II/ Modèle
II-1: Présentation du modèle de
référence:
L'article de référence que nous avons
choisi, Impact of International Trade on Income and
IncomeInequality de SatheeshAradhyula, Tauhidur Rahman et
KumaranSeenivasan, vise à étudier l'impact plus ou moins
significatif de l'ouverture des PED du commerce international sur leurs
inégalités de richesse. Les auteurs proposent un modèle
économétrique dans lequel ils étudient l'effet de la
mondialisation sur les revenus d'une part, et sur les inégalités
de revenus d'autre part. Leur test sur les inégalités de revenu
comprend 44 pays, dont 23 PED. Les auteurs pensent, toutefois, que leur
modèle pourrait être amélioré dans le sens
où il manque d'exhaustivité. Un plus large échantillon de
pays révéleraiteffectivement des résultats d'autant plus
pertinents.
Leur équation est la
suivante:
Log(Gini)i,t=â0+â1Log(Trade)i,t
+â2(Landlock)i+â2(Democracy)i,t +â4(Corruption
Indices)i,t+â4(Developed)+ì i,t
- La variable dépendante est le coefficient de Gini,
mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus
dans une société donnée. C'est un nombre variant de 0
à 1, où 0 signifie l'égalité parfaite et 1 signifie
l'inégalité totale. - Les variables enclavement (landlock) et
démocratie (democracy) sont des variables de contrôles. - Les
auteurs détectent un problème d'endogéneité entre
la variable explicative, Commerce (Trade) et la variable dépendante,
Inégalité (coefficient de Gini). Ainsi, pour que la variable
Commerce ne puisse être en aucun cas expliquée par les
inégalités et qu'elle renvoie uniquement au Commerce
extérieur (Trade openness), les auteurs ont utilisé des variables
instrumentales, de nature géographique, la superficie (area) et la
population. Ces deux dernières affectent le commerce sans influencer les
inégalités de revenus.
Première
étape de régression:
Log(Trade)i,t=á0+á1log(area)i+á2log(pop)i+á3(Democracy)i,t+á4(CI)i,t+á4(Landlock)i+á5(Developed)i+åi,t
Les
auteurs trouvent que les variables instrumentales sont significatives à
1% de degré de liberté.
Seconde étape de
régression:
Les auteurs substituent les valeurs du commerce extérieur
trouvées après instrumentalisation, c'est-à-dire sa valeur
prédite, à la variable commerce. - Ils utilisent la variable
Développement comme variable aléatoire, égale à 1
lorsque le pays est développé et à 0 autrement. Anderson
(2005) considère que l'effet de l'ouverture sur
l'inégalité dépend étroitement du niveau de
développement.
Leurs résultats montrent qu'une augmentation de 1% du
commerce, accroît l'inégalité de revenu de 0,14% (B1=
0,1382 pays industrialisés et PED confondus). Cependant si l'on se
penche uniquement aux PED, l'effet est encore plus net avec B1= 0,1920 contre
B1= -0,0634 pour les pays développés. Ainsi, le commerce
atténuerait les inégalités dans les pays
industrialisés mais de façon négligeable, ce qui semble
aller à l'encontre des prédictions théoriques des
modèles classiques. Les auteurs ont par ailleurs des résultats
tout à fait intéressants, concernant les variables de
contrôles, et parfois contre intuitif. La variable enclavement est
négative et statistiquement significative à 1% de degré de
liberté pour les PED (B2=-0,5657) mais l'est moins pour les pays riches
(B2= 0,1248). Ils justifient cela par l'idée que le commerce maritime
affecte seulement les habitants vivant sur les littoraux, de même que les
personnes qui bénéficient davantage de ce type de commerce sont
issues de classe moyenne supérieure voire même aisée.
Ainsi, les pays enclavés tendent à être moins
inégaux. La démocratie diminue les inégalités dans
les pays développés de façon statistiquement significative
à 1% de degré de liberté (B3=-0,0576) alors qu'elle les
augmente et est statistiquement significative à 5% dans les PED (B3=
0,0012). Les auteurs expliquent ces résultats par le fait que les PED,
dits démocratiques, ont un mode de fonctionnement de moindre
qualité que celui des pays développés. L'indice de la
corruption semble amoindrir les inégalités dans les PED
(B4=-0,0132) et les augmenter dans les pays industrialisés (B4= 0,0106).
Toutefois, cette variable a un impact négligeable dans les deux
échantillons. Ils concluent leurs travaux en rappelant qu'un grand
nombre d'études empiriques prouvent que le commerce accroît les
revenus. Dans leur propre analyse, ils trouvent que lorsque le commerce
extérieur augmente de 1% alors les revenus par tête d'un pays
s'accroissent de 0,48%. Certaines études démontrent que la
mondialisation est génératrice d'inégalité d'une
part, et créée des divergences de croissance de revenu d'autre
part. Selon les auteurs, le commerce extérieur accroît en moyenne,
dans l'échantillon, les inégalités internes. Cependant, en
séparant les pays développés des PED, ils observent que la
mondialisation hausse les inégalités significativement pour le
second groupe alors qu'elle les amoindri de façon statistiquement
négligeable dans le premier.
Wood (1997), dans son
analyseOpenness and Wage Inequality in Developing Countries: The Latin
America challenge to East Asian Conventional Wisdom,
conclutl'idéesuivante: «There are several channels through which an
increase in the openness of a country, to international flows of goods and
services, factors of production, and technology, can affect inequalities in
income between individuals within it»...«Most of the theoretical work
linking greater openness to domestic inequality focuses on its effect on the
relative demand for domestic factor of production». De ce fait, en ouvrant
ses frontières, un pays sera confronté à une demande
internationale qui aura un impact différent sur la répartition de
ses richesses. Cela ce jouera, en fonction du fait que cette demande requiert
davantage de matières premières, de produits à faible
valeur ajoutée, réalisés par une main d'oeuvre peu
qualifiée, ou à contrario, des biens et services dits
«hightech».
Par ailleurs, Anderson (2005), dans son
étudeOpenness and Inequality in Developing Countries: A Review of
Theory and Recent Evidence, constate«some recent evidence contradicts
the conventional wisdom. In particular, there is a conflict in the time-series
evidence between the experience of East Asia in the 1960s and 1970s, which is
consistent with the conventional wisdom, and the experience of Latin America in
the late 1980s and early 1990s, where increased openness appears to have
widened rather than narrowed skill differentials in wages. Possible
explanations fall into two classes: differences between East Asia and Latin
America». Les différences entre ces deux groupes de pays se font
nombreuses, allant de leur politique de stratégie de
développement à leurs avantages comparatifs. En effet, les pays
d'Amérique du Sud ont en premier lieu largement eu recours à la
méthode d'industrialisation par substitution d'importation,
communément appelé ISI. Cette stratégie, bien que
théoriquement justifiée, notamment par Lizst qui prônait un
«protectionnisme éducateur», s'est
révélée contestable. En effet, elle a davantage
favorisé des comportements de recherches de rentes en rendant la
protection initialement temporaire, permanente. Cela a effectivement nuit
à l'ensemble de la population, dans la mesure où seules les
industries protégées étaient capables de s'enrichir. Le
revenu du capital a alors cru au détriment des salaires. Les pays d'Asie
du Sud Est ont quant à eux adopté une toute autre
stratégie de développement, celle d'industrialisation par
substitution d'exportation. Les économies ont opéré leur
processus d'industrialisation au contact du monde extérieur, et ont de
ce fait joui d'un meilleur transfert technologique. Ainsi, les conditions
initiales d'ouverture qu'évoque Anderson dans son étude peuvent
être une des raisons expliquant pourquoi le commerce extérieur
asiatique a davantage profité à l'ensemble de la population. En
outre, et ce qui suscite plus notre intérêt, c'est
l'éventuelle différence de spécialisationde ces deux
groupes de pays en fonction de leur avantage comparatif. Ainsi, nous allons
tester dans quelle mesure les différences en dotations en facteur, et
par conséquent la demande mondiale adressée aux pays dans la
production où ils sont les plus performants, influent sur le commerce
extérieur et indirectement sur les inégalités nationales.
De plus nous verrons si les pays asiatiques suivent effectivement les
prédictions du modèle théorique HOS et ce qu'il en est
pour le reste des PED.
II-2: Présentation du
Modèle ajusté:
Notre travail ne concernera
uniquement les PED de l'article de référence (23 pays des 44
qu'ils ont choisi, plus L'Algérie, l'Argentine et la Tunisie). Il est
à noté que ces pays ne forment pas un groupe homogène,
dans le sens où ils ont aussi des niveaux de développement
différents, avec des pays d'Europe de l'Est, qualifiés
d'économies en transition, certains pays émergents asiatiques, le
groupe de pays d'Amérique latine, ayant plus ou moins enclenché
leur processus de développement, et enfin des pays d'Afrique du Nord.
Nous nous intéresserons à la période allant de 1987
à 2007. Alors que dans les décennies ultérieures,
notamment 60_70, certains pays étaientencore qualifiés
d'autarciques, nous considérons qu'à partir de la fin des
années 80, tous les pays, en l'occurrence ceux apparaissant dans notre
étude sont relativement ouverts au commerce. Pour notre équation,
nous nous baserons sur celle de notre article de référence,
toutefois nous remplacerons la variable «Développement» par
deux variables reflétant les dotations en facteurs relatifs des pays
«D1Labour Force» et «D2 Land». En effet, contrairement aux
auteurs, désormais nous ne cherchons plus à tester dans quelle
mesure le commerce extérieur influe sur les inégalités de
façon différente selon que l'on se situe dans un pays
développé ou non. Nous cherchons à tester l'impact de
l'ouverture économique de ces pays en fonction de leur avantage
comparatif. Un pays peut être fortement doté en travail
qualifié ou non qualifié, mais non pas les deux, du fait que ces
deux composantes sont substituables l'une à l'autre. En revanche, un
pays peut être à la fois fortement doté en travail non
qualifié et en terre, ou encore en travail qualifié et en
terre.
1)Variables:
- La variable « Gini », endogène,
celle que l'on cherche à expliquer en d'autres termes, est
exprimée en pourcentage. Les valeurs se décrivent comme
suit ; plus on se rapproche de la valeur 0, plus le pays est
caractérisé par une égalité parfaite, et
inversement plus sa valeur tend vers 100, plus le pays est inégal),
(source: Deininger and Squire(1996)dataset) (idem article de
référence). Cependant, de nombreuses données sont
manquantes dans notre panel.
- La variable « Trade » est calculée
par le taux d'ouverture ((Importations+Exporations)/GDP), soit en pourcentage.
(Source: Penn World) (idem article de référence). C'est la
variable pour laquelle nous cherchons à expliquer les
inégalités de richesse.
- La variable enclavement, notée
« Landlock » est de 1 quand un pays n'est
délimité que par des côtes terrestres, et de 0 s'il a des
littoraux. Cette variable n'est pas pertinente dans notre étude car tous
les pays auxquels nous nous intéressons ont un accès aux
côtes maritimes. Elle l'aurait été si nous avions inclus
dans notre échantillon des pays enclavés, notamment ceux
d'Afrique Subsaharienne, souvent victimes d'une «trappe à
enclavement». Les données ont été trouvées
dans le World Atlas (idem article de référence)
- Fautes de données, nous avons remplacé la
variable « Democracy » par la variable
« GovernmentEffectiveness », l'un des six indices mesurant
l'état de gouvernance des pays, établi par D. Kaufmann, A. Kraay
and M. Mastruzzi (2009) dans leur projet de recherche pour la Banque Mondiale:
GovernanceMatters VIII: GovernanceIndicators for 1996-2008. Nous avons
en outre utilisé leurs données concernant la variable
« Control of Corruption » et non pas celles
utilisées dans l'article de référence. Ils attribuent des
valeurs allant de [-2.5] à [2.5], où plus la valeur est forte,
meilleure est la gouvernance du pays. Nous avons pris en considération
ces deux variables, car nous pensons qu'elles sont susceptibles d'affecter
considérablement la répartition de richesse d'un pays. Nous le
prouverons d'ailleurs ultérieurement en tentant de les supprimer de
notre équation. Naturellement, chacun peut penser qu'une meilleure
gouvernance sera plus à même de mettre en place des politiques
redistributives afin de répartir plus équitablement les
revenus.
- La superficie est mesurée en kilomètres
carrés(source: wikipédia).
- La densité de population est calculée par le
nombre d'habitants d'un pays, et a été estimée en milliers
(source: Penn World),(idem article de référence). Les deux
précédentes variables, sont celles dites instrumentales. Elles
seront utilisées uniquement pour remédier au problème de
causalité inverse entre les variables «Trade» et
«Gini». Elles n'apparaissent donc pas dans notre équation de
base.
- Si la dummy «D1Labour Force» est égale a 1, le
pays est alors fortement doté en travail non qualifié, et sinon,
0 est attribué pour un pays relativement intensif en travail
qualifié. Pour arriver à ces résultats, nous avons
calculé la moyenne du nombre d'années d'études en moyenne
des pays de notre échantillon, pour chaque année de
référence qui sont 1985, 1990, 1995 et 2000. L'année 1985
est l'année de référence pour les années allant de
1987 à 1990, l'année 1990 est celle pour les années allant
de 1990 à 1995, l'année 1995 est celle des années 1995
à 2000, et enfin l'année 2000 est celle pour les années
2000 a 2007. Ainsi, si le pays a un nombre d'années d'études
supérieur à celui de la moyenne, il est dit relativement
fortement doté en travail qualifie, et on lui attribuera de ce fait la
valeur 0. Le cas échéant sera appliqué pour le
résultat inverse. Les données ont été
trouvées dans le site de la Banque Mondiale (dataset: Appendix Table 1:
EducationalAttainment of the total population aged 25 and over)
- Si la dummy «D2 Land» est égale à 1,
dans ce cas le pays est relativement fortement doté en terre, et 0
autrement. Pour aboutir à cela, nous avons pris les superficies des pays
(données «area») et avons calculé la superficie
moyenne des pays de l'échantillon. Si un pays a une superficie
supérieure à la superficie moyenne, alors, il est relativement
intensif en terre. Par analogie, on affecte un 0 pour les pays dont la
superficie est inférieure a la superficie moyenne.
Philibeg, London et Stekel (1999) avaient déjà,
dans leur étude, souligné l'importance de l'effet de l'ouverture
sur les inégalités en fonction de la dotation en facteur relative
à chaque pays. De ce fait, nous verrons si les résultats
confirmeront ou à contrario infirmeront le modèle
présenté par Wood (1997).
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