UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU
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UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN LETTRES, ARTS ET
COMMUNICATION
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DEPARTEMENT DE LETTRES MODERNES
RAPPORT DE D.E.A. Option : Littérature
Orale
THEME :
Approche ethnolinguistique des
formules de salutation chez les
Dioula de Darsalamy
Présenté par : Sous la Direction de :
Ignace SANGARE Pr. Sié Alain KAM
Maître de Conférences
Année académique 2007-2008
II
DEDICACE
A
Mon père Louis Césaire K.
SANGARE,
Ma mère Rosalie M. SANGARE,
Et
Ma Marraine Fatoumata DIENDERE,
Qui m'ont supporté et soutenu depuis mes premiers
pas universitaires.
Qu'ils en soient remerciés !
A
Mon oncle François Xavier
SANGARE
Parti alors que je bouclais mes recherches.
Que Dieu t'accorde le repos éternel Et qu'il
t'accueille en son saint paradis.
Amen !
II
REMERCIEMENTS
Je ne me permettrai point d'ouvrir cette page de
remerciements sans commencer par mon professeur directeur de mémoire Pr.
Sié Alain KAM qui m'a encadré en partant de rien,
éclairé, soutenu, suivi dans mes recherches
universitaires.
Son sens de la pédagogie me sert d'exemple
et régira désormais mes travaux intellectuels
futurs.
Son caractère tendre et fort, son sourire
rayonnant et franc me serviront de remontant dans mes moments difficiles. Qu'il
trouve à travers ce mémoire qui est aussi sien l'expression de ma
gratitude
A mes parents qui veillent sur mon
épanouissement et m'entourent de beaucoup d'amour et d'affection depuis
mon arrivée au monde.
A ma marraine Mme Fatoumata DIENDERE, pour ses
conseils, son soutien et son intérêt manifeste à mes
recherches ;
A nos enseignants de l'option littérature
orale : Pr. Albert OUEDRAOGO, Dr Aimé Marc NEBIE, Dr Alain SANOU, pour
m'avoir initié et accompagné dans la recherche
scientifique.
Au chef du village de Darsalamy et ses notables
qui m'ont accueilli dans leur village dans le cadre de mes
recherches.
A mes soeurs et frères pour m'avoir soutenu
dans mes études.
Aux camarades étudiants de l'option
littérature orale pour l'esprit d'équipe ;
A tous ceux que je n'ai pas pu citer et qui sont
nombreux ; Merci !
III
SIGLES ET ABREVIATIONS
> Acc : Accompli
> Aux. : Auxiliaire
> Inf. : Infinitif
> J.k. : Jùla de Kong
> J.v. : Jùla véhiculaire
> Nég. : Négation
> Plur. : Pluriel
> Poss. : Possessif
> Prép. : Préposition
> Prés. : Présent
> Pr. : Pronom
> Subj. : Subjonctif
1
INTRODUCTION
Les études en littérature orale constituent un
moyen dynamique de découverte de nos sociétés africaines
à tradition orale. C'est dans ce cadre que s'inscrit notre recherche.
Elle porte sur les formules de salutation des Dioula1 de Darsalamy.
En effet, Darsalamy est un village de Dioula, situé à une
quinzaine de kilomètres de la ville de Bobo Dioulasso. Sa
particularité réside dans le fait que le jùla qui y est
parlé est celui de Kong2 en Côte d'Ivoire. En nous
référant aux sources historiques, ce village est lié
à l'ancien Royaume de Kong en Côte d'Ivoire.
Le village est essentiellement composé de Dioula et de
quelques minorités ethniques dans la
périphérie3.
Dans le cadre de notre étude, nous avons
réalisé des séjours à Darsalamy et à Bobo
Dioulasso pour le recueil des informations. Cela s'est étendu de
décembre 2006 à mars 2007. Au cours de ces différents
séjours, nous avons pu échanger avec des informateurs et
recueillir des énoncés de salutations en usage dans ce
village.
Ce travail de recueil de textes oraux a été
rendu possible grâce à la collaboration du Chef du village de
Darsalamy, des notables de la cour royale, de l'Imam du village et de la
population. A l'aide d'un dictaphone, nous avons pu récolter les
différentes situations de salutations dans cette communauté.
Ce travail ne s'est pas déroulé sans
difficultés. En effet, les premiers jours ont été
difficiles sur le plan de la communication et surtout au niveau des
informations sur le village. Mais nous avons pu les surmonter durant les
1Nous emploierons le mot »Dioula» pour
designer les hommes et »jùla» pour la langue.
2 Nous retrouvons dans la région de Bobo le
jùla véhiculaire d'origine manding et le jùla de Kong
parlé à Darsalamy et à Kongbougou.
3 On retrouve dans les environs du village du
côté de la gare ferroviaire des bobos, des toussians, des borons
et des forgerons.
2
séjours suivants qui nous ont permis de créer
une certaine familiarité et grâce surtout aux conseils de nos
interlocuteurs.
Cette étude se voudrait une approche ethnolinguistique
des formules de salutation des Dioula de Darsalamy. Le choix d'un tel sujet est
le fruit de notre ambition de mieux comprendre et connaître cette
communauté Dioula de Darsalamy dans sa spécificité
linguistique et ses manifestations sociales au nombre desquelles les
salutations. En effet, nous avons constaté la ferme conviction
religieuse musulmane de ce village que nous connaissons depuis notre enfance du
fait de nos différentes visites avec le curé4 de la
paroisse Saint Paul de Toussiana. Nous avons eu le désir de mieux
connaître cette communauté, qui au coeur d'une région
fortement dominée par le jùla véhiculaire, a pu conserver
sa langue d'origine. Par ailleurs, nous avons été stimulé
par le jùla de Kong que nous entendions parler par les femmes
commerçantes à Toussiana.
Comment cette communauté se perçoit-elle
à travers les salutations ? Voilà un phénomène
curieux sur lequel il nous parut convenable de nous intéresser.
Les salutations ont en effet une grande importance dans nos
sociétés africaines à tradition orale. A travers elles se
dégagent une fonction première qu'est l'expression de la
santé. A côté de celle-là, elles constituent une
marque de politesse, du respect, de considération envers autrui. Mais
elles vont au-delà de toutes ces considérations. Et Sié
Alain KAM, parlant de leurs fonctions dit ceci : « elles ne se
limitent pas au bonjour - bonsoir. Comptent aussi comme salutations les paroles
de remerciements à la suite de bienfaits, de souhaits, de voeux, de
félicitations et de bénédictions formulées à
différentes occasions (fêtes, réussites, accueils, au-
revoir, adieux...), les mots de compassion adressés à un malade,
les condoléances faites à une famille endeuillée.
»5
4 Le Révérend feu Père Jean Marie
CHARLEMAGNE que j'accompagnais pour les messes dans ce village.
5 Sié Alain KAM , Nouvelle approche sur les
catégories principales de la littérature orale africaine :
définition, caractéristiques et catégories principales des
textes oraux, Université de Ouagadougou, année 2005 - 2006, p.
44.
3
La salutation est un ensemble d'informations sociales que les
hommes échangent par le biais de la langue qu'ils ont en partage. En
cela, il convient de se demander ce que signifie véritablement une
salutation. Quel est le but d'une salutation ? Comment se pressente t-elle ? En
quoi une salutation peut-elle être considérée comme de la
littérature ?
Il serait intéressant de souligner des
considérations terminologiques. Quand nous parlerons de jùla de
Darsalamy, il s'agit du jùla de Kong (j.k.). Les populations de
Darsalamy sont originaires de Kong. A la différence de ce jùla de
Kong (j.k.), nous avons le jùla véhiculaire (j.v.) qui est celui
du manding, parlé dans la plupart des villages de la région du
Sud-ouest du Burkina Faso et en Afrique de l'Ouest. Ce jùla de Kong est
parlé à Darsalamy et Kongbougou. Notons que ces derniers ont subi
l'influence du »bobo»6 et du jùla
véhiculaire. Notre recherche s'est donc focalisée sur
Darsalamy.
De plus, on rencontre différentes sortes
d'écritures sur le mot jùla. En ce qui nous concerne, nous
adoptons le mot »jùla » pour parler de la langue parlée
et »Dioula» pour identifier les individus qui parlent cette langue et
l'adjectif qualificatif.
Au cours de notre analyse, nous présenterons tout
d'abord notre espace d'étude à savoir Darsalamy à travers
les considérations historiques, sa population et ses activités,
son organisation, la place de la parole dans cette communauté et les
textes oraux qu'on y trouve. Ensuite, nous aborderons les formules de
salutations. A ce niveau, nous aurons les considérations linguistiques
sur la langue, la transcription, la traduction et les formules suivies de
commentaires. Enfin nous montrerons la littérarité des formules
de salutation.
6 Ici il s'agit de la langue bobo.
4
CHAPITRE I : PRESENTATION DU TERRAIN
Dans ce premier chapitre nous présenterons le village
de Darsalamy à travers son origine, ses habitants et leurs
activités. Ensuite, nous parlerons de l'islam et son impact sur cette
population fortement islamisée. Enfin, nous aurons la place de la parole
chez ces Dioula et les textes oraux qu'on y trouve.
I - 1. Origine des Dioula de Darsalamy
On ne saurait évoquer l'origine de Darsalamy sans
passer par celle des Dioula originaires de Kong, qui en sont les fondateurs.
Tout est parti en effet de la chute du Royaume de Kong vers la fin du
14ème siècle. Ce qui a causé la dispersion des
Dioula. Certains parmi eux, à savoir les Cissé, Kamara,
Coulibaly, Traoré seraient arrivés à Kong où
avaient été déjà présents les Wattara, Dao,
Barho, Touré venus de Djenné.
A la suite de la destruction de Kong par Samory en 1898,
l'exode Dioula se dirige vers Bobo, centre à partir duquel ils vont
fonder plusieurs villages dont Darsalamy. Que dire de ce village?
Au 19è siècle, l'aristocratie guerrière
des Sanou prend de l'ampleur sur tous les plans de la vie. Après avoir
résisté aux assaillants venus à l'appel des Wattara pour
attaquer la garnison de Dioulassoba7, les Sanou entendent
désormais affirmer leur volonté hégémoniste dans la
ville. Il y avait de multiples rivalités sur le plan économique
et la ville devient le théâtre de luttes d'influence. On imagine
alors les conséquences sur la vie religieuse. En effet, les Sanou, bien
que politiquement orientés vers Kong, se montrèrent de plus en
7 Dioulassoba est un quartier de Bobo Dioulasso
où vivent les bobo et leur chef de canton.
5
plus méfiants vis-à-vis des
»káram]g]-jùla» (=dioula musulman ) qu'ils
soupçonnent être de connivence avec les Wattara.
Ainsi affichent-ils une ouverture de plus en plus grande au
»káram]g] - marka» qui devient l'élément fort de
leur entourage dominé par les marabouts. Cette attitude n'est pas sans
offusquer les Dioula ; ne pouvant plus compter sur les Wattara affaiblis,
ceux-ci s'organisent autour des »Saganogho»8 pour former
un parti musulman. S'ils ne sont pas tout à fait en rupture avec les
aristocraties guerrières de la ville, ils avaient une situation qui les
prédisposait aux prescriptions politico-religieuses d'Al Hajj Umar selon
lesquelles les musulmans doivent s'abstenir de la collaboration avec les chefs
païens. Entre le combat contre le paganisme préconisé par
Umar - ce conquérant dont la crainte constitue une véritable
hantise - et la volonté des Dioula de s'assurer une position commerciale
forte dans cette région, la création d'un
»Dar-al-salam»9 était l'alternative du salut. C'est
ainsi qu'après bien de péripéties, les Dioula, sous la
conduite de Karamokho Saraba Saganogho, viennent fonder le village actuel de
Darsalamy avec la bienveillante protection des chefs Tiéfo de
Noumoudaga10. Certes ces derniers ne sont pas plus musulmans que les
chefs Wattara ou Sanou, mais pour les Dioula, les relations avec eux sont moins
compromettantes qu'ils peuvent entretenir à cette période :
l'aristocratie guerrière Tiéfo n'habite pas dans la même
localité qu'eux.
Il était difficile pour les Dioula d'obéir
rigoureusement aux prescriptions religieuses d'Umar. Le commerce dont ils
vivaient ne pouvait s'effectuer sans les relations avec les païens, leur
clientèle. De même, ils ne pouvaient se séparer des chefs,
leurs protecteurs. Mais en cette circonstance, ils avaient pu
8 Les Saganogho ou Sanogo sont les
détenteurs du pouvoir religieux, c'est-à-dire l'islam. L'imam est
issu de cette famille.
9 »Dar-es-salam» signifie en arabe, `'ceux
qui sont sauvés». C'est cette appellation qui a donné
Darsalamy que nous connaissons aujourd'hui.
10 Noumoudaga écrit aussi Noumoudara est le
village des Tiéfo qui travaillaient le fer, un village situé
à une dizaine de Kms de Darsalamy en allant vers Banfora.
6
trouver une solution de compromis. Darsalamy est donc
l'expression de ce compromis et signifierait selon leur interprétation
« nous avons échappé aux bambara » ou « ils sont
sauvés ». Pour ainsi dire, eux qui sont là sont
sauvés ; ils se réfèrent au coran à cet effet.
Cette appellation sous-entend qu'il n'y a pas de méchants,
c'est-à-dire le lieu de la solidarité et du partage comme nous
l'a signifié l'Imam du village de Darsalamy.
I - 2. Organisation sociale et familiale à
Darsalamy
Chez les Dioula de Darsalamy, on observe deux types
d'organisation que sont : l'organisation sociale et l'organisation
familiale.
I - 2 - 1. L'organisation sociale
L'organisation sociale des Dioula est faite en fonction des
familles. Ce sont des familles originaires de Kong : Barho11,
Traoré, Touré, Cissé, Magan, Coulibaly, Saganogho,
Djané, Sérissouma (Cessouma), Diabatè, Tanou,
Konatè, Seriba, Dagnogon, Bamba, Dembelé, Diaby, Wattara.
Darsalamy repose sur deux organisations essentielles, deux
grands ensembles qui ont en charge l'organisation sociale du village. Nous
avons d'une part la famille royale, les Barro (Barho) avec le chef, et d'autre
part, la famille de l'Imam que sont les Sanogo. Cette organisation sociale se
fonde sur deux pouvoirs : le pouvoir traditionnel et le pouvoir religieux. En
effet, comme les Sanogo sont détenteurs du pouvoir religieux (islam)
coranique, ils ne pouvaient pas assurer la chefferie royale qui
nécessite des sacrifices aux ancêtres. Ils ont donc pris les Barro
qui étaient les chefs coutumiers à Kong pour assurer la chefferie
royale à Darsalamy. Ce sont donc ces deux instances qui assurent
l'harmonie du village.
11 »Barho» est devenu »Barro» ou
»Baro», mais c'est le même nom.
7
Les problèmes d'ordre coutumier sont résolus
chez le chef du village et les préoccupations religieuses chez l'Imam.
Lors de notre séjour dans le village, nous avons été
d'abord accueilli chez le chef et ensuite conduit chez l'Imam pour saluer et
lui faire part de l'objet de notre visite. Un étranger qui arrive dans
ce village doit passer dans la cour royale et ensuite chez le chef religieux
avant d'entreprendre quoi que ce soit.
Nous avons assisté à des sacrifices
(»sáraka ») qui ont lieu à la mosquée. Ce fut le
premier jour de notre visite dans le village. Il s'agit de l'accueil d'un
étranger ou d'un membre du village qui s'est absenté pendant
longtemps. On le conduit à la mosquée pour faire des
prières et bénédictions et prendre les offrandes qu'il
apporte.
Un fait marquant est qu'il n'y a pas une organisation
administrative à Darsalamy. Cela s'explique du fait que ce village
relève de la commune de Konsa de la ville de Bobo Dioulasso. Pour tout
besoin administratif, les populations se dirigent vers Bobo d'où ils
sont partis.
I - 2 - 2 L'organisation familiale
Sur le plan familial, on parle de »guá» (= le
»foyer», la »famille»). Chez les Dioula, chaque famille a
un patronyme (Barro, Sanogo, etc.). Ce sont ces noms que l'on évoque
pour dire l'appartenance à un groupe social donné. Au-delà
donc du patronyme, »Jámu», qui marque le groupe social, nous
avons le
»guá» qui est la cellule familiale.
Quand on parle de »guá », on se
réfère à la femme, car c'est elle qui veille sur le foyer
à travers l'éducation des enfants, la cuisine. Mais chez les
Dioula,
8
la société n'a pas accepté mettre la
femme au premier plan en dépit de cette considération. Les vieux
ont longtemps été réticents à cela. Pour eux, la
femme doit rester au »guá» (= foyer), soumise à son
mari. De ce fait, elle n'avait pas droit à l'école coranique qui
était un cadre d'éducation formelle et d'acquisition de la
sagesse et de maturité. De nos jours, cette pratique a positivement
changé. On retrouve les filles à l'école moderne et
même dans les écoles coraniques. Mais la femme demeure la
responsable du foyer et doit observer un respect pour son mari.
Dans chaque famille, particulièrement chez les Barro,
il y a un vieux (=»kí[m]g]ba») qui est forcément le
descendant des aïeuls. Relevant du côté paternel, il est
l'aîné de la famille. Personne âgée et pétrie
de sagesse, il est le pilier ou le patriarche de la famille ; il est la
référence vivante de la famille, le grenier de la famille en ce
sens qu'il a les sources d'information de la famille.
A côté de ce vieux, nous avons une vieille femme
»sótigi » (propriétaire de la maison). Elle est le plus
souvent la femme du vieux ou un des parents de la famille d'un certain
âge. Ces deux constituent le fondement de la famille malgré leurs
âges avancés.
Quand on dit »guá», c'est le
»foyer», c'est la »famille», c'est la »femme ».
Dans ce sens, la femme devrait avoir une place de choix, cependant, elle est
reléguée au second plan et a obligation de soumission et respect
à l'homme.
La famille chez les Dioula a une connotation assez forte. Elle
est le lieu de la formation et de la cohésion sociale, l'expression de
la fraternité et de la solidarité. C'est ce qui soutient le fait
qu'on mange toujours ensemble en famille et c'est aussi ce qui explique la
raison de se laver les mains ensemble avant le repas : si on se lave les mains,
on garde les liens de solidarité et de fraternité. Cela signifie
également qu'on se reconnaît frère et qu'on s'accepte.
9
Toute décision se prend en famille. Par exemple, le
mariage est une question de famille. Et la famille est l'unité de base
de la société, d'où le caractère collectif et
communautaire du mariage. Un tel fonctionnement maintient la cohésion
entre les membres de la famille et partant, la société
entière.
I - 3. Les activités
Les Dioula sont considérés comme un peuple
marchand ; ils sont à l'origine de certaines activités
socioéconomiques qu'ils ont développées dans leur
environnement. Au nombre de celles-ci nous pouvons retenir : le commerce,
l'agriculture, le métier de tisserand12, la consultation du
marabout13 et la pratique de l'islam. La religion musulmane a
été un facteur déterminant dans le développement
socioéconomique des Dioula pour qui Dieu est au coeur de toute
entreprise.
I- 3 - 1. Le commerce
Le commerce constitue l'activité principale des Dioula
En effet, ce sont eux qui ont développé l'activité
commerciale en Afrique de l'Ouest. Ils étaient à la
croisée des grands axes routiers appelés routes commerciales de
l'Afrique de l'Ouest, partant de la Côte d'Ivoire au Ghana en passant par
le Mali. Sur le plan commercial, il existait des échanges entre autres
les produits, la vente de kola (= wóro), les tissus, le sel (= k<g]),
du poisson séché (=»j&g[ wála ») etc. C'est
la création de ce carrefour commercial qui a fait de Bobo- Dioulasso la
capitale économique de la Haute Volta14. Ces échanges
commerciaux
12 Le métier de tisserand est une pratique qui
consiste à fabriquer les pagnes à partir de la cotonnade. On
retrouve des gens qui font les fils et d'autres assurent le tissage de ces fils
en pagne.
13 La consultation du marabout consiste à aller
vers un »homme de science» pour demander bénédiction et
force pour réussir ou réaliser quelque chose.
14 Actuel Burkina Faso
10
favorisaient également des échanges
d'idées et créaient une sorte de transmission de culture et de
civilisation.
Ce carrefour a permis des échanges économiques
et culturels et a créé une certaine unité autour du
concept »dioula ». C'est cette activité qui a donné
lieu à l'appartenance à ce groupe ethnique que constituent les
Dioula. Ils parcourraient toute la semaine les marchés des
différents villages (Péni, Toussiana, Bérégadougou,
Tagalédougou, Bobo...) pour écouler leurs produits. Ce sont eux
qui détenaient les boutiques dans ces villages et dans les
marchés.
Les femmes qui vendaient au marché ou dans les villages
étaient appelées »júla múso»
(=»femme dioula»), pour traduire l'activité commerciale de
celles-ci. L'idée du développement du secteur du commerce par les
dioula a été attestée par BARRO Tiémogo Mignougou
en ces termes : « c'est nous les Dioula qui avons apporté le
commerce »sáfariya» chez les Bobo,
les Tiéfo et partout ici. Donc tous ceux qui pratiquent le commerce sont
des dioula »15. Cette activité commerciale a eu
donc le nom de »sáfariya» (=commerce) reconnu
de tous les Dioula.
Si nous nous intéressons à la situation
géographique même de Darsalamy, ce village, comme bien d'autres
villages dioula, s'est érigé autour d'un grand axe routier de
Bobo - Abidjan (Côte d'Ivoire). Au cours de nos séjours, les
entretiens aidant, nous avons constaté que c'est à cause du
commerce que le village s'est installé en amont et en aval du goudron.
Juste au bord de la route, se dresse le marché pour faciliter son
accès à tout passant. De plus, nous nous sommes
intéressé à la gare ferroviaire qui traverse
également Darsalamy. De nos informateurs, il ressort que les Dioula ont
très peu exploité le train ; ils étaient distants de la
gare ferroviaire et pour certains, ils étaient plus proches
15 Propos recueillis auprès de Barro
Tiémogo Mignougou, notable à la cour royale, lors de l'entretien
du 4 janvier 2007 à Darsalamy.
11
du goudron et à tout moment il y avait le commerce du
fait du passage des voitures à la différence du train qui ne
passait pas tous les jours.
Mais au-delà de cet avis, on pourrait explorer
l'hypothèse de l'école moderne. En effet, ceux qui travaillaient
au chemin de fer étaient avec des blancs qui parlaient
français16 et n'étaient pas des musulmans. Comme
Darsalamy a été longtemps réticent à la
pénétration de l'école française et pieu pratiquant
de l'islam, il était difficile de collaborer avec ceux-ci. Et même
on a entendu dire souvent »túbab machine» (= machine du blanc)
pour designer le train, cette machine que le blanc a inventée. Cela peut
être considéré comme une raison qui marque le
désintéressement des Dioula de Darsalamy au train.
A côté de ce commerce comme activité
principale, les Dioula de Darsalamy ont développé d'autres
activités secondaires. Il s'agit de l'agriculture, de métier de
tisserand. En effet, Darsalamy était un centre important où
l'activité du tisseur a été développée.
De nos jours certaines familles perpétuent ces
activités aux abords du goudron non loin du marché17.
Ils font le fil et le tissage. Pendant longtemps ils ont produit des pagnes
qu'on appelle »túntun » (= pagne fait de fil de coton à
coloration multiple).
En outre, avec le temps, les Dioula ont
développé l'agriculture. Ils cultivaient entre autre le
maïs, le petit mil, le bissap18. Mais il faut noter que ces
cultures étaient pratiquées sur de petites superficies. De nos
jours ce sont de grandes superficies cultivables surtout avec la famille
royale19.
16 Le français ou d'autres langues
européennes.
17 De passage à Darsalamy, on peut apercevoir
ces tisserands sur la rive gauche du goudron en allant à Banfora sous
des manguiers.
18 Selon nos informateurs, la culture du bissap est
partie de Darsalamy pour se rependre dans les autres villages par l'action du
commerce.
19 Beaucoup de familles s'adonnent à
l'agriculture. En exemple, le chef du village est lui-même un brave
cultivateur. Son champ est à 17km du village comme bien d'autres
foyers.
12
D'autres ont développé la mécanique au
profit des voitures et motos des commerçants qui animaient les
marchés. Ils avaient des voitures de transport en commun qui faisaient
le tour des différents marchés20, des vélos et
des motocyclettes. Selon les informations que nous avons reçues, les
premières voitures de transport en commun entre les marchés ont
été acquises par les Dioula de Darsalamy, qui en avaient
l'habitude à Kong. Ce sont là des activités dites
économiques qui accompagnent le commerce.
I-3-2- La consultation du marabout
Une activité pratiquée à Darsalamy est la
consultation du marabout. Elle est une pratique se réclamant de l'islam.
Elle se fonde sur l'éducation coranique (maîtres, marabouts..).
En effet, en plus du commerce et des activités
sus-citées, il convient de relever la pratique de consultation. Les
Dioula ont apporté l'islam dans les zones qu'ils ont explorées.
Ce sont eux qui ont apporté la lumière de la religion musulmane,
comme nous l'ont signifié nos informateurs. Cette idée
d'expansion de l'islam par les dioula est soulignée par Marc A. NEBIE
quand il explique le rôle des courtiers de la foi : « ils ont
permis à beaucoup d'ethnies d'incorporer à leur usage l'islam, ce
qui nous a donné une nouvelle forme d'appellation qui rattache le mot
dioula à l'ethnie...ce qui voudrait donc assimiler l'islam et le
jùla »21 .
Darsalamy est une concentration islamique. Lors de nos
enquêtes, nous avons pu constater que tout au long du goudron, il n'y a
que des musulmans. Le village n'est habité que par les Dioula. Les
autres confessions religieuses se
20 Ces voitures de commerce qui transportaient les
commerçants étaient les Peugeot 504 avec les bâches qu'on
appelait » Peugeot baché».
21 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, P8.
13
trouvent à une dizaine de kilomètres du goudron
(protestants, catholiques, animistes). Les notables nous ont
révélé que le village de Darsalamy a été
créé par les Dioula et pour les Dioula. Et qu'un vrai Dioula est
musulman ; s'il ne pratique pas, ce n'est pas un vrai Dioula : il ne peut donc
pas rester avec les pratiquants.
Par le biais de la religion, ils ont créé
l'école coranique sous la direction des maîtres, souvent
maîtres/marabouts. Les familles dioula telles les Barro, Touré,
Coulibaly se sont installées avec leur »káram]g]»
(=lettrés musulmans). Ces marabouts qui avaient du prestige aux yeux des
populations animistes furent installés à Darsalamy comme dans
bien d'autres villages animistes. Ils jouent le rôle de
négociateurs ou de conciliateurs entre les familles, la population et
les chefs.
Ces marabouts étaient de véritables
maîtres qui avaient la responsabilité de l'éducation et
l'instruction des enfants en âge d'aller à l'école.
Darsalamy était réputé pour ces pratiques de consultation
et était devenu point de convergence pour ceux qui cherchaient bonheur
et prospérité. Ces pratiques rapportaient aux maîtres
marabouts des devises.
A côté donc de l'activité commerciale,
nous avons ces hommes de science qui prédisaient l'avenir,
protégeaient et proféraient des bénédictions aux
populations.
Il faut noter enfin que les jeunes de Darsalamy sont
restés fortement attachés à ces pratiques de consultation.
Pour certains, la plupart, disons, le recours à ces hommes de science
était indispensable. Car, disent- ils : « ce sont leurs
bénédictions qui font réussir. Que ce soit un voyage, le
mariage, le commerce, on a recours à ces marabouts. Pour réussir,
il faut se confier à ces marabouts ».
14
I - 4. L'islam et les Dioula
Le Burkina Faso (Haute-Volta) n'ayant pas abrité de
grands empires musulmans ni de grandes confréries musulmanes,
n'était pas considéré comme une terre d'islam. Les
recherches menées par les historiens ont permis de remettre en cause
cette image qui faisait surtout du pays mossi un bloc hermétiquement
fermé à l'islam. La plus grande partie des populations du Burkina
est entrée en contact avec l'islam au 15ème et au
16ème siècle. Qu'en est-il donc de l'implantation de
l'islam et de son impact sur les Dioula ? Loin d'un travail d'historien, nous
allons rappeler quelques temps forts de ce courant d'islamisation.
I - 4-1 L'implantation de l'islam
Selon les sources historiques, nous pouvons retenir trois
phases dans l'implantation de l'islam au Burkina :
- au 15ème et au 16ème
siècle, c'est le début de l'implantation avec l'arrivée
des familles maraboutiques au Liptako.
A fin du 17è siècle, l'islam est de plus en plus
présent au Burkina.
- La fin du 19è siècle est une période de
forte implantation ou période d'islamisation passive car ce
siècle a connu une effervescence religieuse en Afrique de l'ouest avec
le Cheick Amadou du Macina, Ousmane Dan Fodio et El Hadji Oumar TALL.
Dans le processus d'islamisation, on distingue trois grandes
régions : le Nord ou Liptako avec les peulhs, le centre ou le pays moaga
et l'Ouest. L'islam a pénétré dans l'ouest du Burkina
d'abord par les axes commerciaux car cette région était une zone
de transition entre le Sahel au Nord et les pays forestiers du Sud.
15
Les pistes qui partaient de ces centres commerciaux
véhiculaient les marchandises et l'islam pendant la période
précoloniale. Selon les populations dioula de Darsalamy, les premiers
musulmans sont venus du Nord, mais l'introduction de l'islam à partir du
sud- c'est-à-dire du Ghana et de la Cote d'Ivoire- n'est pas à
exclure. En effet, il existait un axe commercial reliant Koumassi (Ghana
actuel) à Djénné en passant par Boromo. Les villes de
Boromo et Safané ont été des étapes ou des centres
secondaires de collecte de l'or. A partir de Bobo Dioulasso, des routes passant
par Kong arrivaient au pays Agni et Safaga d'où provenait la cola. Ces
commerçants musulmans arrivés à partir du 16è
siècle, ont introduit l'islam chez les populations d'agriculteurs
»animistes».
Entre le 16ème siècle et le
18ème siècle, des groupes de commerçants
musulmans introduisirent l'islam dans l'ouest du Burkina. Ces groupes sont,
pour la plupart, venus des rives du fleuve Niger, une zone à ancienne
tradition islamique. D'autres comme les
»dagari-dioula» ou »Wala
» sont venus du Sud (Ghana actuel). Les commerçants ont
introduit l'islam dans l'ouest mais l'enracinement de la religion est venu des
»lettrés musulmans», »des hommes de religions» et
des marabouts qui ont bénéficié de conditions favorables
grâce au soutien de certains princes. Après sa
pénétration, l'islam a connu une évolution dans cette
partie du pays.
Au 18ème siècle, l'islam avait pris
de l'ampleur dans l'ouest du Burkina. Cependant, au 19ème
siècle, il y eut quelques conflits et tensions entre musulmans et
animistes dans ces régions. Vers les années 1870, la tension
semble assez forte entre les musulmans et les non musulmans dans la ville de
Bobo Julaso22.
22 Ici Bobo Julaso signifie littéralement la
maison des bobo dioula. On écrit également » Bobo
dioulasso» même chose
16
Des dioula quittèrent alors la ville et
fondèrent le village de Darsalamy. Là ont été
ouvertes les premières écoles coraniques par les Saghanogho qui
étaient des fanatiques de l'islam.
I - 4 - 2. L'impact de l'islam sur les Dioula
Les Dioula, considérés comme des courtiers de la
foi, ont répandu l'islam à l'Ouest du Burkina Faso et plus
particulièrement dans la région de Bobo. La société
dioula repose sur des principes de l'islam. Leurs valeurs culturelles
s'inspirent également de cette religion. De ce fait donc la vie du
dioula est régie par l'islam. Cela se manifeste à tous les
niveaux de la vie quotidienne. Mais comment le percevons-nous?
Cette influence est perceptible sur les différents
moments de la journée, les jours de fêtes, le culte du vendredi,
le maraboutage, la maîtrise du coran et même du mot
`'dioula».
a) Les moments de la prière
»Chaque jour est un jour de Dieu» dit-on. La vie de
tous les jours doit être consacrée à Dieu qui nous l'a
donnée. En effet, pour les Dioula, la journée correspond au lever
du soleil et à son coucher. Entre ces deux moments, nous avons les
différentes prières qui ponctuent les activités
quotidiennes. En tant que l'un des piliers de l'islam, ces prières
constituent le repère temporel du musulman. Au nombre de
celles-ci,23 nous avons :
- La prière de l'aube : »fájari »,
à 5h00
- La prière de l'après midi : »
sérifan », à 13h30
- Celle du soir : » lánsara »,
à 15h30
23 Ce sont des prières que nous ont
présentées nos informateurs lors de nos enquêtes. Nous ne
nous y attardons pas pour le simple fait qu'il pourrait constituer un autre
sujet à débat.
17
- Celle de la nuit : » ságaf] », à 18h et
19h00
Ce sont ces temps forts qui orientent la vie du dioula et
donnent la notion du temps. Marc A. NEBIE, en mettant en relief la notion tu
temps chez les Dioula, dit ceci : « Et c'est par rapport à
cette prière que le conteur situe le départ
précipité du marchand du village. Ainsi dans cette
société où l'usage de la montre est plus que
limité, c'est devenu une pratique commune de se repérer par
rapport au moment des prières. Pour signifier qu'une réunion se
tiendra vers 20h30, on dira qu'elle aura lieu après la prière du
/ ságaf] / ».
Donc la matérialisation du temps découlerait de
la conviction religieuse à travers les prières. C'est une emprise
de l'islam. Mais de nos jours, on ne saurait se contenter de ces heures de
prière au regard du développement technologique avec
l'accès aux montres. C'est donc une pratique ancienne. Les
prières se déroulent en fonction de l'heure de montre et non par
rapport au soleil. Et pour beaucoup de nos informateurs, la montre est bien
parce qu'elle donne l'heure à tous et elle permet de se réunir
au-delà des préoccupations.
b) Le culte du vendredi
Nous pouvons également évoquer le culte du
vendredi. En effet, chez les Dioula comme chez les arabes, le vendredi
équivaut au dimanche, jour de prière et de repos. Tout bon
musulman, disons tout bon dioula, doit accomplir ce culte. A défaut de
surseoir aux activités, on observe les heures de prières. Ce
jour, chaque musulman fait l'effort pour se rendre à la mosquée
pour prier et avoir des bénédictions. En principe on ne va ni au
champ ni au marché le vendredi. Les boutiques restent fermées de
13h à 16h, c'est-à-dire jusqu'après la prière du
» lánsara ».
18
Les fêtes chez les dioulas correspondent aux fêtes
musulmanes. Ce sont : la tabaski, le ramadan, le mouloud. Cette relation fait
que celles-ci sont appelées '' júla séri » (=
fête Dioula) ou (=fête musulmane).
c) La consultation du marabout
L'impact de l'islam sur les Dioula est perceptible à
travers la consultation des marabouts.
Les consultations ont une place importante dans la vie du
Dioula. En effet, ces pratiques sont assurées par des marabouts ou les
imams qui sont souvent considérés comme des érudits. Ils
ont une certaine maîtrise des versets du coran. Ce sont des personnes
influentes à qui on a le plus souvent recours dans la
société. Ils ont la charge du culte et constituent une figure
emblématique pour le peuple. Pour le succès de toute
activité, pour des malheurs, des prémonitions, on consulte les
marabouts. Ils sont considérés comme des hommes de science ; des
hommes de pouvoir qui s'inspirent du coran24. Ils sont identifiables
par leur boubou blanc, talisman et chapelet à la main et par leur
bonnet. Ce qui fait d'eux le regard de Dieu dans la société.
Nous retrouvons des imams qui consultent. Mais à la
différence d'avec un véritable imam, chef spirituel du village et
garant de la religion, le marabout est un homme de science et de savoir (»
l<ni »). Grâce à ses savoirs, il devient le pont entre
Dieu et les hommes. Il se présente alors comme tenant du pouvoir
surnaturel. Et les consultations sont faites en contrepartie de l'argent. Cette
pratique fut assimilée à l'islam. Le marabout exploite la magie
pour atteindre son but alors que ces pratiques sont attribuées à
l'animisme. On se demande alors où se situe la différence entre
les pratiques du marabout et l'animisme ? Il y a donc un paradoxe du fait que
l'islam s'oppose à
24 Le coran est un livre saint de l'islam,
pétri de sagesse.
19
l'animisme, mais dans la pratique, ce sont les mêmes
sphères qu'on retrouve (prédire l'avenir, protection contre
l'ennemi...). De plus le marabout fabrique des talismans
»s&b[». Cette pratique du marabout que nous avons
constatée se trouve présentée par Marc NEBIE quant il
décrit le talisman : « ce sont des amulettes faites de signes
cabalistiques à base de caractères arabes ou de versets
coraniques simplement recopiés ; cousus dans un petit morceau de cuir.
Ces amulettes sont portées au cou, aux bras, autour des reins, dans les
tresses pour les femmes ou mises dans la poche... C'est encore le marabout qui
prépare une espèce d'eau lustrale appelée / nási /
qui est sensée avoir les mêmes vertus bienfaisantes que les
amulettes. Cette eau dont on s'oint le corps ou qu'on boit additionnée
selon le cas de miel est obtenue à partir du caractère
tracée sur une amulette / wálaka / qui est ensuite
lavée. »25 .
A partir de ces pratiques, que ce soit avec les talismans, les
incantations, les prières, le marabout trouve les solutions aux
préoccupations qui lui sont présentées par ses patients.
Pour les Dioula, il est, et selon Marc NEBIE, `'au-delà des
performances» et se présente comme le médecin du corps et de
l'âme.
d) Les marabouts de Darsalamy
Darsalamy, lieu de paix et du salut a eu une grande
renommée à cause de ses marabouts. Ces hommes de savoirs et de
pouvoirs ont brillé par les actes qu'ils ont accomplis pour les
populations. En effet, ils étaient aptes à rendre la richesse
grâce aux pactes ou alliances tissées avec le diable. Selon les
résultats de nos enquêtes, des gens obtenaient de la richesse en
contrepartie de la vie des êtres chers (enfants) qui étaient
sacrifiés. Ce sont des sacrifices qui sont faits au prix de la vie
humaine. Ces pratiques `'diaboliques» sont élucidées par
Marc A. NEBIE : « l'impétrant à la fortune apporte un
poulet noir au
25 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p
282-283.
20
marabout, ce dernier, après avoir fait le
''nécessaire'', lâche le poulet qui se dirige aussitôt dans
le feu, signe évident de la réussite de l'opération mais
image vivante et saisissante de ce qui attend le futur riche le jour du
jugement dernier. C'est l'échange de son âme contre l'argent,
contre les biens terrestres. »26 .
De telles pratiques occultes se retrouvent dans l'animisme.
L'islam considère le plus souvent qu'il y a un pacte avec le diable qui
détermine le succès ; ce qui rend cette pratique impure. Les
Dioula se réclament de l'islam et pour cela ils ont quitté Bobo
pour ne pas vivre en symbiose avec les animistes. C'est là donc la
contradiction avec la réalité de l'islam qui se veut la religion
de la pureté et de la sainteté. Doit-on placer ces pratiques dans
les principes de l'islam ? La question reste ouverte. Pour notre part, cette
pratique s'inscrirait dans des pratiques déviantes de l'islam
liées aux marabouts. Mais de l'avis de certains vieux du village, ces
pratiques sont normales et elles existent partout même chez les arabes
d'où ils ont pris l'islam.
e) La chefferie et la religion
A Darsalamy, il y a la chefferie traditionnelle (famille
royale) et la chefferie religieuse (l'imam). Ces deux chefferies sont toutes
musulmanes. Dans les pratiques apparaissent des déviations qu'ils
appellent complémentaires car pour eux, c'est Dieu qui donne ces forces.
C'est un héritage des arabes qui ont inventé l'islam. C'est cette
influence arabe qui est le plus souvent mystique et mythique de l'islam des
peuples qui ont accueilli la religion musulmane sans beaucoup de critique. On
peut constater que même dans la pratique occulte, la
société reconnaît deux types de marabouts : celui qui
oeuvre pour le bien, et l'autre qui pose des actions diaboliques et cause du
mal. L'un ou l'autre sont de toute façon des marabouts car ils sont
souvent considérés bons du fait de
26 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p 284.
21
leurs actions bénéfiques pour la survie de la
communauté. Ils sont perçus mauvais dans la mesure où ils
prétendent prédire l'avenir, les catastrophes et leur
capacité à nuire à la société.
La controverse en rapport avec l'islam cause souvent des
prises de positions dans la société et cette réaction. Ces
marabouts sont souvent insupportables. On ne trouve pas toujours en eux des
sentiments religieux dans leurs pratiques mais plutôt la recherche du
gain, de l'économie. Une forme de subversion de la société
qui les rend `'faux dévots» au lieu d'hommes de Dieu.
Il ressort donc de la vision nouvelle - disons
révolutionnaire- qui voudrait faire la part des choses entre l'homme de
Dieu et l'homme de sciences, qui à travers ces pratiques, cherche son
pain quotidien. De nos jours, la célébrité des marabouts
existe, mais elle n'a plus son ampleur d'antan. Tout compte fait, ces pratiques
doivent être élucidées vis à vis de l'islam et de
l'animisme.
I - 5. La place de la parole dans la
société
La parole a une place importante chez les Dioula de Darsalamy.
Elle est le moyen privilégié d'expression. On la retrouve dans
les salutations. Elle est, selon une certaine organisation, une succession de
mots porteurs de sens ou de message.
Il convient ici de voir la place qu'occupe la parole dans la
société dioula de Darsalamy. Quels sont ses perceptions et ses
attributs dans cette communauté ?
22
I- 5- 1. La notion de parole
La parole est un moyen de communication et d'expression des
peuples à civilisation orale. Chez les dioulas de
Darsalamy27, elle est désignée par
'' kóma ». C'est le signe qui fait de l'homme un
humain à la différence de
l'animal qui émet un cri » kúlo » (qui
signifie »crier», »pleurer» ou »pousser un cri»).
C'est l'expression d'un langage informe qui rejoint celui du bébé
selon Marc A. NEBIE28. De là ressort donc la valeur de la
parole et le fait qu'elle soit l'apanage de l'homme seul. Elle est et demeure
un langage formel et codé propre aux humains.
A partir du mot » kóma » (= »parole»),
se dégage la notion de salutation. On aura » f6ri », qui est
un verbe qui signifie »dire», »ce qui est dit». Il se
décompose en : » f6 » (» dire») et » -ri »
(suffixe marquant l'action) ;
'' f6ri » signifie donc »la parole dite». En
cela également et dans la même lancée que Marc A. NEBIE,
nous pouvons faire cette association de
'' kóma » et de » f6ri '' :
'' Ká kóma f6 » (=Inf./parole/dire) : dire la
parole, parler de choses
précises.
Certaines illustrations faites par Marc A. NEBIE nous donnent
ceci : '' kóma f6ri » (= parole/ dire) : le fait, la manière
de dire la parole.
Mais » f6 » traduit également le jeu d'un
instrument de musique et » f6ri '' l'art de jouer. On aura par exemple
:
'' a bé balan f6 » (= il/prés./balafon/dire) :
» il joue au balafon»
On dit aussi : »ká d6nkiri f6 »
(=inf./chant/dire): »dire un chant, chanter», à
côté de » ká d6nkiri la » (=»poser un chant,
chanter»)
27 Il s'agit des Dioula originaires de Kong.
28 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p.61.
23
De là, on retrouve des termes synonymes '' la ''
(=poser) et '' f< '' (=dire dans le cadre du chant).
La parole chez les Dioula de Darsalamy est un véritable
moyen de communication et d'échange. Elle appartient à toute la
communauté pourvu qu'on sache s'en servir et l'utiliser à bon
escient. A cet effet, nous avons l'existence de plusieurs catégories de
paroles liées ou non aux différents modes de délivrance et
à leurs contenus.
I- 5- 2. Les différents types de parole
Issue d'une langue, la parole dans son ensemble, se
désigne par l'ensemble de mots et leur sens dans une forme
matérielle donnée (la matière sonore des mots, le
signifiant), à qui est associée une signification
déterminée (le signifié). Chaque mot prononcé ou
écrit, chaque énoncé, chaque texte aurait donc un sens,
celui que fixe le lexique ou que leur assigne leur auteur.
Un tel dispositif fonctionne en signes dont la perception
implique le signifié qu'est la parole. Cet acte emprunte cependant deux
organes que sont la bouche (=''dá '') et la langue
désignée par (='' kán '') et une troisième
réalité, la
voix (=''kán '') qui signifie son ou bruit) obtenu par
activation des cordes et tissus spéciaux. Chez les dioula de Darsalamy,
ces deux notions sont assimilées : ''kán '' (signifie la
''langue'') et (=''voix'').
On parlera de ''jùla kán '' pour signifier ''la
langue jùla'' ; comme dans l'expression
'' kán m& '' : qui signifie ''entendre la voix''.
Donc, dans l'acte de parole, on peut retenir la bouche et la
voix. Par un jeu de métonymie, les langues s'assimilent à ces
éléments dont les champs
24
sémantiques explorés révèlent
plusieurs catégories de parole littéraire. Elles sont
marquées par la vérité, l'irréflexion...
Notons que la notion de parole chez les Dioula a
été traitée par Marc NEBIE dans sa thèse de
doctorat.
En ce qui nous concerne, nous donnerons les différentes
paroles que nous avons recueillies auprès de nos informateurs sans
être exhaustif. Certaines pourraient se recouper et d'autres
s'opposent.
a) La bonne parole : » Kóma díman
»
Cette parole est qualifiée de bonne en fonction du
goût qu'elle produit. La parole a une saveur, un goût. Elle porte
la marque de l'intelligence et la mémoire joue un rôle d'adjuvante
de l'intelligence et de l'imagination. La bonne parole a un contenu
agréable qui n'indispose pas l'interlocuteur :
»A ka kóma ka di» (= sa parole est bonne)
b) La belle parole : » Kóma
%úman»
Cette parole est dite belle par rapport à son
énonciation. Ici c'est l'esthétique avec laquelle elle est dite
qui importe. Une belle parole peut être une parole de flatterie, de
tromperie ou de duperie. Du fait qu'elle soit bien dite, on la qualifie de
belle. Cette parole est souvent utilisée par les griots ou des personnes
qui haranguent les foules. A la différence de la bonne parole qui
s'intéresse au goût de la parole. La belle parole, elle, s'oriente
vers la beauté, l'esthétique.
c) 25
La parole de vérité ou parole vraie :
» tíy[n kôma»
Cette parole vraie qui est prononcée est de nature
à convaincre, à traduire une vérité. Elle
s'opposera au mensonge. C'est une parole qui est recommandée à
tout le monde. Elle manifeste souvent l'honnêteté de l'individu,
donne des vérités d'ordre général.
d) La parole sensée : » hákili
Kôma»
Cette parole est de nature à plaire et à mettre
l'interlocuteur dans une bonne disposition. Elle est souvent courte mais pas
frustrante. Elle est riche en signification et agréable à
entendre. Sa compréhension exige souvent une certaine maturité,
une communauté de fonds culturels entre le locuteur et le
récepteur.
e) La »grande parole» : » Kôma
bá »
Cette parole est dite »grande» à cause de sa
durée, de sa longueur et de la densité de sa signification. Elle
énonce une vérité soit relative à l'éthique
de la société, soit universelle. Elle se plie bien facilement
à une datation. Elle ne s'inscrit pas dans un temps donné. C'est
également une parole qui crée de l'engouement de la part de
l'interlocuteur. C'est une parole qui ne se dit pas au hasard. Elle est
maîtrisée par le locuteur qui séduit par
l'énonciation. L'enfant qui dit quelque chose de sensationnel, on dira
que c'est une grande parole. Cette parole émane le plus souvent des
adultes.
f) La parole ancienne ou la vieille parole : »
Kôma kor] »
Elle concerne l'histoire ancienne, les origines, les mythes,
les épopées, tout ce qui a rapport avec le passé. Le plus
souvent, localisée dans le passé, elle prend les
caractères de l'histoire, la légende, le mythe.
L'expérience montre que cette parole voyage dans le temps et même
peut se trouver dans des aires
26
géographiques et historiques autres que celles
où elle a vu le jour. Elle est considérée comme une parole
sensée, celle de l'ancien, du sage.
Prise dans le présent, elle devient témoignage
sur le passé et un exemple à suivre ou à éviter.
Cette parole peut être considérée également comme
une école où la société peut s'informer et se
former. Elle se fait souple et s'adapte, obligée de rendre compte du
passé et du présent pour les générations
futures.
g) La parole de l'ancien : » Ti&m]g]ba
Kóma »
C'est la parole du sage, utilisée par les anciens qui
l'ont reçue et conservée. Dire cette parole confère une
certaine notoriété, une classe sociale, le respect et surtout
l'admiration. C'est à travers l'usage de ces paroles de sagesse
(proverbes, sentences, maximes...) que l'on qualifierait une personne
âgée d'ancien. Ce ne sont pas tous les anciens qui
possèdent la parole de l'ancien ; des enfants peuvent, par le biais de
la transmission, avoir ces paroles de sagesse.
h) La parole d'enfant : » dénmis[n
Kóma »
A côté de la parole de l'ancien on retrouve la
parole d'enfant. C'est une parole qui ne requiert pas de sagesse. Elle est une
parole d'amusement, de distraction, souvent sans sérieux, peu
considérée. Quand l'on dit une parole sans importance ou sans
valeur considérable, on la qualifie de parole d'enfant.
i) La parole importante : » náfa
Kóma »
C'est une parole qui se réfère à la vie
sacrée, liturgique. Elle traduit souvent les désirs et les
aspirations de l'homme. La profération de cette parole s'observe
particulièrement au cours des manifestations publiques ou
privées,
27
religieuses, funéraires ; au cours des manifestations
inhérentes à des relations sociales, dans lesquelles on fait
recours à Dieu. Ce sont souvent les prières, les
bénédictions, les invocations...
C'est une parole liturgique, solennelle, qui constitue un
signe de gratification de l'ancien à l'endroit du jeune. Les
prières et les bénédictions constituent une quête de
bonheur à travers la conservation de la personne et sa protection. On y
retrouve la dénomination généalogique. En effet, donner un
nom à un enfant est un acte par lequel on fixe le passé, le
présent et on envisage l'avenir.
Très proche de la parole de l'ancien, la parole
importante par son extrême brièveté s'en démarque
à bien d'égards, mais surtout par sa fixation sur le temps. C'est
l'expression de vérités universelles, guides de la vie.
j) La mauvaise parole : » Kóma júgu
»
C'est une parole qui n'est pas la bonne parole. Elle est un
mélange d'intelligence et d'irréflexion. Cette parole provoque
des sentiments divers sur le récepteur : le dégoût, la
colère, le mépris, la surprise... Cette parole qui s'oppose
à la bonne parole (»Kóma díman»), est encore
appelée »Kóma
júguman» (=parole méchante),
»Kóma kúnaman» (=»parole amère»),
»Kóma kólon» (=la parole vide).
C'est le contenu qui rend le qualificatif » mauvais
» à cette parole. Elle s'illustre dans les injures ou les insultes,
les malédictions. On qualifie de mauvaise parole tout propos qui vient
rompre l'accord et l'entente préétablis ou qu'un groupe tente
d'instaurer. C'est donc une parole déplacée, hors contexte
parfois, mais perçue comme significative ici et maintenant.
Pour certain, elle est souvent la manifestation de la
bêtise dans ce sens qu'on peut dire des mots qui ne tiennent pas compte
de l'individu, des paroles idiotes. On dit souvent que cette parole est
amère »Kóma kúnaman» dans la
28
mesure où elle s'oppose à »Kóma
díman». Elle est vide à cause de sa forme directe,
libérée de toute considération éthique, des termes
crus
k) Le mensonge : » gálon
Kóma»
Cette parole est souvent perçue comme une parole
mauvaise. En effet, il existe deux types de mensonges :
- le mensonge négatif » gálon
Kúntan» qui est une délation, un faux témoignage, du
rapport. Ce type de mensonge est mal vu, voire déprécié
par la société. On peut classer cette parole dans les propos
insensés, liés au bavardage congénital ;
- le mensonge didactique »gálon %úman
», est le propre du beau parleur, du diseur de bonnes aventures. Cet homme
à l'esprit inventif et ingénieux est un virtuose et professionnel
de la parole. Il peut monter séance tenante et en donnant pour vraie, un
mensonge inspiré d'une légende des temps modernes. Souvent on
invente des mensonges pour échapper à une situation dangereuse ou
difficile ou pour sauver une situation. Ce mensonge est fait dans un bon sens ;
il peut également vouloir distraire.
I- 5- 3. Le rôle de parole
Au regard de ces différentes paroles, il convient de
dire que la parole est une véritable »divinité» qui
possède l'homme, et un moyen efficace au service de celui-ci. En effet,
l'homme recrée le monde par la parole ; ce faisant, il entre en contact
avec celui-ci afin de le dominer ou de s'allier à lui pour son bonheur
personnel, pour celui de sa communauté. La parole se montre donc dans ce
sens comme une action, un canal de communication. De ce point de vue, sa
sociologie bien complexe, fait qu'elle est contrôlée ; et dans
nombre de cas la parole requiert des spécialistes... Dans les
sociétés à tradition orale, à
29
Darsalamy en particulier, tout détenteur de la parole
est un spécialiste, car portant en lui les tabous de la parole et
ignorant les domaines où il n'a pas été initié. Il
ne parle qu'en fonction du registre langagier qui lui est
réservé.
Savoir bien parler confère à l'individu le
respect dans la communauté et suscite de l'admiration. De plus, c'est
grâce à ce talent que l'on est écouté. Parler bien
suppose l'usage de la bonne parole, celle des anciens,... Cela traduit une
certaine maturité de celui qui parle. On peut utiliser la parole des
anciens pour moraliser, critiquer sans pour autant vexer l'interlocuteur. Un
vieillard qui ne sait pas parler, qui ne se sert pas de la parole ancienne, de
la bonne parole, ne saurait être considéré comme sage dans
la communauté.
Ce qui nous permet de dire que la parole est une instance de
valorisation qui confère une socialisation à un individu.
Cependant, la parole prise dans son rôle premier de
communication vise un double but : toucher et plaire. Pour toucher, elle
développe nécessairement un sujet qui stimule le
récepteur. Ce sujet est le fruit d'une expérience personnelle ou
collective ; il peut être un rappel du passé pour édifier
le présent, un présent à fixer, une projection, un fait
imaginé, inventé. Le rapport du parleur au sujet et le traitement
du sujet par lui déterminent l'intention et l'objectif du sujet. Et cet
objectif, pour sa part, motive et justifie fortement la forme du message.
Ainsi, chaque message revêt-il une forme particulière,
spécifique que nous appelons » forme parlée » ou
parole. Dès lors, l'on peut diviser la parole en deux types : la parole
ordinaire, quelconque, sans intérêt esthétique et plus ou
moins pourvue de sens, véhicule d'un contenu utilitaire à travers
une forme remarquable et la parole littéraire. Et l'addition de cette
forme à la manière de faire de celui qui parle dans une
délivrance de la parole littéraire soulève une double
problématique, celle de l'esthétique et des genres
littéraires oraux.
30
I - 6. Les textes oraux
Au cours de nos recherches, nous avons pu identifier un
certain nombre de textes oraux qui sont d'usage à Darsalamy. Sans
être exhaustif, nous pouvons citer les textes oraux suivants que nous ont
livrés nos informateurs29 : les »tálen», les
»tálen-k<r]b]», les »lámara», les
»kóma-k<r] », les
»d<nkiri», le »sinaguya », le
»fóri ». Ce sont des textes que l'on retrouve chez les Dioula
de Kong.
I - 6 - 1. Le » tálen » (=conte)
Le »tálen » (=conte) désigne chez les
Dioula de Darsalamy ce qui est » dit» ou »raconté ».
Cela équivaut au conte en français. Le conte est un récit
qu'on narre la nuit auprès du bois de chauffe, soit aux enfants soit aux
adultes. Il vise à éduquer, à faire rire, à faire
réfléchir, à faire peur et à explorer les images du
merveilleux.
A travers le conte la communauté transmet et questionne
ses normes et ses valeurs tout en initiant les enfants au monde des adultes. Il
apparaît comme le miroir de la société, de l'homme : il
dévoile ses qualités, ses valeurs, ses travers, ses
défauts et ses haines tout en faisant connaître aussi la force de
ses idéaux. Il nous introduit donc dans un univers enchanté dont
la magie fascine notre imagination.
De nos jours, les contes ne sont plus beaucoup racontés
à Darsalamy. Avec l'avènement de la télévision, les
enfants ont un désintéressement à la pratique du conte.
29 Voir la liste dans le tableau annexe.
31
I - 6- 2 Le »kóma-k<r3 » (=ancienne
parole ou vieille parole)
Le »kóma-k<r3 » (=parole ancienne ou
vieille parole) relate les faits passés, les récits... C'est la
référence à l'histoire qui est manifestée à
travers la vieille parole. Elle explique les fondements de la
société, des groupes sociaux. L'histoire de l'installation de
Darsalamy elle-même s'inscrit dans cette vieille parole qui décrit
l'origine du village.
Dans le »Kóma - k<r3 », on retrouve les
mythes, les légendes, les épopées, les récits de
vie, l'histoire. C'est une parole qui est transmise de génération
en génération. On y retrouve tous les récits anciens qui
constituent le fondement du village, les références aux
personnages ayant marqué l'évolution de la communauté.
Donc on retrouve plusieurs éléments dans cette parole. Ceux-ci
ont pour référence le passé, l'histoire. Ces récits
merveilleux d'événements passés se fondent sur la
tradition authentique qui peut souvent être modifiée au fil du
temps.
I - 6 - 3. Le »tálen-k<r3b3 » (= la
devinette)
En Dioula on dira :
tálen - k<r3 b3 : conte / sens / enlever
Littéralement cela signifie : »sortir» ou
»enlever» le sens du conte.
La devinette est un jeu oral en un système de question
- réponse mettant en relation deux individus au moins. Ce jeu fait appel
à l'intelligence et à l'imagination des individus.
Ce jeu a deux phases : dans un premier temps nous avons une
question implicite ou explicite selon l'individu qui est posée et dans
un second temps, nous avons la réponse à la question
posée. Avant la séance du conte, il y a la devinette.
32
On l'introduit à Darsalamy, par la formule suivante :
n' tá yé n' tá yé
ma / part / être / ma / part / être
Qui signifie littéralement »Voici ma part ! Voici ma
part !».
C'est la formule initiale du conte. On constate que la
réponse n'est pas simple et qu'elle viendra de l'auteur de la question.
A la question posée, on doit trouver une réponse. Le sens ainsi
caché est la réponse à la question énigmatique
posée. Cette réponse doit être obligatoirement
trouvée sinon on fait une concession à l'auteur de la question. A
défaut de trouver le sens, on propose un boeuf ou quelque chose d'assez
important.
On dit à cet effet :
n' yé mísi kéren díi
je / avoir / boeuf / un / donner qui signifie : » je donne
un boeuf »
En ce moment, celui qui a posé la question pourra
donner le sens de sa devinette s'il juge la proposition satisfaisante. Au cas
contraire, on augmente jusqu'à sa convenance pour qu'il donne le sens.
Il faut cependant noter que la réponse à la question sera
toujours fonction de la satisfaction de l'auteur de la question.
La devinette est un jeu qui cultive la réflexion et
l'imagination. Elle est un exercice entre deux individus. Elle
représente la scène inaugurale de la veillée de contes. Et
c'est un jeu beaucoup animé par les enfants.
33
I - 6- 4. Le »Kóma k<r]tig[» ou le
proverbe
A Darsalamy le proverbe est connu sous le nom de : Kóma
k<r] tig[
Parole / sens / couper
Qui signifie littérairement »découvrir le sens
de la parole».
Cette expression n'exprime pas totalement le proverbe
français. Dans certains cas d'usage, le proverbe peut devenir une parole
de provocation pour attaquer quelqu'un de manière allusive lorsqu'on
veut s'en prendre à lui sans pour autant éprouver le besoin de le
blesser.
Le proverbe peut être considéré
également comme un argument d'autorité. En ce moment, il devient
l'apanage des personnes âgées qui sont habiles dans leur
maniement. Les proverbes sont exploités dans la vie quotidienne pour
éduquer, donner un message ou corriger quelqu'un.
Le proverbe est une sentence ou une maxime exprimée en
peu de mots, devenue populaire. Il est une expression du bon sens et de la
sagesse populaire. Il est basé sur un certain nombre
d'expériences capitalisées et constitue l'affirmation d'une
vérité, d'une constatation découlant de ces
expériences.
Le proverbe est un précepte de sagesse chez les Dioula
de Darsalamy comme dans toutes les sociétés africaines. On fait
appel à la toute puissance de la tradition pour assurer une
vérité et emporter l'adhésion car on entend montrer que la
société a toujours pensé ainsi et qu'il n'en saurait
être autrement sous peine de renier ses normes culturelles.
Le proverbe est l'expression d'une véritable
maîtrise de l'usage de la langue et de la culture.
La signification précise d'un proverbe dépend
toujours de son contexte d'usage. Pour ainsi dire, le proverbe n'a de sens que
dans un contexte social et
34
d'énonciation donné. Il énonce une
vérité, donne un conseil, marque un reproche et indique un
principe à suivre.
I - 6- 5. Le »d<nkiri» ou le chant
Le chant chez les Dioula est :
d<n kiri
danse / appel
Qui signifie littéralement »appel à la
danse»
Le chant occupe une importante place chez les Dioula de
Darsalamy. En effet, on retrouve le chant dans diverses circonstances : les
cérémonies de joie ou de peines, lors des travaux. On a
différents types de chants : pour bercer les enfants, les hymnes et des
chants propres aux femmes. A travers ces différents
éléments, on perçoit que l'expression du chant prend en
charge les préoccupations sociales.
Le chant est une suite de sons, émis par la voix
humaine et qui, à la différence des intonations, produit des
sensations variées. Le chant est populaire dans les
sociétés de l'oralité et est à la portée de
tous. A Darsalamy, nous avons pu constater que la plupart du temps, ce sont les
femmes, les jeunes filles, les enfants qui s'adonnent aux chants. Elles les
exécutent lors des événements tels le mariage, les
baptêmes, la fête du nouvel an, les différentes fêtes
musulmanes et les manifestations religieuses. Le fait de chanter est un apanage
des griots et plus particulièrement des griottes. Elles exécutent
les chants lors de divers événements, des louanges, etc. Les
hommes ne s'adonnent pas aux chants pour des raisons diverses. Ils
évoquent le fait de ne pas avoir la voix assez aiguë, les
occupations et la responsabilité qui, à notre avis, ne
constituent pas des raisons qui empêchent de chanter. C'est plus une
question de volonté
35
et de principe pris par les hommes à notre avis. Cela
se justifie par ces propos d'un des notables pour qui, voir un père de
famille chanter ne saurait être une joie pour sa progéniture:
« Un homme ne doit pas chanter. Il est le responsable de la famille ;
il doit laisser cela aux enfants et aux femmes s'il veut qu'on le respecte. Un
père de famille ne doit pas chanter s'il n'est pas griot. Chez nous ici,
ce sont les griots (hommes) qui peuvent s'adonner aux chants ; sinon un homme
sérieux et respectueux ne chante pas. »30
La survie du chant est liée à sa
fonctionnalité dans la société et à sa
qualité musicale.
On a plusieurs types de chants chez les Dioula en fonction des
événements :
a)- k<%] d<nkiri
mariage / chant Chant de noces
Ce sont des chants exécutés par les femmes ou
les jeunes filles lors des mariages. Le contenu de ces chants est la
préoccupation des jeunes filles et des femmes. Ces chants sont souvent
produits à l'endroit des jeunes filles par des mamans. Les jeunes de la
même génération également le font. On retrouve des
thématiques différentes : la séparation, le regret de la
séparation, le souhait d'un heureux ménage, la peur de l'aventure
du mariage... En même temps, ces chants sont également des moments
de souhaits pour celles qui ne sont pas encore mariées afin qu'elles
aient un bon mariage. Au niveau du »k<%]
d<nkiri», on retrouve également les
lamentations de la mariée au moment de l'adieu à ses camarades
filles.
30 Entretien réalisé avec le vieux
Barro Aladji Assékou, notable et conseiller à la cour royale, le
28 décembre 2006 à Darsalamy.
b)- 36
b&n tóron d<nkiri
tomber / jeu / chant Chant de jeu
Ce chant est exécuté en cercle par les filles au
clair de lune. Elles se laissent tomber dans les bras les unes des autres
à tour de rôle. Le plus souvent dans ce chant se lisent les
préoccupations de celles-ci.
c)- dódo d<nkiri masque / chant
Chant de dodo
Il est un chant de manifestation du mois de ramadan. C'est un
jeu au cours duquel les jeunes filles et jeunes garçons se
promènent de porte en porte avec des masques. Les garçons portent
les masques et les filles chantent pendant le mois du ramadan.
Les chants ont plusieurs fonctions dans la
société dioula (j.k.). En effet, ils sont l'expression des
émotions de la société. On les trouve au niveau de
certaines activités. Ils accompagnent des activités, servent
à bercer les enfants, à danser ou à manifester une
spécificité de la communauté. Par ces chants on peut bien
connaître une société, ses pratiques et John. Steinbeck l'a
signifié dans ces propos : « Les chants sont l'histoire d'un
peuple. Vous pouvez apprendre plus sur les gens en écoutant leurs
chansons que de toute autre manière car dans les chansons s'expriment
toutes les espérances et toutes les blessures, toutes les
colères, toutes les craintes, tous les besoins et toutes les
37
aspirations. »31. Il ressort de ces
propos tout le caractère social de ces chants et les différentes
facettes de la société qu'ils véhiculent.
I - 6- 6. Le »sinaguya » ou la parenté
à plaisanterie
»Sinaguya » (= parenté à plaisanterie)
C'est un jeu basé sur un échange de joutes
oratoire entre deux individus, deux groupes sociaux, des belles familles...
Dans ce jeu, on se livre à une certaine rivalité : accabler son
adversaire d'insultes, d'humiliation...
Il faut noter que ce jeu n'est pas trop en cours à
Darasalamy, car souvent, il est mal interprété. Il y a aussi le
fait que la religion musulmane instaure une certaine barrière de respect
et de méfiance renforcée par la société. Ce qui
fait donc que ce jeu peut être souvent perçu comme un manque de
respect ou une effronterie. On retrouve ce jeu plaisant entre les Barro et les
Coulibaly, entre les Ouattara et les Sanogo. Les enfants ne peuvent pas faire
la parenté à plaisanterie avec un adulte de peur d'être
taxé d'indiscipliné.
I - 6- 7. Le »fóri » ou la salutation
C'est un ensemble de paroles, un discours qui est dit pour
entrer en contact avec autrui, pour établir une communication, pour
demander et donner des nouvelles - d'où son caractère mutuel-
pour formuler des souhaits ou des bénédictions.
La salutation se dit en fonction des individus, du temps, des
activités et événements. Elle a une structure propre et
son énonciation est déterminée car
31 J. Steinbeck, cité par René Luneau,
chants des femmes du Mali, 1981, p13.
38
on ne salue pas n'importe comment et n'importe qui. Elle
repose sur des aspects fondamentaux de la société : le respect,
la sagesse, la morale...
Ce sont là des éléments de la
littérature orale que nous avons reçus de nos informateurs. Pour
eux, ce sont les éléments qui sont connus et utilisés dans
la communauté. Il faut noter que les textes oraux classiques ne trouvent
pas toutefois leurs correspondances. Un texte oral jùla peut regrouper
plusieurs textes tel que présenté en français. Par exemple
les textes comme épopées, mythes et légendes se retrouvent
dans Le »kóma-k<r] » (= parole ancienne). Toutefois selon
nos informateurs, à Kong, on trouvera d'autres, mais en ce qui concerne
Darsalamy, c'est ce qu'ils apprennent aux enfants.
39
CHAPITRE II : LES FORMULES DE SALUTATION
Ce deuxième chapitre commence par une
présentation de la langue chez les Dioula à travers les
systèmes de transcription et de traduction. Ensuite, nous aborderons la
définition de la salutation et les raisons qui justifient la salutation.
Enfin, nous présenterons les formules de salutation. Elles le seront en
deux catégories : les formules de salutation en fonction du temps de la
journée et les salutations en fonction des événements.
II -1. La langue chez les Dioula
Les Dioula constituent un groupe ethnique et linguistique
assez vaste. La langue jùla s'est répandue dans toute l'Afrique
de l'ouest compte tenu du fait que les dioulas sont un peuple marchand et
commerçant.
Le jùla d'une manière générale est
classé dans le groupe linguistique mandé. On le parle à
l'Est de la Gambie, à Odjenné, de Bobo Dioulasso à Kong,
en Guinée, au Sénégal, au Mali... Cette langue s'est
étendue dans toute la sous-région Ouest africaine. Elle est
devenue une langue nationale dans bien de pays et elle est enseignée
à l'école dans la plupart des Etats. Cependant, elle demeure la
langue d'un peuple qu'on appelle les Dioula.
Mais il convient de faire la part des choses quand on parle du
jùla en tant que langue. Nous pouvons noter plusieurs types de parler
jùla qui existent et qu'il ne faut pas confondre : le jùla de
Kong, »kpónka jùla», en Côte d'Ivoire et
celui des bambaras, » bámana kán». Les
bambaras étaient considérés comme des païens, des non
musulmans, des infidèles.
Le jùla de Kong (jk), parlé dans le village de
Darsalamy a ses particularités et son intonation qui le diffèrent
du jùla véhiculaire (jv). C'est le véritable jùla
qui disparaît au profit du jùla véhiculaire car, ceux qui
le parlent au Burkina
40
sont à Darsalamy et quelques- uns à Bobo dans le
quartier Kongbougou32. Cette disparition du jùla original est
évoquée par le Dr Marc A. NEBIE en ces termes : « Et si
le vrai jùla disparaît au profit du jùla
véhiculaire, c'est parce que tout simplement les vrais connaisseurs de
la langue disparaissent (...) C'est ce qu'on te met dans la bouche que tu
connais »33. Par ce `'vrai jùla», il
entendait, sans doute possible, le jùla parlé comme langue
maternelle dans une trentaine de villages des Hauts Bassins et de la
Comoé.
II-1-1 Les généralités sur les
systèmes de transcription.
L'analyse du corpus des énoncés de salutation
s'inspire des travaux de transcription réalisés par Marc A.
NEBIE. C'est la méthode de transcription fixée par la
décision n°367/ENC/CNU du 27 juillet 1973 du Ministère de
l'éducation Nationale34.
Nous n'allons pas inventer une nouvelle théorie. A
partir des études réalisées, nous allons mener la
nôtre. Notre système de transcription s'applique au jùla de
Kong. Nous passerons ici en revue les voyelles, les consonnes, la
tonalité et les pronoms qui nous aideront dans notre transcription.
- Le tableau des voyelles.
Les voyelles orales sont au nombre de 7. On les retrouve selon
les degrés d'aperture.
32 Kongbougou est un quartier de Bobo où
vivaient les Dioula originaires de Kong avant d'aller s'installer à
Darsalamy. Dans ce quartier sont restés beaucoup de Dioula. Mais, ils
ont subi l'influence du jùla véhiculaire de Bobo.
33 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, P. 12.
34 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p 73.
41
1er degré d'aperture (fermé)
|
i
|
u
|
2èdegré d'aperture (mi
fermé)
|
e
|
o
|
3èdegré d'aperture (mi
ouvert)
|
C
|
]
|
4è degré d'aperture (ouvert)
|
a
|
|
Nous avons également les voyelles nasales. Elles
s'obtiennent par l'adjonction de la consonne nasale » n» à la
voyelle.
Nous avons les voyelles nasales suivantes : in, un, en, on,
Cn, ]n, an.
- Les consonnes
|
labiales
|
dentales
|
palatales
|
vélaires
|
Labio-vélaires
|
sourd
|
sonore
|
sourd
|
sonore
|
sourd
|
sonore
|
sourd
|
sonore
|
sourd
|
sonore
|
occlusives
|
p
|
b
|
t
|
d
|
c
|
j
|
k
|
g
|
kp
|
gb
|
nasales
|
|
m
|
|
n
|
%
|
|
|
#
|
|
|
continues
|
f
|
|
s
|
|
y
|
|
|
|
|
w
|
liquides
|
|
|
h/r
|
|
|
|
|
|
|
|
Dans la transcription, nous nous referons à la
transcription des sons en jùla qui correspondent dans la plupart des cas
aux symboles de l'Alphabet National dérivé de l'Alphabet
Phonétique international (API).
- la tonalité
Le jùla est une langue à tons(2) : le ton haut et
le ton bas. En effet, le ton haut est marqué par l'accent aigu ( ') et
le ton bas par l'accent grave Ç).
Exemple :
'' faní » qui signifie » habit '' '' sò
» qui signifie » cheval »
On note également que lorsqu'un mot ne comporte que des
tons hauts, seule la première syllabe portera la marque du ton haut
'' ábada » qui signifie » jamais ».
Lorsqu'il s'agit d'un nom défini, le ton haut sera
placé sur la dernière syllabe pour marquer un ton complexe qui a
en même temps un ton haut suivi d'un ton bas.
Quand la voyelle est longue, elle se matérialise par le
redoublement de la voyelle concernée :
'' báará » qui signifie » travail ''
Quand nous avons des tons bas suivis de tons hauts, seul le
premier ton haut
sera marqué
Exemple : » sanbará », qui signifie »
chaussure ''
Par ailleurs, nous notons que lorsque tous les tons sont bas, le
mot ne portera
aucun ton. C'est le cas dans : » saba », qui signifie
» trois ».
Pour tous les autres mots, les tons seront marqués.
Exemple : » tìléf* » qui signifie
»fin de la journée»
42
La consonne » n» succédant à une voyelle
est la marque de la nasalisation
43
Exemple dans » bálan », qui signifie le
»balafon».
Pour chaque son, nous utiliserons toujours le même symbole
et au même
symbole correspond toujours le même son.
- Le pluriel
Le » w » est la marque du pluriel et se prononce
»Ci » à la fin des noms,
adjectifs et certains pronoms emphatiques. Par exemple nous
l'aurons dans :
'' dénmis&nw » qui signifie »les
enfants»
'' fànIw » : »les habits»
On retrouve la forme pluriel suivante dans le contexte nasal du
(j.k) à la différence du (jv) : » -ri » ou »
-rù » pour indiquer le pluriel :
» m>g>w » (j.v.) - » m>g>ri »
(j.k.) »personnes»
- Les pronoms personnels
j.k
1ère pers. n (né, nI ) correspond à
»je»
2è pers I ( é ) correspond à
»tu»
3è pers. a correspond à »il ou elle»
1è pers. Plur. án, ánnu correspond à
»nous»
2è pers. Plur. á, árì, ár
correspond à »vous»
3ème pers. plur. òrù correspond à
» ils ou elles»
Dans le jùla de Kong, nous avons des phonèmes
emphatiques à la 1ère et 2ème personnes du
pluriel : » ánnòrù » et » álori
''
44
II -1-2. La traduction
Le phénomène de la traduction de
l'oralité à l'écrit connaît d'énormes
difficultés. En effet, lors du passage d'une langue de l'oralité
vers le français, la polysémie et l'homonymie de la langue orale
au français se présentent à nous comme des
difficultés dans la traduction. Nous avons voulu rester dans le cadre de
ce qui nous a été raconté par nos enquêtés en
respectant les règles de transcription.
Nous procéderons au cours de notre analyse par une
traduction juxtalinéaire suivie d'une traduction littérale et
enfin d'une traduction littéraire.
A partir donc des enregistrements effectués, nous avons
élaboré un corpus. Notre transcription va respecter une certaine
organisation de ces énoncés, qui prend en compte leur
caractère oral.
II - 2. La notion de salutation
Cette partie de notre travail s'intéresse dans un
premier temps au concept de la salutation à travers les
différentes acceptions qu'on lui donne et en deuxième lieu aux
formules de salutation chez les Dioula de Darsalamy et leur analyse.
Les différentes études menées sur la
littérature orale ont permis une certaine catégorisation de
celle-ci en fonction de sa constitution. Nous nous referons ici à la
classification faite par le Pr. Kam Sié Alain35 qui
dégage cinq grandes catégories qui sont :
- les discours narratifs
- les discours non narratifs
- les énoncés
- les paroles d'instruments musicaux
35 Sié Alain KAM, Nouvelle approche sur les
catégories principales de la littérature orale africaine, p28.
45
- les paroles des jeux de plaisanterie
Pour notre analyse, nous traiterons ici des discours non
narratifs parlés ''non spécifiques'', plus
particulièrement les salutations.
II-2-1- Définition de la salutation
La salutation, '' fóri '', s'inscrit dans le discours
non narratif non spécifique. Elle est un acte, une marque
extérieure d'attention, de respect à l'égard d'autrui. En
jùla, le mot salutation est dit '' fóri '' ou encore ''
fóll ''36 .
Les salutations ont une importance capitale dans les
sociétés à traditions orales d'Afrique. Elles constituent
l'expression de l'identité sociale. C'est également un moyen
assez simple et pratique par lequel on entre en contact avec quelqu'un. Elles
permettent de s'imprégner des nouvelles des uns et des autres sur le
plan de la santé, de la famille, des activités
professionnelles... Elles constituent par ailleurs, l'une des premières
marques de réconciliation avec son prochain. Car se réconcilier
avec autrui est tout d'abord lui adresser la parole, accepter de se saluer,
selon nos informateurs. Pour eux, et de façon générale,
à travers ce geste, on traduit à autrui qu'on ne lui en veut plus
et que la mésentente est close.
Au-delà des gestes et paroles, plus que de simples
formalités, la salutation correspond à une éthique sociale
qui facilite et tonifie les relations entre les différents membres d'une
société ou d'un groupe humain. C'est le symbole de la
socialisation, de l'intégration et de l'harmonie entre les hommes. Dans
la salutation sont incorporées certaines valeurs et traditions comme les
remerciements, les souhaits, les félicitations, les voeux, les
compassions, les condoléances.
36 Chez les Dioulas de Kong le '' fórl ''est
utilisé et dans le jùla véhiculaire, on utilise ''
fóll '' mais nous rencontrons des Dioula de Kong, qui utilisent les
deux.
46
Chez les Dioula de Darsalamy, les salutations traduisent la
vie sociale. Elles sont formulées en fonction du soleil37,
des activités, des préoccupations et des événements
de la société. A cet effet, chaque moment de la journée a
sa formule propre de salutation : le matin, le midi, le soir38. Il
faut noter qu'à la différence de bien d'autres
sociétés, les dioulas n'ont pas une formule de salutation propre
à la nuit car, disent-ils, la nuit, il n'y a point d'activités.
Les humains doivent se reposer et dormir. Ce sont les génies et les
esprits qui travaillent la nuit. Les enfants formulent seulement des
remerciements à l'endroit des parents pour la journée
écoulée.
En plus de cette répartition dans l'espace et dans le
temps, nous avons d'autres formules qui répondent aux
événements et préoccupations de la société.
Ce sont entre autres les salutations de baptêmes, de mariages, de
funérailles...
Toutes ces formules sont accompagnées de
bénédictions, de voeux ou de souhaits. Nous retiendrons ici que
dans le jk, la notion de bénédiction (=''dúga '') à
elle seule ne constitue pas une formule de salutation. Mais elle accompagne
plutôt la salutation comme étant un élément
important à l'intérieur de cet ensemble. Quand on salue ou quand
on se salue, on se souhaite l'un à l'autre des
bénédictions. Par exemple, quand on salue, on attend de l'autre
des bénédictions par rapport à l'activité que l'on
mène, que ce soit le commerce ou autre. Le plus souvent quand on salue
un aîné ou une personne âgée, en retour, elle formule
des bénédictions.
II - 2 -2 Pourquoi se saluer
A Darsalamy, la salutation est un signe très fort ;
c'est le symbole de la relation et la cohésion sociale. En effet, elle
traduit le respect que l'on a pour
37 Quand on parle de soleil, c'est en fait la
journée ; chez les Dioula, la journée suit la course du soleil.
Pour dire la journée on emploi le mot '' teré '' qui signifie
soleil.
38 La nuit n'est pas prise en compte dans la
répartition des formules de salutation. Chez les Dioula, on
considère que la nuit appartient aux esprits et les hommes n'ont pas
d'activité.
47
une personne âgée ou un aîné. Se
saluer signifie qu'on a de l'amour les uns pour les autres. Elle traduit
l'entraide qu'on a envers l'autre, la fraternité, la reconnaissance en
tant qu'homme, comme soi :
n y 'i fó Moi / je / toi / saluer Je te salue
De plus se saluer, c'est se souhaiter le bonheur
individuellement et collectivement. Par exemple, lorsqu'on fait la bagarre avec
autrui, on ne le salue pas. Mais lorsqu'on recommence à se saluer, cela
signifie qu'il y a eu réconciliation, que la bagarre est
terminée. C'est un signe de la joie, de la vie et de la
solidarité que de se saluer.
Pour Barro Tiémogo Mignougou,39 «
se saluer, c'est reconnaître l'âge de l'autre qu'on a devant
soi ». A travers ces propos, ressort le fait que la salutation est
aussi l'expression d'un respect mutuel et particulièrement le respect de
l'aîné. Chez les Dioula de Darsalamy, sans nous tromper, ce sont
les moins âgés qui formulent leurs salutations à l'endroit
des aînés. Les enfants ont le devoir de saluer leurs parents, les
femmes leurs maris et les hommes en général.
La salutation est ancrée dans l'éducation
familiale et représente une valeur cardinale à acquérir
dès le jeune âge. L'enfant apprend à saluer dans la cellule
familiale et sort avec ces habitudes vers l'extérieur. Même en
rentrant chez soi, il est nécessaire de saluer et on dit «
sálam a lekum »40, qui est traduit
en jùla : »kIsI b'a yé » qui veut dire
: » paix et salut à vous». La première
39 Notable et conseiller à la cour du chef.
Entretien du 29/12/2006 à Darsalamy.
40 Expression emprunt de l'arabe qui est souvent
utilisée pour les salutations. Ce sont des formules que les anciens
utilisent quand ils saluent. Elles ne sont pas obligatoires ; ce sont des
habitudes émanant de l'islam.
48
formule est la plus courante à Darsalamy. C'est une
formule que les Dioula ont empruntée à l'arabe. Cette pratique
respecte deux principes :
- tout d'abord on souhaite la paix à tous les habitants
de la maison, à tous ceux qui y entreront, à ceux qui sont
là et à ceux qui sont absents.
- Ensuite pour honorer les esprits qui cohabitent avec les
hommes dans la maison.
»42
Mais cette dernière formule échappe à
beaucoup de personnes aujourd'hui dans cette communauté. On salue
lorsqu'on trouve une personne. C'est seulement quelques anciens et
dévots qui ont gardé ces habitudes. Cette mutation touche la
frange adulte. On impute cela à la vie de la ville et à
l'école moderne41. Pour BARRO Bakary dit Bèma, «
ce sont les jeunes, qui sont partis à l'école moderne ou ceux
qui ont séjourné en ville qui sont à l'origine de ces
mutations. Ils ont apporté ces manières de blanc que nous
n'avions pas ici. Taper à la porte ou dans les mains, ou lancer
sèchement un salut. Il n'y a plus le `'salamaleck».
Le point de vue de ce notable est pertinent dans la mesure
où cette mutation importée est perceptible de plus en plus.
Lorsqu'il y a une certaine ouverture sur le plan commercial, certaines
pratiques s'installent ou s'échappent des habitudes. De plus,
l'ouverture à l'école moderne est une forme d'ouverture à
une autre culture et à une autre civilisation. Etant un peuple marchand,
il va de soi que ces habitudes s'installent dans la communauté.
Un facteur qui influence la salutation est le fait religieux
et l'arabe. Les Dioula de Darsalamy ont en effet un culte religieux musulman
très fort. Et les activités commerciales ont
déterminé les formules de salutations ainsi que la famille,
cellule de base de la communauté. A Darsalamy, la solidarité est
forte
41 A noter que l'école moderne est
arrivée à Darsalamy en octobre 1979 selon nos informateurs.
42 Entretien avec les notables, le 4 janvier 2007
à Darsalamy. Propos de BARRO Bakary dit Bèma, notable et
conseiller à la cour, frère du chef,
tailleur/commerçant.
49
et l'harmonie règne entre les Dioula, car les
étrangers sont retranchés dans un quartier,
considérés le plus souvent comme des païens.
II-2-3 Les formules de salutation
La présentation des formules de salutation sera de la
façon suivante : les énoncés en fonction du temps de la
journée d'abord et ensuite les énoncés selon les
événements. Au niveau de chaque formule, nous aurons la
transcription phonétique, la traduction juxtalinéaire, la
traduction littéraire suivi d'un commentaire. Ces formules ont
été recueillies auprès des informateurs43.
a) Les formules selon le temps de la
journée.
Dans la catégorie des formules de salutation en
fonction du temps de la journée, nous aurons les salutations du matin,
de midi et du soir. Au niveau de chaque temps, nous présenterons d'abord
la manière dont un enfant salue ses géniteurs, ensuite comment il
salue un adulte et enfin comment deux adultes se saluent.
a)-1 Le matin
a)- 1- 1 Un enfant salue ses géniteurs
Enfant : Baba44 ki&nÐ45 Papa /
matin
Bonjour Papa !
43 Voir la liste au tableau annexe.
44 On dit »Baba» quand c'est le père
géniteur et »n'náa» pour la maman.
45 »ki&nÐ »: signifie le matin,
le bon matin et on peut le considérer comme un matin de paix. Il n'y a
pas une équivalence déterminée en français. C'est
cette traduction que nous ont fournie nos informateurs.
50
Père : nbáà46 n' dén
ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rá ?
Merci / poss. enfant / matin / tu / réveiller+acc. / paix
/ dans +inter. Merci mon fils, bonjour, t'es-tu réveillé dans
la paix ?
Enfant : h&[r[47 !
Paix
Dans la paix !
Père : AlÐ ká téré h&[r[
Dieu / souhait, subj. / soleil / rendre paisible Dieu fasse
que la journée soit paisible
Enfant : amIna
Amen Amen
Père : AlÐ ká bIi dIyÐ
Dieu / souhait+ subj. / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse
que ce jour soit bon
Enfant : amIna
Amen Amen
Dans cette formule, on constate que c'est l'enfant qui
commence la salutation. Il interpelle »Baba» son père
géniteur pour signifier que c'est à
46 »nbáà» est mis pour l'homme
( papa) et »ngié» est mis pour le féminin (la
maman).
47 A la place de» h&[r[», certains
répondent par » >h<n» qui signifie »oui».
»h&[r[» peut être traduit par `'rendre paisible»
également.
51
lui qu'il adresse sa salutation. Le géniteur lui
répond en reprenant la salutation et lui fait ensuite des
bénédictions.
Les bénédictions à l'endroit de l'enfant
sont orientées vers la paix et le bon déroulement de la
journée. Les activités ne sont pas évoquées parce
que chez les Dioula, l'enfant n'a pas d'activité. Il a besoin de paix
pour grandir.
Le père géniteur est bien identifié par
»Baba» (= papa) qui sera différent de
'' n'faá » (= mon père). Ce dernier terme
est employé pour toute personne
adulte (oncle). Quant à la maman, on utilise »
n'náa » (= ma mère). Cette appellation est également
employée pour toute femme de l'âge de la mère.
a)-1- 2 Un enfant salue un plus âgé que
lui
Enfant : n' faá ki&nÐ
Poss.+ père / matin, Père bonjour
Père : nbáà n' dén ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
Merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc. /
paix / dans +intero. Merci mon fils, bonjour, t'es-tu bien
réveillé dans la paix ?
Enfant : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Père : AlÐ ká téré h&[r[,
Dieu / souhait / soleil / paix +être Dieu fasse que la
journée soit paisible
Enfant : amIna
Amen Amen
52
Père : AlÐ ká bIi dIyÐ
Dieu / souhait / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse que ce
jour soit bon
Enfant : amIna
Amen Amen
Cette formule ressemble à celle de l'enfant à son
géniteur, à la différence qu'ici on utilise père et
non papa. Il y a moins le caractère affectif ici. C'est le respect.
Chez les Dioula, l'enfant appartient à la
société et son éducation incombe à tous.
C'est le plus jeune qui commence à saluer le plus
âgé. Cela traduit la reconnaissance du droit d'aînesse.
a)- 1- 3- Deux adultes48 se
saluent : Sali (femme) et Moussa (homme)
Sali : Músà49 ki&nÐ
Moussa / matin Bonjour Moussa
Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
Merci / Sali / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans
+intero.
Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la
paix ?
Sali : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
48 Chez les Dioula, c'est la femme qui commence la
salutation.
49 Dans certains cas on ne dit pas de nom. On peut
directement dire »ki&nл à la personne.
53
Moussa : sóm<ru50 do51 ?
Gens de la famille+ plur. / et +interro. Et la famille
?
Sali : oru k'á52 k&n[
ils53 / aller + prés. / santé
Elle va bien.
Moussa : dénw do?
Enfants / et + interro. / Et les enfants ?
Sali : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká téré h&[r[
Dieu / souhait / soleil / paix+être Dieu fasse que
la journée soit paisible
Sali : amína
Amen Amen
Moussa : AlÐ ká bíi díyÐ
Dieu / souhait / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse que ce
jour soit bon
50 Certains dioula à Darsalamy disent
''sóm]g]rì'' qui signifie ''les gens de la famille''.
51 C'est un particule dicto-modale à valeur
interrogative.
52 '' k'á''ou ''Ká'' prédicatif verbal,
marque de conjugaison à valeur optative. On retrouve cela dans les
bénédictions et souhaits.
53 Nous mettons `'ils'' parce que la famille est
constituée de plusieurs personnes : enfants et parents.
54
Sali : amína
Amen Amen
Moussa : AlÐ ká súgu54
díyÐ
Dieu / souhait / marché / rendre bon Que Dieu fasse
que ton marché soit bon
Sali : amína
amen amen
Dans cette formule, les adultes s'interpellent par leur
prénom. Après le bonjour, ils s'intéressent à leurs
familles respectives pour savoir comment vont les enfants. C'est la
manifestation de la solidarité sociale car chez les Dioula, la famille
est le noyau de la société. Et les enfants appartiennent à
toute la communauté. Il convient donc de s'imprégner de leur
état de santé. C'est ce qui fait que l'enfant considère un
adulte comme sont »père social».
Dans les souhaits, en plus de la bonne journée, ce sont
les activités qui sont mises en relief. On note que la plupart des
femmes dioula (j.k) sont des commerçantes. Les hommes eux sont dans
divers secteurs d'activités. Ils sont des marchands, des tisserands, des
cultivateurs. Le matin, après le réveil, on se souhaite l'un
à l'autre une bonne activité et une bonne journée.
La salutation du matin est significative. En effet, on a
quitté la nuit, c'est le matin. Comment chacun a t-il passé la
nuit ? C'est à cette question que la salutation du matin voudrait
répondre. Si nous nous réveillons en bon état et
54 »Súgu» ici c'est le marché.
En fonction de son activité commerciale, on souhaite à Sali bon
marché.
55
en paix, nous devons remercier les parents et Dieu qui nous
ont permis de voir le nouveau jour. Et nous confions à Dieu cette
journée qui commence.
La salutation du matin s'adresse d'abord aux parents dans la
famille. Tôt le matin les parents s'asseyent devant leur porte pour
recevoir les salutations et formuler des bénédictions.
Les femmes saluent leur mari par » n'fàa » (=
père). C'est le fait que l'image du père est celle du chef de
famille ; c'est de lui que dépend la vie du foyer. C'est le signe de la
domination du père et de la soumission de la mère à
celui-ci qui est manifesté.
a) - 2 A midi
a) - 2 -1 Un enfant salue ses
géniteurs
Enfant : Baba ní tére
Papa / et / soleil Papa Bonjour !
Père : nbáà n'dén í ni
tére, h&[r[ téréná wa?
Merci / poss. + enfant / toi / et / soleil / paix / soleil +acc.
/ comment ? Merci mon fils, bonjour. Comment va ta journée ?
Enfant : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Père : AlÐ ká tére h&[r[
Dieu / souhait / soleil / Paisible +être Dieu fasse que
ta journée soit paisible
56
Enfant : amína
Amen amen
Père : AlÐ ká tére #uman ban
Dieu / souhait / soleil / bien, / finir
Dieu fasse que la journée se termine bien
Enfant : amína
Amen amen
On a quitté le matin, le soleil est monté dans
le ciel ; il est midi. Et comme l'on salue en fonction de la rotation du
soleil, on dira alors : » toi et le soleil». L'enfant adresse sa
salutation à son géniteur comme il le fait le matin. Celui-ci lui
souhaite que la journée s'achève toujours dans cette paix. La
paix est au coeur des voeux pour l'enfant. Et c'est à Dieu qu'on demande
cette protection.
a)- 2-2 Un enfant salue un plus âgé que
lui
Enfant : n'faá ni tére
Poss. +père / et / soleil
Père bonjour!
Père : nbáà n'dén í ni
tére, h&[r[ téréná wa?
merci / poss.+ enfant / toi / et / soleil / paix / soleil.+acc. /
Comment ? Merci mon fils, bonjour. Ta journée se passe t-elle dans
la paix ?
Enfant : h&[r[ !
Paix
Dans la paix !
57
Père : AlÐ ká tére h&[r[
Dieu / souhait / soleil / Paix+être
Dieu fasse que ta journée soit paisible
Enfant : amína
Amen Amen
Père : AlÐ ká tére #uman ban
Dieu / souhait / soleil / bien / finir
Dieu fasse que la journée se termine bien
Enfant : amína
Amen Amen
L'enfant salue ici l'adulte en fonction du soleil. Les
bénédictions sont les mêmes que celles formulées par
son géniteur.
a)- 2-3 Deux adultes se saluent : Sali (femme) et Moussa
(homme)
Sali : Músà í ní tére
Moussa / toi / et / le soleil Moussa bonjour !
Moussa : nbáà Sàlí í ni
tére, h&[r[ téréná wa?
merci / Sali / toi / et / soleil / paix / soleil.+acc. / Comment
? Merci Sali, bonjour !. Ta journée se passet-elle dans la paix
?
Sali : h&[r[ !
Paix
Dans la paix !
58
Moussa : sóm<ru do ?
famille +gens + plur. / et+interro. Et la famille ?
Sali : oru k'á k&n[ .
Ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Moussa : dénw do ?
Enfant+plur. / Et+interro. Et les enfants ?
Sali : oru k'á k&n[ .
Ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká tére h&[r[
Dieu / souhait / soleil / Paix+etre Dieu fasse que la
journée soit paisible
Sali : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká tére #uman ban
Dieu / souhait / soleil / bien / finir
Dieu fasse que la journée se termine bien
Sali : amína
Amen amen
59
Moussa : AlÐ ká í #úman wíri
Dieu / souhait / toi / bien, / lever
Dieu fasse que tu te réveilles bien
Sali : amína
Amen Amen
Il est midi. Le plus souvent il y a un arrêt
d'activité soit pour manger, soit pour prier. Les adultes se
préoccupent toujours de la famille dont on demande l'état de
santé. Dans les souhaits, en plus de la paix, on demande à Dieu
que l'activité que l'on mène s'achève bien.
a)- 3 Le soir
a)- 3-1 Un enfant salue ses géniteurs
Enfant : Baba ní wúla
Papa / et / soir Papa bonsoir!
Père : nbáà n'dén í ni
wúla, i téréná h&[r[ rá wa ?
merci / poss.+ enfant / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. /
paix / dans / comment ? Merci mon fils, bonsoir! Ta journée
s'est-elle passée dans la paix ?
Enfant : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Père : AlÐ ká wúla h&[r[
Dieu / souhait / soir / paix+etre
Dieu fasse que la soirée soit paisible
60
Enfant : amína
Amen amen
Père : AlÐ ká síni dí án
mà
Dieu / souhait / demain / donner / nous / prép. à
Que Dieu nous donne demain
Enfant : amína
amen amen
C'est le soir, » wùla ». Ce temps se situe
entre 13h et 18h : le soleil est monté, il descend et va s'endormir.
C'est la fin de la journée et des activités. Les hommes se
préparent à retourner à la maison pour dormir. L'enfant
salue son géniteur en fonction de ce temps là. Celui-ci à
son tour s'assure que l'enfant a passé la journée dans la paix
avant de lui donner ses bénédictions. Celles-ci sont
orientées toujours vers la paix pour cet enfant. Que Dieu lui permette
de voir le jour suivant.
a)- 3-2 Un enfant salue un plus âgé que
lui
Enfant : n'faá ní wùla
Poss.+ père / et / soir
Père bonsoir!
Père : nbáà n'dén í ni
wùla, i téréná h&[r[ rá wa ?
Merci / poss.+enfant / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. /
paix / dans / comment ? Merci mon fils, bonsoir. Ta journée
s'est-elle passée dans la paix ?
61
Enfant : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Père : AlÐ ká wúla h&[r[
Dieu / souhait / soir / Paix+être Dieu fasse que la
soirée soit paisible
Enfant : amína
Amen amen
Père : AlÐ kÐ síni díi án
mà
Dieu / souhait / demain / donner / nous / prép. à
Que Dieu nous donne demain
Enfant : amína
Amen amen
Le soir l'enfant salue l'adulte comme son géniteur.
Seule l'interpellation diffère. On y retrouve les mêmes souhaits
que ceux du géniteur.
a)- 3-3 Deux adultes se saluent : Sali (femme) et Moussa
(homme)
Sali : Músà í ní wúla
Moussa / toi / et / soir Moussa bonsoir
Moussa : nbáà Sàlí í ni
wúla, i téréná h&[r[ rá wa ?
Merci / Sali / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. / paix / dans
/ comment ? Merci Sali bonsoir . Ta journée s'est passée dans
la paix ?
62
Sali : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Moussa : som<rw do ?
Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta
famille ?
Sali : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Moussa : dénw do ?
Enfant+plur. / et +intero. Et les enfants ?
Sali : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : báará dá do?
travail / bouche55 / et +interro Comment va le
travail ?
Sali : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Moussa : AlÐ ká wúla h&[r[
Dieu / souhait / soir / paix+être
Dieu fasse que la soirée soit paisible
55 » da» peut signifier aussi le lieu
Sali : amIna
Amen amen
Moussa : AlÐ ká I #uman dón
Dieu / souhait / toi / bien / mettre
Dieu fasse que tu rentres bien
Sali : amIna
Amen amen
Moussa : AlÐ ká sIni dI án mà
Dieu / souhait / demain / donner / nous / à
Que Dieu nous donne demain
Sali : amIna
amen Amen
C'est la fin de la journée. On se salue et la
préoccupation ici est de voir comment l'autre a passé la
journée et comment la famille aussi se porte. Les souhaits sont
orientés vers la paix. On souhaite également que la personne
rentre bien à la maison et que demain soit un nouveau jour.
A Darsalamy, le soir c'est » wúla » et la
nuit est »súu». La nuit56, il n'y a pas de formules
appropriées pour saluer. On dit dans le jùla véhiculaire
(j.v.) '' i ni súú » (= toi et la nuit). Par contre dans le
jùla de Kong (jk), cela ne se
63
56 La nuit dure de 18h à 4h du matin.
64
dit pas. Une telle formule est considérée comme
un manque de respect à l'interlocuteur.
La nuit, il n y a plus d'activités. Les hommes dorment
; seuls les sorciers et les esprits maléfiques travaillent la nuit. Donc
dire cette formule à Darsalamy, c'est traiter son interlocuteur de
sorcier. Au cas où par inadvertance cela se produirait, la
société prévoit cette réponse-ci :
súu tígi yé AlÐ yé
nuit / propriétaire/ être / Dieu / être La
nuit appartient à Dieu.
Cette forme de réponse vient comme une sorte de
correction, puisqu'en fait on ne répond pas implicitement à la
salutation.
Cependant, on trouve souvent des formules propres aux enfants.
La nuit, avant d'aller dormir, ils remercient leurs parents pour la
journée. Ces formules ne constituent pas une salutation au regard de
leur contenu et de leur structuration. De plus elles ne sont pas beaucoup
utilisées.
Exemples :
Enfant : Baba bárka Père / merci
Merci papa
Parent : bárka n'dén . AlÐ ká súu
h&[r[
Merci / poss.+enfant / Dieu / souhait / nuit / paisible
+etre
Merci mon fils. Que Dieu te donne une nuit paisible ou bonne
nuit.
Enfant : amína
Amen amen
65
C'est sur les formules du matin, midi et soir que repose la
salutation chez les Dioula de Darsalamy. Elles constituent des formules de
prise de contact dans la journée. C'est à partir d'elles que se
construisent les autres en fonction des événements.
b) Les formules selon les événements
Le deuxième groupe de formules concerne les salutations
en fonction des événements. Ici nous présenterons la
salutation de l'accueil d'un étranger, celle des naissances et
baptêmes, des mariages, des funérailles ou décès et
celle des fêtes.
Ces formules se fondent sur les salutations dans le temps
auxquelles on ajoute les souhaits, les voeux ou les
bénédictions.
b)- 1 Quand un étranger
arrive
b) -1 - 1 Un enfant du village revient de voyage le
matin
Enfant : Baba ki&nÐ
papa / matin, Bonjour Papa !
Père : nbáà n'dén I ni
s*n*, Jàtigiruw dó ?
merci / poss.+ enfant / toi / et / marche / cohabitant+plur / et
+interro. Merci mon fils, bon arrivé. Comment vont les autres
?
Enfant : oru k'á k&n[ .
ils / aller + présent / santé Ils vont
bien.
66
Père : án k'í
yé s>g<mà
nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin
?
Enfant : júguman t* forí ro
mauvais / pas / salut / c'est Rien de mal c'est un
bonjour
Père : AlÐ ka i na kun %iá
Dieu / souhait / toi / venir / tête / rendre bien Que
Dieu bénisse ta visite
Enfant : amína
amen amen
La salutation de l'enfant qui arrive ou qui revient au village
est définie en fonction du moment de son arrivée. Il salue son
géniteur qui, à son tour, lui demande comment vont ceux avec qui
il est de l'autre côté. Ensuite on lui demande l'objet de sa
visite. Pourquoi un père va-t-il demander l'objet de visite à son
enfant ? Cela s'explique du fait que cet enfant qui ayant quitté un
autre village ou la ville, a toujours des nouvelles à apporter à
ses parents ou au village. Chez les Dioula, on demande toujours cet objet de la
visite.
Et l'enfant répondra qu'il n'y a rien de grave. Le
père lui formulera le souhait que sa visite soit sous la protection de
Dieu.
C'est celui qui arrive qui doit, le premier, adresser la
salutation sinon personne ne répondra.
Quand l'étranger salue, c'est déjà une
marque de considération qu'il manifeste à celui qui le
reçoit. C'est pourquoi l'enfant se doit de saluer ses géniteurs
quoiqu'ils soient ensemble.
67
b) -1 -2 Sali, une femme du village, arrive le matin et
salue Moussa (homme)
Sali : Músà ki&nÐ
Moussa / matin Bonjour Moussa
Moussa : nbáà Sàlí í
ni s*n*, Jàtigiru dó ?
merci / Sali / toi / et / marche / cohabitant+plur / et+intero.
Merci Sali, bon arrivé. Comment vont les autres ?
Sali : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : dénw do?
enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?
Sali : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : án k'í yé s>g<mà
nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin
?
Sali : júguman t& forí ro
mauvais / pas / salut / c'est
Rien de mal, c'est un bonjour
68
Moussa : AlÐ ka i na kúm
Èiá
Dieu / souhait / toi / venir / raison / rendre bien Que Dieu
bénisse ta visite
Sali : amína
amen amen
Quand c'est un adulte qui revient au village, il peut saluer
son interlocuteur en commençant par son prénom. Celui-ci va
s'enquérir des nouvelles de la famille de son visiteur et de la
localité d'où il vient. Après quoi, il lui demande l'objet
de sa visite. Le visiteur va lui répondre qu'il n y a rien de grave. Et
l'interlocuteur lui souhaitera un bon séjour ; que Dieu bénisse
son séjour et les raisons de sa visite.
Il faut noter que lorsqu'on demande l'objet de la visite, la
réponse est systématique :»rien de grave, c'est un
bonjour». Quoiqu'il y ait une raison à toute visite. C'est
après qu'on dévoilera les vraies raisons de la visite. Le plus
souvent quand un membre du village revient, c'est pour faire quelque chose.
Lorsque le visiteur arrive directement à la maison et
salue, on lui répond. Ensuite on lui donne de l'eau à boire. On
reprend la salutation en lui demandant les nouvelles de sa localité et
celle de sa famille. A un adulte, on demandera toujours les nouvelles de la
famille.
b) -1 -3 Un étranger inconnu du village arrive le
matin Sali (femme) et Moussa (homme)
Moussa : a ni
s>g<mà57
toi / et / matin Bonjour
57 Si c'est un autre moment, on le mettra.
69
Sali : í dans[
Toi / bienvenu Soyez la bienvenue
Moussa : nbáà
merci Merci
Sali : í ni tágama. b> y]r] do ?
Toi / et / marche / sortie / lieu / et +intero
Bienvenu ! Comment vont les gens de
là-bas58 ?
Moussa : o k'á k[n[ !
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Sali : d] di
Quelque chose / donner Donne quelque
chose59
Moussa : júguman t* fóri ro
mal / nég. / salut / c'est
Il n'y a pas de mal, c'est un bonjour.
Sali : Ala k'an tanga júguman man
Dieu / souhait+ nous / garder / mal / de
Que Dieu nous préserve du mal.
58 Nous utilisons `'là-bas» pour signifier
le lieu d'où l'on vient ; comme il n'y a pas de précision,
l'expression est utilisée couramment dans les salutations pour signifier
un lieu. On aime dire »ceux de là-bas » ; c'est le sens d'un
lieu lointain souvent.
59 Ici, »donne quelque chose» veut dire
`'donne les nouvelles», que l'étranger apporte. C'est une formule
simple qui prend en compte tout ceci.
70
Etranger : amí60
amen amen
Cette formule concerne un étranger (=» dúgu
ná ») ou (» dunan »)
A propos d'étrangers, les Dioula en distinguent deux
types : un membre du village de retour de voyage, et une autre personne qui
n'est pas du village, qui y arrive.
Dans cette formule, il s'agit du deuxième type. Ce qui
justifie la simplicité de la salutation. C'est le jùla
véhiculaire qui est utilisé. Quand un étranger arrive dans
le village, il doit être le premier à adresser la salutation,
condition indispensable de son acceptation dans la communauté.
Souvent quand un étranger arrive pour la
première fois au village de Darsalamy, après avoir salué
la première personne qu'il croise, il est conduit à la cour
royale (chez le chef). C'est là qu'on lui demandera l'objet de sa
visite. Après l'avoir écouté, on lui donnera
l'hospitalité. Cette expérience, nous l'avons vécue
pendant nos séjours de recherches.
A travers la réponse à la salutation d'un
étranger, on peut lire l'expression de la fraternité et de
l'hospitalité. Entre les membres du même village, la
réponse est un signe de reconnaissance de l'autre. Il faut noter que les
commerçants sont aussi considérés comme des revenants d'un
voyage. A cet effet, ils utilisent les mêmes formules pour saluer
à leur retour. Un autre constat que nous avons fait est que, quand le
père revient du marché, c'est toujours l'enfant qui le salue le
premier, et au lieu de lui souhaiter bonne arrivée, il lui dit bonsoir
ou bonjour selon le moment.
60 Ici il répondra amí (j.v.) au lieu de
amìna(j.k.). L'étranger ou le visiteur parle le jùla
véhiculaire.
71
b)- 2 Salutation de
naissance/baptême
b)- 2 -1 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) au
matin de son accouchement
Sali : ki&nÐ
matin Bonjour
Awa : nsée61 Sali ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci Sali, bonjour, t'es-tu réveillée dans la paix?
Sali : h&[r[ !
Paix
Dans la paix !
Sali : Ala ká dén nà kán dIya
Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que
Dieu donne longévité à l'enfant
Awa : amIna
Amen amen
Sali : Ala ká làjó
Dieu / souhait / faire grandir/ Que Dieu le fasse
grandir
61 Ici nous avons mis la réponse au
féminin du fait qu'il revient le plus souvent à la mère du
nouveau né de répondre aux salutations. Si c'est le
père de famille, on pourrait mettre la formule de réponse au
masculin.
72
Awa : amína
Amen amen
Sali : Ala dàgà níi flà
niàna
Dieu / sauver / vie / deux / être bien Que Dieu
protège bien les deux personnes
Awa : amína
Amen amen
La naissance chez les Dioula est un événement
pour toute la communauté. A cet effet donc, on vient saluer le nouveau
né et sa maman. Le plus souvent, ce sont les femmes qui y vont pour
féliciter leur consoeur après l'épreuve de l'accouchement.
C'est généralement le matin que les gens y vont. Souvent, en
raison des occupations, d'autres peuvent y aller selon l'heure de leur
convenance. Ces salutations sont l'apanage des adultes. Très souvent on
n'interpelle pas par prénom car, à côté de la
mère et de l'enfant, il y a d'autres femmes et la belle mère.
Donc on dit directement » ki&nл. On vient souhaiter la
bienvenue à l'enfant et féliciter la mère pour lui avoir
donné la vie. On remercie Dieu parce que la mère et l'enfant
pouvaient mourir lors de l'accouchement. On le remercie de les avoir
sauvés et on lui demande de veiller sur eux à travers les
bénédictions qu'on formule.
b)- 2 -2 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) le
jour du baptême, le matin,
Sali : ki&nÐ
matin
Bonjour
73
Awa : nsée Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[
rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la paix?
Sali : h&[r[ !
paix
Dans la paix !
Sali : Ala ká dén nà kán dIya
Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que
Dieu donne longévité à l'enfant.
Awa : amIna
Amen amen
Sali : Ala ká làjó
Dieu / souhait / faire grandir Que Dieu le fasse
grandir
Awa : amIna
Amen amen
Ici il s'agit du jour du baptême qui a lieu sept (07)
jours après la naissance62. Il faut noter que chez les Dioula
de Darsalamy, le baptême marque de façon officielle la naissance
et introduit l'enfant dans la communauté. Nous avons les salutations
d'usage suivies de remerciements, souhaits et bénédictions. Le
plus souvent, cette cérémonie se passe le matin.
62 C'est une cérémonie qui consiste,
chez les musulmans, à raser la tête du nouveau né et lui
attribuer un prénom lors d'une prière.
74
Dans ces salutations marquées par l'influence de la
religion musulmane, Dieu est au coeur des souhaits. C'est lui qui a permis la
naissance de l'enfant ; on lui demande de veiller sur eux. Il convient donc de
le remercier et de lui confier cet enfant qu'il a donné.
Les enfants n'ont pas de formule de salutation du fait qu'ils
ne participent pas directement à la cérémonie. De plus,
ils sont des enfants. A cet effet, ils ne peuvent pas formuler de
bénédictions. Ce sont les adultes qui sont concernés. Au
fur et à mesure que l'enfant grandit, il revient à la mère
de lui apprendre ces valeurs.
b)- 3 Salutation de mariage
b)- 3-1 Moussa (homme) vient saluer le matin les
parents du marié/de la mariée Moussa : ki&nÐ
matin Bonjour
Parent : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix /
dans Merci Moussa, bonjour, t'es- tu réveillé dans la
paix?
Moussa : h&[r[ !
paix
Oui dans la paix.
Parent : sóm<ru do?
Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta
famille ?
75
Moussa : oru k'á k&n[ .
ils63 / aller + prés. / santé Elle
va bien.
Parent : dénw do?
enfant+plur. / et ?
Comment vont les enfants ?
Moussa : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká k& fúru #uman yé
Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être Que Dieu
rende ce mariage agréable
Parent : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká a È>g>n di an b&[
ma
Dieu / souhait / ça / pareil / donner / nous / tous /
pré. à Que Dieu nous donne d'autres mariages pareils
Parent : amína
Amen amen
63 Quand on parle de famille, on a les enfants et
les parents ; d'où l'utilisation de »ils». Mais dans la
salutation on dit `'' et la famille ?» La réponse sera » elle
va bien».
76
Moussa : AlÐ ká oru káan b[n
Dieu / souhait / ils / voix / accorder Que Dieu fasse qu'ils
s'entendent
Parent : amIna
Amen merci
Le mariage chez les Dioula de Darsalamy est une question de
famille. Et il constitue un grand événement (nous ne nous
attarderons pas sur cette cérémonie qui n'est pas l'objet de
notre travail).
A ce niveau, on adresse les salutations aux géniteurs
des mariés. En fonction du temps, on salue et ils répondent en
demandant les nouvelles de la famille. Et les arrivants commencent à
adresser les voeux pour les mariés aux parents. On adresse ces voeux ou
souhaits aux parents pour les remercier pour leurs enfants qui se marient.
On a également les bénédictions qui
dominent cette salutation. Ce sont des voeux qu'on formule à l'endroit
des parents, aux mariés et à la société
entière. L'enfant grandit auprès des parents en observant ces
formules.
b)- 3- 2 La salutation s'adresse aux mariés le
matin : Moussa (homme) aux mariés (homme et femme)
Moussa : ki&nÐ
matin Bonjour
Mariés : nbáà Moussa ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà
merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix /
dans +interro. Merci Moussa, bonjour ; t'es- tu réveillé dans
la paix?
77
Moussa : h&[r[ !
paix
dans la paix
Mariés : sóm<ru do ?
Les gens de la famille. / et+interro.
Comment va ta famille ?
Moussa : oru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Mariés : dénw do ?
enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?
Moussa : oru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : AlÐ ká k& fúru #úman
yé
Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être
Que Dieu fasse de cela un bon mariage
Mariés : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká ar káan b[n
Dieu / souhait, / vous / voix / accorder
Que Dieu vous unisse
78
Mariés : amína
Amen amen
Moussa : AlÐ ká dén #uman dií ár
mà
Dieu / souhait / enfants / bon / donner / vous / à
Que Dieu vous donne de bons enfants
Mariés : amína
Amen amen
Les gens viennent en groupe, par quartier ou par famille pour
célébrer, soutenir et souhaiter un heureux ménage aux
mariés. On retrouve les mêmes salutations que dans la
précédente. Au niveau des souhaits, on s'adresse directement aux
mariés :
»AlÐ ká ar káan b[n» (= que Dieu vous
unisse ! )
À la différence de la première qui est :
»AlÐ ká orw káan b[n» (=que dieu
fasse qu'ils s'entendent).
Les souhaits sont orientés vers leur bonne union, leur
entente dans le couple. Qu'ils aient de bons enfants et un heureux
ménage !
79
b)- 4 Salutation de
funérailles
b)- 4- 1 Saluer le jour du
décès
Dans cette formule, nous avons Moussa (homme) qui s'adresse
à une famille éplorée. On ne salue pas un individu lors
des funérailles, c'est tous ceux qui sont affligés. Donc on aura
comme interlocuteurs Moussa et les affligés (ceux qui sont en deuil).
Moussa : aw ni sógóla
vous / et / viande couché Vous et la
douleur64
Affligés : nbáà65 an b*[ ni
s*[
merci / nous / tous / et / fatigue Merci. A nous tous la
douleur
Moussa : Ala ká hína a rà
Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait
pitié de son âme !
Affligés : amína
Amen amen
Moussa : Ala ká an b&[ ta nìa
Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu
nous accorde une bonne mort66
64 Ici, nous avons le corps du défunt qui
est comparé à de la viande couchée ou posée en
face. Cela suscite de la douleur. Les Dioula font directement la relation avec
cette image que nous exprimons par la douleur dans la traduction
française.
65 Dans la reprise ici, on ne reprend pas le
prénom de celui qui salue. Parce qu'on ne connaît pas tous ceux
qui arrivent, et tous ceux qui sont déjà là
répondent à la salutation.
80
Affligés : amína
Amen amen
Dans nos différentes sociétés, la mort est
une réalité. Elle affecte toute la communauté. Tout le
monde se mobilise pour accompagner le défunt par la prière et les
bénédictions. C'est pourquoi on se rend dans la famille
affectée. Le jour du décès, on se salue par rapport
à la douleur, la souffrance :
» áw ni
sógola»67 (qui veut dire vous et la
douleur).
C'est une compassion car le corps du défunt est encore
là sous les yeux.
On est sous l'effet de la mort par la présence du corps
du défunt et on le pleure encore. Et la salutation en fonction de
l'événement est :
» áw ni sógola » quand
le corps du défunt n'est pas encore enterré.
On salue la douleur et la fatigue de tous ceux qui sont
là.
On ne demande pas après les familles pour la simple
raison que la mort d'un membre de la communauté affecte toutes les
familles, d'où le caractère communautaire de celle-ci.
On formule des souhaits d'abord pour le défunt afin que
Dieu l'accueille dans son paradis. Ensuite pour les vivants, afin qu'ils
bénéficient d'une bonne mort. Mais ce souhait ne voudrait pas
dire que les vivants sont prêts à mourir. Il est plutôt le
signe de l'espérance et de la foi des Dioula. La mort est un passage
obligatoire pour tout homme. A cet effet donc, il sied de se la souhaiter
mutuellement bonne.
66 La mort est un passage obligatoire pour tous. Et
chez les dioula, il convient de se souhaiter une bonne mort qui signifie en
quelque sorte une mort naturelle, après avoir vécu longtemps et
la mort dans de bonnes conditions.
67 On retrouve à la place de » áw
ni sógola » cette forme chez certains : » áw
ni dúsu kási » (=vous et la douleur). Ces deux
formules ont la même signification. La seconde est le fruit de
l'influence du jùla véhiculaire chez certains Dioula de
Darsalamy.
81
Les bénédictions qui accompagnent la salutation
sont de deux ordres : on les fait d'une part pour accompagner le défunt
et d'autre part pour soi-même et les autres aussi, dans la mesure
où tout homme est appelé à mourir.
b)- 4- 2 Saluer le lendemain du décès :
Moussa (homme) salue les affligés (famille en deuil)
Moussa : áw ni kúnu s*[
vous / et / hier / fatigue Vous et la fatigue
d'hier68
Affligés : nbáà an b&[ ni s&[
merci / nous / tous / et / la fatigue/ Merci Moussa, nous
tous et la fatigue69
Moussa : Ala ká hína a rà
Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait
pitié de lui
Affligés : amína
Amen Amen
Moussa : Ala ká a jígi y<r] nía
Dieu / souhait / son / descendre / lieu / rendre bon Que Dieu
rende bien là où il descend70
68 Le lendemain de la mort est difficile. On fait
allusion donc à la douleur d'hier ; du fait de la présence du
corps du défunt, on ne pouvait pas dormir. C'est pourquoi les Dioula, le
lendemain saluent en fonction de la douleur de la veille.
69 Ici on pourrait dire encore » que Dieu
l'accueille dans son royaume»
70 On pourrait traduire également par »Que
la terre lui soit légère».
82
Affligés : amína
Amen Amen
Moussa : Ala ká ánw b&[ ta níya
Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu
nous accorde une bonne mort
Affligés : amína
Amen Amen
Les salutations du lendemain se situent après
l'inhumation. On dira : »áw ni kúnu s*[» (= Vous et la
fatigue d'hier).
On se réfère à la fatigue d'hier. On
souhaite pour le défunt une bonne mort, que Dieu l'accueille dans son
royaume et qu'il repose en paix. Les vivants eux, se souhaitent une bonne mort.
C'est la souffrance du deuil qu'on exprime le lendemain de l'enterrement. Les
souhaits émis servent de réconfort pour la communauté :
» Ala ká ánw b&[ ta níya
»(=Que Dieu nous accorde une bonne mort)
b)- 4- 3 - Lors des »dugabu»71
Moussa : ki&nÐ
Matin Bonjour
71 Le `'dugabu» ou encore `'doua» est un
sacrifice que la communauté fait, un sacrifice pour accompagner le
défunt, pour que Dieu lui pardonne ses péchés. Cette
pratique émane de l'islam.
83
Affligés : nbáà ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rà
Merci / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans
Merci, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la
paix?
Moussa : h&[r[ !
paix Paix
Affligés : sóm<ru do ?
gens de la famille / et Comment va ta famille ?
Moussa : óru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Affligés : dénw do?
enfant+plur. / et ? Et les enfants ?
Moussa : óru k'á k&n[
ils / aller +prés. / santé Ils vont
bien.
Moussa : Ala ká sáraka mIna
Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce
sacrifice
Affligés : amIna
Amen Amen
84
Moussa : Ala ká án tó %<g<n
yé
Dieu / souhait / nous / garder / ensemble / à Que
Dieu nous unisse
Affligés : amína
Amen Amen
Le »dugbabu» est un sacrifice important chez les
Dioula de Darsalamy en particulier et dans l'islam en général.
C'est un sacrifice de remerciement à Dieu pour la vie du défunt.
On lui confie le défunt afin qu'il l'accueille dans son paradis. Il a
lieu le 7ème jour et le 40ème jour
après le décès. C'est le ''
sáraka b] » (=» Sacrifice
faire»).
En ce moment, le deuil est moins perceptible. On se salue en
fonction du temps de la journée. On demande les nouvelles des familles
respectives et des enfants qui, en principe ne participent pas à ce
rituel. Après interviennent les souhaits où on demande à
Dieu d'accepter le sacrifice pour le défunt. Qu'il fasse régner
l'unité dans la famille et la communauté du défunt.
En fait, ce rituel émane de l'islam. En tant que
pratiquants de cette religion, les Dioula l'ont incorporé à leurs
valeurs culturelles. C'est une cérémonie faite de
bénédictions et de prières que la communauté
organise pour le défunt afin que Dieu » Ala» (= » le tout
puissant») l'accueille dans son royaume.
Il y a un ensemble de versets du coran et des sourates que
l'Imam dit et à la fin desquels il formule des
bénédictions auxquelles l'assistance répondra :
85
Imam : Ala ká níya
Dieu / souhait / rendre bien
Que Dieu rende bien notre sacrifice
Assistance: amína
Amen Amen
Imam: Ala ká sáraka mína
Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce
sacrifice
Assistance : amína
Amen Merci
Il faut noter qu'en ce qui concerne ces salutations de
funérailles, les enfants n'ont pas de formules à dire du fait
qu'ils n'assistent pas le plus souvent aux funérailles.
Quand il y a un décès dans la famille, les
enfants sont amenés chez un des oncles ou dans une autre famille
jusqu'à la fin des obsèques. A cet effet donc, ces formules ne
sont pas utilisées par les enfants qui le plus souvent les ignorent.
Quand ils deviendront adultes, ils les apprendront aux
côtés de leurs aînés lors des
cérémonies de funérailles.
86
b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski,
nouvel an)
b)- 5- 1- Un enfant salue ses géniteurs le
matin
Enfant : Baba ki&nÐ
Papa / matin Bonjour Papa !
Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc./ paix
/ dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien
réveillé ?
Enfant : h&[r[ !
paix
dans la paix !
Enfant : Baba ni sán kúra
papa / et / an / nouveau Bonne année papa !
Père : nbáà n'dén i ni san
kùrà
merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon
enfant. Bonne année !
Enfant : amIna
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán h&[r[
cáya
Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que
Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année
87
Enfant : amína
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán cáaman
di an ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que
Dieu nous donne longue vie
Enfant : amína
Amen Amen
Les fêtes, »séri» chez les Dioula de
Darsalamy sont des moments de réjouissance. Chaque fête correspond
à une nouvelle lune. Ce sont le plus souvent des fêtes dites
musulmanes.
Le matin de la fête, l'enfant adresse d'abord le salut
quotidien à ses géniteurs avant de leur souhaiter la bonne
fête :» Baba ni sán kúra ».
Et le géniteur à son tour lui souhaite bonne
année aussi avant de lui formuler des voeux. Ces
bénédictions reposent sur la paix indispensable pour la vie, la
longévité pour grandir. Que Dieu lui accorde beaucoup de jours.
En souhaitant la longévité, le géniteur le fait et pour
l'enfant et pour lui-même quand il dit : »AlÐ ká
sán cáaman di an ma » (= »Que Dieu nous donne
longue vie»)
Si l'enfant vit, il lui faut la paix pour grandir. C'est cela
le sens des souhaits du géniteur à l'endroit de son fils. Comme
cité plus haut, la fête est une réjouissance. Avant ces
réjouissances, on se souhaite mutuellement les voeux pour la nouvelle
année : des voeux de paix, de santé, de joie et de bonheur.
Les enfants manifestent leur reconnaissance à leurs
géniteurs à travers la salutation et ils prient pour que Dieu les
garde auprès d'eux.
88
b)- 5- 2 Un enfant salue un adulte lors d'une fête
(ramadan, tabaski, nouvel an), le matin
Enfant : n'faá ki&nÐ
Poss. +père / matin Père bonjour
Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà ?
Merci / poss. + enfant / matin, / tu / réveiller+acc. /
paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien
réveillé ?
Enfant : h&[r[ !
paix la paix
Enfant : n'faá ni san kúra
Poss.+Père / et / an / nouveau
Bonne année papa !
Père : nbáà n'dén i ni sán
kúra
merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon
enfant. Bonne année !
Enfant : amIna
Amen Amen
Père : AlÐ ká sán h&[r[
cáya
Dieu / souhait / an / paix / rendre beaucoup
Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette
année
Enfant : amIna
Amen Amen
89
Père : AlÐ ká sán cáaman di an
ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à
Que Dieu nous donne longue vie
Enfant : amIna
Amen Amen
On retrouve les mêmes formes de salutations ici que
lorsque l'enfant s'adresse à son géniteur. Seulement
l'appellation affective »papa » fait la différence. Les voeux
sont les mêmes puisque l'enfant est considéré comme le fils
de toute la communauté. A l'instar du géniteur, tout adulte lui
formulera les voeux de paix, de longévité... Ce sont les plus
jeunes qui saluent leurs aînés, qui à leur tour, formulent
des bénédictions à leur endroit.
b)- 5 -3 Deux adultes se saluent lors d'une fête
(ramadan, tabaski, nouvel an) : Moussa (homme) et Sali (femme), le
matin
Sali : Músà ki&nÐ
Moussa / matin, Bonjour Moussa
Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I
wIrilÐ h&[r[ rà
merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans
+interro Merci Sali, bonjour ; t'es- tu bien réveillée
?
Sali : h&[r[ !
Paix
dans la paix !
90
Moussa : sóm<ru do ?
Les gens de la famille / et+interro. Comment va ta famille
?
Sali : óru k'á k&n[ .
ils / aller + prés. / santé Elle va
bien.
Moussa : dénw do?
enfant+plur. / et +interro? Et les enfants ?
Sali : óru k'á k&n[
ils / aller + prés. / santé Ils vont
bien.
Sali : Músà i ni sán kúra
Moussa / toi / et / an / nouveau Bonne année Moussa
!
Moussa : nbáà Sàlí i ni sán
kúra
merci / Sali / toi / et / an / nouveau Merci Sali, bonne
année !
Moussa : AlÐ ká sán h&[r[ cáya
Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que
Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année
Sali : amína
Amen Amen
91
Moussa : AlÐ ká sán cáaman di an ma
Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que
Dieu nous donne longue vie
Sali : amína
Amen Amen
Dans cette salutation, les adultes tiennent compte de la
famille et des enfants d'abord. Ensuite, ils se souhaitent la bonne
année. Les souhaits sont les voeux de paix, de longévité
les uns pour les autres. Entre adultes ou personnes de même
génération, le souhait de voeux est mutuel. La paix est
significative pour le nouvel an car c'est elle qui permet la cohabitation dans
la communauté.
b)- 5- 4 Après les prières du jour de
fête
Chez les Dioula de Darsalamy, il y a une formulation de
salutation après la prière les jours de fête et les
vendredis après la grande prière. Ces bénédictions
et souhaits sont une forme de salutation de l'Imam à l'endroit des
fidèles.
Imam: Ala ká báto mína
Dieu / souhait / adoration / attraper72 Que Dieu
accueille nos prières
Fidèles : amína
Amen Amen
Imam: Ala ká k& #asigi yé
Dieu / souhait / rendre / avenir / être Que Dieu
nous donne la prospérité !
72 '' mína '' signifier attraper. Dans la formule, elle
est traduite par '' accueille'' dans la mesure où c'est une forme de
demande à Dieu
92
Fidèles : amína
Amen Merci
Imam: Ala kánà an73 fári
fága a rá
Dieu / négation / poss. / corps / tuer / ça /
dans
Que Dieu fasse que nous ne nous lassons pas dans la
prière !
Fidèles : amína
Amen Amen
Imam : Ala ká bi séri #ià ka di an
ma
Dieu / souhait / aujourd'hui / fête / rendre bien / souhait
/ donner / nous / à Que Dieu accueille notre prière de ce
jour !
Fidèles : amína
Amen Amen
Ce sont des bénédictions qui sont donc
formulées pour la communauté à l'occasion de la nouvelle
lune. Elles sont connues de tous dans la communauté.
Ces formules nous permettent de voir les différents
événements de la communauté dioula et leurs
préoccupations sociales. Il ressort ici que la famille a une place
importante dans la salutation des adultes. L'expression de la religion, la
solidarité et la reconnaissance sociale sont des éléments
perceptibles dans les formules de salutation.
73 '' an » est ici le pronom possessif
» nos ». Dans d'autres cas, il désigne le pronom personnel
» nous ».
93
On se rend compte à travers ces énoncés
que la parole est importante car c'est elle qui favorise leur transmission. Il
convient donc de chercher à voir en quoi ces énoncés
sont-ils littéraires ; en d'autres termes, quelle est la
littérarité de ces énoncés ?
94
CHAPITRE III : LA LITTERATURE ET LES FORMULES DE
SALUTATION
Dans ce chapitre, nous présentons en quoi les formules
de salutation sont des textes oraux, c'est-à-dire des textes
littéraires oraux. Nous partirons d'une série de
définitions de la littérature orale et nous présenterons
des éléments textuels et les aspects sociologiques qui
démontrent cette littérarité des formules de
salutation.
III -1 Les aspects littéraires des formules de
salutation
La notion de littérature orale a été
définie diversement par les chercheurs et spécialistes. En effet
chacun la perçoit en fonction de ses préoccupations, de son
domaine. Nous pouvons ici nous intéresser aux définitions
suivantes :
Pour CANU Gaston, « la littérature orale par
définition, est une littérature parlée et non
écrite »74.
Pour ENO Belinga S.M. « on peut définir la
littérature orale comme, d'une part l'usage esthétique du langage
non écrit et, d'autre part, l'ensemble des connaissances et les
activités qui s'y rapportent. »75
Selon Eliade Mircea, la tradition orale (dont la
littérature orale) est »la transmission et la conservation
orales de la somme des traditions culturelles».76
Joseph KI-ZERBO dit que : « la tradition orale (dont
la littérature orale) est l'ensemble de tous les types de
témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé
».77
74 Contes Mossi actuels, p. 327.
75 La littérature orale africaine, P. 7.
76 Histoire de la littérature, tome 1 p.
3(collection dirigée par Raymond Queneau).
77 La tradition orale, Diouldé Laya, p. 100.
95
Et selon la définition synthétique de Sié
Alain KAM, « la littérature orale, parlée par essence,
est l'ensemble de tout ce qui a été dit,
généralement de façon esthétique, conservé
et transmis verbalement par un peuple et qui touche la société
entière dans tous ses aspects. »78
A partir de ces différentes définitions de la
littérature orale, on peut retenir deux aspects qui nous permettent
d'aborder la littérarité des formules de salutations.
Dans un premier temps, il ressort l'usage esthétique de
la parole qui marque les facteurs textuels.
Et dans un second temps, l'ensemble de valeurs sociales et des
activités qui s'y rapportent, qui sont transmises verbalement, de
génération en génération ; d'où une origine
lointaine de celles-ci. C'est tout cela qui fait du texte oral une
consécration sociale. Ce sont là des facteurs sociologiques des
salutations.
III- 1- 1 Les éléments textuels
Ces éléments sont essentiellement
orientés vers la morphosyntaxe et les métaphores. Comment se
présentent les salutations, leur longueur? Ce sont ces
éléments que nous présenterons ici.
a) La longueur des formules
En ce qui concerne la longueur des salutations, nous constatons
que la première phrase est relativement courte par rapport aux autres
:
»Baba ki&nл Papa bonjour
78 Nouvelle approche sur les catégories
principales de la littérature orale africaine, P. 14.
96
»nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ
h&[r[ rá ?»
Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé
dans la paix ?
Cette forme de construction se retrouve dans toutes les formules.
Au niveau des souhaits ou des bénédictions, les réponses
sont courtes :
» AlÐ ká téré h&[r[
''
Dieu fasse que la journée soit paisible
''amIna» Amen
»AlÐ ká bIi dIyл
Dieu fasse que ce jour soit bon
»amIna '' Amen
On constate là que les bénédictions sont
longues par rapport aux réponses. Cette longueur favorise l'interaction
dans les salutations. On a un système dialogique où celui qui
répond permet à son interlocuteur de poursuivre son discours. On
retrouve ces réponses dans les différentes formules:
»h&[r[» (= la paix) et »amIna » (=
merci).
Elles permettent à celui qui parle de continuer sa
communication.
b) La place des mots dans les formules
Les salutations commencent par l'interpellation de la personne
à qui on adresse la salutation. En effet, l'enfant appellera son
géniteur »Baba». A un
aîné de l'âge de son géniteur, il dira
»n'faá» (= »mon père »). Pour son grand
frère il dira »n'k]r]» (=grand-frère). Quand deux
adultes se saluent,
97
ils s'interpellent par le prénom. C'est le cas de Sali
qui salue Moussa. On constate que cette interpellation est une marque de
respect, de politesse, de sympathie et de la reconnaissance de l'autre comme
étant un aîné ou un supérieur. C'est la
reconnaissance de la place sociale.
Après cette interpellation, on a le deuxième mot
qui marque le temps ou l'événement. Ces éléments
renvoient aux habitudes et aux croyances de la société.
»ki&nл pour le matin, »tére »
pour midi et »wúla » pour le soir.
Au niveau des formules des événements, on se
réfère au temps aussi sauf pour les funérailles où
on ne tient pas trop compte du temps. Cela est dû au fait que la mort
chez les dioula n'a pas de temps défini et la mort engendre la douleur
qui domine cette période. Quand la mort frappe un membre de la
communauté, c'est la communauté tout entière qui est
concernée. Tout le monde est affligé et on salue cette douleur
par :
»aw ni sógóla» (= Vous et la
viande couchée).
Au niveau des salutations- que ce soit le temps ou les
événements- les souhaits ou bénédictions occupent
une place importante. En effet, on retrouve au début de chaque souhait
et cela est récurrent cette formule :
»Ala ká» (=Que Dieu fasse...)
Cette expression est la première
référence au sacré, c'est-à-dire à Dieu.
C'est l'expression de la croyance et de la foi en un Dieu unique chez les
Dioula. Dieu est au coeur de toute entreprise, dans la vie de l'homme. C'est
à lui qu'on demande la protection, la paix et la
bénédiction. L'usage de »Allah» en début des
souhaits marque un fort attachement des Dioula à la religion musulmane
qu'ils pratiquent. Ce mot » Allah» est emprunté de l'arabe et
utilisé dans les prières pour designer le »tout
puissant», »Dieu ».
98
Dans ces voeux ou souhaits, nous retenons un
élément important qui est la marque de l'inaccompli par
l'utilisation du subjonctif :
»Ala ká» (= Que Dieu fasse...).
Le mot » ká » marque l'inaccompli, le
souhait, l'espérance et la foi en Dieu. C'est quelque chose qu'on
demande avec espoir à Dieu. Ce n'est pas encore acquis, mais on le fait
dans l'espoir que cela s'accomplisse.
c) Les métaphores
c)-1 La métaphore de la
longévité dans les salutations
La récurrence de la notion de paix et santé dans
la salutation marque le souhait de la longévité. En effet, on la
retrouve remarquable et fondamentale dans les souhaits. Quand il s'agit de
l'enfant, c'est uniquement ce souhait de paix. L'enfant n'a pas
d'activité ; on lui souhaite donc la paix et la santé tous les
jours. Cette répétition quotidienne de ce souhait traduit le
pieux voeu de voir grandir cet enfant dans la communauté. De même,
le souhait d'une bonne journée s'inscrit dans cette logique de
longévité puisque tous ces souhaits concourent à une
meilleure santé, partant une longue vie quand on dit :
»AlÐ ká sán cáaman di an ma
» (= »Que Dieu nous donne longue vie»)
c)-2 La notion de paix : »h&[r[» (= la
paix)
La notion de la paix est importante dans les salutations. En
effet, la vie de l'homme est basée sur la paix : la paix avec
soi-même et la paix avec les autres. Par exemple le matin, on demandera
d'abord si on s'est réveillé dans la paix : » í
wírilÐ h&[r[ rá ?» (= »t'es-tu
réveillé dans la paix ? ». Dans cette
99
formule, on va au-delà de la paix pour évoquer
la santé. Etre en paix, c'est être en bonne santé.
On constate ici que la notion de paix jalonne les salutations.
En effet, le matin la notion de paix est en relation avec le réveil. A
midi, on retrouve la paix qui est rattachée au soleil. Depuis le matin,
la paix accompagne l'homme dans ses activités vers midi. Et cela
à travers cette formule :
»h&[r[ téréná wa? » (= Qui
signifie Comment va ta journée ?)
On retrouve dans cette formule la notion de paix et de
santé qu'on adresse à un plus jeune. Mais quand il s'agira des
adultes, on y ajoutera l'activité.
Le soir, on retrouve encore la notion de paix. Cette paix a
pour objectif d'achever la journée et d'accompagner l'homme dans le
passage de la nuit.
»AlÐ ká tére h&[r[» (= Dieu
fasse que ta journée soit paisible)
»AlÐ ká wúla h&[r[» (= Dieu
fasse que la soirée soit paisible)
A travers ces différentes places de la paix dans les
salutations, on peut retenir que la quête de la paix est une
préoccupation sociale et majeure chez les Dioula de Darsalamy.
L'individu doit d'abord être en paix avec lui-même, ensuite avec
les membres de la communauté et enfin dans tout ce qu'il entreprend.
d) Mots et réseau de sens
d)-1 Le mot » díyÐ » dans les
souhaits
»AlÐ ká bíi díyл : (=
Dieu fasse que ce jour soit bon)79
»AlÐ ká súgu
díyл80 (= Que Dieu fasse que ton marché
soit bon)
79 On retrouve ce souhait dans les salutations du
matin.
100
Dans les souhaits, on peut s'intéresser au mot »
díyÐ »qui veut dire » bon»
ou »rendre bon». Quand on dit donc ces deux souhaits
ci -dessus, le sens premier qui se dégage est `'rendre bon».
Pour la journée on dira :
» AlÐ ká bíi díyÐ » (=
Dieu fasse que ce jour soit bon).
Au delà de l'aspect »bon » on vise autre
chose ; on souhaite qu'il y ait la paix, la joie, le bonheur ; qu'il n y ait
pas de différends et que la journée soit agréable.
Mais pour le marché ou une activité commerciale, on
dit :
» AlÐ ká súgu díyл (=Que
Dieu fasse que ton marché soit bon).
Là » díyÐ » renvoie
à la rentabilité de l'activité ; qu'on gagne de l'argent
ou
que l'activité prospère. Donc le mot »
díyÐ » renvoie ici à un réseau
de sens en français.
d)-2 Le mot »#úman » dans les
salutations
»AlÐ ká tére #úman ban» :(=
Dieu fasse que la journée se termine bien)
»AlÐ ká í #úman wíri» :
(= Dieu fasse que tu te lèves bien)
Ici le mot » #úman» signifie » bien, beau,
bon ». Dans le premier souhait,
» #úman »renvoie au bon achèvement de
la marche du soleil qu'est la journée ; on souhaite que la
journée se termine en beauté. Dans le deuxième souhait qui
est formulé à un commerçant ou à un marchand,
» #úman wíri », renvoie ici aux bonnes recettes que ce
dernier va faire et qu'il achève bien
80 Nous avons pris ici ce souhait pour la simple
raison qu'il illustre les activités commerciales étant
donné que ces Dioula sont un peuple marchand, commerçant. Cela
peut concerner d'autres domaines d'activité.
101
l'activité commerciale, car ce sont ses recettes qui
lui permettront de rentrer chez lui, pour nourrir son foyer. Donc on va au
delà de l'aspect » bon et beau » pour voir » la
rentabilité et la finalité » de l'activité.
III- 1-2 Les éléments sociologiques de la
salutation
Ces éléments sont en relation avec le texte. Ils
déterminent les rapports entre les hommes, la société et
les salutations. C'est l'expression de la société à
travers les salutations.
On peut retenir à ce niveau tout d'abord la famille et
la société au coeur des salutations, ensuite les activités
et les temps en rapport avec les salutations, par ailleurs l'origine même
de la salutation et enfin le protocole de la salutation.
a) La famille et la société au coeur des
salutations
La famille a une place importante dans les salutations. En
effet chez les Dioula, l'individu est issu d'une famille qui elle aussi
émane d'une société. Toute la communauté constitue
de ce fait une famille et lorsqu'on se salue, on fait référence
à cette communauté de destin dans les voeux et les souhaits, les
préoccupations...
De façon générale, dans les salutations,
on demande après la famille et les enfants. Chez les Dioula, nous avons
constaté que la femme est responsable du foyer. C'est elle qui veille
sur les enfants et le fonctionnement de la famille. C'est à elle qu'on
demande l'état de la famille.
Cet intérêt pour la famille et des enfants marque
une préoccupation sociale. Chaque adulte est responsable d'une famille
qui est la première cellule sociale. Dans certaines salutations, on
pourrait même entendre dire :» et mes enfants».
102
C'est pour signifier que l'enfant appartient à toute la
société à travers l'utilisation du possessif »
mes».
b) Les activités et le temps dans la
salutation
Les salutations chez les Dioula de Darsalamy se
présentent en fonction du temps et des activités. A partir de
cette répartition, on peut percevoir la notion de temps qui est
fondamentale. Nous avons, en ce qui concerne le temps : le matin, le midi et le
soir. A chacun de ces »moments », les hommes se formulent des
salutations. Ces salutations gravitent autour de la communauté et des
activités de celle-ci.
Le matin on dit » ki&na»
(=»matin»). On vient de se réveiller, on a traversé la
nuit, on s'apprête à aller au travail (marché, champ,
atelier...). On se souhaite un bon réveil. Ensuite, on a les souhaits
pour la journée. Ils sont orientés vers le bon déroulement
de la journée et des activités dans la paix. Tout ce que l'on va
entreprendre doit se passer dans la paix. C'est cela le sens du bonjour.
Dans la salutation du matin nous avons le mot
»ki&nÐ » qui signifie »le matin» ; il correspond au
bonjour en français. Dans ce concept se trouve toute l'expression de la
vie des hommes. Le matin est le début de la journée. Pour toute
activité, le réveil est primordial. L'expression du matin chez
les Dioula de Darsalamy marque une renaissance. Donc en disant »
ki&nÐ », on résume tout ce voeu de renaissance que les
hommes se formulent tous les jours au delà de l'aspect temps.
Les temps forts de la journée marquent la salutation :
le matin, le midi et le soir
103
»Baba ki&nл
: (Papa / et / matin) : (=Bonjour Papa) »Baba ní
tére» : (Papa / et / soleil) : (= bonjour Papa)
»Baba ní wúla» :
(Papa / et / soir) : (=bonsoir Papa)
Le matin on se réveille et on va au travail. A midi on
observe une pause et le soir on rentre à la maison pour le repos de la
nuit. Et un de nos interlocuteurs nous disait à propos : « la
journée est comme toute notre vie. On naît, on grandit et on
meurt. Le matin, c'est la naissance ; on grandit dans la journée
à travers notre activité et le retour du soir est comme une mort.
Demain, on reprend la journée comme une nouvelle vie. Que l'on soit
travailleur ou pas, on verra le soleil se lever, monter dans le ciel et aller
tomber. Donc c'est cela le sens du temps dans les salutations. »81
Le temps est également une référence pour
les prières de la journée ; les Dioula n'ont pas connu l'heure de
la montre, c'est l'évolution du soleil qui détermine les heures
de prière.
De même à midi, le soleil est monté au
ciel, une partie de la journée est déjà passée ; on
a quitté le matin. On souhaite que ce soleil qui va se coucher apporte
la paix toujours dans ce que l'on est en train de faire.
Dans ces formules, les préoccupations sont axées
sur les activités des hommes. Quand un enfant salue, on lui souhaite la
paix et la santé dont il a besoin pour grandir. Du fait qu'il n'ait pas
d'activités, on ne lui formulera pas de souhaits dans ce sens. Mais
quand il s'agit des adultes qui se saluent, au-delà des notions de paix
et santé, ils se souhaitent la paix dans le travail ou dans
l'activité que l'on mène. Que ce soit dans le commerce, au champ
ou dans un
81 Entretien fait en janvier 2007 à Darsalamy
avec les notables de la cour royale.
104
atelier, qu'il y ait la paix. Notons que la paix est
précieuse dans l'évolution de la journée chez les Dioula
de Darsalamy.
Dans ce sens, on peut dire que la salutation prend en compte
certaines préoccupations sociales.
c) Les origines de la salutation
Pourquoi s'intéresser à l'origine des
salutations ? Parce que les salutations vont avec la vie des hommes et avec la
parole. Elles constituent un facteur de socialisation, de cohésion
sociale. Elles viennent du fond des âges. Elles ont gardé leur
manière d'être au fil du temps sans innovation majeure. Elles
s'apprennent sur le tas et se transmettent de génération en
génération, d'année en année. Justement cette
transmission verbale de génération en génération
est évoquée par Joseph Ki ZERBO82 pour qui la
tradition orale est « l'ensemble de tous les types de
témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé
»83.
Les salutations témoignent depuis les origines, comment
l'homme a évolué. A travers elles, on peut découvrir les
pratiques de la communauté au fil des années. Ses
caractères »témoignage et transmission verbale» se
perçoivent dans ses énonciations.
Cette vision soulève le caractère collectif des
salutations qu'on ne peut pas oublier parce qu'elles sont utilisées
quotidiennement. Et cet usage est fait non seulement en fonction du temps et
des activités qui entourent la vie de l'homme, mais encore en fonction
du rang social. En ce sens qu'un enfant a sa manière de saluer de
même qu'une femme ou un adulte. Les bénédictions ou
82 Joseph Ki ZERBO fut un historien
Burkinabé.
83 La Tradition orale, DIOULDE Laya, p.100.
105
souhaits sont émis par l'aîné à
l'endroit du plus jeune et de l'homme à l'endroit de la femme.
Depuis leur origine, les salutations sont véritablement
liées aux activités de l'homme.
d) Le protocole
Le protocole a une place de choix dans les salutations. Tout
d'abord, nous avons tout le protocole qui accompagne ces salutations : ce sont
les moins âgés qui saluent les premiers ; la femme qui salue
l'homme ; c'est l'aîné qui formule les souhaits à l'endroit
du plus jeune et l'homme à l'endroit de la femme. Quand deux adultes se
saluent, c'est l'homme qui demande les nouvelles de la famille et des enfants
à la femme.
De plus, chaque groupe de la communauté a sa
manière propre de saluer.
Le protocole peut se lire également dans les
préoccupations des hommes dans la salutation. En effet, quand on se
salue, on rappelle d'abord le moment de la journée. Au-delà de
cette référence au temps, c'est la société
elle-même qui est mise en relief au cours de ces échanges de
salutations à travers les expressions de santé, de paix et les
souhaits. Pour deux adultes, on demandera après la famille et les
enfants, à la différence de la salutation entre l'enfant et
l'aîné car l'enfant n'a pas en charge une famille. Les souhaits
traduisent l'expression des activités menées par les adultes dans
la communauté.
A travers les éléments textuels abordés
à savoir : la longueur des formules, la place des mots dans la
salutation, les métaphores, les mots et réseau de sens et les
aspects sociologiques suivants : la prise en compte de la famille et la
société dans les formules de salutation, les activités et
le temps dans la salutation, et tout le protocole qui l'accompagne, nous
pouvons dire que les formules de salutations constituent des textes
littéraires oraux.
106
CONCLUSION
A l'issue de cette étude qui nous a permis de mieux
découvrir les Dioula de Darsalamy à travers leurs formules de
salutation, nous ne pouvons pas prétendre avoir perçu toute la
quintessence des salutations. Il reste des points à découvrir ou
à approfondir. Il s'agit notamment des questions liées à
la langue proprement dite, aux terminologies, à certains us et coutumes
qui vont de pair avec les salutations. Egalement dans ces préoccupations
s'inscrivent les pratiques culturelles.
C'est le début d'une étude qui va
s'étendre sur d'autres groupes sociaux en vue d'aboutir à un
cadre formel qui confirmera les formules de salutations comme des
éléments de la littérature orale.
A travers cette étude, nous avons pu découvrir
le village de Darsalamy, les habitants et leurs pratiques. Nous avons appris
que la tradition orale ou la littérature orale dépasse le cadre
habituel identifié par les contes, légendes,
épopées, proverbes, devinettes... pour prendre en charge les
préoccupations de la société. Elle constitue ainsi un
chaînon lié à un ensemble de pratiques socioculturelles.
Du point de vue de la méthodologie, nous avons appris
comment approcher une société. Nous retenons que l'approche de
nos sociétés à tradition orale requiert de la patience et
de la courtoisie surtout quand on a à faire à des personnes
âgées ou illettrées. Patience dans la mesure où les
informations livrées peuvent subir des influences ou des modifications
d'un informateur à l'autre. Et nous avons appris à nos
dépends que seul le recul permet une analyse efficace et efficiente des
sociétés africaines qui subissent au quotidien des mutations.
107
Notre analyse s'est étendue sur trois chapitres. Dans
le premier chapitre nous nous sommes intéressé à la
présentation du terrain. En effet, ce chapitre a pris en compte
l'origine des Dioula, leurs pratiques et activités, et leur religion.
Les dioula de Darsalamy sont venus de Kong (Côte d'Ivoire) et se sont
installés là au 19ème siècle. Sur le
plan social, ils sont organisés en deux grands groupes à savoir :
les Barro qui détiennent la chefferie traditionnelle (famille royale) et
les Sanogo qui managent le pouvoir religieux (avec l'Imam). Fait marquant, le
village de Darsalamy n'est doté d'aucune structure administrative. La
raison évoquée est que ce village est rattaché à la
commune urbaine de Konsa à Bobo Dioulasso.
Au niveau de l'organisation sociale et familiale, nous
retrouvons le patriarche de la famille qui est le plus ancien,
l'aîné qu'on appelle » ki&m]g]ba '' ;
avec lui une vieille femme qui est »sótigi »
(=» gardienne de la maison » ou '' propriétaire de la maison
»). Chez les Dioula, la notion de famille est importante. Elle est la
cellule sociale. On ne fait pas de différence entre les familles car
tout le village constitue une grande famille du fait de la communauté de
langue.
Quant aux activités, nous avons identifié le
commerce comme activité principale des Dioula ; ensuite nous avons la
consultation du marabout et l'agriculture. L'agriculture est très
récente et est exploitée par les Barro (protecteurs de la
tradition).
L'islam est la religion des Dioula de Darsalmay. Ils sont
à 100% islamisés. Selon nos informateurs, ce sont eux qui ont
amené l'islam en Afrique de l'Ouest.
Nous nous sommes également intéressé
à la place de la parole dans la société à travers
la notion de parole chez les Dioula et les types de paroles qu'on y
108
trouve. En effet, elle occupe une place de choix. On la
retrouve à tous les niveaux de la vie sociale. Elle sert de lien social
à travers la communication. Les salutations se fondent sur cette parole
pour être effectives. Nous avons identifié plusieurs paroles en
fonction de leurs contenus : la bonne parole (=»Kóma díman
»), la belle parole (=»Kóma %úman»), la parole de
vérité
ou parole vraie (=»tiy[n kóma»), la parole
sensée (=»hákili Kóma»), la grande parole
(=»Kóma bá »), la parole ancienne ou la vieille parole
(=» Kóma k<r] »), la parole de l'ancien
(=»Ti&m]g]ba Kóma»), la parole d'enfant
(=»dénmis[n Kóma »), la parole importante
(=»náfa Kóma»), la mauvaise parole (=»Kóma
júgu »), le mensonge (= »gálon Kóma»).
A partir de la parole, nous avons abordé les textes
oraux qui sont en usage dans cette communauté. Il s'agit des textes
connus et utilisés par la population : le conte (= le
»tálen»), la légende (= le »kóma
k<r]»), la
devinette (= le »tálen k<r]b]»), le
proverbe (= le »kóma k<r]tig[») , le chant (= le
»d<nkiri»), les paroles des jeux de
plaisanterie(=»sináguya»), les
salutations(=»fóri»), ...
Dans le deuxième chapitre, qui traite des salutations,
nous avons évoqué la langue chez les Dioula, les systèmes
de transcription et de traduction avant de présenter les formules de
salutation. Nous avons également abordé la définition de
la salutation et sa place dans la société.
La salutation est un facteur social qui permet aux hommes
d'échanger. Elle est capitale.
S'agissant des formules, nous avons identifié deux
catégories : les formules en fonction du temps de la journée
(matin, midi et soir) et les formules en fonction des événements
(baptême, mariage, visite d'un étranger, les funérailles,
les fêtes).
109
Dans la présentation des formules, nous avons d'abord
donné la transcription phonétique, ensuite la traduction
juxtalinéaire, enfin la traduction littéraire suivi d'un
commentaire.
Il ressort de cette analyse qu'à travers ces
différentes formules de salutation transparaissent les
préoccupations de la société. Au delà du »
bonjour » ou du '' bonsoir », c'est toute une représentation
de la société qui se manifeste : le bien-être, la paix, la
santé, les activités, la famille, le rang social, le respect, la
compassion, la joie, l'harmonie...
A ce niveau, on a une certaine catégorisation dans les
salutations. En effet, un enfant ne salue pas de la même manière
qu'un adulte, une femme ne salue pas de la même manière que
l'enfant ou l'homme. Chacun a sa manière proprement dite que la
société établit et transmet d'âge en âge par
le biais de la parole. Ces formules recouvrent des notions diversifiées
et propres à la société (paix, santé, douleur, joie
et peines...).
A travers les souhaits, les bénédictions, les
formules prennent en compte les valeurs sociales, culturelles et même
religieuses. Dieu est au coeur des salutations. Tout cela s'accompagne de la
parole, de la langue. La particularité de la langue confère aux
formules une spécificité, faisant d'elles le signe distinctif de
la communauté dioula de Darsalamy avec les autres.
Notre troisième chapitre a consisté à
montrer en quoi ces formules de salutations sont de la littérature. A
partir des différentes définitions de la littérature
orale, nous avons identifié des facteurs textuels et des aspects
sociologiques pour aborder la littérarité des formules de
salutation.
S'agissant des éléments textuels, nous avons
constaté que la longueur des formules a pour but de favoriser
l'interaction dans l'échange.
La place des mots dans les salutations est remarquable. En
effet, les salutations débutent par l'interpellation de celui à
qui on s'adresse (Papa, père, maman...). C'est le signe du respect, de
la politesse et même d'une certaine
110
sympathie, car on ne saurait saluer par '' Papa'' quelqu'un
qu'on ne connaît pas.
Ensuite nous avons le deuxième mot qui est la marque du
temps ou de l'événement. Cela traduit les habitudes de la
population.
L'affirmation de la foi, la croyance en l'islam se trouvent
dans les bénédictions où la principale
référence est ''Dieu'' (=''Allah '').
Au niveau des métaphores, on peut retenir que la
longévité domine les salutations à travers les souhaits de
paix, de santé...
Des mots et réseaux de sens sont perceptibles. Nous
avons '' díyÐ '' et ''
#úman ''. Au- delà de leur sens habituel de
''bien, bon'', ils renvoient à une multitude de sens orientés
vers les préoccupations sociales.
En ce qui concerne les éléments sociologiques,
nous avons identifié la structure sociale : l'individu, la famille.
Chacun occupe une place précise et sait comment se comporter ; la
répartition du temps et des activités dans la salutation,
l'origine des salutations et le protocole des salutations. Le découpage
du temps des salutations est le suivant : matin, midi et soir. Nous avons
également découvert qu'elles expriment les activités de la
communauté. En formulant un souhait par la salutation ou lorsque des
adultes se saluent, au delà de la paix et de la santé, ils
évoquent les activités, la famille. Cela montre jusqu'à
quel point les salutations prennent en compte les préoccupations
sociales.
La présence de ces éléments textuels et
sociologiques prouve que les formules de salutation sont littéraires.
Cette étude des formules de salutation est valable pour
une communauté donnée, celle des Dioula de Darsalamy. On pourrait
l'étendre à d'autres sociétés pour en savoir
davantage sur les préoccupations sociales et les aspects
littéraires liés aux salutations.
111
Bibliographie
OUVRAGES GENERAUX
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l'esprit humain, Albin Michel, Paris; 1989 (256 p. + illustrations).
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volume 1, Georg et Cie/Klincksieck. Genève-Paris; 1951, 332 p.
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Nizet/Presses de l'Université Laval, Paris-Québec; 1969, 288
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112
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Ponctuation. Montréal; 1985, 204 p.
- LYONS John : Éléments de sémantique.
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- MAINGUENEAU Dominique : Éléments de linguistique
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113
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Paris seuil 1983, 307p.
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librairie François Maspero, 1977, 364p.
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- Pour une étude ethnolinguistique des littératures
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115
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jusqu'à la fin du 19ème siècle : approche
historique et sociologique, Ouagadougou, Mémoire, ESLSH, 1984, 183p.
116
ANNEXE
Liste des informateurs
N°
|
Nom
|
Prénom(s)
|
Année de naissance
|
Lieu de résidence
|
Activité/profession
|
1
|
BARRO
|
Batièmogo
|
En 1960
|
Darsalamy
|
Chef du
village/cultivateur
|
2
|
BARRO
|
Bakary dit Bèma
|
En 1950
|
Darsalamy
|
Conseiller et frère du chef/tailleur, commerçant
|
3
|
BARRO
|
Tièmogo Mignougou
|
Vers 1938 à Kong
|
Darsalamy
|
Conseiller/commerça nt
|
4
|
BARRO
|
Aladji Assékou
|
1938 à Kong
|
Darsalamy
|
Conseiller/commerça nt
|
5
|
SANOGO
|
Baflémory
|
Vers 1938
|
Darsalamy
|
Professeur
coranique/patriarche
|
6
|
BARRO
|
Babou
|
-
|
Darsalamy
|
Chauffeur
|
7
|
BARRO
|
Yaya
|
-
|
Darsalamy
|
Commerçant
|
8
|
SANOGO
|
Matènè
|
|
Darsalamy
|
Commerçante
|
9
|
BARRO
|
Bakoro
|
-
|
Darsalamy
|
Ménagère
|
10
|
SANOGO
|
Aladji
|
-
|
Darsalamy
|
Imam
|
11
|
BARRO
|
Awa
|
-
|
Darsalamy
|
Tisserand
|
12
|
SANOGO
|
Salam
|
1965
|
Toussiana
|
Commerçant
|
13
|
SANOGO
|
Basendou
|
1969
|
Toussiana
|
Cultivateur
|
14
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SANOGO
|
Bakary
|
1952
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Koko -Bobo
|
Instituteur à la retraite
|
117
TABLE DES MATIERES
DEDICACE II
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ABREVIATIONS III
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I : PRESENTATION DU TERRAIN 4
I - 1. ORIGINE DES DIOULA DE DARSALAMY 4
I - 2. ORGANISATION SOCIALE ET FAMILIALE A DARSALAMY 6
I - 2 - 1. L'organisation sociale 6
I - 2 - 2 L'organisation familiale 7
I - 3. LES ACTIVITES 9
I- 3 - 1. Le commerce 9
I-3-2- La consultation du marabout 12
I - 4. L'ISLAM ET LES DIOULA 14
I - 4-1 L'implantation de l'islam 14
I - 4 - 2. L'impact de l'islam sur les Dioula 16
a) Les moments de la prière 16
b) Le culte du vendredi 17
c) La consultation du marabout 18
d) Les marabouts de Darsalamy 19
e) La chefferie et la religion 20
I - 5. LA PLACE DE LA PAROLE DANS LA SOCIETE 21
I- 5- 1. La notion de parole 22
I- 5- 2. Les différents types de parole 23
a) La bonne parole : » Kôma díman
» 24
b) La belle parole : » Kôma
%úman» 24
c) La parole de vérité ou parole vraie : »
tíy[n kôma» 25
d) La parole sensée : » hákili
Kôma» 25
e) La »grande parole» : » Kôma
bá » 25
f) La parole ancienne ou la vieille parole : »
Kôma k<r] » 25
g) La parole de l'ancien : » Ti&m]g]ba
Kôma » 26
h) La parole d'enfant : » dénmis[n
Kôma » 26
i) La parole importante : » náfa Kôma
» 26
j) La mauvaise parole : » Kôma júgu
» 27
k) Le mensonge : » gálon
Kôma» 28
I- 5- 3. Le rôle de parole 28
I - 6. LES TEXTES ORAUX 30
I - 6 - 1. Le » tálen »
(=conte) 30
I - 6- 2 Le »kôma-k<r]
» (=ancienne parole ou vieille parole) 31
I - 6 - 3. Le »tálen-k<r]b]
» (= la devinette) 31
I - 6- 4. Le »Kóma
k<r]tig[» ou le proverbe 33
I - 6- 5. Le »d<nkiri» ou le
chant 34
a)- k<%] d<nkiri 35
I - 6- 6. Le »sinaguya » ou la
parenté à plaisanterie 37
118
I - 6- 7. Le »fóri » ou la salutation
37
CHAPITRE II : LES FORMULES DE SALUTATION 39
II -1. LA LANGUE CHEZ LES DIOULA 39
II-1-1 Les généralités sur les
systèmes de transcription. 40
II -1-2. La traduction 44
II - 2. LA NOTION DE SALUTATION 44
II-2-1- Définition de la salutation 45
II - 2 -2 Pourquoi se saluer 46
II-2-3 Les formules de salutation 49
a) Les formules selon le temps de la journée 49
a)-1 Le matin 49
a) - 2 A midi 55
a)- 3 Le soir 59
b) Les formules selon les événements 65
b)- 1 Quand un étranger arrive 65
b)- 2 Salutation de naissance/baptême 71
b)- 3 Salutation de mariage 74
b)- 4 Salutation de funérailles 79
b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski, nouvel an)
86
CHAPITRE III : LA LITTERATURE ET LES FORMULES DE
SALUTATION 94
III -1 LES ASPECTS LITTERAIRES DES FORMULES DE SALUTATION 94
III- 1- 1 Les éléments textuels 95
a) La longueur des formules 95
b) La place des mots dans les formules 96
c) Les métaphores 98
c)-1 La métaphore de la longévité dans
les salutations 98
c)-2 La notion de paix : »h&[r[» (= la paix)
98
d) Mots et réseau de sens 99
d)-1 Le mot » díyÐ » dans les souhaits
99
d)-2 Le mot »#úman » dans les salutations
100
III- 1-2 Les éléments sociologiques de la
salutation 101
a) La famille et la société au coeur des
salutations 101
b) Les activités et le temps dans la salutation 102
c) Les origines de la salutation 104
d) Le protocole 105
CONCLUSION 106
BIBLIOGRAPHIE 111
ANNEXE 116
TABLE DES MATIERES 117
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