4.3- Vérification de l'hypothèse
Via cette recherche, nous nous sommes fixé comme
objectif de passer en revue les raisons qui poussent les enseignants à
pratiquer les PC tout en sachant que c'est interdit. Nous avons ainsi
posé les hypothèses selon lesquelles les enseignants continuent
à utiliser les PC parce qu'ils pensent que :
- Les PC développent chez l'élève le
goût de l'effort ;
- Les PC amènent l'élève à
développer la bonne conduite ;
- Les PC amènent l'élève à mieux
travailler ;
- Les PC amènent l'élève à se
ressaisir vite.
Par ailleurs, ils utilisent les méthodes
pédagogiques traditionnelles
Il était question, en clair, d'évaluer les
perceptions des enseignants concernant l'usage des PC. Au terme de la
recherche, il convient de retenir que :
· La plupart des enseignants pensent que la punition
développe chez l'élève l'aversion pour la paresse. 94,6%
des enseignants pensent que les P.C. développent chez
l'élève le goût de l'effort. Notre première
hypothèse à savoir que pour les enseignants, les
punitions corporelles développent chez l'élève le
goût de l'effort, celui-ci ne voulant pas recevoir des coups est
confirmée.
· 94,6% des enseignants pensent que la punition
corporelle développe chez l'enfant la bonne conduite. Dans cet ensemble
qu'est la bonne conduite se trouve des éléments comme la
ponctualité (venir à l'école à l'heure), la
régularité (ne pas sécher les cours), le respect pour
l'enseignant (23,2%), le calme dans la classe (17,9%), la discipline (35,7%).
Considérant ces données, notre deuxième hypothèse
(Pour les enseignants, les punitions corporelles développent
chez l'élève une bonne conduite) trouve sa
confirmation.
· La grande majorité des enseignants pensent que
l'élève améliore son résultat scolaire grâce
aux punitions. Plus précisément 89,3% des enseignants pensent
qu'il y a une relation entre les PC et le travail scolaire de
l'élève. La grande majorité des enseignants affirment
qu'ils utilisent les PC pour aider les élèves à
améliorer leurs résultats scolaires. Notre troisième
hypothèse qui stipulait que pour les enseignants,
l'élève a plus peur des punitions corporelles et donc travaillent
bien trouve ainsi sa confirmation.
· La grande majorité des enseignants pense que la
punition corporelle est plus efficace parce qu'elle touche le physique et
provoque une douleur immédiate. Et comme « nul n'aime la
douleur », ceci amène les élèves à se
ressaisir plus vite. Pour certains enseignants, les insultes et les
réprimandes n'amènent pas les élèves à se
ressaisir autant que les PC. Notre quatrième hypothèse
(pour les enseignants, l'élève a plus peur des punitions
corporelles et donc se ressaisit vite) trouve ainsi sa confirmation.
Mais celle-ci doit être nuancée parce que certains enseignants
reconnaissent, malgré tout, qu'il y a certains enfants qui même en
présence du bâton n'arrivent pas à apprivoiser cette
discipline chère à l'activité
d'enseignement-apprentissage.
· 98,2% des enseignants ne communiquent pas à
leurs élèves les objectifs des cours. Ce faisant, ils
n'intègrent pas l'élève au coeur du processus
d'enseignement-apprentissage. Ils se contentent de centrer l'enseignement sur
eux-mêmes sans se soucier de la priorité de l'élève
au coeur même de ce processus. Ils se situent ainsi dans une perspective
traditionnelle de la pédagogie, ce qui explique leur usage des PC. Notre
dernière hypothèse se trouve ici confirmée.
Concernant le volet théorique, nous allons faire le
parallèle entre les résultats auxquels nous sommes parvenu et nos
théories d'analyse. Autrement dit, nous dirons en quoi ces
théories confirment ou infirment les résultats auxquels nous
sommes parvenu.
En ce qui concerne la théorie systémique, nous
avons posé les principes suivants :
- C'est le système social qui influence le plus le
système scolaire ;
- C'est la méthode et les pratiques éducatives
en usage dans la société qui sont utilisées à
l'école.
Selon nos résultats, on est parvenu au fait que les
enseignants se réfèrent à l'éducation qu'il avait
reçu eux-mêmes tant en famille qu'à l'école
influence dans leurs pratiques scolaires quotidiennes. Cela a marqué
leur représentation sociale de la punition corporelle. Ainsi la plupart
des enseignants pensent que la punition corporelle, du fait qu'elle provoque la
douleur est plus efficace et amène l'élève à vite
se ressaisir. Là, nous pouvons dire que ce sont simplement les
perceptions que la société togolaise dans son ensemble a à
l'égard des PC que ces enseignants transposent à l'école
à travers leur pratique. Un enseignant nous confiait lors de nos
enquêtes : « Nous Africains, avons été
éduqués comme cela ».
Ensuite, on n'est pas encore parvenu à éradiquer
les PC dans l'éducation familiale. C'est donc une pratique courante que
de frapper son enfant à la maison. Alors comment convaincre les
enseignants à ne pas l'utiliser à l'école quand,
quotidiennement à la maison, c'est ce qu'ils utilisent ?
En ce qui concerne la théorie organisationnelle
(stratégique) de Crozier et Friedberg, nous sommes parvenu aux principes
suivants :
- Le comportement de l'acteur est actif. Même s'il est
toujours contraint et limité, il n'est jamais totalement limité;
- Ce comportement a toujours un sens. Cette rationalité
est liée, non à des objectifs clairs et explicite mais par
rapport aux opportunités (contexte) et par rapport aux comportements des
autres acteurs.
A la lumière de nos résultats, nous pouvons dire
que bien que les enseignants soient au courant de la réglementation
prohibant l'usage des PC et voient ainsi leur champ d'autorité
limité, ils trouvent des circonstances pour en faire usage. Et ce, en
fonction du comportement des élèves. C'est le cas, par exemple,
lorsqu'un élève bavarde et trouble la classe quand l'enseignant
fait son cours.
Etant donné que le comportement de l'enseignant a
toujours un sens, c'est-à-dire motivé par des raisons qu'il puise
dans sa représentation, les enseignants se fondent sur le fait que les
élèves (les enfants) sont paresseux, irrespectueux,
récalcitrants et têtus pour braver le règlement.
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