Conclusion du chapitre
Nous vivons dans un temps ou les Chrétiens et
païens pensent que ce qui est légal est légitimement
chrétien. Pas étonnant que le monde ait légalisé
l'homosexualité, la contraception et l'avortement et d'autres choses de
ce genre. Pour nos contemporains, la légalité est la
moralité. Si ce n'est pas illégal, c'est moral, ils supposent.
Ainsi, le libéralisme qui caractérise notre société
actuelle et qui suscite généralement la diarrhée
législative et la tyrannie des régimes politiques. Et c'est un
lieu commun de constater que les libéraux veulent toujours plus
d'État et de bureaucratie pour réglementer, taxer et endoctriner
la population. La foi en l'autorité ultime de l'homme aboutit à
l'esclavage absolu sous une tyrannie humaine. Ce fait se caractérise par
la perte du sens du péché et le refus de l'absolu.
Dans ce contexte, faut-il régler notre action en
fonction des principes, ou ne songer qu'aux conséquences de nos actes ?
En fait, la moralité n'est pas la qualification
extrinsèque d'un objet dont on pourrait dire qu'il est moral, mais la
réalisation effective, dans le monde, de ce qui est moral. La
moralité désigne donc la substantification de la morale
dans le monde, c'est-à-dire son accomplissement par le moyen des
actions, volontés ou institutions qui la mettent en oeuvre. On peut
ainsi parler de la moralité d'une personne, d'un acte ou d'une
volonté, dans la mesure où cette personne, cet acte ou cette
volonté réalisent chacun à leur manière une
idée de la morale. La moralité s'incarne alors dans le monde par
l'ensemble de nos droits, devoirs ou lois, en tant qu'ils ont pour but de
réaliser dans le monde un principe d'ordre moral tel que la
dignité, la liberté, la justice. Se demander si la
réalité est utile à la vie sociale peut paraître
alors relativement superflu, dans la mesure où il paraît
évident que nos rapports avec les autres sont soumis, dans la
réalité, à des principes d'ordre moral
révélés par nos droits et devoirs.
Dans ce sens, on ne peut pas dire qu'il existe une
liberté sans loi car il y a toujours la loi de la nature. En effet,
l'homme ne peut pas échapper à sa condition de mortel qu'il soit
seul sur une île déserte sans aucune contrainte ou qu'il soit
citoyen d'une société régie par un système
législatif. La mort, par exemple, est inévitable et constitue la
fatalité de la vie et une limite à la liberté de
chacun.
CONCLUSION GENERALE
Notre effort durant cet exercice épistémologique
a consisté à élucider la question des actes
intrinsèquement mauvais selon la conception morale de B. Häring.
Nous avons abordé le sujet de façon quadripartite : d'abord
nous avons replacé la question dans le cadre historique en parcourant
les différentes périodes de l'histoire de l'église. Avant
Vatican II, nous avons analysé la question morale de la moralité
intrinsèque des actes chez les pères de l'Eglise où nous
avons mis un accent particulier sur Saint Augustin ; puis nous avons
concerté la question à la période scolastique en mettant
en exergue la position de certains éminents théologiens comme
Abélard, saint Bernard, Pierre Lombard, Thomas d'Aquin... Nous avons
fini le parcours de cette période par les néoscolastique
où nous avons vu les germes de l'éclosion de certaines doctrines
morale comme le probabilisme, le conséquentialisme, le rigorisme...
Au deuxième chapitre, nous avons focalisé notre
attention sur certains documents essentiellement du magistère en
essayant de faire ressortir la doctrine de l'Eglise sur cette question. Il
s'agit entre autres des encycliques Humanae vitae et Veritatis
splendor et de l'exhortation Réconciliation et
Pénitence qui ont été précédé
par la Constitution Gaudium et Spes et le Catéchisme de
l'Eglise Catholique qui ont aussi abordé la question des actes
intrinsèquement mauvais. Ce parcours historique nous a permis de
comprendre le contexte socio-historique de la question des actes
intrinsèquement mauvais.
Au troisième chapitre, nous avons tenté de
positionner B. Haring, d'abord dans le vaste mouvement du renouveau de la
théologie en indiquant le rôle qu'il a joué au Concile,
ensuite en faisant ressortir sa doctrine sur les questions essentielles de la
théologie morale telle, la loi naturelle, la régulation des
naissances, qui sont sous-jacentes à sa définition des actes
intrinsèquement mauvais.
Comment parler aujourd'hui des actes intrinsèquement
mauvais dans un monde moderne sécularisé ou le
péché n'existe plus ? Tel a été notre effort
au quatrième chapitre. Ici, nous avons tenté de voir dans quelle
mesure une conciliation est possible entre les différentes tendances
morales qui soutiennent tantôt l'objectivisme, tantôt le
subjectivisme ou le relativisme. Alors, que retenir au terme de ce
travail ?
Dans le territoire des questions morales, l'entreprise de
rénovation de la pensée et du discours pose de nombreux
défis qui font appel à une capacité critique parfois
déstabilisante par rapport à la structure des raisonnements
théologiques qui ont servi de références dans les derniers
siècles. Pour Häring, homme de foi profondément
attaché à la Parole de Dieu, le renouveau commande qu'on respecte
des valeurs immuables tirées du trésor de l'Ecriture Sainte et de
la Tradition de l'Église du Christ. Cependant, le renouveau n'est pas le
simple retour aux formes antérieures rigidement
interprétées et appliquées, mais il oblige à
traduire ces références fondamentales en termes signifiants
pouvant rendre compte de la réalité du monde
déterminé par la culture et la vie sociale de notre
époque. D'où la tension qui sera au coeur de sa contribution de
théologien de la morale, et qui est celle de l'Eglise de Vatican II :
comment être à la fois radicalement fidèle à la
Pensée de Dieu exprimée dans les Ecritures et la Tradition, et
être ouvert et sensible aux difficultés, aux angoisses, aux
quêtes de sens de notre monde contemporain, dans un contexte de rapide
progrès et de bouleversements des certitudes traditionnelles ? Comment
éviter le piège des dogmatismes éthiques, avec
liberté et esprit critique, et demeurer en même temps
attaché aux acquis indiscutables de la révélation et de la
vie chrétienne.
Partant, la théologie morale se doit d'être aussi
une herméneutique de l'expérience contemporaine de l'agir humain.
Toute analyse de la situation d'une action, qu'il s'agisse de la
délibération en vue de la décision ou de
l'opération réflexive qui vise à en juger la
moralité, se doit de prendre en compte différents aspects de
l'action : linguistiques, sémantiques, symboliques et éthiques.
C'est au coeur d'un éthos culturel donné, au sein d'un
enchaînement narratif à reconstruire et dans une durée
déterminée que l'action se laisse saisir dans sa
singularité, et non dans l'acte isolé dont la définition
objective et traditionnelle (l'homicide, le vol, l'adultère) n'est qu'un
repère, certes nécessaire, mais insuffisant. Cette
herméneutique de l'expérience n'est pas seulement indispensable
au jugement concret de l'action, elle est également source de nouveaux
enseignements et de nouvelles convictions morales. La vie et l'action humaines
sont comme des textes qui s'offrent à l'interprétation et
où se laissent percevoir des compréhensions, des valeurs et des
visions du monde nouvelles, elles-mêmes surgies de situations jusqu'alors
inédites. La Bible et la tradition ecclésiale ne disent rien
directement sur la manière dont une équipe médicale doit
affecter ses ressources et son temps entre les différents types de
malades dont elle a la charge, ni sur la manière dont un responsable du
personnel d'une entreprise en difficulté doit gérer la
réduction des effectifs. Et cela n'est pas seulement vrai pour les cas
où la technique nous place devant des choix nouveaux, et où
l'expertise et la compétence scientifique donnent au jugement une
autorité insubstituable.
Pour terminer, il sied de souligner que la
responsabilité subjective ne peut pas annuler la moralité
objective de l'agir éthique; en fait, elle s'applique à
concrétiser les principes d'action par un comportement librement
assumé. Cette liberté ne s'affranchit pas du commandement ou de
la norme, elle ne conteste pas la volonté de Dieu ; mais l'acte
d'obéissance, accompli dans la foi et dans l'amour, doit lui-même
être libre dans le Christ, intériorisé, issu d'une
démarche spirituelle où l'Esprit vient au secours de l'esprit
(cf. Rom 8, 16). En un sens, dans l'appréciation de la
responsabilité subjective de l'homme face à l'action, il faut
tenir compte de la fragilité de l'être et, en l'occurrence, de la
possibilité négative de la liberté. L'homme est
tenté de rompre cette harmonie avec la liberté quand il veut
décider par lui-même de ce qui est bien et de ce qui est mal. Au
plan éthique, il y un autre élément significatif qui
devient partenaire sur le fondement complexe qui qualifient la liberté:
la conscience.
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