II. REVUE DE LITTERATURE (APPROCHES THEORIQUES ET
EMPIRIQUES DE L'ETUDE)
Cette section est consacrée à l'analyse des
fondements théoriques et des études empiriques relatives à
la dynamique des investissements sur la croissance et le développement
dans les « Etats fragiles ».8
2.1. Investissement public et croissance
économique
L'analyse des déterminants de l'investissement public
et de la croissance est l'objet de controverses au sein des économistes.
Selon la théorie keynésienne, l'investissement public a un effet
démultiplié sur l'activité économique et sur
l'emploi grâce au multiplicateur keynésien ou multiplicateur
d'investissement. Ce multiplicateur défini comme le rapport entre une
variation des dépenses publiques et la variation consécutive du
revenu global, est l'un des soubassements idéologiques des politiques de
relance financées par l'emprunt. Quant aux néoclassiques, ils
voient plutôt une perte d'efficacité dans l'intervention publique
à cause de l'effet d'éviction.
L'idée de l'éviction se rapporte au fait que les
fonds nécessaires aux dépenses publiques supplémentaires
sont prélevés sur une épargne qui, autrement, aurait servi
à financer des projets d'investissement privé. La ponction
exercée par les autorités sur l'épargne privée
provoque une hausse des taux d'intérêts qui décourage de
nombreux projets d'investissement ainsi évincés par la
dépense gouvernementale (Bamba, 2005).
Si l'investissement a un effet multiplicateur apparent, il
n'est pas toujours exact de croire qu'encourager l'investissement public de
manière artificielle permettra d'avoir des effets positifs, comme l'ont
montré de très nombreux économistes. En effet, Barro
(1997) a montré que le multiplicateur keynésien ne pouvait pas
avoir les vertus que lui prêtent les tenants de la théorie
keynésienne. Financer un plan de relance par la dette ou les
impôts publics, ne changent rien car la dette est un impôt futur et
les ménages épargnent davantage pour se prémunir de ces
hausses d'impôts futures, au détriment de la consommation. Le
multiplicateur serait donc, au mieux, égal à l'unité.
8Selon l'OCDE, un Etat est qualifié «
d'Etat fragile » lorsque le gouvernement et les instances étatiques
n'ont pas les moyens et/ou la volonté politique d'assurer la
sécurité et la protection des citoyens, de gérer
efficacement les affaires publiques et de lutter contre la pauvreté au
sein de la population.
Mémoire de DESS_GPE 11 (2009/2010)
Présenté par KOUAKOU Armand
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Impact de l'instabilité sociopolitique sur les
investissements publics et privés en Côte d'Ivoire
Par ailleurs, Minea et Villieu (2008) proposent dans leurs
travaux un modèle théorique simple dans lequel l'impact du
déficit budgétaire sur les dépenses publiques
d'investissement dépend du niveau de la dette publique (en pourcentage
du PIB). Lorsque la dette publique est faible, l'impact du déficit est
positif, car la charge de la dette peut être absorbée par une
diminution des dépenses de consommation. Lorsque la dette est
très élevée, en revanche, il n'est plus possible de
réduire les dépenses de consommation, et l'ajustement
s'opère par les dépenses d'investissement, de sorte que la
relation entre déficit et dépenses publiques d'investissement
devient négative. Une analyse empirique menée à partir
d'un modèle économétrique avec effets de seuil en panel
sur 22 pays de l'OCDE a confirmé cette non linéarité.
Minea et Villieu (2009), ont également analysé
la « règle d'or » des finances publiques à travers un
modèle de croissance endogène. Cette règle autorise des
déficits budgétaires à condition que ces déficits
soient exclusivement consacrés à l'investissement public. Sous
des conditions très générales, il est montré qu'une
augmentation permanente du déficit public consacrée à
l'investissement public conduit à un affaiblissement de la croissance
à long terme. À court et moyen termes, cependant, une telle
augmentation peut stimuler la croissance et la consommation. Dès lors,
la règle d'or peut améliorer ou détériorer le
bien-être intertemporel, selon la valeur des paramètres, et en
particulier celle de l'élasticité de substitution
intertemporelle.
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