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Le brevet européen unitaire:l'utopie deviendra-t-elle réalité ?

( Télécharger le fichier original )
par Myriam AL-MALLH
Université de Genève - Maà®trise universitaire en droit 2011
  

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Mémoire hors séminaire, 2011

Prof. Jacques de Werra

Mémoire hors séminaire

LE BREVET EUROPÉEN UNITAIRE

L'UTOPIE DEVIENDRA-T-ELLE RÉALITÉ ?

Présenté par
Myriam AL-MALLAH 14 décembre 2011

I. INTRODUCTION 3

II. APERÇU HISTORIQUE 3

A. LA CONVENTION RELATIVE AU BREVET EUROPÉEN POUR LE MARCHÉ COMMUN (CONVENTION SUR LE BREVET COMMUNAUTAIRE), FAITE À LUXEMBOURG LE 15 DÉCEMBRE 1975 ET L'ACCORD EN MATIÈRE DE BREVETS COMMUNAUTAIRES, FAIT À LUXEMBOURG LE 15 DÉCEMBRE 1989 4

B. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU CONSEIL SUR LE BREVET COMMUNAUTAIRE DU 1ER AOÛT 2000 5

1. Les grands traits de la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000 6

2. Les caractéristiques du brevet communautaire 7

3. Le système judiciaire 8

4. Les suites données à la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000 10

C. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU CONSEIL SUR LE BREVET COMMUNAUTAIRE DANS SA VERSION RÉVISÉE DU 8 MARS 2004 ET LA CRÉATION D'UN TRIBUNAL POUR LE BREVET COMMUNAUTAIRE 10

1. Le régime linguistique 10

2. Le système judiciaire 11

3. Les suites données aux propositions de règlement et de décisions 13

D. LE PROJET D'ACCORD SUR LA JURIDICTION DU BREVET EUROPÉEN ET DU BREVET COMMUNAUTAIRE DU 23 MARS 2009 13

III. LE PROJET D'ACCORD SUR LA JURIDICTION DU BREVET EUROPÉEN ET DU BREVET COMMUNAUTAIRE DU 23 MARS 2009 14

A. LES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DU PROJET D'ACCORD 2009 14

1. Le champ d'application 14

2. Le statut de la Juridiction du brevet 15

3. Les compétences 15

4. Les différentes instances composant la Juridiction du brevet 16

B. L'AVIS 1/09 DE LA COUR DU 8 MARS 2011 16

1. La recevabilité de la demande 16

2. La compatibilité du projet d'accord 2009 avec le droit de l'Union européenne 17

a. Les articles 262 et 344 du TFUE 17

b. Absence de garanties suffisantes quant au respect de la primauté du droit de l'Union européenne 18

c. Mise en oeuvre et application du droit de l'Union européenne par les Etats membres 19

IV. LE NOUVEAU PROJET RELATIF AU BREVET EUROPÉEN UNITAIRE 20

A. LA COOPÉRATION RENFORCÉE DANS LE DOMAINE DE LA CRÉATION D'UNE PROTECTION PAR BREVET UNITAIRE 20

B. LA COOPÉRATION RENFORCÉE EN CE QUI CONCERNE LES MODALITÉS APPLICABLES EN MATIÈRE DE TRADUCTION 21

C. LE PROJET D'UN SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES LITIGES EN MATIÈRE DE BREVETS 23

V. CONCLUSION 24

VI. BIBLIOGRAPHIE 26

I. Introduction

1. Le brevet européen unitaire, qui portait avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne1(*), soit le 1er décembre 2009, le nom de « brevet communautaire », est une institution plutôt vieille. Effectivement, comme le souligne Schade, « the post-war period, i.e. the 1950s and 60s, was a particularly creative period for new developments in the field of industrial property, above all the European patent system. Following the foundation of the European Economic Community (EEC) in 1957, considerations began that were to lead to the First Preliminary Draft Agreement on European Patent Law developed under the leadership of Kurt Haertel and presented in 1962. The European Patent Convention (EPC) signed in Munich in 1973 and the Convention for the European Patent for the Common Market (Community Patent Convention - CPC) signed in Luxembourg in 1975 can be regarded as the patent law achievements of the period [...] »2(*). Cependant, après la signature de ces deux conventions, l'Histoire a démontré qu'une seule d'entre elles avait perduré en Europe, pour permettre à celle-ci de développer sa politique en matière de brevets. Il s'agit de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973 (ci-après CBE)3(*). Cette dernière est un instrument européen, certes, mais sans lien avec la Communauté et sa législation. À l'inverse, le brevet communautaire, qui devait être l'autre titre de protection proposé aux inventeurs, n'a pas connu le sort de son frère aîné, le brevet européen. En fait, il n'en est resté qu'à l'état de projet débattu, modifié, tombé dans l'oubli, puis relancé, à nouveau débattu ad vitam aeternam. C'est pourquoi il n'existe pas, à l'heure actuelle, de brevet qui soit propre à l'Union européenne, laquelle a remplacé la Communauté depuis deux ans.

2. C'est dans ce contexte que va porter l'analyse du présent mémoire. À cette fin, il serait donc intéressant de regarder de plus près les diverses étapes qui ont jalonné le parcours du brevet européen unitaire : un titre qui, bien qu'il soit une entité presque « vivante » de par les nombreuses discussions dont il a été et dont il demeure l'objet, ne produit aucun effet à l'égard des particuliers. L'examen se fera par conséquent de la façon suivante. Dans un premier temps, l'on donnera un aperçu historique de l'institution (II). Celui-ci aura pour rôle d'exposer les différents projets qui se sont succédé. Dans un deuxième temps, l'on traitera plus en détail du projet d'accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire du 23 mars 2009 (ci-après projet d'accord 2009)4(*) (III). Pour ce faire, l'on se penchera d'abord sur le projet d'accord 2009 lui-même, ensuite sur l'avis 1/09 de la Cour de Justice de l'Union européenne (ci-après la Cour de Justice) rendu à son sujet. Et, dans un dernier temps, il sera fait l'étude du nouveau projet relatif au brevet européen unitaire (IV), lequel sera divisé en trois parties.

II. Aperçu historique

3. Pour bien comprendre ce qu'est l'institution du brevet européen unitaire, il est nécessaire de se pencher avant toute chose sur sa genèse. De cette manière l'analyse de celle-ci va-t-elle s'intéresser aux différents projets successifs et à leurs caractéristiques. À cette fin, l'examen se déroulera en quatre phases. La première portera sur la Convention relative au brevet européen pour le marché commun (Convention sur le brevet communautaire), faite à Luxembourg le 15 décembre 1975 (ci-après CBC)5(*) et sur l'Accord en matière de brevets communautaires, fait à Luxembourg le 15 décembre 1989 (ci-après ABC)6(*) (A), la deuxième sur la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000 (ci-après proposition 2000)7(*) (B), la troisième s'attachera à la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire dans sa version révisée du 8 mars 2004 (ci-après proposition 2004)8(*) et à la création d'un tribunal pour le brevet communautaire (C) et, finalement, la dernière au projet d'accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire du 23 mars 2009 (D).

A. La Convention relative au brevet européen pour le marché commun (Convention sur le brevet communautaire), faite à Luxembourg le 15 décembre 1975 et l'Accord en matière de brevets communautaires, fait à Luxembourg le 15 décembre 1989

4. La Convention relative au brevet européen pour le marché commun, plus connue sous le nom de Convention du Luxembourg, a été élaborée à la même époque que la CBE (ou Convention de Munich). Les deux instruments n'ont cependant pas été préparés dans la même optique. En effet, la première des conventions vise plusieurs buts : créer un titre communautaire autonome, avec effet unitaire dans tous les Etats de la Communauté européenne, faire disparaître les distorsions de concurrence sur le marché commun et établir une seule juridiction sur le territoire communautaire. La seconde, quant à elle, poursuit d'autres objectifs : la délivrance unique d'un titre destiné à éclater en brevets nationaux suivant le nombre d'Etats désignés et l'harmonisation par les Etats parties à la CBE de leur droit matériel relativement à la brevetabilité d'une invention. De cette façon, l'on s'aperçoit que les deux textes sont mus par des considérations différentes bien que complémentaires.

5. La principale caractéristique de la CBC consiste dans la création d'un brevet à effet unitaire. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la CBC, une fois délivré, le brevet communautaire déploie exactement les mêmes effets d'un Etat contractant à l'autre. Par ailleurs, le titre de protection est autonome. Cela signifie qu'il n'est soumis qu'aux dispositions de la CBC et de la CBE. Cette particularité ne se retrouve pas dans la Convention de Munich. Dans le cadre de cet instrument, le brevet octroyé par l'Office européen des brevets (ci-après l'OEB) produit les mêmes effets qu'un brevet national dans l'Etat membre désigné. En outre, s'il est annulé par un tribunal national, la nullité prononcée ne vaut que pour le territoire sur lequel la juridiction concernée est compétente. En revanche, en cas d'application de la CBC, et plus spécifiquement de son protocole sur le règlement des litiges en matière de contrefaçon et de validité des brevets communautaires (ci-après protocole sur les litiges)9(*), la nullité a, selon l'article 20 du protocole sur les litiges, effet sur tous les territoires concernés : « sous réserve de l'article 56 paragraphe 3 de la convention sur le brevet communautaire, une décision passée en force de chose jugée d'un tribunal des brevets communautaires de première instance ordonnant l'annulation ou la modification d'un brevet communautaire produit dans tous les Etats contractants les effets indiqués à l'article 33 de cette convention ». Cette disposition simplifie grandement les procédures de nullité. De plus, le système des traductions de la CBC diffère de celui prévu dans la CBE. Effectivement, outre l'obligation de traduire la demande de brevet dans l'une des langues officielles de procédure de l'OEB au sens de l'article 14, paragraphe 2, deuxième phrase, de la CBE, il est impératif que le déposant fasse traduire les revendications de son brevet dans l'une des langues officielles de chacun des Etats contractants aux termes de l'article 29, paragraphe 1, de la CBC. De ce fait, il est aisé de constater que l'on a affaire à une procédure relativement coûteuse.

6. La CBC n'a malheureusement jamais pu entrer en vigueur, pour cause de retards subis dans les ratifications10(*). Plus précisément, l'Irlande et le Danemark n'ont pas désiré avaliser la convention11(*). De cette façon a-t-il fallu attendre l'année 1989 pour que l'Accord en matière de brevets communautaires voie le jour. On lui a intégré la CBC, laquelle a dû souffrir quelques modifications du point de vue juridictionnel, comme le précise le huitième considérant de l'ABC : « [...] cette même exigence d'application uniforme du droit conduit à attribuer à la Cour d'appel commune la compétence pour décider sur les recours contre les décisions des divisions d'annulation et de la division d'administration des brevets de l'Office européen des brevets, en remplaçant ainsi les chambres d'annulation prévues par la convention sur le brevet communautaire, telle que signée le 15 décembre 1975 »12(*). L'ABC n'est, à son tour, pas entré en vigueur. En vérité, selon Ruzek, « le brevet communautaire, tel qu'imaginé par la CBC, présentait l'inconvénient d'être à la fois coûteux en terme de traduction et vulnérable au contentieux »13(*).

7. La première tentative et ses quelques révisions subséquentes de création d'un titre communautaire de protection par brevet ont conséquemment échoué, laissant l'Europe avec deux systèmes de brevet - l'un national, l'autre issu de la CBE - fragiles face à la concurrence internationale, notamment américaine et japonaise. Cependant, la CBC a tout de même poussé certains Etats membres de la Communauté à harmoniser une partie de leur droit matériel. En effet, d'après Cook, « the Community Patent Convention 1975, which however never came into force, has nonetheless served also to harmonize a number of aspects of the substantive law of patents in many Community Member States as to what acts infringe, and as to what acts are excepted from infringement [...] »14(*).

B. La proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000

8. Suite aux échecs qu'ont été la Convention sur le brevet communautaire du 15 décembre 1975 et l'Accord en matière de brevets communautaires du 15 décembre 1989, des travaux ont dû être entrepris pour trouver une solution à la création d'un titre communautaire de protection. De cette manière la Commission européenne (ci-après la Commission) a-t-elle pris la décision de relancer le débat en élaborant, le 24 juin 1997, le « Livre Vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe » (ci-après Livre Vert)15(*). Effectivement, l'Europe demeure depuis longtemps un pôle scientifique assez important au niveau mondial, mais celui-ci est mal protégé en raison d'un système de brevet complexe et coûteux. Grâce à son Livre Vert, la Commission avait désir d'approfondir les questions suivantes : la création d'un brevet communautaire et la façon dont ladite création pouvait être mise en place. Dans tous les cas, il est apparu nécessaire de modifier la CBC sur deux aspects : les coûts élevés liés à la traduction et le système juridictionnel prévu. Divers cas de figure ont donc été envisagés par le Livre Vert. Une fois ce dernier consulté et débattu, la Commission a adopté, le 5 février 1999, une communication concernant les suites à donner au document émis en 1997, intitulée la « Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social/Promouvoir l'innovation par le brevet/Les suites à donner au Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe »16(*). L'on y a fait état d'initiatives relatives au brevet communautaire. À partir de cette base, la Commission a décidé d'élaborer une proposition de règlement du Conseil le 1er août 2000. Pour plus de précisions à ce sujet, la proposition 2000 va être examinée de la façon suivante. L'on s'intéressera premièrement à ses grands traits (1), deuxièmement aux caractéristiques du brevet communautaire (2), troisièmement au système judiciaire (3) et quatrièmement aux suites données à ladite proposition (4).

1. Les grands traits de la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000

9. L'objectif principal de la proposition 2000 est de créer un titre de protection pour les inventions. Selon la Commission, il est nécessaire d'adopter un règlement, pour éviter que les Etats membres ne puissent avoir une marge de manoeuvre au niveau de l'application de la législation communautaire. En vérité, « ces objectifs ne peuvent pas être réalisés par les Etats membres individuellement ou collectivement et doivent donc, en raison de leur incidence transfrontalière, être réalisés au niveau communautaire »17(*).

10. Par ailleurs, le brevet communautaire issu de la proposition 2000 est fortement lié au brevet européen. Il est effectivement prévu que le premier des deux titres de protection soit délivré par l'OEB, alors que la demande déposée par le futur titulaire doit désigner le territoire de la Communauté. De cette façon le brevet communautaire est-il tributaire des dispositions de la CBE concernant sa délivrance. Par conséquent, le règlement visé par la proposition 2000 (ci-après règlement 2000) constitue le cadre juridique de la réglementation du brevet communautaire, comme le stipule l'article 1 :

« Il est institué par le présent règlement un droit communautaire en matière de brevets d'invention. Ce droit s'applique à tout brevet délivré par l'Office européen des brevets (ci-après dénommé l'«Office») en vertu des dispositions de la convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973 (ci-après dénommée la «convention de Munich») pour tout le territoire de la Communauté.

Le brevet visé au premier alinéa est à considérer aux fins du présent règlement comme un brevet communautaire. »

Puis l'article 2, paragraphe 2, du règlement 2000 :

« Le brevet communautaire a un caractère autonome. Il n'est soumis qu'aux dispositions du présent règlement et aux principes généraux du droit communautaire. Toutefois, les dispositions du présent règlement n'excluent pas l'application du droit des Etats membres concernant la responsabilité pénale et la concurrence déloyale. »

11. En outre, l'organe chargé de délivrer le titre n'est autre que l'OEB, en vertu de l'article 1 du règlement 2000, mais, pour qu'il détienne cette compétence, il est absolument indispensable de réviser au préalable la Convention de Munich. Pourtant, d'après la Commission, la proposition 2000 n'a pas pour but de modifier la structure en vigueur de la CBE, quoique des discussions au sujet de sa révision aient cours.

12. Afin que le règlement 2000 prenne sa pleine mesure, il est toutefois nécessaire que la Communauté devienne partie à la CBE. Ainsi l'adhésion devrait-elle, en toute logique, précéder l'adoption de la proposition 2000. Cependant, ladite adhésion ne demeure pas sans poser de problème. Effectivement, comme l'écrit si bien Ruzek, « l'art. 166 de la Convention de Munich ne réserve l'adhésion qu'aux seuls États souverains. Il faudra donc réunir une Conférence diplomatique pour réviser la convention. Cette révision, pour entrer en vigueur, devra ensuite être ratifiée par les vingt-sept parlements nationaux »18(*). Ce qui promet de faire de l'adhésion un processus long et incertain, vu le manque de garanties relatives à la ratification par tous les Etats membres de la Communauté. Par ailleurs, si la CBE était amendée, les modifications apportées à son texte s'appliqueraient au règlement 2000, en vue d'assurer une cohérence maximale entre le brevet européen et le brevet communautaire.

13. De cette façon est-il aisé de constater que la Commission n'a pas désir de séparer le brevet communautaire du brevet européen. Ce sont donc, comme déjà précisé au paragraphe 10, deux institutions fortement liées l'une à l'autre.

2. Les caractéristiques du brevet communautaire

14. Le titre de protection créé par le règlement 2000 possède les caractéristiques suivantes. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, dudit règlement, le brevet communautaire doit avoir un caractère unitaire, c'est-à-dire qu'il est censé produire les mêmes effets partout sur le territoire de la Communauté. Il est donc impossible à une législation nationale de soustraire le titre de protection communautaire aux effets du droit adopté en vertu du Traité instituant la Communauté européenne (ci-après traité CE)19(*) et du Traité sur l'Union européenne (ci-après TUE)20(*). Par ailleurs, toujours selon l'article 2, paragraphe 1, du règlement 2000, le brevet communautaire ne peut être délivré, transféré, annulé ou s'éteindre que pour l'ensemble dudit territoire.

15. Autre trait important : le coût abordable du brevet. De cette façon des réductions sont-elles opérées au niveau des frais de traduction. Afin de bénéficier de cette aubaine, le demandeur est tout de même obligé de traduire le fascicule de brevet dans une des langues de travail de l'OEB, à savoir l'anglais, l'allemand ou le français, et les revendications dans les deux autres21(*). En ce qui concerne les taxes et autres frais de procédure, ils doivent être réglés auprès de l'OEB, instance responsable de l'octroi et de l'administration des brevets communautaires. Ce procédé évite conséquemment au futur titulaire de payer lesdits frais à tous les offices nationaux compétents sur les territoires désignés dans la demande de brevet européen.

16. L'une des caractéristiques du projet consiste dans son système linguistique. Comme il a été constaté au paragraphe 5, le système proposé par la CBC est très coûteux, de même que celui prévu par la CBE d'avant sa révision en 2000. Ce facteur décourage grandement les petites et moyennes entreprises, qui sont forcées de dépenser des sommes astronomiques au regard de leur capacité financière en vue de traduire le brevet dans toutes les langues indiquées. De cette manière le règlement 2000 prévoit-il un allègement considérable en autorisant, ainsi qu'il a été stipulé au paragraphe 15, la traduction du fascicule dans une seule langue de travail de l'OEB et celle des revendications, au moment de la délivrance, dans les deux autres. Toutefois, une traduction risque de s'avérer nécessaire en cas d'action en contrefaçon contre un présumé contrefacteur22(*).

17. Finalement, le dernier trait du brevet communautaire consiste à faire en sorte qu'il coexiste avec les autres systèmes de brevet, que ces derniers soient nationaux ou issus de la CBE. Ceci étant précisé, il est indispensable que le demandeur spécifie, lors du dépôt de la demande de brevet européen, le territoire sur lequel le droit de propriété intellectuelle devra produire ses effets, afin d'obtenir le titre de protection communautaire. Cependant, il est fait interdiction au titulaire d'un brevet de cumuler plusieurs protections. L'article 54, paragraphe 1, du règlement 2000 l'énonce en ces termes :

« 1. Dans la mesure où un brevet national délivré dans un Etat membre a pour objet une invention pour laquelle un brevet communautaire a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou, si une priorité est revendiquée, avec la même date de priorité, ce brevet national, pour autant qu'il couvre la même invention que le brevet communautaire, cesse de produire ses effets à la date à laquelle:

a) le délai prévu pour la formation d'une opposition contre la décision de l'Office de délivrer le brevet communautaire a expiré sans qu'une opposition ait été formée;

b) la procédure d'opposition est close, le brevet communautaire ayant été maintenu ou

c) il a été délivré, si cette date est postérieure à celle visée aux points a) ou b), suivant le cas. »

18. De surcroît, l'article 56 du règlement 2000 prévoit la création d'un registre des brevets communautaires, lequel est tenu par l'OEB. Ledit registre doit comporter les indications dont l'enregistrement est rendu nécessaire par le règlement 2000. Par ailleurs, il demeure ouvert au public, point important notamment pour vérifier si l'invention est brevetable du point de vue de l'état de la technique et pour contrôler si une demande en contrefaçon est fondée.

19. L'on peut ainsi constater que le brevet issu de la proposition 2000 apparaît nettement plus abordable que celui prévu par la CBC, puis par l'ABC. La Commission a manifestement eu à coeur de le rendre accessible aux entreprises dont les moyens financiers ne sont pas forcément considérables.

3. Le système judiciaire

20. La proposition 2000 énonce l'établissement d'une juridiction communautaire centralisée. Le premier aspect qui en ressort concerne les litiges entre parties privées. De la sorte un tribunal communautaire de propriété intellectuelle est-il prévu par le règlement 2000 et rendu compétent pour des questions touchant, en particulier, à la validité et la contrefaçon du brevet communautaire. Pour plus de précisions, l'article 30, paragraphes 1 et 3, dudit règlement fait la liste des attributions exclusives de l'instance envisagée :

« 1. Le brevet communautaire peut faire l'objet d'une action en nullité, en contrefaçon ou en déclaration de non-contrefaçon, d'une action relative à l'utilisation du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure du brevet, ainsi que d'une demande en limitation, d'une demande reconventionnelle en nullité ou d'une demande de constatation d'extinction. Il peut également faire l'objet d'actions ou de demandes en dommages-intérêts. [...]

3. Les actions et demandes visées au paragraphe 1 sont de la compétence exclusive du tribunal communautaire de propriété intellectuelle. Elles sont portées en première instance devant la chambre de première instance dudit tribunal. »

21. Concernant plus spécifiquement les actions visées aux articles 31 à 36 du règlement 2000, l'article 44 dudit règlement habilite le tribunal communautaire de propriété intellectuelle à ordonner le versement de dommages-intérêts pour réparer le préjudice occasionné ; tandis que les articles 46, 48 et 49 du règlement 2000 attribuent les compétences judiciaires résiduelles aux tribunaux nationaux. De surcroît, il est à noter que le tribunal communautaire de propriété intellectuelle, lequel, en vertu de l'article 41 du règlement 2000, est compétent sur tout le territoire de la Communauté, est composé de deux chambres : l'une de première instance, l'autre de recours. Toutes deux, d'après l'article 39, paragraphe 3, du règlement 2000, connaissent tant des questions de fait que de droit. Cette solution a été préconisée par la Commission, celle-ci estimant que le brevet communautaire nécessitait une protection communautaire23(*). Aux yeux de la Commission, la proposition envisagée apparaît moins coûteuse pour le titulaire du brevet partie à une procédure et engendre une plus grande sécurité juridique. Ainsi l'unicité du droit issu des traités institutionnels et la cohérence de la jurisprudence communautaire sont-elles sauvegardées. Par ailleurs, la création d'une juridiction centralisée permet de décharger, en terme de cas dont il faut s'occuper, le Tribunal de première instance et la Cour de Justice. Effectivement, les affaires mettant en jeu des brevets requièrent une certaine rapidité, mais, à l'heure actuelle, celle-ci relève plutôt de l'exception. Or, la durée de protection d'un brevet va jusqu'à vingt ans, cependant elle comprend une période plus ou moins longue au cours de laquelle le titre de propriété intellectuelle ne garantit aucun retour sur investissement, pour cause de recherches devant être effectuées, de démarches administratives devant être entreprises pour obtenir, par exemple, des autorisations, etc. C'est pourquoi il importe d'accroître la vitesse de résolution des litiges impliquant des brevets.

22. Le deuxième aspect du système judiciaire porte sur les recours interjetés contre les décisions de l'OEB et de la Commission. La proposition 2000 prévoit, à cette fin, que les procédures internes d'opposition et de recours de l'OEB s'appliquent au brevet communautaire. En revanche, aucun recours auprès de la juridiction communautaire centralisée n'est possible contre les décisions de l'OEB24(*). Ce système a été adopté afin de préserver une certaine unicité dans le traitement des demandes de brevet européen et communautaire25(*). Ce qui permet aussi de traiter de façon égale les différents demandeurs. Quant aux décisions de la Commission, plus particulièrement celles rendues dans le domaine de la concurrence, elles peuvent être revues par le Tribunal de première instance, puis par la Cour de Justice.

23. Le troisième aspect du projet, bien plus bref que les deux précédents, s'intéresse à la relation entre la proposition 2000 et la Conférence intergouvernementale sur les réformes institutionnelles. Effectivement, pour que le tribunal communautaire de propriété intellectuelle puisse être créé et intégré dans l'ordre juridique communautaire, il est plus qu'indispensable de réviser le traité CE et le TUE.

24. Le dernier aspect du système judiciaire, finalement, concerne la répartition des compétences au sein de la juridiction communautaire centralisée. Bien que la proposition 2000 serve de fondement à la création d'un tribunal communautaire sur le brevet, les arrêts de la chambre de recours ne sont pas susceptibles de recours auprès de la Cour de Justice. De même, le renvoi préjudiciel, mécanisme auquel il est prévu de recourir en cas de question apparue lors d'une procédure et requérant les lumières de la Cour de Justice sur l'application et l'interprétation de la législation communautaire, n'est également pas au programme. Si l'on suit le raisonnement de la Commission, la particularité de la solution proposée ne porte en aucune manière atteinte à la compétence de la Cour de Justice en tant qu'instance judiciaire suprême de la Communauté26(*). Pourtant, qui d'autre que la plus haute juridiction communautaire possède toute l'expérience voulue pour donner une juste lecture des traités institutionnels et des actes contraignants de droit dérivé ? C'est dénigrer à la Cour de Justice une compétence qu'elle tient de l'article 19 du TUE.

4. Les suites données à la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire du 1er août 2000

25. La proposition 2000, bien que présentant une nette avancée par rapport à la CBC et l'ABC, n'a malencontreusement pas pu aboutir, en raison des multiples modifications qu'elle a dû subir suite à l'avis du Comité Economique et social sur la « Proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire »27(*). Plus tard, soit en mars 2004, le Conseil de l'Union européenne (ci-après le Conseil) a finalisé la proposition à moult reprises révisée, en y apportant toutefois d'autres amendements.

C. La proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire dans sa version révisée du 8 mars 2004 et la création d'un tribunal pour le brevet communautaire

26. Comme il a déjà été signalé au paragraphe 25, le Conseil a pris la décision d'apporter quelques modifications à la proposition 2000. Ces dernières portent plus spécifiquement sur le régime linguistique (1) et le système judiciaire (2). Par ailleurs, il n'est pas non plus inutile de s'intéresser aux suites données aux propositions de règlement et de décisions ci-dessous (3).

1. Le régime linguistique

27. Le régime linguistique, tel qu'il a été prévu par la proposition 2000, a été quelque peu revu. Aux termes de l'article 24 bis du règlement annexé à la proposition 2004 (ci-après règlement 2004), une certaine complexification a effectivement été introduite. Alors que la proposition 2000 prévoyait la traduction du fascicule dans l'une des langues de travail de l'OEB et celle des revendications dans les trois langues lors de la délivrance du titre de protection, le régime de la proposition 2004 soutient une politique selon laquelle le demandeur doit déposer une traduction des revendications du brevet communautaire dans toutes les langues officielles de la Communauté. Cependant, une réserve a été faite, à l'article 24 bis, paragraphe 1, du règlement 2004, pour les Etats membres qui y renonceraient : « à moins que tous les États membres dont une langue déterminée est la langue officielle ou une des langues officielles ne décident de renoncer à la traduction dans cette langue ».

28. En ce qui concerne les frais liés à la traduction des revendications, ceux-ci sont à la charge du demandeur, selon le considérant 5 du règlement 2004. Si le titulaire potentiel désire éviter des coûts élevés, il a toujours la possibilité de moduler la longueur de ses revendications.

29. Au final, cette solution s'avère plus onéreuse que celle soutenue dans la proposition 2000, mais elle a au moins le mérite de tenir mieux informé le public quant à la portée de la protection des brevets communautaires délivrés par l'OEB.

2. Le système judiciaire

30. Le système judiciaire et les compétences attribuées à la juridiction sont précisés à l'article 30 du règlement 2004. Contrairement à ce qui était le mot d'ordre en 2000, l'instance compétente pour connaître des actions visées n'est autre que la Cour de Justice elle-même. En vérité, l'idée de créer une juridiction indépendante du système établi par les traités a été abandonnée en vue de préserver la cohérence et l'unicité du droit communautaire28(*). Or, d'après les textes fondateurs, seule la Cour de Justice est habilitée à connaître des questions d'interprétation et d'application des traités et des actes dérivés sur le territoire de la Communauté. C'est pourquoi il a été prévu à l'article 30, paragraphe 2, du règlement 2004 qu'une décision du Conseil adoptée en vertu de l'article 229 A du traité CE attribuerait compétence exclusive à la Cour de Justice. Ladite décision a fait l'objet d'une proposition de décision élaborée par la Commission, soit la « Proposition de décision du Conseil attribuant à la Cour de justice la compétence pour statuer sur les litiges relatifs au brevet communautaire » (ci-après proposition de décision)29(*). La proposition de décision énonce à son article premier l'étendue des compétences de la Cour de Justice en matière de litiges relatifs au brevet communautaire :

« La Cour de justice est seule compétente en ce qui concerne:

a) la contrefaçon ou la validité d'un brevet communautaire ou d'un certificat complémentaire de protection communautaire;

b) l'utilisation d'une invention après la publication de la demande de brevet communautaire ou le droit fondé sur une utilisation antérieure de l'invention;

c) les mesures provisoires et de protection des preuves dans le domaine faisant l'objet de l'attribution de compétence;

d) les dommages-intérêts dans les circonstances visées aux points a), b) et c);

e) les astreintes en cas de non-respect d'un arrêt ou d'une ordonnance constituant une obligation de faire ou de ne pas faire. »

La disposition ci-dessus incarne le parfait reflet des compétences énoncées dans le règlement 2004. Le régime prévu ne pourra toutefois pas être mis en place avant le terme d'une période transitoire s'étendant jusqu'au 1er janvier 2010, en vertu des articles 53 bis du règlement 2004 et 2 de la proposition de décision d'attribution de compétence à la Cour de Justice. Au cours de ce laps de temps, l'article 53 ter du règlement 2004 stipule que les juridictions nationales demeurent habilitées à connaître des litiges en rapport avec le brevet communautaire. À cette fin, chacun des Etats membres a l'obligation de désigner les tribunaux compétents, puis de communiquer son choix à la Commission. Par ailleurs, l'article 3 de la proposition de décision prévoit que les dispositions 1 et 2 doivent être adoptées et transposées en droit national par les Etats membres, afin qu'elles produisent leur plein effet.

31. La proposition de décision attribuant compétence à la Cour de Justice n'est cependant pas suffisante pour rendre opérationnel le système judiciaire proposé. Il faut en outre adopter un second acte qui précise quelles sont les chambres spécifiquement compétentes et quelle est la procédure à suivre devant elles. Raison pour laquelle la Commission a élaboré la « Proposition de décision du Conseil instituant le Tribunal du brevet communautaire et concernant les pourvois formés devant le Tribunal de première instance »30(*). Cette dernière trouve son fondement dans les articles 225 A et 245 du traité CE. De cette façon la décision proposée (ci-après décision sur le Tribunal du brevet communautaire) prévoit-elle, à son article premier, la création d'un Tribunal du brevet communautaire, adjoint au Tribunal de première instance, compétent pour connaître, en première instance, aux termes de l'article premier de l'annexe [II], des litiges relatifs au brevet communautaire. En instance d'appel, l'article 6 de la décision sur le Tribunal du brevet communautaire, par le biais de l'introduction de l'article 61bis au statut de la Cour de Justice, énonce la compétence du Tribunal de première instance, au sein duquel une chambre spécialisée en matière de brevets est instituée. En raison de leurs attributions identiques, les deux chambres - celle de première instance et celle d'appel - doivent être soumises aux mêmes règles de procédure31(*). En vertu des articles 3 et 4 de la décision sur le Tribunal du brevet communautaire, il est prévu certaines modifications du statut de la Cour de Justice pour que ce dernier soit applicable, à quelques dispositions près, aux procédures initiées devant les chambres juridictionnelles compétentes en matière de litiges relatifs au brevet communautaire. De cette manière une annexe (l'annexe [II]), dont le contenu est détaillé norme après norme à l'article 4 de la décision sur le Tribunal du brevet communautaire, doit-elle être ajoutée au protocole du statut de la Cour de Justice.

32. Comme cela a déjà été précisé au paragraphe précédent, il existe deux instances en matière de litiges relatifs au brevet communautaire. En conséquence, lorsqu'une décision a été rendue par le Tribunal du brevet communautaire et qu'elle n'est pas encore devenue exécutoire, il est loisible à la partie ayant totalement ou partiellement succombé en ses conclusions de recourir auprès du Tribunal de première instance en vertu de l'article 26 de l'annexe [II]. À cet effet, ladite partie a la faculté d'invoquer tant des questions de fait que de droit, aux termes de l'article 27 de l'annexe [II] :

« Le pourvoi peut porter sur des questions de droit et des questions de fait.

Un pourvoi portant sur des questions de droit est fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal du brevet communautaire, d'irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal du brevet communautaire.

Un pourvoi portant sur des questions de fait est fondé sur des moyens tirés d'une réévaluation des faits et des preuves soumis au Tribunal du brevet communautaire. De nouveaux éléments de fait ou de preuve ne peuvent être introduits que si la partie concernée n'avait raisonnablement pas été en mesure de les produire en première instance.

Un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. »

33. Cependant, aux conditions de l'article 225, paragraphe 2, du traité CE et dans des circonstances exceptionnelles, il est possible de demander à la Cour de Justice un réexamen de l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance lors d'un pourvoi contre la décision du Tribunal du brevet communautaire. À cette fin, un risque sérieux d'atteinte à l'unité ou à la cohérence du droit communautaire doit exister.

3. Les suites données aux propositions de règlement et de décisions

34. En 2006, suite à une large consultation lancée par la Commission sur l'avenir politique du brevet en Europe32(*), bien que soutenant l'idée de la création d'un titre de protection communautaire, moult parties se sont plaintes du coût élevé des traductions à fournir pour le brevet et de la trop grande centralisation de la juridiction prévue. C'est pourquoi les propositions de décisions sur l'instance envisagée et de règlement sur le brevet communautaire ont été abandonnées.

D. Le projet d'accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire du 23 mars 200933(*)

35. Une fois sa consultation effectuée en 2006, la Commission a décidé d'élaborer une communication intitulée « Améliorer le système de brevet en Europe » (ci-après Communication 2007)34(*), le 3 avril 2007, en se basant sur les critiques émises par les parties concernées, dans le but de tirer les traits d'une nouvelle juridiction pour le brevet communautaire. L'institution européenne a ainsi constaté l'existence de deux courants portant sur la création d'une instance compétente pour les litiges en matière de brevets. Le premier de ces courants trouve sa concrétisation dans le projet d'Accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (ci-après EPLA). L'EPLA prévoit, en substance, l'établissement d'une Cour européenne des brevets, composée d'un tribunal de première instance, d'une cour d'appel et d'un greffe. Elle serait compétente pour les actions en contrefaçon, en nullité et les demandes reconventionnelles en nullité. Elle ne connaîtrait cependant que des litiges relatifs au brevet européen. Le second courant, quant à lui, préfère la création d'une juridiction unifiée compétente tant pour les litiges en lien avec le brevet européen qu'avec le brevet communautaire. Cette instance aurait pour fondement juridique les dispositions du traité CE. Partisane du compromis, la Commission a opté pour une solution regroupant les deux tendances, ce que Cook décrit en ces termes : « [...] a proposal which would integrate both the EPLA and the Community Patent (should the latter ever be established), into the Community legal order »35(*). L'objectif, effectivement, demeure que tous les Etats membres parviennent à un consensus sur les caractéristiques de la future instance juridictionnelle. C'est pourquoi, toujours selon la Commission, il est nécessaire qu'une seule juridiction soit créée, mais il serait avisé, dans cette optique, de s'inspirer des dispositions du projet EPLA36(*). Il existerait donc des chambres de première instance et une cour d'appel centralisée. Néanmoins, ces dernières seraient dans l'obligation de respecter la jurisprudence de la Cour de Justice en matière de droit communautaire, comme le précise Seville, « the Commission emphasises that the new patent courts would be obliged to respect the European Court of Justice as the final arbiter in matters of EU law, including questions related to the acquis communautaire and to the validity of future Community patents »37(*). Toutefois, pour qu'une telle juridiction se voie attribuer une compétence en matière de brevets européens, il est indispensable que la Communauté conclue préalablement un accord international avec ses Etats membres et les Parties à la CBE.

36. Consécutivement à la Communication 2007, un groupe de travail du Conseil a pris la décision de se lancer dans l'élaboration d'un projet d'accord donnant naissance à ladite juridiction. Celui-ci possède, pour l'essentiel, les caractéristiques énoncées par la Commission dans sa Communication 200738(*). En marge de cette élaboration, la Commission a émis une recommandation à l'intention du Conseil en vue de l'autoriser à négocier l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets39(*). Figurent à la fin de ladite recommandation des directives de négociation formulées par le Conseil, afin que les discussions consacrées à l'adoption du projet d'accord respectent l'acquis communautaire.

37. Quelques jours plus tard, après l'émission de la recommandation, un projet d'accord a pu être finalisé par le groupe de travail et a, pour intitulé, le « Projet d'accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire du 23 mars 2009 ».

III. Le projet d'accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire du 23 mars 2009

38. L'analyse du projet d'accord 2009 s'intéressera tout d'abord à ses caractéristiques principales (A) et, ensuite, à l'avis donné par la Cour de Justice de l'Union européenne à son sujet (B).

A. Les caractéristiques principales du projet d'accord 2009

39. L'examen de cette partie portera en premier lieu sur le champ d'application du projet d'accord 2009 (1), en deuxième lieu sur le statut de la juridiction envisagée (2), en troisième lieu sur les compétences de ladite juridiction (3) et en quatrième lieu sur les différentes instances la composant (4).

1. Le champ d'application

40. L'article 3 du projet d'accord 2009 décrit de façon assez large le champ d'application de l'accord. En ces termes, la disposition énonce :

« Le présent accord s'applique:

a) à tout brevet communautaire;

b) à tout certificat complémentaire de protection délivré pour un brevet;

c) à toute licence obligatoire sur un brevet communautaire;

d) à tout brevet européen qui n'est pas encore éteint à la date visée à l'article 59 ou qui a été délivré après cette date, sans préjudice de l'article 58; et

e) à toute demande de brevet en instance à la date visée à l'article 59 ou qui a été introduite après cette date. »

Comme il est aisé de le remarquer, le champ d'application de l'accord est plutôt étendu. Il s'intéresse à divers aspects du brevet, incluant même les licences obligatoires. Cependant, sont seules concernées par l'accord envisagé les licences obligatoires octroyées sur des brevets communautaires. Quant aux brevets européens, il est intéressant de noter que ceux visés à l'article 3 du projet d'accord 2009 sont ceux qui déploient encore leurs effets au moment de l'entrée en vigueur de l'accord. C'est l'article 59 du projet d'accord 2009 qui traite de la date à laquelle l'accord deviendra contraignant pour les Etats parties. De cette façon peut-on constater qu'aucun effet rétroactif n'a été prévu pour l'accord international.

2. Le statut de la Juridiction du brevet

41. En vertu de l'article 3 bis du projet d'accord 2009, la Juridiction du brevet possède la personnalité juridique. Cela signifie que chaque Etat contractant se trouve dans l'obligation de lui reconnaître la capacité juridique la plus large possible, c'est-à-dire celle prévue par sa législation nationale à l'égard des personnes morales. Il semble donc évident qu'un traitement similaire à celui d'une organisation internationale doit être accordé à l'instance judiciaire envisagée. Ce qui revient à autoriser la Juridiction du brevet à contracter, soit se lier contractuellement à des particuliers, acquérir des biens et ester en justice.

3. Les compétences

42. Les compétences de la Juridiction du brevet, pour le moins nombreuses, sont énumérées à l'article 15, paragraphe 1, du projet d'accord 2009, lequel stipule :

« 1) La Juridiction du brevet a une compétence exclusive pour:

a) les actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon de brevets et de certificats complémentaires de protection et les défenses y afférentes, y compris les demandes reconventionnelles concernant les licences;

a 1) les actions en constatation de non-contrefaçon;

b) les actions visant à obtenir des mesures provisoires et conservatoires ou des ordonnances;

c) les actions en nullité ou les demandes reconventionnelles en nullité de brevets;

d) les actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet publiée;

e) les actions relatives à l'utilisation de l'invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure du brevet;

f) les demandes d'octroi ou de révocation de licences obligatoires sur les brevets communautaires; et

g) les actions en réparation concernant les licences au sens de l'[article 20, paragraphe 1], du règlement (CE) n°... du Conseil sur le brevet communautaire. »

43. En revanche, l'article 15, paragraphe 2, du projet d'accord 2009 spécifie que les compétences concernant des actions relatives aux brevets communautaires et aux brevets européens, qui n'ont pas été attribuées à la Juridiction du brevet, appartiennent aux tribunaux nationaux des Etats contractants.

44. Outre les compétences dites exclusives de l'article 15, paragraphe 1, du projet d'accord 2009, il est également loisible à la Juridiction du brevet de saisir la Cour de Justice pour que cette dernière statue sur des renvois préjudiciels, en vertu de l'article 48 dudit projet. Cette procédure est prévue pour les cas où des questions de droit se poseraient devant la Juridiction du brevet ; celles-ci doivent porter sur l'interprétation des traités institutionnels et des actes contraignants de droit dérivé adoptés par les institutions européennes, ainsi que sur la validité de ces derniers. Il ne s'agit néanmoins que d'une faculté pour le tribunal de première instance, alors que la cour d'appel se doit d'en faire usage. De cette manière l'article 48 du projet d'accord 2009 permet-il une application uniforme du droit communautaire.

45. Afin que la Juridiction du brevet puisse exercer pleinement ses compétences, il est indispensable que ses décisions aient la plus grande portée. Conséquemment, aux termes de l'article 16 du projet d'accord 2009, les arrêts rendus par ladite juridiction produisent leurs effets sur tout le territoire de la Communauté. Cependant, ce n'est le cas que si les litiges concernent des brevets communautaires. En revanche, si l'instance judiciaire envisagée connaît d'un différend mettant en jeu un brevet européen, les jugements deviennent exécutoires sur le territoire des Etats contractants désignés par ledit brevet.

4. Les différentes instances composant la Juridiction du brevet

46. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, du projet d'accord 2009, la Juridiction du brevet est composée de deux instances, le tribunal de première instance et la cour d'appel, et d'un greffe. La première de ces instances comprend, selon l'article 5, paragraphe 1, dudit projet, une division centrale et des divisions locales et régionales. L'article 7, paragraphe 1, du projet d'accord 2009, quant à lui, prévoit que la seconde des deux instances siège en chambres constituées de juges de diverses nationalités.

47. Concernant plus spécifiquement le tribunal de première instance, l'article 15 bis du projet d'accord 2009 énonce la façon dont sont distribuées les compétences entre les différentes divisions. Ces attributions visent les actions énumérées à l'article 15 dudit projet.

48. Si une partie a totalement ou partiellement succombé en ses conclusions, elle a la faculté de faire appel de la décision du tribunal de première instance auprès de la cour d'appel. Mais, à cette fin, les conditions de l'article 45 du projet d'accord 2009 doivent être remplies. Ce n'est que de cette manière que la cour d'appel entrera en matière et statuera.

49. Comme il a été spécifié au paragraphe 46, il est institué un greffe en vertu de l'article 8 du projet d'accord 2009. Le paragraphe 1 de cette disposition, notamment, précise que les fonctions sont fixées par le statut de la Juridiction du brevet, lequel est annexé à l'accord. C'est l'article 18 dudit statut qui en dresse une liste non-exhaustive.

B. L'avis 1/09 de la Cour du 8 mars 201140(*)

50. Avant de concrétiser et de proposer à la signature le projet d'accord 2009, le Conseil a décidé d'user de la faculté prévue à l'article 218, paragraphe 11, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE)41(*) pour demander à la Cour de Justice un avis sur la compatibilité dudit projet avec les traités institutionnels.

1. La recevabilité de la demande

51. La Cour de Justice, avant de se lancer dans l'examen du projet d'accord 2009, s'est d'abord interrogée sur la recevabilité de la demande d'avis. De cette façon l'instance suprême a-t-elle distingué trois aspects à la question. Le premier concerne le degré de précision du projet d'accord. À ses yeux, les documents présentés par le Conseil étaient suffisamment le contenu et le contexte de l'accord envisagé. Le deuxième aspect, quant à lui, vise le degré d'avancement suffisant du processus décisionnel relatif au projet d'accord. À cet effet, la Cour de Justice rappelle qu'elle peut être saisie d'une demande avant même le début des négociations d'un traité international. Le troisième pan de la recevabilité, finalement, porte sur l'équilibre institutionnel entre les différents organes de l'Union européenne. Selon la Cour de Justice, il n'a pas été violé, puisque l'article 218, paragraphe 11, du TFUE autorise les institutions à introduire des demandes individuelles, sans la nécessité d'un accord préalable entre elles. En conséquence, la Cour juge la demande du Conseil recevable.

2. La compatibilité du projet d'accord 2009 avec le droit de l'Union européenne

A. Les articles 262 et 344 du TFUE

52. La question de la compatibilité du projet d'accord 2009 s'est posée au niveau du fond. De façon liminaire, la Cour de Justice a estimé que la création d'une juridiction spécialisée ne violait pas les articles 262 et 344 du TFUE, lesquels pourraient éventuellement s'opposer à un tel transfert de compétence.

53. Tout d'abord, l'article 262 du TFUE. Ce dernier a pour contenu le suivant :

« Sans préjudice des autres dispositions des traités, le Conseil, statuant à l'unanimité, conformément à une procédure législative spéciale et après consultation du Parlement européen, peut arrêter des dispositions en vue d'attribuer à la Cour de justice de l'Union européenne, dans la mesure qu'il détermine, la compétence pour statuer sur des litiges liés à l'application des actes adoptés sur la base des traités qui créent des titres européens de propriété intellectuelle. Ces dispositions entrent en vigueur après leur approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

Au cours des auditions qui ont précédé l'adoption de l'avis 1/09, cinq Etats membres se sont élevés contre l'application de la disposition en question. En effet, selon Pagenberg, « those that rejected Art. 262 TFEU as a legal basis argued that, according to its text, «to confer jurisdiction ... on the Court of Justice [pertaining to] acts which create European intellectual property rights,» Art. 262 only specifies the possibility of conferring jurisdiction on the Court of Justice in respect of disputes relating to EU patents, but not in respect of disputes relating to EP patents »42(*). Mais la Cour de Justice ne partage pas leur point de vue. Si l'on en croit son analyse, l'article 262 du TFUE n'entraîne pas un monopole au niveau des litiges impliquant des titres européens de propriété intellectuelle. De cette manière les Etats membres restent-ils libres, dans la mesure où ils respectent le droit de l'Union, d'organiser leur cadre juridictionnel comme ils l'entendent.

54. Enfin, l'article 344 du TFUE. Celui-ci stipule que « les États membres s'engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ». Selon l'examen de la Cour de Justice, le projet d'accord 2009 ne viserait que les litiges entre particuliers, sans rapport avec des questions d'interprétation ou d'application des traités.

55. Mais la compatibilité du projet d'accord 2009 avec les traités institutionnels ne va pas plus loin. Ce dernier pose effectivement des problèmes au niveau du respect de la primauté du droit de l'Union européenne (b) et de la mise en oeuvre et de l'application du droit issu des traités par les Etats membres (c).

B. Absence de garanties suffisantes quant au respect de la primauté du droit de l'Union européenne

56. La Cour de Justice rappelle que les traités de l'Union européenne, c'est-à-dire le TUE43(*) et le TFUE, ont créé un nouvel ordre juridique au sein de l'ordre juridique international. Il est ainsi doté d'institutions auxquelles les Etats membres ont volontairement transféré des compétences. Celles-ci octroient auxdites institutions une certaine autonomie. Il en résulte que les actes adoptés par les organes de l'Union jouissent de la primauté du droit de l'Union européenne de même que de l'effet direct pour certains d'entre eux, à l'image des règlements. En conséquence, les Etats membres se trouvent dans l'obligation de respecter le droit issu des traités et de l'appliquer. L'article 4, paragraphe 3, alinéas 1 et 2, du TUE rappelle le principe en ces termes :

« En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent dans l'accomplissement des missions découlant des traités.

Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union. »

57. Afin de contrôler le respect et l'application correcte du droit de l'Union, il importe de faire appel aux juridictions nationales et à la Cour de Justice. Ces instances ont pour mission d'interpréter et d'appliquer le droit primaire, lequel découle directement des traités, et le droit secondaire, lequel trouve son origine dans les actes adoptés en vertu des textes fondateurs. Selon l'article 19, paragraphe 1, du TUE, un système juridictionnel complet est ainsi mis en place. Or, la création de la Juridiction pour le brevet européen et le brevet communautaire ne suit pas la logique voulue par les traités institutionnels. En effet, ladite juridiction se situe en dehors du cadre prévu par l'article 19, paragraphe 1, du TUE. On lui octroie une personnalité juridique propre et des compétences exclusives au sens de l'article 15 du projet d'accord 2009. L'instance envisagée s'arroge conséquemment des attributions normalement du ressort des juridictions nationales, lesquelles en sont privées par l'accord. Au point 79 de l'avis 1/09, la Cour de Justice le stipule sans équivoque possible :

« En ce qui concerne le projet d'accord soumis à l'examen de la Cour, il importe d'observer que la JB:

- se substitue, dans le domaine de ses compétences exclusives, énoncées à l'article 15 de ce projet d'accord, aux juridictions nationales,

- prive alors ces dernières de la faculté de saisir la Cour de renvois préjudiciels dans ledit domaine,

- devient, dans le domaine de ses compétences exclusives, l'interlocuteur juridictionnel unique de la Cour, dans le cadre d'une procédure de renvoi préjudiciel, concernant l'interprétation et l'application du droit de l'Union et

- est chargée, dans le cadre desdites compétences, conformément à l'article 14 bis dudit projet d'accord, d'interpréter et d'appliquer le droit de l'Union. »

58. Mais cet aspect n'est pas le seul sujet de préoccupation de la Cour de Justice. Au cours de l'audition du 18 mai 2010, il est effectivement apparu que le fait de transférer des compétences communautaires à l'OEB posait des problèmes de conformité avec le droit de l'Union. Pagenberg l'explique ainsi : « that the Court was not interested in a virtual granting construction became clear when the Advocate General again pressed for precise answers as to whether indeed no judicial EU instance is foreseen to control the granting process of EU patents, and whether the EU Council does not see a problem concerning the jurisdiction of the EU legal system and the Court. The President of the Court was also obviously concerned about the lack of legal review and judicial control by the EU over adverse decisions by the EPO, since he expressly called this an important question. When the representative of the Commission answered that an appeal was possible (within the EPO, namely to the Appeal Board) and, as an alternative, that the Boards of Appeal could be given the right to refer questions on interpretation of EU law to the Court, the President found this «a little surprising» »44(*). D'ailleurs, Pagenberg ne manque pas de souligner, tout au long de son article, à quel point la carence au niveau du contrôle sur les décisions de l'OEB est préoccupante.

59. Pour toutes ces raisons, la Cour de Justice considère que les garanties en vue de veiller au respect du droit de l'Union ne sont absolument pas suffisantes, et ce, d'autant plus que la Commission n'a pas semblé consciente du problème soulevé au cours des auditions.

C. Mise en oeuvre et application du droit de l'Union européenne par les Etats membres

60. La Cour de Justice tient à signaler que le droit de l'Union doit être appliqué de façon équivalente dans chaque Etat membre. C'est pourquoi le mécanisme du renvoi préjudiciel de l'article 267 du TFUE a été prévu. Celui-ci l'énonce de la manière suivante :

« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

i. sur l'interprétation des traités,

ii. sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. »

61. Le mécanisme décrit ci-dessus a pour objectif une application uniforme du droit de l'Union sur le territoire de tous les Etats membres. De cette façon, si un manquement dû à la faute d'un Etat membre venait à être constaté à l'égard d'un particulier, ledit Etat membre serait dans l'obligation de réparer le dommage causé. Par ailleurs, si la violation du droit de l'Union était commise plus spécifiquement par une juridiction nationale, les procédures visant à faire constater un manquement de l'Etat membre concerné prévues aux articles 258 à 260 du TFUE pourraient s'appliquer. Or, si le préjudice était causé par la Juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, il ne serait pas possible de faire constater un tel manquement et aucune responsabilité ne serait engagée. Ce qui est inacceptable : un préjudice se doit effectivement d'être réparé. Au vu de la carence du projet d'accord 2009 à ce niveau-là, la Cour de Justice le juge incompatible avec le droit de l'Union.

IV. Le nouveau projet relatif au brevet européen unitaire

62. L'examen de cette partie se fera en trois phases : la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire (A), la coopération renforcée en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (B) et le projet d'un système de règlement des litiges en matière de brevets (C).

A. La coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire

63. À l'issue d'une vaste consultation des milieux intéressés lancée par la Commission en janvier 2006, il a été constaté que le système actuel des brevets en Europe était peu satisfaisant. Coûteux, complexe, n'encourageant guère l'innovation, il ne profite pas aux entreprises, qui doivent soit dépenser des sommes importantes d'argent, soit renoncer à la protection par brevet. Il en a aussi résulté que l'avis généralement exprimé par les parties concernées soutenait l'idée d'un brevet à effet unitaire en Europe, sans pour autant modifier le système offert par la CBE. C'est pourquoi, sous l'impulsion de la Commission, décision a été prise par le Conseil de lancer une coopération renforcée pour créer un brevet européen à effet unitaire. Cet acte a pour intitulé la « Décision 2011/167/UE du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, JO L 76 du 22.03.2011, p. 53ss » (ci-après décision 2011/167/UE).

64. Après que la décision 2011/167/UE a été adoptée, la Commission a élaboré une proposition de règlement du Conseil et du Parlement européen mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire (ci-après proposition en matière de création d'une protection)45(*). De cette façon, le règlement envisagé (ci-après règlement en matière de création d'une protection) donne naissance à une protection par brevet au niveau de l'Union européenne. Ce titre de propriété intellectuelle est, en réalité, un brevet européen délivré par l'OEB, au sens de l'article 2, lettre (b), du règlement en matière de création d'une protection, auquel on attribue un effet unitaire. Cela signifie que le brevet produit, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, premier alinéa, dudit règlement, les mêmes effets dans tous les Etats participant à la coopération renforcée. Il n'est pas divisible ; il forme un tout. Par ailleurs, il est dépendant du brevet européen. Aux termes de l'article 3, paragraphe 3, du règlement en matière de création d'une protection, si ledit brevet européen est révoqué ou limité, l'effet unitaire disparaît également.

65. À l'instar de tout brevet classique, le brevet européen unitaire permet à son titulaire d'interdire tout acte effectué par un tiers qui violerait son droit sur le titre de protection. Les articles 6 et 7 du règlement en matière de création d'une protection en sont les fondements juridiques. Pareillement, il existe des limites aux droits conférés par le brevet, telles que les actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales. Ces restrictions sont énumérées à l'article 8 du règlement en matière de création d'une protection. En outre, en vertu de l'article 9 dudit règlement, l'épuisement des droits se fait de la même manière que pour les autres droits de propriété intellectuelle de l'Union : il s'agit d'un épuisement régional. De cette manière le titulaire du brevet européen unitaire ne peut-il s'opposer à des actes effectués sur le produit couvert par la protection lorsque l'invention a été commercialisée par lui ou avec son consentement avant que ledit acte ait été accompli sur le territoire de l'Union européenne.

66. Par ailleurs, l'article 12 du règlement en matière de création d'une protection énonce que les Etats participant à la coopération renforcée confient certaines tâches à l'OEB. Ce dernier a, par exemple, pour devoir de :

« (a) gérer les demandes d'effet unitaire présentées par les titulaires de brevets européens;

(b) gérer un registre de la protection par brevet unitaire dans lequel sont enregistrés l'effet unitaire ainsi que toute limitation, licence, transfert, révocation ou extinction des brevets européens à effet unitaire, et l'insérer dans le Registre européen des brevets; [...]

(d) publier les traductions visées à l'article 6 du règlement .../... du Conseil [modalités de traduction] durant la période de transition visée à ce même article;

(e) collecter et gérer les taxes annuelles afférentes aux brevets européens à effet unitaire, pour les années qui suivent l'année de publication de la mention de leur délivrance dans le registre visé au point b); collecter et gérer les surtaxes acquittées pour le paiement tardif des taxes annuelles dans les six mois qui suivent la date d'exigibilité, et distribuer une partie des taxes annuelles collectées aux États membres participants [...]. »

C'est la CBE qui offre cette possibilité à son article 143.

67. La proposition en matière de création d'une protection fait subséquemment état de dispositions financières. Ces dernières précisent de quelle façon les frais engagés par l'OEB dans son activité relative aux brevets européens unitaires sont financés et comment les taxes annuelles, lesquelles servent à financer ladite activité, sont prélevées et utilisées. Dans tous les cas, il est indispensable qu'elles soient équitables et n'empêchent pas les entreprises de rechercher l'innovation.

68. Il est en outre prévu que la Commission soit dotée, en vertu de l'article 17 du règlement en matière de création d'une protection, de pouvoirs délégués, qui consistent à adopter des actes « délégués ». Elle ne peut cependant exercer ce pouvoir que dans les conditions spécifiques de la disposition en question et plus précisément dans le cadre des articles 15 et 16 dudit règlement. Ceux-ci concernent respectivement le niveau des taxes annuelles et leur répartition entre les Etats participants.

69. Pour l'instant, il n'y a pas eu d'avancée significative au sujet de la proposition en matière de création d'une protection. Cela étant dit, il est fort possible de la voir aboutir à une adoption ultérieure, puisqu'elle est actuellement en examen chez le Conseil et le Parlement européen.

B. La coopération renforcée en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction

70. L'un des obstacles au développement de l'innovation en Europe réside dans le coût élevé à payer pour obtenir une protection par brevet. Quand une entreprise fait le dépôt d'une demande de brevet européen, elle doit effectivement le valider dans tous les Etats désignés pour lesquels la protection est recherchée. Au moment de la validation, une traduction dans la ou les langues officielles desdits Etats peut être exigée de la demanderesse si la législation nationale le prévoit46(*). En conséquence, si cette procédure est multipliée par le nombre d'Etats désignés, les frais à débourser atteignent rapidement des sommes considérables et pèsent lourd dans le budget des entreprises. Raison pour laquelle la Commission a élaboré une proposition de règlement pour la création d'un brevet européen unitaire. Mais cela n'est pas suffisant. En vérité, il est important de réduire les coûts au niveau des traductions. Malheureusement, cette solution ne peut être incorporée dans le même instrument que celui relatif au brevet unitaire ; il est nécessaire d'en avoir un autre, comme l'énonce l'article 118, deuxième alinéa, du TFUE, adopté selon la procédure spéciale.

71. De cette façon la Commission a-t-elle décidé d'élaborer, le 30 juin 2010, la « Proposition de règlement (UE) du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l'Union européenne »47(*). Aucune majorité n'a toutefois pu être recueillie au sein du Conseil, c'est pourquoi ledit règlement n'a pas été adopté48(*). Puisqu'il était impossible pour tous les Etats membres de tomber d'accord, un certain nombre d'entre eux a pris les devants en vue de réaliser une coopération renforcée.

72. Une fois que la décision 2011/167/UE du Conseil autorisant une coopération renforcée en matière de protection par brevet unitaire a été avalisée, la Commission, conjointement à sa proposition de règlement pour ladite protection, a adopté la « Proposition de règlement du Conseil mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction » (ci-après proposition en matière de traduction)49(*), le 13 avril 2011. La proposition en matière de traduction a pour objectif de compléter les instruments juridiques relatifs au brevet européen à effet unitaire.

73. De cette manière, au sens de l'article 1 du règlement envisagé (ci-après règlement en matière de traduction), est-il prévu de mettre en oeuvre la coopération renforcée en ce qui concerne les modalités de traduction applicables à la protection par brevet unitaire.

74. L'article 3, paragraphe 1, du règlement en matière de traduction précise, en outre, les modalités de traduction en ce qui concerne le brevet européen à effet unitaire. Il n'est ainsi pas nécessaire de traduire le fascicule de brevet dans d'autres langues que celles énoncées à l'article 14, paragraphe 6, de la CBE, lequel explique que « les fascicules de brevet européen sont publiés dans la langue de la procédure et comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l'Office européen des brevets ». Par ailleurs, les demandes d'effet unitaire sont présentées dans la langue de la procédure initiée devant l'OEB, au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement en matière de traduction. Cependant, l'article 4 dudit règlement prévoit des exceptions. En cas de litige concernant le brevet européen unitaire, ce dernier doit effectivement être traduit dans sa totalité par le titulaire dans une autre langue : soit la langue officielle de l'Etat participant sur le territoire duquel la contrefaçon présumée a eu lieu, soit la langue du domicile du contrefacteur présumé. Ce choix est laissé au contrefacteur. Il s'agit aussi d'une faculté, en ce sens que, si le défendeur n'en fait pas usage, le demandeur n'est pas tenu de fournir une traduction. De surcroît, le titulaire du brevet n'est pas dans l'obligation de s'exécuter si la juridiction compétente ne lui demande pas de traduction intégrale du brevet dans la langue utilisée pour la procédure judiciaire. Dans les deux cas de figure, l'article 4, paragraphe 3, du règlement en matière de traduction stipule que les frais sont à la charge du demandeur.

75. Aux termes de l'article 5 du règlement en matière de traduction, la gestion d'un système de compensation est prévue pour le cas où le demandeur déposerait sa demande de brevet auprès de l'OEB dans une langue officielle de l'Union européenne autre qu'une des langues officielles précisées à l'article 14, paragraphe 1, de la CBE. Il est donc possible au déposant d'obtenir le remboursement de ses frais de traduction jusqu'à un certain plafond.

76. Finalement, l'article 6 du règlement en matière de traduction instaure une période transitoire d'une durée de douze ans, s'il n'y est pas mis fin avant sur proposition de la Commission. La disposition précise, à son paragraphe 1, que toute demande d'effet unitaire, au sens de l'article 12, paragraphe 1, lettre (a), du règlement en matière de création d'une protection, doit être accompagnée « (a) d'une traduction en anglais de l'intégralité du fascicule du brevet européen, si la langue de la procédure est le français ou l'allemand ; ou (b) d'une traduction de l'intégralité du fascicule du brevet européen dans une langue officielle des États membres participants qui soit une langue officielle de l'Union, si la langue de la procédure est l'anglais ». Par ailleurs, l'article 6, paragraphe 3, du règlement en matière de traduction prévoit qu'un comité d'experts indépendants, à partir de la sixième année depuis l'entrée en vigueur dudit règlement, et ce, tous les deux ans, évalue de façon objective s'il est possible de disposer de traductions automatiques de grande qualité, à partir du système mis au point par l'OEB, dans toutes les langues officielles de l'Union. Sur la base de cette évaluation, la Commission remet un rapport au Conseil et propose de mettre fin à la période de transition.

77. Pour l'heure, le règlement en matière de traduction n'a pas encore été adopté.

C. Le projet d'un système de règlement des litiges en matière de brevets

78. Suite aux conclusions exprimées par la Cour de Justice dans son avis 1/09, la Commission propose de revoir les bases du projet pour un système de règlement des litiges en matière de brevets. Elle préconise toujours la création d'une juridiction commune, puisqu'elle a pour but de simplifier la résolution des différends relatifs au brevet européen unitaire, mais en écartant la participation des Etats tiers. La Cour de Justice estime effectivement que le concours de ces derniers à l'accord sur une juridiction commune violerait le droit de l'Union. De cette manière, le fait de ne pas accepter la participation d'Etats non membres de l'Union européenne, toutefois parties à l'Organisation européenne des brevets, aurait pour conséquence, d'après Thomann, que les « EU-Patentinhaber aus der Schweiz und aus anderen Mitgliedstaaten der EPO, welche nicht der EU angehören, werden somit ihre EU-Patente nicht durch Anrufung des EU-Patentgerichts im ganzen Schutzbereich durchsetzen können, sondern vor den zuständigen nationalen Gerichten jedes einzelnen EU-Mitgliedslandes vorgehen müssen »50(*).

79. La Commission est donc d'avis que le futur projet doit tenir compte des considérations de la Cour de Justice. À cette fin, elle propose de baser ses réflexions sur les Conclusions du Conseil sur un système de brevets amélioré en Europe51(*). En vérité, cet organe soutient l'idée que « la Cour de justice de l'Union européenne veille au respect du principe de la primauté du droit de l'UE et à son interprétation uniforme »52(*).

80. Prenant alors les devants, le Conseil décide d'adopter, le 14 juin 2011, un projet qui a pour intitulé le « Draft agreement on a Unified Patent Court and draft Statute » (ci-après projet d'accord 2011)53(*). Celui-ci tente d'apaiser les craintes de la Cour de Justice en stipulant, entre autres, que seuls les Etats membres de l'Union européenne détiennent la faculté d'adhérer au traité envisagé (article 58b du projet d'accord 2011). La juridiction prévue, laquelle est compétente pour les brevets unitaires et les brevets européens en vertu de l'article 3 du projet d'accord 2011, est tenue d'appliquer le droit de l'Union et d'en respecter la primauté (article 14a du projet d'accord 2011). Si une question d'interprétation des traités ou des actes de l'Union, de même que de leur validité, se pose en cours de procédure, l'instance judiciaire doit, en outre, recourir au mécanisme du renvoi préjudiciel de l'article 267 du TFUE (article 14b, paragraphe 2, du projet d'accord 2011). Néanmoins, ce n'est pas tout. L'article 14c du projet d'accord 2011 explique que la responsabilité, en cas de violation du droit de l'Union à l'égard d'un particulier par la chambre d'appel de la juridiction unifiée, revient aux Etats membres contractants, afin qu'ils réparent le préjudice causé. Par ce petit aperçu, il est aisé de constater que le projet d'accord 2009 a été modifié sur les points jugés problématiques dans l'avis 1/09.

81. Cependant, le projet d'accord 2011 n'apporte qu'une solution partielle au problème du règlement des litiges en matière de brevets européens. Il se pose effectivement toujours la question des différends impliquant des détenteurs non domiciliés en Union européenne et la question des Etats non membres tels que la Suisse. En vérité, ces derniers n'ont pas voix au chapitre à propos des discussions relatives à la création d'une juridiction des brevets. Pourtant, d'après Thomann, « Ziel sollte der Abschluss eines Abkommens zwischen EPO und EU sein, welches ein Europäisches Patentgericht schafft; dieses würde je nach Streitgegenstand als EPO- oder als EU-Gericht entscheiden. Eine solche Lösung würde zwar die Beantwortung einer gewissen Anzahl heikler Fragen erfordern (insbesondere betreffend die Wahl der Richter sowie die Aufteilung von Aufwand und Ertrag); dies erscheint jedoch nicht unmöglich »54(*). Ce n'est que de cette façon que l'on parviendra à une solution uniforme au niveau de la résolution des litiges et que tous les Etats membres de l'Organisation européenne des brevets, appartenant ou non à l'Union européenne, bénéficieront du même degré de participation dans une entreprise qui les concerne tous.

V. Conclusion

82. L'analyse des diverses étapes qui ont marqué la genèse du brevet européen unitaire montre à quel point cette dernière a été mouvementée. Chaque projet, bien qu'ayant apporté sa pierre à l'édifice et bien qu'ayant suscité l'espoir pour qu'un titre de propriété intellectuelle propre à la Communauté, puis à l'Union européenne, voie finalement le jour, n'a jamais pu être adopté et concrétisé. Afin d'illustrer ce fait, il suffit de passer en revue les initiatives examinées dans le cadre du présent mémoire. Premièrement la CBC et l'ABC. Ces deux textes internationaux ne sont pas entrés en vigueur en raison des retards dans les ratifications, des coûts élevés de traduction et de la relative fragilité du système judiciaire envisagé face à un contentieux. Deuxièmement, la proposition 2000. Cette dernière n'a pas eu plus de chance que ses prédécesseurs, car, suite à l'avis du Comité Economique et social sur la « Proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire », elle a été maintes fois modifiée sans pour autant être avalisée. Troisièmement, la proposition 2004 et la proposition sur le Tribunal du brevet communautaire. Celles-ci ont également été abandonnées, à cause du coût élevé des traductions et de la grande centralisation de la juridiction communautaire prévue. Quatrièmement, le projet d'accord 2009. Il n'a pas abouti, puisque les conclusions de l'avis 1/09 de la Cour de Justice l'ont jugé incompatible avec le droit de l'Union.

83. En raison de tous ces échecs, les Etats membres ont décidé de lancer entre eux une coopération renforcée afin de créer un titre de protection et de régler les modalités de traduction en ce qui le concerne. Pour l'instant, rien n'a été définitivement arrêté, le Conseil et le Parlement européen étant en train d'examiner le projet à eux soumis. Quant au nouveau système judiciaire devant remplacer celui prévu par le projet d'accord 2009, il est décrit dans le projet d'accord 2011, mais encore en discussion au sein du Conseil. Ce dernier est en train d'analyser des propositions qui ont été faites récemment55(*). C'est tout ce qui peut être dit à l'heure actuelle.

84. Cependant, vu l'ouverture toujours plus grande des frontières au commerce international, est-il raisonnable que l'Union européenne veuille à tout prix « son » brevet ? Schade n'est pas de cet avis. Effectivement, selon lui, « a low-cost Community (EU) patent could even consolidate existing disparities in the scientific, technological and industrial development of EU Member States since it would enable patent holders who develop leading technology at very specific locations to apply the exclusive rights across the board even in countries whose economy does not have an even approximately comparable technological base »56(*). Ce qui accroîtrait indubitablement les distorsions de concurrence entre les Etats membres sur le marché commun. Or, cet état de fait est incompatible avec l'article 26 du TFUE sur le marché intérieur et les articles 101 et suivants du TFUE sur les règles de concurrence. En outre, dans un contexte où la mondialisation bat son plein, il serait malavisé, d'après Schade, de chercher à centraliser les marchés, alors qu'il faudrait plutôt les considérer en tant que partie d'un plus vaste ensemble57(*). Voici finalement la solution que l'auteur propose : « the response to globality in Europe is not to be found in a large supranational State, but rather in the closing of the ranks of the national States. Transferred to the present topic, this means that the protection of inventions is not to be found in a world patent and not necessarily in major supranational rights such as the Community patent but rather in international, multilateral and bilateral collaboration and implementation, of which the EPO based on the European Patent Convention is a good example »58(*).

85. Peut-on donc en conclure que l'Union européenne fait fausse route en souhaitant ardemment créer un brevet unitaire ? Malheureusement, seule l'expérience acquise dans le futur permettra de répondre à cette question.

Bibliographie

A. Doctrine

· COOK Trevor, EU Intellectual property law, Oxford (Oxford Univ. Press) 2010.

· PAGENBERG Jochen, The ECJ on the Draft Agreement for a European Community Patent Court - Hearing of May 18, 2010, in IIC s.d. ( beck-online.beck.de) (30.11.2011).

· RUZEK Vincent, L'action extérieure de la Communauté européenne en matière de droits de propriété intellectuelle : approche institutionnelle, Rennes (Ed. Apogée) 2007.

· SCHADE Jürgen, Is the Community (EU) Patent Behind the Time? Globalisation Urges Multilateral Cooperation, in IIC s.d. ( beck-online.beck.de) (30.11. 2011).

· SEVILLE Catherine, EU intellectual property law and policy, Cheltenham (Edward Elgar) 2009.

· THOMANN Felix H., EU-Patent, einheitliches EU-Patentgerichtssystem und die Schweiz, in Jusletter 26 septembre 2011 ( www.jusletter.ch) (19.11.2011).

B. Jurisprudence

· Avis 1/09 de la Cour du 8 mars 2011

C. Textes législatifs

· Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973

· Traité instituant la Communauté européenne

· Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

· Traité sur l'Union européenne

· Décision 2011/167/UE du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire

D. Textes des autorités

1. Propositions de la Commission européenne

· Commission européenne, Proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (COM(2000) 412 final), 2000 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2000:0412:FIN:FR:PDF) (23.11.2011).

· Commission européenne, Proposition de décision du Conseil attribuant à la Cour de justice la compétence pour statuer sur les litiges relatifs au brevet communautaire (COM(2003) 827 final), 2003 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2003:0827:FIN:FR:PDF) (24.11.2011).

· Commission européenne, Proposition de décision du Conseil instituant le Tribunal du brevet communautaire et concernant les pourvois formés devant le Tribunal de première instance (COM(2003) 828 final), 2003 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52003PC0828:FR:PDF) (24.11.2011).

· Commission européenne, Proposition de règlement (UE) du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l'Union européenne (COM(2010) 350 final), 2010 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0350:FIN:FR:PDF) (07.12.2011).

· Commission européenne, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire (COM(2011) 215 final), 2011 ( http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/docs/patent/com2011-215-final_fr.pdf) (26.11.2011).

· Commission européenne, Proposition de règlement du Conseil mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (COM(2011) 216 final), 2011 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0216:FIN:FR:PDF) (26.11.2011).

2. Documents formels de la Commission européenne

· Commission européenne, Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe (COM(97) 314 final), 1997 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:1997:0314:FIN:FR:PDF) (23.11.2011).

· Commission européenne, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social/Promouvoir l'innovation par le brevet/Les suites à donner au Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe (COM(1999) 42 final), 1999 ( http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/docs/patent/docs/8682_fr.pdf) (07.12.2011).

· Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Améliorer le système de brevet en Europe (COM(2007) 165 final), 2007 ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52007DC0165:FR:PDF) (25.11. 2011).

· Commission européenne, Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets (SEC(2009) 330 final), 2009 ( http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/docs/patent/recommendation_sec09-330_fr.pdf) (30.11. 2011).

3. Document informel de la Commission européenne

· Commission européenne, Solutions pour un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets/La voie à suivre après l'avis 1/09 de la Cour de justice de l'Union européenne/Document informel des services de la Commission, 2011 ( http://brevet-unitaire.eu/co-ment/text/UPuEJTS6aE3/comments/wqP3kad3aD5/?prefix=%2Fco-ment&comments_auto_display=True) (28.11.2011).

4. Documents du Conseil de l'Union européenne

· Conseil de l'Union européenne, Préparation de la session du Conseil du 11 mars 2004 : Proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (7119/04), 2004 ( http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/04/st07/st07119.fr04.pdf) (24.11.2011).

· Conseil de l'Union européenne, Projet d'accord sur la Juridiction du brevet européen et du brevet communautaire (7928/09), 2009 ( http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st07/st07928.fr09.pdf) (24.11.2011).

· Conseil de l'Union européenne, Conclusions du Conseil sur un système de brevets amélioré en Europe (17229/09), 2009 ( http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st17/st17229.fr09.pdf) (28.11.2011).

· Conseil de l'Union européenne, Draft agreement on a Unified Patent Court and draft Statute (11533/11), 2011 ( http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st11/st11533.en11.pdf) (07.12.2011).

· Conseil de l'Union européenne, Draft agreement on a Unified Patent Court and draft Statute (16741/11), 2011 ( http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st16/st16741.en11.pdf) (07.12.2011).

5. Avis du Comité économique et social

· Comité économique et social, Avis sur la « Proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire » (CES/2001/411), 2001 ( http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/docs/patent/prop01c155_fr.pdf) (30.11.2011).

E. Autres

· Convention relative au brevet européen pour le marché commun (Convention sur le brevet communautaire), faite à Luxembourg le 15 décembre 1975

· Accord en matière de brevets communautaires, fait à Luxembourg le 15 décembre 1989

· Projet d'accord instituant un système de règlement des litiges en matière de brevets européens du 20 février 2004 (EPLA)

* 1 JO C 306 du 17.12.2007, p. 1ss.

* 2 SCHADE Jürgen, Is the Community (EU) Patent Behind the Times? Globalisation Urges Multilateral Cooperation, in IIC s.d. ( beck-online.beck.de), p. 806ss.

* 3 RS 0.232.142.2.

* 4 7928/09 du 23 mars 2009.

* 5 76/76 CEE.

* 6 89/695/CEE.

* 7 COM(2000) 412 final du 1er août 2000.

* 8 7119/04 du 11 mars 2004.

* 9 89/695/CEE.

* 10 Livre Vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe, (COM(97) 314 final) du 24 juin 1997, p. 2.

* 11 RUZEK Vincent, L'action extérieure de la Communauté européenne en matière de droits de propriété intellectuelle : approche institutionnelle, Rennes (Ed. Apogée) 2007, p. 28.

* 12 ABC (89/695/CEE), huitième considérant, p. 2.

* 13 RUZEK, p. 100.

* 14 COOK Trevor, EU Intellectual property law, Oxford (Oxford Univ. Press) 2010, p. 528.

* 15 COM(97) 314 final du 24 juin 1997.

* 16 COM(1999) 42 final du 5 février 1999.

* 17 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 19.

* 18 RUZEK, p. 104.

* 19 JO C 340 du 10.11.1997, p. 173ss.

* 20 JO C 340 du 10.11.1997, p. 145ss.

* 21 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 10.

* 22 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 12.

* 23 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 13.

* 24 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 16.

* 25 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 16.

* 26 COM(2000) 412 final du 1er août 2000, p. 17.

* 27 CES/2001/411 du 29 mars 2001, JO C 155 du 29.05.2001, p. 80ss.

* 28 7119/04 du 11 mars 2004, considérant 7, p. 7.

* 29 COM(2003) 827 final du 23 décembre 2003.

* 30 COM(2003) 828 final du 23 décembre 2003.

* 31 COM(2003) 828 final du 23 décembre 2003, p. 9.

* 32 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Améliorer le système de brevet en Europe, (COM(2007) 165 final) du 3 avril 2007, p. 3.

* 33 7928/09 du 23 mars 2009.

* 34 COM(2007) 165 final du 3 avril 2007.

* 35 COOK, p. 535.

* 36 COM(2007) 165 final du 3 avril 2007, p. 11.

* 37 SEVILLE Catherine, EU intellectual property law and policy, Cheltenham (Edward Elgar) 2009, p. 154.

* 38 Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets, (SEC(2009) 330 final) du 20 mars 2009, p. 5ss.

* 39 Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations en vue de l'adoption d'un accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets, (SEC(2009) 330 final) du 20 mars 2009.

* 40 Non encore publié au Recueil 2011.

* 41 JO C 83 du 30.03.2010, p. 146.

* 42 PAGENBERG Jochen, The ECJ on the Draft Agreement for a European Community Patent Court - Hearing of May 18, 2010, in IIC s.d. ( beck-online.beck.de), p. 698.

* 43 JO C 83 du 30.03.2010, p. 13ss.

* 44 PAGENBERG, p. 703.

* 45 COM(2011) 215 final du 13 avril 2011.

* 46 Proposition de règlement du Conseil mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction, (COM(2011) 216 final) du 13 avril 2011, p. 2.

* 47 COM(2010) 350 du 30 juin 2010.

* 48 COM(2011) 216 final du 13 avril 2011, p. 3.

* 49 COM(2011) 216 final du 13 avril 2011.

* 50 THOMANN Felix H., EU-Patent, einheitliches EU-Patentgerichtssystem und die Schweiz, in Jusletter 26 septembre 2011 ( www.jusletter.ch), p. 3.

* 51 17229/09 du 7 décembre 2009.

* 52 17229/09 du 7 décembre 2009, point 12, p. 4.

* 53 11533/11 du 14 juin 2011.

* 54 THOMANN, p. 4.

* 55 Draft agreement on a Unified Patent Court and draft Statute, (16741/11) du 11 novembre 2011.

* 56 SCHADE, p. 813ss.

* 57 SCHADE, p. 811.

* 58 SCHADE, p. 811.






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