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Approche ethnolinguistique des formules de salutation chez les Dioula de Darsalamy au Burkina Faso

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par Ignace SANGARE
Université de Ouagadougou Burkina Faso - Diplôme d'études approfondies option littérature orale 2008
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU

***************

UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN LETTRES, ARTS ET COMMUNICATION

**************

DEPARTEMENT DE LETTRES MODERNES

RAPPORT DE D.E.A.
Option : Littérature Orale

THEME :

Approche ethnolinguistique des

formules de salutation chez les

Dioula de Darsalamy

 
 

Présenté par : Sous la Direction de :

Ignace SANGARE Pr. Sié Alain KAM

Maître de Conférences

Année académique 2007-2008

II

DEDICACE

A

Mon père Louis Césaire K. SANGARE,

Ma mère Rosalie M. SANGARE,

Et

Ma Marraine Fatoumata DIENDERE,

Qui m'ont supporté et soutenu depuis mes premiers pas
universitaires.

Qu'ils en soient remerciés !

A

Mon oncle François Xavier SANGARE

Parti alors que je bouclais mes recherches.

Que Dieu t'accorde le repos éternel
Et qu'il t'accueille en son saint paradis.

Amen !

II

REMERCIEMENTS

Je ne me permettrai point d'ouvrir cette page de remerciements sans commencer par mon professeur directeur de mémoire Pr. Sié Alain KAM qui m'a encadré en partant de rien, éclairé, soutenu, suivi dans mes recherches universitaires.

Son sens de la pédagogie me sert d'exemple et régira désormais mes travaux intellectuels futurs.

Son caractère tendre et fort, son sourire rayonnant et franc me serviront de remontant dans mes moments difficiles. Qu'il trouve à travers ce mémoire qui est aussi sien l'expression de ma gratitude

A mes parents qui veillent sur mon épanouissement et m'entourent de beaucoup d'amour et d'affection depuis mon arrivée au monde.

A ma marraine Mme Fatoumata DIENDERE, pour ses conseils, son soutien et son intérêt manifeste à mes recherches ;

A nos enseignants de l'option littérature orale : Pr. Albert OUEDRAOGO, Dr Aimé Marc NEBIE, Dr Alain SANOU, pour m'avoir initié et accompagné dans la recherche scientifique.

Au chef du village de Darsalamy et ses notables qui m'ont accueilli dans leur village dans le cadre de mes recherches.

A mes soeurs et frères pour m'avoir soutenu dans mes études.

Aux camarades étudiants de l'option littérature orale pour l'esprit d'équipe ;

A tous ceux que je n'ai pas pu citer et qui sont nombreux ; Merci !

III

SIGLES ET ABREVIATIONS

> Acc : Accompli

> Aux. : Auxiliaire

> Inf. : Infinitif

> J.k. : Jùla de Kong

> J.v. : Jùla véhiculaire

> Nég. : Négation

> Plur. : Pluriel

> Poss. : Possessif

> Prép. : Préposition

> Prés. : Présent

> Pr. : Pronom

> Subj. : Subjonctif

1

INTRODUCTION

Les études en littérature orale constituent un moyen dynamique de découverte de nos sociétés africaines à tradition orale. C'est dans ce cadre que s'inscrit notre recherche. Elle porte sur les formules de salutation des Dioula1 de Darsalamy. En effet, Darsalamy est un village de Dioula, situé à une quinzaine de kilomètres de la ville de Bobo Dioulasso. Sa particularité réside dans le fait que le jùla qui y est parlé est celui de Kong2 en Côte d'Ivoire. En nous référant aux sources historiques, ce village est lié à l'ancien Royaume de Kong en Côte d'Ivoire.

Le village est essentiellement composé de Dioula et de quelques minorités ethniques dans la périphérie3.

Dans le cadre de notre étude, nous avons réalisé des séjours à Darsalamy et à Bobo Dioulasso pour le recueil des informations. Cela s'est étendu de décembre 2006 à mars 2007. Au cours de ces différents séjours, nous avons pu échanger avec des informateurs et recueillir des énoncés de salutations en usage dans ce village.

Ce travail de recueil de textes oraux a été rendu possible grâce à la collaboration du Chef du village de Darsalamy, des notables de la cour royale, de l'Imam du village et de la population. A l'aide d'un dictaphone, nous avons pu récolter les différentes situations de salutations dans cette communauté.

Ce travail ne s'est pas déroulé sans difficultés. En effet, les premiers jours ont été difficiles sur le plan de la communication et surtout au niveau des informations sur le village. Mais nous avons pu les surmonter durant les

1Nous emploierons le mot »Dioula» pour designer les hommes et »jùla» pour la langue.

2 Nous retrouvons dans la région de Bobo le jùla véhiculaire d'origine manding et le jùla de Kong parlé à Darsalamy et à Kongbougou.

3 On retrouve dans les environs du village du côté de la gare ferroviaire des bobos, des toussians, des borons et des forgerons.

2

séjours suivants qui nous ont permis de créer une certaine familiarité et grâce surtout aux conseils de nos interlocuteurs.

Cette étude se voudrait une approche ethnolinguistique des formules de salutation des Dioula de Darsalamy. Le choix d'un tel sujet est le fruit de notre ambition de mieux comprendre et connaître cette communauté Dioula de Darsalamy dans sa spécificité linguistique et ses manifestations sociales au nombre desquelles les salutations. En effet, nous avons constaté la ferme conviction religieuse musulmane de ce village que nous connaissons depuis notre enfance du fait de nos différentes visites avec le curé4 de la paroisse Saint Paul de Toussiana. Nous avons eu le désir de mieux connaître cette communauté, qui au coeur d'une région fortement dominée par le jùla véhiculaire, a pu conserver sa langue d'origine. Par ailleurs, nous avons été stimulé par le jùla de Kong que nous entendions parler par les femmes commerçantes à Toussiana.

Comment cette communauté se perçoit-elle à travers les salutations ? Voilà un phénomène curieux sur lequel il nous parut convenable de nous intéresser.

Les salutations ont en effet une grande importance dans nos sociétés africaines à tradition orale. A travers elles se dégagent une fonction première qu'est l'expression de la santé. A côté de celle-là, elles constituent une marque de politesse, du respect, de considération envers autrui. Mais elles vont au-delà de toutes ces considérations. Et Sié Alain KAM, parlant de leurs fonctions dit ceci : « elles ne se limitent pas au bonjour - bonsoir. Comptent aussi comme salutations les paroles de remerciements à la suite de bienfaits, de souhaits, de voeux, de félicitations et de bénédictions formulées à différentes occasions (fêtes, réussites, accueils, au- revoir, adieux...), les mots de compassion adressés à un malade, les condoléances faites à une famille endeuillée. »5

4 Le Révérend feu Père Jean Marie CHARLEMAGNE que j'accompagnais pour les messes dans ce village.

5 Sié Alain KAM , Nouvelle approche sur les catégories principales de la littérature orale africaine : définition, caractéristiques et catégories principales des textes oraux, Université de Ouagadougou, année 2005 - 2006, p. 44.

3

La salutation est un ensemble d'informations sociales que les hommes échangent par le biais de la langue qu'ils ont en partage. En cela, il convient de se demander ce que signifie véritablement une salutation. Quel est le but d'une salutation ? Comment se pressente t-elle ? En quoi une salutation peut-elle être considérée comme de la littérature ?

Il serait intéressant de souligner des considérations terminologiques. Quand nous parlerons de jùla de Darsalamy, il s'agit du jùla de Kong (j.k.). Les populations de Darsalamy sont originaires de Kong. A la différence de ce jùla de Kong (j.k.), nous avons le jùla véhiculaire (j.v.) qui est celui du manding, parlé dans la plupart des villages de la région du Sud-ouest du Burkina Faso et en Afrique de l'Ouest. Ce jùla de Kong est parlé à Darsalamy et Kongbougou. Notons que ces derniers ont subi l'influence du »bobo»6 et du jùla véhiculaire. Notre recherche s'est donc focalisée sur Darsalamy.

De plus, on rencontre différentes sortes d'écritures sur le mot jùla. En ce qui nous concerne, nous adoptons le mot »jùla » pour parler de la langue parlée et »Dioula» pour identifier les individus qui parlent cette langue et l'adjectif qualificatif.

Au cours de notre analyse, nous présenterons tout d'abord notre espace d'étude à savoir Darsalamy à travers les considérations historiques, sa population et ses activités, son organisation, la place de la parole dans cette communauté et les textes oraux qu'on y trouve. Ensuite, nous aborderons les formules de salutations. A ce niveau, nous aurons les considérations linguistiques sur la langue, la transcription, la traduction et les formules suivies de commentaires. Enfin nous montrerons la littérarité des formules de salutation.

6 Ici il s'agit de la langue bobo.

4

CHAPITRE I : PRESENTATION DU TERRAIN

Dans ce premier chapitre nous présenterons le village de Darsalamy à travers son origine, ses habitants et leurs activités. Ensuite, nous parlerons de l'islam et son impact sur cette population fortement islamisée. Enfin, nous aurons la place de la parole chez ces Dioula et les textes oraux qu'on y trouve.

I - 1. Origine des Dioula de Darsalamy

On ne saurait évoquer l'origine de Darsalamy sans passer par celle des Dioula originaires de Kong, qui en sont les fondateurs. Tout est parti en effet de la chute du Royaume de Kong vers la fin du 14ème siècle. Ce qui a causé la dispersion des Dioula. Certains parmi eux, à savoir les Cissé, Kamara, Coulibaly, Traoré seraient arrivés à Kong où avaient été déjà présents les Wattara, Dao, Barho, Touré venus de Djenné.

A la suite de la destruction de Kong par Samory en 1898, l'exode Dioula se dirige vers Bobo, centre à partir duquel ils vont fonder plusieurs villages dont Darsalamy. Que dire de ce village?

Au 19è siècle, l'aristocratie guerrière des Sanou prend de l'ampleur sur tous les plans de la vie. Après avoir résisté aux assaillants venus à l'appel des Wattara pour attaquer la garnison de Dioulassoba7, les Sanou entendent désormais affirmer leur volonté hégémoniste dans la ville. Il y avait de multiples rivalités sur le plan économique et la ville devient le théâtre de luttes d'influence. On imagine alors les conséquences sur la vie religieuse. En effet, les Sanou, bien que politiquement orientés vers Kong, se montrèrent de plus en

7 Dioulassoba est un quartier de Bobo Dioulasso où vivent les bobo et leur chef de canton.

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plus méfiants vis-à-vis des »káram]g]-jùla» (=dioula musulman ) qu'ils soupçonnent être de connivence avec les Wattara.

Ainsi affichent-ils une ouverture de plus en plus grande au »káram]g] - marka» qui devient l'élément fort de leur entourage dominé par les marabouts. Cette attitude n'est pas sans offusquer les Dioula ; ne pouvant plus compter sur les Wattara affaiblis, ceux-ci s'organisent autour des »Saganogho»8 pour former un parti musulman. S'ils ne sont pas tout à fait en rupture avec les aristocraties guerrières de la ville, ils avaient une situation qui les prédisposait aux prescriptions politico-religieuses d'Al Hajj Umar selon lesquelles les musulmans doivent s'abstenir de la collaboration avec les chefs païens. Entre le combat contre le paganisme préconisé par Umar - ce conquérant dont la crainte constitue une véritable hantise - et la volonté des Dioula de s'assurer une position commerciale forte dans cette région, la création d'un »Dar-al-salam»9 était l'alternative du salut. C'est ainsi qu'après bien de péripéties, les Dioula, sous la conduite de Karamokho Saraba Saganogho, viennent fonder le village actuel de Darsalamy avec la bienveillante protection des chefs Tiéfo de Noumoudaga10. Certes ces derniers ne sont pas plus musulmans que les chefs Wattara ou Sanou, mais pour les Dioula, les relations avec eux sont moins compromettantes qu'ils peuvent entretenir à cette période : l'aristocratie guerrière Tiéfo n'habite pas dans la même localité qu'eux.

Il était difficile pour les Dioula d'obéir rigoureusement aux prescriptions religieuses d'Umar. Le commerce dont ils vivaient ne pouvait s'effectuer sans les relations avec les païens, leur clientèle. De même, ils ne pouvaient se séparer des chefs, leurs protecteurs. Mais en cette circonstance, ils avaient pu

8 Les Saganogho ou Sanogo sont les détenteurs du pouvoir religieux, c'est-à-dire l'islam. L'imam est issu de cette famille.

9 »Dar-es-salam» signifie en arabe, `'ceux qui sont sauvés». C'est cette appellation qui a donné Darsalamy que nous connaissons aujourd'hui.

10 Noumoudaga écrit aussi Noumoudara est le village des Tiéfo qui travaillaient le fer, un village situé à une dizaine de Kms de Darsalamy en allant vers Banfora.

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trouver une solution de compromis. Darsalamy est donc l'expression de ce compromis et signifierait selon leur interprétation « nous avons échappé aux bambara » ou « ils sont sauvés ». Pour ainsi dire, eux qui sont là sont sauvés ; ils se réfèrent au coran à cet effet. Cette appellation sous-entend qu'il n'y a pas de méchants, c'est-à-dire le lieu de la solidarité et du partage comme nous l'a signifié l'Imam du village de Darsalamy.

I - 2. Organisation sociale et familiale à Darsalamy

Chez les Dioula de Darsalamy, on observe deux types d'organisation que sont : l'organisation sociale et l'organisation familiale.

I - 2 - 1. L'organisation sociale

L'organisation sociale des Dioula est faite en fonction des familles. Ce sont des familles originaires de Kong : Barho11, Traoré, Touré, Cissé, Magan, Coulibaly, Saganogho, Djané, Sérissouma (Cessouma), Diabatè, Tanou, Konatè, Seriba, Dagnogon, Bamba, Dembelé, Diaby, Wattara.

Darsalamy repose sur deux organisations essentielles, deux grands ensembles qui ont en charge l'organisation sociale du village. Nous avons d'une part la famille royale, les Barro (Barho) avec le chef, et d'autre part, la famille de l'Imam que sont les Sanogo. Cette organisation sociale se fonde sur deux pouvoirs : le pouvoir traditionnel et le pouvoir religieux. En effet, comme les Sanogo sont détenteurs du pouvoir religieux (islam) coranique, ils ne pouvaient pas assurer la chefferie royale qui nécessite des sacrifices aux ancêtres. Ils ont donc pris les Barro qui étaient les chefs coutumiers à Kong pour assurer la chefferie royale à Darsalamy. Ce sont donc ces deux instances qui assurent l'harmonie du village.

11 »Barho» est devenu »Barro» ou »Baro», mais c'est le même nom.

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Les problèmes d'ordre coutumier sont résolus chez le chef du village et les préoccupations religieuses chez l'Imam. Lors de notre séjour dans le village, nous avons été d'abord accueilli chez le chef et ensuite conduit chez l'Imam pour saluer et lui faire part de l'objet de notre visite. Un étranger qui arrive dans ce village doit passer dans la cour royale et ensuite chez le chef religieux avant d'entreprendre quoi que ce soit.

Nous avons assisté à des sacrifices (»sáraka ») qui ont lieu à la mosquée. Ce fut le premier jour de notre visite dans le village. Il s'agit de l'accueil d'un étranger ou d'un membre du village qui s'est absenté pendant longtemps. On le conduit à la mosquée pour faire des prières et bénédictions et prendre les offrandes qu'il apporte.

Un fait marquant est qu'il n'y a pas une organisation administrative à Darsalamy. Cela s'explique du fait que ce village relève de la commune de Konsa de la ville de Bobo Dioulasso. Pour tout besoin administratif, les populations se dirigent vers Bobo d'où ils sont partis.

I - 2 - 2 L'organisation familiale

Sur le plan familial, on parle de »guá» (= le »foyer», la »famille»). Chez les Dioula, chaque famille a un patronyme (Barro, Sanogo, etc.). Ce sont ces noms que l'on évoque pour dire l'appartenance à un groupe social donné. Au-delà donc du patronyme, »Jámu», qui marque le groupe social, nous avons le

»guá» qui est la cellule familiale.

Quand on parle de »guá », on se réfère à la femme, car c'est elle qui veille sur le foyer à travers l'éducation des enfants, la cuisine. Mais chez les Dioula,

8

la société n'a pas accepté mettre la femme au premier plan en dépit de cette considération. Les vieux ont longtemps été réticents à cela. Pour eux, la femme doit rester au »guá» (= foyer), soumise à son mari. De ce fait, elle n'avait pas droit à l'école coranique qui était un cadre d'éducation formelle et d'acquisition de la sagesse et de maturité. De nos jours, cette pratique a positivement changé. On retrouve les filles à l'école moderne et même dans les écoles coraniques. Mais la femme demeure la responsable du foyer et doit observer un respect pour son mari.

Dans chaque famille, particulièrement chez les Barro, il y a un vieux (=»kí[m]g]ba») qui est forcément le descendant des aïeuls. Relevant du côté paternel, il est l'aîné de la famille. Personne âgée et pétrie de sagesse, il est le pilier ou le patriarche de la famille ; il est la référence vivante de la famille, le grenier de la famille en ce sens qu'il a les sources d'information de la famille.

A côté de ce vieux, nous avons une vieille femme »sótigi » (propriétaire de la maison). Elle est le plus souvent la femme du vieux ou un des parents de la famille d'un certain âge. Ces deux constituent le fondement de la famille malgré leurs âges avancés.

Quand on dit »guá», c'est le »foyer», c'est la »famille», c'est la »femme ». Dans ce sens, la femme devrait avoir une place de choix, cependant, elle est reléguée au second plan et a obligation de soumission et respect à l'homme.

La famille chez les Dioula a une connotation assez forte. Elle est le lieu de la formation et de la cohésion sociale, l'expression de la fraternité et de la solidarité. C'est ce qui soutient le fait qu'on mange toujours ensemble en famille et c'est aussi ce qui explique la raison de se laver les mains ensemble avant le repas : si on se lave les mains, on garde les liens de solidarité et de fraternité. Cela signifie également qu'on se reconnaît frère et qu'on s'accepte.

9

Toute décision se prend en famille. Par exemple, le mariage est une question de famille. Et la famille est l'unité de base de la société, d'où le caractère collectif et communautaire du mariage. Un tel fonctionnement maintient la cohésion entre les membres de la famille et partant, la société entière.

I - 3. Les activités

Les Dioula sont considérés comme un peuple marchand ; ils sont à l'origine de certaines activités socioéconomiques qu'ils ont développées dans leur environnement. Au nombre de celles-ci nous pouvons retenir : le commerce, l'agriculture, le métier de tisserand12, la consultation du marabout13 et la pratique de l'islam. La religion musulmane a été un facteur déterminant dans le développement socioéconomique des Dioula pour qui Dieu est au coeur de toute entreprise.

I- 3 - 1. Le commerce

Le commerce constitue l'activité principale des Dioula En effet, ce sont eux qui ont développé l'activité commerciale en Afrique de l'Ouest. Ils étaient à la croisée des grands axes routiers appelés routes commerciales de l'Afrique de l'Ouest, partant de la Côte d'Ivoire au Ghana en passant par le Mali. Sur le plan commercial, il existait des échanges entre autres les produits, la vente de kola (= wóro), les tissus, le sel (= k<g]), du poisson séché (=»j&g[ wála ») etc. C'est la création de ce carrefour commercial qui a fait de Bobo- Dioulasso la capitale économique de la Haute Volta14. Ces échanges commerciaux

12 Le métier de tisserand est une pratique qui consiste à fabriquer les pagnes à partir de la cotonnade. On retrouve des gens qui font les fils et d'autres assurent le tissage de ces fils en pagne.

13 La consultation du marabout consiste à aller vers un »homme de science» pour demander bénédiction et force pour réussir ou réaliser quelque chose.

14 Actuel Burkina Faso

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favorisaient également des échanges d'idées et créaient une sorte de transmission de culture et de civilisation.

Ce carrefour a permis des échanges économiques et culturels et a créé une certaine unité autour du concept »dioula ». C'est cette activité qui a donné lieu à l'appartenance à ce groupe ethnique que constituent les Dioula. Ils parcourraient toute la semaine les marchés des différents villages (Péni, Toussiana, Bérégadougou, Tagalédougou, Bobo...) pour écouler leurs produits. Ce sont eux qui détenaient les boutiques dans ces villages et dans les marchés.

Les femmes qui vendaient au marché ou dans les villages étaient appelées »júla múso» (=»femme dioula»), pour traduire l'activité commerciale de celles-ci. L'idée du développement du secteur du commerce par les dioula a été attestée par BARRO Tiémogo Mignougou en ces termes : « c'est nous les Dioula qui avons apporté le commerce »sáfariya» chez les Bobo, les Tiéfo et partout ici. Donc tous ceux qui pratiquent le commerce sont des dioula »15. Cette activité commerciale a eu donc le nom de »sáfariya» (=commerce) reconnu de tous les Dioula.

Si nous nous intéressons à la situation géographique même de Darsalamy, ce village, comme bien d'autres villages dioula, s'est érigé autour d'un grand axe routier de Bobo - Abidjan (Côte d'Ivoire). Au cours de nos séjours, les entretiens aidant, nous avons constaté que c'est à cause du commerce que le village s'est installé en amont et en aval du goudron. Juste au bord de la route, se dresse le marché pour faciliter son accès à tout passant. De plus, nous nous sommes intéressé à la gare ferroviaire qui traverse également Darsalamy. De nos informateurs, il ressort que les Dioula ont très peu exploité le train ; ils étaient distants de la gare ferroviaire et pour certains, ils étaient plus proches

15 Propos recueillis auprès de Barro Tiémogo Mignougou, notable à la cour royale, lors de l'entretien du 4 janvier 2007 à Darsalamy.

11

du goudron et à tout moment il y avait le commerce du fait du passage des voitures à la différence du train qui ne passait pas tous les jours.

Mais au-delà de cet avis, on pourrait explorer l'hypothèse de l'école moderne. En effet, ceux qui travaillaient au chemin de fer étaient avec des blancs qui parlaient français16 et n'étaient pas des musulmans. Comme Darsalamy a été longtemps réticent à la pénétration de l'école française et pieu pratiquant de l'islam, il était difficile de collaborer avec ceux-ci. Et même on a entendu dire souvent »túbab machine» (= machine du blanc) pour designer le train, cette machine que le blanc a inventée. Cela peut être considéré comme une raison qui marque le désintéressement des Dioula de Darsalamy au train.

A côté de ce commerce comme activité principale, les Dioula de Darsalamy ont développé d'autres activités secondaires. Il s'agit de l'agriculture, de métier de tisserand. En effet, Darsalamy était un centre important où l'activité du tisseur a été développée.

De nos jours certaines familles perpétuent ces activités aux abords du goudron non loin du marché17. Ils font le fil et le tissage. Pendant longtemps ils ont produit des pagnes qu'on appelle »túntun » (= pagne fait de fil de coton à coloration multiple).

En outre, avec le temps, les Dioula ont développé l'agriculture. Ils cultivaient entre autre le maïs, le petit mil, le bissap18. Mais il faut noter que ces cultures étaient pratiquées sur de petites superficies. De nos jours ce sont de grandes superficies cultivables surtout avec la famille royale19.

16 Le français ou d'autres langues européennes.

17 De passage à Darsalamy, on peut apercevoir ces tisserands sur la rive gauche du goudron en allant à Banfora sous des manguiers.

18 Selon nos informateurs, la culture du bissap est partie de Darsalamy pour se rependre dans les autres villages par l'action du commerce.

19 Beaucoup de familles s'adonnent à l'agriculture. En exemple, le chef du village est lui-même un brave cultivateur. Son champ est à 17km du village comme bien d'autres foyers.

12

D'autres ont développé la mécanique au profit des voitures et motos des commerçants qui animaient les marchés. Ils avaient des voitures de transport en commun qui faisaient le tour des différents marchés20, des vélos et des motocyclettes. Selon les informations que nous avons reçues, les premières voitures de transport en commun entre les marchés ont été acquises par les Dioula de Darsalamy, qui en avaient l'habitude à Kong. Ce sont là des activités dites économiques qui accompagnent le commerce.

I-3-2- La consultation du marabout

Une activité pratiquée à Darsalamy est la consultation du marabout. Elle est une pratique se réclamant de l'islam. Elle se fonde sur l'éducation coranique (maîtres, marabouts..).

En effet, en plus du commerce et des activités sus-citées, il convient de relever la pratique de consultation. Les Dioula ont apporté l'islam dans les zones qu'ils ont explorées. Ce sont eux qui ont apporté la lumière de la religion musulmane, comme nous l'ont signifié nos informateurs. Cette idée d'expansion de l'islam par les dioula est soulignée par Marc A. NEBIE quand il explique le rôle des courtiers de la foi : « ils ont permis à beaucoup d'ethnies d'incorporer à leur usage l'islam, ce qui nous a donné une nouvelle forme d'appellation qui rattache le mot dioula à l'ethnie...ce qui voudrait donc assimiler l'islam et le jùla »21 .

Darsalamy est une concentration islamique. Lors de nos enquêtes, nous avons pu constater que tout au long du goudron, il n'y a que des musulmans. Le village n'est habité que par les Dioula. Les autres confessions religieuses se

20 Ces voitures de commerce qui transportaient les commerçants étaient les Peugeot 504 avec les bâches qu'on appelait » Peugeot baché».

21 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, P8.

13

trouvent à une dizaine de kilomètres du goudron (protestants, catholiques, animistes). Les notables nous ont révélé que le village de Darsalamy a été créé par les Dioula et pour les Dioula. Et qu'un vrai Dioula est musulman ; s'il ne pratique pas, ce n'est pas un vrai Dioula : il ne peut donc pas rester avec les pratiquants.

Par le biais de la religion, ils ont créé l'école coranique sous la direction des maîtres, souvent maîtres/marabouts. Les familles dioula telles les Barro, Touré, Coulibaly se sont installées avec leur »káram]g]» (=lettrés musulmans). Ces marabouts qui avaient du prestige aux yeux des populations animistes furent installés à Darsalamy comme dans bien d'autres villages animistes. Ils jouent le rôle de négociateurs ou de conciliateurs entre les familles, la population et les chefs.

Ces marabouts étaient de véritables maîtres qui avaient la responsabilité de l'éducation et l'instruction des enfants en âge d'aller à l'école. Darsalamy était réputé pour ces pratiques de consultation et était devenu point de convergence pour ceux qui cherchaient bonheur et prospérité. Ces pratiques rapportaient aux maîtres marabouts des devises.

A côté donc de l'activité commerciale, nous avons ces hommes de science qui prédisaient l'avenir, protégeaient et proféraient des bénédictions aux populations.

Il faut noter enfin que les jeunes de Darsalamy sont restés fortement attachés à ces pratiques de consultation. Pour certains, la plupart, disons, le recours à ces hommes de science était indispensable. Car, disent- ils : « ce sont leurs bénédictions qui font réussir. Que ce soit un voyage, le mariage, le commerce, on a recours à ces marabouts. Pour réussir, il faut se confier à ces marabouts ».

14

I - 4. L'islam et les Dioula

Le Burkina Faso (Haute-Volta) n'ayant pas abrité de grands empires musulmans ni de grandes confréries musulmanes, n'était pas considéré comme une terre d'islam. Les recherches menées par les historiens ont permis de remettre en cause cette image qui faisait surtout du pays mossi un bloc hermétiquement fermé à l'islam. La plus grande partie des populations du Burkina est entrée en contact avec l'islam au 15ème et au 16ème siècle. Qu'en est-il donc de l'implantation de l'islam et de son impact sur les Dioula ? Loin d'un travail d'historien, nous allons rappeler quelques temps forts de ce courant d'islamisation.

I - 4-1 L'implantation de l'islam

Selon les sources historiques, nous pouvons retenir trois phases dans l'implantation de l'islam au Burkina :

- au 15ème et au 16ème siècle, c'est le début de l'implantation avec l'arrivée des familles maraboutiques au Liptako.

A fin du 17è siècle, l'islam est de plus en plus présent au Burkina.

- La fin du 19è siècle est une période de forte implantation ou période d'islamisation passive car ce siècle a connu une effervescence religieuse en Afrique de l'ouest avec le Cheick Amadou du Macina, Ousmane Dan Fodio et El Hadji Oumar TALL.

Dans le processus d'islamisation, on distingue trois grandes régions : le Nord ou Liptako avec les peulhs, le centre ou le pays moaga et l'Ouest. L'islam a pénétré dans l'ouest du Burkina d'abord par les axes commerciaux car cette région était une zone de transition entre le Sahel au Nord et les pays forestiers du Sud.

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Les pistes qui partaient de ces centres commerciaux véhiculaient les marchandises et l'islam pendant la période précoloniale. Selon les populations dioula de Darsalamy, les premiers musulmans sont venus du Nord, mais l'introduction de l'islam à partir du sud- c'est-à-dire du Ghana et de la Cote d'Ivoire- n'est pas à exclure. En effet, il existait un axe commercial reliant Koumassi (Ghana actuel) à Djénné en passant par Boromo. Les villes de Boromo et Safané ont été des étapes ou des centres secondaires de collecte de l'or. A partir de Bobo Dioulasso, des routes passant par Kong arrivaient au pays Agni et Safaga d'où provenait la cola. Ces commerçants musulmans arrivés à partir du 16è siècle, ont introduit l'islam chez les populations d'agriculteurs »animistes».

Entre le 16ème siècle et le 18ème siècle, des groupes de commerçants musulmans introduisirent l'islam dans l'ouest du Burkina. Ces groupes sont, pour la plupart, venus des rives du fleuve Niger, une zone à ancienne tradition islamique. D'autres comme les »dagari-dioula» ou »Wala » sont venus du Sud (Ghana actuel). Les commerçants ont introduit l'islam dans l'ouest mais l'enracinement de la religion est venu des »lettrés musulmans», »des hommes de religions» et des marabouts qui ont bénéficié de conditions favorables grâce au soutien de certains princes. Après sa pénétration, l'islam a connu une évolution dans cette partie du pays.

Au 18ème siècle, l'islam avait pris de l'ampleur dans l'ouest du Burkina. Cependant, au 19ème siècle, il y eut quelques conflits et tensions entre musulmans et animistes dans ces régions. Vers les années 1870, la tension semble assez forte entre les musulmans et les non musulmans dans la ville de Bobo Julaso22.

22 Ici Bobo Julaso signifie littéralement la maison des bobo dioula. On écrit également » Bobo dioulasso» même chose

16

Des dioula quittèrent alors la ville et fondèrent le village de Darsalamy. Là ont été ouvertes les premières écoles coraniques par les Saghanogho qui étaient des fanatiques de l'islam.

I - 4 - 2. L'impact de l'islam sur les Dioula

Les Dioula, considérés comme des courtiers de la foi, ont répandu l'islam à l'Ouest du Burkina Faso et plus particulièrement dans la région de Bobo. La société dioula repose sur des principes de l'islam. Leurs valeurs culturelles s'inspirent également de cette religion. De ce fait donc la vie du dioula est régie par l'islam. Cela se manifeste à tous les niveaux de la vie quotidienne. Mais comment le percevons-nous?

Cette influence est perceptible sur les différents moments de la journée, les jours de fêtes, le culte du vendredi, le maraboutage, la maîtrise du coran et même du mot `'dioula».

a) Les moments de la prière

»Chaque jour est un jour de Dieu» dit-on. La vie de tous les jours doit être consacrée à Dieu qui nous l'a donnée. En effet, pour les Dioula, la journée correspond au lever du soleil et à son coucher. Entre ces deux moments, nous avons les différentes prières qui ponctuent les activités quotidiennes. En tant que l'un des piliers de l'islam, ces prières constituent le repère temporel du musulman. Au nombre de celles-ci,23 nous avons :

- La prière de l'aube : »fájari », à 5h00

- La prière de l'après midi : » sérifan », à 13h30

- Celle du soir : » lánsara », à 15h30

23 Ce sont des prières que nous ont présentées nos informateurs lors de nos enquêtes. Nous ne nous y attardons pas pour le simple fait qu'il pourrait constituer un autre sujet à débat.

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- Celle de la nuit : » ságaf] », à 18h et 19h00

Ce sont ces temps forts qui orientent la vie du dioula et donnent la notion du temps. Marc A. NEBIE, en mettant en relief la notion tu temps chez les Dioula, dit ceci : « Et c'est par rapport à cette prière que le conteur situe le départ précipité du marchand du village. Ainsi dans cette société où l'usage de la montre est plus que limité, c'est devenu une pratique commune de se repérer par rapport au moment des prières. Pour signifier qu'une réunion se tiendra vers 20h30, on dira qu'elle aura lieu après la prière du / ságaf] / ».

Donc la matérialisation du temps découlerait de la conviction religieuse à travers les prières. C'est une emprise de l'islam. Mais de nos jours, on ne saurait se contenter de ces heures de prière au regard du développement technologique avec l'accès aux montres. C'est donc une pratique ancienne. Les prières se déroulent en fonction de l'heure de montre et non par rapport au soleil. Et pour beaucoup de nos informateurs, la montre est bien parce qu'elle donne l'heure à tous et elle permet de se réunir au-delà des préoccupations.

b) Le culte du vendredi

Nous pouvons également évoquer le culte du vendredi. En effet, chez les Dioula comme chez les arabes, le vendredi équivaut au dimanche, jour de prière et de repos. Tout bon musulman, disons tout bon dioula, doit accomplir ce culte. A défaut de surseoir aux activités, on observe les heures de prières. Ce jour, chaque musulman fait l'effort pour se rendre à la mosquée pour prier et avoir des bénédictions. En principe on ne va ni au champ ni au marché le vendredi. Les boutiques restent fermées de 13h à 16h, c'est-à-dire jusqu'après la prière du » lánsara ».

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Les fêtes chez les dioulas correspondent aux fêtes musulmanes. Ce sont : la tabaski, le ramadan, le mouloud. Cette relation fait que celles-ci sont appelées '' júla séri » (= fête Dioula) ou (=fête musulmane).

c) La consultation du marabout

L'impact de l'islam sur les Dioula est perceptible à travers la consultation des marabouts.

Les consultations ont une place importante dans la vie du Dioula. En effet, ces pratiques sont assurées par des marabouts ou les imams qui sont souvent considérés comme des érudits. Ils ont une certaine maîtrise des versets du coran. Ce sont des personnes influentes à qui on a le plus souvent recours dans la société. Ils ont la charge du culte et constituent une figure emblématique pour le peuple. Pour le succès de toute activité, pour des malheurs, des prémonitions, on consulte les marabouts. Ils sont considérés comme des hommes de science ; des hommes de pouvoir qui s'inspirent du coran24. Ils sont identifiables par leur boubou blanc, talisman et chapelet à la main et par leur bonnet. Ce qui fait d'eux le regard de Dieu dans la société.

Nous retrouvons des imams qui consultent. Mais à la différence d'avec un véritable imam, chef spirituel du village et garant de la religion, le marabout est un homme de science et de savoir (» l<ni »). Grâce à ses savoirs, il devient le pont entre Dieu et les hommes. Il se présente alors comme tenant du pouvoir surnaturel. Et les consultations sont faites en contrepartie de l'argent. Cette pratique fut assimilée à l'islam. Le marabout exploite la magie pour atteindre son but alors que ces pratiques sont attribuées à l'animisme. On se demande alors où se situe la différence entre les pratiques du marabout et l'animisme ? Il y a donc un paradoxe du fait que l'islam s'oppose à

24 Le coran est un livre saint de l'islam, pétri de sagesse.

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l'animisme, mais dans la pratique, ce sont les mêmes sphères qu'on retrouve (prédire l'avenir, protection contre l'ennemi...). De plus le marabout fabrique des talismans »s&b[». Cette pratique du marabout que nous avons constatée se trouve présentée par Marc NEBIE quant il décrit le talisman : « ce sont des amulettes faites de signes cabalistiques à base de caractères arabes ou de versets coraniques simplement recopiés ; cousus dans un petit morceau de cuir. Ces amulettes sont portées au cou, aux bras, autour des reins, dans les tresses pour les femmes ou mises dans la poche... C'est encore le marabout qui prépare une espèce d'eau lustrale appelée / nási / qui est sensée avoir les mêmes vertus bienfaisantes que les amulettes. Cette eau dont on s'oint le corps ou qu'on boit additionnée selon le cas de miel est obtenue à partir du caractère tracée sur une amulette / wálaka / qui est ensuite lavée. »25 .

A partir de ces pratiques, que ce soit avec les talismans, les incantations, les prières, le marabout trouve les solutions aux préoccupations qui lui sont présentées par ses patients. Pour les Dioula, il est, et selon Marc NEBIE, `'au-delà des performances» et se présente comme le médecin du corps et de l'âme.

d) Les marabouts de Darsalamy

Darsalamy, lieu de paix et du salut a eu une grande renommée à cause de ses marabouts. Ces hommes de savoirs et de pouvoirs ont brillé par les actes qu'ils ont accomplis pour les populations. En effet, ils étaient aptes à rendre la richesse grâce aux pactes ou alliances tissées avec le diable. Selon les résultats de nos enquêtes, des gens obtenaient de la richesse en contrepartie de la vie des êtres chers (enfants) qui étaient sacrifiés. Ce sont des sacrifices qui sont faits au prix de la vie humaine. Ces pratiques `'diaboliques» sont élucidées par Marc A. NEBIE : « l'impétrant à la fortune apporte un poulet noir au

25 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p 282-283.

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marabout, ce dernier, après avoir fait le ''nécessaire'', lâche le poulet qui se dirige aussitôt dans le feu, signe évident de la réussite de l'opération mais image vivante et saisissante de ce qui attend le futur riche le jour du jugement dernier. C'est l'échange de son âme contre l'argent, contre les biens terrestres. »26 .

De telles pratiques occultes se retrouvent dans l'animisme. L'islam considère le plus souvent qu'il y a un pacte avec le diable qui détermine le succès ; ce qui rend cette pratique impure. Les Dioula se réclament de l'islam et pour cela ils ont quitté Bobo pour ne pas vivre en symbiose avec les animistes. C'est là donc la contradiction avec la réalité de l'islam qui se veut la religion de la pureté et de la sainteté. Doit-on placer ces pratiques dans les principes de l'islam ? La question reste ouverte. Pour notre part, cette pratique s'inscrirait dans des pratiques déviantes de l'islam liées aux marabouts. Mais de l'avis de certains vieux du village, ces pratiques sont normales et elles existent partout même chez les arabes d'où ils ont pris l'islam.

e) La chefferie et la religion

A Darsalamy, il y a la chefferie traditionnelle (famille royale) et la chefferie religieuse (l'imam). Ces deux chefferies sont toutes musulmanes. Dans les pratiques apparaissent des déviations qu'ils appellent complémentaires car pour eux, c'est Dieu qui donne ces forces. C'est un héritage des arabes qui ont inventé l'islam. C'est cette influence arabe qui est le plus souvent mystique et mythique de l'islam des peuples qui ont accueilli la religion musulmane sans beaucoup de critique. On peut constater que même dans la pratique occulte, la société reconnaît deux types de marabouts : celui qui oeuvre pour le bien, et l'autre qui pose des actions diaboliques et cause du mal. L'un ou l'autre sont de toute façon des marabouts car ils sont souvent considérés bons du fait de

26 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p 284.

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leurs actions bénéfiques pour la survie de la communauté. Ils sont perçus mauvais dans la mesure où ils prétendent prédire l'avenir, les catastrophes et leur capacité à nuire à la société.

La controverse en rapport avec l'islam cause souvent des prises de positions dans la société et cette réaction. Ces marabouts sont souvent insupportables. On ne trouve pas toujours en eux des sentiments religieux dans leurs pratiques mais plutôt la recherche du gain, de l'économie. Une forme de subversion de la société qui les rend `'faux dévots» au lieu d'hommes de Dieu.

Il ressort donc de la vision nouvelle - disons révolutionnaire- qui voudrait faire la part des choses entre l'homme de Dieu et l'homme de sciences, qui à travers ces pratiques, cherche son pain quotidien. De nos jours, la célébrité des marabouts existe, mais elle n'a plus son ampleur d'antan. Tout compte fait, ces pratiques doivent être élucidées vis à vis de l'islam et de l'animisme.

I - 5. La place de la parole dans la société

La parole a une place importante chez les Dioula de Darsalamy. Elle est le moyen privilégié d'expression. On la retrouve dans les salutations. Elle est, selon une certaine organisation, une succession de mots porteurs de sens ou de message.

Il convient ici de voir la place qu'occupe la parole dans la société dioula de Darsalamy. Quels sont ses perceptions et ses attributs dans cette communauté ?

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I- 5- 1. La notion de parole

La parole est un moyen de communication et d'expression des peuples à civilisation orale. Chez les dioulas de Darsalamy27, elle est désignée par

'' kóma ». C'est le signe qui fait de l'homme un humain à la différence de

l'animal qui émet un cri » kúlo » (qui signifie »crier», »pleurer» ou »pousser un cri»). C'est l'expression d'un langage informe qui rejoint celui du bébé selon Marc A. NEBIE28. De là ressort donc la valeur de la parole et le fait qu'elle soit l'apanage de l'homme seul. Elle est et demeure un langage formel et codé propre aux humains.

A partir du mot » kóma » (= »parole»), se dégage la notion de salutation. On aura » f6ri », qui est un verbe qui signifie »dire», »ce qui est dit». Il se décompose en : » f6 » (» dire») et » -ri » (suffixe marquant l'action) ;

'' f6ri » signifie donc »la parole dite». En cela également et dans la même lancée que Marc A. NEBIE, nous pouvons faire cette association de

'' kóma » et de » f6ri '' :

'' Ká kóma f6 » (=Inf./parole/dire) : dire la parole, parler de choses

précises.

Certaines illustrations faites par Marc A. NEBIE nous donnent ceci : '' kóma f6ri » (= parole/ dire) : le fait, la manière de dire la parole.

Mais » f6 » traduit également le jeu d'un instrument de musique et » f6ri '' l'art de jouer. On aura par exemple :

'' a bé balan f6 » (= il/prés./balafon/dire) : » il joue au balafon»

On dit aussi : »ká d6nkiri f6 » (=inf./chant/dire): »dire un chant, chanter», à côté de » ká d6nkiri la » (=»poser un chant, chanter»)

27 Il s'agit des Dioula originaires de Kong.

28 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p.61.

23

De là, on retrouve des termes synonymes '' la '' (=poser) et '' f< '' (=dire dans le cadre du chant).

La parole chez les Dioula de Darsalamy est un véritable moyen de communication et d'échange. Elle appartient à toute la communauté pourvu qu'on sache s'en servir et l'utiliser à bon escient. A cet effet, nous avons l'existence de plusieurs catégories de paroles liées ou non aux différents modes de délivrance et à leurs contenus.

I- 5- 2. Les différents types de parole

Issue d'une langue, la parole dans son ensemble, se désigne par l'ensemble de mots et leur sens dans une forme matérielle donnée (la matière sonore des mots, le signifiant), à qui est associée une signification déterminée (le signifié). Chaque mot prononcé ou écrit, chaque énoncé, chaque texte aurait donc un sens, celui que fixe le lexique ou que leur assigne leur auteur.

Un tel dispositif fonctionne en signes dont la perception implique le signifié qu'est la parole. Cet acte emprunte cependant deux organes que sont la bouche (=''dá '') et la langue désignée par (='' kán '') et une troisième réalité, la

voix (=''kán '') qui signifie son ou bruit) obtenu par activation des cordes et tissus spéciaux. Chez les dioula de Darsalamy, ces deux notions sont assimilées : ''kán '' (signifie la ''langue'') et (=''voix'').

On parlera de ''jùla kán '' pour signifier ''la langue jùla'' ; comme dans l'expression

'' kán m& '' : qui signifie ''entendre la voix''.

Donc, dans l'acte de parole, on peut retenir la bouche et la voix. Par un jeu de métonymie, les langues s'assimilent à ces éléments dont les champs

24

sémantiques explorés révèlent plusieurs catégories de parole littéraire. Elles sont marquées par la vérité, l'irréflexion...

Notons que la notion de parole chez les Dioula a été traitée par Marc NEBIE dans sa thèse de doctorat.

En ce qui nous concerne, nous donnerons les différentes paroles que nous avons recueillies auprès de nos informateurs sans être exhaustif. Certaines pourraient se recouper et d'autres s'opposent.

a) La bonne parole : » Kóma díman »

Cette parole est qualifiée de bonne en fonction du goût qu'elle produit. La parole a une saveur, un goût. Elle porte la marque de l'intelligence et la mémoire joue un rôle d'adjuvante de l'intelligence et de l'imagination. La bonne parole a un contenu agréable qui n'indispose pas l'interlocuteur :

»A ka kóma ka di» (= sa parole est bonne)

b) La belle parole : » Kóma %úman»

Cette parole est dite belle par rapport à son énonciation. Ici c'est l'esthétique avec laquelle elle est dite qui importe. Une belle parole peut être une parole de flatterie, de tromperie ou de duperie. Du fait qu'elle soit bien dite, on la qualifie de belle. Cette parole est souvent utilisée par les griots ou des personnes qui haranguent les foules. A la différence de la bonne parole qui s'intéresse au goût de la parole. La belle parole, elle, s'oriente vers la beauté, l'esthétique.

c) 25

La parole de vérité ou parole vraie : » tíy[n kôma»

Cette parole vraie qui est prononcée est de nature à convaincre, à traduire une vérité. Elle s'opposera au mensonge. C'est une parole qui est recommandée à tout le monde. Elle manifeste souvent l'honnêteté de l'individu, donne des vérités d'ordre général.

d) La parole sensée : » hákili Kôma»

Cette parole est de nature à plaire et à mettre l'interlocuteur dans une bonne disposition. Elle est souvent courte mais pas frustrante. Elle est riche en signification et agréable à entendre. Sa compréhension exige souvent une certaine maturité, une communauté de fonds culturels entre le locuteur et le récepteur.

e) La »grande parole» : » Kôma bá »

Cette parole est dite »grande» à cause de sa durée, de sa longueur et de la densité de sa signification. Elle énonce une vérité soit relative à l'éthique de la société, soit universelle. Elle se plie bien facilement à une datation. Elle ne s'inscrit pas dans un temps donné. C'est également une parole qui crée de l'engouement de la part de l'interlocuteur. C'est une parole qui ne se dit pas au hasard. Elle est maîtrisée par le locuteur qui séduit par l'énonciation. L'enfant qui dit quelque chose de sensationnel, on dira que c'est une grande parole. Cette parole émane le plus souvent des adultes.

f) La parole ancienne ou la vieille parole : » Kôma kor] »

Elle concerne l'histoire ancienne, les origines, les mythes, les épopées, tout ce qui a rapport avec le passé. Le plus souvent, localisée dans le passé, elle prend les caractères de l'histoire, la légende, le mythe. L'expérience montre que cette parole voyage dans le temps et même peut se trouver dans des aires

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géographiques et historiques autres que celles où elle a vu le jour. Elle est considérée comme une parole sensée, celle de l'ancien, du sage.

Prise dans le présent, elle devient témoignage sur le passé et un exemple à suivre ou à éviter. Cette parole peut être considérée également comme une école où la société peut s'informer et se former. Elle se fait souple et s'adapte, obligée de rendre compte du passé et du présent pour les générations futures.

g) La parole de l'ancien : » Ti&m]g]ba Kóma »

C'est la parole du sage, utilisée par les anciens qui l'ont reçue et conservée. Dire cette parole confère une certaine notoriété, une classe sociale, le respect et surtout l'admiration. C'est à travers l'usage de ces paroles de sagesse (proverbes, sentences, maximes...) que l'on qualifierait une personne âgée d'ancien. Ce ne sont pas tous les anciens qui possèdent la parole de l'ancien ; des enfants peuvent, par le biais de la transmission, avoir ces paroles de sagesse.

h) La parole d'enfant : » dénmis[n Kóma »

A côté de la parole de l'ancien on retrouve la parole d'enfant. C'est une parole qui ne requiert pas de sagesse. Elle est une parole d'amusement, de distraction, souvent sans sérieux, peu considérée. Quand l'on dit une parole sans importance ou sans valeur considérable, on la qualifie de parole d'enfant.

i) La parole importante : » náfa Kóma »

C'est une parole qui se réfère à la vie sacrée, liturgique. Elle traduit souvent les désirs et les aspirations de l'homme. La profération de cette parole s'observe particulièrement au cours des manifestations publiques ou privées,

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religieuses, funéraires ; au cours des manifestations inhérentes à des relations sociales, dans lesquelles on fait recours à Dieu. Ce sont souvent les prières, les bénédictions, les invocations...

C'est une parole liturgique, solennelle, qui constitue un signe de gratification de l'ancien à l'endroit du jeune. Les prières et les bénédictions constituent une quête de bonheur à travers la conservation de la personne et sa protection. On y retrouve la dénomination généalogique. En effet, donner un nom à un enfant est un acte par lequel on fixe le passé, le présent et on envisage l'avenir.

Très proche de la parole de l'ancien, la parole importante par son extrême brièveté s'en démarque à bien d'égards, mais surtout par sa fixation sur le temps. C'est l'expression de vérités universelles, guides de la vie.

j) La mauvaise parole : » Kóma júgu »

C'est une parole qui n'est pas la bonne parole. Elle est un mélange d'intelligence et d'irréflexion. Cette parole provoque des sentiments divers sur le récepteur : le dégoût, la colère, le mépris, la surprise... Cette parole qui s'oppose à la bonne parole (»Kóma díman»), est encore appelée »Kóma

júguman» (=parole méchante), »Kóma kúnaman» (=»parole amère»),

»Kóma kólon» (=la parole vide).

C'est le contenu qui rend le qualificatif » mauvais » à cette parole. Elle s'illustre dans les injures ou les insultes, les malédictions. On qualifie de mauvaise parole tout propos qui vient rompre l'accord et l'entente préétablis ou qu'un groupe tente d'instaurer. C'est donc une parole déplacée, hors contexte parfois, mais perçue comme significative ici et maintenant.

Pour certain, elle est souvent la manifestation de la bêtise dans ce sens qu'on peut dire des mots qui ne tiennent pas compte de l'individu, des paroles idiotes. On dit souvent que cette parole est amère »Kóma kúnaman» dans la

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mesure où elle s'oppose à »Kóma díman». Elle est vide à cause de sa forme directe, libérée de toute considération éthique, des termes crus

k) Le mensonge : » gálon Kóma»

Cette parole est souvent perçue comme une parole mauvaise. En effet, il existe deux types de mensonges :

- le mensonge négatif » gálon Kúntan» qui est une délation, un faux témoignage, du rapport. Ce type de mensonge est mal vu, voire déprécié par la société. On peut classer cette parole dans les propos insensés, liés au bavardage congénital ;

- le mensonge didactique »gálon %úman », est le propre du beau parleur, du diseur de bonnes aventures. Cet homme à l'esprit inventif et ingénieux est un virtuose et professionnel de la parole. Il peut monter séance tenante et en donnant pour vraie, un mensonge inspiré d'une légende des temps modernes. Souvent on invente des mensonges pour échapper à une situation dangereuse ou difficile ou pour sauver une situation. Ce mensonge est fait dans un bon sens ; il peut également vouloir distraire.

I- 5- 3. Le rôle de parole

Au regard de ces différentes paroles, il convient de dire que la parole est une véritable »divinité» qui possède l'homme, et un moyen efficace au service de celui-ci. En effet, l'homme recrée le monde par la parole ; ce faisant, il entre en contact avec celui-ci afin de le dominer ou de s'allier à lui pour son bonheur personnel, pour celui de sa communauté. La parole se montre donc dans ce sens comme une action, un canal de communication. De ce point de vue, sa sociologie bien complexe, fait qu'elle est contrôlée ; et dans nombre de cas la parole requiert des spécialistes... Dans les sociétés à tradition orale, à

29

Darsalamy en particulier, tout détenteur de la parole est un spécialiste, car portant en lui les tabous de la parole et ignorant les domaines où il n'a pas été initié. Il ne parle qu'en fonction du registre langagier qui lui est réservé.

Savoir bien parler confère à l'individu le respect dans la communauté et suscite de l'admiration. De plus, c'est grâce à ce talent que l'on est écouté. Parler bien suppose l'usage de la bonne parole, celle des anciens,... Cela traduit une certaine maturité de celui qui parle. On peut utiliser la parole des anciens pour moraliser, critiquer sans pour autant vexer l'interlocuteur. Un vieillard qui ne sait pas parler, qui ne se sert pas de la parole ancienne, de la bonne parole, ne saurait être considéré comme sage dans la communauté.

Ce qui nous permet de dire que la parole est une instance de valorisation qui confère une socialisation à un individu.

Cependant, la parole prise dans son rôle premier de communication vise un double but : toucher et plaire. Pour toucher, elle développe nécessairement un sujet qui stimule le récepteur. Ce sujet est le fruit d'une expérience personnelle ou collective ; il peut être un rappel du passé pour édifier le présent, un présent à fixer, une projection, un fait imaginé, inventé. Le rapport du parleur au sujet et le traitement du sujet par lui déterminent l'intention et l'objectif du sujet. Et cet objectif, pour sa part, motive et justifie fortement la forme du message. Ainsi, chaque message revêt-il une forme particulière, spécifique que nous appelons » forme parlée » ou parole. Dès lors, l'on peut diviser la parole en deux types : la parole ordinaire, quelconque, sans intérêt esthétique et plus ou moins pourvue de sens, véhicule d'un contenu utilitaire à travers une forme remarquable et la parole littéraire. Et l'addition de cette forme à la manière de faire de celui qui parle dans une délivrance de la parole littéraire soulève une double problématique, celle de l'esthétique et des genres littéraires oraux.

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I - 6. Les textes oraux

Au cours de nos recherches, nous avons pu identifier un certain nombre de textes oraux qui sont d'usage à Darsalamy. Sans être exhaustif, nous pouvons citer les textes oraux suivants que nous ont livrés nos informateurs29 : les »tálen», les »tálen-k<r]b]», les »lámara», les »kóma-k<r] », les

»d<nkiri», le »sinaguya », le »fóri ». Ce sont des textes que l'on retrouve chez les Dioula de Kong.

I - 6 - 1. Le » tálen » (=conte)

Le »tálen » (=conte) désigne chez les Dioula de Darsalamy ce qui est » dit» ou »raconté ». Cela équivaut au conte en français. Le conte est un récit qu'on narre la nuit auprès du bois de chauffe, soit aux enfants soit aux adultes. Il vise à éduquer, à faire rire, à faire réfléchir, à faire peur et à explorer les images du merveilleux.

A travers le conte la communauté transmet et questionne ses normes et ses valeurs tout en initiant les enfants au monde des adultes. Il apparaît comme le miroir de la société, de l'homme : il dévoile ses qualités, ses valeurs, ses travers, ses défauts et ses haines tout en faisant connaître aussi la force de ses idéaux. Il nous introduit donc dans un univers enchanté dont la magie fascine notre imagination.

De nos jours, les contes ne sont plus beaucoup racontés à Darsalamy. Avec l'avènement de la télévision, les enfants ont un désintéressement à la pratique du conte.

29 Voir la liste dans le tableau annexe.

31

I - 6- 2 Le »kóma-k<r3 » (=ancienne parole ou vieille parole)

Le »kóma-k<r3 » (=parole ancienne ou vieille parole) relate les faits passés, les récits... C'est la référence à l'histoire qui est manifestée à travers la vieille parole. Elle explique les fondements de la société, des groupes sociaux. L'histoire de l'installation de Darsalamy elle-même s'inscrit dans cette vieille parole qui décrit l'origine du village.

Dans le »Kóma - k<r3 », on retrouve les mythes, les légendes, les épopées, les récits de vie, l'histoire. C'est une parole qui est transmise de génération en génération. On y retrouve tous les récits anciens qui constituent le fondement du village, les références aux personnages ayant marqué l'évolution de la communauté. Donc on retrouve plusieurs éléments dans cette parole. Ceux-ci ont pour référence le passé, l'histoire. Ces récits merveilleux d'événements passés se fondent sur la tradition authentique qui peut souvent être modifiée au fil du temps.

I - 6 - 3. Le »tálen-k<r3b3 » (= la devinette)

En Dioula on dira :

tálen - k<r3 b3 : conte / sens / enlever

Littéralement cela signifie : »sortir» ou »enlever» le sens du conte.

La devinette est un jeu oral en un système de question - réponse mettant en relation deux individus au moins. Ce jeu fait appel à l'intelligence et à l'imagination des individus.

Ce jeu a deux phases : dans un premier temps nous avons une question implicite ou explicite selon l'individu qui est posée et dans un second temps, nous avons la réponse à la question posée. Avant la séance du conte, il y a la devinette.

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On l'introduit à Darsalamy, par la formule suivante :

n' tá yé n' tá yé

ma / part / être / ma / part / être

Qui signifie littéralement »Voici ma part ! Voici ma part !».

C'est la formule initiale du conte. On constate que la réponse n'est pas simple et qu'elle viendra de l'auteur de la question. A la question posée, on doit trouver une réponse. Le sens ainsi caché est la réponse à la question énigmatique posée. Cette réponse doit être obligatoirement trouvée sinon on fait une concession à l'auteur de la question. A défaut de trouver le sens, on propose un boeuf ou quelque chose d'assez important.

On dit à cet effet :

n' yé mísi kéren díi

je / avoir / boeuf / un / donner qui signifie : » je donne un boeuf »

En ce moment, celui qui a posé la question pourra donner le sens de sa devinette s'il juge la proposition satisfaisante. Au cas contraire, on augmente jusqu'à sa convenance pour qu'il donne le sens. Il faut cependant noter que la réponse à la question sera toujours fonction de la satisfaction de l'auteur de la question.

La devinette est un jeu qui cultive la réflexion et l'imagination. Elle est un exercice entre deux individus. Elle représente la scène inaugurale de la veillée de contes. Et c'est un jeu beaucoup animé par les enfants.

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I - 6- 4. Le »Kóma k<r]tig[» ou le proverbe

A Darsalamy le proverbe est connu sous le nom de : Kóma k<r] tig[

Parole / sens / couper

Qui signifie littérairement »découvrir le sens de la parole».

Cette expression n'exprime pas totalement le proverbe français. Dans certains cas d'usage, le proverbe peut devenir une parole de provocation pour attaquer quelqu'un de manière allusive lorsqu'on veut s'en prendre à lui sans pour autant éprouver le besoin de le blesser.

Le proverbe peut être considéré également comme un argument d'autorité. En ce moment, il devient l'apanage des personnes âgées qui sont habiles dans leur maniement. Les proverbes sont exploités dans la vie quotidienne pour éduquer, donner un message ou corriger quelqu'un.

Le proverbe est une sentence ou une maxime exprimée en peu de mots, devenue populaire. Il est une expression du bon sens et de la sagesse populaire. Il est basé sur un certain nombre d'expériences capitalisées et constitue l'affirmation d'une vérité, d'une constatation découlant de ces expériences.

Le proverbe est un précepte de sagesse chez les Dioula de Darsalamy comme dans toutes les sociétés africaines. On fait appel à la toute puissance de la tradition pour assurer une vérité et emporter l'adhésion car on entend montrer que la société a toujours pensé ainsi et qu'il n'en saurait être autrement sous peine de renier ses normes culturelles.

Le proverbe est l'expression d'une véritable maîtrise de l'usage de la langue et de la culture.

La signification précise d'un proverbe dépend toujours de son contexte d'usage. Pour ainsi dire, le proverbe n'a de sens que dans un contexte social et

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d'énonciation donné. Il énonce une vérité, donne un conseil, marque un reproche et indique un principe à suivre.

I - 6- 5. Le »d<nkiri» ou le chant

Le chant chez les Dioula est :

d<n kiri

danse / appel

Qui signifie littéralement »appel à la danse»

Le chant occupe une importante place chez les Dioula de Darsalamy. En effet, on retrouve le chant dans diverses circonstances : les cérémonies de joie ou de peines, lors des travaux. On a différents types de chants : pour bercer les enfants, les hymnes et des chants propres aux femmes. A travers ces différents éléments, on perçoit que l'expression du chant prend en charge les préoccupations sociales.

Le chant est une suite de sons, émis par la voix humaine et qui, à la différence des intonations, produit des sensations variées. Le chant est populaire dans les sociétés de l'oralité et est à la portée de tous. A Darsalamy, nous avons pu constater que la plupart du temps, ce sont les femmes, les jeunes filles, les enfants qui s'adonnent aux chants. Elles les exécutent lors des événements tels le mariage, les baptêmes, la fête du nouvel an, les différentes fêtes musulmanes et les manifestations religieuses. Le fait de chanter est un apanage des griots et plus particulièrement des griottes. Elles exécutent les chants lors de divers événements, des louanges, etc. Les hommes ne s'adonnent pas aux chants pour des raisons diverses. Ils évoquent le fait de ne pas avoir la voix assez aiguë, les occupations et la responsabilité qui, à notre avis, ne constituent pas des raisons qui empêchent de chanter. C'est plus une question de volonté

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et de principe pris par les hommes à notre avis. Cela se justifie par ces propos d'un des notables pour qui, voir un père de famille chanter ne saurait être une joie pour sa progéniture: « Un homme ne doit pas chanter. Il est le responsable de la famille ; il doit laisser cela aux enfants et aux femmes s'il veut qu'on le respecte. Un père de famille ne doit pas chanter s'il n'est pas griot. Chez nous ici, ce sont les griots (hommes) qui peuvent s'adonner aux chants ; sinon un homme sérieux et respectueux ne chante pas. »30

La survie du chant est liée à sa fonctionnalité dans la société et à sa qualité musicale.

On a plusieurs types de chants chez les Dioula en fonction des événements :

a)- k<%] d<nkiri

mariage / chant Chant de noces

Ce sont des chants exécutés par les femmes ou les jeunes filles lors des mariages. Le contenu de ces chants est la préoccupation des jeunes filles et des femmes. Ces chants sont souvent produits à l'endroit des jeunes filles par des mamans. Les jeunes de la même génération également le font. On retrouve des thématiques différentes : la séparation, le regret de la séparation, le souhait d'un heureux ménage, la peur de l'aventure du mariage... En même temps, ces chants sont également des moments de souhaits pour celles qui ne sont pas encore mariées afin qu'elles aient un bon mariage. Au niveau du »k<%]

d<nkiri», on retrouve également les lamentations de la mariée au moment de l'adieu à ses camarades filles.

30 Entretien réalisé avec le vieux Barro Aladji Assékou, notable et conseiller à la cour royale, le 28 décembre 2006 à Darsalamy.

b)- 36

b&n tóron d<nkiri

tomber / jeu / chant Chant de jeu

Ce chant est exécuté en cercle par les filles au clair de lune. Elles se laissent tomber dans les bras les unes des autres à tour de rôle. Le plus souvent dans ce chant se lisent les préoccupations de celles-ci.

c)- dódo d<nkiri masque / chant Chant de dodo

Il est un chant de manifestation du mois de ramadan. C'est un jeu au cours duquel les jeunes filles et jeunes garçons se promènent de porte en porte avec des masques. Les garçons portent les masques et les filles chantent pendant le mois du ramadan.

Les chants ont plusieurs fonctions dans la société dioula (j.k.). En effet, ils sont l'expression des émotions de la société. On les trouve au niveau de certaines activités. Ils accompagnent des activités, servent à bercer les enfants, à danser ou à manifester une spécificité de la communauté. Par ces chants on peut bien connaître une société, ses pratiques et John. Steinbeck l'a signifié dans ces propos : « Les chants sont l'histoire d'un peuple. Vous pouvez apprendre plus sur les gens en écoutant leurs chansons que de toute autre manière car dans les chansons s'expriment toutes les espérances et toutes les blessures, toutes les colères, toutes les craintes, tous les besoins et toutes les

37

aspirations. »31. Il ressort de ces propos tout le caractère social de ces chants et les différentes facettes de la société qu'ils véhiculent.

I - 6- 6. Le »sinaguya » ou la parenté à plaisanterie

»Sinaguya » (= parenté à plaisanterie)

C'est un jeu basé sur un échange de joutes oratoire entre deux individus, deux groupes sociaux, des belles familles... Dans ce jeu, on se livre à une certaine rivalité : accabler son adversaire d'insultes, d'humiliation...

Il faut noter que ce jeu n'est pas trop en cours à Darasalamy, car souvent, il est mal interprété. Il y a aussi le fait que la religion musulmane instaure une certaine barrière de respect et de méfiance renforcée par la société. Ce qui fait donc que ce jeu peut être souvent perçu comme un manque de respect ou une effronterie. On retrouve ce jeu plaisant entre les Barro et les Coulibaly, entre les Ouattara et les Sanogo. Les enfants ne peuvent pas faire la parenté à plaisanterie avec un adulte de peur d'être taxé d'indiscipliné.

I - 6- 7. Le »fóri » ou la salutation

C'est un ensemble de paroles, un discours qui est dit pour entrer en contact avec autrui, pour établir une communication, pour demander et donner des nouvelles - d'où son caractère mutuel- pour formuler des souhaits ou des bénédictions.

La salutation se dit en fonction des individus, du temps, des activités et événements. Elle a une structure propre et son énonciation est déterminée car

31 J. Steinbeck, cité par René Luneau, chants des femmes du Mali, 1981, p13.

38

on ne salue pas n'importe comment et n'importe qui. Elle repose sur des aspects fondamentaux de la société : le respect, la sagesse, la morale...

Ce sont là des éléments de la littérature orale que nous avons reçus de nos informateurs. Pour eux, ce sont les éléments qui sont connus et utilisés dans la communauté. Il faut noter que les textes oraux classiques ne trouvent pas toutefois leurs correspondances. Un texte oral jùla peut regrouper plusieurs textes tel que présenté en français. Par exemple les textes comme épopées, mythes et légendes se retrouvent dans Le »kóma-k<r] » (= parole ancienne). Toutefois selon nos informateurs, à Kong, on trouvera d'autres, mais en ce qui concerne Darsalamy, c'est ce qu'ils apprennent aux enfants.

39

CHAPITRE II : LES FORMULES DE SALUTATION

Ce deuxième chapitre commence par une présentation de la langue chez les Dioula à travers les systèmes de transcription et de traduction. Ensuite, nous aborderons la définition de la salutation et les raisons qui justifient la salutation. Enfin, nous présenterons les formules de salutation. Elles le seront en deux catégories : les formules de salutation en fonction du temps de la journée et les salutations en fonction des événements.

II -1. La langue chez les Dioula

Les Dioula constituent un groupe ethnique et linguistique assez vaste. La langue jùla s'est répandue dans toute l'Afrique de l'ouest compte tenu du fait que les dioulas sont un peuple marchand et commerçant.

Le jùla d'une manière générale est classé dans le groupe linguistique mandé. On le parle à l'Est de la Gambie, à Odjenné, de Bobo Dioulasso à Kong, en Guinée, au Sénégal, au Mali... Cette langue s'est étendue dans toute la sous-région Ouest africaine. Elle est devenue une langue nationale dans bien de pays et elle est enseignée à l'école dans la plupart des Etats. Cependant, elle demeure la langue d'un peuple qu'on appelle les Dioula.

Mais il convient de faire la part des choses quand on parle du jùla en tant que langue. Nous pouvons noter plusieurs types de parler jùla qui existent et qu'il ne faut pas confondre : le jùla de Kong, »kpónka jùla», en Côte d'Ivoire et

celui des bambaras, » bámana kán». Les bambaras étaient considérés comme des païens, des non musulmans, des infidèles.

Le jùla de Kong (jk), parlé dans le village de Darsalamy a ses particularités et son intonation qui le diffèrent du jùla véhiculaire (jv). C'est le véritable jùla qui disparaît au profit du jùla véhiculaire car, ceux qui le parlent au Burkina

40

sont à Darsalamy et quelques- uns à Bobo dans le quartier Kongbougou32. Cette disparition du jùla original est évoquée par le Dr Marc A. NEBIE en ces termes : « Et si le vrai jùla disparaît au profit du jùla véhiculaire, c'est parce que tout simplement les vrais connaisseurs de la langue disparaissent (...) C'est ce qu'on te met dans la bouche que tu connais »33. Par ce `'vrai jùla», il entendait, sans doute possible, le jùla parlé comme langue maternelle dans une trentaine de villages des Hauts Bassins et de la Comoé.

II-1-1 Les généralités sur les systèmes de transcription.

L'analyse du corpus des énoncés de salutation s'inspire des travaux de transcription réalisés par Marc A. NEBIE. C'est la méthode de transcription fixée par la décision n°367/ENC/CNU du 27 juillet 1973 du Ministère de l'éducation Nationale34.

Nous n'allons pas inventer une nouvelle théorie. A partir des études réalisées, nous allons mener la nôtre. Notre système de transcription s'applique au jùla de Kong. Nous passerons ici en revue les voyelles, les consonnes, la tonalité et les pronoms qui nous aideront dans notre transcription.

- Le tableau des voyelles.

Les voyelles orales sont au nombre de 7. On les retrouve selon les degrés d'aperture.

32 Kongbougou est un quartier de Bobo où vivaient les Dioula originaires de Kong avant d'aller s'installer à Darsalamy. Dans ce quartier sont restés beaucoup de Dioula. Mais, ils ont subi l'influence du jùla véhiculaire de Bobo.

33 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, P. 12.

34 Marc A. NEBIE, thèse de doctorat, p 73.

41

1er degré d'aperture (fermé)

 

i

u

2èdegré d'aperture (mi

fermé)

e

o

3èdegré d'aperture (mi

ouvert)

C

]

4è degré d'aperture (ouvert)

a

 

Nous avons également les voyelles nasales. Elles s'obtiennent par l'adjonction de la consonne nasale » n» à la voyelle.

Nous avons les voyelles nasales suivantes : in, un, en, on, Cn, ]n, an.

- Les consonnes

 

labiales

dentales

palatales

vélaires

Labio-vélaires

sourd

sonore

sourd

sonore

sourd

sonore

sourd

sonore

sourd

sonore

occlusives

p

b

t

d

c

j

k

g

kp

gb

nasales

 

m

 

n

%

 
 

#

 
 

continues

f

 

s

 

y

 
 
 
 

w

liquides

 
 

h/r

 
 
 
 
 
 
 

Dans la transcription, nous nous referons à la transcription des sons en jùla qui correspondent dans la plupart des cas aux symboles de l'Alphabet National dérivé de l'Alphabet Phonétique international (API).

- la tonalité

Le jùla est une langue à tons(2) : le ton haut et le ton bas. En effet, le ton haut est marqué par l'accent aigu ( ') et le ton bas par l'accent grave Ç).

Exemple :

'' faní » qui signifie » habit '' '' sò » qui signifie » cheval »

On note également que lorsqu'un mot ne comporte que des tons hauts, seule la première syllabe portera la marque du ton haut

'' ábada » qui signifie » jamais ».

Lorsqu'il s'agit d'un nom défini, le ton haut sera placé sur la dernière syllabe pour marquer un ton complexe qui a en même temps un ton haut suivi d'un ton bas.

Quand la voyelle est longue, elle se matérialise par le redoublement de la voyelle concernée :

'' báará » qui signifie » travail ''

Quand nous avons des tons bas suivis de tons hauts, seul le premier ton haut

sera marqué

Exemple : » sanbará », qui signifie » chaussure ''

Par ailleurs, nous notons que lorsque tous les tons sont bas, le mot ne portera

aucun ton. C'est le cas dans : » saba », qui signifie » trois ».

Pour tous les autres mots, les tons seront marqués.

Exemple : » tìléf* » qui signifie »fin de la journée»

42

La consonne » n» succédant à une voyelle est la marque de la nasalisation

43

Exemple dans » bálan », qui signifie le »balafon».

Pour chaque son, nous utiliserons toujours le même symbole et au même

symbole correspond toujours le même son.

- Le pluriel

Le » w » est la marque du pluriel et se prononce »Ci » à la fin des noms,

adjectifs et certains pronoms emphatiques. Par exemple nous l'aurons dans :

'' dénmis&nw » qui signifie »les enfants»

'' fànIw » : »les habits»

On retrouve la forme pluriel suivante dans le contexte nasal du (j.k) à la différence du (jv) : » -ri » ou » -rù » pour indiquer le pluriel :

» m>g>w » (j.v.) - » m>g>ri » (j.k.) »personnes»

- Les pronoms personnels

j.k

1ère pers. n (né, nI ) correspond à »je»

2è pers I ( é ) correspond à »tu»

3è pers. a correspond à »il ou elle»

1è pers. Plur. án, ánnu correspond à »nous»

2è pers. Plur. á, árì, ár correspond à »vous»

3ème pers. plur. òrù correspond à » ils ou elles»

Dans le jùla de Kong, nous avons des phonèmes emphatiques à la 1ère et 2ème personnes du pluriel : » ánnòrù » et » álori ''

44

II -1-2. La traduction

Le phénomène de la traduction de l'oralité à l'écrit connaît d'énormes difficultés. En effet, lors du passage d'une langue de l'oralité vers le français, la polysémie et l'homonymie de la langue orale au français se présentent à nous comme des difficultés dans la traduction. Nous avons voulu rester dans le cadre de ce qui nous a été raconté par nos enquêtés en respectant les règles de transcription.

Nous procéderons au cours de notre analyse par une traduction juxtalinéaire suivie d'une traduction littérale et enfin d'une traduction littéraire.

A partir donc des enregistrements effectués, nous avons élaboré un corpus. Notre transcription va respecter une certaine organisation de ces énoncés, qui prend en compte leur caractère oral.

II - 2. La notion de salutation

Cette partie de notre travail s'intéresse dans un premier temps au concept de la salutation à travers les différentes acceptions qu'on lui donne et en deuxième lieu aux formules de salutation chez les Dioula de Darsalamy et leur analyse.

Les différentes études menées sur la littérature orale ont permis une certaine catégorisation de celle-ci en fonction de sa constitution. Nous nous referons ici à la classification faite par le Pr. Kam Sié Alain35 qui dégage cinq grandes catégories qui sont :

- les discours narratifs

- les discours non narratifs

- les énoncés

- les paroles d'instruments musicaux

35 Sié Alain KAM, Nouvelle approche sur les catégories principales de la littérature orale africaine, p28.

45

- les paroles des jeux de plaisanterie

Pour notre analyse, nous traiterons ici des discours non narratifs parlés ''non spécifiques'', plus particulièrement les salutations.

II-2-1- Définition de la salutation

La salutation, '' fóri '', s'inscrit dans le discours non narratif non spécifique. Elle est un acte, une marque extérieure d'attention, de respect à l'égard d'autrui. En jùla, le mot salutation est dit '' fóri '' ou encore '' fóll ''36 .

Les salutations ont une importance capitale dans les sociétés à traditions orales d'Afrique. Elles constituent l'expression de l'identité sociale. C'est également un moyen assez simple et pratique par lequel on entre en contact avec quelqu'un. Elles permettent de s'imprégner des nouvelles des uns et des autres sur le plan de la santé, de la famille, des activités professionnelles... Elles constituent par ailleurs, l'une des premières marques de réconciliation avec son prochain. Car se réconcilier avec autrui est tout d'abord lui adresser la parole, accepter de se saluer, selon nos informateurs. Pour eux, et de façon générale, à travers ce geste, on traduit à autrui qu'on ne lui en veut plus et que la mésentente est close.

Au-delà des gestes et paroles, plus que de simples formalités, la salutation correspond à une éthique sociale qui facilite et tonifie les relations entre les différents membres d'une société ou d'un groupe humain. C'est le symbole de la socialisation, de l'intégration et de l'harmonie entre les hommes. Dans la salutation sont incorporées certaines valeurs et traditions comme les remerciements, les souhaits, les félicitations, les voeux, les compassions, les condoléances.

36 Chez les Dioulas de Kong le '' fórl ''est utilisé et dans le jùla véhiculaire, on utilise '' fóll '' mais nous rencontrons des Dioula de Kong, qui utilisent les deux.

46

Chez les Dioula de Darsalamy, les salutations traduisent la vie sociale. Elles sont formulées en fonction du soleil37, des activités, des préoccupations et des événements de la société. A cet effet, chaque moment de la journée a sa formule propre de salutation : le matin, le midi, le soir38. Il faut noter qu'à la différence de bien d'autres sociétés, les dioulas n'ont pas une formule de salutation propre à la nuit car, disent-ils, la nuit, il n'y a point d'activités. Les humains doivent se reposer et dormir. Ce sont les génies et les esprits qui travaillent la nuit. Les enfants formulent seulement des remerciements à l'endroit des parents pour la journée écoulée.

En plus de cette répartition dans l'espace et dans le temps, nous avons d'autres formules qui répondent aux événements et préoccupations de la société. Ce sont entre autres les salutations de baptêmes, de mariages, de funérailles...

Toutes ces formules sont accompagnées de bénédictions, de voeux ou de souhaits. Nous retiendrons ici que dans le jk, la notion de bénédiction (=''dúga '') à elle seule ne constitue pas une formule de salutation. Mais elle accompagne plutôt la salutation comme étant un élément important à l'intérieur de cet ensemble. Quand on salue ou quand on se salue, on se souhaite l'un à l'autre des bénédictions. Par exemple, quand on salue, on attend de l'autre des bénédictions par rapport à l'activité que l'on mène, que ce soit le commerce ou autre. Le plus souvent quand on salue un aîné ou une personne âgée, en retour, elle formule des bénédictions.

II - 2 -2 Pourquoi se saluer

A Darsalamy, la salutation est un signe très fort ; c'est le symbole de la relation et la cohésion sociale. En effet, elle traduit le respect que l'on a pour

37 Quand on parle de soleil, c'est en fait la journée ; chez les Dioula, la journée suit la course du soleil. Pour dire la journée on emploi le mot '' teré '' qui signifie soleil.

38 La nuit n'est pas prise en compte dans la répartition des formules de salutation. Chez les Dioula, on considère que la nuit appartient aux esprits et les hommes n'ont pas d'activité.

47

une personne âgée ou un aîné. Se saluer signifie qu'on a de l'amour les uns pour les autres. Elle traduit l'entraide qu'on a envers l'autre, la fraternité, la reconnaissance en tant qu'homme, comme soi :

n y 'i fó Moi / je / toi / saluer Je te salue

De plus se saluer, c'est se souhaiter le bonheur individuellement et collectivement. Par exemple, lorsqu'on fait la bagarre avec autrui, on ne le salue pas. Mais lorsqu'on recommence à se saluer, cela signifie qu'il y a eu réconciliation, que la bagarre est terminée. C'est un signe de la joie, de la vie et de la solidarité que de se saluer.

Pour Barro Tiémogo Mignougou,39 « se saluer, c'est reconnaître l'âge de l'autre qu'on a devant soi ». A travers ces propos, ressort le fait que la salutation est aussi l'expression d'un respect mutuel et particulièrement le respect de l'aîné. Chez les Dioula de Darsalamy, sans nous tromper, ce sont les moins âgés qui formulent leurs salutations à l'endroit des aînés. Les enfants ont le devoir de saluer leurs parents, les femmes leurs maris et les hommes en général.

La salutation est ancrée dans l'éducation familiale et représente une valeur cardinale à acquérir dès le jeune âge. L'enfant apprend à saluer dans la cellule familiale et sort avec ces habitudes vers l'extérieur. Même en rentrant chez soi, il est nécessaire de saluer et on dit « sálam a lekum »40, qui est traduit

en jùla : »kIsI b'a yé » qui veut dire : » paix et salut à vous». La première

39 Notable et conseiller à la cour du chef. Entretien du 29/12/2006 à Darsalamy.

40 Expression emprunt de l'arabe qui est souvent utilisée pour les salutations. Ce sont des formules que les anciens utilisent quand ils saluent. Elles ne sont pas obligatoires ; ce sont des habitudes émanant de l'islam.

48

formule est la plus courante à Darsalamy. C'est une formule que les Dioula ont empruntée à l'arabe. Cette pratique respecte deux principes :

- tout d'abord on souhaite la paix à tous les habitants de la maison, à tous ceux qui y entreront, à ceux qui sont là et à ceux qui sont absents.

- Ensuite pour honorer les esprits qui cohabitent avec les hommes dans la maison.

»42

Mais cette dernière formule échappe à beaucoup de personnes aujourd'hui dans cette communauté. On salue lorsqu'on trouve une personne. C'est seulement quelques anciens et dévots qui ont gardé ces habitudes. Cette mutation touche la frange adulte. On impute cela à la vie de la ville et à l'école moderne41. Pour BARRO Bakary dit Bèma, « ce sont les jeunes, qui sont partis à l'école moderne ou ceux qui ont séjourné en ville qui sont à l'origine de ces mutations. Ils ont apporté ces manières de blanc que nous n'avions pas ici. Taper à la porte ou dans les mains, ou lancer sèchement un salut. Il n'y a plus le `'salamaleck».

Le point de vue de ce notable est pertinent dans la mesure où cette mutation importée est perceptible de plus en plus. Lorsqu'il y a une certaine ouverture sur le plan commercial, certaines pratiques s'installent ou s'échappent des habitudes. De plus, l'ouverture à l'école moderne est une forme d'ouverture à une autre culture et à une autre civilisation. Etant un peuple marchand, il va de soi que ces habitudes s'installent dans la communauté.

Un facteur qui influence la salutation est le fait religieux et l'arabe. Les Dioula de Darsalamy ont en effet un culte religieux musulman très fort. Et les activités commerciales ont déterminé les formules de salutations ainsi que la famille, cellule de base de la communauté. A Darsalamy, la solidarité est forte

41 A noter que l'école moderne est arrivée à Darsalamy en octobre 1979 selon nos informateurs.

42 Entretien avec les notables, le 4 janvier 2007 à Darsalamy. Propos de BARRO Bakary dit Bèma, notable et conseiller à la cour, frère du chef, tailleur/commerçant.

49

et l'harmonie règne entre les Dioula, car les étrangers sont retranchés dans un quartier, considérés le plus souvent comme des païens.

II-2-3 Les formules de salutation

La présentation des formules de salutation sera de la façon suivante : les énoncés en fonction du temps de la journée d'abord et ensuite les énoncés selon les événements. Au niveau de chaque formule, nous aurons la transcription phonétique, la traduction juxtalinéaire, la traduction littéraire suivi d'un commentaire. Ces formules ont été recueillies auprès des informateurs43.

a) Les formules selon le temps de la journée.

Dans la catégorie des formules de salutation en fonction du temps de la journée, nous aurons les salutations du matin, de midi et du soir. Au niveau de chaque temps, nous présenterons d'abord la manière dont un enfant salue ses géniteurs, ensuite comment il salue un adulte et enfin comment deux adultes se saluent.

a)-1 Le matin

a)- 1- 1 Un enfant salue ses géniteurs

Enfant : Baba44 ki&nÐ45 Papa / matin

Bonjour Papa !

43 Voir la liste au tableau annexe.

44 On dit »Baba» quand c'est le père géniteur et »n'náa» pour la maman.

45 »ki&nÐ »: signifie le matin, le bon matin et on peut le considérer comme un matin de paix. Il n'y a pas une équivalence déterminée en français. C'est cette traduction que nous ont fournie nos informateurs.

50

Père : nbáà46 n' dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rá ?

Merci / poss. enfant / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans +inter. Merci mon fils, bonjour, t'es-tu réveillé dans la paix ?

Enfant : h&[r[47 !

Paix

Dans la paix !

Père : AlÐ ká téré h&[r[

Dieu / souhait, subj. / soleil / rendre paisible Dieu fasse que la journée soit paisible

Enfant : amIna

Amen Amen

Père : AlÐ ká bIi dIyÐ

Dieu / souhait+ subj. / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse que ce jour soit bon

Enfant : amIna

Amen Amen

Dans cette formule, on constate que c'est l'enfant qui commence la salutation. Il interpelle »Baba» son père géniteur pour signifier que c'est à

46 »nbáà» est mis pour l'homme ( papa) et »ngié» est mis pour le féminin (la maman).

47 A la place de» h&[r[», certains répondent par » >h<n» qui signifie »oui». »h&[r[» peut être traduit par `'rendre paisible» également.

51

lui qu'il adresse sa salutation. Le géniteur lui répond en reprenant la salutation et lui fait ensuite des bénédictions.

Les bénédictions à l'endroit de l'enfant sont orientées vers la paix et le bon déroulement de la journée. Les activités ne sont pas évoquées parce que chez les Dioula, l'enfant n'a pas d'activité. Il a besoin de paix pour grandir.

Le père géniteur est bien identifié par »Baba» (= papa) qui sera différent de

'' n'faá » (= mon père). Ce dernier terme est employé pour toute personne

adulte (oncle). Quant à la maman, on utilise » n'náa » (= ma mère). Cette appellation est également employée pour toute femme de l'âge de la mère.

a)-1- 2 Un enfant salue un plus âgé que lui

Enfant : n' faá ki&nÐ

Poss.+ père / matin, Père bonjour

Père : nbáà n' dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

Merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans +intero. Merci mon fils, bonjour, t'es-tu bien réveillé dans la paix ?

Enfant : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Père : AlÐ ká téré h&[r[,

Dieu / souhait / soleil / paix +être Dieu fasse que la journée soit paisible

Enfant : amIna

Amen Amen

52

Père : AlÐ ká bIi dIyÐ

Dieu / souhait / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse que ce jour soit bon

Enfant : amIna

Amen Amen

Cette formule ressemble à celle de l'enfant à son géniteur, à la différence qu'ici on utilise père et non papa. Il y a moins le caractère affectif ici. C'est le respect.

Chez les Dioula, l'enfant appartient à la société et son éducation incombe à tous.

C'est le plus jeune qui commence à saluer le plus âgé. Cela traduit la reconnaissance du droit d'aînesse.

a)- 1- 3- Deux adultes48 se saluent : Sali (femme) et Moussa (homme)

Sali : Músà49 ki&nÐ

Moussa / matin Bonjour Moussa

Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

Merci / Sali / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans +intero.

Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la paix ?

Sali : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

48 Chez les Dioula, c'est la femme qui commence la salutation.

49 Dans certains cas on ne dit pas de nom. On peut directement dire »ki&nл à la personne.

53

Moussa : sóm<ru50 do51 ?

Gens de la famille+ plur. / et +interro. Et la famille ?

Sali : oru k'á52 k&n[

ils53 / aller + prés. / santé

Elle va bien.

Moussa : dénw do?

Enfants / et + interro. / Et les enfants ?

Sali : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká téré h&[r[

Dieu / souhait / soleil / paix+être Dieu fasse que la journée soit paisible

Sali : amína

Amen Amen

Moussa : AlÐ ká bíi díyÐ

Dieu / souhait / aujourd'hui / rendre bon Dieu fasse que ce jour soit bon

50 Certains dioula à Darsalamy disent ''sóm]g]rì'' qui signifie ''les gens de la famille''.

51 C'est un particule dicto-modale à valeur interrogative.

52 '' k'á''ou ''Ká'' prédicatif verbal, marque de conjugaison à valeur optative. On retrouve cela dans les bénédictions et souhaits.

53 Nous mettons `'ils'' parce que la famille est constituée de plusieurs personnes : enfants et parents.

54

Sali : amína

Amen Amen

Moussa : AlÐ ká súgu54 díyÐ

Dieu / souhait / marché / rendre bon Que Dieu fasse que ton marché soit bon

Sali : amína

amen amen

Dans cette formule, les adultes s'interpellent par leur prénom. Après le bonjour, ils s'intéressent à leurs familles respectives pour savoir comment vont les enfants. C'est la manifestation de la solidarité sociale car chez les Dioula, la famille est le noyau de la société. Et les enfants appartiennent à toute la communauté. Il convient donc de s'imprégner de leur état de santé. C'est ce qui fait que l'enfant considère un adulte comme sont »père social».

Dans les souhaits, en plus de la bonne journée, ce sont les activités qui sont mises en relief. On note que la plupart des femmes dioula (j.k) sont des commerçantes. Les hommes eux sont dans divers secteurs d'activités. Ils sont des marchands, des tisserands, des cultivateurs. Le matin, après le réveil, on se souhaite l'un à l'autre une bonne activité et une bonne journée.

La salutation du matin est significative. En effet, on a quitté la nuit, c'est le matin. Comment chacun a t-il passé la nuit ? C'est à cette question que la salutation du matin voudrait répondre. Si nous nous réveillons en bon état et

54 »Súgu» ici c'est le marché. En fonction de son activité commerciale, on souhaite à Sali bon marché.

55

en paix, nous devons remercier les parents et Dieu qui nous ont permis de voir le nouveau jour. Et nous confions à Dieu cette journée qui commence.

La salutation du matin s'adresse d'abord aux parents dans la famille. Tôt le matin les parents s'asseyent devant leur porte pour recevoir les salutations et formuler des bénédictions.

Les femmes saluent leur mari par » n'fàa » (= père). C'est le fait que l'image du père est celle du chef de famille ; c'est de lui que dépend la vie du foyer. C'est le signe de la domination du père et de la soumission de la mère à celui-ci qui est manifesté.

a) - 2 A midi

a) - 2 -1 Un enfant salue ses géniteurs

Enfant : Baba ní tére

Papa / et / soleil Papa Bonjour !

Père : nbáà n'dén í ni tére, h&[r[ téréná wa?

Merci / poss. + enfant / toi / et / soleil / paix / soleil +acc. / comment ? Merci mon fils, bonjour. Comment va ta journée ?

Enfant : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Père : AlÐ ká tére h&[r[

Dieu / souhait / soleil / Paisible +être Dieu fasse que ta journée soit paisible

56

Enfant : amína

Amen amen

Père : AlÐ ká tére #uman ban

Dieu / souhait / soleil / bien, / finir

Dieu fasse que la journée se termine bien

Enfant : amína

Amen amen

On a quitté le matin, le soleil est monté dans le ciel ; il est midi. Et comme l'on salue en fonction de la rotation du soleil, on dira alors : » toi et le soleil». L'enfant adresse sa salutation à son géniteur comme il le fait le matin. Celui-ci lui souhaite que la journée s'achève toujours dans cette paix. La paix est au coeur des voeux pour l'enfant. Et c'est à Dieu qu'on demande cette protection.

a)- 2-2 Un enfant salue un plus âgé que lui

Enfant : n'faá ni tére

Poss. +père / et / soleil

Père bonjour!

Père : nbáà n'dén í ni tére, h&[r[ téréná wa?

merci / poss.+ enfant / toi / et / soleil / paix / soleil.+acc. / Comment ? Merci mon fils, bonjour. Ta journée se passe t-elle dans la paix ?

Enfant : h&[r[ !

Paix

Dans la paix !

57

Père : AlÐ ká tére h&[r[

Dieu / souhait / soleil / Paix+être

Dieu fasse que ta journée soit paisible

Enfant : amína

Amen Amen

Père : AlÐ ká tére #uman ban

Dieu / souhait / soleil / bien / finir

Dieu fasse que la journée se termine bien

Enfant : amína

Amen Amen

L'enfant salue ici l'adulte en fonction du soleil. Les bénédictions sont les mêmes que celles formulées par son géniteur.

a)- 2-3 Deux adultes se saluent : Sali (femme) et Moussa (homme)

Sali : Músà í ní tére

Moussa / toi / et / le soleil Moussa bonjour !

Moussa : nbáà Sàlí í ni tére, h&[r[ téréná wa?

merci / Sali / toi / et / soleil / paix / soleil.+acc. / Comment ? Merci Sali, bonjour !. Ta journée se passet-elle dans la paix ?

Sali : h&[r[ !

Paix

Dans la paix !

58

Moussa : sóm<ru do ?

famille +gens + plur. / et+interro. Et la famille ?

Sali : oru k'á k&n[ .

Ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Moussa : dénw do ?

Enfant+plur. / Et+interro. Et les enfants ?

Sali : oru k'á k&n[ .

Ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká tére h&[r[

Dieu / souhait / soleil / Paix+etre Dieu fasse que la journée soit paisible

Sali : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká tére #uman ban

Dieu / souhait / soleil / bien / finir

Dieu fasse que la journée se termine bien

Sali : amína

Amen amen

59

Moussa : AlÐ ká í #úman wíri

Dieu / souhait / toi / bien, / lever

Dieu fasse que tu te réveilles bien

Sali : amína

Amen Amen

Il est midi. Le plus souvent il y a un arrêt d'activité soit pour manger, soit pour prier. Les adultes se préoccupent toujours de la famille dont on demande l'état de santé. Dans les souhaits, en plus de la paix, on demande à Dieu que l'activité que l'on mène s'achève bien.

a)- 3 Le soir

a)- 3-1 Un enfant salue ses géniteurs

Enfant : Baba ní wúla

Papa / et / soir Papa bonsoir!

Père : nbáà n'dén í ni wúla, i téréná h&[r[ rá wa ?

merci / poss.+ enfant / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. / paix / dans / comment ? Merci mon fils, bonsoir! Ta journée s'est-elle passée dans la paix ?

Enfant : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Père : AlÐ ká wúla h&[r[

Dieu / souhait / soir / paix+etre

Dieu fasse que la soirée soit paisible

60

Enfant : amína

Amen amen

Père : AlÐ ká síni dí án mà

Dieu / souhait / demain / donner / nous / prép. à Que Dieu nous donne demain

Enfant : amína

amen amen

C'est le soir, » wùla ». Ce temps se situe entre 13h et 18h : le soleil est monté, il descend et va s'endormir. C'est la fin de la journée et des activités. Les hommes se préparent à retourner à la maison pour dormir. L'enfant salue son géniteur en fonction de ce temps là. Celui-ci à son tour s'assure que l'enfant a passé la journée dans la paix avant de lui donner ses bénédictions. Celles-ci sont orientées toujours vers la paix pour cet enfant. Que Dieu lui permette de voir le jour suivant.

a)- 3-2 Un enfant salue un plus âgé que lui

Enfant : n'faá ní wùla

Poss.+ père / et / soir

Père bonsoir!

Père : nbáà n'dén í ni wùla, i téréná h&[r[ rá wa ?

Merci / poss.+enfant / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. / paix / dans / comment ? Merci mon fils, bonsoir. Ta journée s'est-elle passée dans la paix ?

61

Enfant : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Père : AlÐ ká wúla h&[r[

Dieu / souhait / soir / Paix+être Dieu fasse que la soirée soit paisible

Enfant : amína

Amen amen

Père : AlÐ kÐ síni díi án mà

Dieu / souhait / demain / donner / nous / prép. à Que Dieu nous donne demain

Enfant : amína

Amen amen

Le soir l'enfant salue l'adulte comme son géniteur. Seule l'interpellation diffère. On y retrouve les mêmes souhaits que ceux du géniteur.

a)- 3-3 Deux adultes se saluent : Sali (femme) et Moussa (homme)

Sali : Músà í ní wúla

Moussa / toi / et / soir Moussa bonsoir

Moussa : nbáà Sàlí í ni wúla, i téréná h&[r[ rá wa ?

Merci / Sali / toi / et / soir / toi / soleil.+acc. / paix / dans / comment ? Merci Sali bonsoir . Ta journée s'est passée dans la paix ?

62

Sali : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Moussa : som<rw do ?

Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta famille ?

Sali : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Moussa : dénw do ?

Enfant+plur. / et +intero. Et les enfants ?

Sali : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : báará dá do?

travail / bouche55 / et +interro Comment va le travail ?

Sali : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Moussa : AlÐ ká wúla h&[r[

Dieu / souhait / soir / paix+être

Dieu fasse que la soirée soit paisible

55 » da» peut signifier aussi le lieu

Sali : amIna

Amen amen

Moussa : AlÐ ká I #uman dón

Dieu / souhait / toi / bien / mettre

Dieu fasse que tu rentres bien

Sali : amIna

Amen amen

Moussa : AlÐ ká sIni dI án mà

Dieu / souhait / demain / donner / nous / à

Que Dieu nous donne demain

Sali : amIna

amen Amen

C'est la fin de la journée. On se salue et la préoccupation ici est de voir comment l'autre a passé la journée et comment la famille aussi se porte. Les souhaits sont orientés vers la paix. On souhaite également que la personne rentre bien à la maison et que demain soit un nouveau jour.

A Darsalamy, le soir c'est » wúla » et la nuit est »súu». La nuit56, il n'y a pas de formules appropriées pour saluer. On dit dans le jùla véhiculaire (j.v.) '' i ni súú » (= toi et la nuit). Par contre dans le jùla de Kong (jk), cela ne se

63

56 La nuit dure de 18h à 4h du matin.

64

dit pas. Une telle formule est considérée comme un manque de respect à l'interlocuteur.

La nuit, il n y a plus d'activités. Les hommes dorment ; seuls les sorciers et les esprits maléfiques travaillent la nuit. Donc dire cette formule à Darsalamy, c'est traiter son interlocuteur de sorcier. Au cas où par inadvertance cela se produirait, la société prévoit cette réponse-ci :

súu tígi yé AlÐ yé

nuit / propriétaire/ être / Dieu / être La nuit appartient à Dieu.

Cette forme de réponse vient comme une sorte de correction, puisqu'en fait on ne répond pas implicitement à la salutation.

Cependant, on trouve souvent des formules propres aux enfants. La nuit, avant d'aller dormir, ils remercient leurs parents pour la journée. Ces formules ne constituent pas une salutation au regard de leur contenu et de leur structuration. De plus elles ne sont pas beaucoup utilisées.

Exemples :

Enfant : Baba bárka Père / merci

Merci papa

Parent : bárka n'dén . AlÐ ká súu h&[r[

Merci / poss.+enfant / Dieu / souhait / nuit / paisible +etre

Merci mon fils. Que Dieu te donne une nuit paisible ou bonne nuit.

Enfant : amína

Amen amen

65

C'est sur les formules du matin, midi et soir que repose la salutation chez les Dioula de Darsalamy. Elles constituent des formules de prise de contact dans la journée. C'est à partir d'elles que se construisent les autres en fonction des événements.

b) Les formules selon les événements

Le deuxième groupe de formules concerne les salutations en fonction des événements. Ici nous présenterons la salutation de l'accueil d'un étranger, celle des naissances et baptêmes, des mariages, des funérailles ou décès et celle des fêtes.

Ces formules se fondent sur les salutations dans le temps auxquelles on ajoute les souhaits, les voeux ou les bénédictions.

b)- 1 Quand un étranger arrive

b) -1 - 1 Un enfant du village revient de voyage le matin

Enfant : Baba ki&nÐ

papa / matin, Bonjour Papa !

Père : nbáà n'dén I ni s*n*, Jàtigiruw dó ?

merci / poss.+ enfant / toi / et / marche / cohabitant+plur / et +interro. Merci mon fils, bon arrivé. Comment vont les autres ?

Enfant : oru k'á k&n[ .

ils / aller + présent / santé Ils vont bien.

66

Père : án k'í yé s>g<mà

nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin ?

Enfant : júguman t* forí ro

mauvais / pas / salut / c'est Rien de mal c'est un bonjour

Père : AlÐ ka i na kun %iá

Dieu / souhait / toi / venir / tête / rendre bien Que Dieu bénisse ta visite

Enfant : amína

amen amen

La salutation de l'enfant qui arrive ou qui revient au village est définie en fonction du moment de son arrivée. Il salue son géniteur qui, à son tour, lui demande comment vont ceux avec qui il est de l'autre côté. Ensuite on lui demande l'objet de sa visite. Pourquoi un père va-t-il demander l'objet de visite à son enfant ? Cela s'explique du fait que cet enfant qui ayant quitté un autre village ou la ville, a toujours des nouvelles à apporter à ses parents ou au village. Chez les Dioula, on demande toujours cet objet de la visite.

Et l'enfant répondra qu'il n'y a rien de grave. Le père lui formulera le souhait que sa visite soit sous la protection de Dieu.

C'est celui qui arrive qui doit, le premier, adresser la salutation sinon personne ne répondra.

Quand l'étranger salue, c'est déjà une marque de considération qu'il manifeste à celui qui le reçoit. C'est pourquoi l'enfant se doit de saluer ses géniteurs quoiqu'ils soient ensemble.

67

b) -1 -2 Sali, une femme du village, arrive le matin et salue Moussa (homme)

Sali : Músà ki&nÐ

Moussa / matin Bonjour Moussa

Moussa : nbáà Sàlí í ni s*n*, Jàtigiru dó ?

merci / Sali / toi / et / marche / cohabitant+plur / et+intero. Merci Sali, bon arrivé. Comment vont les autres ?

Sali : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : dénw do?

enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?

Sali : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : án k'í yé s>g<mà

nous / aux.+toi / voir+acc. / matin Nous t'avons vu ce matin ?

Sali : júguman t& forí ro

mauvais / pas / salut / c'est

Rien de mal, c'est un bonjour

68

Moussa : AlÐ ka i na kúm Èiá

Dieu / souhait / toi / venir / raison / rendre bien Que Dieu bénisse ta visite

Sali : amína

amen amen

Quand c'est un adulte qui revient au village, il peut saluer son interlocuteur en commençant par son prénom. Celui-ci va s'enquérir des nouvelles de la famille de son visiteur et de la localité d'où il vient. Après quoi, il lui demande l'objet de sa visite. Le visiteur va lui répondre qu'il n y a rien de grave. Et l'interlocuteur lui souhaitera un bon séjour ; que Dieu bénisse son séjour et les raisons de sa visite.

Il faut noter que lorsqu'on demande l'objet de la visite, la réponse est systématique :»rien de grave, c'est un bonjour». Quoiqu'il y ait une raison à toute visite. C'est après qu'on dévoilera les vraies raisons de la visite. Le plus souvent quand un membre du village revient, c'est pour faire quelque chose.

Lorsque le visiteur arrive directement à la maison et salue, on lui répond. Ensuite on lui donne de l'eau à boire. On reprend la salutation en lui demandant les nouvelles de sa localité et celle de sa famille. A un adulte, on demandera toujours les nouvelles de la famille.

b) -1 -3 Un étranger inconnu du village arrive le matin Sali (femme) et Moussa (homme)

Moussa : a ni s>g<mà57

toi / et / matin Bonjour

57 Si c'est un autre moment, on le mettra.

69

Sali : í dans[

Toi / bienvenu Soyez la bienvenue

Moussa : nbáà

merci Merci

Sali : í ni tágama. b> y]r] do ?

Toi / et / marche / sortie / lieu / et +intero

Bienvenu ! Comment vont les gens de là-bas58 ?

Moussa : o k'á k[n[ !

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Sali : d] di

Quelque chose / donner Donne quelque chose59

Moussa : júguman t* fóri ro

mal / nég. / salut / c'est

Il n'y a pas de mal, c'est un bonjour.

Sali : Ala k'an tanga júguman man

Dieu / souhait+ nous / garder / mal / de

Que Dieu nous préserve du mal.

58 Nous utilisons `'là-bas» pour signifier le lieu d'où l'on vient ; comme il n'y a pas de précision, l'expression est utilisée couramment dans les salutations pour signifier un lieu. On aime dire »ceux de là-bas » ; c'est le sens d'un lieu lointain souvent.

59 Ici, »donne quelque chose» veut dire `'donne les nouvelles», que l'étranger apporte. C'est une formule simple qui prend en compte tout ceci.

70

Etranger : amí60

amen amen

Cette formule concerne un étranger (=» dúgu ná ») ou (» dunan »)

A propos d'étrangers, les Dioula en distinguent deux types : un membre du village de retour de voyage, et une autre personne qui n'est pas du village, qui y arrive.

Dans cette formule, il s'agit du deuxième type. Ce qui justifie la simplicité de la salutation. C'est le jùla véhiculaire qui est utilisé. Quand un étranger arrive dans le village, il doit être le premier à adresser la salutation, condition indispensable de son acceptation dans la communauté.

Souvent quand un étranger arrive pour la première fois au village de Darsalamy, après avoir salué la première personne qu'il croise, il est conduit à la cour royale (chez le chef). C'est là qu'on lui demandera l'objet de sa visite. Après l'avoir écouté, on lui donnera l'hospitalité. Cette expérience, nous l'avons vécue pendant nos séjours de recherches.

A travers la réponse à la salutation d'un étranger, on peut lire l'expression de la fraternité et de l'hospitalité. Entre les membres du même village, la réponse est un signe de reconnaissance de l'autre. Il faut noter que les commerçants sont aussi considérés comme des revenants d'un voyage. A cet effet, ils utilisent les mêmes formules pour saluer à leur retour. Un autre constat que nous avons fait est que, quand le père revient du marché, c'est toujours l'enfant qui le salue le premier, et au lieu de lui souhaiter bonne arrivée, il lui dit bonsoir ou bonjour selon le moment.

60 Ici il répondra amí (j.v.) au lieu de amìna(j.k.). L'étranger ou le visiteur parle le jùla véhiculaire.

71

b)- 2 Salutation de naissance/baptême

b)- 2 -1 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) au matin de son accouchement

Sali : ki&nÐ

matin Bonjour

Awa : nsée61 Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Sali, bonjour, t'es-tu réveillée dans la paix?

Sali : h&[r[ !

Paix

Dans la paix !

Sali : Ala ká dén nà kán dIya

Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que Dieu donne longévité à l'enfant

Awa : amIna

Amen amen

Sali : Ala ká làjó

Dieu / souhait / faire grandir/ Que Dieu le fasse grandir

61 Ici nous avons mis la réponse au féminin du fait qu'il revient le plus souvent à la mère du nouveau né de
répondre aux salutations. Si c'est le père de famille, on pourrait mettre la formule de réponse au masculin.

72

Awa : amína

Amen amen

Sali : Ala dàgà níi flà niàna

Dieu / sauver / vie / deux / être bien Que Dieu protège bien les deux personnes

Awa : amína

Amen amen

La naissance chez les Dioula est un événement pour toute la communauté. A cet effet donc, on vient saluer le nouveau né et sa maman. Le plus souvent, ce sont les femmes qui y vont pour féliciter leur consoeur après l'épreuve de l'accouchement. C'est généralement le matin que les gens y vont. Souvent, en raison des occupations, d'autres peuvent y aller selon l'heure de leur convenance. Ces salutations sont l'apanage des adultes. Très souvent on n'interpelle pas par prénom car, à côté de la mère et de l'enfant, il y a d'autres femmes et la belle mère. Donc on dit directement » ki&nл. On vient souhaiter la bienvenue à l'enfant et féliciter la mère pour lui avoir donné la vie. On remercie Dieu parce que la mère et l'enfant pouvaient mourir lors de l'accouchement. On le remercie de les avoir sauvés et on lui demande de veiller sur eux à travers les bénédictions qu'on formule.

b)- 2 -2 Sali, une femme, vient saluer Awa (femme) le jour du baptême, le matin,

Sali : ki&nÐ

matin

Bonjour

73

Awa : nsée Sali ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Sali, bonjour, t'es- tu réveillée dans la paix?

Sali : h&[r[ !

paix

Dans la paix !

Sali : Ala ká dén nà kán dIya

Dieu / souhait / enfant / venir / raison / rendre bon Que Dieu donne longévité à l'enfant.

Awa : amIna

Amen amen

Sali : Ala ká làjó

Dieu / souhait / faire grandir Que Dieu le fasse grandir

Awa : amIna

Amen amen

Ici il s'agit du jour du baptême qui a lieu sept (07) jours après la naissance62. Il faut noter que chez les Dioula de Darsalamy, le baptême marque de façon officielle la naissance et introduit l'enfant dans la communauté. Nous avons les salutations d'usage suivies de remerciements, souhaits et bénédictions. Le plus souvent, cette cérémonie se passe le matin.

62 C'est une cérémonie qui consiste, chez les musulmans, à raser la tête du nouveau né et lui attribuer un prénom lors d'une prière.

74

Dans ces salutations marquées par l'influence de la religion musulmane, Dieu est au coeur des souhaits. C'est lui qui a permis la naissance de l'enfant ; on lui demande de veiller sur eux. Il convient donc de le remercier et de lui confier cet enfant qu'il a donné.

Les enfants n'ont pas de formule de salutation du fait qu'ils ne participent pas directement à la cérémonie. De plus, ils sont des enfants. A cet effet, ils ne peuvent pas formuler de bénédictions. Ce sont les adultes qui sont concernés. Au fur et à mesure que l'enfant grandit, il revient à la mère de lui apprendre ces valeurs.

b)- 3 Salutation de mariage

b)- 3-1 Moussa (homme) vient saluer le matin les parents du marié/de la mariée Moussa : ki&nÐ

matin Bonjour

Parent : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans Merci Moussa, bonjour, t'es- tu réveillé dans la paix?

Moussa : h&[r[ !

paix

Oui dans la paix.

Parent : sóm<ru do?

Les gens de la famille+ plur. / et +interro. Comment va ta famille ?

75

Moussa : oru k'á k&n[ .

ils63 / aller + prés. / santé Elle va bien.

Parent : dénw do?

enfant+plur. / et ?

Comment vont les enfants ?

Moussa : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká k& fúru #uman yé

Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être Que Dieu rende ce mariage agréable

Parent : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká a È>g>n di an b&[ ma

Dieu / souhait / ça / pareil / donner / nous / tous / pré. à Que Dieu nous donne d'autres mariages pareils

Parent : amína

Amen amen

63 Quand on parle de famille, on a les enfants et les parents ; d'où l'utilisation de »ils». Mais dans la salutation on dit `'' et la famille ?» La réponse sera » elle va bien».

76

Moussa : AlÐ ká oru káan b[n

Dieu / souhait / ils / voix / accorder Que Dieu fasse qu'ils s'entendent

Parent : amIna

Amen merci

Le mariage chez les Dioula de Darsalamy est une question de famille. Et il constitue un grand événement (nous ne nous attarderons pas sur cette cérémonie qui n'est pas l'objet de notre travail).

A ce niveau, on adresse les salutations aux géniteurs des mariés. En fonction du temps, on salue et ils répondent en demandant les nouvelles de la famille. Et les arrivants commencent à adresser les voeux pour les mariés aux parents. On adresse ces voeux ou souhaits aux parents pour les remercier pour leurs enfants qui se marient.

On a également les bénédictions qui dominent cette salutation. Ce sont des voeux qu'on formule à l'endroit des parents, aux mariés et à la société entière. L'enfant grandit auprès des parents en observant ces formules.

b)- 3- 2 La salutation s'adresse aux mariés le matin : Moussa (homme) aux mariés (homme et femme)

Moussa : ki&nÐ

matin Bonjour

Mariés : nbáà Moussa ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Moussa / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro. Merci Moussa, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la paix?

77

Moussa : h&[r[ !

paix

dans la paix

Mariés : sóm<ru do ?

Les gens de la famille. / et+interro.

Comment va ta famille ?

Moussa : oru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Mariés : dénw do ?

enfant+plur. / et+interro Et les enfants ?

Moussa : oru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : AlÐ ká k& fúru #úman yé

Dieu / souhait / rendre / mariage / bon / être

Que Dieu fasse de cela un bon mariage

Mariés : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká ar káan b[n

Dieu / souhait, / vous / voix / accorder

Que Dieu vous unisse

78

Mariés : amína

Amen amen

Moussa : AlÐ ká dén #uman dií ár mà

Dieu / souhait / enfants / bon / donner / vous / à

Que Dieu vous donne de bons enfants

Mariés : amína

Amen amen

Les gens viennent en groupe, par quartier ou par famille pour célébrer, soutenir et souhaiter un heureux ménage aux mariés. On retrouve les mêmes salutations que dans la précédente. Au niveau des souhaits, on s'adresse directement aux mariés :

»AlÐ ká ar káan b[n» (= que Dieu vous unisse ! )

À la différence de la première qui est :

»AlÐ ká orw káan b[n» (=que dieu fasse qu'ils s'entendent).

Les souhaits sont orientés vers leur bonne union, leur entente dans le couple. Qu'ils aient de bons enfants et un heureux ménage !

79

b)- 4 Salutation de funérailles

b)- 4- 1 Saluer le jour du décès

Dans cette formule, nous avons Moussa (homme) qui s'adresse à une famille éplorée. On ne salue pas un individu lors des funérailles, c'est tous ceux qui sont affligés. Donc on aura comme interlocuteurs Moussa et les affligés (ceux qui sont en deuil).

Moussa : aw ni sógóla

vous / et / viande couché Vous et la douleur64

Affligés : nbáà65 an b*[ ni s*[

merci / nous / tous / et / fatigue Merci. A nous tous la douleur

Moussa : Ala ká hína a rà

Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait pitié de son âme !

Affligés : amína

Amen amen

Moussa : Ala ká an b&[ ta nìa

Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu nous accorde une bonne mort66

64 Ici, nous avons le corps du défunt qui est comparé à de la viande couchée ou posée en face. Cela suscite de la douleur. Les Dioula font directement la relation avec cette image que nous exprimons par la douleur dans la traduction française.

65 Dans la reprise ici, on ne reprend pas le prénom de celui qui salue. Parce qu'on ne connaît pas tous ceux qui arrivent, et tous ceux qui sont déjà là répondent à la salutation.

80

Affligés : amína

Amen amen

Dans nos différentes sociétés, la mort est une réalité. Elle affecte toute la communauté. Tout le monde se mobilise pour accompagner le défunt par la prière et les bénédictions. C'est pourquoi on se rend dans la famille affectée. Le jour du décès, on se salue par rapport à la douleur, la souffrance :

» áw ni sógola»67 (qui veut dire vous et la douleur).

C'est une compassion car le corps du défunt est encore là sous les yeux.

On est sous l'effet de la mort par la présence du corps du défunt et on le pleure encore. Et la salutation en fonction de l'événement est :

» áw ni sógola » quand le corps du défunt n'est pas encore enterré.

On salue la douleur et la fatigue de tous ceux qui sont là.

On ne demande pas après les familles pour la simple raison que la mort d'un membre de la communauté affecte toutes les familles, d'où le caractère communautaire de celle-ci.

On formule des souhaits d'abord pour le défunt afin que Dieu l'accueille dans son paradis. Ensuite pour les vivants, afin qu'ils bénéficient d'une bonne mort. Mais ce souhait ne voudrait pas dire que les vivants sont prêts à mourir. Il est plutôt le signe de l'espérance et de la foi des Dioula. La mort est un passage obligatoire pour tout homme. A cet effet donc, il sied de se la souhaiter mutuellement bonne.

66 La mort est un passage obligatoire pour tous. Et chez les dioula, il convient de se souhaiter une bonne mort qui signifie en quelque sorte une mort naturelle, après avoir vécu longtemps et la mort dans de bonnes conditions.

67 On retrouve à la place de » áw ni sógola » cette forme chez certains : » áw ni dúsu kási » (=vous et la douleur). Ces deux formules ont la même signification. La seconde est le fruit de l'influence du jùla véhiculaire chez certains Dioula de Darsalamy.

81

Les bénédictions qui accompagnent la salutation sont de deux ordres : on les fait d'une part pour accompagner le défunt et d'autre part pour soi-même et les autres aussi, dans la mesure où tout homme est appelé à mourir.

b)- 4- 2 Saluer le lendemain du décès : Moussa (homme) salue les affligés (famille en deuil)

Moussa : áw ni kúnu s*[

vous / et / hier / fatigue Vous et la fatigue d'hier68

Affligés : nbáà an b&[ ni s&[

merci / nous / tous / et / la fatigue/ Merci Moussa, nous tous et la fatigue69

Moussa : Ala ká hína a rà

Dieu / souhait / pitié / lui / à Que Dieu ait pitié de lui

Affligés : amína

Amen Amen

Moussa : Ala ká a jígi y<r] nía

Dieu / souhait / son / descendre / lieu / rendre bon Que Dieu rende bien là où il descend70

68 Le lendemain de la mort est difficile. On fait allusion donc à la douleur d'hier ; du fait de la présence du corps du défunt, on ne pouvait pas dormir. C'est pourquoi les Dioula, le lendemain saluent en fonction de la douleur de la veille.

69 Ici on pourrait dire encore » que Dieu l'accueille dans son royaume»

70 On pourrait traduire également par »Que la terre lui soit légère».

82

Affligés : amína

Amen Amen

Moussa : Ala ká ánw b&[ ta níya

Dieu / souhait / nous / tous / poss. / rendre bien Que Dieu nous accorde une bonne mort

Affligés : amína

Amen Amen

Les salutations du lendemain se situent après l'inhumation. On dira : »áw ni kúnu s*[» (= Vous et la fatigue d'hier).

On se réfère à la fatigue d'hier. On souhaite pour le défunt une bonne mort, que Dieu l'accueille dans son royaume et qu'il repose en paix. Les vivants eux, se souhaitent une bonne mort. C'est la souffrance du deuil qu'on exprime le lendemain de l'enterrement. Les souhaits émis servent de réconfort pour la communauté :

» Ala ká ánw b&[ ta níya »(=Que Dieu nous accorde une bonne mort)

b)- 4- 3 - Lors des »dugabu»71 Moussa : ki&nÐ

Matin Bonjour

71 Le `'dugabu» ou encore `'doua» est un sacrifice que la communauté fait, un sacrifice pour accompagner le défunt, pour que Dieu lui pardonne ses péchés. Cette pratique émane de l'islam.

83

Affligés : nbáà ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

Merci / matin / tu / réveiller+acc. / paix / dans

Merci, bonjour ; t'es- tu réveillé dans la paix?

Moussa : h&[r[ !

paix Paix

Affligés : sóm<ru do ?

gens de la famille / et Comment va ta famille ?

Moussa : óru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Affligés : dénw do?

enfant+plur. / et ? Et les enfants ?

Moussa : óru k'á k&n[

ils / aller +prés. / santé Ils vont bien.

Moussa : Ala ká sáraka mIna

Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce sacrifice

Affligés : amIna

Amen Amen

84

Moussa : Ala ká án tó %<g<n yé

Dieu / souhait / nous / garder / ensemble / à Que Dieu nous unisse

Affligés : amína

Amen Amen

Le »dugbabu» est un sacrifice important chez les Dioula de Darsalamy en particulier et dans l'islam en général. C'est un sacrifice de remerciement à Dieu pour la vie du défunt. On lui confie le défunt afin qu'il l'accueille dans son paradis. Il a lieu le 7ème jour et le 40ème jour après le décès. C'est le ''

sáraka b] » (=» Sacrifice faire»).

En ce moment, le deuil est moins perceptible. On se salue en fonction du temps de la journée. On demande les nouvelles des familles respectives et des enfants qui, en principe ne participent pas à ce rituel. Après interviennent les souhaits où on demande à Dieu d'accepter le sacrifice pour le défunt. Qu'il fasse régner l'unité dans la famille et la communauté du défunt.

En fait, ce rituel émane de l'islam. En tant que pratiquants de cette religion, les Dioula l'ont incorporé à leurs valeurs culturelles. C'est une cérémonie faite de bénédictions et de prières que la communauté organise pour le défunt afin que Dieu » Ala» (= » le tout puissant») l'accueille dans son royaume.

Il y a un ensemble de versets du coran et des sourates que l'Imam dit et à la fin desquels il formule des bénédictions auxquelles l'assistance répondra :

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Imam : Ala ká níya

Dieu / souhait / rendre bien

Que Dieu rende bien notre sacrifice

Assistance: amína

Amen Amen

Imam: Ala ká sáraka mína

Dieu / souhait / sacrifice / attraper Que Dieu accepte ce sacrifice

Assistance : amína

Amen Merci

Il faut noter qu'en ce qui concerne ces salutations de funérailles, les enfants n'ont pas de formules à dire du fait qu'ils n'assistent pas le plus souvent aux funérailles.

Quand il y a un décès dans la famille, les enfants sont amenés chez un des oncles ou dans une autre famille jusqu'à la fin des obsèques. A cet effet donc, ces formules ne sont pas utilisées par les enfants qui le plus souvent les ignorent.

Quand ils deviendront adultes, ils les apprendront aux côtés de leurs aînés lors des cérémonies de funérailles.

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b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski, nouvel an)

b)- 5- 1- Un enfant salue ses géniteurs le matin

Enfant : Baba ki&nÐ

Papa / matin Bonjour Papa !

Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

merci / poss.+ enfant / matin / tu / réveiller+acc./ paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé ?

Enfant : h&[r[ !

paix

dans la paix !

Enfant : Baba ni sán kúra

papa / et / an / nouveau Bonne année papa !

Père : nbáà n'dén i ni san kùrà

merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon enfant. Bonne année !

Enfant : amIna

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

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Enfant : amína

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que Dieu nous donne longue vie

Enfant : amína

Amen Amen

Les fêtes, »séri» chez les Dioula de Darsalamy sont des moments de réjouissance. Chaque fête correspond à une nouvelle lune. Ce sont le plus souvent des fêtes dites musulmanes.

Le matin de la fête, l'enfant adresse d'abord le salut quotidien à ses géniteurs avant de leur souhaiter la bonne fête :» Baba ni sán kúra ».

Et le géniteur à son tour lui souhaite bonne année aussi avant de lui formuler des voeux. Ces bénédictions reposent sur la paix indispensable pour la vie, la longévité pour grandir. Que Dieu lui accorde beaucoup de jours. En souhaitant la longévité, le géniteur le fait et pour l'enfant et pour lui-même quand il dit : »AlÐ ká sán cáaman di an ma » (= »Que Dieu nous donne longue vie»)

Si l'enfant vit, il lui faut la paix pour grandir. C'est cela le sens des souhaits du géniteur à l'endroit de son fils. Comme cité plus haut, la fête est une réjouissance. Avant ces réjouissances, on se souhaite mutuellement les voeux pour la nouvelle année : des voeux de paix, de santé, de joie et de bonheur.

Les enfants manifestent leur reconnaissance à leurs géniteurs à travers la salutation et ils prient pour que Dieu les garde auprès d'eux.

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b)- 5- 2 Un enfant salue un adulte lors d'une fête (ramadan, tabaski, nouvel an), le matin

Enfant : n'faá ki&nÐ

Poss. +père / matin Père bonjour

Père : nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà ?

Merci / poss. + enfant / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé ?

Enfant : h&[r[ !

paix la paix

Enfant : n'faá ni san kúra

Poss.+Père / et / an / nouveau

Bonne année papa !

Père : nbáà n'dén i ni sán kúra

merci / poss. + fils / toi / et / an / nouveau Merci mon enfant. Bonne année !

Enfant : amIna

Amen Amen

Père : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix / rendre beaucoup

Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

Enfant : amIna

Amen Amen

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Père : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à

Que Dieu nous donne longue vie

Enfant : amIna

Amen Amen

On retrouve les mêmes formes de salutations ici que lorsque l'enfant s'adresse à son géniteur. Seulement l'appellation affective »papa » fait la différence. Les voeux sont les mêmes puisque l'enfant est considéré comme le fils de toute la communauté. A l'instar du géniteur, tout adulte lui formulera les voeux de paix, de longévité... Ce sont les plus jeunes qui saluent leurs aînés, qui à leur tour, formulent des bénédictions à leur endroit.

b)- 5 -3 Deux adultes se saluent lors d'une fête (ramadan, tabaski, nouvel an) : Moussa (homme) et Sali (femme), le matin

Sali : Músà ki&nÐ

Moussa / matin, Bonjour Moussa

Moussa : nbáà SàlI ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rà

merci / Sali / matin, / tu / réveiller+acc. / paix / dans +interro Merci Sali, bonjour ; t'es- tu bien réveillée ?

Sali : h&[r[ !

Paix

dans la paix !

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Moussa : sóm<ru do ?

Les gens de la famille / et+interro. Comment va ta famille ?

Sali : óru k'á k&n[ .

ils / aller + prés. / santé Elle va bien.

Moussa : dénw do?

enfant+plur. / et +interro? Et les enfants ?

Sali : óru k'á k&n[

ils / aller + prés. / santé Ils vont bien.

Sali : Músà i ni sán kúra

Moussa / toi / et / an / nouveau Bonne année Moussa !

Moussa : nbáà Sàlí i ni sán kúra

merci / Sali / toi / et / an / nouveau Merci Sali, bonne année !

Moussa : AlÐ ká sán h&[r[ cáya

Dieu / souhait / an / paix+être / rendre+beaucoup Que Dieu nous accorde beaucoup de paix cette année

Sali : amína

Amen Amen

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Moussa : AlÐ ká sán cáaman di an ma

Dieu / souhait / an / beaucoup / donner / nous / à Que Dieu nous donne longue vie

Sali : amína

Amen Amen

Dans cette salutation, les adultes tiennent compte de la famille et des enfants d'abord. Ensuite, ils se souhaitent la bonne année. Les souhaits sont les voeux de paix, de longévité les uns pour les autres. Entre adultes ou personnes de même génération, le souhait de voeux est mutuel. La paix est significative pour le nouvel an car c'est elle qui permet la cohabitation dans la communauté.

b)- 5- 4 Après les prières du jour de fête

Chez les Dioula de Darsalamy, il y a une formulation de salutation après la prière les jours de fête et les vendredis après la grande prière. Ces bénédictions et souhaits sont une forme de salutation de l'Imam à l'endroit des fidèles.

Imam: Ala ká báto mína

Dieu / souhait / adoration / attraper72 Que Dieu accueille nos prières

Fidèles : amína

Amen Amen

Imam: Ala ká k& #asigi yé

Dieu / souhait / rendre / avenir / être
Que Dieu nous donne la prospérité !

72 '' mína '' signifier attraper. Dans la formule, elle est traduite par '' accueille'' dans la mesure où c'est une forme de demande à Dieu

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Fidèles : amína

Amen Merci

Imam: Ala kánà an73 fári fága a rá

Dieu / négation / poss. / corps / tuer / ça / dans

Que Dieu fasse que nous ne nous lassons pas dans la prière !

Fidèles : amína

Amen Amen

Imam : Ala ká bi séri #ià ka di an ma

Dieu / souhait / aujourd'hui / fête / rendre bien / souhait / donner / nous / à Que Dieu accueille notre prière de ce jour !

Fidèles : amína

Amen Amen

Ce sont des bénédictions qui sont donc formulées pour la communauté à l'occasion de la nouvelle lune. Elles sont connues de tous dans la communauté.

Ces formules nous permettent de voir les différents événements de la communauté dioula et leurs préoccupations sociales. Il ressort ici que la famille a une place importante dans la salutation des adultes. L'expression de la religion, la solidarité et la reconnaissance sociale sont des éléments perceptibles dans les formules de salutation.

73 '' an » est ici le pronom possessif » nos ». Dans d'autres cas, il désigne le pronom personnel » nous ».

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On se rend compte à travers ces énoncés que la parole est importante car c'est elle qui favorise leur transmission. Il convient donc de chercher à voir en quoi ces énoncés sont-ils littéraires ; en d'autres termes, quelle est la littérarité de ces énoncés ?

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CHAPITRE III : LA LITTERATURE ET LES FORMULES DE SALUTATION

Dans ce chapitre, nous présentons en quoi les formules de salutation sont des textes oraux, c'est-à-dire des textes littéraires oraux. Nous partirons d'une série de définitions de la littérature orale et nous présenterons des éléments textuels et les aspects sociologiques qui démontrent cette littérarité des formules de salutation.

III -1 Les aspects littéraires des formules de salutation

La notion de littérature orale a été définie diversement par les chercheurs et spécialistes. En effet chacun la perçoit en fonction de ses préoccupations, de son domaine. Nous pouvons ici nous intéresser aux définitions suivantes :

Pour CANU Gaston, « la littérature orale par définition, est une littérature parlée et non écrite »74.

Pour ENO Belinga S.M. « on peut définir la littérature orale comme, d'une part l'usage esthétique du langage non écrit et, d'autre part, l'ensemble des connaissances et les activités qui s'y rapportent. »75

Selon Eliade Mircea, la tradition orale (dont la littérature orale) est »la transmission et la conservation orales de la somme des traditions culturelles».76

Joseph KI-ZERBO dit que : « la tradition orale (dont la littérature orale) est l'ensemble de tous les types de témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé ».77

74 Contes Mossi actuels, p. 327.

75 La littérature orale africaine, P. 7.

76 Histoire de la littérature, tome 1 p. 3(collection dirigée par Raymond Queneau).

77 La tradition orale, Diouldé Laya, p. 100.

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Et selon la définition synthétique de Sié Alain KAM, « la littérature orale, parlée par essence, est l'ensemble de tout ce qui a été dit, généralement de façon esthétique, conservé et transmis verbalement par un peuple et qui touche la société entière dans tous ses aspects. »78

A partir de ces différentes définitions de la littérature orale, on peut retenir deux aspects qui nous permettent d'aborder la littérarité des formules de salutations.

Dans un premier temps, il ressort l'usage esthétique de la parole qui marque les facteurs textuels.

Et dans un second temps, l'ensemble de valeurs sociales et des activités qui s'y rapportent, qui sont transmises verbalement, de génération en génération ; d'où une origine lointaine de celles-ci. C'est tout cela qui fait du texte oral une consécration sociale. Ce sont là des facteurs sociologiques des salutations.

III- 1- 1 Les éléments textuels

Ces éléments sont essentiellement orientés vers la morphosyntaxe et les métaphores. Comment se présentent les salutations, leur longueur? Ce sont ces éléments que nous présenterons ici.

a) La longueur des formules

En ce qui concerne la longueur des salutations, nous constatons que la première phrase est relativement courte par rapport aux autres :

»Baba ki&nл Papa bonjour

78 Nouvelle approche sur les catégories principales de la littérature orale africaine, P. 14.

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»nbáà n'dén ki&nÐ, I wIrilÐ h&[r[ rá ?»

Merci mon fils, bonjour, t'es- tu bien réveillé dans la paix ?

Cette forme de construction se retrouve dans toutes les formules. Au niveau des souhaits ou des bénédictions, les réponses sont courtes :

» AlÐ ká téré h&[r[ ''

Dieu fasse que la journée soit paisible

''amIna» Amen

»AlÐ ká bIi dIyл

Dieu fasse que ce jour soit bon

»amIna '' Amen

On constate là que les bénédictions sont longues par rapport aux réponses. Cette longueur favorise l'interaction dans les salutations. On a un système dialogique où celui qui répond permet à son interlocuteur de poursuivre son discours. On retrouve ces réponses dans les différentes formules:

»h&[r[» (= la paix) et »amIna » (= merci).

Elles permettent à celui qui parle de continuer sa communication.

b) La place des mots dans les formules

Les salutations commencent par l'interpellation de la personne à qui on adresse la salutation. En effet, l'enfant appellera son géniteur »Baba». A un

aîné de l'âge de son géniteur, il dira »n'faá» (= »mon père »). Pour son grand frère il dira »n'k]r]» (=grand-frère). Quand deux adultes se saluent,

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ils s'interpellent par le prénom. C'est le cas de Sali qui salue Moussa. On constate que cette interpellation est une marque de respect, de politesse, de sympathie et de la reconnaissance de l'autre comme étant un aîné ou un supérieur. C'est la reconnaissance de la place sociale.

Après cette interpellation, on a le deuxième mot qui marque le temps ou l'événement. Ces éléments renvoient aux habitudes et aux croyances de la société.

»ki&nл pour le matin, »tére » pour midi et »wúla » pour le soir.

Au niveau des formules des événements, on se réfère au temps aussi sauf pour les funérailles où on ne tient pas trop compte du temps. Cela est dû au fait que la mort chez les dioula n'a pas de temps défini et la mort engendre la douleur qui domine cette période. Quand la mort frappe un membre de la communauté, c'est la communauté tout entière qui est concernée. Tout le monde est affligé et on salue cette douleur par :

»aw ni sógóla» (= Vous et la viande couchée).

Au niveau des salutations- que ce soit le temps ou les événements- les souhaits ou bénédictions occupent une place importante. En effet, on retrouve au début de chaque souhait et cela est récurrent cette formule :

»Ala ká» (=Que Dieu fasse...)

Cette expression est la première référence au sacré, c'est-à-dire à Dieu. C'est l'expression de la croyance et de la foi en un Dieu unique chez les Dioula. Dieu est au coeur de toute entreprise, dans la vie de l'homme. C'est à lui qu'on demande la protection, la paix et la bénédiction. L'usage de »Allah» en début des souhaits marque un fort attachement des Dioula à la religion musulmane qu'ils pratiquent. Ce mot » Allah» est emprunté de l'arabe et utilisé dans les prières pour designer le »tout puissant», »Dieu ».

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Dans ces voeux ou souhaits, nous retenons un élément important qui est la marque de l'inaccompli par l'utilisation du subjonctif :

»Ala ká» (= Que Dieu fasse...).

Le mot » ká » marque l'inaccompli, le souhait, l'espérance et la foi en Dieu. C'est quelque chose qu'on demande avec espoir à Dieu. Ce n'est pas encore acquis, mais on le fait dans l'espoir que cela s'accomplisse.

c) Les métaphores

c)-1 La métaphore de la longévité dans les salutations

La récurrence de la notion de paix et santé dans la salutation marque le souhait de la longévité. En effet, on la retrouve remarquable et fondamentale dans les souhaits. Quand il s'agit de l'enfant, c'est uniquement ce souhait de paix. L'enfant n'a pas d'activité ; on lui souhaite donc la paix et la santé tous les jours. Cette répétition quotidienne de ce souhait traduit le pieux voeu de voir grandir cet enfant dans la communauté. De même, le souhait d'une bonne journée s'inscrit dans cette logique de longévité puisque tous ces souhaits concourent à une meilleure santé, partant une longue vie quand on dit :

»AlÐ ká sán cáaman di an ma » (= »Que Dieu nous donne longue vie»)

c)-2 La notion de paix : »h&[r[» (= la paix)

La notion de la paix est importante dans les salutations. En effet, la vie de l'homme est basée sur la paix : la paix avec soi-même et la paix avec les autres. Par exemple le matin, on demandera d'abord si on s'est réveillé dans la paix : » í wírilÐ h&[r[ rá ?» (= »t'es-tu réveillé dans la paix ? ». Dans cette

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formule, on va au-delà de la paix pour évoquer la santé. Etre en paix, c'est être en bonne santé.

On constate ici que la notion de paix jalonne les salutations. En effet, le matin la notion de paix est en relation avec le réveil. A midi, on retrouve la paix qui est rattachée au soleil. Depuis le matin, la paix accompagne l'homme dans ses activités vers midi. Et cela à travers cette formule :

»h&[r[ téréná wa? » (= Qui signifie Comment va ta journée ?)

On retrouve dans cette formule la notion de paix et de santé qu'on adresse à un plus jeune. Mais quand il s'agira des adultes, on y ajoutera l'activité.

Le soir, on retrouve encore la notion de paix. Cette paix a pour objectif d'achever la journée et d'accompagner l'homme dans le passage de la nuit.

»AlÐ ká tére h&[r[» (= Dieu fasse que ta journée soit paisible)

»AlÐ ká wúla h&[r[» (= Dieu fasse que la soirée soit paisible)

A travers ces différentes places de la paix dans les salutations, on peut retenir que la quête de la paix est une préoccupation sociale et majeure chez les Dioula de Darsalamy. L'individu doit d'abord être en paix avec lui-même, ensuite avec les membres de la communauté et enfin dans tout ce qu'il entreprend.

d) Mots et réseau de sens

d)-1 Le mot » díyÐ » dans les souhaits

»AlÐ ká bíi díyл : (= Dieu fasse que ce jour soit bon)79

»AlÐ ká súgu díyл80 (= Que Dieu fasse que ton marché soit bon)

79 On retrouve ce souhait dans les salutations du matin.

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Dans les souhaits, on peut s'intéresser au mot » díyÐ »qui veut dire » bon»

ou »rendre bon». Quand on dit donc ces deux souhaits ci -dessus, le sens premier qui se dégage est `'rendre bon».

Pour la journée on dira :

» AlÐ ká bíi díyÐ » (= Dieu fasse que ce jour soit bon).

Au delà de l'aspect »bon » on vise autre chose ; on souhaite qu'il y ait la paix, la joie, le bonheur ; qu'il n y ait pas de différends et que la journée soit agréable.

Mais pour le marché ou une activité commerciale, on dit :

» AlÐ ká súgu díyл (=Que Dieu fasse que ton marché soit bon).

Là » díyÐ » renvoie à la rentabilité de l'activité ; qu'on gagne de l'argent ou

que l'activité prospère. Donc le mot » díyÐ » renvoie ici à un réseau de sens en français.

d)-2 Le mot »#úman » dans les salutations

»AlÐ ká tére #úman ban» :(= Dieu fasse que la journée se termine bien)

»AlÐ ká í #úman wíri» : (= Dieu fasse que tu te lèves bien)

Ici le mot » #úman» signifie » bien, beau, bon ». Dans le premier souhait,

» #úman »renvoie au bon achèvement de la marche du soleil qu'est la journée ; on souhaite que la journée se termine en beauté. Dans le deuxième souhait qui est formulé à un commerçant ou à un marchand, » #úman wíri », renvoie ici aux bonnes recettes que ce dernier va faire et qu'il achève bien

80 Nous avons pris ici ce souhait pour la simple raison qu'il illustre les activités commerciales étant donné que ces Dioula sont un peuple marchand, commerçant. Cela peut concerner d'autres domaines d'activité.

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l'activité commerciale, car ce sont ses recettes qui lui permettront de rentrer chez lui, pour nourrir son foyer. Donc on va au delà de l'aspect » bon et beau » pour voir » la rentabilité et la finalité » de l'activité.

III- 1-2 Les éléments sociologiques de la salutation

Ces éléments sont en relation avec le texte. Ils déterminent les rapports entre les hommes, la société et les salutations. C'est l'expression de la société à travers les salutations.

On peut retenir à ce niveau tout d'abord la famille et la société au coeur des salutations, ensuite les activités et les temps en rapport avec les salutations, par ailleurs l'origine même de la salutation et enfin le protocole de la salutation.

a) La famille et la société au coeur des salutations

La famille a une place importante dans les salutations. En effet chez les Dioula, l'individu est issu d'une famille qui elle aussi émane d'une société. Toute la communauté constitue de ce fait une famille et lorsqu'on se salue, on fait référence à cette communauté de destin dans les voeux et les souhaits, les préoccupations...

De façon générale, dans les salutations, on demande après la famille et les enfants. Chez les Dioula, nous avons constaté que la femme est responsable du foyer. C'est elle qui veille sur les enfants et le fonctionnement de la famille. C'est à elle qu'on demande l'état de la famille.

Cet intérêt pour la famille et des enfants marque une préoccupation sociale. Chaque adulte est responsable d'une famille qui est la première cellule sociale. Dans certaines salutations, on pourrait même entendre dire :» et mes enfants».

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C'est pour signifier que l'enfant appartient à toute la société à travers l'utilisation du possessif » mes».

b) Les activités et le temps dans la salutation

Les salutations chez les Dioula de Darsalamy se présentent en fonction du temps et des activités. A partir de cette répartition, on peut percevoir la notion de temps qui est fondamentale. Nous avons, en ce qui concerne le temps : le matin, le midi et le soir. A chacun de ces »moments », les hommes se formulent des salutations. Ces salutations gravitent autour de la communauté et des activités de celle-ci.

Le matin on dit » ki&na» (=»matin»). On vient de se réveiller, on a traversé la nuit, on s'apprête à aller au travail (marché, champ, atelier...). On se souhaite un bon réveil. Ensuite, on a les souhaits pour la journée. Ils sont orientés vers le bon déroulement de la journée et des activités dans la paix. Tout ce que l'on va entreprendre doit se passer dans la paix. C'est cela le sens du bonjour.

Dans la salutation du matin nous avons le mot »ki&nÐ » qui signifie »le matin» ; il correspond au bonjour en français. Dans ce concept se trouve toute l'expression de la vie des hommes. Le matin est le début de la journée. Pour toute activité, le réveil est primordial. L'expression du matin chez les Dioula de Darsalamy marque une renaissance. Donc en disant » ki&nÐ », on résume tout ce voeu de renaissance que les hommes se formulent tous les jours au delà de l'aspect temps.

Les temps forts de la journée marquent la salutation : le matin, le midi et le soir

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»Baba ki&nл : (Papa / et / matin) : (=Bonjour Papa) »Baba ní tére» : (Papa / et / soleil) : (= bonjour Papa) »Baba ní wúla» : (Papa / et / soir) : (=bonsoir Papa)

Le matin on se réveille et on va au travail. A midi on observe une pause et le soir on rentre à la maison pour le repos de la nuit. Et un de nos interlocuteurs nous disait à propos : « la journée est comme toute notre vie. On naît, on grandit et on meurt. Le matin, c'est la naissance ; on grandit dans la journée à travers notre activité et le retour du soir est comme une mort. Demain, on reprend la journée comme une nouvelle vie. Que l'on soit travailleur ou pas, on verra le soleil se lever, monter dans le ciel et aller tomber. Donc c'est cela le sens du temps dans les salutations. »81

Le temps est également une référence pour les prières de la journée ; les Dioula n'ont pas connu l'heure de la montre, c'est l'évolution du soleil qui détermine les heures de prière.

De même à midi, le soleil est monté au ciel, une partie de la journée est déjà passée ; on a quitté le matin. On souhaite que ce soleil qui va se coucher apporte la paix toujours dans ce que l'on est en train de faire.

Dans ces formules, les préoccupations sont axées sur les activités des hommes. Quand un enfant salue, on lui souhaite la paix et la santé dont il a besoin pour grandir. Du fait qu'il n'ait pas d'activités, on ne lui formulera pas de souhaits dans ce sens. Mais quand il s'agit des adultes qui se saluent, au-delà des notions de paix et santé, ils se souhaitent la paix dans le travail ou dans l'activité que l'on mène. Que ce soit dans le commerce, au champ ou dans un

81 Entretien fait en janvier 2007 à Darsalamy avec les notables de la cour royale.

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atelier, qu'il y ait la paix. Notons que la paix est précieuse dans l'évolution de la journée chez les Dioula de Darsalamy.

Dans ce sens, on peut dire que la salutation prend en compte certaines préoccupations sociales.

c) Les origines de la salutation

Pourquoi s'intéresser à l'origine des salutations ? Parce que les salutations vont avec la vie des hommes et avec la parole. Elles constituent un facteur de socialisation, de cohésion sociale. Elles viennent du fond des âges. Elles ont gardé leur manière d'être au fil du temps sans innovation majeure. Elles s'apprennent sur le tas et se transmettent de génération en génération, d'année en année. Justement cette transmission verbale de génération en génération est évoquée par Joseph Ki ZERBO82 pour qui la tradition orale est « l'ensemble de tous les types de témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé »83.

Les salutations témoignent depuis les origines, comment l'homme a évolué. A travers elles, on peut découvrir les pratiques de la communauté au fil des années. Ses caractères »témoignage et transmission verbale» se perçoivent dans ses énonciations.

Cette vision soulève le caractère collectif des salutations qu'on ne peut pas oublier parce qu'elles sont utilisées quotidiennement. Et cet usage est fait non seulement en fonction du temps et des activités qui entourent la vie de l'homme, mais encore en fonction du rang social. En ce sens qu'un enfant a sa manière de saluer de même qu'une femme ou un adulte. Les bénédictions ou

82 Joseph Ki ZERBO fut un historien Burkinabé.

83 La Tradition orale, DIOULDE Laya, p.100.

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souhaits sont émis par l'aîné à l'endroit du plus jeune et de l'homme à l'endroit de la femme.

Depuis leur origine, les salutations sont véritablement liées aux activités de l'homme.

d) Le protocole

Le protocole a une place de choix dans les salutations. Tout d'abord, nous avons tout le protocole qui accompagne ces salutations : ce sont les moins âgés qui saluent les premiers ; la femme qui salue l'homme ; c'est l'aîné qui formule les souhaits à l'endroit du plus jeune et l'homme à l'endroit de la femme. Quand deux adultes se saluent, c'est l'homme qui demande les nouvelles de la famille et des enfants à la femme.

De plus, chaque groupe de la communauté a sa manière propre de saluer.

Le protocole peut se lire également dans les préoccupations des hommes dans la salutation. En effet, quand on se salue, on rappelle d'abord le moment de la journée. Au-delà de cette référence au temps, c'est la société elle-même qui est mise en relief au cours de ces échanges de salutations à travers les expressions de santé, de paix et les souhaits. Pour deux adultes, on demandera après la famille et les enfants, à la différence de la salutation entre l'enfant et l'aîné car l'enfant n'a pas en charge une famille. Les souhaits traduisent l'expression des activités menées par les adultes dans la communauté.

A travers les éléments textuels abordés à savoir : la longueur des formules, la place des mots dans la salutation, les métaphores, les mots et réseau de sens et les aspects sociologiques suivants : la prise en compte de la famille et la société dans les formules de salutation, les activités et le temps dans la salutation, et tout le protocole qui l'accompagne, nous pouvons dire que les formules de salutations constituent des textes littéraires oraux.

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CONCLUSION

A l'issue de cette étude qui nous a permis de mieux découvrir les Dioula de Darsalamy à travers leurs formules de salutation, nous ne pouvons pas prétendre avoir perçu toute la quintessence des salutations. Il reste des points à découvrir ou à approfondir. Il s'agit notamment des questions liées à la langue proprement dite, aux terminologies, à certains us et coutumes qui vont de pair avec les salutations. Egalement dans ces préoccupations s'inscrivent les pratiques culturelles.

C'est le début d'une étude qui va s'étendre sur d'autres groupes sociaux en vue d'aboutir à un cadre formel qui confirmera les formules de salutations comme des éléments de la littérature orale.

A travers cette étude, nous avons pu découvrir le village de Darsalamy, les habitants et leurs pratiques. Nous avons appris que la tradition orale ou la littérature orale dépasse le cadre habituel identifié par les contes, légendes, épopées, proverbes, devinettes... pour prendre en charge les préoccupations de la société. Elle constitue ainsi un chaînon lié à un ensemble de pratiques socioculturelles.

Du point de vue de la méthodologie, nous avons appris comment approcher une société. Nous retenons que l'approche de nos sociétés à tradition orale requiert de la patience et de la courtoisie surtout quand on a à faire à des personnes âgées ou illettrées. Patience dans la mesure où les informations livrées peuvent subir des influences ou des modifications d'un informateur à l'autre. Et nous avons appris à nos dépends que seul le recul permet une analyse efficace et efficiente des sociétés africaines qui subissent au quotidien des mutations.

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Notre analyse s'est étendue sur trois chapitres. Dans le premier chapitre nous nous sommes intéressé à la présentation du terrain. En effet, ce chapitre a pris en compte l'origine des Dioula, leurs pratiques et activités, et leur religion. Les dioula de Darsalamy sont venus de Kong (Côte d'Ivoire) et se sont installés là au 19ème siècle. Sur le plan social, ils sont organisés en deux grands groupes à savoir : les Barro qui détiennent la chefferie traditionnelle (famille royale) et les Sanogo qui managent le pouvoir religieux (avec l'Imam). Fait marquant, le village de Darsalamy n'est doté d'aucune structure administrative. La raison évoquée est que ce village est rattaché à la commune urbaine de Konsa à Bobo Dioulasso.

Au niveau de l'organisation sociale et familiale, nous retrouvons le patriarche de la famille qui est le plus ancien, l'aîné qu'on appelle » ki&m]g]ba '' ;

avec lui une vieille femme qui est »sótigi » (=» gardienne de la maison » ou '' propriétaire de la maison »). Chez les Dioula, la notion de famille est importante. Elle est la cellule sociale. On ne fait pas de différence entre les familles car tout le village constitue une grande famille du fait de la communauté de langue.

Quant aux activités, nous avons identifié le commerce comme activité principale des Dioula ; ensuite nous avons la consultation du marabout et l'agriculture. L'agriculture est très récente et est exploitée par les Barro (protecteurs de la tradition).

L'islam est la religion des Dioula de Darsalmay. Ils sont à 100% islamisés. Selon nos informateurs, ce sont eux qui ont amené l'islam en Afrique de l'Ouest.

Nous nous sommes également intéressé à la place de la parole dans la société à travers la notion de parole chez les Dioula et les types de paroles qu'on y

108

trouve. En effet, elle occupe une place de choix. On la retrouve à tous les niveaux de la vie sociale. Elle sert de lien social à travers la communication. Les salutations se fondent sur cette parole pour être effectives. Nous avons identifié plusieurs paroles en fonction de leurs contenus : la bonne parole (=»Kóma díman »), la belle parole (=»Kóma %úman»), la parole de vérité

ou parole vraie (=»tiy[n kóma»), la parole sensée (=»hákili Kóma»), la grande parole (=»Kóma bá »), la parole ancienne ou la vieille parole (=» Kóma k<r] »), la parole de l'ancien (=»Ti&m]g]ba Kóma»), la parole d'enfant (=»dénmis[n Kóma »), la parole importante (=»náfa Kóma»), la mauvaise parole (=»Kóma júgu »), le mensonge (= »gálon Kóma»).

A partir de la parole, nous avons abordé les textes oraux qui sont en usage dans cette communauté. Il s'agit des textes connus et utilisés par la population : le conte (= le »tálen»), la légende (= le »kóma k<r]»), la

devinette (= le »tálen k<r]b]»), le proverbe (= le »kóma k<r]tig[») , le chant (= le »d<nkiri»), les paroles des jeux de plaisanterie(=»sináguya»), les salutations(=»fóri»), ...

Dans le deuxième chapitre, qui traite des salutations, nous avons évoqué la langue chez les Dioula, les systèmes de transcription et de traduction avant de présenter les formules de salutation. Nous avons également abordé la définition de la salutation et sa place dans la société.

La salutation est un facteur social qui permet aux hommes d'échanger. Elle est capitale.

S'agissant des formules, nous avons identifié deux catégories : les formules en fonction du temps de la journée (matin, midi et soir) et les formules en fonction des événements (baptême, mariage, visite d'un étranger, les funérailles, les fêtes).

109

Dans la présentation des formules, nous avons d'abord donné la transcription phonétique, ensuite la traduction juxtalinéaire, enfin la traduction littéraire suivi d'un commentaire.

Il ressort de cette analyse qu'à travers ces différentes formules de salutation transparaissent les préoccupations de la société. Au delà du » bonjour » ou du '' bonsoir », c'est toute une représentation de la société qui se manifeste : le bien-être, la paix, la santé, les activités, la famille, le rang social, le respect, la compassion, la joie, l'harmonie...

A ce niveau, on a une certaine catégorisation dans les salutations. En effet, un enfant ne salue pas de la même manière qu'un adulte, une femme ne salue pas de la même manière que l'enfant ou l'homme. Chacun a sa manière proprement dite que la société établit et transmet d'âge en âge par le biais de la parole. Ces formules recouvrent des notions diversifiées et propres à la société (paix, santé, douleur, joie et peines...).

A travers les souhaits, les bénédictions, les formules prennent en compte les valeurs sociales, culturelles et même religieuses. Dieu est au coeur des salutations. Tout cela s'accompagne de la parole, de la langue. La particularité de la langue confère aux formules une spécificité, faisant d'elles le signe distinctif de la communauté dioula de Darsalamy avec les autres.

Notre troisième chapitre a consisté à montrer en quoi ces formules de salutations sont de la littérature. A partir des différentes définitions de la littérature orale, nous avons identifié des facteurs textuels et des aspects sociologiques pour aborder la littérarité des formules de salutation.

S'agissant des éléments textuels, nous avons constaté que la longueur des formules a pour but de favoriser l'interaction dans l'échange.

La place des mots dans les salutations est remarquable. En effet, les salutations débutent par l'interpellation de celui à qui on s'adresse (Papa, père, maman...). C'est le signe du respect, de la politesse et même d'une certaine

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sympathie, car on ne saurait saluer par '' Papa'' quelqu'un qu'on ne connaît pas.

Ensuite nous avons le deuxième mot qui est la marque du temps ou de l'événement. Cela traduit les habitudes de la population.

L'affirmation de la foi, la croyance en l'islam se trouvent dans les bénédictions où la principale référence est ''Dieu'' (=''Allah '').

Au niveau des métaphores, on peut retenir que la longévité domine les salutations à travers les souhaits de paix, de santé...

Des mots et réseaux de sens sont perceptibles. Nous avons '' díyÐ '' et ''

#úman ''. Au- delà de leur sens habituel de ''bien, bon'', ils renvoient à une multitude de sens orientés vers les préoccupations sociales.

En ce qui concerne les éléments sociologiques, nous avons identifié la structure sociale : l'individu, la famille. Chacun occupe une place précise et sait comment se comporter ; la répartition du temps et des activités dans la salutation, l'origine des salutations et le protocole des salutations. Le découpage du temps des salutations est le suivant : matin, midi et soir. Nous avons également découvert qu'elles expriment les activités de la communauté. En formulant un souhait par la salutation ou lorsque des adultes se saluent, au delà de la paix et de la santé, ils évoquent les activités, la famille. Cela montre jusqu'à quel point les salutations prennent en compte les préoccupations sociales.

La présence de ces éléments textuels et sociologiques prouve que les formules de salutation sont littéraires.

Cette étude des formules de salutation est valable pour une communauté donnée, celle des Dioula de Darsalamy. On pourrait l'étendre à d'autres sociétés pour en savoir davantage sur les préoccupations sociales et les aspects littéraires liés aux salutations.

111

Bibliographie

OUVRAGES GENERAUX

- ANATI Emmanuel : Les origines de l'art et la formation de l'esprit humain, Albin Michel, Paris; 1989 (256 p. + illustrations).

- BA Amadou Hampaté : Kaidara, ou le Récit initiatique peul, Classiques Africaines, 1969, 112p.

- BACHMAN et al. : Langage et communication sociale, Paris, Hatier, 1981, 223p.

- BALLY Charles : Traité de stylistique française; volume 1, Georg et Cie/Klincksieck. Genève-Paris; 1951, 332 p.

- BENVENISTE Émile : Problèmes de linguistique générale 1 et 2, Gallimard nrf, Paris; 1966 et 1974, 360 p.

- BERGERON Richard : Initiation à la phonétique, Centre de Psychologie et de Pédagogie, Montréal ; 1956, 152 p.

- CANU Gaston : Contes mossi actuel, Ifan, Dakar, 1969, 361p.

- CAUVIN Jean : Comprendre les proverbes, Issy-Les-Moulinaux, St Paul (classiques Africains), 1981,103p.

- Comprendre la parole traditionnelle, Paris ed. St Paul 1980, 87p. - CERVONI Jean : L'énonciation, PUF (Linguistique nouvelle), Paris ; 1987, 128p.

- GUILLAUME Gustave : Langage et science du langage. Nizet/Presses de l'Université Laval, Paris-Québec; 1969, 288 p.

112

- Principes de linguistique théorique, Presses de l'Université Laval/Klincksieck. Québec-Paris; 1973, 280 p.

- GREIMAS A. J : Sémantique structurale; recherche de méthode, Larousse (Langue et langage). Paris; 1966, 264 p.

- HOUIS M. : Les noms individuels chez les mossi (initiations et études africaines) Ifan Dakar, 1963,141p.

- JACOB André : Introduction à la philosophie du langage, Gallimard, Paris, 1976, 450 P.

- JOYAUX Julia : Le langage, cet inconnu. S.G.P.P., S.P.A.D.E.M. et A.D.A.G.P. (Le point de la question). Paris; 1969, 320 p.

- KERBRAT-ORECCHIONI Catherine: L'énonciation de la subjectivité dans le langage, Armand Colin (Linguistique), Paris; 1980, 290p.

- LECLERC Jacques : Qu'est-ce que la langue? Mondia Éditeurs. Laval; 1979, 174 p.

- LEMELIN Jean-Marc : «Langue(s), discours, parole». La puissance du sens; pour une théorie du langage : essai de pragmatique. Ponctuation. Montréal; 1985, 204 p.

- LYONS John : Éléments de sémantique. Larousse (Langue et langage). Paris; 1978, 296 p.

- MAINGUENEAU Dominique : Éléments de linguistique pour le texte littéraire. Bordas. Paris; 1986, 160 p.

113

- MARTINET André : Éléments de linguistique générale. Armand Colin. Paris; 1970, 224 p.

- ROMAN Jakobson : «Linguistique et poétique». Essais de linguistique générale, Minuit, Paris; 1963, 258 p.

ZAHAN (D) : Religion, spiritualité et pensée africaine, Paris, Seuil, 1983, 245p.

- ZUMTHOR (P) : Introduction à la poésie orale, Paris seuil 1983, 307p.

ARTICLES ET OUVRAGES SPECIFIQUES

- AGUESSI Honorat : La tradition orale, modèle de culture, in : La tradition orale source de la littérature contemporaine en Afrique, Dakar, Nouvelles éditions africaines, 1984, pp44-54.

- ALVAREZ Pereyre : L'étude de la littérature orale : de quelques tendances et problèmes ; cahiers de littératures orales, 7, 1980, (170-207Côte d'Ivoire) IFAN Dakar, 1963,141p.

- BOUVIER (JC) et al : Tradition orale et identité culturelle, Paris, CNRS, 1980, 136p.

- CALAME-GRIAULE Geneviève : Ethnologie et langage, la parole chez les Dogon, Paris, Gallimard, 1965, 589p.

- Langage et cultures, essais d'ethnolinguistique, Paris, librairie François Maspero, 1977, 364p.

114

- L'art de la parole dans la culture africaine (Paris) PA, 47(3è trimestre) p 73-91.

- Pour une étude ethnolinguistique des littératures orales africaines in B. Poitier (éd. Paris, Didier Larousse) 1970a, langages, 18, p 23-47. - COLIN R. : Littérature africaine d'hier et de demain, Paris Adec (Afrique univers 5-6), 1965, 191p.

- CONDE Alpha : La société traditionnelle mandingue, Niamey, CRDTO, 1974, 219p.

THESE ET MEMOIRES

- COULIBALY Bakary : Etude phonologique des emprunts français du mandé (Manding de Houndé), Paris, thèse de 3ème cycle, EPHE 1964, 219p. -DERIVE Jean : Le fonctionnement sociologique de la littérature orale. L'exemple des jula de Kong (Côte d'Ivoire), thèse de doctorat, Université, Paris 3, 1986, 1339p.

- KAM Sié Alain : La littérature orale au Burkina Faso : Essai d'identification des textes oraux traditionnels et leurs utilisations dans la vie moderne ; 2vol, FLASHS, 2000, Université de Ouagadougou, 716p.

- NEBIE A. Marc : Etude ethnolinguistique d'un corpus de contes dioula (Haute Volta) ; thèse de doctorat de 3ème cycle, Université de Paris, 1984, 353p.

115

- OUEDRAOGO Albert : Poétique des chants de funérailles de chef en pays moaga, thèse de doctorat, Limoges, 1986,2vol, 866p.

- SANOU Alain : Etude ethnolinguistique des chansons agricoles en pays bobo (Haute Volta) DEA, AOT, UFRT, 1984, 63p.

-Les sini !hymnes et épopée des Bobo (BF) : essai d'ethnolinguistique (thèse de doctorat, 3ème cycle) Université François Rabelais, Tours 1988,385p. - SISSAO Alain : Tradition orale et nouveau medias : l'exemple de soirée en mooré du lagl, Paris, INALCO 1991, (DEA) 77p.

- TRAORE Bakary : Histoire d'un groupe marchand : les jula du Burkina Faso (tome 1 et 2), thèse, Université Paris I, 1996, 1037p.

- Etat actuel des connaissances sur les dyoula du Burkina Faso, Paris, UER, 1985, mémoire de DEA, 80p.

- Le processus d'islamisation à Bobo Dioulasso jusqu'à la fin du 19ème siècle : approche historique et sociologique, Ouagadougou, Mémoire, ESLSH, 1984, 183p.

116

ANNEXE

Liste des informateurs

Nom

Prénom(s)

Année de
naissance

Lieu de
résidence

Activité/profession

1

BARRO

Batièmogo

En 1960

Darsalamy

Chef du

village/cultivateur

2

BARRO

Bakary dit Bèma

En 1950

Darsalamy

Conseiller et frère du chef/tailleur, commerçant

3

BARRO

Tièmogo Mignougou

Vers 1938 à Kong

Darsalamy

Conseiller/commerça nt

4

BARRO

Aladji Assékou

1938 à Kong

Darsalamy

Conseiller/commerça nt

5

SANOGO

Baflémory

Vers 1938

Darsalamy

Professeur

coranique/patriarche

6

BARRO

Babou

-

Darsalamy

Chauffeur

7

BARRO

Yaya

-

Darsalamy

Commerçant

8

SANOGO

Matènè

 

Darsalamy

Commerçante

9

BARRO

Bakoro

-

Darsalamy

Ménagère

10

SANOGO

Aladji

-

Darsalamy

Imam

11

BARRO

Awa

-

Darsalamy

Tisserand

12

SANOGO

Salam

1965

Toussiana

Commerçant

13

SANOGO

Basendou

1969

Toussiana

Cultivateur

14

SANOGO

Bakary

1952

Koko -Bobo

Instituteur à la retraite

117

TABLE DES MATIERES

DEDICACE II

REMERCIEMENTS II

SIGLES ET ABREVIATIONS III

INTRODUCTION 1

CHAPITRE I : PRESENTATION DU TERRAIN 4

I - 1. ORIGINE DES DIOULA DE DARSALAMY 4

I - 2. ORGANISATION SOCIALE ET FAMILIALE A DARSALAMY 6

I - 2 - 1. L'organisation sociale 6

I - 2 - 2 L'organisation familiale 7

I - 3. LES ACTIVITES 9

I- 3 - 1. Le commerce 9

I-3-2- La consultation du marabout 12

I - 4. L'ISLAM ET LES DIOULA 14

I - 4-1 L'implantation de l'islam 14

I - 4 - 2. L'impact de l'islam sur les Dioula 16

a) Les moments de la prière 16

b) Le culte du vendredi 17

c) La consultation du marabout 18

d) Les marabouts de Darsalamy 19

e) La chefferie et la religion 20

I - 5. LA PLACE DE LA PAROLE DANS LA SOCIETE 21

I- 5- 1. La notion de parole 22

I- 5- 2. Les différents types de parole 23

a) La bonne parole : » Kôma díman » 24

b) La belle parole : » Kôma %úman» 24

c) La parole de vérité ou parole vraie : » tíy[n kôma» 25

d) La parole sensée : » hákili Kôma» 25

e) La »grande parole» : » Kôma bá » 25

f) La parole ancienne ou la vieille parole : » Kôma k<r] » 25

g) La parole de l'ancien : » Ti&m]g]ba Kôma » 26

h) La parole d'enfant : » dénmis[n Kôma » 26

i) La parole importante : » náfa Kôma » 26

j) La mauvaise parole : » Kôma júgu » 27

k) Le mensonge : » gálon Kôma» 28

I- 5- 3. Le rôle de parole 28

I - 6. LES TEXTES ORAUX 30

I - 6 - 1. Le » tálen » (=conte) 30

I - 6- 2 Le »kôma-k<r] » (=ancienne parole ou vieille parole) 31

I - 6 - 3. Le »tálen-k<r]b] » (= la devinette) 31

I - 6- 4. Le »Kóma k<r]tig[» ou le proverbe 33

I - 6- 5. Le »d<nkiri» ou le chant 34

a)- k<%] d<nkiri 35

I - 6- 6. Le »sinaguya » ou la parenté à plaisanterie 37

118

I - 6- 7. Le »fóri » ou la salutation 37

CHAPITRE II : LES FORMULES DE SALUTATION 39

II -1. LA LANGUE CHEZ LES DIOULA 39

II-1-1 Les généralités sur les systèmes de transcription. 40

II -1-2. La traduction 44

II - 2. LA NOTION DE SALUTATION 44

II-2-1- Définition de la salutation 45

II - 2 -2 Pourquoi se saluer 46

II-2-3 Les formules de salutation 49

a) Les formules selon le temps de la journée 49

a)-1 Le matin 49

a) - 2 A midi 55

a)- 3 Le soir 59

b) Les formules selon les événements 65

b)- 1 Quand un étranger arrive 65

b)- 2 Salutation de naissance/baptême 71

b)- 3 Salutation de mariage 74

b)- 4 Salutation de funérailles 79

b)- 5 Salutation de fête (ramadan, tabaski, nouvel an) 86

CHAPITRE III : LA LITTERATURE ET LES FORMULES DE

SALUTATION 94

III -1 LES ASPECTS LITTERAIRES DES FORMULES DE SALUTATION 94

III- 1- 1 Les éléments textuels 95

a) La longueur des formules 95

b) La place des mots dans les formules 96

c) Les métaphores 98

c)-1 La métaphore de la longévité dans les salutations 98

c)-2 La notion de paix : »h&[r[» (= la paix) 98

d) Mots et réseau de sens 99

d)-1 Le mot » díyÐ » dans les souhaits 99

d)-2 Le mot »#úman » dans les salutations 100

III- 1-2 Les éléments sociologiques de la salutation 101

a) La famille et la société au coeur des salutations 101

b) Les activités et le temps dans la salutation 102

c) Les origines de la salutation 104

d) Le protocole 105

CONCLUSION 106

BIBLIOGRAPHIE 111

ANNEXE 116

TABLE DES MATIERES 117






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984