EVALUATION DE L'UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES EN
PRATIQUE
DERMATOLOGIQUE :
Enquête par questionnaire auprès
de dermatologues Marocains
A mes maîtres
« Il existe deux choses que les paroles diminuent et
que seules les actions traduisent : l'amour de la femme pour son homme et
la gratitude de l'élève pour son maître »
Résumé
Résumé
Les antibiotiques sont largement utilisés par les
dermatologues en matière de dermatologie infectieuse
(érysipèle, impétigo, folliculites, furoncles...), de
dermatologie non-infectieuse (acné, rosacée...) et en
matière d'antibioprophylaxie pour la chirurgie dermatologique. Notre
étude a tenté d'évaluer l'utilisation des antibiotiques
par les dermatologues en pratique courante à travers un questionnaire
d'administration indirecte adressé à tous les dermatologues
exerçant dans les secteurs publique et privé au niveau de l'axe
« Témara-Rabat-Salé-Kénitra ».
Soixante-neuf dermatologues ont répondu à notre
questionnaire sur un total de 101 praticiens sollicités. Les questions
portaient sur « la thérapeutique prescrite » ou
« la conduite à tenir » devant une situation
clinique précise nécessitant un recours aux antibiotiques.
Les différentes réponses ont été
comparées aux données de la littérature concernant les
recommandations de bonne pratique. Plusieurs habitudes de prescriptions
contraires aux recommendations scientifiques ont pu être mises en
évidence par cette enquête, dont une prescription abusive de
l'acide fusidique, une prescription souvent inappropriée des
antibiotiques en matière d'impétigo, de folliculites
superficielles, de plaies chroniques et d'antibioprophylaxie. Ce
mésusage des antibiotiques entraîne un surcoût
économique et une potentielle sélection de souches
bactériennes résistantes.
Abstract
Antibiotics are widely used by dermatologists in the field of
infectious dermatology (erysipelas, impetigo, folliculitis, boils ...), of
non-infectious dermatology (acne, rosacea ...) and on antibiotic prophylaxis
for dermatologic surgery.
Our study evaluates the use of antibiotics by dermatologists
in practice through an indirect questionnaire sent to all the dermatologists in
the public and private sectors on the
"Témara-Rabat-Salé-Kénitra» axis.
Sixty-nine dermatologists responded to our questionnaire on a
total of 101 practitioners. The questions were related to "the prescribed
therapeutic" in clinical situations requiring the use of antibiotics.
The different responses were compared to data from the
literature regarding the recommendations of good practice. Several
contradictions with the scientific recommendations have been highlighted in
this survey such as an inappropriate prescription of fusidic acid, non-
conforming uses of antibiotics in terms of impetigo, superficial folliculitis,
boils and chronic wounds. This misuse of antibiotics leads to resistances and a
high economic cost.
Les mots clefs
Questionnaire, antibiotiques, dermatologie,
antibioprophylaxie, résistances
Key words
Questionnaire, antibiotics, dermatology, antibiotic
prophylaxis, resistances
PLAN
I- INTRODUCTION
II- MATERIEL ET METHODES
1) Matériel
2) Méthode
III- RESULTATS
1) Taille de l'échantillon, âge, sexe et
secteur d'exercice des dermatologues interrogés
2) Place de la pathologie infectieuse en pratique
dermatologique quotidienne et auto-évaluation de la formation
concernant l'utilisation des antibiotiques en dermatologie
3) Questions spécifiques
a) L'érysipèle
b) L'impétigo
c) Les folliculites superficielles
d) Les furoncles non récidivants
e) Les plaies chroniques
f) L'antibioprophylaxie
g) L'acné
h) Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques
4) Mise en corrélation de certains
paramètres
IV- DISCUSSION :
1) Discussion des items spécifiques
a) L'érysipèle
b) L'impétigo
c) Les folliculites superficielles et les furoncles
non récidivants
d) Les plaies chroniques
e) L'antibioprophylaxie
f) L'acné
g) Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques
2) Discussion et analyse
générale
V- CONCLUSION
I- INTRODUCTION [1,2]
La pathologie infectieuse représente un volet
important de la pratique clinique dermatologique. En effet, le dermatologue est
très souvent amené à traiter des pathologies infectieuses
nécessitant le recours aux antibiotiques. Toute administration
d'antibiotiques est responsable d'une perturbation de la balance
écologique entre l'hôte et sa flore microbienne. La
sélection et l'émergence de bactéries résistantes
sont aussi deux phénomènes directement liés à la
consommation de ces antibiotiques.
Ainsi, à travers sa prescription, le dermatologue a
un rôle à jouer dans la lutte contre l'émergence de
résistances bactériennes et se doit donc d'employer les
antibiotiques à bon escient. Leur meilleure utilisation passe par une
bonne analyse de l'affection à traiter, une bonne connaissance de la
nature de l'antibiotique utilisé, de son spectre d'action, de
l'évolution de l'état des résistances et des
recommandations de bonnes pratiques.
Une utilisation rationnelle des antibiotiques semble donc
s'imposer à tous les médecins et nous concerne
particulièrement, nous dermatologues, vu la fréquence des
pathologies infectieuses que nous rencontrons au cours de notre pratique
courante. Ces pathologies sont essentiellement représentées par
les infections à germes pyogènes (staphylococcus aureus,
streptococcus pyogenes, bactéries anaérobies...), les infections
bactériennes sexuellement transmissibles, les maladies dermatologiques
infectieuses d'inoculation et les mycobactérioses cutanées.
Par ailleurs, d'autres pathologies dermatologiques
non-infectieuses peuvent nécessiter, pour leur traitement, le recours
à des antibiotiques topiques ou par voie générale. Parmi
ces pathologies, nous citerons l'acné qui demeure un motif
fréquent de consultation en dermatologie ainsi que d'autres pathologies
dermatologiques inflammatoires telles que la rosacée ou la maladie de
Verneuil.
N'oublions pas que la prescription d'antibiotiques
locaux de même que la prescription d'antibiotiques par voie
générale au long cours pour des pathologies non infectieuses
comme l'acné nous ont longtemps placé au coeur du débat
sur l'émergence de souches bactériennes résistantes, avec
nos confrères infectiologues.
Ce travail s'intéresse à l'usage des
antibiotiques en dermatologie et tente de répondre à cette
question : utilisons nous correctement les antibiotiques dans notre
pratique quotidienne en dermatologie ?
Ainsi, le principal objectif de notre travail est de
répondre à cette question, en comparant l'utilisation des
antibiotiques dans notre pratique courante aux recommandations de la
littérature scientifique. Il s'agit donc de prendre conscience de
l'existence ou non d'un mauvais usage des antibiotiques de notre part et du
rôle que nous avons à jouer, nous dermatologues, dans la lutte
contre l'émergence de résistances bactériennes aux
antibiotiques.
II- MATERIEL ET METHODES
1) Matériel :
Nous avons effectué, dans un premier temps, une
recherche bibliographique sur le thème de l'utilisation des
antibiotiques en dermatologie infectieuse et non infectieuse et à
travers « pubmed » et la base de données
« medline »
Après une première lecture, nous avons choisi
de concentrer notre travail sur les situations pathologiques les plus
fréquemment rencontrées en pratique courante de
dermatologie infectieuse : l'érysipèle, l'impétigo,
les folliculites et furoncles non récidivants, les plaies chroniques,
l'antibioprophylaxie en chirurgie dermatologique et les pathologies
inflammatoires nécessitant parfois pour leur traitement, le recours
à la prescription d'antibiotiques à l'exemple de
l'acné.
Nous avons exclu de notre travail les pathologies
bactériennes d'inoculation, les mycobactérioses pour lesquelles
les dermatologues sont bien moins consultés et les traitements parfois
mal codifiés. Nous avons aussi exclu de notre recherche les
données en rapport avec les surinfections bactériennes en
dermatologie.
Enfin, nous avons également exclu les infections
bactériennes sexuellement transmissibles où les traitements sont,
dans notre contexte, bien codifiés dans un cadre de prises en charges
syndromiques recommandées par le ministère de la santé
publique.
Un questionnaire a été élaboré
à partir de ce travail de lecture bibliographique (annexe 1).
2) Méthode :
Type de questionnaire : Questionnaire
d'administration indirect, réalisé en absence de
l'enquêteur, adressé par correspondance et associée
à une lettre d'introduction (annexe 2) comprenant :
- les buts avoués de l'enquête,
- l'intérêt de l'enquête et l'incitation
à y collaborer,
- les précisions concernant le mode de
récupération du questionnaire,
- la signature de l'enquêteur.
Thématique du questionnaire :
l'utilisation des antibiotiques en pratique courante de dermatologie.
Formulation du questionnaire : le
questionnaire a été formulé selon les recommandations de
la version 1.1 établie par le bureau de qualité du centre
national français de la recherche scientifique pour les questionnaires
d'enquête [3].
Il s'agit d'un questionnaire à 25 questions comprenant
4 questions générales, 4 questions d'identification et 17
questions spécifiques. Les questions spécifiques sont
regroupées en 7 thèmes, en rapport avec « une
thérapeutique prescrite » ou « une conduite
à tenir » devant une situation thématique
précise.
Ces questions sont formulées sous forme de :
- 12 questions fermées,
- 4 questions semi-ouvertes,
- 9 questions ouvertes.
Le questionnaire est clôturé par un espace libre
réservé aux commentaires
Envoi du questionnaire :
Le questionnaire a été envoyé
à :
§ tous les dermatologues libéraux exerçant
sur l'axe
« Témara-Rabat-Salé-Kénitra » (44
dermatologues), leurs coordonnées ayant été obtenues
auprès du conseil de l'ordre régional des médecins du
Nord du Maroc. Celles-ci ont été vérifiées au
niveau de l'annuaire jaune des télécommunications 2008;
§ tous les dermatologues du secteur public
exerçant au niveau du CHU de Rabat, des hôpitaux provinciaux et
des centres de santé implantés sur l'axe
« Témara-Rabat-Salé-Kénitra » (20
dermatologues) ;
§ tous les enseignants dermatologues et médecins
résidents en dermatologie, exerçant au sein du CHU de Rabat
(Hôpital Ibn Sina, Hôpital Mohamed V d'instruction militaire,
Hôpital Cheikh Zayd), soit 9 enseignants et 28 résidents.
Analyse et traitement des résultats :
Nous avons envoyé les questionnaires en début
d'octobre 2008 et avons clos l'exploitation des données le 15
décembre 2008.
Après le dépouillement des questionnaires,
les réponses ont été codées, en vue de leur
inscription sur un support informatique adapté pour l'analyse
statistique des résultats. Les résultats ont été
traités par le logiciel Statview [4].
L'analyse des résultats s'est essentiellement faite
sous forme de pourcentages. Pour la mise en corrélation de certaines
variables, nous avons réalisé les tests statistiques du
chi2 (pour les variables qualitatives) et le
student (pour les variables qualitatives
corrélées à des variables quantitatives).
III- RESULTATS
1) Taille de l'échantillon, âge, sexe et
secteur d'exercice des dermatologues interrogés
Soixante-neuf dermatologues ont répondu à
notre questionnaire sur un total de 101 praticiens sollicités, soit un
taux de réponse de 68,31% permettant ainsi l'exploitation des
résultats (un taux de réponse supérieur à 40%
étant nécessaire pour l'analyse des résultats dans ce type
d'enquête par questionnaire).
L'âge moyen des dermatologues dans notre étude
est de 41,6 +/- 11,2
Soixante-seize pour cent (76%) des dermatologues de notre
étude sont de sexe féminin (graphique1).
Trente-six pour cent (36%) exercent dans le secteur
privé et 64% dans le secteur public y compris universitaire (graphique
2).
2) Place de la pathologie infectieuse en pratique
dermatologique quotidienne et auto-évaluation de la formation
concernant l'utilisation des antibiotiques en dermatologie
Cinquante-sept pour cent (57%) des dermatologues affirment
être souvent confrontés à des pathologies de dermatologie
infectieuse (3 à 4 fois / semaine), 25% disent y être
confrontés en moyenne une fois par jour et 18% plusieurs fois par jour
(graphique 3).
Pour 48% des dermatologues, l'impétigo reste la
pathologie infectieuse la plus souvent rencontrée en pratique
quotidienne suivie de l'érysipèle pour 29% et des folliculites
pour 14%.
Neuf pour cent (9%) des dermatologues estiment que la
pathologie infectieuse mycologique est la plus fréquemment
rencontrée au cours de leur exercice, à savoir l'intertrigo et/ou
l'onychomycose (graphique 4)
Graphique 1 : Répartition des
dermatologues en fonction du sexe
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire2.png)
Graphique2 : Répartition des
dermatologues en fonction du secteur d'exercice
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire3.png)
Graphique 3 : Fréquence de la
pathologie infectieuse en consultation
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire4.png)
Graphique 4 : pathologie infectieuse la plus
souvent rencontrée en consultation
Concernant l'auto-évaluation des connaissances en
matière d'utilisation des antibiotiques en dermatologie, 68% des
dermatologues la jugent « satisfaisante », 21% la
qualifient de « bonne », 9% de
« mauvaise » et moins de 2% la jugent
« excellente »
Tous les dermatologues interrogés (100%) estiment
qu'une formation médicale continue concernant l'utilisation des
antibiotiques en dermatologie serait utile.
3) Questions spécifiques
a) L'érysipèle
Traitement de 1ère intention de l'
érysipèle ne nécessitant pas de prise en
charge hospitalière :
Cinquante-sept pour cent (57%) des dermatologues ont recours
à une amoxicilline simple en traitement de première intention,
41% prescrivent une amoxicilline protégée et moins de 2%
utilisent de l'acide fusidique (graphique 5).
Traitement de 2ème intention de l'
érysipèle ne nécessitant pas de prise en
charge hospitalière :
Cinquante-deux pour cent (52%) des dermatologues
prescrivent un macrolide (roxythromycine, clarithromycine ou erythromycine),
36 % de l'acide fusidique, 10 % une amoxicilline protégée et
moins de 2% du trimethoprime sulfametoxazole.
A noter que sept dermatologues ont précisé
avoir recours à la pristinamycine en deuxième intention si
celle-ci est disponible en officine (graphique 6).
La conférence française de consensus de
2000 concernant la prise en charge de
l'érysipèle :[5]
Quatre-vingt et un (81%) des dermatologues connaissent
l'existence de cette conférence de consensus, mais 31% d'entre eux
avouent ne pas en suivre les recommandations.
b) L'impétigo
Eviction scolaire dans l'impétigo
localisé de l'enfant :
Soixante et onze pour cent (71%) des dermatologues ne
recommandent pas d'éviction scolaire, 18% la recommandent
« parfois » et 11% l'appliquent systématiquement
(graphique 7).
Traitement de l'impétigo localisé de
l'enfant :
Soixante-douze (72%) des dermatologues prescrivent des
soins d'hygiène associées à un antibiotique locale type
acide fusidique, 19 % traitent au moyen d'un antibiotique par voie
générale type pénicilline M avec en deuxième
intention de l'amoxicilline protégée ou de l'acide fusidique,
associés à des soins d'hygiène. Enfin 9% des dermatologues
recommandent uniquement une toilette quotidienne à l'eau et au savon
associée à des antiseptiques uniquement (graphique 8).
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire5.png)
Graphique 5 : traitement de première intention de
l'érysipèle ne nécessitant pas une prise
en charge hospitalière
% des prescriptions
Graphique 6 : traitement de deuxième intention de
l'érysipèle ne nécessitant pas une prise
en
charge hospitalière
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire7.png)
Graphique 7 : prescription d'une éviction scolaire
pour l'impétigo localisé de l'enfant
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire8.png)
Graphique 8 : traitement de
l'impétigo localisé de l'enfant
Eviction scolaire dans l'impétigo diffus ou
rapidement progressif de l'enfant :
Quatre vingt-sept pour cent (87%) des dermatologues
recommandent une éviction scolaire systématique, 11% avouent ne
pas le faire de façon systématique et 2% ne le font jamais
(graphique 9).
Traitement de l'impétigo diffus ou rapidement
progressif de l'enfant :
Aucun dermatologue n'a recours à un traitement local
seul (antiseptique ou antibiotique), tous les dermatologues interrogés
prescrivant une antibiothérapie générale associée
à des soins d'hygiène (graphique 10).
Antibiotique de première
intention :
Soixante-six pour cent (66%) des dermatologues prescrivent
une pénicilline M, 23% traitent par de l'acide fusidique et 11% ont
recours à l'amoxicilline simple ou protégée (graphique
11).
Antibiotique de deuxième
intention :
Soixante-dix pour cent (70%) des dermatologues prescrivent
de l'acide fusidique, 21% un macrolide et 9% seulement ont recours à
l'amoxicilline protégée (graphique 12).
Association d'un antibiotique par voie
générale et d'un antibiotique par voie locale dans
l'impétigo croûteux :
Soixante-deux pour cent (62%) des dermatologues n'associent
jamais antibiothérapies locale et générale dans
l'impétigo croûteux, 36% le font parfois et moins de 2% le font
systématiquement (graphique 13).
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire9.png)
Graphique 9 : prescription d'une éviction scolaire
pour l'impétigo diffus ou rapidement
extensif
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire10.png)
Graphique 10 : traitement de l'impétigo diffus
ou rapidement extensif de l'enfant
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire11.png)
Graphique 11 : traitement antibiotique oral de
première intention de l'impétigo diffus ou extensif de
l'enfant
% des prescriptions
Graphique 12 : traitement antibiotique oral de deuxième
intention de l'impétigo diffus ou extensif de l'enfant
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire13.png)
Graphique 13 : association d'un antibiotique local
et par voie générale dans le traitement
de l'impétigo croûteux
c) Les folliculites superficielles
Vingt-deux pour cent (22%) des dermatologues recommandent
des soins d'hygiène seulement, 20% prescrivent un antibiotique local
type acide fusidique et 58% un antibiotique par voie générale,
essentiellement une pénicilline M ou de l'acide fusidique (graphique
14)
% des prescriptions
Graphique 14 : traitement des
folliculites superficielles
d) Les furoncles non récidivants
Quarante et un pour cent (41%) des dermatologues
recommandent des soins d'hygiène associés à un
antibiotique locale type acide fusidique alors que 59% prescrivent une
antibiothérapie par voie générale (graphique 15).
Comme antibiotique de première intention, 63%
prescrivent une pénicilline M et 37% de l'acide fusidique (graphique
16).
En deuxième intention 61% prescrivent de l'acide
fusidique, 23% un macrolide, 14% une quinolone et moins de 2% ne
précisent pas de traitement de seconde intention (graphique 17).
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire15.png)
Graphique 15 : traitement
des furoncles non-récidivants
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire16.png)
Graphique 16 : traitement antibiotique oral de
première intention dans les furoncles
non-récidivants
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire17.png)
Graphique 17 : traitement antibiotique oral
de deuxième intention dans les
furoncles non-récidivants
e) Les plaies chroniques
Soixante et un pour cent (61%) des dermatologues
interrogés réalisent systématiquement un
prélèvement bactériologique devant une plaie chronique.
En cas d'isolement d'un staphylocoque
méti-résistant (SAMR), 98% des dermatologues traitent ce SAMR (87
% de ces dermatologues prescrivent de l'acide fusidique et 11% une quinolone).
Deux pour cent (2%) ne traitent pas ce SAMR.
f) L'antibioprophylaxie
Une antibioprophylaxie est utilisée lors de la
réalisation de :
- biopsie simple : 42 % des dermatologues,
- electro dissection : 31% des dermatologues,
- exérèse simple : 54% des
dermatologues,
- exérèse complexe (plans profonds,
greffe) : 86%(Graphique 18).
Onze pour cent (11%) des dermatologues confient ne pas
réaliser de gestes de chirurgie dermatologique complexes justifiant
ainsi leur abstention pour certaines réponses.
Soixante-neuf pour cent (69%) utilisent une
antibioprophylaxie UNIQUEMENT pour les patients qu'ils jugent
« à risques » (prothèses cardiaques,
valvuloplasties, immunosuppression, risque infectieux élevé) et
31% la destinent à tous leurs patients.
L'antibiotique le plus habituellement prescrit pour
l'antibioprophylaxie par les dermatologues est une pénicilline M pour
53% des dermatologues, de l'acide fusidique pour 38% et de l'amoxicilline
protégée pour 7%. Moins de 2% disent utiliser un
anti-staphylococcique sans en préciser la nature (Graphique 19).
% des prescriptions
Graphique 18 : pourcentage de prescription d'antibioprophylaxie
pour certains gestes de
chirurgie dermatologique
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire19.png)
Graphique 19 : antibiotique le plus prescrit selon les
dermatologues pour l'antibioprophylaxie
g) L'acné
L'antibiotique oral le plus couramment prescrit pour le
traitement de l'acné est (Graphique 20) :
- une doxycycline pour 28% des dermatologues,
- une tétracycline pour 21% des dermatologues,
- une cycline non précisée pour 51% des
dermatologues.
Cinquante-deux pour cent (52%) des dermatologues
maintiennent le traitement pendant 3 mois avant de recourir aux
rétinoïdes, s'ils n'obtiennent pas de réponse
thérapeutique avec les antibiotiques. Trente-deux (32%) peuvent
poursuivre le traitement antibiotique jusqu'à six mois et 16%
jusqu'à 12 mois (Graphique 21).
Pour ce qui est des antibiotiques locaux dans le traitement de
l'acné, 42% des dermatologues disent ne jamais en prescrire, 35% y ont
recours « parfois » et 23% les utilisent
« souvent ».
L'antibiotique local le plus prescrit par nos dermatologues en
matière d'acné est l'érythromycine.
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire20.png)
Graphique 20 : antibiotique le plus prescrit pour
l'acné selon les dermatologues
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire21.png)
Graphique 21 : durée de maintien du
traitement antibiotique dans l'acné selon les
dermatologues
h) Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques
Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques sont par ordre de
fréquence (graphique 22):
- la rosacée (82% des dermatologues),
- la maladie de Verneuil (51% des dermatologues),
- la folliculite décalvante (32% des dermatologues),
- les kystes épidermoïdes inflammatoires (18% des
dermatologues),
- la sarcoïdose (12% des dermatologues),
- l'aphtose buccale (10% des dermatologues).
Quelques praticiens ont mentionné des indications plus
rares (moins de 2% des dermatologues : psoriasis en goutte,
pemphigoïde bulleuse)
% des prescriptions
![](Evaluation-de-l-utilisation-des-antibiotiques-en-pratique-dermatologique-Enqute-par-questionnaire22.png)
Graphique 22 : pathologies non-infectieuses
traitées par antibiotiques
4) Mise en corrélation de certains
paramètres
Au cours de l'analyse statistique des données, nous
avons tenté de mettre en corrélation certains
paramètres : Un p < 0,05 a été défini comme
significatif
Lors de cette analyse, toutes les corrélations se sont
avérées significatives :
- nous n'avons pas mis en évidence de
corrélation entre le fait de rencontrer fréquemment
des pathologies infectieuses et une prescription
d'antibiotiques plus conforme aux recommandations,
- nous n'avons pas réussi à mettre en
évidence un lien statistique entre l'âge
des dermatologues et une prescription d'antibiotiques plus
conforme aux recommandations,
- enfin, la comparaison entre les prescriptions des
dermatologues exerçant dans le secteur
privé et ceux exerçant dans le secteur
public n'a pas montré de prescriptions plus
conformes aux recommandations pour l'un des deux groupes
par rapport à l'autre.
IV- DISCUSSION
1) Discussion des items spécifiques :
rappel des recommandations de la littérature scientifique puis analyse
des résultats
a) L'érysipèle
a.1) Recommandations de la
littérature [5,6,7,8]
La conférence de consensus
« Erysipèle ; Fasciite nécrosante :
Quelle prise en charge ? » a été
co-organisée en 2000 par la Société Française de
Dermatologie et la Société de Pathologie Infectieuse de Langue
Française.
Nous en rapportons ici les principales conclusions concernant
le traitement de l'érysipèle.
Les indications thérapeutiques de
l'érysipèle dépendent de :
- la décision d'hospitalisation initiale ou du maintien
à domicile,
- la gravité du tableau local et
général,
- la notion d'allergie ou non aux béta-lactamines.
En cas d'hospitalisation
initiale :
L'hospitalisation initiale est envisagée devant un
tableau clinique local ou général grave, un terrain fragile ou
une crainte de mauvaise observance du traitement.
Le traitement de référence proposé
dans ces cas est la pénicilline G en 4 à
6 perfusions par jour (10 à 20 millions d'unités par jour).
Après obtention de l'apyrexie et amélioration
des signes locaux, un relais par ATB orale est entrepris avec de la
pénicilline V (3 à 6 Mu/j en trois prises
quotidiennes) ou de l'amoxicilline (3, 5
à 4g/j en trois prises quotidiennes), jusqu'à
disparition des signes locaux pour une durée totale de 10 à 20
jours.
En cas de maintien à
domicile :
Un traitement par amoxicilline, 3
à 4,5 grammes /j en trois prises quotidiennes, est
indiqué pour une durée de 15 jours.
En cas d'allergie aux béta-lactamines, le choix se
porte sur la pristinamycine (2 à 3 grammes par jours en trois
prises pendant 15 jours) un macrolide ou la
clindamycine.
L'amoxicilline simple est le traitement de première
intention de référence, en cas de maintien à domicile. Il
n'y a pas d'intérêt à recommander la pristinamycine en
première intention, sauf s'il existe une allergie aux
béta-lactamines.
En raison de l'émergence croissante de souches
résistantes de streptocoques aux macrolides, ceux-ci ne doivent
être utilisés qu'en deuxième intention après la
pristinamycine ou la clindamycine, s'il existe une allergie aux
béta-lactamines.
Un traitement antibiotique secondaire de prévention
sera envisagé en fonction de la situation clinique (diabète,
lymphoedème, récidive de l'érysipèle...).
Il n'y a aucun intérêt à appliquer un
traitement local antiseptique ou antibiotique pour l'érysipèle ou
sur la porte d'entrée.
Les doses de l'antibiotique seront adaptées en
fonction du poids pour l'enfant et le sujet obèse et en fonction de la
clairance de la créatinine pour l'insuffisant rénal.
a.2) Discussion des résultats du
questionnaire :
Plus de la moitié des dermatologues
interrogés (57%) suivent les recommandations de la conférence de
consensus concernant le traitement de première intention en prescrivant
de l'amoxicilline simple. Néanmoins, l'utilisation de
l'amoxicilline protégée en première intention pour le
traitement de l'érysipèle reste une pratique très
répandue puisque 41% des dermatologues la prescrivent.
Il est à noter que l'amoxicilline
protégée en matière d'érysipèle ne
nécessitant pas une prise en charge hospitalière n'apporte aucun
bénéfice en comparaison avec l'amoxicilline simple si cette
dernière est prescrite à dose suffisante (3g/j pour un adulte de
60kg ou moins, 3,5 à 4g/j pour un adulte de 60à 80kg et 4
à 4,5g/j pour un adulte de plus de 80kg).
La plupart des dermatologues interrogés prescrivent
l'amoxicilline simple à une dose de 3 à 4g ou expriment la dose
en « mg/kg ». Quinze pour cent (15%) de ces dermatologues
ont néanmoins noté une prescription de l'amoxicilline simple en
première intention à la dose de 2g/j ce qui représente
une dose insuffisante. Il convient de rappeler que des doses insuffisantes
d'amoxicilline sont non seulement source d'échec thérapeutique
mais aussi de sélection de souches résistantes.
Concernant le traitement de deuxième intention de
l'érysipèle, 56% prescrivent un macrolide, ce qui va dans le sens
de la conférence de consensus, si l'on prend en considération
l'indisponibilité de la pristinamycine au Maroc. Rappelons que sept des
dermatologues avaient précisé qu'ils auraient prescrit de la
pristinamycine en seconde intention si ceux-ci en avaient eu la
possibilité.
Par contre, nous notons un réel mésusage de
l'acide fusidique (36% des prescriptions en seconde intention) avec pour
conséquence une sélection dangereuse de souches
bactériennes résistantes.
Quatre-vingt et un (81%) des dermatologues connaissent
l'existence de la conférence de consensus, de 2000 et 69% d'entre eux
pensent en suivre les recommandations. En réalité, seuls 57%
suivent les recommandations de cette conférence de consensus pour le
traitement de première intention et uniquement 48% s'y conforment en
globalité pour les traitements de première et de deuxième
intention. Ces données soulèvent le problème de la
diffusion d'une conférence de consensus mais aussi la difficulté
de changer certaines habitudes de prescriptions.
b) L'impétigo de l'enfant
b.1) Recommandations de la
littérature [9,10,11,12,13,14,15]
Une revue de littérature récente faite par Dr
Mazereew-Hautier parue en 2006 aux annales de dermatologie ainsi que les
recommandations de l'Agence Française de Sécurité
Sanitaire de Produits de Santé (AFFSAPS) parues en 2004 permettent de
définir le traitement recommandé dans l'impétigo. Nous
rapportons ici les principales conclusions de ces deux travaux concernant les
recommandations du traitement de l'impétigo :
- Quelle que soit l'étendue de l'impétigo, les
règles d'hygiène élémentaires sont
indispensables :
Ø la prescription d'une éviction scolaire ou un
arrêt du travail jusqu'à guérison compète en cas de
traitement local ou pendant les 48 premières heures en cas
d'antibiothérapie générale,
Ø la vérification de l'état de la
vaccination antitétanique,
Ø la préconisation, quelle que soit
l'étendue de l'impétigo, d'une toilette quotidienne à
l'eau et au savon (le savonnage décolle les bactéries et le
rinçage à l'eau les élimine), le type de savon
utilisé n'ayant pas fait l'objet d'étude, il ne parait pas
nécessaire d'utiliser un savon de type antiseptique,
Ø le lavage fréquent des mains avec des ongles
coupés courts et des vêtements changés fréquemment
de préférence en coton et amples,
Ø la rechercher d'une dermatose sous jacente.
Concernant le traitement proprement dit, il y a deux cas de
figures à distinguer : la forme peu
sévère d'impétigo et les autres
formes.
La forme peu sévère
est définie par l'AFSSAPS comme étant un impétigo avec une
surface corporelle cutanée inférieure à 2%, sans extension
rapide et avec au maximum 5 sites lésionnels actifs. Pour cette forme,
en plus des règles d'hygiène une antibiothérapie
exclusivement locale est recommandée : acide fusidique
(crème ou pommade) ou mupirocine (pommade dermique) en 3 applications
quotidiennes pendant 5 à 10 jours.
Les autres formes d'impétigo
(une surface corporelle cutanée supérieure à 2%,
extension rapide des lésions avec plus de 5 sites lésionnels
actifs, l'impétigo bulleux et l'ecthyma, un terrain
d'immunodépression) relèvent de l'antibiothérapie
générale. Après prise en considération des
critères d'efficacité, des effets indésirables,
l'existence de présentations médicamenteuse pédiatriques
et du coût ; la pénicilline M semble être
l'antibiotique oral à prescrire en première intention en
l'absence d'allergie aux béta lactamines (30 à 50 mg/kg et par
jours en deux prises pendant 10 jours).
En deuxième intention, pourront être
prescrits : l'amoxicilline associée à l'acide clavulanique
(50 mg/kg et par jour en deux prises pendant 10 jours), les
céphalosporines ou les macrolides (Josamycine 40mg/kg/jour en deux
prises pendant 10 jours).
Ce n'est qu'en dernière intention (après le
choix d'une amoxicilline simple ou protégée ou d'un macrolide si
allergie) que pourront être prescrits les antibiotiques plus
onéreux comme l'acide fusidique ou la pristinamycine.
Il n'y a aucun intérêt à associer un
antibiotique local à un antibiotique général, quel que
soit le type d'impétigo.
En cas d'impétigo croûteux et si il y a besoin
de ramollir les croûtes, il faudra prescrire de la vaseline et non un
antibiotique local.
b.2) Discussion des résultats du
questionnaire
Traitement de l'impétigo localisé de
l'enfant :
Dans l'impétigo localisé, 72% des
dermatologues prescrivent des soins d'hygiène associés à
un antibiotique locale type acide fusidique conformément aux
recommandations. Dix-neuf pour cent (19%) traitent par un antibiotique par
voie générale (pénicilline M, l'amoxicilline
protégée, acide fusidique) associé à des soins
d'hygiène alors que l'antibiothérapie générale
n'est recommandée que pour l'impétigo ayant un caractère
diffus ou rapidement extensif.
Neuf pour cent (9%) des praticiens ne prescrivent ni
antibiothérapie générale ni locale dans l'impétigo
localisé et recommandent uniquement une toilette quotidienne à
l'eau et au savon associé à des antiseptiques. Dans une
étude randomisée en double aveugle, le traitement par acide
fusidique en topique associé à une antisepsie par polyvidone
iodée versus une crème placebo associée à une
antisepsie par polyvidone iodée à montré une
supériorité en matière de rapidité de la
réponse clinique pour le bras recevant l'acide fusidique topique. Sur le
plan bactériologique, le prélèvement étaient
négatifs à 36h du début du traitement chez 91% des
patients traités par acide fusidique versus 32% dans le groupe avec
antisepsie et crème placebo. Ceci soulève l'intérêt
du traitement par antibiotique local dans l'impétigo localisé
dans le sens d'une réponse clinique plus rapide mais surtout d'une
diminution du risque de contagiosité.
Il est à noter que la plupart des dermatologues ont
précisé une application de deux fois par jour pour une
durée allant des 5 à 14 jours concernant l'antibiotique local
alors que les recommandations de l'AFSSAPS sont de trois applications par
jours pendant 5 à 10 jours.
Traitement de l'impétigo diffus ou rapidement
progressif de l'enfant :
En première intention, 66% des dermatologues
prescrivent une pénicilline M, ce qui va dans le sens des
recommandations. Par contre, en ce qui concerne le traitement de
deuxième intention, 70% des dermatologues prescrivent de l'acide
fusidique alors que cet antibiotique n'est recommandé, selon les
données de la littérature, qu'en dernier lieu après
l'amoxicilline protégée, les macrolides et les
céphalosporines. Nous constatons là aussi un usage abusif de
l'acide fusidique.
Finalement, seuls 30% des dermatologues suivent les
recommandations concernant le traitement de deuxième intention (21% un
macrolide et 9% une amoxicilline protégée)
L'éviction scolaire :
La prescription d'une éviction scolaire ou d'un
arrêt du travail est recommandée quel que soit l'étendue
de l'impétigo et ce, jusqu'à guérison complète en
cas de traitement local ou pendant les 48 premières heures en cas
d'antibiothérapie générale.
Seuls 9% des dermatologues préconisent
systématiquement une éviction en cas d'impétigo
localisé versus 87% pour l'impétigo diffus ou rapidement
extensif.
Association d'un antibiotique par voie
générale à un antibiotique par voie locale dans
l'impétigo croûteux :
Soixante- deux pour cent (62%) des dermatologues
n'associent jamais antibiothérapie locale et générale pour
le traitement de l'impétigo croûteux. Cette attitude est la plus
sage puisque il n'y a aucun intérêt à associer les deux
formes galéniques, en matière de réponse
thérapeutique. De plus, un antibiotique local est un principe actif qui
ne doit pas être utilisé dans le but de ramollir les
croûtes. Notons que 38% des dermatologues ont recours à cette
association « parfois» voir « toujours ». Il
serait, dans le cas de l'impétigo croûteux, plus raisonnable de
prescrire un antibiotique topique en cas d'impétigo croûteux
localisé pour traiter et par la même occasion ramollir les
croûtes mais d'associer, en cas d'impétigo croûteux
diffus ou généralisé, un émollient (type vaseline
par exemple) à l'antibiothérapie générale.
c) Les folliculites superficielles et furoncles non
récidivants
c.1) Recommandations de la littérature
[16,17,18,19]
Le traitement des folliculites superficielles et des furoncles
non récidivants est assez bien codifié.
Si l'on se réfère aux recommandations de
l'AFSSAPS, il a été démontré que seuls les soins
d'hygiène sont nécessaires. Il n'y a pas d'intérêt
à utiliser un antibiotique local. L'antibiothérapie
systémique anti-staphylococcique n'est envisagée que dans les cas
suivants :
- furoncle de localisation médio faciale,
- furoncles multiples ou extensifs,
- complications septiques (lymphangite, cellulite...),
- terrain d'immunodépression.
En dehors de ces cas de figures, seuls les soins
d'hygiène et les antiseptiques sont nécessaires :
- lavage fréquent des mains, ongles coupés
courts avec brossage soigneux des espaces sous unguéaux, serviettes de
toilette personnelles,
- suppression des facteurs irritatifs,
- application biquotidienne d'antiseptiques locaux (type
chlorexidine).
Pour les folliculites superficielles et peu
étendues, les antiseptiques locaux sont prescrits à
raison de deux applications quotidiennes pendant 7 à 10 jours. Le choix
de l'antiseptique dépend de l'expérience et des habitudes du
prescripteur.
Les antibiotiques locaux peuvent également être
prescrits en association avec l'antiseptique.
Pour les folliculites étendues, l'adjonction
au traitement local d'un antibiotique per os est souvent nécessaire.
La pénicilline M semble être l'antibiotique oral
à prescrire en première intention, en l'absence d'allergie aux
béta-lactamines (30 à 50 mg/kg et par jour en deux prises
pendant 10 jours).
En deuxième intention, pourront être
prescrits : les macrolides (Josamycine 40mg/kg/jour) ou les
céphalosporines.
Ce n'est qu'en dernière intention que pourront
être prescrits les antibiotiques plus onéreux comme l'acide
fusidique ou la pristinamycine.
c.2) Discussions des résultats du
questionnaire
Pour les folliculites superficielles, 22% des dermatologues
recommandent uniquement des soins d'hygiène, 20% y associent un
antibiotique local alors que plus de la moitié (58%) prescrivent un
antibiotique par voie générale. Pour les furoncles non
récidivants, tous les dermatologues prescrivent un traitement
antibiotique par voie locale ou générale (41% pour l'antibiotique
locale et 59% un antibiotique par voie générale) alors que seuls
les mesures d'hygiène et les antiseptiques sont recommandés pour
les folliculites comme pour les furoncles non récidivants, en dehors des
situautions précédemment citées, à savoir :
- furoncle de localisation médio faciale,
- furoncles multiples ou extensifs,
- folliculites étendues,
- complications septiques (lymphangite, cellulite...),
- terrain d'immunodépression.
Il est vrai que dans l'énoncé de la question, il
n'y avait pas de précisions concernant le terrain, le caractère
multiple ou non et le siège des furoncles, ce qui peut expliquer que les
dermatologues interrogés aient répondu « par
excès » à cette question. Nous relevons ici un vice de
formulation de la question ayant probablement biaisé la
réponse.
Nous constatons néanmoins à nouveau un
mésusage de l'acide fusidique puisque 37% des dermatologues le
prescrivent en première intention et 61% en seconde intention, alors que
selon les recommandations, ce n'est qu'en dernière intention que
pourront être prescrit les antibiotiques onéreux comme l'acide
fusidique ou la pristinamycine et ce, après la pénicilline M en
première intention et les macrolides et céphalosporines en
deuxième intention. Ces recommandations concernent aussi bien pour les
folliculites superficielles que les furoncles non récidivants.
Notons aussi que deux dermatologues ont soulevé la
question de la nature mycosique ou bactérienne des folliculites et donc
de la place des prélèvements et des examens
bactériologiques et mycologiques. La question aurait effectivement due
être formulée, en précisant la nature bactérienne
des folliculites.
d) Les plaies chroniques
d.1) Recommandations de la littérature :
[20,21,22,23,24,25]
Une plaie chronique est une perte de substance
cutanée n'ayant aucune tendance spontanée à la
cicatrisation. Il s'agit essentiellement des ulcères de jambes, des maux
perforants plantaires et des escarres.
Elle représente un problème de santé
publique. La formation des médecins concernant les plaies chroniques est
souvent insuffisante et il en découle des pratiques empiriques
variables d'un soignant à l'autre parfois décalées par
rapport aux recommandations consensuelles.
La colonisation de plaies chroniques par des
bactéries potentiellement pathogène est bien connue. Lorsque l'on
effectue des prélèvements systématiques sur une plaie
chronique on peut retrouver de nombreux germes non saprophytes de la
peau (staphyloccocus aureus, streptococcus pyogenes, pseudomonas
aeruginosa, proteus mirabilis...) et il semblerait bien que cette colonisation
n'interfère pas avec la cicatrisation.
Le professeur Amblard avait démontré
l'importance du comptage des germes. Ainsi, en dessous de 100000germe/cm2, la
prolifération n'empêche pas la cicatrisation et ce quelque soit le
germe; en revanche au-delà de 100000 germe/cm2, la cicatrisation est
entravée et un traitement anti-bactérien semble
indiqué.
Il n'est pas recommandé de réaliser
systématiquement de prélèvements bactériologiques
sur une plaie chronique, en dehors de signes patents d'infection. Il serait
cependant intéressant de demander un comptage des germes en cas de
prélèvement.
Place de l'antisepsie :
Une revue de la littérature de 1996 n'a pas
trouvé d'étude clinique prouvant l'intérêt des
antiseptiques (ATS) dans les plaies chronique. L'ATS réduit le nombre de
bactéries de façon ponctuelle mais au bout de 15 à 30 mn,
en fonction de l'ATS utilisé, la flore bactérienne reprend sa
croissance. De plus, il a été démontré que les ATS
avaient une action cytotoxique sur les kératinocytes et les
fibroblastes, retardant ainsi la cicatrisation, ceci sans compter le rôle
bien connu des ATS dans la survenue d'eczémas de contact et de dermites
irritatives.
En conclusion, l'utilisation des ATS sur une plaie chronique
n'est pas recommandée. Un lavage avec savonnage quotidien parait
suffisant et il semble aussi important que cette information soit
diffusée auprès du patient et de sa famille en rappelant que le
savonnage décolle les bactéries et le rinçage les
élimine.
Place de l'antibiotique local
Les recommandations de l'AFSSAPS sur la prescription
d'antibiotiques locaux rappellent que ceux - ci n'ont d'intérêt ni
dans la prévention, ni dans le traitement des plaies chroniques et de
leurs complications infectieuses.
Comme pour les ATS, les antibiotiques locaux n'ont pas
montré d'intérêt dans les processus de cicatrisation et
peuvent aussi être responsables de dermites de contact.
Place de
l'antibiothérapie générale
Elle n'est indiquée que lorsqu'il existe des
complications infectieuses locorégionales. Une étude
randomisée comparant un groupe recevant des soins locaux adaptés
et un autre recevant une antibiothérapie (ciprofloxacine ou
trimethoprime) en plus des soins, afin d'étudier l'intérêt
de l'antibiotique sur la vitesse de cicatrisation et la taille d'un
ulcère, n'a pu montrer aucune différence significative entre les
deux groupes ni sur le temps de cicatrisation, ni sur la taille de
l'ulcère. En revanche, une augmentation de la résistance
à l'antibiotique a été constatée chez le groupe
traité.
Il est vrai qu'une plaie chronique demeure une porte
d'entée à une infection (érysipèle,
ostéite ...) mais la meilleure prévention de ce risque
infectieux et d'obtenir une cicatrisation dans les meilleurs délais.
Celle-ci ne pourra être obtenue qu'avec des soins de propreté, des
pansements adaptés au stade de la plaie et un traitement
étiologique de la plaie chronique.
Prise en charge des plaies à
SAMR
Le staphylocoque SAMR est responsable d'infections
nosocomiales graves, nécessitant des traitements ATB lourds et
onéreux. Cependant, une colonisation à SAMR d'une plaie chronique
est- elle plus dangereuse qu'une colonisation à staphylocoque
méticilline sensible ? Amène-t-elle une prise en charge
différente ?
Une étude prospective comparative de la
morbidité des SAMS et SAMR dans les plaies chroniques n'a pas
montré de différence entre les deux groupes quant à
l'évolution des plaies sur 25 mois. Cette étude tend à
montrer que la présence d'un germe résistant dans une plaie
chronique n'est pas un signe prédictif d'une évolution
défavorable.
Par conséquent, l'utilisation des antibiotiques pour
les plaies chroniques à SAMR répond aux mêmes
critères que les autres plaies chroniques non SAMR,
à savoir, de ne traiter que devant des signes d'infection
constatés.
Il est à noter toutefois que les patients porteurs de
germes résistants sur leur plaie chronique constituent un
réservoir. Dans ce sens, il faudra insister sur le lavage des mains et
l'isolement de la plaie. En milieu hospitalier, le patient sera mis en
isolement et le personnel au contact de celui-ci sera astreint à des
règles d'hygiène strictes.
d.2) Discussion des résultats du
questionnaire
La question était de savoir combien de dermatologues
réalisent de façon systématique un
prélèvement devant une plaie chronique. Soixante et un pour cent
(61%) des dermatologues interrogés font systématiquement un
prélèvement bactériologique.
Nous savons qu'il n'est pas
recommandé de réaliser systématiquement
de prélèvements bactériologiques
sur une plaie chronique, en dehors de signes patents
d'infection.
A la question : « Vous avez
décidé de faire des prélèvements et vous
découvrez un staphylocoque Méti-résistant (SAMR), ce SAMR
est sensible aux fluoroquinolones, aux macrolides testés et à
l'acide fusidique, sur quel antibiotique votre choix se porte
t-il ? » quatre vingt- sept pour cent (87%) des dermatologues
prescrivent de l'acide fusidique et 11% une fluoroquinolone ; moins de 2%
ne traitent pas, même s'ils isolent un SAMR. Rappelons que
l'utilisation des antibiotiques pour les plaies chroniques à SAMR
répond aux mêmes critères que les autres plaies chroniques
non SAMR, à savoir
de ne pas traiter que s'il existe des signes d'infection
constatés.
e) L'antibioprophylaxie
e.1) Recommandations de la littérature
[27,28,29]
L'antibioprophylaxie des plaies récentes, notamment
après un acte chirurgicale, a longtemps été sujet
à controverse.
La méta-analyse de Cummings portant sur 7
études validées sur le plan méthodologique conclut
qu'aucune étude n'a pu mettre en évidence un apport
bénéfique de l'antibioprophylaxie sur le risque d'infection des
plaies.
Rappelons qu'il existe différents types de plaies
définies comme suit :
Classe I : plaies propres
Plaies liés à la petite chirurgie (biopsies,
exérèses, chirurgie de Mohs...). Dans ce type de plaies le risque
d'infection est évalué à 1 à 2%. La majorité
des gestes réalisés en dermatologie rentre dans ce
cadre-là.
Classe II : plaies propres
contaminées
Il s'agit des plaies localisées au contact des
muqueuses et au niveau des plis. Le risque infectieux est estimé
à environ 10%
Classe III : plaies
contaminées
Ce sont les plaies où la peau est visiblement
inflammatoire. Le pourcentage d'infection est de 20 à 30%
Classe IV : plaies
infectées
Il s'agit des plaies purulentes ou contenant un corps
étranger. Le risque d'infection est de l'ordre de 40%
Antibioprophylaxie en fonction du type de la
plaie
Les plaies de classe I : Elles
ne nécessitent pas d'antibioprophylaxie. Aucune étude n'a
montré de différence significative entre les groupes recevant une
antibioprophylaxie et les groupes recevant un placebo dans ce type de plaies.
Il n'y a là aussi aucun intérêt à appliquer une
antibiothérapie locale sur une plaie post-opératoire, pratique
encore courante.
Une étude randomisée en double aveugle a
comparé l'utilisation d'un antibiotique local versus vaseline en
application post opératoire sur 1200 actes de dermato-chirurgie
(biopsies exérèses, électrodissection, greffes), il n'y
avait pas de différences statistiquement significatives entre les deux
groupes en matière d'infection post-opératoires. Le coût
était trois fois supérieur dans le groupe traité par
antibiotique local. De plus, 2% des patients ont développé une
dermite de contact.
Les plaies de classe II : La
nécessité d'une antibioprophylaxie est controversée. La
plupart des études publiées tendent à démontrer
qu'elle est inutile et qu'une surveillance est nécessaire pour la mise
en route d'une antibiothérapie uniquement si des signes patents
d'infection surviennent.
Les plaies de classe III et
IV : Il va de soi que pour ces plaies,
l'antibiothérapie est à visée curative et non
prophylactique.
Patients à risques et
antibioprophylaxie :
Il apparaît que même pour les patients
immunodéprimés, l'antibioprophylaxie n'est pas
recommandée. Il est cependant nécessaire de suivre ces patients
en post-pératoire pour traiter une infection débutante. Cette
antibioprophylaxie sera à base de pénicilline M pour les plaies
à risque d'impétiginisation par un staphylocoque et
d'amoxicilline protégée pour les plaies au contact de
muqueuses.
Concernant les valvulopathes et les sujets à risque
d'endocardite infectieuse, l'American Heart Association (AHA) recommande depuis
1997 de ne pas réaliser d'antibioprophylaxie pour les plaies de type I
effectuées sur peau lavée et désinfectée. Par
contre, pour les plaies de type II au contact ou au niveau d'une muqueuse, une
antibioprophylaxie est recommandée comme cela est le cas pour les soins
dentaires. Cette prophylaxie se fait à base d'amoxicilline ou de
macrolides, en cas d'allergie aux béta-lactamines.
e.2) Discussion des résultats du
questionnaire
Les résultats montrent qu'une antibioprophylaxie est
utilisée lors de la réalisation de :
- biopsie simple : 42 % des dermatologues,
- electro dissection : 31% des dermatologues,
- exérèse simple : 54% des
dermatologues,
- exérèse complexe (plans profonds,
greffe) : 86%.
Sept dermatologues confient ne pas réaliser de gestes
de chirurgie dermatologique complexes.
La plupart des études publiées tendent à
démontrer que l'antibioprophylaxie est inutile pour les plaies de classe
I e II et ce sont ce type de plaies qui correspondent aux gestes de petite
chirurgie dermatologique. Pour ce type de plaies, seule une surveillance
clinique est nécessaire pour la mise en route d'une
antibiothérapie uniquement si des signes patents d'infections
surviennent. On est là bien en droit de se demander s'il n'existe pas,
en matière d'antibioprophylaxie, un sérieux mésusage des
antibiotiques par nos dermatologues.
Les chiffres élevés de prescription
d'antibiotique dans ce contexte peut être probablement expliqué
par les difficultés rencontrées, par nos dermatologues, pour
effectuer les actes dermatologiques en bloc opératoire avec respect
rigoureux de l'asepsie, mais aussi par la difficulté à suivre
certains patients en post-opératoire pour déceler l'infection
à sont début.
L'antibiotique le plus souvent prescrit pour
l'antibioprophylaxie par les dermatologues interrogés est une
pénicilline M pour 53% des dermatologues, de l'acide fusidique pour 38%
et de l'amoxicilline protégée pour 7%. Moins de 2% disent
utiliser un anti-staphylococcique sans en préciser la nature. Là
aussi, on constate à nouveau une prescription inappropriée de
l'acide fusidique prescrit par 38% des dermatologues. Rappelons que pour les
plaies cutanées à risque d'impétinigation
staphylococcique, il est recommande d'utiliser une pénicilline M. Quand
la plaie siège au voisinage ou au contact d'une muqueuse, il est
recommandé d'utiliser une amoxicilline protégée qui
couvrira aussi une éventuelle infection à streptocoque. En cas
d'allergie aux bétalactamines, on aura recours aux macrolides. Cette
antibiothérapie devra au minimum être maintenu pendant cinq jours
ou plus, jamais moins pour ne pas sélectionner de souches
résistantes.
f) L'acné
f.1) Recommandations de la littérature
[30,31,32,33,34,35,36,37,38,39]
Les antibiotiques en dermatologie sont utilisés pour
le traitement de dermatoses inflammatoires comme l'acné. Cette
utilisation est sujette à débat avec nos confrères
infectiologues.
Ce n'est pas tant l'activité anti-bactérienne
des antibiotiques qui est recherchée dans le traitement de l'acné
mais plutôt l'action anti-inflammatoire spécifique.
Les cyclines ont une activité anti-inflammatoire bien
connue. Elles inhibent la phagocytose bactérienne des leucocytes et ont
une action contre la lipase du propionibacterium acnes. Elles modulent
la production de certaines cytokines d'origine kératinocytaire. Elles
inhibent aussi la formation de granulomes inflammatoires.
L'activité anti-inflammatoire des macrolides a
été démontrée plus tardivement en 1999. Une
étude italienne avait étudié l'activité
anti-inflammatoire in vitro et in vivo de quatre macrolides (roxithromycine,
clarithromycine, érythromycine et azithromycine). Cette étude a
montré qu'indépendamment de l'activité
antibactérienne des macrolides, ceux -ci avaient la capacité
d'inhiber la production de médiateurs pro-inflammatoires et de
cytokines.
Jusqu'en 1976, aucune résistance du
propionibacterium acnes aux antibiotiques n'était
décrite. Depuis de nombreuses publications ne cessent de décrire
ce phénomène. Le pourcentage de résistance du
propionibacterium acnes aux antibiotiques est passé de 20% en
1978 à 62% en 1996. Une analyse européenne de 2003 rapporte une
résistance aux macrolides de 50% des patients et aux cyclines de 20%.
Malgré ce constat alarmant de résistance croissante du
Propionibacterium acnes aux antibiotiques, il ne semble pas que la
communauté dermatologique ait constaté, dans le même temps,
un échec de ses thérapeutiques. A ce jour aucune étude
valide n'a pu corréler échec clinique et résistance au
propionibacterium acnes aux antibiotiques probablement que le
résistance ne modifie pas les qualités anti-inflammatoires de
l'antibiotique.
Cependant, lors de l'utilisation prolongée (plus de 2
mois) de cyclines pour le traitement de l'acné, il a été
mis en évidence l'augmentation de la colonisation de l'oropharynx par le
streptococcus pyogenes
chez les sujets acnéiques, comparativement aux groupes
contrôles et ce avec un pourcentage de résistance aux
antibiotiques du streptococcus pyogenes plus importante chez les
acnéiques traitées par cyclines.
La prescription prolongée d'antibiotique modifie la
flore commensale muqueuse avec apparition de résistances. La flore
commensale cutanée est aussi concernée par ces modifications.
Ainsi le pourcentage de résistance aux antibiotiques du
staphylococcus epidermidis augmente avec l'utilisation chronique
d'antibiotique. Ce staphylococcus epidermidis qui a longtemps
été considéré comme non pathogène est
maintenant rendu responsable de septicémies graves chez les
prématurés et les immunodéprimés. Or les sujets
acnéiques traités par antibiotiques deviennent porteurs de germes
résistants et peuvent transmettre ces germes à une personne
vulnérable chez qui le germe acquis pourra être pathogène.
Ce germe aura de plus acquis une résistance à certains
antibiotiques qui rendront son traitement difficile.
Pour cela, toute prescription d'antibiotiques dans le cadre
d'une acné doit faire selon les recommandations des
sociétés savantes.
Nous rappelons que les recommandations de la communauté
scientifique dermatologique française (Société
Française de Dermatologie et AFFSAPS) en matière de traitement de
l'acné conseillent ce qui suit :
- pour une acné
légère : préférer en première
intention un traitement local à base de rétinoïde ou de
peroxyde de Benzoyle. Si un traitement par antibiotique local semble
nécessaire, sa durée d'utilisation doit être limitée
dans le temps et il devra être associé à un traitement par
peroxyde de benzoyle. En effet il a été démontré
que l'association du peroxyde de benzoyle à l'érythromycine ou la
clindamycine en topique réduisait le pourcentage de souches de
propionibacterium acnes résistantes à l'antibiotique
topique ;
- pour l'acné modérée
papulo-pustuleuse : indiquer l'antibiotique orale pour une
durée de 3 mois au maximum et en continu. Cet antibiotique sera
toujours associé à un traitement topique (peroxyde de
benzoyle). L'association antibiotique local et antibiotique
systémique qui augmente l'induction de souches résistantes doit
être bannie.
L'isotrétinoïne est indiquée en
première intention dans les acnés graves ou en cas
d'échec d'un traitement antibiotique oral associé à un
traitement topique bien conduit pendant 3 mois.
Si un traitement antibiotique systémique est
proposé, il est nécessaire de se renseigner sur l'état de
santé des proches et l'existence ou non d'un contact avec un
prématuré ou un immunodéprimé.
Si une deuxième cure d'antibiotique est
nécessaire après une rechute tardive de l'acné, il faudra
toujours reprendre le même antibiotique
f.2) Discussion des résultats du
questionnaire
L'antibiotique oral le plus couramment prescrit pour le
traitement de l'acné est :
- une doxycycline pour 28% des dermatologues,
- une tétracycline pour 21% des dermatologues,
- une cycline non précisée pour 51% des
dermatologues.
Il est évident que les cyclines sont les antibiotiques
les plus prescrits dans l'acné, les macrolides étant un
traitement de seconde intention. Le but de cette question est de mettre en
évidence quel type de cycline est le plus utilisé.
Malheureusement, 51% des dermatologues n'ont pas précisé le type
de cycline utilisée. Aucun des dermatologues interrogés n'a
précisé utiliser de la minocycline. Cette molécule n'est
recommandée qu'en dernière intention par l'AFFSAPS après
la doxymycine et la les tétracyclines vu les accidents
immuno-allergiques graves qu'elle peut engendrer.
Concernant la durée du traitement antibiotique, 52%
des dermatologues maintiennent ce traitement antibiotique pendant 3 mois avant
de recourir aux rétinoïdes s'il n'existe pas de réponse
thérapeutique, 32% peuvent poursuivre le traitement antibiotique
jusqu'à six mois et 16% jusqu'à 12 mois.
Par conséquent, seulement 52% suivent la
recommandation de 3 mois de traitement continu au maximum.
Pour ce qui est des antibiotiques locaux dans le traitement de
l'acné, 42% des dermatologues disent ne jamais en prescrire, 35% y ont
recours « parfois » et 23% les utilisent souvent..
g) Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques
g.1) Recommandations de la littérature
[40,41]
Comme pour l'acné, l'action anti-inflammatoire de
certains antibiotiques conduit à utiliser ceux-ci pour le traitement de
certaines pathologies (sarcoïdose, rosacée, maladie de
Verneuil...). Plusieurs articles rapportent l'utilisation des antibiotiques
dans ces différentes pathologies.
Ces articles mettent le plus souvent l'accent sur
l'efficacité ou non de ces traitements et ne font pas état de
recommandations thérapeutiques. Il serait d'ailleurs délicat de
formuler des recommandations pour des indications hors AMM de ces
antibiotiques.
Il est cependant logique de penser que même dans ce
cadre, les antibiotiques (cyclines, macrolides, imidazoles) doivent, comme pour
l'acné être utilisés en cure courte avec évaluation
de l'efficacité du traitement au bout de quelques mois et en cas de non
réponse au traitement, recourir à d'autres moyens
thérapeutiques non antibactériens spécifiques à
chaque pathologie.
g.2) Discussion des résultats du
questionnaire
Les pathologies dermatologiques non infectieuses
traitées par les antibiotiques par nos dermatologues étaient
par ordre de fréquence :
la rosacée (82% des dermatologues)
la maladie de Verneuil (51% des dermatologues)
la folliculite décalvante (32% des dermatologues)
les kystes épidermoïdes inflammatoires (18% des
dermatologues)
la sarcoïdose (12% des dermatologues)
l'aphtose buccale (10% des dermatologues)
Dans de rares cas, moins de 2% des dermatologues (psoriasis en
goutte, pemphigoïde bulleuse)
Les cyclines restent les antibiotiques les plus
utilisés avec quelques mentions pour le metronidazole dans la
rosacée et les macrolides pour le psoriasis en goutte.
2) Discussion et analyse
générale
Le taux de réponse à notre questionnaire est
de 68,31%. Il s'agit d'un bon taux de réponse supérieur aux taux
habituellement constatés dans les enquêtes similaires. Ceci
reflète la motivation et l'intérêt porté par les
dermatologues à cette question. Il est probable également, que
l'adjonction d'une enveloppe timbrée et libellée à
l'adresse de l'enquêteur ainsi qu'une lettre d'introduction et de
motivation sont aussi des facteurs qui ont encouragé les praticiens
sollicités à répondre au questionnaire et à nous
le réadresser.
Nous regrettons cependant de ne pas avoir pu analyser plus
finement les posologies et la durée du traitement du fait du nombre
insuffisant de réponses précises. En effet, les dermatologues de
l'étude on bien répondu quant à l'antibiotique prescrit
mais n'ont pas toujours précisé la posologie et la durée
exactes du traitement. Or un sous-dosage ou une durée de traitement
insuffisante sont un risque d'échec thérapeutique et de
sélection de souches résistantes.
Au contraire, un surdosage ou un temps de traitement trop
long exposent à des effets secondaires plus importants et une
augmentation du coût du traitement.
Concernant l'analyse statistique des données, nous
n'avons pas pu mettre en évidence de différences statistiquement
significative (définie par un p<0,05) entre les différents
paramètres analysés en corrélation :
- nous n'avons pas mis en évidence de
corrélation entre le fait de rencontrer fréquemment
des pathologies infectieuses et une prescription
d'antibiotiques plus conforme aux recommandations,
- nous n'avons pas réussi à mettre en
évidence un lien statistique entre l'âge
des dermatologues et une prescription d'antibiotiques plus
conforme aux recommandations,
- enfin, la comparaison entre les prescriptions des
dermatologues exerçant dans le secteur
privé et ceux exerçant dans le secteur
public n'a pas montré de prescriptions plus
conformes aux recommandations pour l'un des deux groupes
par rapport à l'autre.
Il est cependant à noter que nos effectifs dans les
sous-groupes étaient trop petits rendant les résultats
difficilement interprétables.
Si nous devions revenir sur les principales habitudes de
prescriptions en contradiction avec les recommandations de bonne pratique, nous
retiendrions :
- la fréquence de prescription d'une
antibioprophylaxie systématique lors des gestes de petite chirurgie
dermatologique.
- le traitement des furoncles non-récidivants et des
folliculites superficielles par un antibiotique par voie générale
par la majorité des dermatologues.
- le traitement antibiotique systématique des germes
isolés sur les plaies chroniques.
- la fréquence de prescription de l'acide fusidique.
D'après l'analyse faite précédemment, il
s'agit le plus souvent d'un mésusage de cet antibiotique par ailleurs
onéreux. A titre d'exemple le traitement antibiotique de 10 jours d'une
infection cutanée de l'adulte par de l'acide fusidique coûte 449
MAD. Un traitement par une pénicilline M pour la même
période coûte (en fonction qu'il s'agisse de la molécule
mère ou d'un générique) entre 178 et 248 MAD, un
traitement par une amoxicilline simple coûte entre 136 et 218 MAD, un
traitement par une amoxicilline protégée coûte entre 177
et 336 MAD, un traitement par une céphalosporine de première
génération coûte entre 190 et 234 MAD et enfin un
traitement par un macrolide coûte entre 289 et 392 MAD en fonction
de la famille de macrolide utilisée.
V- CONCLUSION
Ce travail tente de mettre en évidence le
rôle que nous avons à jouer en tant que dermatologues dans le bon
usage des antibiotiques dans notre pratique quotidienne. Le questionnaire
envoyé aux dermatologues de l'axe
« Témara-Rabat-Salé- Kénitra » a
été à la base de notre discussion et nous a permit de
refaire le point sur le bon usage des antibiotiques dans la littérature
concernant certaines pathologies : érysipèle,
impétigo, folliculites superficielles, furoncles non récidivants,
plaies chroniques et acné ainsi que dans l'antibioprophylaxie.
Ce questionnaire nous a aussi permis de mettre en
évidence des habitudes de prescriptions souvent non-conformes aux
recommandations de bonnes pratiques.
Ceci pose la question de l'accès à ces
informations scientifiques mais surtout de la capacité à
modifier nos habitudes de prescriptions. A ce sujet, une formation
médicale continue en matière d'antibiothérapie pourrait
être utile, surtout que tous les dermatologues interrogés
l'auront souhaitée.
Nous terminons ce travail en rappelant qu'il faudra
toujours prescrire un antibiotique de manière réfléchie,
conformément aux recommandations de bonnes pratiques en prenant bien en
compte le rapport risque/bénéfice individuel et collectif.
Nous ne disposons pas, pour l'instant, d'études
traçant le profil des résistances pour les germes
rencontrés en pratique quotidienne de consultation dermatologique
hospitalière ou de ville, mais il est certain que nos prescriptions
contribuent à la sélection de souches bactériennes
résistantes qui risquent, à l'avenir, de nous poser de
sérieux problèmes de prise en charge.
Nos décisions médicales doivent être
fondées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles assurant le
traitement le plus adapté avec le retentissement écologique le
plus faible.
Nos prescriptions doivent également prendre en
considération l'impact économique sur le patient et sur
l'ensemble de la communauté de santé.
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