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Théà¢tre et théà¢tralité dans "Les enfants du paradis "

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par Fabienne DESEEZ
Nanterre- Paris X - Maà®trise arts du spectacle- mention études théà¢trales 2002
  

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I.2. Le théâtre de la rue.

Au levé de rideau, nous découvrons les baraques foraines du boulevard du Temple. Une immense tente se dresse devant nos yeux. Un aboyeur se trouve devant l'entrée sordide de la baraque. Des roulements de tambours nous annoncent qu'un événement important va avoir lieu. Un panneau en toile représente le spectacle. L'entrée sert de rideau de scène. L'aboyeur soulève la toile, invitant les curieux à entrer.

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L'aboyeur : Entrez, entrez !... La vérité est ici... Venez la voir...

Garance est assise dans un tonneau, que nous devinons rempli d'eau.

Plus loin, nous découvrons l'entrée des artistes du théâtre des Funambules, puis sa façade. Sur une estrade surélevée, des danseurs à corde et des comédiens aboyeurs rameutent le public par le biais du théâtre, comme il est de coutume. Les artistes, en faisant preuve d'une inventivité remarquable, mettent en scène des mini spectacles qui donnent un avant goût de ce que le public pourra découvrir dans le théâtre. Deux personnages sont représentés, opposés dans leur caractère : l'un est malin, l'autre balourd.

Anselme Deburau, père de Baptiste, en costume de Cassandre est l'aboyeur. Baptiste, a une perruque aux cheveux filasses sur la tête, avec un chapeau. Son visage enfariné laisse entrevoir le futur Pierrot qui fera la gloire des Funambules. En retrait, assis sur un tonneau, il semble complètement détaché de ce qui se passe.

On entre dans le temple de la pantomime et des Arlequinades. La majorité des pièces se jouent dans des théâtres à l'italienne où la scène, disposée en demi-cercle, permet de mettre le décor en perspective. Elle donne ainsi l'illusion

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d'un espace plus grand que les limites véritables de la scène.

I.3. Les théâtres dans les Enfants du paradis.

Le Théâtre de Madame Saqui

Epoque 1. Aux Funambules. Le directeur : « Mais ce n'est pas possible ! Vous n'allez pas travailler chez Saqui ? »

Madame Saqui naît quatre ans avant la Révolution Française, et meurt quatre ans après la destruction du Boulevard du Crime par Haussman.

Elle est la fille de l'acrobate Jean Baptiste Lalanne. Elle travaille dans la même troupe que son père, chez Nicollet et apprend à être danseuse de corde. Rapidement, elle se révèle être une acrobate particulièrement douée. Très populaire, elle fait de nombreuses tournées en province. Elle parcourt l'Europe, à la suite de l'empereur.

Elle ouvre une salle de spectacles boulevard du Temple : le Spectacle Acrobate spécialisé, dans les pantomimes, danses à corde et les arlequinades à la manière italienne.

Ses danseurs s'appellent, Rovel, Williams, Charigni, Boigni.

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Le théâtre de madame Saqui est situé à côté du théâtre des Funambules. Ces deux théâtres se font une concurrence acharnée en proposant les mêmes types de spectacles : pantomimes, arlequinades et danses de corde.

Le 31 mai 1821, Les Funambules et le théâtre de Madame Saqui s'associent, et redéfinissent la répartition des genres de spectacles représentés. Les Funambules se spécialisent dans la pantomime, et le spectacle Acrobate de Madame Saqui opte pour les danses de corde et les exercices de tapis. On voit alors des artistes comme les Chiarigni, qui travaillent pour madame Saqui, jouer aux Funambules. Cette association n'est que de courte durée, puisqu'elle ne dure que neuf mois. Selon Beaulieu, c'est madame Saqui qui rompt cette union. Celle-ci trouve que les Funambules s'accaparent le public. Cette concurrence entre les deux établissements se répercute sur les relations entre les artistes. Selon Tristan Rémy, les Chiarigni et les Deburau ne s'entendent pas du tout. Eclate une bagarre non jouée, sur scène pendant un spectacle.

C'est logiquement de cette bagarre dont il est question dans le film de Carné, au début du boulevard du Crime, que nous entrevoyons des coulisses des Funambules. Le directeur des Funambules se confie au régisseur sur les tensions internes qui cohabitent dans son théâtre. Il n'est pas question des Chiarigni, ni des Boigni, qui travaillent tous dans l'équipe de Madame Saqui, mais d'un nom très voisin, qui pourrait être

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un amalgame : les Barrigni. C'est à la suite de cette dispute que Jean Gaspard Baptiste apparaît comme l'artiste providentiel à qui Bertrand fait appel, sur le vif, pour rétablir la situation, en interprétant le rôle de Pierrot Selon Tristan Rémy, c'est à ce moment là qu'il s'appellera Baptiste tout court, car Bertrand, le directeur, le présente par cet unique prénom au public. C'est là que Carné et Prévert font leur entrée en scène. Frédérick Lemaître joue le lion et Baptiste reprend Pierrot dans le même spectacle. Ce qui ne correspond pas à la réalité historique. Frédérick Lemaître n'a jamais joué avec Deburau. C'est également la seule fois où nous entendrons prononcer le nom de madame Saqui. Elle représente l'esprit belliqueux de la concurrence. Il est clair qu'il y a deux camps : celui des Saqui et celui des Deburau. Rétrospectivement, nous n'avons que les témoignages de l'époque pour nous éclairer sur les faits. Ces deux théâtres, aujourd'hui disparus, laissent place aux mythes : Les Funambules avec le Pierrot de Deburau, et les

acrobates de Madame Saqui. Toujours si l'on en croit
l'anecdote rapportée par Beaulieu, la création des Funambules ne serait pas sans rapport avec Madame Saqui, elle-même.

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Les Funambules.

Le théâtre des Funambules, se spécialisant dans la pantomime, voit le jour en 1816. Henri Beaulieu, dans son ouvrage Les théâtres du Boulevard du Crime, nous conte l'anecdote de ce qui pourrait être à l'origine de la création des Funambules par MM Bertrand et Fabien.

Bertrand est voiturier à Vincennes. Il assure le trajet Paris/Vincennes, Vincennes/Paris. Un jour, alors qu'il transporte Madame Saqui et son mari, il a une violente dispute avec elle. Mme Saqui l'injurie. Il jure de se venger et s'associe avec son ami Fabien, qui vend des parapluies, mais qui est grand amateur de spectacles de boulevard. Ils fondent alors Les Funambules, juste à côté du théâtre de Madame Saqui, pour lui faire concurrence. Pour se faire, ils engagent Frédérick Lemaître, pensionnaire de l'Odéon, puis la famille Deburau. Jean Baptiste, cadet des trois garçons est le seul des Deburau à faire toute sa carrière aux Funambules. Quant à Frédérick Lemaître, il n'y fait qu'un bref passage, à ses débuts. C'est à Jean-Gaspard Baptiste Deburau et à son immense talent, que le théâtre devra son succès. Bientôt, Les Funambules détrônent le Spectacle Acrobate de Madame Saqui. Relogé, après les travaux du baron Haussman, le théâtre des Funambules, ne survivra pas à la disparition du mime.

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Jean-Gaspard Baptiste Deburau : Le théâtre du geste.

Afin de mieux comprendre qui est Jean-Gaspard Baptiste Deburau, je me suis essentiellement basée sur les écrits de Tristan Rémy. Dans son ouvrage sur le célèbre mime, Tristan Rémy suit la vie de l'artiste pas à pas avec un grand souci d'authenticité, contrairement à Jules Janin, qui a vécu à la même époque et qui n'a pas le recul nécessaire que donne le temps pour faire preuve d'une réelle objectivité. Il nous restitue méticuleusement l'histoire du mime sans lui faire de concession. Jean-Louis Barrault en écrit la préface.

M. Tristan Rémy, aujourd'hui, avec une érudition qui force l'admiration, réussit avec son Jean Gaspard Deburau, à faire apparaître devant nous le véritable Deburau de l'histoire. Celui-là sent l'authenticité.

Extrait de la préface de Jean-Louis Barrault.

Le père de Jean-Gaspard Deburau, Philippe Deburau, français d'origine, naît à Amiens en 1761. Il débute sa carrière dans l'armée. En 1794, il combat pour l'Autriche, alors en guerre contre la France. Il est affecté au 11ème régiment d'infanterie autrichienne. C'est sans doute pour cette raison, que de retour en France, il prétendra être originaire de Bohême. Il rejoint l'armée de Condé en 1799. En 1802, il est montreur de marionnettes. En 1814, il s'installe

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officiellement à Paris, non loin du boulevard du Temple. Deburau mène une vie de saltimbanque. Il est danseur de corde. Avec sa petite famille, il présente des numéros tels que La Pyramide d'Egypte ou La Grande Marche Militaire. Il est intéressant de constater que dans le film de Carné, Deburau père, pendant sa parade, est accompagné par des musiciens habillés en hussards polonais, peut-être un clin d'oeil à son passé en Europe de l'Est.

La troupe Deburau se forge bientôt une solide réputation, meilleurs danseurs de corde serait que les Chiarigni, Lalanne et Saqui. En 1816, M. Bertrand, directeur des Funambules les embauche.

Voici la troupe dans l'ordre : Deburau père, Nievmensek, dit Franz le fils ainé, Etienne, le fils cadet, Jean-Gaspard Baptiste, Melle Dorothée, fille ainée et Melle Catherine, fille cadette.

Jean-Gaspard Baptiste n'est pas présenté comme un des fils de Deburau, pourquoi ?

Dans le film de Carné, sur l'estrade, devant la façade des Funambules, Anselme Deburau, le père de Baptiste, se présente comme un acteur prestigieux. Il n'a aucune considération pour son fils dont il dit qu'il n'est pas le sien. Il parle de lui avec mépris et ne prononce pratiquement jamais son prénom. Il exprime violemment son rejet pour ce fils

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illégitime, indigne de lui. Il le frappe d'un grand coup de batte sur son chapeau sous les rires du public.

Le Cassandre (interprété par Anselme Deburau ) : ... la honte de la famille... Le désespoir d'un père illustre... Mais quand je dis mon fils... fort heureusement j'exagère...

Il est intéressant de voir le revirement total du père, lorsque Baptiste commence à être connu. En bon aboyeur, ce n'est plus lui qu'il présente, mais son fils dont il est fier. Le père qui écrasait le fils de sa prestance, se range derrière lui, de la même façon.

Anselme :... L'incomparable Baptiste mon propre fils, dont son père peut être fier...

Dans la biographie de Tristan Rémy, nous apprenons que Jean-Gaspard Baptiste, né en 1796, a passé son enfance à l'étranger, ne parle pas bien le français. Doit-on voir cela comme un signe de prédestination de l'artiste à la pantomime ? Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est ni sauteur, ni acrobate, contrairement à la troupe Deburau. Il ne peut alors occuper que des emplois de figurant, d'où l'image que nous avons de lui, sur l'estrade de la parade. Etre solitaire, comme statufié, un personnage égaré qui, cependant, parvient

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à nous émouvoir par l'expression de souffrance qu'affecte son visage blanchi.

Extrait du scénario de Prévert. début de la 1ère époque : Le boulevard du Crime.

... tout seul, à l'écart,... immobile comme un mannequin de cire,... silencieux, craintif,..., dépaysé, sans défense, lunaire et visiblement « ailleurs »

Selon Tristan Rémy, la naissance de Pierrot Deburau se fait en deux temps. Baptiste doit remplacer l'acteur Blanchard, dit La Corniche, parce que celui-ci approchait de trop près la nièce du directeur M. Bertrand. Le personnage de la Corniche a un chapeau de laine, Il ressemblerait à celui du personnage de Carné et Prévert qu'interprète Baptiste pendant la parade.

A la suite d'une dispute entre Madame Saqui et M. Bertrand, Chiarigni, qui interprétait Pierrot aux Funambules, décide de retourner dans la troupe de Madame Saqui et quitte Les Funambules. C'est Baptiste qui reprend son rôle. Dans le film, on voit une violente bagarre éclater sur scène, en plein spectacle, opposant les Barrigni et les Deburau. Scarpia Barrigni annonce son départ au directeur. Il va rejoindre madame Saqui. Baptiste modifie le costume de Pierrot qu'interprétait Chiarigni/Barrigni. Son serre tête

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blanc, qui devient noir, contraste avec sa face blafarde. Ainsi naît l'homme en blanc.

Il a plusieurs enfants dont un fils, Charles, qui naît en 1829. Dans le film, nous ne voyons qu'un enfant. Celui qu'il a eu avec Nathalie, personnage inventé par Prévert. Il s'agit probablement de Charles. On peut l'imaginer comme celui qui prendra sa suite, puisque le petit garçon, dont le prénom n'est jamais prononcé dans le film, s'appelle : Le petit Baptiste. Comme si le scénariste voulait nous faire comprendre, que le fils de Baptiste n'existera que dans l'ombre de son père. Comme si le prénom de Baptiste était devenu le prénom de son personnage, au même titre que Pierrot. L'individu disparaît derrière l'universalité du personnage qu'il a incarné. Le personnage se transmettant de père en fils, L'artiste disparaît derrière le personnage culte. Baptiste est mort, vive Baptiste ! Sacha Guitry, fasciné par la contamination du théâtre sur la vie de l'acteur, écrit, en 1918, une pièce qui porte le nom du mime. Le père vieillissant doit céder sa place à son fils. Dans leur habits de Pierrot, le père et le fils ne font qu'un. Pour le public, venu nombreux, c'est Pierrot qu'il applaudit. En 1846, Jean-Gaspard Deburau meurt, accidentellement. Charles, par sa ressemblance avec son père, le remplace. Il fait revivre son père aux yeux du public qui retrouve en lui

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Baptiste. C'est Charles qui joue, et c'est Baptiste que le public applaudit.

Dans le film de Marcel Carné, Baptiste écrit une pantomime : Le Palais des Mirages ou L'Amoureux de la Lune dans la première époque du film. En 1842, Cot d'Ordan, l'administrateur des Funambules, écrit pour Deburau une pantomime d'un genre nouveau, Le marchand d'habits qui marquera le sommet de la gloire du mime. Cette pantomime est reprise dans le film dans la deuxième époque.

Loin d'être une comédie, cette pantomime macabre, située entre Don Juan et Hamlet, raconte l'histoire de Pierrot, chassé par son maître parce qu'il est tombé amoureux d'une duchesse. Pour faire la cour à sa belle, il tue un marchand d'habits afin de se procurer des vêtements décents. Au moment de conduire la duchesse à l'autel, le spectre du marchand d'habits apparaît, saisit Pierrot, le tue et l'entraîne dans un gouffre.

L'Amoureux de la Lune, pantomime écrite par Baptiste, est le seul moment du film où Frédérick Lemaître, Baptiste et Garance sont réunis alors qu'ils sont tous trois au début de leur carrière. Après L'Amoureux de la lune ou Le Palais des Mirages, Garance ne joue plus. Frédérick Lemaître quitte les Funambules pour Le Grand Théâtre, très vraisemblablement L'Ambigu-Comique. On peut se demander pourquoi Prévert et

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Carné ont donné une appellation fictive à L'Ambigu-Comique alors qu'ils ont laissé le nom réel aux Funambules. Par ailleurs, le théâtre de Mme Saqui est mentionné. On a vu que les Funambules étaient sujets à de violentes divisions entre artistes. L'hypothèse possible est que les Deburau furent des danseurs de corde, de même que Madame Saqui. L'autre nom pour danseur de corde est Funambule. Batiste représente l'image de Pierrot dans la lune, qui voyage la nuit, parmi les petites gens de la rue. Cette vision de Pierrot que véhicule Deburau, ne pouvait que séduire le poète et le réalisateur.

Dans le film, Frédérick Lemaître et Baptiste prennent un verre ensemble au comptoir d'une gargote. Le contraste entre les deux acteurs est saisissant. Frédérick a des ambitions de grands hommes. Baptiste se complaît à s'assimiler aux gens du peuple.

Frédérick Lemaître monopolise la conversation, tandis que Baptiste reste muet. Il définit son travail de comédien, lui confie son ambition de devenir un homme aussi grand au théâtre que les grands hommes de l'histoire.

Frédérick Lemaître :... tous les grands de ce monde... ils ont joué leur rôle et maintenant c'est mon tour.

Baptiste répond d'un sourire, comme si la seule expression de son visage suffisait à exprimer les mots qu'il ne dit pas.

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Frédérick les traduit en donnant une définition de son travail de mime et en en faisant l'éloge. Frédérick est l'homme du théâtre du verbe. Les mots suffisent à son bonheur. Sans eux, il éprouve un sentiment de grande frustration. Il a besoin des mots pour exprimer les grands hommes. Baptiste est l'homme du théâtre du geste. Il s'exprime uniquement avec son corps. Il raconte son histoire sans rien dire.

Baptiste : Pourtant, ce sont de pauvres gens, mais moi, je suis comme eux.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que Jacques Prévert ait décidé de débaptiser L'Ambigu-Comique pour le Grand Théâtre, le seul théâtre digne du grand Frédérick Lemaître.

Frédérick Lemaître : Le théâtre du verbe.

Dans son ouvrage Les Anciens Théâtres de Paris, Georges Cain nous apprend que Frédérick Lemaître débute en réalité aux Variétés Amusantes en 1816. Il est alors âgé de 16 ans. Le directeur Lazarri est séduit par son physique. Il le prend comme pensionnaire et lui donne le rôle du lion qui apparaît dans une pantomime babylonienne : Pyrame et Thisbe. La même année, il quitte Les Variétés Amusantes et se fait embaucher

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aux Funambules. L'année suivante, Franconi l'embauche au Cirque Olympique où il interprète des pantomimes dialoguées d'Othello d'après l'oeuvre de Shakespeare.

En 1820, il entre à l'Odéon, quitte l'Odéon. Il créée, nous le verrons plus tard, le mélodrame : L'auberge des Adrets à L'Ambigu-Comique. Il est très apprécié des romantiques, notamment Victor Hugo. Il joue Ruy Blas ainsi que des oeuvres de Shakespeare. A sa mort, Victor Hugo lui fait une oraison funèbre.

Dans les Enfants du paradis, Frédérick Lemaître cherche à se faire embaucher. Quand le directeur du théâtre lui demande ce qu'il sait jouer, le jeune acteur répond : « Des Lions ! » en rugissant comme un lion. C'est pour jouer ce rôle-là qu'il est d'abord embauché dans le film.

Frédérick : Toujours des lions... Je connais à fond le répertoire de lions : Le Golfe du Lion, La Constellation du Lion, Richard Coeur de Lion, la Constellation du Lion, Pygmalion...

On note au passage, que Frédérick Lemaître a le sens de l'humour. Il dresse une énumération trop abondante pour être vraie, de tous les rôles de lion qu'il a joués. Il fait des jeux de mots avec le son Lion pour élargir la liste. On sent chez lui, une certaine lassitude pour l'emploi. Sans doute,

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l'acteur a t'il quitté son employeur précédent parce qu'il voulait jouer autre chose que le lion.

Mais aux Funambules, tout est bon pour se faire embaucher. Jacques Prévert, qui ne tient pas toujours scrupuleusement compte de la chronologie historique, nous montre un Frédérick Lemaître déjà très sensible à l'oeuvre shakespearienne faisant des allusions à Roméo et Juliette au directeur des Funambules, qui ne connaît pas ces oeuvres. On sent les divergences de points de vue sur le théâtre entre les deux hommes, ce qui sera une des raisons du départ de Frédérick Lemaître, qui n'est pas encore en mesure de choisir ce qu'il veut jouer.

Frédérick Lemaître : Bien peu de gens hélas ! connaissent et apprécient Shakespeare.

Le directeur : Et vous qui vous connaît ? Qui vous apprécie ?

A travers les dialogues de Prévert, le directeur exprime son regret de ne pas pouvoir jouer autre chose que de la pantomime, du théâtre très gestuel, où les mots n'ont pas la parole. Dans cette réplique, il apparaît que le théâtre n'est pas si libre que cela.

Le directeur : ... Ici... On n'a pas le droit de jouer la Comédie !... Parce qu'on nous brime... Parce qu'on nous craint...

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Ils savent que si on jouait, ils n'auraient qu'à mettre la clé sous la porte, les autres, les beaux, les grands, Les nobles théâtres !...

Le directeur fait allusion à la popularité des théâtres du boulevard du Crime et de l'intérêt qu'ils provoquent dans toutes les couches de la société. Pour qu'ils ne puissent pas concurrencer les théâtres, comme la Comédie Française ou L'Odéon, le gouvernement en place lui retire le droit de parler si cher aux auteurs de théâtre et aux acteurs amoureux des mots comme Frédérick Lemaître.

Ce qui n'empêche pas Frédérick Lemaître de parler au Grand Théâtre dans la seconde époque. L'acteur est au sommet de sa gloire. Il interprète le fameux rôle de Robert Macaire, dans le mélodrame l'Auberge de Adrets. A la fin de la deuxième époque, il réalise enfin son rêve de jouer Shakespeare. Il incarne Othello dans un théâtre qui semble tout aussi grand que le Grand Théâtre, mais le public du paradis a disparu. L'acteur a atteint son but. Il joue les grands de ce monde pour la masse dirigeante.

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Le Grand théâtre.

On sait que l'Auberge des Adrets est créée en 1823 à l'Ambigu-Comique qui est un grand théâtre comparativement au théâtre des Funambules.

On y joue essentiellement des mélodrames. Le terme Ambigu, désigne une pièce d'un genre indéterminé. Dans la même pièce, on joue parodies, drames, comédies, chants et danses.

A la suite d'un incendie qui survient en 1827, L'Ambigu-Comique est relogé, en dehors du boulevard du Crime, sur le boulevard Saint Martin. Il devient Les Folies Dramatiques où Frédérick Lemaître donnera Robert Macaire, une nouvelle version de l'Auberge des Adrets.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire