour lutter efficacement contre l'attaque des hard
discounters allemands. Pour relativiser, les hard discounters sont tout de
même parvenus à s'installer sur le marché du Royaume-Uni.
Toutefois, en comparaison avec d'autres pays européens tels que la
France et l'Allemagne, leur part de marché reste plutôt faible. En
effet, il y a trois discounters étrangers qui sont entrés sur le
marché anglais ; il s'agit du danois Netto et des allemands Aldi et
Lidl. À eux trois, ils comptabilisent une part de marché
d'environ 5% qui n'a pas évolué bien qu'ils soient
présents depuis plus de dix ans en Grande-Bretagne80.
Les distributeurs britanniques ont réussi cet exploit
en réorganisant leurs magasins et leur assortiment de façon
à ce que le consommateur ne ressente pas la nécessité
d'aller faire ses courses chez les discounters. Pour cela les
détaillants britanniques ont proposé des lignes de bas prix
permanents pouvant concurrencer les prix offerts par les discounters. De plus,
ils ont rénové leurs magasins de façon à offrir un
cadre d'achat plus accueillant aux clients, comparé
79 DATAMONITOR. (mai 2007). « Food Retail in the United
Kingdom. » P.13
80 AWBI, A. (3 avril 2006). « UK supermarkets chase
discount pound. » Consulté le 29 septembre 2007 sur le site
http://www.foodanddrinkeurope.com/news/ng.asp?n=66812-lidl-asda-netto
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 51
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Genève - Octobre 2007
à celui offert par les discounters danois et
allemands81. Les distributeurs britanniques ont de plus lancé
tout un programme visant à augmenter la fidélité des
clients. Le groupe Tesco a par exemple crée, en 1995 déjà,
une carte fidélité lui permettant simultanément de
renforcer l'attachement des clients et de récolter des données
les concernant. À cela s'ajoute une diversification dans les biens et
services financiers et non alimentaires visant également la
fidélisation des clients82. Ces stratégies
correspondent exactement à celles adoptées par Migros et Coop en
Suisse et pourront par conséquent certainement être
couronnées de succès.
En conclusion : utilité de la
comparaison
Comparer la situation actuelle en Suisse avec la situation sur
d'autres marchés européens devient très intéressant
dans le but de faire une prévision sur l'avenir de la grande
distribution en Suisse. La Suisse est de fait un peu en retard par rapport aux
autres pays de l'Europe de l'Ouest qui ont pour la plupart déjà
vécu l'arrivée des hard discounters. Aussi remarquons-nous que
les stratégies utilisées par Migros et Coop pour
développer leur position sur le marché ressemblent souvent
fortement à des stratégies précédemment mises en
place par d'autres acteurs européens sur leur marché domestique.
Nous pouvons donc en conclure que la Suisse vit avec un léger
décalage les événements qui ont marqué les
marchés de la grande distribution des pays voisins. L'avantage
étant pour les deux grand distributeurs suisses établis de
pouvoir choisir des stratégies déjà testées sur
d'autres marchés en espérant que celles-ci soient aussi valables
en Suisse.
La présentation de ces quelques marchés
comparables nous permet de retenir certains points importants. Tout d'abord,
nous voyons que le cas de la Suisse avec son duopole Migros-Coop est certes
très spécial mais pas unique. Il existe des structures assez
proches au Danemark et surtout en Finlande, même s'il faut avouer que le
duopole helvétique est tout de même plus prononcé.
Ensuite, nous pouvons remarquer que les petits pays de
l'Europe de l'Ouest tels que les pays scandinaves ainsi que la Suisse
n'attirent pas autant les grand groupes internationaux à cause
81 MOREAU, R. (printemps 2006). « Retailing in the UK
and Ireland. » European Retail Digest (Issue 49) du printemps 2006
82 POOLE, R. et al. (2002). « Growth, concentration and
regulation in european food retailing. » European Urban and Regional
Studies 2002 9(2). P.169
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 52
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Genève - Octobre 2007
de l'étroitesse du marché et d'une forte
saturation prévisible83. L'exception étant les hard
discounters, avant tout Lidl et Aldi qui, forts de leur puissance
financière semblent vouloir conquérir petit à petit tous
les marchés européens et même ceux d'autres continents.
Finalement nous pouvons conclure, après cette
comparaison sur le plan européen, qu'il est tout à fait possible
pour les distributeurs nationaux de lutter efficacement contre l'ensemble de
l'arsenal des hard discounters. La condition étant une réaction
suffisamment rapide et vigoureuse de la part des détaillants en place,
à l'image de ce qui s'est passé aux Pays-Bas et au
Royaume-Uni.
83 THE ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT LIMITED. (juin 2005).
« Market profile Switzerland. » Consumer Goods and Retail
Forecast - The Economist Intelligence Unit Limited du juin 2005
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 53
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La Valaisanne Holding , une histoire à la
« Valaisanne »
Fondée le 15 septembre 2004, cette holding est
très discrète et secrète. On ne connaît pas ses
actionnaires, le registre du commerce nous indique que le capital action,
entièrement libéré était de 35'000'000.- à
la création et a été augmenté successivement
à 47'000'000.- le 27 décembre 2004 puis finalement à
84'000'000.- le 5 septembre 2005. Le conseil de direction est assuré
à la fondation par Jean-Claude Gonnet, citoyen français, Maurice
de Preux et Michel Zen Ruffinen. Le 7 septembre 2007, Jean-Claude Gonnet est
administrateur unique de LVH.
Maurice de Preux est membre du conseil de direction de la BCVs
et un prêt de 40'000'000.- à été accordé
à LVH par la BCVs. Michel Zen Ruffinen, homme d'affaires valaisan, est
l'ancien vice-président de la FIFA. Jean-Claude Gonnet, ce
Français de 55 ans a été frappé en septembre 2005
d'une interdiction de gestion dans l'Hexagone pour 10 ans, prononcée par
le tribunal de commerce de Saintes. (
Capital.fr du 25.05.07). Une histoire
qui serait liée à un trafic d'armes avec le Zaïre
(actuellement République démocratique du Congo).
La famille Baud, fondatrice des magasins Franprix et Leader
Price en France est en conflit ouvert avec le groupe Casino84.
La famille Baud, qui ne détient plus que 5 % de
Franprix mais possède encore 25 % de la chaîne de
supérettes Leader Price (enseignes désormais
contrôlées par Casino), est en effet soupçonnée de
posséder, sans l'avoir déclaré, 900 points de vente
alimentaire en Suisse, contrevenant ainsi aux accords de non-concurrence
passés avec Casino85.
La famille Baud a vendu 95% de ses participations de Franprix
et 75% de Leader Price à Casino. Mais elle est restée à la
tête du conseil d'administration. Elle possède une option de vente
de ses participations restantes à Casino en 2008 indexée sur les
bénéfices réalisés au cours des deux
dernières années. Or, Casino aurait violé le pacte
d'actionnariat en excluant la
84 Distrib News du 11 septembre 2007
85
Capital.fr du 25 mai 2007
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Genève - Octobre 2007
famille Baud de la direction de Leader Price, en l'accusant de
ne rien faire contre la baisse du chiffre d'affaires et en voulant à
tout prix gonfler les bénéfices. La famille Baud refuserait de
raboter sa marge comme l'ont fait l'ensemble des distributeurs français
suit à l'appel du gouvernement86.
Après avoir repris la direction, Casino a
découvert plusieurs dossiers noirs et accuse la famille Baud d'abus de
bien sociaux, de menaces et de mise en danger de la vie d'autrui. La famille
Baud serait revenue en force chercher des documents dans leurs anciens bureaux
et aurait manqué de tuer un garde de la sécurité avec leur
4x4 en prenant la fuite. Casino accuse également la famille Baud d'avoir
versé 300'000 euros à Genesis 22 pour des droits d'images de
Ronaldinho alors que Casino les détenait
déjà87.
Or, Monsieur Jean-Claude Gonnet est également
l'administrateur de Genesis 22 Holding, une entreprise qui détient les
droits d'images de Ronaldinho.
« LVH exploite en Suisse la marque Leader Price, dont la
licence (non exclusive) lui a été cédée par la
société suisse Chaillet SA, filiale de Geimex, une autre
société, dirigée par la famille Baud (qui la
détient à 50/50 avec Casino) et qui est responsable des licences
Leader Price sur le plan international. Or, le groupe de distribution Magro qui
exploite sous licence les magasins Casino en Suisse, affirme n'avoir jamais
obtenu de Chaillet l'autorisation de distribuer localement les produits Leader
Price. Comme si les Baud ne tenaient pas à faire concurrence au groupe
LVH. »
Robert et Bernard Baud, installés en Suisse depuis
février 2006, ont pour domicile officiel la Villa des Tourelles à
Saxon, dans le canton du Valais, qui est aussi l'adresse du président de
LVH et de Genesis 22, Jean-Claude Gonnet88. La famille Baud
pèse entre 2 et 3 milliards89.
LVH a racheté en Suisse les magasins valaisans PAM et les
Primo, Vis-à-Vis, et les Pick-Pay partenaires, passés sous
enseigne PAM. Or la charte graphique de PAM reprend exactement le logo des
magasins Franprix de la famille Baud à Paris. Dans les prospectus de
présentation des concepts PAM et Proxi pour les
86
Capital.fr du 1 mai 2007
87 Le matin dimanche du 2 juin 2007
88
Capital.fr du 25 mai 2007
89 Le matin dimanche du 2 juin 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 55
détaillants privés, le logo Franprix sans
l'adjonction « Pam » est clairement visible en filigrane. Lors de nos
questions à LVH/Valrhône il nous à été
répondu qu'il n'y avait aucune relation avec les magasins Franprix et
Casino français90.
Franprix, Paris Produit Alimentaire Martigny PAM, Suisse
Beaucoup d'indices semblent montrer que la famille Baud est
derrière LVH, que va-t-il advenir de la famille Baud, car de lourds
soupçons pèsent sur elle et elle est poursuivie en France
à la suite de plusieurs plaintes graves émises par Casino.
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
90 Contact par e-mail le 29 juin 2007 avec Sandrine Bujard,
responsable marketing et communication Valrhône SA (centrale de livraison
des magasins PAM et Proxi/Treffpunkt)
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 56
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Là, où l'homo oeconomicus devient
sentimental
Il y a différents aspects qui manquent souvent dans une
analyse d'un secteur économique, dans notre cas l'analyse du secteur de
la grande distribution, car ils ne sont pas forcément chiffrables,
quelques fois subjectifs et parfois même pas perceptibles à
première vue.
Les conditions de travail
Nous allons tout d'abord parler des aspects sociaux qui
caractérisent le marché de la grande distribution en Suisse. A ce
propos, il faut d'abord penser à l'environnement et aux conditions de
travail que l'on peut observer dans les supermarchés du pays. Il faut
dire que les employés du commerce de détail en Suisse sont
généralement plutôt bien lotis en ce qui concerne les
conditions de travail et les avantages sociaux. Ceci est grandement dû
à l'importance donnée au social chez les deux grands leaders
Migros et Coop. Cette importance trouve ses origines dans leur histoire en tant
que coopératives et pour ce qui est de Migros aussi dans la
volonté de son fondateur Gottlieb Duttweiler de garder un esprit social,
raison pour laquelle il a d'ailleurs transformé Migros en
coopérative.
Ceci se traduit en pratique par un cadre de travail
relativement agréable, des salaires plutôt généreux
pour le secteur, avec surtout des possibilités d'avancement, divers
avantages sociaux et des vacances assez généreuses. À ce
cadre de travail plutôt agréable s'ajoute une convention
collective nationale de travail entre Migros, Coop et les syndicats. Le cadre
de travail offert par Migros et Coop a d'ailleurs été loué
dans une récente étude91.
Cette récente étude a toutefois aussi
démontré que les conditions de travail sont nettement moins
avantageuses chez les autres concurrents de Migros et Coop. La preuve en est
que les syndicats étaient plutôt contents de l'éventuelle
reprise de Carrefour par Coop, puisque Coop leur offre une CCT, qui n'existait
pas avec Carrefour. Dans cette même étude, Aldi a
été vivement critiqué, entre autres pour son manque de
transparence dans les chiffres. En effet,
91 TSR. (6 juillet 2007). « Conditions de travail: Aldi
bonnet d'âne. » Consulté le 2 octobre sur le site
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=7999925
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 57
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Aldi et Lidl ont toujours été des entreprises
très secrètes quant à leur fonctionnement. En Allemagne
déjà, les deux hard discounters sont souvent stigmatisés
par les syndicats et l'opinion publique pour les mauvaises conditions de
travail offertes à leurs employés.
Le syndicat Syna92 est en bisbille avec Aldi quant
aux contrats de travail de ses employés. Le 50% est
généralisé, il y a interdiction de parler aux
médias, une activité bénévole doit être
approuvée préalablement par Aldi, etc. « Il s'agit d'une
ingérence dans la vie privée», selon Robert Schwarz,
responsable du commerce de détail pour Unia. «À part en ce
qui concerne nos concurrents, un second emploi est toléré. Nous
voulons simplement être informés. Par exemple, en cas d'accident
dans un magasin, nous voulons savoir s'il résulte de la fatigue.(....)
Concernant enfin l'ingérence dans la vie privée, cela fait partie
du passé. Nos contrats ont été modifiés»,
conclut le porte-parole d'Aldi Sven Bradke93.
Le cadre de l'achat
Le cadre de l'achat et l'ambiance véhiculée par
les magasins est un facteur non négligeable dans une analyse de la
grande distribution. De ce côté-là, nous avons
été plutôt gâtés en Suisse ces
dernières années.
Coop, avant tout, a entamé ces dernières
années d'importantes rénovations dans ses magasins en vue de les
rendre plus attrayants et d'offrir aux clients une ambiance assez
feutrée pour faire leurs achats. Elle suit ainsi l'exemple de Manor qui
a su, dès les années 1980 déjà, offrir à ses
clients une ambiance très chic, tout en mettant l'accent sur l'aspect
« marché » de ses magasins94. La Migros est quelque
peu en retard concernant l'aménagement intérieur. Il lui manque
en fait une politique globale dans le domaine de l'équipement
intérieur. Ainsi, il peut y avoir des différences significatives
entre les différentes succursales. Denner, la nouvelle possession de
Migros, avait, il y a de cela quelques années aussi, investi fortement
dans la rénovation de ses magasins. Toutefois, les magasins Denner
restent, pour la plupart du temps, peu accueillants
92 SYNA. (SANS DATE). « Aldi - A la limite de la loi.
» Consulté le 27 juin 2007 sur le site
http://www.syna.ch/secteurs-branches/secteur-tertiaire/commerce-de-details/aldi.html
93 ESKENAZI, D. (28 octobre 2006). « Suisse - Aldi
tancé par les syndicats. » Le Temps du 28 octobre 2006
94 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau,
secrétaire général du groupe Maus Frères
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 58
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
(avis personnel des auteurs) et souvent très
étroits, ne poussant ainsi pas le consommateur à rester longtemps
dans le magasin, contrairement aux magasins Coop, Manor et Migros où le
cadre d'achats se montre souvent des plus agréables.
Le cadre d'achat est bien entendu radicalement
différent chez les nouveaux arrivés sur le marché du hard
discount Aldi et Lidl. Tout d'abord, l'uniformisation et la simplification y
sont poussées à l'extrême, aussi bien dans l'architecture
extérieure qu'intérieure. Pour le client, les achats chez Aldi et
Lidl se révèlent faciles, grâce à de larges
couloirs, peu de temps d'attente aux caisses et de vastes parkings, mais en
même temps peu agréables du point de vue ambiance d'achat. En
effet, les couloirs sont peu engageants, l'arrangement des produits dans les
cartons n'est pas vraiment attrayant et les légumes manquaient nettement
de fraîcheur lors de l'enquête que nous avons menée.
À cela s'ajoute un personnel souvent mis sous pression, qui n'a pas le
droit d'adresser la parole aux clients et qui est tenu de faire la transaction
à la caisse le plus rapidement possible ce qui nuit très
nettement à la convivialité95. Le contraste est
surtout flagrant avec Migros où les employés sont tenus
d'être spécialement polis avec le client et d'accompagner celui-ci
jusqu'au produit recherché.
Le manque de choix
Le phénomène de concentration que l'on peut
observer ces dernières années sur le marché suisse a aussi
des effets sur la diversité des produits proposés. La
quantité élevée d'achat effectuée au-delà
des nos frontières en est une preuve. Car les gens ne vont pas seulement
y faire leurs achats pour des raisons de prix, mais aussi pour des raisons de
choix. En effet, on trouve un tout autre choix autrement plus vaste dans un
hypermarché en France que dans les magasins suisses96
(notamment un choix énorme pour les poissons et viandes).
En rachetant un par un leurs concurrents, Migros et Coop
améliorent bien sûr leur position sur le marché mais
diminuent à chaque fois aussi les possibilités de choix des
consommateurs. Un des exemples dans le domaine des biens non alimentaires est
certainement le rachat de l'EPA par Coop. Les magasins EPA proposaient aux
consommateurs tout un éventail de produits divers allant des appareils
ménagers jusqu'à
95 Expériences personnelles des auteurs
96 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane,
économiste à la Fédération Romande des
Consommateurs (FRC)
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 59
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
l'habillement dans un cadre, certes pas très luxueux,
mais à des prix très raisonnables. En transformant les anciens
magasins EPA en Coop City ou InterDiscount XXL, la Coop a supprimé tout
un segment d'offre qui avait tout de même ses adeptes. La même
chose est valable dans le cas de Carrefour. Dans le cas d'un oui de la Comco au
rachat des magasins Carrefour par la Coop, celle-ci a déjà
annoncé qu'elle allait transformer les magasins en succursales Coop. Or,
Carrefour était l'unique représentant dans le secteur des
hypermarchés « à la française » en Suisse avec
des prix souvent assez intéressants. Donc de nouveau tout un segment
d'offre qui pourrait disparaître. La Migros est en cela moins radicale
que la Coop, car elle maintient la plupart du temps les entreprises
rachetées en tant qu'entité distincte au sein du groupe Migros.
L'exemple le plus réussi étant certainement le rachat de Globus,
qui continue à se gérer lui-même en choisissant plus ou
moins librement ses fournisseurs. Ainsi, Migros maintient tout de même un
certain niveau de diversité. En espérant bien entendu que la
Migros ne change pas tout à coup de stratégie.
Un autre point important concernant le manque de choix est la
présence importante des marques de distributeurs dans les rayons des
magasins en Suisse97. Le concept de Migros est, bien entendu,
traditionnellement orienté vers ce type de produits. Mais il y a une
tendance chez d'autres distributeurs aussi, d'augmenter la proportion de
produits estampillés à leur nom dans leurs rayons, ceci
particulièrement chez Coop. Les récents rachats de la part de
Coop et Migros combinés à la volonté d'accroître la
part des marques propres, semblent en tout cas inquiéter les producteurs
d'articles de marque98 ; ils risquent de trouver de moins en moins
de repreneurs pour leurs articles, d'où résultent aussi des
limitations pour les consommateurs souhaitant acquérir des produits de
marque.
L'éthique
L'éthique d'entreprise et le respect envers la
société et l'environnement ne doivent pas seulement rester de
vains mots dans notre vie d'aujourd'hui. Plus que jamais, il est important que
les entreprises fassent preuve de respect sur le plan éthique. Ceci est
même primordial dans le secteur de la grande distribution, secteur que
tout un chacun est obligé de côtoyer au
97 MOREAU, R. (été 2006). « Retailing
in Germany, Austria and Switzerland. » European Retail Digest (Issue 50)
d'été 2006
98 PROMARCA. (4 septembre 2007). « Promarca: Anliegen
der gesamten Markenartikelindustrie wurde nicht Rechnung getragen. »
Medienmitteilung de Promarca du 4 septembre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 60
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
moins une fois par semaine, voire quotidiennement pour acheter
sa nourriture de tous les jours. Un secteur qui est par conséquent vital
pour nous. Il est d'autant plus important pour les entreprises présentes
sur ce marché d'être perçues par le client comme
étant des entreprises respectueuses de l'environnement et soucieuses de
la qualité des produits.
La qualité est d'ailleurs un des mots les plus
abondamment utilisés dans ce domaine. Il est intéressant
d'observer que même les hard discounters inscrivent la qualité
comme argument numéro un sur leur bannière, alors même que
leur concept de base est surtout axé sur les prix et la réduction
des coûts. Il suffit pour s'en convaincre de se rendre sur le site
Internet d'un hard discounter. Le mot « qualité » y
apparaît excessivement souvent, comme s'il s'agissait de convaincre les
consommateurs que l'on n'a pas économisé sur la qualité.
Du reste, Aldi et Lidl sont toujours très fiers de pouvoir arborer sur
leurs produits les bons résultats qu'ont obtenus leurs produits lors des
tests de qualité de la Stiftung Warentest (important organisme de
protection des consommateurs en Allemagne).
Nous voyons donc que la qualité est un fort argument de
vente. Mais il n'y a pas uniquement la qualité pure et simple qui
compte. Aujourd'hui plus que jamais, le consommateur est sensible à une
valeur parfois assez abstraite et difficile à définir qu'est le
respect de l'environnement, aussi bien dans le sens écologique que dans
le sens social du terme. L'enjeu pour les entreprises étant par
conséquent de convaincre le client de leur souci d'équité
dans leur activité. Les deux plus importants protagonistes suisses,
Migros et Coop, sont maîtres en la matière. Ils proposent tous
deux une pléthore de produits labellisés éthiques et Bio
et leur assortiment dans ce genre de produits ne cesse d'augmenter. À
tel point qu'il devient pour certains produits à la limite impossible de
trouver un spécimen qui ne soit pas labellisé Bio99.
Les autres entreprises du secteur ne sont d'ailleurs pas en reste, avant tout
Manor, qui a su très bien rendre visible la fraîcheur et la
qualité de ses produits à travers une présentation
adéquate dans ses supermarchés.
Même s'il s'agit là bien sûr de
stratégies de marketing de la part des distributeurs, visant à
répondre aux besoins des clients, voire à créer ces
besoins chez ceux-ci, cette omniprésence de produits éthiques et
Bio a toutefois le mérite de montrer la préoccupation aussi bien
des
99 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane,
économiste à la Fédération Romande des
Consommateurs (FRC)
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 61
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
distributeurs que des consommateurs quant aux enjeux
environnementaux et sociaux et de proposer des solutions aux problèmes
que nous pose notre monde d'aujourd'hui. Et ce n'est pas pour rien que les
Suisses sont actuellement champions du monde de la consommation de produits
« éthiques » et Bio100.
100 SWISSINFO. (3 avril 2007). « Le bio se vend mieux
mais perd des exploitations agricoles. » Consulté sur le 7
octobre 2007 sur le site
http://www.swissinfo.org/fre/swissinfo.html?siteSect=881&sid=7684919
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 62
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Comparaison des rapports de Gestion entre Migros
et Coop
Nous avons compilé certaines informations des rapports
d'exercice de Migros et de Coop de 1975 à nos jours. Pour ce faire, nous
nous sommes rendus au siège de Migros Genève ; et pour Coop, nous
avons demandé des fichiers informatiques.
Nous avons relevé l'ensemble des chiffres et en avons
tiré des graphiques que vous pouvez consulter en annexe. Ces graphiques
renseignent sur l'évolution de certains indices sans toutefois
être très pertinents. Nous constatons une progression
régulière dans tous les indices relevés. A noter que les
rapports de Coop ont subis plusieurs modifications dans la comptabilisation des
informations au cours des années, il en résulte quelques «
sauts » dans les graphiques.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 63
Relevés de Prix
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Le 11 juillet 2007, les auteurs ont effectué un
relevé de prix d'un panier type dans plusieurs magasins présents
en Valais. Les enseignes suivantes ont été visitées : Pam
à Martigny, Aldi à Viège, Manor à Monthey, Coop
à Collombey, Migros à Monthey, Casino à Collombey, Denner
à Martigny et à Monthey. Nous nous sommes focalisé sur
des denrées de base. Nous avons par la suite
pondéré nos achats avec des quantités
standardisées. Vous trouverez les résultats
détaillés en annexe. Il convient de noter qu'une petite
différence de prix a rapidement des influences sur le classement. Aldi a
été fortement handicapé par le prix de l'huile d'olive et
du vinaigre balsamique. Nous remarquons que les enseignes qui ne disposent pas
de produits premier prix pour un produit sont aussi rapidement
pénalisées. Nous avons retiré du comparatif les boites de
conserves car nous avions des soucis avec le poids ou les quantités, la
Vodka non présente chez Migros et le gruyère mi-salé non
présent chez Denner. Le classement obtenu nous semble toutefois assez
objectif. Vous trouverez en annexe tous les détails par produits.
Il est intéressant de noter que tout ce joue dans un
mouchoir de poche et que Denner est moins cher qu'Aldi, principalement à
cause du vinaigre balsamique et de l'huile d'olive, non présent en
premier prix chez Aldi. Le panier « Omniscient » sélectionne
systématiquement, pour chaque produit, le prix le moins cher
trouvé lors de notre enquête.
Total panier CHF
%
|
Omniscient
|
Denner
|
Aldi
|
Casino
|
Migros
|
Coop
|
Manor
|
Pam
|
50.99
|
60.50
|
62.76
|
64.39
|
64.61
|
67.23
|
72.67
|
77.19
|
-15.73
|
0.00
|
3.74
|
6.43
|
6.79
|
11.12
|
20.11
|
27.59
|
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 64
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
La Grande Distribution Helvétique
à travers la boule de cristal
Il est pratiquement impossible de prédire ce que sera
le paysage de la grande distribution dans 15 ou 20 ans mais certaines grandes
lignes se dessinent néanmoins. Dans l'hypothèse d'une
stabilité économique et politique, Coop et Migros seront toujours
présentes dans les années à venir et sûrement pour
les 30 et 40 ans à venir. Le statut de coopérative confère
une sécurité à Migros et Coop face à certains
effets économiques comme un rachat, une OPA ou une pression
actionnariale tournée vers la rentabilité au mépris de
l'investissement pour l'avenir.
De par leur héritage social, ces deux entreprises
devraient continuer à investir pour la collectivité en
prônant l'agriculture biologique ou en soutenant la culture. Il est fort
probable que ces deux entreprises occuperont une place encore plus importante
dans la politique et la gestion du pays de par leur pouvoir économique,
les canaux de communication et le capital de sympathie qu'elles ont.
Que vont faire Migros et Coop des bénéfices
réalisés chaque année ? Elles peuvent difficilement
investir à l'étranger car leur statut les enferme en Suisse. Il
serait difficile de faire passer à la population que Migros
rachète une entreprise étrangère, en effet à qui
iraient les bénéfices, le but de la coopérative
étant de servir les coopérateurs. On peut imaginer élargir
la base des coopérateurs vers l'étranger...
De plus, Migros a eu une expérience malheureuse en
Autriche avec les magasins Familia et a perdu au passage pas mal d'argent. Le
développement à l'étranger est depuis très
limité, la Coopérative genevoise gère depuis 1993, deux
supermarchés en France voisine, via Migros France S.A.. Migros France
est en train de construire à Neydens (F), à côté de
Genève, un super centre de loisirs, de détente et de commerce,
sur le modèle du centre Säntis-Park en Suisse alémanique,
dont l'ouverture est prévue en 2008.
La coopérative bâloise de Migros est
également présente en Allemagne sous une Sarl, avec 3
supermarchés en zone frontière, ouverts en 1995, 2001 et 2002. Le
but principal étant de récupérer une partie du tourisme
commercial. Sur le site de Migros Allemagne, ouvert depuis
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 65
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
mai 2007, il est indiqué que Migros est à la
recherche de surfaces de vente dans des centres-villes de plus de 50'000
personnes dans toute la Bavière et le Baden-Würtemberg. Il
semblerait que Migros ait décidé de se relancer à la
conquête de L'Allemagne.
Coop et Migros sont tous deux des géants en Suisse, mais
des « minus » et même des « ovnis » sur le plan
européen et mondial. La croissance la plus plausible est donc interne,
en Suisse.
Coop a, ces derniers temps, adopté une attitude de
chasseur et rachète un peu tout ce qui est à vendre, un peu comme
Swissair. Souhaitons un avenir plus radieux à Monsieur Loosli que celui
de Monsieur Brugisser.
C'est ainsi que dernièrement, Coop a racheté
Waro, EPA, Interdiscount, Radio/TV Steiner, Lumimart, Fust, et souhaite
reprendre les hypermarchés de Carrefour/ex Jumbo.
|
|
Coop rachète et absorbe ces entreprises sous une
direction commune et bien souvent, elle remplace les concepts et les enseignes
en magasin Coop. Elle ne segmente pas le marché en marques
différentes comme c'est le cas en France par exemple, où chaque
type et taille de marché a sa marque. Un groupe comme Casino
possède près de 10 enseignes différentes.
De son côté. Migros a racheté le groupe
Globus par exemple, mais la gestion est restée séparée,
elle en est propriétaire mais la vision stratégique est
séparée de celle des magasins Migros. Il en va de même avec
le rachat de Denner, la volonté affichée étant de
conserver une direction séparée « Denner reste Denner
», la Comco ayant transformé cette volonté en obligation.
Coop va-t-elle racheter les magasins de LVH et créer un
pôle de petits commerces de proximité avec ses nombreux magasins
de village ? LVH va-t-il racheter les petites Coop comme « Volg » qui
a intégré 17 petites Coop en 2002 dans ses magasins ?
Il semblerait que LVH soit arrivé au bout de ses
liquidités, de plus les magasins que LVH exploite ne sont pas faciles et
ne dégagent pas d'énormes chiffres d'affaires comparés
à
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 66
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Migros et Coop. Bien que la famille française Baud,
milliardaire et fondatrice des magasins Franprix/LeaderPrice, semble
derrière LVH, cette dernière est pour le moment une « minus
» en Suisse avec 81 millions de capital action entièrement
libéré. Elle pourrait hypothétiquement avoir quelques
soucis en relation avec le conflit entre Casino et la famille Baud en
France.
Magro S.A . semble bien se développer ces dernier temps
en construisant de nouveaux supermarchés. Là encore, Monsieur
Paul-Louis Chailleux reste un privé et n'a sûrement pas une
puissance commerciale énorme.
Le rachat à 470 millions des 12 hypermarchés
Carrefour est de loin inaccessible à LVH ou à Magro S.A.
Une société Migros -
Coop
Il est en revanche plausible que l'on assiste à une
omniprésence de Migros et Coop dans tous les domaines de la vie
quotidienne des suisses. Chaque marché est doucement investi par ces
deux acteurs : téléphonie mobile, cartes de crédit,
banques, assurances, dépannage routier, ameublement, papeterie,
concerts, billets d'avion ou de train, etc. Avec souvent au final, des prix
plus bas pour les consommateurs. Migros a là aussi une petite longueur
d'avance sur Coop qui suit plutôt son concurrent qu'elle ne s'attaque
à de nouveaux marchés.
Par le passé, Coop a revendu le 20 décembre 1999
sa banque Coop à la banque cantonale bâloise ; en 2000,
l'assurance Coop fusionne avec la Fribourgeoise et est ensuite reprise par la
Nationale. De son côté, Migros possède sa propre banque et
a des partenariats avec l'assurance Generali et, pour le dépannage
routier, avec Elvia.
Spar Suisse est une entreprise familiale sous franchise de
Spar International (Pays-Bas) qui possède 149 magasins et approvisionne
177 détaillants indépendants sous le concept Maxi. (92
Primo/Vis-à-Vis ont été repris en 2005 à Rewe).
Cette entreprise reste familiale.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 67
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Genève - Octobre 2007
Nous pouvons distinguer 4 segments de marché : les
magasins de proximité, les supermarchés urbains, les
hypermarchés, les magasins de maxi-discompte.
Pour le segment des magasins de proximité, quatre
groupes sont en train de reprendre la totalité du marché : PAM en
Suisse romande, Volg et Spar en Suisse alémanique. Ces trois enseignes
devraient rester stables, voire diminuer, car ce sont des petits magasins et
des épiceries de quartier. On peut imaginer un rachat de petites Coop
par ces groupes. Volg étant une coopérative, elle reste à
l'abri d'un rachat. Qu'en sera-t-il avec LVH et Spar ?
Du côté des supermarchés urbains, le
terrain est occupé par Migros, Coop et Magro. Manor restant un Grand
Magasin et non un supermarché.
Quel avenir est réservé aux marchés
Casino/Magro en Suisse ? L'entreprise en mains d'un homme d'affaires
français est très active depuis son rachat en novembre 2004 et a
ouvert récemment un nouveau magasin à Lausanne. Mais elle reste
minuscule par rapport à Migros et Coop. On peut imaginer que cette
entreprise est à l'abri d'un rachat par nos deux géants par
l'arbitrage de la Commission de la concurrence (Comco). Les expériences
passées nous ont montré qu'il est peu probable que la Commission
de la concurrence s'oppose à un rachat de Magro, sa part de
marché étant marginale. Que Magro soit indépendant ou pas,
le marché ne devrait pas être influencé par ce rachat.
Les hypermarchés devraient être occupés
par Migros, Coop et Casino avec 8 hypermarchés. Carrefour ayant
annoncé la cessation de ses activités en Suisse, Coop est sur les
rangs pour reprendre les 12 hypermarchés Carrefour. Migros étant
en avance sur Coop dans le segment des hypermarchés.
La décision de la Comco est attendue sous peu, sans
trop d'illusions une autorisation soumise à conditions envers les
fournisseurs devrait être délivrée.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 68
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
En effet, une interdiction pour Coop exclurait Migros
également et qui d'autre resterait en ligne ? Maus Frères,
partenaire avec Carrefour dans Distributis, propriétaire des 12
hypermarchés, ne reviendrait sûrement pas à la situation de
2000 en ressortant de ses cartons l'enseigne Jumbo. Magro n'ayant pas la
capacité financière de reprendre la totalité des
hypermarchés ou seulement certains d'entre eux, nous pouvons imaginer,
si Magro est intéressé, que certains Carrefour passent à
Magro et que les autres soient repris par Coop.
Du côté des maxi-discomptes, Denner repris par
Migros devra rester Denner et conserver son indépendance. Migros est
habitué à ce genre de gestion, elle fait de même avec le
groupe Globus. Denner est une enseigne historique de Suisse et occupe
déjà de bons emplacements.
Une nouveauté de l'étranger
?
Sous la protection de Migros, Denner n'a plus de soucis
à se faire face à Aldi et Lidl. Aldi est arrivé en Suisse
le 27 octobre 2007 et devrait être suivi par Lidl. L'avenir nous dira si
la déferlante des « Hard discounters » allemands
annoncée par les médias aura lieu ou pas.
Lidl a récemment fermé son bureau d'expansion de
Lausanne, mais conserve pour le moment ses bureaux de Berne, Bâle et
Frauenfeld. L'ouverture des premiers magasins est attendue pour 2008. Aldi et
Lidl pourraient avoir chacun dans les 170 magasins. Ils ont planifié
chacun 4 centres de distribution en Suisse, qui peuvent alimenter 60
succursales101.
Les premiers Aldi en Suisse romande devraient ouvrir à
Collombey et à Bulle avant la fin de l'année 2007. Les travaux
ont d'ailleurs commencé.
D'autres acteurs étrangers vont-ils venir en Suisse ?
Il est très peu probable qu'un Français se frotte au
marché suisse, Carrefour étant à son deuxième
retrait de Suisse et, tout comme le groupe Casino, en phase de
désendettement et de recentrage stratégique.
101 TSR. (20 mai 2007). Consulté le 3 octobre sur le
site
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=7838817&cKey=1179678285000
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 69
Les supermarchés et hypermarchés étant
très fortement dominés par Migros et Coop, les épiceries
de quartier étant rarement une mine d'or, il ne reste que le secteur du
maxi-discompte.
Or, celui-ci est occupé par Denner et Aldi. Et Lidl est
attendu bientôt. Dans les autres pays, les chaînes de discomptes
ont été lancées par des acteurs déjà
implantés pour contrer Aldi et Lidl, citons le cas de ED, Netto, Leader
Price en France. Le but est avant tout de conserver les clients dans son groupe
; aller à Carrefour, Champion ou ED c'est bon pour le groupe
Carrefour.
102
L'allemand Rewe ayant également jeté
l'éponge, on imagine vraiment mal un acteur étranger se frotter
au marché suisse.
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
102 Intérieur d'un magasin Denner « sur le pré
». Téléchargé sur le site
www.denner.ch
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 70
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Structures, Performances et
Conclusion
Nous voulons conclure ce travail par une analyse
économique du secteur, pour montrer où l'on se situe sur
l'échelle allant de la concurrence imparfaite à la concurrence
parfaite. Il existe, entre autres, deux façons d'analyser la situation
concurrentielle dans un secteur économique : l'approche structurelle du
secteur et l'analyse de la performance des entreprises présentes dans ce
secteur. Étant donné que ces analyses requièrent des
informations parfois traitées précédemment dans d'autres
chapitres de ce travail, ce chapitre-ci peut être perçu comme un
résumé de l'ensemble du travail.
Les structures du secteur de la grande
distribution en Suisse
En vue d'analyser les structures d'un marché, il
convient d'observer certains points importants qui nous indiquent si l'on est
en présence d'une concurrence parfaite où d'une concurrence
imparfaite.
L'atomicité
L'atomicité est acquise s'il y a suffisamment
d'entreprises sur le marché pour que le prix ne puisse pas être
influencé par celles-ci. Le prix est donc une donnée
exogène qui ne peut être influencée ni par les
consommateurs, ni par les entreprises. Pour étudier l'atomicité
d'un marché, il s'agit d'observer le nombre d'acteurs présents
sur le marché et les parts de marché que détiennent les
entreprises. De ce point de vue, le calcul de l'indice d'Herfindahl-Hirschmann
est une méthode intéressante.
Indice d'Herfindhal-Hirschmann (HHI)
L'indice HHI est un indice de concentration, qui permet de
vérifier une condition sine qua non de la concurrence parfaite,
l'atomicité. Il constitue un indicateur du pouvoir de marché et
de la concurrence qui s'exerce entre entreprises. Avant tout utilisé par
les autorités de la concurrence aux Etats-Unis d'Amérique, il est
cependant de plus en plus employé en
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 71
Europe aussi. Les autorités de la concurrence peuvent
l'utiliser pour voir si une fusion ou absorption pose problème du point
de vue de la concentration du marché ou pas. Bien entendu, il faut
préciser qu'il ne s'agit là que d'un indice, et comme
son nom l'indique, il n'a pas valeur d'autorité infaillible en la
matière.
Nous avons voulu calculer l'indice HHI pour connaître la
concentration sur le marché de la grande distribution et pour savoir
qu'elle sera l'incidence, sur la concentration du marché, de la
dernière fusion Migros-Denner et de la reprise des magasins Carrefour
envisagée par Coop.
La formule utilisée par l'indice HHI est la suivante :
n
HHI = (Pi
? )2 , avec Pi, la part de marché de l'entreprise i, et n,
le nombre d'entreprise
i=1
présentes sur le marché.
Pour calculer l'indice nécessite il convient tout
d'abord de connaître les parts de marché des acteurs
présents sur place. Nous avons choisi les huit plus grands distributeurs
du pays : Migros, Coop, Denner, Volg, Spar, Manor, Aldi et Carrefour. Il s'est
avéré difficile, voire impossible de connaître la
véritable part de marché que détient chacun d'eux. Les
parts de marché calculées par les entreprises elles-mêmes,
et publiées dans les rapports de gestion de Migros et Coop, nous
semblent éminemment trop basses pour être véridiques. Il
fallait donc les comparer avec les parts de marché calculées par
d'autres études. Nous avons pour cela choisi les chiffres publiés
par l'institut IHA-GfK103 et l'Institut Nielsen. Les premiers ayant
d'ailleurs été utilisés par la Comco pour la
décision concernant l'étude du cas CoopForte, faite en 2005. Par
la suite, nous avons calculé nos propres chiffres en nous basant sur le
chiffre d'affaires des entreprises et les avons confrontés à ceux
des deux instituts. Au final, nous avons retenu les parts de marché
suivantes pour le calcul de l'indice :
Migros
|
41.4%
|
Carrefour
|
2.8%
|
Coop
|
35.0%
|
Volg
|
2.7%
|
Manor
|
7.9%
|
Spar
|
1.2%
|
Denner
|
7.8%
|
Aldi
|
1.2%
|
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
103 Update/Outlook 2004, Fuhrer & Holz AG - IHA-GfK
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 72
Le calcul de l'indice HHI avant les fusions donne alors le
résultat suivant :
HHIavant = 3080.22
Si l'on calcule l'indice HHI après la fusion de Migros et
Denner, qui a été autorisée par la Comco :
HHIMigros-Denner = 3726.06 ÄHHI
= 645.84
Finalement nous avons encore calculé l'indice HHI dans le
cas d'une approbation par la Comco du rachat des magasins Carrefour par Coop
:
HHIMigros-Denner Coop-Carrefour =
3922.06 ÄHHIMigros-Denner =196.00
HHI
avant fusion
4'000
C
Danger potentiel
OK
M
3'000
1'800
OK
OK
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
50 100 200 400 Ä HHI
Comme nous pouvons le voir, HHI est largement au-dessus de
1800, et ceci même avant les fusions. 1800 étant le HHI à
partir duquel on parle d'un secteur très concentré. À cela
s'ajoute dans les deux cas un delta supérieur à 100, ce qui
signifie que la fusion serait à haut risque pour une saine concurrence
sur le marché dans les deux cas. Selon l'indice HHI, les deux fusions
sont très périlleuses pour la situation concurrentielle, car
elles augmentent dangereusement la concentration dans un secteur
déjà très concentré à la base.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 73
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
L'homogénéité
L'homogénéité signifie que les biens sur
le marché analysé peuvent être échangés en
tout temps et sans frais par d'autres unités, ceci sans que le
consommateur ressente une modification de son bien-être.
A priori, l'homogénéité est
présente sur le marché de la grande distribution alimentaire. En
effet, comme le consommateur retrouve à peu près les mêmes
produits chez les divers détaillants du pays, il peut facilement changer
en passant de Coop à Migros par exemple. En y regardant de plus
près, on remarque tout de même des différences assez
significatives. Il apparaît que l'homogénéité est en
fait uniquement donnée sur le segment des produits premiers prix. En
effet, tous les distributeurs présents sur le marché suisse
offrent une gamme bas prix. Sur les autres segments par contre,
l'homogénéité est moins certaine. C'est ainsi que certains
types de produits ne se trouvent que chez quelques distributeurs. Si l'on
cherche par exemple des produits Bio, le choix se limite le plus souvent
à Migros, Coop ou encore Manor, les autres n'en offrant pas suffisamment
ou pas du tout. De fait, les deux seuls distributeurs à offrir toutes
les gammes de produits possibles, allant du bas prix au luxe, sont Migros et
Coop. Bien entendu, on ne peut pas parler d'homogénéité
entre un Aldi qui propose seulement 700 articles et une Coop qui offre au
minimum 2300 références.
En résumé, nous pouvons dire que
l'homogénéité n'est pas entièrement donnée
sur le marché de la grande distribution, vu les différences qui
existent entre les divers acteurs de la place.
La transparence
La condition de transparence signifie que l'information
circule librement et gratuitement sur le marché et qu'elle est
accessible à tous les acteurs. Il n'est pas nécessaire de
s'attarder trop longtemps sur ce point. Dans le secteur de la grande
distribution, l'information, notamment celle sur les prix, circule ouvertement
et est facilement accessible à tout un chacun.
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 74
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
La libre entrée/libre sortie
La libre entrée et la libre sortie pour les
entreprises, exige l'absence de barrières qui empêcheraient de
nouveaux concurrents d'entrer sur le marché. C'est ici que le bât
blesse dans la grande distribution.
De nombreuses barrières empêchent en effet, de
nouveaux entrants sur le marché de la grande distribution suisse. La
première est naturelle et impossible à changer : c'est
l'étroitesse du marché. La comparaison avec d'autres pays de
taille similaire avait démontré que les marchés des petits
pays européens n'intéressent que très peu les grands
groupes internationaux, exception faite par Aldi et Lidl qui semblent avoir la
volonté d'entrer sur pratiquement tous les marchés. La Suisse est
aussi un des pays les plus protectionnistes en Europe. Il en résulte
qu'il existe de nombreux droits de douane qui empêchent les distributeurs
d'importer librement leurs produits. Cela empêche par exemple Aldi et
Lidl de se fournir, pour certains produits, auprès de leurs centrales en
Allemagne. Ils sont donc contraints de choisir des fournisseurs suisses et cela
se ressent sur les prix. À cela s'ajoutent de nombreuses
barrières juridiques qui rendent difficile la construction de nouvelles
succursales. En outre, nous avons vu dans les chapitres
précédents que de nombreuses barrières endogènes,
donc créées par les entreprises elles-mêmes, ont
été efficacement érigées par Migros et Coop ces
dernières années. Il ne faut pas non plus oublier que Migros et
Coop sont toutes deux des coopératives, leur rachat étant par
conséquent irréalisable. Il est donc impossible qu'un grand
groupe étranger puisse s'installer en Suisse au travers de l'acquisition
de l'une d'elles.
Au final, de nombreuses barrières exogènes et
endogènes empêchent, ou du moins limitent, l'installation de
nouveaux concurrents sur le marché suisse. La libre entrée n'est
donc pas donnée.
Pour résumer cette approche structurelle du secteur,
nous pouvons donc affirmer que nous sommes loin d'une concurrence parfaite. La
transparence est bien établie, mais aussi bien l'atomicité que la
libre entrée font défaut. Il ne faut toutefois pas oublier que la
transparence peut également favoriser une surveillance mutuelle, et de
là entraver la libre
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 75
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
concurrence. Quant à
l'homogénéité, elle manque partiellement au tableau. La
concurrence est donc fortement restreinte du point de vue de la structure du
marché.
Analyse de la performance
La performance des entreprises du marché
considéré, peut aussi donner un indice sur la situation
concurrentielle de l'ensemble du secteur. Pour cela, il faut analyser trois
aspects :
Le profit et le taux de rendement
Connaître le profit et le taux de rendement réels
des entreprises de la grande distribution est considérablement
difficile. Le profit publié est très facilement manipulable et ne
peut par conséquent être considéré comme
étant un indice fiable. La même chose est valable pour la plupart
des autres chiffres financiers. De plus, certaines entreprises ne publient pas
leurs chiffres, par exemple Lidl, qui est une entreprise privée. Il
existe toutefois une étude de l'Université de Berne, datant de
2006, qui tente de comparer les résultats des deux leaders suisses,
Migros et Coop, à ceux des grands concurrents internationaux, tels que
Carrefour et Metro. Le résultat est plus qu'étonnant, car
contrairement aux attentes, la rotation des actifs (Asset Turnover) des deux
Suisses est nettement plus faible que celle de leurs concurrents, sans pour
autant être compensée par la marge de profit (NOPAT/Sales), alors
qu'habituellement, l'une est censée équilibrer l'autre. La
rentabilité de Migros et Coop est donc assez faible comparée
à leurs principaux concurrents étrangers. Il ne faut pas pour
autant se faire de souci pour la durabilité de Migros et Coop. Bien au
contraire, car leur stratégie est non pas de maximiser les gains, mais
de maximiser les parts de marché. Ainsi les deux géants suisses
investissent des sommes considérables dans la création de
barrières endogènes sous forme d'une importante
fidélisation des clients104.
104 SCHILLER, U. et WALKER, B. (juillet 2006). «
Marktzutrittsbarrieren, Preistreiberei oder Kostendruck ? » Travail
de l'Université de Berne
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 76
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
L'intensité d'innovation
L'intensité d'innovation est assez élevée
dans ce secteur. Normalement, cela va de pair avec une concurrence efficace.
Mais, dans notre cas, c'est paradoxalement le contraire qui est vrai,
l'innovation étant le moyen pour Migros et Coop d'éviter
justement une trop grande concurrence, et ce par la mise en place de
barrières endogènes. Il ne se passe pratiquement aucune semaine
sans que Migros ou Coop lancent un nouveau produit, une nouvelle gamme ou un
nouveau service. L'innovation ne manque donc pas, mais elle n'est pas issue
d'une concurrence saine mais de la volonté d'empêcher celle-ci.
La diversité des produits
À première vue, la diversité des produits
est plutôt élevée en Suisse, en tout cas si l'on prend en
considération les nombreuses gammes offertes par les grands
distributeurs. Toutefois, si l'on compare la diversité des produits en
Suisse avec celle d'autres pays, la France notamment, la situation se
révèle nettement moins favorable en Suisse. Cette situation est
aussi due aux nombreux rachats par absorption. Ces rachats effectués ces
dernières années par les distributeurs, ont eu chaque fois comme
résultat de diminuer le choix à disposition du consommateur.
En conclusion, nous voyons que l'analyse de la performance
donne un résultat assez similaire à l'analyse de la structure.
Même si à première vue, il semble que pas mal de choses se
passent sur le marché, sa prétendue dynamique va plutôt
dans le sens d'une limitation de la concurrence et de l'ancrage du duopole
existant. Nous sommes bel et bien en présence d'un marché
caractérisé par un manque de concurrence et fermé à
de nouveaux entrants. L'unique possibilité de trouver une niche
sur le marché de la grande distribution helvétique semble
être dans le segment des bas prix, comme le démontre
l'entrée d'Aldi et de Lidl105. Tout semble en tout cas
indiquer que « Migros restera Migros » et « Coop restera Coop
».
* * *
105 Ce chapitre est basé sur le cours «
Organisation Industrielle » donné par le Professeur Flückiger
à l'Université de Genève
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page 77
Liste des contacts
Entretiens personnels
FEDERATION ROMANDE DES CONSOMMATEURS (FRC) Nadia Thiongane
Economiste à la FRC
L'entretien personnel a eu lieu le 13 septembre 2007 dans les
locaux de la FRC à Lausanne
MAUS FRERES
Jean-Bernard Rondeau
Secrétaire général du groupe Maus
Frères
|
|
L'entretien personnel a eu lieu le 15 août 2007 au
siège du groupe Maus Frères à Genève
Contacts par voie
électronique
COOP
|
Stefan Scherrer
IRD / Leiter Zentralarchiv
|
|
Contact par e-mail le 15 mai 2007, pour consultation des rapports
de gestion
GROUPE MAGRO SA
Mikis Reversé
Directeur Administratif et Financier
Contact par e-mail le 25 avril 2007
MIGROS GENEVE
Isabelle Vidon
Responsable des Relations publiques Migros Genève
|
|
Contact par e-mail le 30 avril 2007, avec consultation
subséquente des rapports de gestion au siège de Migros
Genève
VALRHONE-PAM
Sandrine Bujard
Responsable Marketing & Communication
Contact par e-mail le 29 juin 2007
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique page
78
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely
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Chiffre d'affaires du groupe
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|
18'000.00
16'000.00
14'000.00
12'000.00
0.00
10'000.00
8'000.00
6'000.00
4'000.00
2'000.00
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 1 /
17
Migros
25000
20000
15000
10000
5000
0
Chiffre d'affaires du groupe Chiffre d'affaires des
coopératives
Coop
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 2 /
17
Migros
1'800.00 1'600.00 1'400.00 1'200.00 1'000.00 800.00 600.00 400.00
200.00
0.00
EBITDA EBIT
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
1'400.00
1'200.00
1'000.00
800.00
600.00
400.00
200.00
0.00
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
EBITDA (CF d'exploitation) EBIT(résultat
d'exploitation)
Coop
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 3 /
17
Migros
Bénéfice du groupe
Coop
400.00
200.00
800.00
700.00
600.00
500.00
300.00
100.00
0.00
Bénéfice du groupe en CHF
400.00
-100.00
-200.00
200.00
300.00
100.00
0.00
-300.00
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 4 /
17
Coop
Nombre de coopératives
140.00
Migros
120.00
100.00
40.00
20.00
80.00
60.00
0.00
Dépenses à buts culturaux.
140.00
120.00
100.00
40.00
20.00
80.00
60.00
0.00
sociaux et de politique économique (Pour-cent
culturel)
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 5 /
17
Migros
Actif immobilisé
14000000000
12000000000
10000000000
4000000000
2000000000
8000000000
6000000000
0
Coop
10'000.00
4'000.00
2'000.00
9'000.00
8'000.00
7'000.00
6'000.00
5'000.00
3'000.00
1'000.00
0.00
Actif immobilisé
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 6 /
17
Migros
Effectif du personnel (plein temps)
40000
20000
70000
60000
50000
30000
10000
0
Coop
45'000.00
40'000.00
25'000.00
20'000.00
35'000.00
30'000.00
15'000.00
10'000.00
5'000.00
0.00
Effectif du personnel
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 7 /
17
Migros
Coopérateurs Migros
2500000
2000000
1500000
1000000
500000
0
Coop
2'500'000.00
2'000'000.00
3'000'000.00
1'500'000.00
1'000'000.00
500'000.00
0.00
Coopérateurs COOP
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 8 /
17
Migros
Nombre de magasin
600
500
400
300
200
100
0
MMM MM M
Coop
1'400.00
1'200.00
1'000.00
400.00
200.00
800.00
600.00
0.00
CSC - Coop Super Centre CC - Coop Centre
C - petite coop
1'600.00
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 9 /
17
Migros
Surface de vente en mtres carrs
1'200'000.00
1'000'000.00
800'000.00
600'000.00
400'000.00
200'000.00
0.00
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
2003 2004 2005 2006
MMM MM M
Coop
Surface de vente en mtres carrs
400000
200000
800000
700000
600000
500000
300000
100000
0
CSC CC
C
900000
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 10 /
17
Migros
Surface de vente Totale
1200000
1000000
400000
200000
800000
600000
0
Coop
400'000.00
200'000.00
900'000.00
800'000.00
700'000.00
600'000.00
500'000.00
300'000.00
100'000.00
0.00
Total(hors restos)
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 11 /
17
Coop
Surface hors C. CC. CSC
Coop
45.00
40.00
25.00
20.00
35.00
30.00
15.00
10.00
5.00
0.00
1'600'000.00
1'400'000.00
1'200'000.00
1'000'000.00
400'000.00
200'000.00
800'000.00
600'000.00
0.00
Total toute surface points de vente coop
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 12 /
17
Migros
45.00 40.00 35.00 30.00 25.00 20.00 15.00 10.00 5.00 0.00
CA du commerce de détail en Suisse
CH Migros
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
45.00
40.00
25.00
20.00
35.00
30.00
15.00
10.00
5.00
0.00
Commerce de détail FOOD en Suisse (CA)
CA COOP pour le
calcul des parts de marché
Coop
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 13 /
17
Migros
Parts de marché Migros SANS Globus - Food (en %)
25.00
24.50
24.00
23.50
23.00
22.50
22.00
21.50
21.00
20.50
20.00
19.50
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Coop
25.00
20.00
15.00
10.00
5.00
0.00
Parts de marché COOP - Food (en %)
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 14 /
17
Migros
Facteur d'endettement
6.00
5.00
4.00
3.00
2.00
1.00
0.00
2001 2002 2003 2004 2005 2006
Migros
28.00
27.00
26.00
25.00
24.00
23.00
22.00
21.00
20.00
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
Produit total brut de l'agriculture suisse - part de Migros
en%
|
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique
|
|
|
|
Annexe 15 /
|
17
|
|
|
Aldi
|
Casino
|
Denner
|
Coop
|
Manor
|
Migros
|
Pam
|
Qui ?
|
Eau gazeuse
|
CHF 0.29
|
CHF 0.50
|
CHF 0.80
|
CHF 0.35
|
CHF 0.35
|
CHF 0.35
|
CHF 0.50
|
CHF 0.29
|
Chocolat au lait
|
CHF 0.45
|
CHF 0.45
|
CHF 0.45
|
CHF 0.45
|
CHF 0.50
|
CHF 0.45
|
CHF 0.70
|
CHF 0.45
|
Moutarde
|
CHF 0.69
|
CHF 0.64
|
CHF 1.50
|
CHF 0.87
|
CHF 0.85
|
CHF 0.87
|
CHF 0.51
|
CHF 0.51
|
Thon à l'huile
|
CHF 0.84
|
CHF 1.45
|
CHF 2.13
|
CHF 1.81
|
CHF 0.56
|
CHF 1.40
|
CHF 1.00
|
CHF 0.56
|
Coca
|
CHF 1.04
|
CHF 0.85
|
CHF 0.75
|
CHF 1.20
|
CHF 2.10
|
CHF 0.75
|
CHF 0.95
|
CHF 0.75
|
Pêches au sirop
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Spaghetti
|
CHF 0.95
|
CHF 1.25
|
CHF 1.15
|
CHF 1.15
|
CHF 1.40
|
CHF 1.15
|
CHF 2.10
|
CHF 0.95
|
Petits poids-carottes
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Lait
|
CHF 1.05
|
CHF 1.20
|
CHF 1.25
|
CHF 1.40
|
CHF 1.40
|
CHF 1.35
|
CHF 1.45
|
CHF 1.05
|
Salade de fruits
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Aldi
|
Casino
|
Denner
|
Coop
|
Manor
|
Migros
|
Pam
|
Qui ?
|
Farine standard
|
CHF 1.09
|
CHF 1.10
|
CHF 1.10
|
CHF 1.10
|
CHF 1.10
|
CHF 1.10
|
CHF 1.20
|
CHF 1.09
|
Bocal de cornichons fins
|
CHF 1.11
|
CHF 2.33
|
CHF 1.28
|
CHF 2.92
|
CHF 4.43
|
CHF 2.90
|
CHF 1.54
|
CHF 1.11
|
Toasts blancs
|
CHF 1.19
|
CHF 1.70
|
CHF 1.25
|
CHF 1.25
|
CHF 1.40
|
CHF 1.25
|
CHF 2.95
|
CHF 1.19
|
Sucre
|
CHF 1.35
|
CHF 1.40
|
CHF 1.25
|
CHF 1.40
|
CHF 1.50
|
CHF 1.40
|
CHF 1.30
|
CHF 1.25
|
Crème demi
|
CHF 1.49
|
CHF 1.70
|
CHF 1.55
|
CHF 1.25
|
CHF 1.75
|
CHF 1.25
|
CHF 1.66
|
CHF 1.25
|
Chocolat noir
|
CHF 2.54
|
CHF 1.40
|
CHF 1.87
|
CHF 2.20
|
CHF 1.85
|
CHF 2.20
|
CHF 3.60
|
CHF 1.40
|
Zwieback
|
CHF 2.26
|
CHF 1.63
|
CHF 2.96
|
CHF 2.96
|
CHF 3.03
|
CHF 2.96
|
CHF 1.73
|
CHF 1.63
|
Nutella
|
CHF 1.69
|
CHF 1.95
|
CHF 1.85
|
CHF 3.20
|
CHF 2.50
|
CHF 3.20
|
CHF 2.95
|
CHF 1.69
|
Petits beurres au chocolat
|
CHF 1.84
|
CHF 1.70
|
CHF 3.18
|
CHF 1.96
|
CHF 3.20
|
CHF 1.96
|
CHF 2.10
|
CHF 1.70
|
Vinaigre « balsamique »
|
CHF 4.99
|
CHF 3.40
|
CHF 1.97
|
CHF 3.67
|
CHF 4.50
|
CHF 1.95
|
CHF 3.50
|
CHF 1.95
|
|
Aldi
|
Casino
|
Denner
|
Coop
|
Manor
|
Migros
|
Pam
|
Qui ?
|
Pizza margherita
|
CHF 2.35
|
CHF 4.18
|
CHF 2.81
|
CHF 4.64
|
CHF 4.60
|
CHF 3.69
|
CHF 3.75
|
CHF 2.35
|
Pizza proscuito
|
CHF 2.35
|
CHF 4.59
|
CHF 2.81
|
CHF 4.64
|
CHF 4.64
|
CHF 3.23
|
CHF 4.24
|
CHF 2.35
|
Beurre
|
CHF 2.59
|
CHF 2.59
|
CHF 2.65
|
CHF 2.50
|
CHF 2.60
|
CHF 2.90
|
CHF 2.70
|
CHF 2.50
|
Chips nature
|
CHF 3.44
|
CHF 4.95
|
CHF 3.45
|
CHF 3.75
|
CHF 4.70
|
CHF 3.75
|
CHF 4.40
|
CHF 3.44
|
Gruyère doux
|
CHF 5.25
|
CHF 5.78
|
CHF 5.20
|
CHF 4.73
|
CHF 5.60
|
CHF 5.60
|
CHF 5.95
|
CHF 4.73
|
Café soluble
|
CHF 4.95
|
CHF 5.80
|
CHF 4.95
|
CHF 4.94
|
CHF 4.95
|
CHF 4.95
|
CHF 7.95
|
CHF 4.94
|
Café en grains
|
CHF 4.99
|
CHF 4.95
|
CHF 5.40
|
CHF 5.40
|
CHF 5.65
|
CHF 6.50
|
CHF 9.50
|
CHF 4.95
|
Gruyère mi-salé
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Huile d'olive
|
CHF 11.99
|
CHF 6.90
|
CHF 6.95
|
CHF 7.50
|
CHF 7.50
|
CHF 7.50
|
CHF 8.95
|
CHF 6.90
|
Bouteille de Vodka
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Omniscient
|
Denner
|
Aldi
|
Casino
|
Migros
|
Coop
|
Manor
|
Pam
|
Total panier
|
CHF 50.99
|
CHF 60.50
|
CHF 62.76
|
CHF 64.39
|
CHF 64.61
|
CHF 67.23
|
CHF 72.67
|
CHF 77.19
|
% -15.73 0.00 3.74 6.43 6.79 11.12 20.11
27.59
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 16 /
17
Total panier
CHF
40
20
80
70
60
50
30
10
0
CHF 50.99
CHF 60.50 CHF 62.76 CHF 64.39 CHF 64.61
CHF 67.23
CHF 72.67
CHF 77.19
Omniscient Denner Aldi Casino Migros Coop Manor Pam
17
-2
Aldi Casino Denner Coop Manor Migros Pam
15
13
11
9
CHF
7
5
3
1
Beurre Chips nature Gruyère doux Café soluble
Café en
grains
Gruyère mi-salé
Huile d'olive Bouteille de
Vodka
Pizza proscuito
Pizza margherita
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Enjeux de la Grande Distribution Helvétique Annexe 17 /
17
6
Toasts blancs Sucre Crème demi Chocolat noir Zwieback
Nutella Petits beurres
au chocolat balsamico
Farine standard
Bocal de cornichons
Vinaigre
Aldi Casino Denner Coop Manor Migros Pam
5
4
CHF
3
2
1
-1
fins
3
Aldi Casino Denner Coop Manor Migros Pam
3
2
CHF
2
1
1
0
Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de
Genève - Octobre 2007
Eau gazeuse Chocolat au Moutarde Thon à l'huile Coca
Pêches au Spaghetti Petits poids- Lait Salade de
lait sirop carottes fruits
|