UNIVERSITE HASSAN II CASABLANCA-MOHAMMEDIA
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET
SOCIALES DE MOHAMMEDIA
Mémoire en vue de l'obtention d'un
diplôme de licence fondamentale en Droit public
Sous le thème :
LES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES EN AFRIQUE NOIRE
FRANCOPHONE : REFLEXION SUR LE CAS DE LA GUINEE (CONAKRY)
Réalisé par l'étudiant
KOUROUMA Oumar, sous la direction de Monsieur ABDERRAZAK EL
ASSER,
Professeur de SOCIOLOGIE POLITIQUE à
la FACULTE des SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES
et SOCIALES de L'UNIVERSITE HASSAN II-
MOHAMMEDIA.
Année académique
2010-2011
Dédicace
A la mémoire de mon cher défunt
père...
A mon adorable mère...
A mes inoubliables oncles...
Remerciements
Nous ne saurons introduire ce mémoire sans au
préalable louer le Tout Puissant Allah qui nous a permis
d'arriver en ce lieu, en nous gardant en bonne santé et en nous
permettant, toujours, de franchir avec succès les différentes
étapes qui ont jalonné notre parcours de chercheur de
savoir.
Ensuite, nos grands remerciements s'adresseront à
notre cher père, feu Sidiki Kourouma et à notre adorable
mère Mariam Sacko qui, depuis notre naissance n'ont cessé de
jouer leur rôle de parents responsables et admirables; leurs
éducations, sages paroles et leurs prières nous ont
accompagnés durant tout ce temps que nous avons passé loin de
notre chaleureuse famille.
Aussi nous voudrions exprimer toutes nos gratitudes et
nos sincères reconnaissances pour toute la famille Sacko et
particulièrement nos inoubliables oncles Sékou Sacko et Moussa
Habib Sacko qui nous ont offert tout ce qu'on pouvait avoir besoin pour
réaliser nos rêves tout au long de nos parcours scolaire et
académique.
De même nous ne pourrons finir sans remercier
ardemment tous nos professeurs des facultés de droit des
universités Ibn Tofail et Hassan II et particulièrement notre
encadrant Monsieur Abderrazek El Asser qui n'a ménagé aucun
effort pour la réussite de ce travail. A cet égard il faut dire
que ses conseils, ses jugements et son soutien ont été d'une
grande utilité pour la réalisation de ce mémoire.
En fin, grand merci à tous ceux qui, de loin ou de
près, ont contribué à la concrétisation de ce
travail.
Veillez trouver, ici, l'expression de notre profonde
gratitude !
PLAN GENERAL DU MEMOIRE
Dédicace ....2
Remerciements....3
Plan général du mémoire
............................................................4
Sigles et abréviations....6
Introduction général....8
PREMIERE PARTIE : DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE ET
HISTORIQUE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA
GUINEE.....................................................................................................15
Chapitre1 : Du cadre théorique
et scientifique de la
réflexion..............................................................................................17
Chapitre2 : Des expériences sud
européenne et latino américaine de démocratisation au
contexte africain des pays francophones subsahariens: l'itinéraire
d'une vague.53
Chapitre 3 : L'histoire politique de
la guinée (Conakry) : héritage colonial et
émergence de l'Etat
guinéen...............................................83
Conclusion de la première
partie...........................................................102
DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE
SILLAGE DES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES...............................................................105
Chapitre1 : Du système
politique «fermé» en Guinée (1958 1989).....106
Chapitre2 : Les années 90 ou
« l'ouverture » du système politique
guinéen : une marche vers l'Etat
droit.................................................. 145
Chapitre 3 : Evaluation et
analyse critique de l'expérience guinéenne de transition
démocratique....................................................................172
Conclusion de la deuxième
partie......................................................... 187
Conclusion
générale...............................................................................189
Bibliographie-Webographie.....................................................................194
Table des
matières.................................................................................198
SIGLES ET ABREVIATONS
FMI : Fonds monétaire
international
CMRN : Comité Militaire de
Redressement National
BAD : Banque Africaine de
Développement
FIDH : Fédération
International des Droits de l'Homme
CBG : Compagnie des Bauxites de
Guinée
USTG : Union des Syndicats des Travailleurs
de Guinée
UFR : Union des Forces
Républicaines
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation
en Afrique du Droit des Affaires
RPG : Rassemblement du Peuple de
Guinée
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
AGFEE : Association des Femmes Enseignantes
de l'Elémentaire
URSS : Union des Républiques
socialistes soviétiques
USCG : Union des Syndicats
Confédérés de Guinée
PDG : Parti Démocratique de
Guinée
JRDA : Jeunesse Révolutionnaire
Démocratique Africaine
USCG : Union des syndicats
confédérés de Guinée
« La démocratie n'est le monopole
de quiconque, ni d'aucune ère de civilisation»1(*).
Jean Louis Roy
« Cet acte fondamental (la loi
fondamentale de 1990), socle d'une société nouvelle, est certes
issu du libre engagement pris par l'armée, le 3 Avril 1984, de faire de
la Guinée un Etat respectueux du droit et de la justice dans la
liberté »2(*).
Le Général Lansana Conté,
président de la république de Guinée.
INTRODUCTION
« Pour une très large
partie du monde, aucune idéologie à prétention universelle
n'est actuellement en position de rivaliser avec la démocratie
libérale, aucun principe universel de légitimité avec la
souveraineté du peuple »3(*). C'est en ces termes que le
philosophe, politologue américain, d'origine japonaise Francis Fukuyama
annonçait « la fin de l'Histoire »4(*) dans un article publié en
1989 dans la revue the National interest. Cette thèse
traduisait un optimisme exacerbé de l'auteur qui signifiait qu'à
partir de ce moment la démocratie libérale demeure la seule
forme de gouvernement légitime des peuples du monde. C'est cette
même eschatologie que le président américain Georges Bush
père va brandir sous le couvercle du nouvel ordre mondial :
l'économie capitaliste et la démocratie libérale comme
norme de fonctionnement du système mondial. Bien que prononcer dans
la scène internationale, cette vision uniformisatrice du monde devait
modeler tous les systèmes tant dans les pays du Nord que dans le tiers
monde où elle s'affirme comme langage d'une double modernisation :
politique et économique face à la double crise politique et
économique qui engendre des appels internes à une ouverture.
C'est dans cette perspective qu'il convient d'inscrire la dynamique de
démocratisation en Afrique noire francophone et particulièrement
en Guinée.
Partant, sans s'aventurer dans un développement de
concepts (qui sera nécessairement effectuer dans le corps du
travail)5(*), il convient de
s'atteler à cette dure épreuve (selon Platon) qui consiste
à définir ce qu'on entendrait par dynamique de transition
démocratique dans cette analyse. Pour ce faire nous partons du terme
dynamique qui est un mot utiliser pour désigner ce qui est relatif au
mouvement. Dans le dictionnaire Larousse 2009, il est l'opposé de ce qui
est statique c'est-à-dire qui n'évolue pas, qui n'est pas en
mouvement. Quant au mot transition, il désigne le changement ou le
passage d'un stade à un autre. La démocratie enfin, fait
référence ici à la seule démocratie libérale
dominante. De cette précision, nous pourrons dire que cette dynamique
des transitions démocratiques, peut être conçue comme
« le processus de changement sociopolitique et économique
en cour dans la plupart des pays du tiers monde depuis la fin du XXème
siècle, visant la construction de nouvel ordre sociétal
fondée sur la démocratie libérale et l'économie de
marché ». Il s'agit du passage des monocraties
fermées à des systèmes ouverts et pluralistes selon le
langage libéral. L'Afrique noire francophone et principalement la
Guinée n'échapperont pas à ce mouvement géant de
transformation globale.
Ce pays, essentiellement visé dans ce travail, est
un Etat d'Afrique de l'Ouest, première Nation indépendante en
Afrique noire francophone depuis le 2 Octobre 1958. Il a une superficie de 2
545.857 km2 avec une population de 9 644.500 habitants (2006).
Il est limité au Nord par le Sénégal, au Nord-est par le
Mali, au Nord-ouest par la Guinée Bissau, au Sud par le Libéria
et la Sierra Leone, à l'Est par la Côte d'Ivoire et, à
l'Ouest il s'ouvre sur l'Océan atlantique.
Comme tous ces pairs d'Afrique noire francophone, la
Guinée a connu dans les années 90 les premiers vents de la
démocratisation qui ravageait tous les systèmes de partis uniques
en place depuis les indépendances. Mais contrairement à la
plupart de ces pays, l'ouverture en Guinée avait timidement
commencé plutôt sous le régime de parti unique de
Sékou Touré (1958-1984) avant que ce régime ne finisse par
être raclé le 3 Avril 1984 après la mort du leader de la
révolution guinéenne. Cette dernière date marque
l'avènement de la seconde république guinéenne sous la
direction d'un pouvoir militaire conduit par le général Lansana
Conté. Face à des exigences internes et à des pressions
internationales surtout des institutions de Breton Woods et de Paris,
après l'historique conférence de la Baule, le
général Lansana Conté, alors colonel, engagera le pays sur
la voie d'une libéralisation économique et politique sans
précédent afin de pallier à un bilan économique et
politique de son prédécesseur qu'il jugera largement
négatif.
De là s'ouvrait une nouvelle page de
l'expérience d'autogouvernement en Guinée mais cette fois-ci
orientée vers la mise en place d'un modèle de gouvernement
politique et économique occidental perçu comme solution à
la modernisation politique et à la double crise politique et
économique héritée du régime
précédent.
Cependant, après vingt quatre ans d'existence, le
régime messiaque s'affiche en symbole d'un désespoir qui ne dit
pas son nom. Cette expérience très agitée se termina par
de nombreux soulèvements dont le point culminant sera atteint en 2007
dans un contexte de fragilité économique et politique totale
couronnée par un état de santé dégradant du chef de
l'Etat. En rendant l'âme le 23 Décembre 2008, Lansana Conté
allait rouvrir la porte à ce que certains appellent une nouvelle phase
de transition démocratique et que nous appelons « la suite
de la transition avortée depuis les élections
présidentielles de 1993 ». Mais ce nouveau départ
est encore dirigé par une nouvelle junte militaire venue au pouvoir le
24 Décembre 2008 par un coup d'Etat comme ce fut le cas en 1984. Entre
promesse de changement et désir de perpétuer le passé, la
nouvelle junte conduite d'abord par le Capitaine Moussa Dadis Camara puis par
le général Sékouba Konaté, permettra aux
guinéens la mise en place d'une nouvelle constitution en Avril 2010 et
l'organisation des premières élections
« démocratiques et libres » de Juin à
Novembre 2010 sous des pressions internes et internationales très
fortes.
Cette présentation du contexte général
permet de découvrir tout l'intérêt que révèle
ce thème.
Intérêt du
sujet :
Pour toute personne qui lit le thème de ce travail,
l'une des premières questions qu'elle peut se poser est sans
doute : pourquoi choisir d'étudier la Guinée et la
démocratisation. A cette question nous répondrons en affirmant
que ce sujet révèle pour nous une double importance. En premier
lieu, il s'inscrit en droite ligne dans le cadre notre formation universitaire
de droit public et particulièrement en sociologie politique ; mais
aussi il constitue le préliminaire d'un grand projet postuniversitaire
que nous souhaitons réaliser dans le cadre de la philosophie politique.
Car la formation qui a été la notre nous a permis de comprendre
qu'on ne peut être un bon philosophe de la politique sans être au
préalable un bon sociologue de ce fait social, c'est à dire qu'on
ne peut donner de solution qu'à un problème dont on aura bien
compris. Dans ce sens il faut dire que cette étude occupe une place
cruciale dans notre parcours de futur chercheur.
En second lieu, nous sommes face à la thématique
de la démocratisation qui reste de nos jours un grand sujet
d'actualité dans le monde en général et principalement en
Afrique et ce depuis les années 1990. Il s'agit d'un des plus importants
champs d'exploration de la jeune science politique africaine et surtout des
sciences politiques occidentales. Donc elle fait objet d'un
intéressement au sein de la communauté scientifique africaine et
africaniste à en croire surtout aux débats et colloques
universitaires et politiques qu'elle suscite.
Cependant, si telle est la place de ce thème dans le
cadre scientifique général, en Guinée elle est loin
d'être le cas. En effet, Ce pays fait face à une véritable
sécheresse de productions scientifiques en matière de sciences
sociales en général et principalement en sciences politiques.
C'est pourquoi donc cette présente réflexion préliminaire
est un grand pas en matière d'analyse politique sur ce pays. Car elle
devra permettre au lecteur de découvrir et de comprendre comment le
phénomène politique moderne se meut dans la société
guinéenne. Et aussi elle pourrait servir les dirigeants guinéens
dans leur quête de solution aux difficultés sociopolitiques
auxquelles se trouve confronté ce pays, dans la mesure où,
même si elle ne se donne pas pour objectifs de proposer des
remèdes, elle à l'avantage de mettre en exergue les
problèmes avec beaucoup plus de clarté. Ce qui peut faciliter la
prise de décisions importantes. C'est dans ce sens qu'il est souvent
dit d'ailleurs qu'« un problème bien posé est
déjà résolu à moitié».Toutefois,
comme tout thème scientifique, le notre est aussi à l'origine
d'une problématique qui constitue d'ailleurs l'épicentre de cette
introduction.
Problématique :
De nos jours la démocratie libérale et son
inséparable compagnon qui est l'économie de marché sont
devenues le talon d'Achille de tout discours sur le tiers monde et l'Afrique en
général et particulièrement sur la Guinée, surtout,
si ce discours se voudrait audible. Les conditionnalités d'aide
mentionnées de part et d'autre tant par des partenaires Etatiques comme
la France, les Etats Unis et les autres puissances occidentales ainsi que les
institutions de Breton Woods (FMI et Banque mondiale) s'inscrivent dans la
même logique lorsqu'elles visent à instituer cette même
démocratie et le capitalisme occidental comme seul moyen de
réaliser un développement harmonieux. A ce titre le discours de
François Mitterrand à la Baule est illustratif lorsqu'il
déclare à propos de la démocratie libérale
: « c'est le chemin de la liberté sur lequel vous
avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du
développement ». Au regard de cette conception nouvelle
du rapport entre développement et système politique, la
Guinée à l'instar de nombreux pays d'Afrique, baignée dans
une fragilité politique et économique hérité de
l'échec de l'indépendance, devait sans condition faire face au
modèle occidental comme seule remède à ses maux. Cependant
cette imposition d'un modèle importé ignorait que l'Afrique et
surtout la Guinée avait déjà connu une expérience
du pluralisme politique occidental à la veille des indépendances
qui se solda par une exacerbation de la division ethnique et
régionaliste et qui légitimera plutard le recours au parti
unique.
De cette réflexion se dégage le problème
de la compatibilité du modèle occidental aux
réalités Africaines en général et
particulièrement au contexte sociopolitique et économique
guinéen et par conséquent se pose la question de savoir si la
solution imposée à la Guinée par le Nord ou cette solution
face à la face à laquelle elle s'est exposée est
véritablement le remède à la crise de modernisation
politique et économique de ce pays ?
Ainsi notre objectif dans ce travail sera de chercher à
comprendre comment la Guinée, à l'instar de ses pairs du Sud,
tente t-il de s'approprier du modèle de gouvernement politique et
économique occidental afin de relever le défi de la modernisation
politique et de l'autogouvernement. Dans cette logique nous devrons voir la
place que tient chaque acteur interne et externe, les actions qui sont poser
dans le cadre de se processus agité. Aussi faut-il voir les obstacles
qui pourraient être à l'origine de l'échec de cette
entreprise.
Hypothèses
Les observations quotidiennes que nous avons effectuées
sur le contexte sociopolitique guinéen et les lectures que nous avons
réalisées sur la question de la démocratisation en Afrique
et surtout en Guinée ont été à l'origine de
nombreuses réflexions desquelles nous avions tirées plusieurs
hypothèses qui peuvent faire objet de vérifications dans ce
travail.
Notre idée de départ est que la
démocratisation en tant que transportation des modèles du Nord en
Afrique n'a pas été un choix librement fait en Guinée.
Car s'il n'est pas exclu que ce peuple ait demandé une ouverture, force
est de reconnaitre que cette dernière ne signifiait pas forcément
l'implantation d'un système politique et économique
intégral occidental. Aussi, le déploiement sans
précédent de l'occident et surtout de la France dans ce
processus, et ce dans un contexte international de mondialisation des
idéaux libéraux et de conquête économique, ne peut
être ignoré. Ainsi cette démocratisation
n'était-elle pas le fait des puissances libérales et à
leur profit ?
De même, le cadre sociopolitique et économique
dans lequel se déployait cette démocratie avec ses mesures
d'austérité économique était marqué par une
fragilité totale héritée de l'ancien régime. Ce
qui peut amener à s'interroger si cette démocratisation
pouvait-elle aboutir en Guinée dans cette condition? Aussi par sa
vulnérabilité, la population n'était-elle pas exclue
dès le départ au profit du pouvoir militaire ?
Une vérification de ces hypothèses devra passer
la détermination d'une méthode travail à adopter et
à une délimitation du champ de travail.
Méthodologie et délimitation du
sujet
Recueillir et transmettre du savoir scientifique ne peut se
faire que par le biais de canaux. Ainsi, pour ce travail qui n'est pas une
recherche de terrain, deux types de méthode ont été
employés :
Ø la première relative à la recherche
d'information sur le thème s'est essentiellement appuyée sur la
recherche documentaire dans des ouvrages pédagogiques et d'articles
scientifiques tirés de célèbres revues
informatisées essentiellement françaises, mais aussi des revues
Africaines, américaines etc... La bibliothèque virtuelle
guinéenne (www.webguinee.net) nous a beaucoup servi ainsi que d'autres
sites web. Ce recours à l'internet s'explique d'une part par la
rareté d'ouvrages de sciences sociales sur ce pays et d'autre part dans
le but de rendre nos informations actuelles ;
Ø et le second type de méthode,
c'est-à-dire celle employée dans la rédaction du travail,
est à la fois descriptif et analytique. Avec la description nous tentons
d'exposer la situation et par l'analyse critique nous essayons d'aller
au-delà des apparences pour toucher le fond, tenter de dégager ce
qui peut être considérée comme loi. Et dans cette logique,
les méthodes déductive et comparative devraient jouer un grand
rôle. Il s'agit de deux méthodes très apprécier par
le professeur Mamadou Gazibo dans ses réflexion en politique
comparée. Ainsi chaque partie et sous partie devrait s'achever par une
conclusion avant la conclusion générale.
Par ailleurs, il convient de préciser que ce
mémoire ne prétend pas épuiser ce thème sur la
démocratisation en Guinée, il se contentera d'analyser juste la
seconde république (1984-2008) qui est reconnue de tous comme ayant
amorcé cette transition démocratique telle annoncée dans
la troisième vague. Ce qui ne veut pas dire que nous n'allons pas jeter
un coup d'oeil sur la première république (très
importante à exposer dans cette analyse) et la troisième
république. Aussi faudra t-il souligner que cette réflexion ne
vise pas à apporter des solutions, ce que nous considérons comme
relevant beaucoup plus de la philosophie politique. Mais nous nous bornerons
dans une logique de sociologie politique qui se focalise sur l'analyse du fait
politique comme un fait social.
Enonciation du plan
La transition démocratique en Guinée est avant
tout un fait social lié à beaucoup d'autres faits sociaux
grâce à la loi du déterminisme sociologique. Ceci
étant, elle ne peut s'analyser que par la prise en compte de son encrage
sociohistorique mais aussi théorique et scientifique. C'est pourquoi
dans la première partie de ce travail, nous tenterons d'exposer
l'encrage théorico-scientifique et historique des transitions
démocratiques après quoi il sera nécessaire d'aborder
l'histoire politique de la Guinée en vue de découvrir plus
profondément les caractéristiques de l'Etat postcolonial.
Grâce à ces instruments théoriques, scientifiques et
historiques, nous serons capables d'étudier dans la seconde partie de
notre travail, cette transition démocratique guinéenne
proprement dite. Mais pour ce faire nous devrons voir d'abord le régime
sékouréen en tant que système fermé dont la
conséquence sera la démocratie de façade que connaitra la
seconde république. Cette partie devra se terminer par une analyse et
évaluation critique où nous essayerons de réfléchir
sur la nouvelle constitution guinéenne afin de voir si la dialectique de
rupture et de la continuité persiste toujours au-delà des beaux
discours politiques.
PREMIERE PARTIE :
DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE ET HISTORIQUE DES
TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE
« Quand on ne sait pas d'où on vient, on ne
saura pas où on va ! »
Proverbe africain.
Dans la tradition, il n'est pas souvent exclu d'entendre que
seul le sujet doit être traité, rien que lui. Cependant, parler de
la démocratisation en Guinée ne saurait mieux se faire qu'en
abordant au primo un ensemble de matières qui déterminent les
encrages profonds du thème. C'est bien dans cette logique que cette
première partie de notre réflexion est d'une importance capitale.
En effet, lorsque le jeudi 25 Avril 1974 à minuit
vingt cinq6(*) le
régime portugais du dictateur Marcello Caetano tombait à Lisbonne
par un coup d'Etat perpétré par les jeunes officiers du MFA
(Mouvement des Forces Armées), le début d'une grande
révolution dans l'Histoire de l'Humanité se dessinait. Ce que le
célèbre politologue américain Samuel HUNTINGTON appela
plutard la troisième vague7(*) allait bouleverser la quasi-totalité des
régimes non démocratique du monde. Partant de l'Europe du sud
pour atteindre le continent sud américain à la fin des
années 70, ce grand vent, comme l'actuelle tempête arabe8(*), soufflera en Asie la même
année puis en Europe de l'Est. A l'instar de toutes ces parties du tiers
monde, l'Afrique aussi ne ratera pas son tour qui viendra principalement dans
les années 90. Pour les Etats d'Afrique noire francophone, c'est la
conférence Françafricaine de la Baule du 19 au 21 Juin 1990 qui
consacrera l'appel à la démocratie du président
français François MITTERAND.
Cette évolution historique de systèmes
politiques européens et tiers mondistes ne restera pas en dehors de
considération théorique et scientifique tant du côté
des politologues que des sociologues et internationalistes. C'est dans ce cadre
que des modèles et des instruments théoriques seront
élaborés pour rendre intelligible ce phénomène qui
traverse la grande partie de la société mondiale.
La Guinée qui n'échappe pas à l'ensemble
de ces changements n'est qu'un jeune Etat né d'une colonisation qui
détermina même les frontières qu'elle définira comme
les siennes. Cette colonisation, loin d'être un simple fait historique,
fut un véritable système à la fois administratif et
politique qui lèguera au jeune Etat guinéen et à ses
nouveaux dirigeants un arsenal de mode de gestion dont la mise en
lumière s'avère important.
Ainsi, dans cette partie de notre travail il s'agira
essentiellement de développer trois idées maîtresses : en
premier lieu le cadre théorique et scientifique (chapitre1), ensuite
nous nous intéresserons à l'itinéraire de la
troisième vague à travers des expériences d'abord non
Africaines qui seront suivies d'un exposé du cas des pays d'Afrique
noire francophone (chapitre2); et en dernier, il sera question de se
pencher sur l'émergence de l'Etat guinéen en tant
qu'héritage du système colonial(chapitre3).
CHAPITRE 1 : DU CADRE THEORIQUE ET
SCIENTIFIQUE DE LA REFLEXION
« ...tant il est vrai qu'une
spéculation générale sans enquête de terrain est
vaine et qu'une enquête de terrain sans
cadrage théorique est aveugle »9(*)
R. Rieffel, Sociologie des
médias.
D'entrée, il convient de souligner que c'est en
s'inscrivant dans la même logique que Rieffel, que ce chapitre a
été consacrée. Et comme le dit ALAIN « nos
idées sont nos lunettes»10(*), ce sera donc le lieu de mettre en exergue des
concepts, des notions et des 11(*)instruments d'analyse théorique devant guider
l'évolution de notre travail. Mais avant tout, il conviendra de savoir
ce qu'est « une théorie » et « une
science ». Pour la première, le dictionnaire Larousse 2009
nous apprend qu'étymologiquement, le terme vient du grec
théôria qui signifie action d'observer et se
définit comme « un ensemble de théorèmes et
de lois systématiquement organisés, soumis à une
vérification expérimentale, et qui vise à établir
une vérité scientifique ». C'est aussi un
« ensemble relativement organisé d'idées et de
concepts qui se rapporte à un domaine
déterminé ».
Par ailleurs, dans son ouvrage de méthodes des
sciences sociales12(*) ,
Madeleine Grawitz exposait différentes définitions selon des
conceptions diverses. Ainsi pour les tenants d'une conception formelle
comme Raymond Aron, la théorie est « un système
hypothético-déductif constitué par un ensemble de
propositions dont les termes sont rigoureusement définis,
élaboré à partir d'une conceptualisation de la
réalité perçue ou observée ». De sa
part Manheim considère qu'une « théorie
constituerait un système de croyances, une
idéologie » qui varie avec le temps et qui permettrait de
comprendre la période qui la suscite. D'autres côtés, se
trouve la conception de la théorie explication qui soutient qu'une
théorie aide à comprendre une époque.
Quant à la science, il faut
reconnaitre qu'elle a fait objet de plusieurs définitions au fil et
à mesure de l'évolution de la connaissance humaine. Cependant,
nous n'allons nous atteler ici que sur ces acceptions modernes. Ainsi Karl
Jasper nous en donne une large définition selon
laquelle « la science est la connaissance méthodique
dont le contenu, d'une manière contraignante, est à la fois
certain et universellement valable ». Dans la même logique
le Larousse 2009 sera plus clair en mentionnant que « la science
est un ensemble de connaissances relatives à une catégorie de
faits, d'objets, ou de phénomènes obéissant à des
lois et vérifiables par les méthodes
expérimentales ». Ainsi donc en parlant d'un cadre
théorique et scientifique de ce sujet, il ne saurait s'agir que de
l'ensemble des mécanismes mis en commun pour le rendre intelligible.
C'est dans cette optique que nous serons amenés, dans une vision un peu
plus large, à identifier les instruments d'analyse des mutations
politiques dans le tiers monde en général mais surtout en Afrique
avec tout le problème qui peut être lié à leur
importation (section2). Mais bien avant cela, il conviendra d'abord de faire la
lumière sur l'encrage sémantico-historique du concept de
transition (section1).
SECTION1 : DE L'ENCRAGE SEMANTICO-HISTORIQUE DU
CONCEPT DE TRANSITION
Pour commencer il faut rappeler que le terme
« transition » vient du latin
« transitio » qui signifie « passage »,
et désigne « le passage d'un état de chose à un
autre »13(*) ou
d'une situation à une autre. Il fut en grande partie utilisé en
rhétorique pour désigner « la manière de
lier les parties d'un discours ». Ce passage peut être
brutal, rapide ou se réaliser progressivement. Toutefois, il faut
reconnaitre qu'il n'est pas facile de cerner ce terme car il fait objet
d'emploi dans plusieurs domaines, au-delà de celui du politique,
notamment celui économique mais aussi épistémologique,
philosophique et les sciences de la nature. Mais ici c'est son usage dans les
études politiques qui nous intéresse le plus. Ces études
politiques entendues dans ce contexte comme sociologie politique,
économie politique etc... C'est dans ce sens qu'il nous est
rappelé que l'utilisation du terme remonte essentiellement aux travaux
de Karl Marx en économie politique et sciences politiques avant de faire
objet d'une appropriation plutard (1989) par les analystes des changements
démocratiques (la troisième vague). Dans cette présente
réflexion, il s'agira donc de retrouver cette origine marxiste du
concept (paragraphe1) avant de se pencher sur son emploi actuel dans le cadre
d'une conception libérale de la démocratie (paragraphe2).
PARAGRAPHE1 : DU CONCEPT DE TRANSITION : une
construction marxiste
Dans son article publié le 7 Janvier 2004 dans la revue
multitudes14(*), GUILHOT
Nicolas rappelle avec rigueur les origines marxistes d'un usage scientifique
du concept de transition. C'est d'ailleurs à ce titre que le professeur
Timothée NGAKOUTOU15(*) considère que Karl Marx et Max Weber lui ont
donné ses lettres de noblesses dans leur analyse des processus par
lesquels la société capitaliste a succédé à
celle féodale en Europe. En effet, dans le cadre de son étude des
différents modes de production qui ont jalonné l'Histoire de
l'Humanité, Marx développe en véritable théorie le
concept de transition : d'abord perçu comme le passage d'un
système de production à un autre. Cependant, c'est dans la
critique de l'Etat bourgeois qu'il sera le plus marquant en parlant du
nécessaire passage du système capitaliste au système
communiste. C'est delà qu'on peut réellement saisir l'essence de
l'usage actuel de ce concept. Mais par la primauté qu'il accorde au
facteur économique, cette transition est d'abord économique (I)
avant d'être politique (II).
I. DE LA TRANSITION ECONOMIQUE CHEZ
MARX :
Dans la logique marxiste, la transition est perçue
comme « le passage d'un stade de développement historique
à un autre, où le second (socialisme) est déjà
présent comme la dynamique concrète de ce passage, et
réalise le processus de destruction de l'État ».
C'est dans la même logique qu'interviennent les écrits de Gilles
DOSTALER qui désigne par transition économique « un
état ou une situation qui correspond à certaine forme
d'organisation sociale ». D'après DOSTALER, cela implique
l'organisation de la production matérielle, de la distribution, des
échanges, de la consommation, ainsi que la « nature » des
institutions politiques, juridiques, sociales, et les idéologies en
cours. Cette combinaison de réalités sociales est ce que Marx
appellera mode de production. Ce dernier est une réalité mouvante
car animé par la lutte des classes. C'est donc de ce dynamisme que les
systèmes infrastructurels parviendront à la véritable
finalité qui est le communisme. En définissant donc le communisme
comme une finalité du processus d'effondrement du système
économique capitaliste, la doctrine marxiste construisait une phase
transitoire qui est: le socialisme réel conçu comme un stade
historique.
Ainsi, dans sa critique du capitalisme, Marx présente
un système d'exploitation de l'homme par l'homme, incapable
d'assurer le progrès malgré qu'il ait
été à la base de la révolution industrielle. Car
ce système, selon lui, ignore que « l'ouvrier produit le
capital et le capital produit l'ouvrier ». C'est un système,
d'après lui, qui produit ses propres fossoyeurs ; et sa
chute et la victoire du prolétariat sont également
inévitables. Donc, au nom d'une certaine eschatologie, le marxisme
annonçait une révolution qui devait changer l'ordre du monde.
D'où d'ailleurs Rosa Luxembourg écrit : « la
révolution est grandiose et tout le reste n'est que connerie16(*)». Cette révolution
à la fois économique et politique que l'URSS (Union des
républiques Soviétiques Sociales) initia gagnera le monde avec
les multiples conversions, selon réalités locales, des
systèmes économiques nationaux au socialisme (comme en
Guinée, au Sénégal et au Ghana sous les premières
républiques pour ne parler que de ceux-ci en Afrique) ou au communisme
en Chine, en Corée du sud..... Donc ces changements économiques
planétaires portent en eux les traits qui semblent être communs
à toutes les transitions : la contestation de l'ordre
précédent, la recherche d'un système efficace.
Toutefois, pour toucher notre cible, la transition
démocratique, il convient d'exposer l'aspect politique de cette origine
marxiste du concept de transition.
II. DU CONCEPT DE TRANSITION POLITIQUE CHEZ
MARX
Malgré la place
prépondérante que prit le facteur économique dans la
pensée de Karl Marx, celui politique n'était pas en reste, pour
ne pas dire qu'il ne les séparait pas. Toutefois, le premier devait
déterminer le second : tel est d'ailleurs le socle de sa
philosophie. A ce titre il écrit : « la
structure économique de la société constitue la base
concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique
et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience
sociale déterminées ».
La transition politique qui se définit, au sens strict,
chez Ana SALDANHA comme « un changement politique
contrôlé qui s'opère au sein de certaines
sociétés et qui permet le passage d'un système à un
autre sans que l'on puisse délimiter le moment précis de
rupture17(*) »,
est donc chez Karl Marx le passage à la société sans
Etat qui consacrera la grande libération politique et sociale de
l'Homme. Cela devra se faire par le dépérissement de l'Etat.
Ainsi un nouvel ordre politique pourra naitre. Cette transition est donc
perçue à la fois comme une rupture mais aussi comme une
véritable révolution devant libérer l'Homme du poids de
tout système de classe source de domination économique et
politique.
Cette importante transition des régimes politiques
capitalistes a son processus propre reparti en des étapes : la
première étant rapide et non pacifique, est la révolution
qui devra renverser le pouvoir capitaliste qui n'est autre qu'un appareil
d'exploitation de la masse ouvrière ; Cette révolution devra
donner naissance au système socialiste comme seconde étape. Ce
système étant conçu comme la phase historique constitue la
véritable période de transition politique et économique du
système capitaliste au communisme. Ce sera le moment du règne de
la dictature du prolétariat18(*), de la socialisation des moyens de production et donc
du dépérissement de l'Etat. Pour enfin aboutir au communisme.
Toutefois, si cette explication part du capitalisme, il faut dire que d'autres
phases historiques sont déjà
dépassées à savoir: la communauté primitive,
le régime esclavagiste, le régime féodal.
C'est dans ce contexte que la révolution bolchevique de
1917 en Russie s'affirmera comme le point de départ de la conversion des
systèmes capitalistes en systèmes communistes.
Ainsi, il découle de cette explication que le concept
de transition n'est pas une fille de la toute jeune discipline de la science
politique occidentale qui est la transitologie mais bien une construction
marxiste et approfondie plutard dans la soviétologie. Cela se justifie
par l'usage de vocabulaire comme révolution, rupture,
changement... ; le souci de remise en cause de l'ancien système
conçue contraire au progrès humain .... Mais, après cette
découverte, on se demande comment le concept actuel de transition
démocratique a-t-elle été construit ? Quel est son
contenu ? C'est à ces questions que nous tenterons de
répondre dans les lignes qui vont suivre.
PARAGRAPHE 2 : DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE
COMME UN RENVERSEMENT DE LA THEORIE MARXISTE
Comment se rendre compte que le concept de transition
démocratique tel formulé par les transitologues n'est qu'un
renversement de la position des concepts dans les définitions
marxistes ? C'est, il est évident, en procédant à une
définition du concept de transition démocratique et en
dégageant les traits communs qui la lient à la transition
communiste chez Marx (II) que nous pourrons le savoir. Toutefois, il conviendra
tout d'abord de chercher à savoir ce qu'est la démocratie et
vers quelle démocratie transite t-on (I).
I. DE LA NOTION DE DEMOCRATIE
Pour commencer il faut dire que cet exposé sur la
notion de démocratie est d'une importance capitale dans ce travail. Car
elle est marquée par une complexité avérée par le
fait qu'elle est objet d'interrogations multiples tant sur sa définition
et que sur son origine (A) mais aussi sur ses conceptions qui sont nombreuses
et diverses (B). Cela est dû au fait que de nos jours ou dans le
siècle passé, presque tous les régimes se réclament
de la démocratie, même si les uns et les autres
se qualifient réciproquement d'anti-démocraties. C'est donc ce
champ complexe qui mérite d'être mis en lumière afin de
savoir dans quelle conception s'inscrit la troisième vague.
A. ESSAI DE DEFINITION ET ORIGINE DE LA
DEMOCRATIE
Définir ou retracer l'origine de la démocratie
sont deux exercice d'ailleurs épineux, car si étymologiquement on
peut savoir d'où elle vient, par contre dans son essence et sa
conception générale il n'est pas souvent exclue de dire que tous
les peuples presque ont connu une sorte de démocratie (2). Mais avant de
toucher cet aspect il conviendra de chercher à savoir ce qu'est la
démocratie (1).
1. Essai de définition de la
démocratie :
En ce nous nous attèlerons essentiellement à
l'étymologie du terme démocratie en s'inscrivant ainsi dans ce
que Giovanni SARTORI a appelé « la démocratie
étymologique » et telle qu'il l'a
développée19(*).
A cet effet, comme il est connu de tous,
étymologiquement le terme démocratie vient de l'association de
deux vocables grecs : démos qui signifie peuple
et Kratos qui veut dire pouvoir. Ainsi la démocratie
est elle : « le pouvoir du peuple » ou
« le gouvernement du peuple». De cette
définition deux interrogations se dégagent : qu'est ce que
le peuple et quel est sa relation avec le pouvoir ?
En réponse à la première, il faut savoir,
comme l'explique le philosophe italien SARTORI, que le terme démos
a connu plusieurs sens même dans l'antiquité grecque qui l'a
vu naitre. Il pouvait être ramené à plethos
c'est-à-dire plenum, le corps tout entier ; ou
aux polloi, la multitude ; ou aux pleiones, la
majorité ; ou bien à ochlos, la foule. Ce
même terme dans les langues moderne ne correspond pas aussi à un
seul sens : en italien, popolo, en français,
peuple, et en allemand, Volk, désignent tous
« une entité unique » ; cependant en
anglais demos fait recours à une notion de pluralité. Si le
premier sens nous conduit à penser que peuple fait
référence à un « tout organique qui peut
s'exprimer par une volonté générale
indivisible », dans le second il s'agirait plutôt de
parler d'une pluralité de pouvoir donc de
« polycratie ». De là notre auteur
distingue cinq conceptions du peuple à savoir : le peuple comme le
grand nombre, comme une pluralité intégrale ou tous, comme un
tout organique, comme une pluralité s'exprimant selon le principe de la
majorité absolue et enfin comme une pluralité s'exprimant selon
le principe de la majorité relative. Et de toutes ces
définitions, il soutient la dernière qui semble être le
vrai sens car permettant la coexistence du pouvoir majoritaire avec les
minorités. Mais cela étant, une autre question ne pose t-elle
pas si l'on veut placer le mot peuple dans le temps ? Dans
l'antiquité, le demos correspondait à une communauté d'une
polis (Cité-Etat) caractérisée par
l'homogénéité de ses composants et sa taille minuscule.
Cependant de nos jours, on parle plutôt de megapolis20(*) marqué par
l'hétérogénéité de ses membres et de son
étendue importante. Cette situation qui aliène l'individu, le
déracine et appelle à son intégration sociale, sa
socialisation, conduit à l'apparition de la
« société de masse » qui est la
caractéristique des sociétés actuelles. Ainsi en
dépassant le sens premier du demos, on vient au terme
« masse» qui fait trait, selon Pierre Duclos, à un double
sentiment de dépersonnalisation dans l'uniformité et d'exaltation
de puissance communautaire qui guettent l'Homme du XXe siècle21(*).
En outre, la détention du pouvoir par le peuple est une
autre question dans la définition étymologique de la
démocratie. Elle amène à l'interrogation :
« pouvoir du peuple ou pouvoir sur le peuple ?»
En effet, le sens étymologique de la démocratie suppose un
Kratos du demos ou le pouvoir du peuple. Mais si ce
pouvoir peut être nominativement celui du peuple, comment doit -il le
rendre effectif ? Cette question est la plus difficile à
répondre en matière de définition étymologique. Car
le demos de l'antiquité grecque n'était qu'une
poignée de la population qui ne trouvait aucune difficulté de se
regrouper et de discuter de ses problèmes. Dans les Etats modernes,
plus vastes, la solution trouvée est celle de la représentation.
Cette conception de la pratique de la démocratie, bien que
critiquée par Jean Jacques Rousseau22(*), s'est avérée être la meilleure
solution. Toutefois, il faut dire que l'élément en jeu ici est la
souveraineté du peuple. Cette dernière peut être
confisquée par les représentants qui tirent bien sûr leur
légitimité du peuple. Ainsi, il se trouve que l'expression
« le pouvoir du peuple » reste dans le cadre
nominatif et ce sera celle « du pouvoir sur le
peuple » qui régnera dans la pratique. C'est pourquoi,
une définition étymologique de la démocratie peut beaucoup
peiner à en être sur le terrain. D'où la diversité
de conceptions de la même notion. Mais avant de toucher cet aspect de la
présente réflexion, il conviendra de porter un regard sur
l'histoire de la notion.
2. De l'origine de la démocratie : une
démocratie à Athènes
Parler de l'origine de la démocratie est un projet
provocateur car on est, dès le départ conscient, de notre
incapacité à déterminer le foyer exact d'apparition de
cette pratique politique comprise dans son sens étymologique. Cela par
le fait que la pratique de la concertation comme mode de gestion d'une
société semble avoir été connue par presque tous
les peuples à différents moments de l'Histoire plus ou moins
identifiés. Chez les mandéen d'Afrique de l'Ouest23(*) par exemple, ce fut un
principe de base établi dans l'historique charte de Kourou
kan fouga de l'empire du Mali. Aussi, plus loin, les grecs eux
même reconnaissaient-ils l'existence de ce qu'ils appelaient
démocratie chez les peuples indiens depuis le
VIe siècle av. J.-C. Parmi les entités ainsi
qualifiées figuraient
Vaishali
considérée comme la première république. De
même que les Etats de Sabarcae et
Sambasrai24(*) (actuels
Pakistan
et
Afghanistan
).
Cependant, en tant que terme qualifiant une situation
politique, une forme de gouverner les hommes, la démocratie est
née en Grèce antique et connue sous la plume d'Hérodote
où elle désignait, dans un sens plus large le gouvernement de la
Cité par la participation de toutes ses composantes politiques et
particulièrement ceux qui ont acquis la qualité de citoyen. Il
s'agit principalement là de la « DEMOCRATIE
ATHENIENNE qui est l'une des formes les plus
achevées de la démocratie directes et qui semble être plus
connue des démocraties antiques.
En effet, la démocratie grecque était apparue
comme le résultat d'un ensemble d'expérience politique
marquée par des violences et des injustices sociales parfois très
cruelles : par exemple l'esclavage, l'exclusion, la tyrannie etc... C'est
dans cette logique qu'Ostwald Martin écrit «
l'élément démocratique dans le gouvernement
athénien aux Ve et IVe siècles avant notre ère
n'était pas basé sur l'application consciente ou inconsciente
d'une idéologie préconçue, mais sur des réponses
à des conditions historiques données»25(*). C'est donc à la
recherche d'une certaine liberté et égalité que nait cette
forme d'organisation sociale.
Cette démocratie eut ses institutions politiques
propres dont les plus connues furent :
ü l'Ecclésia : c'était
l'assemblée du peuple athénien ou l'organe le plus important, qui
regroupait les quarante milles personnes (40.000bénéficiaires du
statut de citoyen). Cependant six milles (6000) citoyens formaient le quorum.
Il était la véritable expression de la démocratie directe
d'Athènes. Cette importante institution était chargée du
vote des lois, le budget, la paix ou la guerre, l'ostracisme26(*), elle tire au sort les
bouleutes, les
héliastes et
les
archontes et élit
les dix
stratèges. Il
est l'historique assemblée de l'Agora, avant son transfert au Pnyx. En
ce lieu tous les citoyens sont égaux et votent selon la pratique de la
main levée ou celui du bulletin secret.
ü La Boulê : ou la représentation des
tribus athéniennes, était composée entre 400 à 500
membres selon les reformes. Mis en place par Solon pour la première
fois, cette institution aura pour principales fonctions de préparer les
propositions de lois des citoyens et l'ordre du jour de l'Ecclésia, de
veiller au respect des normes fondamentales par les lois et les décrets
de l'Ecclésia. Aussi, elle jouait un rôle judiciaire car elle
pouvait être saisie par un citoyen qui constatait qu'une loi n'est pas
conforme aux normes supérieures, ou pour une action en justice contre un
magistrat. Elle contrôlait aussi la gestion de ces derniers.
ü Les magistrats : ce corps est une institution
chargée de hautes fonctions à savoir : le pouvoir
exécutif (assuré par les dix stratèges qui sont aussi des
commandants d'armée, élus), les hauts pouvoirs judiciaires et
religieux (dévolus aux archontes tirés au sort parmi les plus
aisés). C'est un organe qui fonctionne de façon
collégiale. Ces magistrats font objet d'un contrôle à la
fin de leur mandat selon la technique de la reddition des comptes (euthynai).
ü L'Aréopage : il s'agit de l'organe le moins
démocratique et le plus aristocratique de toutes celles citées
jusque là, c'est un conseil de sage qui est composé d'anciens
archontes (qui sont des nobles puissants et riches). Sous Solon il fut investi
du pouvoir de recevoir les plaintes des citoyens contre les magistrats. De
même, il jouait le rôle de la protection interne et externe de la
cité. Par son statut de conseil des sages, l'institution ne rendait
compte à aucune autre institution. Enfin, sans être
dépositaire de pouvoir politique, cet appareil se charge, en plus de sa
prééminence dans la gestion des affaires sacrées, de
juger les crimes de sang.
ü L'Héliée : est l'une des principales
institutions judiciaires de cette démocratie. Il s'agissait d'un
tribunal populaire composé de citoyens au nombre de six milles (6000),
âgés au moins de trente ans et tirés au sort pour un mandat
d'un an. Ces protecteurs des normes de la cité sont appelés les
héliastes. Ils peuvent être saisis par les citoyens pour se
prononcer sur la conformité des lois aux normes fondamentales de la
Cité, de même qu'ils pouvaient légiférer cette loi
s'ils la trouvaient conforme. Partageant ainsi le pouvoir législatif
avec l'Ecclésia et la Boulê. Au fil des temps ces fonctions
judiciaires s'étendirent touchant les domaines de meurtre, de
légitime défense, d'ostracisme, etc...
Au-delà de ce cadre institutionnel, d'autres reformes
furent entreprises telle celles réalisée par l'Ephialte qui fit
passer le pouvoir de contrôle des magistrats de l'Aréopage
à l'Ecclésia pour ainsi rendre ces dernier responsable devant le
peuple .
C'est en considérant ce contrôle du
peuple sur ses dirigeants et le désir des grecs de mettre en place un
système dans l'intérêt du plus grand nombre que certains ne
se sont pas empêcher de considérer le régime politique
athénien de démocratie. A ce titre, Thucydide affirmait :
« du fait que l'État chez nous est administré dans
l'intérêt de la masse et non d'une minorité, notre
régime a pris le nom de démocratie. » Notre
contemporain Ostwald Martin de l'université de Pennsylvanie va
enrichir cette affirmation en avançant que
: « la démocratie athénienne n'était
pas une illusion: elle existait vraiment »27(*).
Toutefois, si l'on ne s'oppose pas totalement cette
interprétation de la vie démocratique en Grèce antique, il
conviendra de bien relativiser cette considération
généralement européocentrique et occidentale qui cache les
écarts énormes entre ce qui était une démocratie
grecque très inégalitaire28(*), aux normes pénales très
sévères29(*)
et les démocraties libérales actuelles. Mais pour comprendre ce
jugement que nous effectuons à la lumière des idées
humanistes et politiques actuelles, il conviendra d'exposer les
différentes conceptions de la démocratie car même celle
grecque n'était pas dépourvue d'une certaine perception des
choses.
B. LES CONCEPTIONS DE LA
DEMOCRATIE
Comme nous aimons le dire souvent « les concepts
sont comme des choses que les Hommes modèlent et adaptent à leur
besoins». Si cela peut être une loi, disons que la démocratie
nie échappe pas. C'est pourquoi dans cette présente
réflexion il sera question d'exposé les différentes
conceptions d'un concept qui a beaucoup évolué dans le temps, de
l'antiquité à nos jours. Mais bien avant, il faut souligner, sous
la houlette des analyses de SARTORRI, qu'il n'y a principalement que deux
formes de démocratie : celle directe où « le
peuple participe de manière continue à l'exerce
direct du pouvoir, alors que celle indirecte ramène à un
système de limitation et de
contrôle du pouvoir »30(*). La première
catégorie appartient en général aux démocraties
antiques comme celle de la Grèce antique et le second aux
systèmes démocratiques modernes (même si certain avance
l'idée de la démocratie semi-directe cette dernière n'est
qu'une atténuation de la représentation).
Cela dit, nous évoquerons en premier les conceptions
antiques de la démocratie et principalement celle d'Athènes (1),
avant de passer aux théories modernes de la démocratie (2)
1. Les conceptions antiques de la
démocratie : la conception Athénienne
Cette partie est à ne pas confondre avec celle qui
vient d'être développée car ici, il ne s'agit plus
d'écrire la structure d'un système mais de dégager les
idées qui sous-tendaient chaque construction institutionnelle en
Grèce : la théorie de la démocratie chez les
grecs.
En effet, dans la Grèce antique, l'idée de
démocratie ne correspondait à rien d'autre qu'à ce
« système de gouvernement dans lequel les décisions
sont prises collectivement »31(*). Cette théorie était fondée sur
l'idée d'Isonomie ou l'idée d'égalité devant la
loi. Mais c'est surtout une vision littérale de la
démocratie où la communauté jouissait d'une
prééminence sur l'individu. Dans cette logique l'autogouvernement
(en tant que socle de la démocratie) se concevait comme le fait pour le
citoyen de se consacrer au service public. Comme le précise Giovanni
SARTORRI, chez les grecs, se gouverner soi-même c'est passer sa vie
à gouverner. A cet égard, le citoyen devait tout
à l'Etat ; il devait accorder une attention particulière
à ses activités qu'il devait primer sur les siennes. C'est
donc cette vie qui est la vraie vie du citoyen, la vie de la Cité. C'est
dans ce sens que Platon écrivait : « vivre
comme il convient que vive l'Homme». De là découlait la
signification qu'ils donnaient à la liberté : pour eux
l'individu en dehors de la Cité n'avait aucune autre vie digne, sa
véritable liberté résidait dans sa soumission
inconditionnelle à cette communauté. C'est pour cette raison que
nombre de philosophes des temps modernes ne l'ont pas reconnue comme une
démocratie. Nous voulons ici parler de Benjamin Constant, d'Alexis de
Tocqueville, de Laboulaye dont la pensée se résume dans cette
affirmation de Fustel de Coulange : « c'est donc une
erreur singulière parmi toutes les erreurs humaines que d'avoir cru que
dans les citées anciennes l'Homme jouissait d'une liberté. Il
n'en avait même pas l'idée.... ».
A l'image de ces auteurs certains philosophes n'ont-ils pas
condamnés vigoureusement cette démocratie athénienne.
C'est bien sûr le cas de Platon qui comparait la masse populaire
à un animal esclave de ses passions...., et dont les
prétendues discussions ne sont que des disputes opposants des opinions
subjectives32(*).
Cette démocratie était donc loin de nos
démocraties actuelles en termes de considération de valeurs
humaines et de liberté individuelles telles conçues actuellement.
Mais cette différence ne saurait être comprise si l'on n'expose
pas les idées mères qui fondent ces systèmes.
2. La conception marxiste-léniniste de la
démocratie
Construite contre la philosophie du droit de Hegel,
la théorie de la démocratie chez Karl Marx fut fondée sur
le concept de la « dictature du
prolétariat » développée dans le
manifeste du parti communiste (1948). Cette dictature qui ne signifie
pas une dictature au profit du prolétariat mais plutôt une vraie
révolution du prolétariat, l'exercice direct de la force de la
part du prolétariat en armes, «le prolétariat
organisé en classe dominante »33(*) qui emploierait sa propre force à dissoudre
l'Etat et vaincre ses ennemis. C'est dans cette logique qu'il définira
la démocratie comme « une association où le
développement de chacun est la condition du libre développement
de tous »34(*).
En effet, tout comme Hegel, Marx distingue l'Etat de la
Société civile, mais contrairement à lui, il
considère le premier (qui est politique et droit) comme dépendant
de la deuxième car étant le facteur le plus important regroupant
les relations économiques. Ce sont ces relations qui déterminent
les structures politiques et juridiques. Sur cette idée, Marx projette
un régime dans lequel le pouvoir devra appartenir à ceux qui
produisent réellement ces relations : la classe ouvrière en
tant que base de la société civile. Un gouvernement de cette
classe permettrait l'émancipation économique du travail et
l'effacement de toute autre structure exploitatrice qu'il considère
être l'Etat (surtout l'Etat bourgeois qui n'est autre qu'un appareil
d'exploitation de la masse par une minorité de capitalistes). Cette
analyse de Marx résultait de son observation de la commune de Paris
(Guerre civile en France de 1871) et dénotait de sa vision
littérale de la démocratie comme « gouvernement du
peuple par le peuple », le refus de tout système de
représentation, l'égalité de tous les membres de la
société par la suppression des classes. Ce fut la théorie
de la « démocratie
communiste » qu'il considèrera comme
« le régime politique de l'homme dans sa
vérité »35(*) car cette «démocratie part de
l'homme et fait de l'État l'homme objectivé».
Par ailleurs, il faut dire qu'on ne peut pas parler de la
démocratie communiste sans faire trait à Lénine qui occupe
une place de choix dans l'élaboration de cette théorie. En effet,
sans totalement suivre Marx comme il le prétendait, Lénine aura
fait des ajouts à la philosophie marxiste. A cet égard, il
partait de l'idée que la démocratie était liée
à l'Etat : une variante de ce dernier. Car sa réalisation
qui devait passer par trois stades (capitaliste, socialiste et communiste)
devait connaitre une période transitoire où devait régner
dictature du prolétariat exprimé dans le cadre du parti unique
visant à réaliser la révolution par l'élimination
des ennemis. Dans cette réflexion, Lénine fit une critique
vigoureuse de la démocratie capitaliste qu'il considère
inégaliste et exploitatrice de la majorité. Car pour lui tout
Etat est un instrument de contrainte donc mauvais en soi et cela lorsque le
pouvoir est détenu par une minorité. Donc une démocratie
qui en découle ne peut être que mauvaise car elle manipulatrice au
profit de cette minorité. Alors que la « dictature du
prolétariat, disait-il, c'est-à dire l'organisation de
l'avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les
oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la
démocratie. En même temps qu'un élargissement
considérable de la démocratie, devenue pour la première
fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et
non pour les riches.....
Ainsi cette démocratie des pauvres n'est dictature que
pour les capitalistes oppresseurs. Elle trouvera sa réalisation
complète et totale dans le régime communiste en tant que
finalité de cette transition.
Delà nous voyons non pas une rupture
systématique entre Marx et Lénine mais une continuité qui
élargie une même conception de la démocratie plus proche de
la démocratie directe mais qui n'exclus pas le facteur
représentative comme un passage nécessaire à
dépasser. Mais qu'en est-il de la conception libérale tant
critiquée ?
3. La conception libérale de la
démocratie : la démocratie
libérale
A ce tout début, il faut dire que cette conception
mérite à plus d'un titre d'être traitée dans ce
travail car la philosophie démocratique véhiculée de nos
jours vient essentiellement de là.
Pour ce fait, il faut souligner que parler de
démocratie libérale demande qu'on définisse les deux
vocales : démocratie et libéralisme. Mais puisque le premier
est déjà connu, nous avancerons que le libéralisme est
conçu dans un langage plus simple, selon SARTORRI,
comme « la théorie et la pratique de la
liberté individuelle, de la protection des lois et de l'Etat de
droits». Cette idéologie, il faut le souligner, vise à
restreindre le pouvoir de l'Etat (conçu comme opposé à
l'individu) afin d'assurer plus de protection de la personne humaine face
à la contrainte Etatique. Le terme d'ailleurs serait apparu entre 1801
et 1811 après deux siècles d'existence de la pratique. Ainsi,
démocratie libérale nous amène à la relation entre
les deux concepts constituants. En ce lieu Alexis de Tocqueville pense que le
véritable critère de distinction entre ces deux
(libéralisme et démocratie) est le fait que le premier renvoie
à une idée de liberté et le second à celle
d'égalité. C'est pour créer une symbiose entre ces deux
principes que nait la démocratie libérale. Mais il faut dire que
cette coexistence n'est pas toujours facile à en croire à
l'interprétation que chacun des concepts se donne l'un de l'autre. A cet
égard, il faut révéler que l'égalité telle
vue par la démocratie étymologique n'est pas acceptée par
le libéralisme qui, selon SARTORRI, favorise grâce à la
liberté, l'aristocratie. Cette idée est soutenue par CROCE ET
GLADSTONE. Par contre l'égalité en démocratie
étymologique, est celle de tous les citoyens (la majorité) dans
la gestion de la chose publique tout en privilégiant le collectif sur
l'individuel. Elle signifie le refus des aristocraties et le pouvoir du plus
grand nombre (les démunis selon Platon). C'est le souci
d'éradiquer toute différenciation qui anime la démocratie.
Donc, du côté des principes et des valeurs nous décelons ce
qui peut être un paradoxe dans la relation entre libéralisme et
démocratie : une problématique fondamentale en
démocratie libérale.
Cependant, il ne faut pas s'aveugler pour dire qu'il n'y a
qu'incompatibilité entre ces deux concepts. En effet en quittant ce
monde des principes pour toucher celui de la pratique, il s'annonce que le
libéralisme vise une limitation du pouvoir de l'Etat et quant à
la démocratie, elle s'occupe beaucoup plus du bien-être et de la
participation des masses à l'exercice du pouvoir. Ce qui conduit
à un partage des tâches entre Etat et peuple. Delà
l'individu requiert deux privilèges : l'un visant la protection de
ses libertés et l'autre à la prise en compte de son état
social. Ainsi l'existence et la pérennité de la
démocratie libérale se jouera entre la prise en charge sans
condition de ces deux facteurs. Ce sont ces deux dimensions qui résument
presque tout le contenu des droits de l'Homme tels attachés de nos jours
à la démocratie libérale.
Par ailleurs, il faut souligner que cette démocratie
libérale ne soutient pas un exercice direct du pouvoir par le peuple
mais par ces représentants36(*), contrairement à la démocratie
étymologique. Ce qui permet, en revenant à notre point de
départ, de relativiser ou même réfuter cette
universalité des idées démocratiques actuelles. Il s'agit
donc d'une démocratie ou une conception de la démocratie qui ne
peut réunir toutes les philosophies que renferme cette matière.
C'est pourquoi donc, cette réflexion ne peut
être achevée sans une mise au point de la vision de la
démocratie libérale qui guide les transitions politiques surtout
celle de la troisième vague. Pour ce faire, il faut noter que
l'ouvrage du célèbre politologue américain Samuel
HUNTINGTON nous offre de grands détails. En effet, cet auteur part de
l'idée qu'au XXème siècle la démocratie en tant que
forme de gouvernement était définie soit en terme de
gouvernement, soit de source d'autorité du gouvernement, soit de buts
poursuivis par le gouvernement ou enfin en terme de procédure de
constitution du gouvernement. En écartant toute définition par
la source d'autorité et les buts, les auteurs de la transitologie
s'attèleront à la définition par la procédure. Ce
qui permit de concevoir une nouvelle « théorie de la
démocratie », selon les mots de Joseph SHUMPETER37(*). D'après cet auteur,
«la méthode démocratique est le système
institutionnel aboutissant à des décisions politiques dans lequel
des individus acquièrent le pouvoir de statuer (...) à l'issue
d'une lutte concurrentiel portant sur les votes du peuple»38(*). A la lumière de cette
définition, sera considéré comme régime politique
démocratique, tout régime à l'intérieur duquel
« les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre
d'élection honnêtes, ouvertes à tous et revenant à
date fixe, au cours desquelles les candidats s'affrontent librement pour
obtenir le suffrage populaire, et où la quasi-totalité de la
population adulte détient le droit de vote »39(*). Ainsi les principes de
contestation de participation doivent être respectés, de
même les droits politiques et civils observés.
Cependant bien que cette définition procédurale
est l'avantage de facilité les analyse par son caractère
empirique, elle écarte d'autres visions beaucoup plus normatives telle
une définition de la démocratie par les notions de
liberté, d'égalité et de fraternité.
Nonobstant, c'est cette définition qui fut retenue
par la presque unanimité des auteurs depuis les années 70 car
considérée comme pouvant donner des instruments d'analyse
concrets et conceptuels.
Delà il devient facile et utile de chercher à
savoir ce qu'on entend par transition démocratique dans le cadre de ces
études consacrées à la troisième vague.
II. DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE :
Pour commencer cette partie, il faut d'abord définir
la transition démocratique (à la lumière des explications
données sur les deux termes) comme «l'intervalle entre un
régime politique et un autre (O'Donnell et Schmitter, 1986, p.640(*)), ou plus simplement le
passage d'un régime « autoritaire » à un
régime « démocratique ». Aussi elle peut
être appréhendée « comme une situation historique
ouverte, une «conjoncture critique» au cours de laquelle la nature et
la direction du changement dépend en premier lieu des stratégies
politiques adoptées par les divers groupes d'acteurs impliqués
dans ce processus ». Elle est dans ce sens
caractérisée par l'incertitude avant une consolidation
réelle des règles du jeu politique. Il est un concept à la
fois fonctionnel et opératoire qui dépeint le déploiement
d'un ensemble d'institutions politiques et normatives pour constituer un nouvel
ordre Etatique marqué par le libéralisme.
Cela étant, il nous faut souligner que cette
définition n'était autre que le renversement du concept de
transition communiste. Une démonstration de cette vérité
par la mise en exergue des traits communs des deux concepts dans un premier
temps (A) nous permettra d'aller chercher les composantes sémantiques
de ce concept de transition démocratique qui est l'âme de ce
travail (B).
A. LES TRAITS FONDAMENTAUX QUI LIENT LES DEUX
CONCEPTS : TRANSITION DEMOCRATIQUE ET TRANSITION
COMMUNISTE
Il est évident, à en croire, aux travaux de
Guilhot NICOLAS que le concept de transition démocratique n'est qu'une
reprise de celui communiste au profit du libéralisme
démocratique. A cet titre l'auteur écrivait dans la revue
multiples41(*) : « nous voyons là
moins une ironie mordante qu'une réutilisation
délibérée d'un matériau politique
déjà élaboré». Cette affirmation peut se
justifier à travers plusieurs idées qu'il est important d'avancer
ici : la considération de la transition comme un stade historique
de passage né d'une nécessité historique (1), le
caractère téléologique des concepts (2), la
généralisation d'un mode de production (3).
1. La transition comme un stade historique de
passage ressorti d'une nécessité historique
Cette idée était fondamentale dans les
explications marxistes du concept de transition. Car pour ce dernier la
société bourgeoise inégalitaire devait céder la
place à une autre plus égalitaire qui est la
société communiste. Cette transformation profonde à la
fois économique et politique devrait passer par le socialisme
considéré comme une phase transitoire où la culture
communiste devrait faire ces premiers pas : le stade préparatoire
du dépérissement de l'Etat. Versus, dans la théorie de
la transition démocratique, la phase transitionnelle est aussi
très considérée. Elle marque la fin de tout régime
non démocratique défini sous l'étiquette de régime
autoritaire. Un régime Elle pose les jalons d'une nouvelle vie
politique tourné vers le libéralisme et conçue comme
longtemps attendue par le peuple. Cette la facette messianique de ce
phénomène.
2. Le caractère
téléologique des concepts
En définissant la téléologie
comme la doctrine philosophique selon laquelle toute chose, toute forme a une
finalité, nous pourrons affirmer que le caractère
téléologique de ces deux concepts renvoie au fait que tout comme
le premier, le second assigne au processus une finalité qui est un
nouveau système déjà préparé. Il faut donc
juste respecter les normes générales qui sont définies
comme lois telle que l'engagement et la volonté des dirigeants du
processus. En ce lieu il faut dire le marxisme décrivait le communisme
comme une sorte de fin de l'Histoire, et de leur côté les
transitologues mettent en avant la démocratie occidentale et les
régimes occidentaux comme le but ultime des transitions de la
troisième vague.
3. La généralisation d'un mode de
production
Tous ces traits communs ne sont pas vraiment
séparés, ils sont intimement liés. A cet égard,
comme nous l'avions dans sa définition, la transition politique n'est
pas seulement un phénomène politique mais c'est aussi le
changement d'un système économique qui semble être
étroitement lié au régime politique proposé. Il
s'agit de l'économie libérale ou économie de
marché. A l'image de ce système, la théorie marxiste de
transition prônait le système de production communiste comme socle
du futur régime.
A la lumière de cette explication sommaire nous pouvons
donner raison à Guilhot NICOLAS qui a soutenu que le concept de
transition démocratique n'est qu'une reprise inversée des travaux
de Karl MARX. Ainsi il peut être déduit que ce concept n'a pas
un sens unique, mais la somme d'un ensemble d'élément
sémantique qu'il convient connaître.
B. LES COMPOSANTES SEMANTIQUES DU CONCEPT DE
TRANSITION DEMOCRATIQUE
Comprendre le concept de transition démocratique tel
qu'il sera utilisé tout au long de ce travail nécessite que soit
traitée la relation entre démocratie et d'autres concepts qui
semblent exprimés tout son contenu et ses valeurs. Il s'agit dans un
premier temps de la relation entre démocratie et le développement
(1) et entre démocratie et droits de l'Homme (2).
1. La démocratie et le
développement :
Dans un article publié dans la
célèbre revue Persée, MARCHESIN
Philippe abordait avec minutie cette relation entre développement et
démocratie qui n'a cessé de faire couler assez de salives et
d'encres ces dernières années. D'entrée l'auteur souligne
d'abord le caractère mythique et polysémique des deux termes
qu'il qualifie de «mots-valises». A ce propos Giovanni SARTORRI ne
définissait t-il pas la démocratie comme « un nom
pompeux de quelque chose qui n'existe pas»42(*) et de son côté
Gilbert Rist, « comparera le développement à
« une étoile morte dont on perçoit encore la lumière,
même si elle s'est éteinte depuis longtemps et pour
toujours »43(*).
Mais ce n'est pas cet aspect de l'étude qui intéresse ici,
c'est plutôt la question du rapport développement-
démocratie, elle nous envoie à celle de la conditionnalité
du développement par la démocratie et vice versa. Et à
l'image de ces deux aspects de la même question, il ya aussi deux groupes
d'auteurs qui donnent deux s'explications dont l'une tend toujours à
relativiser l'autre. Ainsi nous partirons de la théorie contestatrice
(a) de la théorie dominante et de la théorie de la modernisation
avant de retrouver ces deux dernières plus proches dans un second
temps(b).
a. La démocratie comme condition du
développement : la contestation de la théorie
dominante
En ce lieu, il faut dire que cette théorie
contestataire de la théorie dominante (ou la théorie des
défenseurs de la supériorité des régimes
autoritaires dans la promotion du développement) est celle qui soutient
que les régimes démocratiques disposent d'une suprématie
sur les régimes autoritaires en matière de promotion du
développement car les avantages qu'ils procurent sont énormes.
C'est dans ce sens que DANI Rodrik écrivait en conclusion d'un travail
effectué sur la relation démocratie et croissance
économique : «Les institutions démocratiques,
tendent à être plus amicales à l'égard du travail
(friendly to labor) : elles donnent lieu à des salaires plus
élevés et un meilleur partage de la production. En d'autres
termes, elles accroissent la capacité de négociation des
travailleurs par rapport aux employeurs. Et elles permettent cela sans
réduire pour autant la croissance économique dans le long terme
(comme cela a été mis en exergue
précédemment». Ainsi donc cette
supériorité de la démocratie réside : dans sa
capacité à maintenir la stabilité sociopolitique
nécessaire à la poursuite des activités économique.
Sa capacité aussi à résister au choc
économique.
Aussi, il faut surtout noter que la démocratie est
considérée comme la base de la bonne gouvernance. Cette
conception du développement est d'ailleurs très défendue
par la banque mondiale. Ainsi dans un travail intitulé the
Gouvernance matters44(*), Daniel Kaufman, Aart Kraay et Pablo
Zoidon-Lobaton dégageaient les principaux avantages de ce système
de gouvernement à savoir : l'établissement et la promotion
de la liberté d'expression et aussi l'obligation des gouvernants de
rendre des comptes de leur gestion. Aussi ils ajouteront qu'un tel
système est aussi marqué par un accroissement du revenu par
tête deux fois et demi plus important, une amélioration
significative de l'alphabétisation des adultes et une baisse notable de
la mortalité infantile45(*). En somme un développement social et culturel
au delà de celui économique.
Ainsi en termes de chiffres, l'étude publiée en
2005 par trois (3) autres chercheurs, Morton Halperin, Joseph Siegle et
Michael Weinstein45(*),
est un véritable témoignage. Dans leur compte rendu, ils
affirment que 95% des plus mauvaises performances économiques de ces
quarante dernières années ont été
réalisées par des pays non démocratiques. Quelques uns de
ces pays ont fait l'exception, c'est le cas de la Chine, la Corée du
Sud, le Taiwan et le Viêtnam. Mais ces derniers pays n'ont pas connu de
crise jusqu'à ces moments, quant à leurs homologues du Maghreb,
à savoir la Tunisie et l'Egypte, qui rentrent bien sûr dans ce
lot, ils ont plutôt assisté à de véritables
révolutions depuis ces depuis de 2011.
Par ailleurs il faut préciser que cette subordination
du développement à l'existence de la démocratie est
très vivement contestée par certains auteurs et certains hommes
politiques surtout tiers mondistes. Comme les défenseurs de la
première, ces derniers ont bien sûr leurs arguments non moins
pertinents.
b. De la théorie majoritaire à la
théorie de la modernisation politique
Ces deux théories qui seront abordées ici ont en
commun de s'opposer à la vision ci-dessus. Cela en soutenant pour la
première l'absence de relation entre developpement et démocratie
et pour le second en conditionnant plutôt l'émergence de la
démocratie par l'existence d'un certain niveau de
développement.
En effet, selon la première théorie, celle dite
majoritaire, les régimes autoritaires ou non démocratique sont
supérieurs à ceux démocratiques dans la réalisation
du développement économique. Cette infériorité des
régimes démocratiques serait due au fait qu'elles sont trop
dépensiers car visant une certaine égalisation des conditions de
vie. A ce titre Walter Galenson affirme « plus
démocratique est un gouvernement, plus grande est la diversion de
ressources de l'investissement vers la consommation ». A ce premier
argument ne faut-il pas ajouter aussi qu'une démocratie accorde assez de
libertés, ce qui ne facilite pas toujours la prise de certaine
décision et le choix de certaines politiques qui demanderont forcement
des consultations populaires coûteuses en temps et en moyens financiers.
C'est qui ferra d'ailleurs dire à Karl de Schweinitz que si les
pays les moins développés « doivent croître
économiquement, ils doivent limiter la participation dans les affaires
politiques ».
A l'image de ces deux auteurs, le grand politologue
américain Huntington s'affichera comme l'un des grands défenseurs
de cette théorie. Cela sera très visible dans ces écrits
des années 60 et 70 et principalement dans son célèbre
ouvrage Political Order in Changing Societies
où il dégage les avantages du régime autoritaire
en matière de développement économique. Ainsi
comme arguments, il avance que dans les régimes autoritaires le
système de parti unique joue un grand rôle en permettant
l'unification de toutes les couches de la société. Aussi, ce
régime est marqué par une politique de planification qui lui
permet de déterminer des objectifs à long terme et dont la
réalisation est dénuée de toute perte de temps (en
négociation avec des groupes d'intérêts). Ce sont, selon
lui, des régimes centralisateurs donc innovateurs ; ils sont aussi
expansionnistes, ce qui peut faciliter l'assimilation des groupes.
Dans le même ordre d'idée, Robert Kaplan
accentuera ses réflexions sur une critique même de la
démocratie libérale dans les pays en voie de
développement. Quant à Amy Chua, elle évoluera dans le
même sens en parlant de démocratie de marché comme l'une
des causes principales des instabilités politiques dans les pays en
développement ; et pour ce fait on ne saurait considérer de
tel système comme solution au sous développement.
En s'inscrivant presque dans le même champ de
réflexion que la théorie majoritaire, une autre théorie
appelée la théorie de la modernisation sera
développée. Elle est principalement représentée par
Seymour Lipset. Si elle ne prône pas une
incompatibilité entre développement et démocratie, elle
considère, contrairement à la théorie contestataire, que
la condition d'un passage à la démocratie est le
développement. Au moins un développement de base pouvant
permettre la naissance d'une classe moyenne comme le soutenait très
tôt le philosophe grec Aristote.
Toutefois, cette dernière théorie est
qualifiée par certains auteurs (comme Timothée NGAKOUTOU) comme
européocentrique car excluant toute possibilité
d'émergence de la démocratie dans les régions
sous-développées du monde comme l'Afrique. Il s'agit d'une
réfutation des idées de Maurice Duverger qui affirmait
que : « la démocratie pluraliste correspond
à un degré élevé d'industrialisation et les zones
d'industrialisation sont les grandes zones de démocratie ».
Par ailleurs il faut dire que la démocratie a aussi des
liens avec les droits de l'Homme, liens qu'ils convient de
développés.
2. La démocratie et les droits de
l'homme
C'est en se référent à l'ouvrage de
Timothée NGAKOUTOU que nous seront amenés à
élucider ce rapport entre démocratie et droits de l'Homme.
En effet, la démocratie telle conçue aujourd'hui
sous le libéralisme a pour socle les droits de l'Homme. Cela par le fait
qu'un régime ne peut se réclamer démocratique s'il n'est
pas capable d'assurer non seulement le respect des droits et libertés
fondamentaux de ses citoyens mais aussi la promotion de ces normes. Il s'agit
de droits et libertés politiques et civils dont le droit à la
vie, à l'égalité, à la liberté de conscience
et de religion, de pensée et d'expression ; ainsi que les droits
sociaux, culturels et économiques comme le droit au travail, le droit
à l'éducation, à la santé, la liberté
d'entreprendre etc... L'observation de ces principes fondamentaux du
régime démocratique se traduit dans les pratiques par la
participation de tous les membres de la société à tous les
niveaux de prise de décision et de leur contrôle. Aussi, faut il
insister que l'organisation d'élections libres et transparentes avec le
suffrage universel est d'une importance capitale. De même la
consécration de l'égalité de tous les citoyens devant la
loi par la mise en place d'un système judiciaire indépendant.
C'est ainsi qu'il ne peut être surprenant aujourd'hui de voir le patron
du Fond monétaire international (FMI), Dominique STRAUSS KHAN, devant
les juridictions américaines comme le présumé violeur
d'une femme de chambre. Ce fut le cas aussi de l'ancien chef d'Etat malien
Moussa Touré qui fut jugé et condamné à la prison
à perpétuité par les juges maliens avant d'être
gracié sous l'approbation du peuple par le biais de son
président de la république Alpha Omar Konaré.
Dans ce contexte, l'universalité des droits de l'Homme
s'affirme à plus d'un titre. Ce qui fait d'eux des valeurs communes
à tous les hommes et donc un patrimoine commun de toute
l'humanité.
Cependant, s'il est vrai qu'on ne peut pas nier cette
universalité, il convient de préciser que cela n'existe
essentiellement qu'au niveau de la reconnaissance des concepts fondamentaux
tels celui d'égalité, de justice.... Mais pour ce qui concerne le
contenu de ces concepts, il faut dire que tous les peuples n'ont pas
obligatoirement les mêmes interprétations car n'ayant pas les
mêmes systèmes culturels. D'où la nécessité
de revoir la vision actuelle de l'universalité des droits de l'Homme qui
n'est qu'une façon pour l'occident d'asservir les autres parties du
monde par sa prétention d'uniformiser ces principes. Ce relativisme
culturel tant cher à Bertrand BADIE est aussi soutenu par
l'anthropologue français Claude LEVI-STRAUSS (le père du
structuralisme).
Ainsi, après cette mise au point conceptuelle, nous
nous retrouvons situés dans la philosophie libérale qui semble
guider l'essentiel des instruments théoriques qui furent
développés pour analyser les transitions démocratiques.
C'est donc ces instruments d'analyse que nous tenterons de mettre en exergue
dans cette section 2, avec leur tas de problèmes
épistémologiques.
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS THEORIQUES D'ANALYSE
DES MUTATIONS POLITIQUES ET LA PROBLEMATIQUE LIEE A LEUR IMPORTATION (EN
AFRIQUE)
Comme nous venons de le souligner dans les propos de Rieffel,
les travaux de sciences sociales ne peuvent se réaliser sans un cadrage
théorique. C'est pour cette raison que dès leurs premiers jours,
les politologues des transitions démocratiques ont élaboré
un ensemble de schémas en vu de rendre intelligibles ces changements
politiques de grandes ampleurs. Pour ce faire, ils partiront de la
transitologie démocratique comme moyen d'analyse de la première
phase de ce long processus de « métamorphose
politique » pour aboutir à la consolidologie comme la seconde
phase ou la phase la plus sérieuse (paragraphe1). Dans cette euphorie
scientifique, les instruments d'analyse sont conçus et utilisés
sur des terrains différents de l'Europe à l'Amérique
latine en passant par l'Asie pour atteindre l'Afrique. Mais vu la
diversité de ces mondes et les particularités des
expériences, surtout dans le monde africain, au delà des traits
communs non négligeables qui les lient, il était devenu
nécessaire de s'interroger sur la portée
épistémologique de ces instruments théoriques
(paragraphe2). C'est donc ce que nous essayerons de faire dans les lignes qui
vont suivre.
PARAGRAPHE1 : LES GRANDS INSTRUMENTS THEORIQUES
D'ANALYSE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES
Lorsque le coup d'envoi était donné par les
portugais en 1974, l'un des plus importants mouvements de changements
politiques qui fut la troisième vague n'allait pas laisser
indifférent, le monde des sciences sociales et particulièrement
celui des sciences politiques. Commençant par l'Amérique pour
toucher l'Europe, l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie, les
écrits politologiques seront très nombreux pour expliquer ce
phénomène. C'est dans ce contexte que de nombreux concepts feront
objet d'une redéfinition théorique comme nous l'avions
déjà signalé plus haut. Dans la même la perspective
de nouvelles disciplines vont voir jours en études comparées
: il s'agit de la transitologie et de la consolidologie qui tentent de rendre
compte des deux phases importantes d'une transition démocratique. Ce
sont deux disciplines opposées car la première s'attelant
à l'action, une situation moins stable ; et la seconde mettant
l'accent sur l'ordre. Dans cette réflexion nous analyserons
successivement la transitologie (I) et la consolidologie (II).
I. LA TRANSITOLOGIE DEMOCRATIQUE
Dans cette partie il sera question
essentiellement de définir cette discipline à travers son objet,
donner sa méthode (A) avant de dégager ses différentes
conceptions et les principaux modèles qu'elle a
développés (B).
A. DEFINITION ET METHODE DE LA
TRANSITOLOGIE
Née sur les ruines de la soviétologie
qui avait pour objet d'étude le passage des régimes politiques
capitalistes au communisme dont le régime soviétique était
le model, la transitologie s'est affichée très tôt comme la
sous discipline de la science politique qui cherche non seulement à
rendre compte des transitions vers la démocratie libérale mais
aussi à élaborer un ensemble de lois générales
devant guider ces processus.
C'est dans cette logique qu'elle est définie
comme la proto-science (selon les termes de HAGMANN Tobias)46(*) qui a pour objet
« le changement des procédures politiques au cours d'une
période couvrant l'effacement d'un régime autocratique et les
efforts pour implanter une démocratie »47(*). Cet objet ne se limite
pas seulement à mettre en exergue des attributs procéduraux
mais s'accentue surtout sur leur émergence elle-même,
c'est-à-dire cette procédure par laquelle ces nouvelles normes du
jeu politique sont produites et acceptées de tous avant qu'elles ne
s'érigent en nouvel ordre politique. Dans ce contexte, l'analyse
transitologique met l'accent sur l'acteur ou les acteurs dont l'action
stratégique est déterminante dans le processus.
En outre, il faut dire que la transitologie est
aussi un paradigme48(*)
dont les plus grands représentants sont Guillermo O'Donnell,
Philippe C. Schmitter, Arendt Lijphart, Juan J. Linz ou Giovanni Sartori.
Ces auteurs construisent cette théorie en partageant tous
l'idée que les institutions et les normes qui font un
régime déterminent les comportements des individus.
C'est-à-dire, selon Claus OFFE, la relation entre les
institutions et les normes n'est pas unilatérale mais réciproque
et cyclique : les agents moraux engendrent les institutions et ces
institutions en retour engendrent des agents moraux. Il faut toutefois
préciser que cette circularité n'est pas séquentielle mais
logique. C'est-à-dire la conséquence des premières
actions (la production des institutions) c'est les secondes (la transformation
des comportements par ces institutions). Cette idée est en
réalité le fondement des théories transitologique et
consolidologique. Car les actions de production des institutions par les agents
(élites, armée etc.) résident dans la phase de transition
et la consolidation n'interviendra qu'avec les influences de ces institutions
vont exercer sur les attitudes de ces agents. Ainsi, il en
découle que la transitologie est fondée sur l'idée d'une
« fonction socialisante des normes49(*)» (Guilhot NICOLAS et Philippe SCHMITTER,
p617).
Par ailleurs, la transitologie comme toute
construction théorique qui se veut une discipline, emploie un arsenal
méthodologique dont le principal est la méthode
comparative. Cette idée est soutenue par HAGMANN et
GAZIBO. Il s'agit, selon le premier, d'une approche comparative à fort
penchant quantitatif par laquelle les transitologues cherchent à
démontrer qu'en appliquant des concepts et hypothèses
« universels », on peut rendre intelligible une transition
démocratique dans un pays non démocratique. Dans ce sens le
travail du transitologue sera d'effectuer une observation rigoureuse des
expériences passées afin d'informer les acteurs des transitions
futures : d'où le caractère excessivement prescriptif de
cette théorie. C'est d'ailleurs dans cette logique que la transition
espagnole sera utilisée comme modèle. De son côté,
Mamadou GAZIBO, politologue nigérien, conçoit que cette
méthode très répandue dans les sciences sociales depuis
Aristote49(*)
jusqu'à Durkheim est très variées selon les modes de son
usage par les auteurs. Ainsi pour la transitologie, il parle plus de
comparaison binaire telle utilisée dans une
étude sur les transitions politiques au Niger et au Bénin.
Nonobstant ces idées, il faut signaler que dans cet article qu'il a
publié dans la revue internationale de politique comparée, c'est
surtout sur les controverses épistémologiques que soulève
cette méthode qu'il insiste. Nous reviendrons surt cette question
après avoir dégager quelques conceptions et modèles mis en
place dans le cadre de cette sous-discipline.
B. LES CONCEPTIONS ET LES MODELS
TRANSITOLOGIQUES
Comme le titre l'indique déjà, nous serons
amenés ici à mettre en exergue les différentes visions que
les auteurs ont de la transitologie ou leur conception de cette matière,
et en dernier lieu les principaux modèles qui y servent d'instruments
de travail.
1. Les conceptions de la
transitologie
Exposer les différentes conceptions de la transitologie
ne peut être un travail facile vu le nombre d'auteurs qui y sont
intervenus. C'est pourquoi dans ce travail il ne s'agira que de donner les
points de vue de quelques auteurs. Cela ne sera autre que leur analyse du
phénomène transitologique qui est la démocratisation par
la transition. Nous irons, pour ce fait, de la thèse de PRZEWORSKI (a),
passer par la réflexion d'O'DONNELL et de SCHMITTER (b), pour terminer
par celle de MORLINO (c).
a. La thèse de PZERWORSKI
Cet auteur part de la conception selon laquelle la transition
démocratique est une désintégration de régime
autoritaire qui prend souvent la forme d'une libéralisation et
d'installation d'institutions démocratique. Il soulève comme
question fondamentale dans ce processus : le problème de la
bonne voie de transition sans qu'il n'y ait violence politique ou
économique. En outre, il soutient que la transition
démocratique n'aboutit pas forcement à l'instauration de la
démocratie d'où il distingue cinq résultats
possibles qui se structurent autour du conflit marquant la transition:
celui du retour du régime dictatorial précédent par
absence de consensus entre les acteurs politiques ; celui de l'adoption
par les forces politiques de la démocratie comme voie de sortie de
crise ; les cas où malgré les chance de réussite des
institutions démocratiques, mais les antidémocratique prennent le
dessus ; aussi des cas où l'adoption des institutions
démocratiques peut être possible, les acteurs les plus puissants
mettent en place d'autres dont l'existence est de courte durée et enfin
les cas où les institutions démocratiques mis en place ne peuvent
durer qu'avec adaptation.
b. Les idées d'O'DONNELL et de
SCHMITTER
La conception qu' O'Donnell et Schmitter développent
sur la transition démocratique n'est pas trop différente de celle
qui se trouve plus haut. Car, ces deux auteurs insistent dès le
départ sut le caractère conflictuel d'une transition
démocratique. Cela est dû au fait qu'ils considèrent que
pendant cette période d'énormes intérêts individuels
se trouvent en jeu et chaque acteur se bat d'abord pour préserver le
sien avant de penser à une véritable démocratisation. Au
delà de ce premier caractère, ils s'accentuent aussi sur celui de
la nature incertain et aléatoire des transitions
démocratiques dont la première réussite ne s'affirme
qu'avec l'organisation de la première élection pluraliste.
Toutefois, ils n'oublient pas de mettre en garde sur un éventuel
échec de ce processus qui peut se solder, selon eux, par une dictature
pire que celle qui avait précédée la tentative de
transition. Dans le même cadre d'analyse s'inscrit Morlino. Mais
qu'avance t-il réellement ?
c. La conception de MORLINO
Dans sa thèse, Léonardo MORLINO conçoit
que l'objet d'une transition démocratique n'est pas le changement du
système politique mais du régime car c'est ce dernier cas qui
constitue un changement fondamental d'un régime autoritaire par un
régime démocratique qui lui est manifestement différent.
Aussi, l'auteur insiste sur le fait qu'un changement à petit pas,
étalé sur le temps ne peut être véritablement
conséquent ou fondamental mais plutôt, la transition doit
être un ensemble de changements graduels et élargis pour
constituer un seuil de transition véritable.
En outre, cet auteur ne manque pas de déterminer les
modalités de ce changement. Toute transition obéit à l'une
de ces voies ou plusieurs. Ainsi, une transition peut être continue ou
discontinue (dans le premier cas la transition se réalise de
façon graduelle sans que les acteurs ne s'y rendent vraiment compte
avant l'émergence d'un régime démocratiquement distinct du
premier, par contre dans le second la rupture avec les règles
précédentes est brusque et rapide) ; d'origine interne ou
externe ; lent ou accéléré ; et enfin violente
ou pacifique.
A l'instar de ces différentes conceptions la nouvelle
sous discipline de la science politique dispose aussi des modèles.
2. Les modèles d'analyse des transitions
politiques
Ces instruments d'analyses découlent des travaux de
Léonardo Morlino. Ce dernier essaye de nous présenter deux
principaux modèles de transitions dans lesquels on peut intégrer
la quasi-totalité des transitions démocratiques. Il s'agit du
modèle consensuel de transition (a) et le modèle conflictuel
(b).
a. Le modèle consensuel de transition
Comme son nom l'indique déjà, ce modèle
se caractérise par l'importance de la négociation qui marque tout
le long du processus entre les principaux acteurs politiques. Autrement dit,
il s'agit d'une transition concertée qui a eu lieu au moyen d'un accord
ou pacte politique entre le régime autoritaire et l'opposition. Ainsi
conçu, l'auteur apporte les formes sous lesquelles se déploie de
tel modèle. Ce sont essentiellement :
Ø la transformation : elle met en relief
l'anticipation par des élites d'un processus démocratique
dirigé qui leur permette de se maintenir au pouvoir de manière
légitime ou tout au moins de conserver d'importants quotas au pouvoir.
Ø le transfert par la négociation entre les
groupes modérés des deux partenaires (opposition et pouvoir
sortant) et qui conduit conjointement et selon des rythmes
préétablis, le processus de transition.
b. Le modèle conflictuel de transition
Ce modèle de changement politique
résulte de l'effondrement du régime autoritaire. Il se
caractérise par l'absence des pactes politiques pour réguler la
transition et l'existence d'une forte opposition qui a la capacité
d'imposer le changement politique aux forces et secteurs politiques du pouvoir
et de les substituer. Toutefois, les leaders et acteurs politiques disposent
d'une marge de manoeuvre pour conduire le processus beaucoup plus large dans ce
modèle que dans le modèle consensuel. Cependant, ce modèle
présente certains inconvénients. Les auteurs ont pu remarquer
dans les transitions non concertées qu'il existe un haut degré
d'incertitude accentué par la présence de fortes oppositions
déloyales et des confrontations directes et intenses entre les divers
groupes, organisations, partis, factions et intérêts
organisés.
Ces cadres analytiques, sans nier le poids
des facteurs structurels, sont centrés sur les stratégies des
acteurs pour expliquer le type de dénouement que peut adopter une
transition vers la démocratie. Si ces facteurs délimitent le jeu
des acteurs ou définissent le cadre de leur activité, ils ne sont
pas déterminants, car ce sont les facteurs structurants
c'est-à-dire l'intervention des leaders et acteurs qui expliquent le
résultat final d'un processus de changement politique. En outre, les
modalités de la transition déterminent en grande partie les
caractéristiques du nouveau régime, c'est-à-dire le type
de régime démocratique établi reflète les
conditions dans lesquelles s'est déroulé le processus de
transition.
Ainsi, en remettant toute critique de cette théorie au
paragraphe suivant, il conviendra donc de retenir dans cette partie que la
transitologie en tant que nouveau cadre d'analyse apporte de nouveaux concepts
et hypothèses à la science politique. A son image, s'érige
la consolidologie qui mérite d'être abordée dans les lignes
qui vont suivre.
II. LA CONSOLIDOLOGIE DEMOCRATIQUE
Elle est la seconde théorie et sous discipline qui a
été mise en place dans le cadre des travaux visant à
donner une explication scientifique du passage des régimes autoritaires
à la démocratie. Les pères fondateurs de cette
théorie sont quasiment les mêmes qui ont donné naissance
celle qui précède plus haut. Contrairement à cette
dernière qui fait objet d'un consensus plus ou moins affirmée, la
consolidologie est une théorie très controversées. Cette
controverse que nous toucherons plus loin (dans le paragraphe suivant) tient
à une multiplicité de conceptions parfois subjectives de ce qu'on
puisse appeler consolidation. Car si par la transition de nouveaux arrangements
politiques apparaissent, faut-il encore que ces derniers deviennent la
référence des comportements politiques pour qu'on puisse parler
d'un succès de la démocratisation ou sa consolidation. Mais
comment peut-on vraiment déterminer cette période ?
Pour répondre à cette question de nombreuses
analyses ont été réalisées. Dans ce travail il sera
juste question d'évoquer quelques unes.
A. LA CONSOLIDOLOGIE selon Guilhot NICOLAS et
Philippe C. SCHMITTER
Dans un article publié dans la revue
française de science politique50(*), ces deux grands ténors de la consolidologie
développaient leur interprétation du concept. A cet effet il part
de l'idée que le sens même de la consolidologie est le fait
qu'elle soit opposée à la théorie de la modernisation.
Ceci par le fait que cette dernière théorie soutient que la
nouvelle démocratie instituée n'est autre la «
manifestation visible et formelle d'une transformation préalable des
habitudes des mentalités et des comportements sociaux, transformation
qui n'attendait que sa traduction dans un arrangement politique
approprié »51(*). Une telle conception exclut toute idée
de stabilisation. Par contre le concept de consolidation selon les deux auteurs
signifierait « la phase d'institutionnalisation des formes des
nouvelles règles du jeu politique » après avoir
été créées dans le cadre de la phase
transitoire.
C'est dans ce contexte qu'il considère que
l'objet de la consolidologie est donc l'étude du degré
d'institutionnalisation de ces nouvelles règles qui définissent
le régime et non le régime lui-même. Il s'agit dans ce sens
de mesurer l'importance du consensus social autour des nouvelles institutions
normatives et procédurales tant au niveau de l'élite qu'au niveau
de la masse des citoyens. A côté de cette position, il faut aussi
exposer celle de Léonardo Morlino dont les travaux dans ce domaine sont
aussi des plus importants.
B. LA CONCEPTION DE LA CONSOLIDOLOGIE CHEZ
LEONARDO MORLINO
Cet auteur définit d'abord la consolidation
comme « le processus par lequel un régime
démocratique est renforcé de telle sorte qu'il persiste dans le
temps et soit à même de prévenir ou de résister
à d'éventuelles crises 52(*)» ; ou encore « la
consolidation pourra être considérée comme la construction
de relations (plus ou moins) stables entre les institutions gouvernementales
instaurées depuis peu, les structures intermédiaires en voie
d'émergence et la société civile
elle-même ». Dans ces définitions il ressort que le
facteur de stabilité est un élément central dans la
conception de la consolidation chez Morlino. Aussi insiste -il sur le
rôle déterminant des partis politiques dans ce nouveau processus
ou toute la société civile dans son ensemble. Plus loin il
identifie deux dimensions de cette consolidation : la légitimation
et l'encrage.
La première, avance t-il, signifie le
développement d'attitudes positives des citoyens à
l'égard des nouvelles institutions par la considération qu'elles
constituent le régime approprié. Ou encore comme l'affirme LINZ
«la légitimité démocratique repose sur la
croyance que, pour un pays donné, à une époque
donnée, aucun autre type de régime ne saurait mieux assurer la
poursuite et la réalisation des fins collectives53(*).» Lorsque de telles
idées forment l'essentiel du jugement de la population sur les nouvelles
règles du jeu démocratique, nous nous trouvons donc, selon
Morlino, dans la consolidation du régime. Et c'est ce nouveau processus
qu'étudie la consolidologie.
Quant au second, c'est-à-dire l'encrage, il
signifie que les nouvelle institutions prennent corps et s'érigent en
véritables instruments de représentation de la
société civile ou de la population en général. Dans
cette perspective l'auteur met l'accent sur la combinaison des actions de
groupes de pression et des partis politiques. Cette action peut être soit
sur la dépendance ou l'indépendance de ces deux catégories
d'acteurs de la consolidation. Ils auront la lourde tache de contrôler et
de coordonner, à défaut d'une forte présence Etatique,
l'action des citoyens pour leur participation encadrée à la
réussite du processus.
Par ailleurs, dans ce travail très
riche, Morlino, développement des modèles d'analyse à la
suite de son étude des expériences sud européennes. Ainsi,
il distingue entre :
Ø une consolidation par l'Etat : où la
légitimité a été acquise dès le
départ et le poids des groupes d'opposition est faible. On y parle de
légitimité incluse comme ce fut le cas au Portugal ;
Ø une consolidation par les élites : dans
ce cadre bien que la consolidation soit incluse, il se trouve qu'il y ait une
carence de partis bien organisés, alors les élites prennent la
charge de promouvoir la légitimité des nouvelles institutions,
par exemple le cas Espagnol ;
Ø une consolidation par partis : cette situation a
lieu lorsque la consolidation intervient dans un contexte de faible
légitimité du pouvoir transitionnel ou une situation de
légitimité excluse ou limitée , c'est donc les partis
politique qui deviennent les moyens de canalisation du peuple pour le faire
accepter les nouvelles règles de la vie politique. Ce fut ainsi le cas
en Italie.
L'étude de Morlino débouche sur la conclusion
suivante : « la consolidation peut s'accompagner d'une
faible légitimité. Lorsqu'il en est ainsi, cependant, un solide
ancrage est nécessaire. Mais une consolidation réussie
entraîne à son tour une légitimation de plus en plus
inclusive. Il s'ensuit qu'un fort ancrage devient superflu et ses coûts
de plus en plus évidents et insupportables. La route est ouverte
à la crise. Se trouve ainsi élucidé le rapport apparemment
illogique entre consolidation et crise ».54(*)
Par ailleurs, un exposé des conceptions de la
consolidologie qui omet l'une de ces figures marquantes, en la personne
d'O'Donnell, aurait manqué une des idées clef qui structurent la
sous-discipline. C'est pourquoi il convient de terminer se cette
présente réflexion par ce grand politologue.
C. LA THESE O'DONNELLIENNE DE LA
CONSOLIDOLOGIE
En écrivant en 199655(*) «la démocratie
n'est pas seulement un régime politique polyarchique mais
également une relation particulière entre l'État et les
citoyens, et entre les citoyens eux-mêmes, sous une sorte de
gouverne de loi qui garantit la citoyenneté politique,
mais aussi la citoyenneté civile et un réseau complet de
responsabilité », Guillermo O'DONNELL
présentait sa vision de la consolidologie essentiellement basée
sur le concept d'Etat de droit ou l'Etat légal. Selon l'auteur, la
légalité formelle consacrée par les nouvelles normes
démocratiques n'est pas suffisante, elle doit se traduire dans les
principales caractéristiques de l'Etat de droit qui est l'Etat
légal démocratique. Ces caractéristiques sont :
le respecter des libertés politiques et des garanties de la polyarchie ;
le respect des droits civils de toute la population ; établir des
réseaux de responsabilité qui assujettissent tous les agents au
contrôle adéquat et légalement établi de la
légalité de leurs gestes. Donc c'est selon le degré
d'observation de ces principes que la consolidation devra être
mesurée d'après l'auteur. D'où il
affirme : « plus l'État légal prend de
l'importance comme État de droit démocratique, plus il encourage
l'indépendance et la force de la société, plus la
démocratie est consolidée dans le sens de sa capacité
à durer ».
Au-delà de ces conceptions essentiellement
axées sur le facteur politique, il faut souligner, pour terminer, que la
consolidation d'un régime peut aussi être déterminée
à travers le degré d'ouverture économique consacrée
après la phase transitoire. C'est du moins l'idée qu'avance Diane
Ethier. Et pour ce fait, le système de développement
économique visé est celui d'une économie de marché.
A la lumière de cet exposé non
exhaustif sur les principales théories de la nouvelle analyse du
phénomène de transformation d'une bonne partie du monde en
démocratie libérale, il ressort que tous ces instruments
« scientifiques » sont guidés comme nous l'avions
déjà souligné par une seule idéologie : le
libéralisme démocratique, et donc un seul modèle
idéalisé : la démocratie et l'économie
libérale. Ainsi toute partie du monde ou toute société qui
serait en dehors de ce cercle se trouve dans l'autoritarisme
généralement conçu comme opposé aux valeurs
humaines. Mais puisque nous sommes en science et conscient que tous les peuples
du monde sont régis par la loi de la différence, et encore
particulièrement les voies suivies par les pays étant
marquées de spécificités, la question qui se poserait est
celle de savoir si ces constructions « scientifiques sont vraiment
applicables dans toutes les analyses et partout ? Une réponse
à cette question devra nous conduire à placer ces donner
théorique sous la lumière de la critique
épistémologique.
PARAGRAPHE 2 : LES SCHEMAS D'ANALYSE A L'EPREUVE DES
CONTROVERSES EPISTEMOLOGIQUES
Dans son cours de sociologie politique, le professeur El Asser
ne cessait d'insister sur le caractère herméneutique des sciences
sociales et par ricochet le problème épistémologique que
cela engendrait sur la base de la question de l'objectivité voire la
scientificité de certaines données provenant de ces sciences. A
cet égard il convient de rappeler qu'une science est dite
herméneutique lorsqu'elle use essentiellement de l'interprétation
pour rendre intelligible son objet. Et de sa part l'épistémologie
est définie, selon le Larousse 2009, comme « une partie de la
philosophie qui étudie l'histoire, les méthodes et les principes
des sciences». Cela dit, les controverses épistémologiques
dans le cadre de ce travail ne peut être que l'ensemble des
problèmes de validité que soulèvent ces sous disciplines
tant par rapport aux concepts qu'elles utilisent que du côté des
méthodes employées. Ainsi dans cette réflexion, il s'agira
de s'interroger dans un premier temps sur la réalité scientifique
de la formulation des concepts et sur la question de leur exportabilité
(I) et en second lieu nous toucherons la méthode comparative fortement
employée : la comparabilité des cas (II).
I. DE LA CRITIQUE DES CONCEPTS TRANSITOLOGIQUES ET
CONSOLIDOLOGIQUES
Telle indiquée plus haut, cette critique consistera
à voir plus au fond la scientificité de la formulation des
concepts (A) employés par les spécialistes de ces sous
disciplines après quoi leur exportabilité sera questionnée
(B).
A. DE LA SCIENTIFICITE DE LA FORMULATION DE DES
CONCEPTS
D'entrée, il convient de préciser que cette
critique n'est autre qu'une manière de mesuré jusqu'en où
les concepts formulés sont fruit de l'objectivité. De même
les principales problématiques qu'ils soulèvent lorsqu'ils sont
utilisés.
Cela dit, nous partons d'abord du concept de transition telle
analysée par Guilhot NICOLAS dans son article cité plus haut,
publié dans la revue « multitudes ». Cet auteur
s'emploie à dénoncer le caractère
téléologique de ce concept qui pour lui était
déjà formulé dans le cadre du marxisme avant que la
science politique occidentale n'en fait une propriété. Et dans ce
contexte, loin d'être un instrument d'explication ou d'une description
scientifique, il est plutôt un schéma régulateur, un
modèle qui sert au jugement des régimes postcommunistes ou
« l'acteur du procès qu'il
désigne »56(*). Cette réalité montre à plus
d'un titre que le concept est apparu dans le cadre de la guerre froide
où il ne trouve son sens que lorsque tu l'oppose au terme autoritarisme.
De ce fait, il devient un instrument de guerre idéologique même
dans son emploi actuel. Et pour ce fait, une conception de la
démocratie a été élaborée se résumant
en un ensemble de mécanismes procéduraux et institutionnels:
comme les élections, des partis politiques.
Dans cette critique, l'auteur tente tout simplement de montrer
le poids de l'idéologie dans les soit disant constructions scientifiques
des transitologues.
Ensuite, nous arrivons au concept de consolidation qui a fait
objet d'une véritable étude critique par Philippe SHMITTER et
Guilhot NICOLAS (ci-dessus). Dans leur analyse les deux auteurs soutiennent que
le concept de consolidologie est véritablement problématique,
nous dirons plus problématique que celui de transition. En effet, ce
concept en soit même est une tautologie car il désigne un
processus et est en même temps le résultat de ce processus. Mais
même là aussi, il y a un autre problème. C'est celui de
savoir à quel moment peut-on considérer un régime comme
« consolidé » ou stable? Les réponses
à cette question sont sujet d'énormes subjectivités. Ceci
par le fait que le critère « universellement»
établi est celui de la conformité des agissements des acteurs
« significatifs » ou « majeurs » aux
nouvelles règles établies. Mais jusqu'en où peut - on
apprécier cette conformité ? Et qui sont ces acteurs
principaux significatifs ? Là, certains évoquent les partis
politiques mais souvent au moment où le rôle de ces derniers se
trouve minimisé. Cette considération accordée aux partis
exclut parfois les mouvements sociaux.
Un autre problème qui est cette fois-ci beaucoup plus
sérieux tient à la relation entre la démocratie et le
concept de consolidation. En effet, si l'on a bien compris le sens de ce
concept, il renvoie à un système à un atteint la limite de
sa perfection : « le régime
consolidé ». Cependant l'une des caractéristiques d'un
régime démocratique est le fait qu'il reste changeable et
adaptable à l'évolution de la société. Ainsi le
peuple dispose du pouvoir de demander des réformes à chaque fois.
Par contre le concept de consolidation amène à considérer
toute demande de réforme comme une demande de
« déconsolidation ». De là, une
règle fondamentale de la démocratie se trouve faussée.
Mais cet obstacle n'est pas illogique car il tient au statut
épistémologique même de la sous discipline. Car ce statut
épistémologique est celui d'une théorie classique qui a
toujours considéré les institutions politiques comme des facteurs
d'ordre et de stabilité ; et les changements démocratiques
comme des dangers.
Toutefois, conscient qu'on ne pourra dégager ici toutes
les reproches faites à ces concepts, il convient tout simplement de
donner raison au professeur El Asser et de reconnaitre que la construction
théorique en sciences sociales n'est jamais exemptée de telle
observation car très influencée par l'idéologique et les
considérations généraliste. Mais alors qu'en est-il de
l'exportabilité de ces concepts ?
B. DE L'EXPORTABILITE DE CES
CONCEPTS
Parler de l'exportabilité de ces concepts renvoie
à un vieux débat : celui de l'universalité de ces
concepts. A cet égard, il faut dire que cette question est bien
abordée par Mamoudou GAZIBO dans un article qu'il a publié dans
la revue internationale de politique comparée57(*). Dans cette réflexion,
le professeur GAZIBO expose deux positions dans le cadre de la politique
comparée : celle de SCHMITTER et de Lynn KARL d'une part et celle
de Valérie BUNCE. La première soutient l'universalité de
ces concepts en soulignant qu'on ne peut se cramponner dans des carapaces
conceptuelles. Par contre la seconde propose de tenir compte des
spécificités culturelles de chaque partie du monde. Cette
dernière idée est aussi défendue par Bertrand BADIE dans
son ouvrage sur le développement politique où il
révèle le caractère implicitement ethnocentrique de cette
entreprise d'universalisation de concept aux origines externes aux
réalités des pays de transposition.
Dans le cadre de cette analyse, nous devons souligner que
cette question est vraiment cruciale pour pouvoir déterminer la valider
des thèses transitologiques et consolidologiques. Car avec les
démonstrations faites plus haut, il a été clairement
établi que c'est la philosophie et l'idéologie libérales
qui guident l'élaboration de l'essentielle des concepts présent
ici. Comment expliquer alors le fait politique africain par exemple avec des
instruments idéologiques opposés à certains fondements
culturels africains comme le collectivisme social et la primauté du tous
sur le moi dans ces sociétés.
Toutefois, pour conclure son analyse, GAZIBO ne retient aucune
de ces positions, mais propose plutôt la médiane car
d'après lui, si les spécificités sont bien des
réalités qu'on ne peut nier, il est important pourtant de
reconnaitre qu'il y a des traits communs qu'on peut trouver à des
situations généralement similaires : par exemple l'existence
des partis unique en Afrique après les indépendances et jusqu'aux
années 90.
A l'instar de la question de l'exportabilité, une autre
se pose mais cette fois ci touchant à la grande méthode dominante
des études transitologiques et consolidologiques, c'est la question de
la comparabilité des cas.
II. DE LA QUESTION DE LA COMPARABILITE des cas :
la méthode en question
Pourquoi s'interroger sur la comparabilité des
cas ? Cette question nous renvoie à cette méthode largement
utilisée par les sciences transitologique et consolidologique : la
méthode comparative. Sur cette méthode Giovanni
SARTORI avance que : « «l'important est de retenir que
comparer, c'est à la fois assimiler et différencier par rapport
à un critère». Si cette définition est acceptable
selon les mots du professeur GAZIBO, elle peut cependant soulever
d'énormes problèmes. Deux principaux peuvent être
dégagés ici : le premier est le fait qu'elle peut soumette
des situations de transitions parfois fortement différentes de deux pays
à la même « loi » et sur la base de
critère essentiellement tiré de sa
« philosophie conductrice » qui est l'idéologie
libérale. C'est ainsi que la transition Espagnole fut
érigée en modèle et des normes de ce modèle seront
appliquées à des Etats non Européens ayant des conditions
géographiques et sociopolitiques différentes de celles de
l'Espagne. De telle comparaison n'est pas sans conséquence sur les
conclusions qui seront teintées de jugement de valeurs. Cela s'est
avéré vrai dans les analyses comparatives effectuées entre
les démocratisations en Afrique et les situations des traditions
démocratiques libérales d'Europe.
En outre, nous pouvons relever comme second problème,
le critère de comparaison. Ce dernier se trouve souvent
préétabli en faveur des systèmes conçus comme
modèles. Cela étant les expressions utilisées pour rendre
compte de la réalité des autres systèmes non
démocratiques au sens libéral du terme sont dépourvues
d'objectivité.
Au terme de ce premier chapitre essentiellement
consacré à la mise en lumière de concepts dont la
connaissance est nécessaire à la compréhension du reste de
ce travail, nous pouvons en déduire de la complexité du cadre
théorique par le fait qu'il ne renferme que des idées
marquées d'un grand relativisme et d'une grande diversité. Ce fut
aussi lieu de comprendre l'importance du jugement de valeur qui
caractérise les sciences sociales dont la plupart des prétendus
« instruments scientifiques d'analyse de fait social » se
trouvent fondés sur des idéologies. Cela a pu être
démontré à plus d'un titre avec cette question de
transition démocratique qui ne vise que l'uni-polarisation du monde sous
le toit de l'occident. Néanmoins, c'est avec ces instruments que nous
serons bien sûr conduits à mener ce travail en les appliquant aux
différentes réalités qui seront illustrées ici.
A cet égard, il conviendra de partir de quelques
expériences illustratives de transitions démocratiques puis
exposer le contexte sous régional, ce qui nous permettra de mieux cerner
les grandes lois qui président à ces changements. C'est donc
cette démonstration que nous ferrons dans les lignes qui vont suivre.
CHAPITRE2 : DES EXPERIENCES SUD EUROPEENNE ET
LATINO-AMERICAINE DE DEMOCRATISATION AU CONTEXTE AFRICAIN DES PAYS FRANCOPHONES
SUBSAHARIENS : l'itinéraire d'une vague
En la qualifiant
« d'évènement le plus important de la politique
mondiale du vingtième siècle»58(*), Samuel HUNTINGON ne
dévoilait t-il pas le vrai visage de l'un des mouvements les plus
importants de changement politique que le monde ait connu : « la
troisième vague » comme il l'appela. Ce « vent de
liberté », comme il fut désigné par ses
partisans, que nous appelons nous, « vent de libéralisation
du monde », allait partir de l'Europe du sud pour rejoindre
l'Amérique latine avant de faire basculer les régimes communistes
d'Europe de l'Est, les «dictatures » d'Asie et les
régimes à partis uniques d'Afrique vers le modèle
démocratique libéral qui allait devenir l'idéal de forme
de gouvernement dans le monde. Il faut souligner en ce lieu que la guerre
froide s'estompait et la victoire occidentale s'affirmait. Si de nombreux pays
dans le monde y ont participé de gré ou de force, cependant, tout
n'a pas réalisé les résultats escomptés.
D'où les meilleures expériences seront parfois
érigées en instruments d'analyse et même en modèle
tel le cas Espagnol et tant d'autres cas. C'est de ces expériences qu'il
fallait tirer des leçons pour en faire des lois de conduites pour les
situations en cours.
Ainsi dans cette analyse, nous ne nous
hasarderons pas à exposer la situation de chaque région du monde
(à part l'Afrique), c'est-à-dire qu'il ne s'agira pas ici de la
véritable itinéraire, mais nous tenterons juste d'évoquer
quelques expériences-modèles hors du continent africain
(Section1) après quoi nous nous pencherons sur la démocratisation
dans les pays d'Afrique noire francophone (section2).
SECTION1 : DES PAYS SUD EUROPEEN ET
LATINO-AMERICAIN DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE
Comme avancer plus haut, cette partie de notre
réflexion sera consacrée à deux
expériences-modèles de transitions en Europe du sud et en
Amérique latine. Ce sera en premier lieu l'expérience Espagnole
(paragraphe1) et en second lieu celle Chilienne (paragraphe2). Avant de passer,
il conviendrait de souligner que le choix de ces deux expériences parmi
tant d'autres n'est pas fortuit. En effet, pour la première, elle a fait
l'objet d'une très grande attention dans la littérature
transitologique par le degré de réussite qu'elle a
affiché : « d'une dictature, on n'est passé
à une démocratie authentique» et consolidée. Quant
à la seconde, elle est connue aujourd'hui comme un modèle de
réussite dans la région latino-américaine. Son parcourt,
bien que spéciale, révèle des traits de ressemblance avec
le cas guinéen qui est objet de se travail car il s'agit de la
réussite d'un pays tiers mondiste ayant connu la colonisation et un
régime «fermé».
PARAGRAPHE 1 : L'EXPERIENCE SUD EUROPEENNE DE
DEMOCRATISATION: le modèle espagnol
L'Espagne est un pays d'Europe du sud qui occupe la
partie la plus grande de la péninsule ibérique. Elle est
limitée au sud et à l'Est par la méditerranée,
à l'Ouest et au Nord-ouest par l'océan atlantique et le Portugal,
au Nord par la France. Ce pays qui compte de nos jours les 49millions
d'habitants a été entre le XVème et le XVIème
siècle une puissance coloniale dans le monde. Après la guerre
civile de 1936-1939, vint au pouvoir le régime dictatorial du
général Franco. C'est la fin de ce régime et l'ouverture
politique qui suivit qu'on qualifie de transition démocratique espagnole
autrement dit « la Transition démocratique
espagnole (en
espagnol,
Transición Española) désigne le processus correspondant au
remplacement progressif du
franquisme
par un
régime
démocratique »59(*). Cette transition qui
s'étend de 1975 ou la mort du général Franco
jusqu'à l'arrivée au pouvoir du parti socialiste ouvrier espagnol
de Felipe Gonzalez en 1982 : première alternance politique, sera
considérée comme un modèle dans le monde. Sans
prétendre réaliser une analyse détaillée sur cette
expérience, nous mettrons juste en exergue les grands traits qui en font
une exemplarité dans la littérature transitologique (I)
après quoi il faudra exposer quelques critiques apportées
(II).
I. UNE TRANSITION EXEMPLAIRE ERIGEE EN MODELE
DE TRANSITION
En lui attribuant un caractère exemplaire et en
l'érigeant en modèle de transition démocratique, les
auteurs transitologues ne s'étaient surement pas trompés sur la
réalité de la démocratisation espagnole. En effet
plusieurs axes permettent d'expliquer la particularité exemplaire de la
transition espagnole :
· au primo il faut avancer le fait que cette transition a
constitué une rupture ou une alternative aux voies antérieures de
passage d'un régime de dictature ou fermé à un
régime démocratique. Car dans le passé le principe connu
était celui d'une révolution qui réalisait une rupture
brutale et donnait naissance à un balayage total du système
précédent pour établir un nouveau système politique
et même économique et parfois avec de nouveaux acteurs politiques
(c'est le par exemple des révolutions française et
américaine). Par contre la transition démocratique espagnole sera
marquée par son caractère graduel, négocié et
consensuel entre les anciens détenteurs du pouvoir et les autres acteurs
politiques et sociaux longtemps écartés du pouvoir. Cela permit
donc de conduire la transition sans contestation majeur, avec le maintien des
anciennes institutions tout en changeant juste leur rôle et leur
formes ;
· et Secondo, la primauté de la
réconciliation, du progrès et de la modernisation dans les
esprits des acteurs politiques espagnols fut donc un grand apport de cette
expérience espagnole aux autres cas de transition qui étaient en
cours dans le reste du monde surtout en Amérique latine. Cette sagesse
dans la conduite de la transition espagnole s'expliquait dans les analyses
transitologiques par la maturée de l'élite espagnole plus
préoccupée par le retard que leur pays avait accusé dans
son développement par rapport à leurs voisins européens,
mais aussi par le fait qu'ils ne supportaient plus leur isolement du reste de
cette Europe de l'Ouest qui construisait son marché commun. D'où
pour eux la nécessité se posait de fermer et oublier
définitivement la page sombre de leur histoire marquée par la
dictature et les guerres civiles. Aussi ils devaient reconnaitre que le
franquisme n'a pas fait que du mal mais aussi du bien. Au lieu donc de perdre
leur temps sur un passé qui n'allait plus se refaire, il fallait
chercher à développer le pays et répondre aux besoins
fondamentaux des populations.
Ce passage exceptionnel des espagnols à la
démocratie se matérialisera par la constitution de 1978 qui est
restée en vigueur jusqu'à nos jours. Cette constitution mit en
place un régime de monarchie constitutionnelle avec un Etat social
démocratique, consacra le pluralisme politique et accorda une grande
autonomie aux régions espagnoles. Aussi, on y trouve un roi avec des
pouvoirs politique et symbolique, un président du gouvernement comme
chef de l'exécutif et parlement avec deux chambres.
Ce succès politique sera couronné par une
réussite économique entre 1975 et 2007 qui fit parler de
« miracle économique espagnol». C'est donc dans ce
contexte que le parcourt espagnol fut considéré comme un
modèle duquel pouvaient être déduit des lois applicables
aux autres Etats. Toutefois, tel n'est pas l'avis de tous les auteurs car bien
que réussie, l'expérience espagnoles n'a pas manqué
d'être critiquée.
II. LES CRITIQUES DE L'EXPERIENCE ESPAGNOLE
Aucune oeuvre humaine quelle que soit sa construction n'est
exemptée de critiques, sinon comment songer à appliquer cette
règle à un cas espagnol qui fait apparaitre ce pays aujourd'hui
comme une démocratie authentique. C'est bien sûr cette
règle qui veut que les choses ne soient pas vues juste dans leur
apparence et ou dans leur description officielle qui sera appliquée au
cas espagnol par d'une part les historiens et d'autre part les politologues.
Ces différents points de vue sont développés dans un
important article publié par Christian Demange60(*).
Dans cet article l'auteur souligne la critique de
l'expérience espagnole tient au fait que la mystification de cette
transition tant par les discours officiels que par ceux des médias eut
pour conséquences le jet dans l'oubliette de l'histoire, des crimes
commis sous la dictature franquiste à l'encontre du peuple et de tous
les opposants, mais aussi la minimisation des luttes séparatistes.
Pour la première question, il s'agit d'un enterrement
de la mémoire historique espagnole car lorsque l'on applique les
concepts actuels de droits de l'homme à cette période, il se
révèle sans doute le caractère antidémocratique
d'un régime sur la base de laquelle la nouvelle identité
espagnole a été fondée. Pour mener à bien leur
transition les leaders espagnols de l'époque avaient jugé
nécessaire de faire un saut sur le passé. Par ce fait, les
combattants espagnols de la liberté (ceux qui se sont battus contre le
fascisme) n'ont plus été réhabilités, les camps de
concentration, les prisons de femmes, les bataillons disciplinaires de
travailleurs.... furent ainsi méconnus de la jeune
génération et laisser sans aucun jugement. C'est pourquoi depuis
quelques années des mouvements sociaux représentant des familles
de victimes ont commencé à réclamer justice. Il s'agit
d'un passage à la démocratie qui semble saper la
démocratie elle-même. La conséquence véritable de
ces réclamations est la déconstruction du mythe fondateur de la
réussite espagnole et les grands symboles qui unissent ce pays.
A cela, il faut ajouter les luttes incessantes
d'indépendance ou d'une plus grande autonomie qui met ce pays en face
d'un déchirement politique dont l'issue pourrait être son
morcèlement. A ce titre, l'exemple des séparatistes basques de
l'ETA reste marquant.
Cette situation conduit à s'interroger sur le niveau de
consolidation de cette démocratie mais aussi à remettre en cause
la fameuse thèse du consensus et de la négociation.
Nonobstant ces différentes tractations auxquelles
aucun pays n'échappe aujourd'hui, l'Espagne reste l'objet d'une
imitation surtout dans la plupart des pays du tiers monde
particulièrement les pays d'Amérique latine : Argentine,
l'Uruguay, le Chili mais aussi certains pays d'Europe de l'Est comme la
Roumanie, la Russie etc....
Par ailleurs, si ces pays se sont inspirés du cas
espagnols, ils ne manqueront pas de spécificités. C'est ainsi que
dans le sous continent latino-américain l'expérience Chilienne
sera aussi riche en terme d'objet d'étude d'où son étude
dans les lignes qui vont suivre.
PARAGRAPHE2 : L'AMERIQUE LATINE DANS LA TRANSITION
DEMOCRATIQUE : l'exemple chilien
D'entrée, il convient de rappeler que le chili est un
pays tricontinental c'est-à-dire ayant des portions de territoire sur
trois continents à savoir : le continent latino-américain
(qui a la plus grande partie, ce qui fait du pays un Etat d'Amérique
latine), le continent antarctique et le contient océanique. Ce pays qui
a pour capitale Santiago, est le plus développé du sous continent
et le plus imprégné de la culture européenne61(*).
Après le coup d'Etat du 11 septembre 1973 qui renversa
le président Salvador Allende, le Chili devait connaitre une nouvelle
vie politique qui sera marquée par une dictature militaire fondée
sur le libéralisme économique et dirigée par Augusto
Pinochet. Ce dernier après avoir gouverné son pays d'une main de
fer pendant plus de quinze ans décide d'organiser en 1988 un
plébiscite pour reconduire son mandat pour huit nouvelles années.
Comme résultat du plébiscite, le oui obtient 44, 01% et le non,
soutenu par la coalition des opposants au régime, aura 55, 99%. Cet
échec sera à l'origine d'une transition démocratique dont
il convient d'évoquer brièvement les étapes (I) et la
phase de sa consolidation (II).
I. LES ETAPES DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE
CHILIENNE
En ce lieu il faut citer principalement deux
étapes : le dépassement du passé dictatorial (A) et
le revirement des partis de droite et de l'armée (B).
A. LE DEPASSEMENT DU PASSE DICTATORIAL : LA
JUSTICE ET LA RECONCILIATION
Tout comme les espagnoles, les chiliens ont
réalisé leur transition politique dans un climat de
négociation, de consensus et de dialogue entre les principaux acteurs
de la vie politique : la junte sortante, les partis politiques de gauche
et de droite, les présidents civils démocratiquement élus
et la société civile. Mais toutefois, au-delà de cet
aspect, les chiliens ne se sont pas totalement tus sur les exactions commises
par le régime militaire. Malgré qu'avant son départ le
chef de la junte, Pinochet, ait mis en place en 1989 des instruments juridiques
pour contrecarrer l'ouverture démocratique ainsi que les
éventuelles condamnations qu'ils pouvaient faire objet avec ses
partisans, les nouveaux hommes politiques de la transition ont
désamorcé prudemment ces bombes. Ainsi après l'arrestation
de Pinochet à Londres en 1990 et l'arrivée au pouvoir du
président Patricio Aylwin lors de la première élection
démocratique en 1989, les conceptions de ce passé très
favorables à Pinochet commencèrent a changé. Une
coopération devait s'ouvrir entre l'armée et la
société civile. C'est dans ce contexte que sera mis en place en
1999, de la «Table pour le dialogue sur les droits de
l'Homme»62(*) par le ministre de la défense Edmundo Perez
Yom avec l'accord du président de la république et du
Sénat. Cette table ronde visait donc à trouver un consensus sur
les droits de l'Homme entre les militaires et le reste de la
société. C'est pourquoi seront réunis autour de cette
table, les représentants de l'armée et certains avocats des
droits de l'Homme, excluant ainsi les partis politiques. Par cette table ronde
régie par la règle de la confidentialité, les chiliens
parvinrent tous à condamner leur antagonisme dans le passé afin
de miser sur un avenir fonder sur le respect mutuel. Ceci amena les militaires
à reconnaitre les violations de droits de l'Homme par la signature de
documents. Ce qui facilita la résolution et la poursuite des cas n'ont
encore traités. Même si cela ne permit le jugement de tous les
crimes et violations de droits de l'Homme un grand pas était
réalisé dans la réconciliation entre les chiliens et leur
armée. Toutefois malgré cette évolution l'armée et
les partis de droite restaient encore attachés au mythe de Pinochet
avant de changer plutard.
B. LE REVIREMENT DE L'ARMEE ET DES PARTIS DE
DROITE
Malgré touts les accusations horribles dont il faisait
objet et son départ du pouvoir, Pinochet n'avait pas toujours
été dictateur pour tous les chiliens. Ces exploits
étaient toujours cités : tel que les progrès
économiques que son pays avait connu dans les années 1977
jusqu'aux années 1980 : le miracle chilien. Mais ces éloges
fondés sur une vie politique fermée seront oubliés lorsque
la nouvelle donne politique la demandera. C'est ce qui semble se passé
en 2004 lorsqu'un document intitulé « l'armée
chilienne : la fin d'une vision, est publié par l'armée et
où le général Juan Emilio Cheyre
déclare : « l'armée chilienne a
pris la dure mais irréversible décision et moralement
inacceptable d'un passé »63(*). Cette grande décision
lourde de sens annonçait la fin de plusieurs dizaine d'année de
soutient de l'armée au général Pinochet. Dans le
même contexte était publié un rapport sur la torture et les
mauvais traitements effectué dans les prisons sous la dictature par une
commission nationale mis en place par conformément aux décisions
prises à la « Table de dialogue ».
A l'instar de l'armée, les partis de droite qui avaient
longtemps soutenu le Général optèrent pour le revirement
tant dans leur discours (demande de révision de la constitution, de
jugements de tous ceux qui ont commis un crime etc...) que dans leurs
idéologie (la rupture avec le pinochetisme :
ultralibéralisme économique, moins de liberté etc...). Cc
qui aboutit en 2005 à d'importants amendements de la
constitution de 1980 par le Sénat : la réduction de
six ans à quatre ans du mandat présidentiel, l'élimination
du statut de sénateurs à vie et de sénateurs
désignés, les commandants de forces armées et de la
gendarmerie peuvent être changés par le pouvoir civil etc....
Ces changements fondamentaux devraient conduire à une
unification idéologique et politique de tous les acteurs politiques en
Chili tournés vers la démocratie libérale et les droits de
l'Homme, afin de donner naissance à des comportements dignes d'un Etat
démocratique. Marquant par ce fait la fin de probable de la transition,
la Chili devait rentrer dans la phase de la consolidation.
II. LACONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE
CHILIENNE
C'est dans l'esprit des progrès réalisés
dans la transition que la consolidation va s'annoncer. Cette dernière,
il faut le rappeler, signifie que les conduites des acteurs politiques et des
citoyens soient déterminées par les institutions
démocratiques (juridiques et politiques) mis en place. C'est elle qui se
clôtura par les élections du 15 Janvier 2006 qui donneront
gagnante la première femme présidente de ce pays. La
réussite de ces élections et la personne qu'elles ont
amenée à la magistrature suprême dénotaient de la
maturité politique des chiliens. Cela s'explique par le fait que le
choix d'une femme dans un pays aussi conservateur que le Chili est signe d'une
rationalité politique. En plus cette femme de la seconde
génération des victimes de la dictature, cela veut dire que la
page est vraiment tournée.
Toute cette évolution sera couronnée par la mort
du chef militaire (Pinochet) le 10 Décembre 2006. Ce qui permit aux
chiliens de mettre son régime à l'oubliette. Cependant les
actions ne cessent pas de en faveur de la réhabilitation des victimes.
C'est ainsi que la journée du 30 Août de chaque année
été décrétée pour commémorer la
mémoire des disparus de la dictature.
La considération du Chili comme une démocratie
n'est pas un discours fortuit en ce jour car la toute dernière
élection en 2010 redonnait le pouvoir à la droite. Ce qui
signifie quelque part que les dissensions semblent être en partie
enterrées et l'alternance démocratique est pratiquée.
Toutefois au-delà de tous ces progrès qu'on ne
saurait nier, il faut reconnaitre qu'une démocratie n'est pas une
construction d'un jour, c'est pourquoi d'ailleurs le concept de consolidation
fait objet de vive critique car prétendant à annoncer la fin d'un
processus qui concerne pourtant l'éternité. Les
démocraties se font et se refont tous les jours. Cela dit, il faut
reconnaitre que la transition en Chili, tout comme, celle espagnole,
crée un état d'esprit forgé sur l'oubli du passé
(la socialisation). Mais si la démocratie voudrait dire aussi justice,
l'authenticité démocratique de ce régime est en cause car
incapables d'assumer son passé. Cela peut être une source de crise
sociale et un blocus à la fin de la consolidation. C'est pourquoi dans
ce pays aujourd'hui certaines familles de victimes du régime militaire
continuent toujours de demander justice.
En conclusion de cette section, nous retenir que malgré
leur spécificité, les transitions espagnole et chilienne ont en
commun d'être conduites par des élites murs et soucieux du
développement de leur Etat que de s'attarder sur le passé. Ce
passé dont ils n'ont plus le désir de retrouver à en
croire à leur détermination à renforcer leurs institutions
démocratiques. Il ne s'agit plus pour eux de se lancer
à la recherche d'une justice mécanique mais d'une unification des
enfants d'une même nation.
Par ailleurs, la considération de ces
expériences comme des modèles exportables peut être
à l'origine d'un autre problème qui touche la portée
épistémologique des instruments d'analyse transitologiques. Car
bien qu'il y ait des traits généraux communs à toutes les
situations de transitions, les particularités liées à
l'histoire profonde des peuples et à la maturité des
élites, à la culture restent des facteurs à ne jamais
négliger. Ceci étant, une bonne compréhension du cas
guinéen demanderait un exposé du contexte régional des
pays d'Afrique noire francophone.
SECTION 2 : L'AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE EN
TRANSITION POUR LA DEMOCRATIE
« Le capitalisme », au départ,
c'est d'abord une « mise en communauté », une mise
en contact des membres disjoints de l'Humanité.
Fourquet (1989)
La troisième vague n'était pas seulement une
vague pour l'Europe du sud, de l'Est et l'Amérique latine mais aussi
pour l'Afrique. En effet, la prétention de l'occident de soumettre tout
le monde entier à un même système sonnait comme un coup de
clairon dont l'Afrique n'échappera pas au vent dans les années
90. .Prêts ou pas, volontaires ou contraints tous les Etats d'Afrique
à peine sortis du statut de territoire d'empire colonial ,
criblés par les instabilités, longtemps encouragés dans
une logique de partis uniques comme moyen de développement, devaient se
lancer dans une modernisation politique emballée dans l'enveloppe de la
démocratisation. Pour les Etats d'Afrique noire francophone, la
conférence de la Baule du 20 Juin 1990 allait réveiller les
autocrates et raviver les contestations politiques et sociales internes au
point qu'on a pu parler de « printemps Africain » comme
l'actuel « printemps arabe ». Il s'agit là d'une
phase importante de l'histoire politique moderne des peuples africains. Son
analyse nécessite, dans les normes, qu'elle soit entièrement
considérée en soit comme un thème. Mais ce n'est pas ce
que nous serons amenés à faire ici, car cette analyse très
brève sur la démocratisation en Afrique se voudra
spécifier au cas des pays francophones d'Afrique noire. C'est dans cette
masse que s'insère la Guinée. Aussi il faut dire qu'elle ne
concernera que de grands axes allant des origines ou facteurs
déclencheurs d'un évènement, en passant par ces enjeux
(paragraphe1) pour aboutir aux formes sous lesquelles elle s'est
déployée et les limites à cette entreprise (paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : LES CAUSES ET LES ENJEUX DE CE
RENOUVEAU POLITIQUE
C'est en comparant un peu la vague de démocratisation
en Afrique noire francophone dans les années 90 à l'actuel
« printemps arabe » qu'il devient facile de la saisir. En
effet, comme nous pouvons nous rendre compte à travers cette affirmation
d'Almeida-Tojor (1993) : « de même qu'au tournant
des années 60, l'accession à l'indépendance semblait
être un préalable à tout développement, trente ans
plutard, la démocratisation apparait indispensable au redressement
économique et social», les transitions démocratiques en
Afrique résultait d'un changement plus ou moins radical de la conception
du rapport entre développement et système politique. Ce
changement de vue plus ou moins radical qui allait bouleverser tous les
systèmes politiques africains francophones était le fait de
facteurs, d'abord, externes mais surtout internes (I). En outre, l'ampleur de
ces transitions laissait entrevoir l'importance des enjeux(II) qui les
structuraient et dont il est important de mettre en exergue.
I. LES CAUSES DE CES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES
Si dans son analyse des causes des transitions
démocratiques en Afrique noires francophones, le professeur camerounais
Timothée Ngakoutou met l'accent sur les facteurs internes comme
déclencheurs du retournement des régimes à parti unique,
nous prenons le contre pieds sans prétendre réfuter totalement
sa thèse. C'est en ce sens que nous considérons que les passages
à la démocratie en Afrique noire francophone comme partout
d'ailleurs dans le monde sont d'abord inspirées par le changement
intervenus dans les relations internationales de l'Est et de l'Ouest ou la fin
de la guerre froide. Cette dernière sera suivie, pour ces pays, par le
discours de la Baule et les conditionnalités démocratiques qui
furent de véritables moyens de pression. Ceci étant, nous
exposerons les sources externes (A) dans un premier et ensuite nous passerons
facteurs internes (B).
A. LE NOUVEL ORDRE INTERNATIONAL ET SES
CONSEQUENCES SUR LES RELATIONS NORD-SUD
C'est l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev en Union
Soviétique qui marqua le début de la fin de la guerre froide (1)
et le changement du discours des puissances occidentales face à leurs
anciennes colonies d'où celui de Mitterrand à la Baule (2) pour
les pays d'Afrique noire francophone. De là les coopérations avec
ces Etats et les aides qui leurs sont octroyées par le Nord sont
soumises à de multiples contraintes (3).
1. L'arrivée au pouvoir de GORBATCHEV en
Union Soviétique
En effet, lorsque les indépendances étaient
atteintes dans les années 60, les africains croyaient s'être
libérés du Nord. Cependant, au même moment, le continent
devenait un centre stratégique des relations internationales à
cause de ces ressources et donc étroitement liée au reste du
monde. C'est ainsi que pendant la guerre froide qui mit en conflit le monde
occidental et le monde communiste, l'Afrique sera objet d'un nouveau
morcellement entre les deux blocs. Bien que ce disant neutres et non
alignés, certains pays africains avaient choisi l'Est (la Guinée
ayant rompu avec la France, le Ghana, le Benin etc...) et d'autre restaient au
solde de l'Ouest (le Sénégal, la Côte d'Ivoire etc...).
Cette situation créait une dépendance, idéologiquement (le
marxisme-léninisme et le libéralisme) et institutionnellement
des systèmes politiques et économiques des tuteurs du Nord.
Aussi la vision que ces tuteurs avaient partis uniques était celle
d'instrument de développement (thèse défendue par des
auteurs comme Samuel Huntington). De là nous constatons, comme le note
Francis Akindés, que les relations entre le Nord et le Sud sont
guidées par deux logiques : « celle de
bloc et la logique de l'idéologie de l'optimisation des conditions
politiques nécessaires au
développement»64(*). Dans ce contexte les régimes Africains en
général et surtout ceux de l'Afrique noire francophone ne se
rendirent pas compte de leur retard et des coûts de leur gestion
calamiteuse (les dettes accumulées, la corruption et le
clientélisme).
C'est dans cette atmosphère qu'intervinrent les
changements en Union Soviétique lorsqu'un certain Mikhaïl
Gorbatchev prend la tête du parti communiste de l'Union Soviétique
en 1985. Il publie deux ans plutard aux Etats Unis son livre
intitulé : la Perestroïka : New thinking for
our country and the world. Comme son titre l'indique, ce livre
donnait la nouvelle vision à la fois du monde et du système
soviétique du nouveau leader et par cela prévoyait: les
bouleversements importants que le monde allait connaitre. Ainsi la
nouvelle théorie qui devait conduire les actions de l'Union
Soviétique dans le monde devrait être celle de la coexistence
pacifique, l'intérêt des deux blocs d'abandonner la course aux
armements qui n'était qu'un gaspillage économiques, la
reconnaissance que la nouvelle puissance mondiale était celle des
richesses économiques et technologiques et non plus des armements
lourds. Cette nouvelle donne fit découvrir à la puissance
soviétique sa vulnérabilité. A ce titre
Chevardnadzé (1991, p115) écrit : «ayant
vaincu l'inertie des représentations habituelles, nous avons
découvert que la possession d'un arsenal nucléaire
démesuré n'offrait pas à l'Etat (soviétique) une
défense sûre, mais qu'au contraire elle
l'affaiblissait....». Par ce faire, les deux blocs
commencèrent une nouvelle ère fondée sur le principe de la
coexistence pacifique comme règle fondamentale des relations
internationales et de ce fait l'Afrique qui était l'un des lieux des
confrontations va perdre son importance d'où la perte des
béquilles idéologiques et le début du
démantèlement des régimes monopartistes (Francis
Akindés, 1996). Sans perdurer dans le soutient aux régimes
autocratiques africains, l'occident, sorti victorieux de la confrontation
Est-Ouest, devrait les appelés à l'adoptions des valeurs
politiques et économiques occidentales érigées en
conditions du véritables développement.
C'est ce discours qui sera véhiculé à la
baule en 1990 par François Mitterrand.
2. Le discours de la BAULE de François
MITTERAND
Dans son mémoire réalisé à
l'institut de science politique de Lyon en 1994, Félix François
Lissouk essaye de décortiquer les grandes idées que
véhiculait ce discours historiques de François Mitterrand devant
les dirigeants africains le 20 Juin 1990.
En s'exclamant : « enfin, on respire,
enfin on espère, parce que la démocratie est un principe
universel. Mais il ne faut pas oublier les différences de structures, de
civilisations, de traditions, de moeurs. Il est impossible de proposer un
système tout fait», et en
enchainant : « lorsque je dis démocratie,
lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c'est la seule façon de
parvenir à un état d'équilibre au moment où
apparant la nécessité d'une plus grande liberté, j'ai
naturellement un schéma tout prêt : système
représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de
la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure :
voilà le schéma dont nous disposons »65(*), François Mitterrand
réaffirmait dans un discours ambigu (universalité de la
démocratie, particularité, et proposition d'un modèle
purement occidental) les nouvelles orientations que devaient prendre les
relations qui devait lier son pays aux Etats Africains francophones.
En effet, comme pouvons le comprendre, il s'agissait tout
d'abord d'exhorter voire d'ordonner les Etats africains à prendre le
chemin de la démocratie, car pour lui c'était la meilleure voie
ou la seule pour ces derniers de se développer. A ce titre il
affirme : « puis-je me permettre de vous dire que c'est
la direction qu'il faut suivre. Je vous parle comme un citoyen du monde
à d'autres citoyens du monde : c'est le chemin de la liberté sur
lequel vous avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du
développement. On pourrait d'ailleurs inverser la formule : c'est en
prenant la route du développement que vous serez engagés sur la
route de la démocratie». Aussi, il n'est pas question de
n'importe quelle démocratie car d'autres conceptions avaient elles
existées dans les démocraties populaires d'Afrique (en
Guinée par exemple) mais plutôt de la démocratie
représentative et multipartiste.
Comme portée, ce discours devrait permettre la mise en
place dans les pays africains de régimes politique légitime
c'est-à-dire devant acquérir l'assentiment de tout le corps
social et surtout des principaux acteurs politiques. Ce qui signifiait que les
leaders africains devaient ouvrir la porte de la scène politique
à tous ceux qui ont été longtemps écartés
comme opposants. De même instaurer comme principe la consultation du
peuple dans les prises de décision.
A cela il faut ajouter la nécessité du partage
du pouvoir qui découlait de ce discours par l'incitation à
rejeter les partis uniques afin que tous les citoyens se sentent
concernés par la gestion de la chose publique.
Toutefois il faut dire que si l'historique allocution de
Mitterrand a fait naitre un grand espoir chez les partisans de la
démocratie dans ces pays, elle n'était pas moins la manifestation
d'une politique hypocrite du faire-semblant français qui a toujours
marqué l'ancien Françafrique. C'est bien ce que le professeur
Ngakoutou tente d'expliquer lorsqu'il
écrit : « le grand paradoxe de ces pressions
externes, jouant dans le contexte des démocratisations africaines, s'est
ainsi souvent matérialisé par l'abstention des puissances
tutélaires qui ont laissé se dérouler des rapports de
forces en attendant de voir qui en sortirait vainqueur, quitte à couvrir
des fraudes introduites dans les processus électoraux quand le
bénéficiaires paraissait le plus apte à maintenir ou
à rétablir la paix civile».
Par ailleurs, s'ils ont accepté plutard de s'engager,
les dirigeants africains avaient manifesté dès le départ
leur désaccord et surtout le fait qu'ils ne soient pas encore
prêts. A ce propos le dirigeant zaïrois, Mobutu s'exprimait en ces
termes : « le multipartisme n'est pas à l'ordre du
jour», et que le parti unique (le MPR ou le mouvement populaire
révolutionnaire) « n'est ni de gauche ni de droite ni du
centre mais authentique». Cette même réaction sera aussi
celle du président ivoirien.
Enfin même si ce discours devrait source de
réussite pour les peuples d'Afrique son échec était
déjà consommé. Nonobstant, les conditionnalités
telles employées par les institutions de Breton woods et d'autres
bailleurs de fonds comme l'Etat français allaient venir renforcer
l'appel ambigu de la France.
3. Les conditionnalités
démocratiques
Pour débuter, il faut définir
d'abord la conditionnalité comme une : « liaison juridique
faite entre l'octroi d'un avantage et le respect par le destinataire d'un
comportement ou d'une obligation»66(*). Ensuite nous nous posons la question de savoir
comment cette logique se réalisa t-elle dans la démocratisation
en Afrique ?
En effet, lorsqu'il affirmait en 1990 à la
Baule : « la France liera tout son effort de
contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de
liberté »67(*), François Mitterrand, président de
la France, signifiait par là que l'accès des pays africains aux
aides financières et autres de la France ne se ferra qu'avec le respect
de certaines normes de la démocratie et de la gestion rationnelle
économique.
Cette même idée sera reprise par les
autres bailleurs de fonds institutions internationales et Etats occidentaux.
Ainsi le FMI (ou fond monétaire international) sera le premier à
rentre le concept effectif en déterminant en 1979 un ensemble de
conditions propres à lui, en plus des obligations juridiques qui peuvent
être liées à tout contrat, que tous ses débiteurs
devront respecter afin de pouvoir rembourser ses dettes. Ces conditions
étaient donc contenues dans ce document qu'il a appelé
« Guidelines on conditionnality ». Il s'agissait
par exemple pour un pays qui voulait bénéficier des fonds de
l'institution de se lancer dans la libéralisation de son
économie. Par ce fait ces fonds allaient être versés
tranche par tranche au fil et à mesure que le pays évoluait dans
cette libéralisation.
Ce sera la règle que vont établir
aussi l'Union européenne, la Grande Bretagne, le Canada, les Etats Unis
et la Banque mondiale dans l'octroi de prêt aux pays du tiers monde parmi
lesquels figurent en bonne place ceux d'Afrique noire.
Si ces conditionnalités furent au
départ purement économiques, elles changeront de cap en 1990 pour
devenir essentiellement politiques et centrées sur l'ambiguë notion
de Bonne Gouvernance ou les traits de qualification des bons
élèves de l'occident.
C'est dans ce contexte que les institutions de
Breton woods seront mandatées, selon les termes68(*) du prix Nobel
d'économie et vice président de la Banque Mondiale, Joseph E.
Stieglitz, de mettre en oeuvre l'idéologie du libre marché telle
développée en Grande Bretagne et aux Etats Unis sous
respectivement les gouvernements Tchatcher et Reagan. Ainsi tous les
prêts sont accordés à condition que les Etats
s'attèlent à mieux pratiquer la démocratie, les principes
de droits de l'Homme qui sont conçus à cet égard comme des
préalable au développement d'un pays. A ce titre cette
affirmation de l'ancien directeur du FMI est
illustrative : « la démocratie participative,
cette grande conquête du XXème siècle sur le colonialisme,
le totalitarisme et le copinage, peut optimiser l'efficacité d'une
politique économique bien conçue».
Dans le même esprit seront conduits les
accords de partenariat signés entre la Communauté
Européenne et les pays de l'ACP (Afrique- Caraïbe et pacifique) et
particulièrement la troisième convention (Lomé III) de
1985. Cette dernière sera renforcée par Lomé IV
signée en 1990 et révisée en 1995, elle aura pour objectif
de « renforcer la dimension politique, établir une
articulation entre développement et droits de l'Homme, renforcer l'appui
à l'ajustement structurel. Elle introduit les
conditionnalités (économiques et politiques) et les
sanctions». Ainsi la lutte contre la corruption sera donc au
centre des conditions.
Quant à la position française, elle
restera toujours obscure en la matière car toujours, elle n'a
cessé de soutenir les dictatures en Afrique. A ce propos, Francis
Akindés avance : « s'il n'existe plus d'ombre d'un doute
sur l'implication de la France dans le déclenchement et la poursuite du
processus démocratique en cours en Afrique subsaharienne francophone, il
est par contre difficile de dégager la ligne politique qu'elle s'est
fixée pour accompagner le mouvement »69(*). Il poursuivra en notant que
la France avait assisté militairement Mobutu à le
rétablir en 1991 alors que ce dernier continuait à bloquer le
processus démocratique.
C'est donc en ce lieu qu'il faut rappeler que loin de
répondre aux besoins de bon gouvernement des Africains, ces
conditionnalités ont été à l'origine de la remise
en cause de la souveraineté de ces Etats qui se sont vus en grande
partie ôter de leur pouvoir de décision mais aussi l'endettement
résultant de l'échec de ces politiques allait être la cause
de nombreuses troubles internes car c'est dans le même cadre que les
fameux plans d'ajustement structurels ont été proposés et
institués (à analyser plutard).
Par ailleurs, il faut rappeler que ces pressions
extérieures n'ont pas été à elles seules
déclencheuses de la démocratisation en Afrique noire
francophone, mais aussi des problèmes internes étaient
là.
B. LES CAUSES INTERNES DES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES EN AFRIQUE
L'étude des facteurs internes à l'origine du
départ des régimes de parti unique en Afrique subsaharienne
francophone est d'une importance capitale. Car à ne croire qu'à
la littérature qui précède, on pourrait facilement penser
que les africains en eux-mêmes se fiers de vivre dans des régimes
minés parfois par les intérêts personnels et la privation
de libertés fondamentales. Tel n'est pas le cas. C'est pourquoi
Ngakoutou tente dans son ouvrage précité, de mettre l'accent sur
ces facteurs internes. Aussi cette présente analyse pourra permettre de
toucher le rôle joué par les principaux acteurs politiques en
Afrique dans ces transitions. Ces acteurs sont essentiellement les syndicats,
les étudiants, la diaspora, le peuple, les barreaux, les partis, les
groupements de femmes, les médias....
Cela dit, il convient de rappeler que les soulèvements
populaires qui ont conduit à l'ouverture politico-économique en
Afrique noire francophone étaient le fruit une double crise : celle
économique qui a abouti à l'ajustement structurel (1) et la crise
de légitimité ou politique (2).
1. La faillite des économies et les plans
d`ajustement structurel
« L'étau s'est resserré
autour du tiers monde en général et en
particulier l'Afrique»(1996). C'est par ces mots que Francis
Akindés introduisait son analyse de cette grande crise qui a
marqué les pays Africains en général et
particulièrement ceux francophones. En effet, comme nous l'avons
déjà mentionné plus haut, après la crise
pétrolière des années 70 et les appels du tiers monde
d'équilibrer la balance des échanges entre le Nord et le Sud, les
Etats d'Afrique comme, à l'instar de leur pairs du reste du Sud, ont
bénéficié dans un laxisme financier d'un afflux de
capitaux étrangers sans précédent. Cette assistance
empoisonnée du Nord se soldera par une faillite profonde de ces
systèmes économiques mal conçus. A cela il faut ajouter la
flambée des cours matières premières.
Cette situation alarmante sera l'occasion
idéale saisie par les pays riches et leurs institutions
financières (Banque mondiale et FMI) de venir imposer les
« plans de sortie de crise » ou plans d'ajustement
structurel. Ces plans visaient : la privatisation, la dévaluation, la
compression de la consommation interne, la promotion des exportations,
l'équilibre budgétaire. Criblés de dette, en état
de lourd déficit budgétaire, avec une politique économique
inadéquate, les Etats Africains devaient s'engager dans une nouvelle
voie de mise sous tutelle de leur souveraineté économique et
politique qui ne sera sans conséquences sur la vie des populations.
En effet, les nouvelles mesures prises vont
entrainer : une forte réduction des ressources due à
l'exportation, de la stagnation voire la baisse importante du flux des
ressources externes, des mesures d'austérités (comme le cas
actuellement en Grèce), le nombre de Pays les moins avancés dans
le monde passant de 31 à 42 avec 28 pays africains. Cette
détérioration de la situation macroéconomique aggrava
aussi le chômage surtout dans les grandes villes. D'où, presque
partout en Afrique les contestations populaires grandirent, les peuples
réclament la démocratie c'est-à-dire plus de
liberté, la justice sociale, l'amélioration des conditions de
travail.
La résistance partit principalement des
syndicats. Ces derniers longtemps subordonnés au parti-Etat après
les luttes d'indépendance se voient se décomposer en de petites
corporations autonomes, chacune désirant affronter le pouvoir politique
pour faire valoir ces intérêts. Au Sénégal et en
Côte d'ivoire, ces groupuscules très remontées se
multiplièrent. Après les syndicats vinrent les mouvements
d'étudiants. C'est dans ce contexte que Bourdieu affirme que ces
étudiants qui sont les « dominés de la classe
dominante » s'offrent aussi le droit de demander des comptes
à l'Etat. En effet, se sentant laissés pour compte par le
pouvoir central, les milieux universitaires, enseignants et étudiants
ont développé une certaine conscience autonome encrée dans
une certaine méfiance face au gouvernement. Ce qui leur permit donc de
jouer un rôle important dans ces changements. Rappelons a ce propos que
ce sont les étudiants qui ont poussé le président Senghor
a adopté plutôt en 1974 le multipartisme intégral au
Sénégal. A ces deux couches importantes, il faut ajouter le reste
de la population ainsi que la société civile, épris de
liberté mais aussi souffrants du coût des inflations. Ce sont
toutes ces colères qui serviront de pions d'entrée des
oppositions longtemps cantonner à l'extérieur qui interviendront
pour participer à la transition tant attendue.
Malgré les répressions, les
grognes restaient non maitrisables. Ce qui dénotait de la crise de
légitimité de l'Etat.
2. La crise de légitimité de
l'Etat
Dépouiller de ces facultés politique et
juridique sur le plan international, l'Etat africain est de plus en plus
exposé aux révoltes internes. Ce qui spolie à plus d'un
titre son existence. Face au premier cas les Etats sont tous simplement
remplacés dans leur rôle d'élaboration de politiques
générales devant prévoir les besoins primaux des
populations. Car, avec les plans d'ajustement structurel les grandes
orientations et les objectifs déjà définis depuis
l'extérieur et « le bon élève n'a seulement
qu'à les mettre en oeuvre au profit de l'enseignant (les bailleurs de
fonds) ».
La perte des entreprises nationales et la réduction
croissante du nombre de fonctionnaires de l'Etat, le non paiement des salaires
de ces derniers pendant de long moment expliquait cette absence de la maitrise
de la vie nationale par l'Etat. Dans ce dernier, il se révèle que
les pays francophones d'Afrique noire n'ayant aucune faculté
d'émettre leur propre monnaie, ne pouvait imprimer des billets
supplémentaires pour payer des salaires.
Pire est l'occupation de certaines instances administratives
et gouvernementales africaines par des experts venus du Nord. Ces
étrangers venus occupés de postes-clefs dans les institutions
remettaient en cause ce qui avait été consacré comme une
manifestation de souveraineté. En effet, lorsqu'ils avaient
accédé à l'indépendance les Etats africains
indigénisèrent l'ensemble des poste jusque là
détenus par les administrateurs coloniaux. Ainsi cette
désindigénisation imposée par le Nord ne pouvait
qu'apparaitre comme un retour en arrière : le
néocolonialisme.
C'est donc cet Etat épuisé qui devait se lancer
dans le marathon de la transition. Faut-il dire que ce parcours était
déjà obstrué d'avance ? Si nous ne répondrons
pas rapidement par la positive, nous proposons l'examen des enjeux de cette
démocratisation.
II. LES ENJEUX DE CES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES
Passer à la démocratie n'est pas chose simple
car les étapes à franchir sont importantes. D'énormes
défis que nous considérons ici comme enjeux et dont il faut
relever, pointent toujours à l'horizon. Bien que nombreux ces enjeux,
nous n'évoquerons que quelques uns, à savoir : le
défi de la culture démocratique (A), de la gouvernance (B).
A. LE DEFI DE LA CULTURE
DEMOCRATIQUE
Comme nous avons déjà donné les
idées essentielles sur la notion de démocratie plus haut, il
s'agira cette fois ci de chercher à la comprendre comme une culture
surtout dans l'esprit dans lequel elle est véhiculée aujourd'hui.
En effet nous partons d'abord du concept de culture tel défini par la
déclaration de Mondiacult comme « l'ensemble des
traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuel et affectifs
qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle
englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les
traditions et croyances70(*)».
Lorsqu'on applique donc cette définition à la
notion de démocratie il y ressort que cette dernière n'est pas
une simple somme de techniques mécaniquement agencées comme
l'action de voter ou les semblants de consécration du multipartisme que
nous connaissons en Afrique. C'est vraiment une culture. Et selon les mots du
professeur Timothée Ngakoutou, cette culture est celle des droits de
l'Homme. C'est de là qu'il plaide pour une reconnaissance de
l'universalité de ces droits innés à la nature humaine.
Cette culture démocratique qui réside donc dans
la reconnaissance et le respect des droits de l'Homme vise à
protéger chaque individu de la tyrannie du groupe mais aussi à
accepter les différences culturelles qui marquent les nations. Dans cet
esprit, la culture démocratique s'affirme comme une culture du
multiculturalisme. Aussi en parlant de culture démocratique comme
culture des droits de l'Homme nous faisons allusion à ces droits
politiques et civils mais aussi des droits économiques et sociaux qui
doivent guider la conduite d'une nation démocratique. Ces droits bien
que naturels, car innés en la nature humaine, sont aussi construits en
tant que données culturelles. Cette construction est donc le fait des
Femmes et des hommes qui aspirent à ces valeurs. En ce sens, cette
démocratie demande liberté, éducation et réflexion,
car elle implique une série de choix et de décisions.
En outre la démocratie dans cette logique s'annonce
comme un ensemble de comportements devant être développés
et adaptés à l'évolution de la société. Ces
comportements sont ceux de la critique de soi et l'acceptation de celle
d'autrui, le sens de l'écoute, le respect des principes fondamentaux de
justice et de liberté.
Elle impliquera aussi la proclamation et la reconnaissance des
droits de la femme tels développés par les nombreuses conventions
auxquelles ces pays sont parties. Il s'agit notamment de la convention de 1962
sur le consentement au mariage, la déclaration de 1967 sur
l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
C'est donc un mariage avec ces valeurs que doivent
réaliser ces Etats. Bien que conscients du fait que toute ces valeurs ne
sont pas si étrangères à leur tradition mais la dimension
individualiste dans laquelle elles s'inscrivent de nos jours ne facilite pas
leur encrage dans ces passés essentiellement communautaristes.
Par ailleurs, il convient de noter que le défi culturel
se prolonge dans un autre champ très important qui est la
gouvernance.
B. LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE COMME ENJEUX DE
LA DEMOCRATISATION
Il ya encore 50 ans c'est-à-dire dans les années
60, le bon gouvernement ne se déterminait qu'en terme de performance
économique quel que soit parfois le coût humain. Cependant ces
vingt dernières années la question a changé de cap, tout
véritable développement devra se fonder sur le respect des
principes démocratiques en atténuant les coûts politique et
social. Ce principe s'est imposé comme norme première de
qualification de la meilleure gestion de la chose publique. Car c'est seulement
de là que réside la légitimité et
l'efficacité. Il s'agit essentiellement de la notion de la Bonne
gouvernance.
En effet cette notion qui est étymologiquement
très ancienne est réapparue dans les années 80 et 90 dans
le cadre du néolibéralisme anglo-saxon visant à trouver un
terrain d'entente entre le politique et l'économique mais surtout
à limiter voir supprimer l'interventionnisme excessif de l'Etat sur le
marché économique (plus de privatisation et moins de public) en
vue d'une gestion rationnelle, transparente et responsable des richesses
nationales. Cela devra impliquer une forte participation des citoyens aux
différents niveaux de prise de décision aussi leur contrôle
de l'exécution de ces décisions.
Ainsi très tôt les institutions de Breton woods
vont s'en approprier pour les inclure dans les conditionnalités de
coopérations avec les Etats du tiers monde. C'est dans ce contexte que
cette notion fut considérée par ces derniers comme une nouvelle
forme d'impérialisme et d'ingérence dans leurs affaires.
Cependant, la démocratie devenant la condition de tout
développement harmonieux et durable, inscrite comme talon d'Achille de
cette notion de bonne gouvernance, demande pour sa réalisation que cette
dernière notion soit vraiment prise en compte. D'où un autre pont
que les Etats candidats à la démocratie devront traverser.
Toutefois au delà de ces défis, un constat se
pointe à l'horizon sur le contenu réel de ce qu'on qualifie
d'enjeux de la démocratisation en Afrique. Ce constat nous pousse
à nous interroger si ces concepts dont l'universalité est tant
défendue par des auteurs comme le professeur Ngakoutou, ne sont pas tout
simplement le fruit d'un universalisme occidental qui s'inscrit dans la fameuse
eschatologie de Fukuyama et qui tente d'uniformiser le monde ? Relever ces
défis constitue t-il pour ces pays la voie à l'accès au
bien être dont la recherche sous tend ces changements ? Les
pères des indépendances, théoriciens des partis uniques
n'avaient ils pas raison lorsqu'ils pensaient que leur construction
étaient plus adaptées aux contextes africains. C'est donc
à ces questions qu'il conviendra de répondre dans les lignes qui
vont suivre mais bien avant, il sera nécessaire d'exposer la
réponse des Etats d'Afrique noire francophones aux demandes de la Baule
et indirectement des Bailleurs de fonds. Il s'agira donc des formes et des
limites de ces transitions démocratiques.
PARAGRAPHE 2 : LES FORMES ET LES LIMITES DE CETTE
DEMOCRATISATION
« La démocratie doit avoir des racines
nationales, elle ne saurait être importée, vendue ou
achetée. Elle ne peut être imposée de l'extérieur.
Le peuple de chaque nation doit prendre en main son destin et façonner
le type de gouvernement adapté à ses aspirations
nationales ».
« La démocratie si-elle est son choix -doit
se nourrir, si nécessaire, du sang, de la sueur et des larmes des
citoyens d'une nation »71(*).
Jean Pierre Le Bouder
Après le fameux discours de la Baule le 20 Juin 1990,
les chefs d'Etas africains entre refus et acceptation, se sont mis rapidement
à la tache pour convertir leur système en démocratie. Par
la multiplicité des voies qui furent suivies pour atteindre le
même objectif, les formes des transitions (I) seront aussi diverses.
Mais si ce fait ne dénotait que des différences de contexte
propre à chaque Etat, que dire de cette autre différence qui
sépare le monde de la provenance du système à instaurer et
les réalités sociopolitiques et économiques des terres de
destination. Ce qui débouche inéluctable sur l'idée des
limites à l'acclimatation démocratique en Afrique noire
francophone (II).
I. LES FORMES DES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES
Ici, nous entendrons par formes des transitons
démocratiques les différentes réactions politiques aux
injonctions externes et internes de démocratisation des régimes
à parti unique d'Afrique. Autrement dit, les diverses procédures
de sortie de l'autoritarisme. A cet égard, il faut dire que si certains
pays ont procédé par voie de conférence nationale (A),
d'autres l'éviteront pour privilégier la négociation et
l'octroi (B). A ces deux formes il faut ajouter celle des transitions
retardées (C) et enfin les transitions par coup d'Etat (E).
A. LA TRANSITION PAR VOIE DE CONFERENCE
NATIONAL
La conférence national est définie par O'Donnell
et Schmitter (1986, p.37) comme : « accord explicite,
quoique pas toujours explicité ou justifier publiquement, entre un
ensemble choisi d'acteurs. Accord qui tente de définir ou mieux de
redéfinir les règles qui gouverne l'exercice du pouvoir sur la
base de garanties mutuelles concernant les intérêts vitaux de ceux
qui adhèrent au pacte. Avec au coeur du pacte, un compromis
négocié au terme duquel les acteurs acceptent de ne pas porter
atteinte à l'autonomie d'organisation et aux intérêts
vitaux des autres». Il s'agit d'une instance qui se veut souveraine
et porteuse d'une légitimité populaire. Elle est
constituée de forces vives, commence par la suspension de la
constitution et l'écartement l'ancien président ou sa
destitution à la tête de l'Etat, ensuite un premier ministre est
nommé pour conduire la transition. Elle nécessite une classe
politique mure et volontairement engagée, qui puisse contrôler ces
discours dans les débats afin de ne pas voir les discussions
débouchées sur des affrontements violents ou leur blocage par le
pouvoir sortant. Il faut aussi que cette classe d'élites soit
imprégnée des valeurs politiques traditionnelles et modernes afin
de les combiner le mieux.
Pour le cas d'Afrique noire francophone, c'est le Benin,
premier à s'être engagé dans la transition, qui donna
l'exemple le plus réussi de cette forme. Elle sera suivi dans le courant
des années 90 et 1991 par le Gabon, le Congo, le Niger, le Togo, le
Zaïre, et plutard en 1993 par le Tchad. Contrairement au cas
béninois, apaisé, souveraine, et achevé dans un climat de
détente, les autres expériences seront marquées par des
violences (Zaïre et Togo), l'absence de souveraineté (Gabon), le
caractère ritualisé, bourré de règlement de comptes
puis suivis de troubles (Niger et Congo).
B. LA VOIE DE L'EVITEMENT DE CONFERENCE
NATIONALE
Cette forme de transition qui consiste à feinter
ingénieusement tout forum politique que l'on considère l'issue
incertaine, se solde par un changement court-circuité par le pouvoir en
place qui engage un dialogue avec les partenaires sociaux et politiques pour
déterminer la procédure de sorite du régime fermé
pour celui démocratique. Cela intervient dans une situation où le
pouvoir est poussé jusqu'au dos sans porte de sortie. Sans se laisser
faire, le pouvoir cherche une certaine légitimité politique dans
un contexte où l'opposition se trouve divisée et donc affaiblie.
En outre il faut dire que la démocratisation par
évitement de la conférence nationale peut avoir deux
conséquences : soit qu'elle aboutit à l'expression d'une
volonté de démocratisation mais dans la prudence vue les enjeux
en ce moment ; ou soit qu'elle soit un simple ruse du pouvoir en place
afin de construire de nouveaux instruments de domination.
De nombreux pays avaient suivi cette voie : c'est le cas
de la Côte d'Ivoire en 1990 où des élections
précipitées furent organisées, aussi du Burkina Faso et
Cameroun où des conférences dites respectivement de
réconciliation nationale et tripartite furent réalisées
sous le contrôle des pouvoir politique. La Guinée suivra aussi la
même voit lorsque le président profitera de la division de
l'opposition pour ce maintenir au pouvoir.
C. LA FORME DES TRANSITONS RETARDEES
Cette modalité de transition intervient en
général dans des contextes où le processus se trouve pris
en otage par les anciens ténors du pouvoir. Elle peut facilement se
réaliser dans le cadre d'une transition négociée où
après une première manifestation de volonté de
réformes, les chefs autoritaires bloquent ou ralentissement la poursuite
de ces réformes et s'accaparent à nouveau de l'appareil d'Etat.
Et de ce fait, « les luttes continuent et se
prolongent ». Toutefois, il faut dire que malgré la
durée certaine de ces transitions retardées arrivent à se
réaliser surtout lorsque l'opposition réussie à se
réorganiser et à retrouver sa force.
A titre d'exemple de ces formes de transition nous avons le
cas en Tanzanie ou au Kenya.
D. LA VOIE DE LA TRANSITION PAR COUP
D'ETAT
Selon le lexique des termes juridiques (2005 ;
p184) le coup d'Etat est l': « action de force contre
les pouvoirs publics exécutée par une partie des gouvernants ou
bien des agents subordonnés, notamment des militaires (putsch ou
pronunciamiento) et qui vise à renverser le régime établi
(exceptionnellement à le défendre : les coups d'Etat en
« chaine » du Directoire pour rétablir l'harmonie,
souvent rompue, entre les pouvoirs publics)». Il s'agit là
donc, d'un changement plus rapide et violent qui peut ou non se terminer par
l'instauration de la démocratie.
Toutefois, plusieurs cas de figures ont permis la mise en
place de régime démocratique aujourd'hui en voie de
consolidation. Le Mali d'Amadou Toumani Touré en est un exemple, le
Bénin, la Guinée avec le général Sékouba
Konaté en 2010 sont aussi des illustrations.
En somme, bien qu'empruntant le chemin de la
démocratisation de manière différente et variée,
une seule conclusion peut être tirée pour le moment de ces
parcours : c'est le fait que ce chemin est épineux, gorgé de
difficultés. Cela s'explique par ces traits presque communs à
tous ces Etats : la faiblesse des alternances, les élections
toujours sabotées et truquées mais aussi l'importance des
violences qui les suivent (par exemples le tout dernier cas Ivoirien en
début 2011 où on a assisté à une guerre
civile ; la situation guinéenne où la guerre a
été évitée de justesse), les restrictions de
libertés fondamentales des citoyens comme la liberté de la presse
etc....
Face donc à cette situation, un observateur attentif se
doit de chercher des raisons rationnelles et objectives. Il s'agit donc de
reconnaitre que la démocratisation en Afrique a belle et bien des
limites qu'il convient de savoir d'où ce (II).
II. LES LIMITES A L'ACCLIMATATION DEMOCRATIQUE EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
A regarder aujourd'hui le continent africain en
général et plus particulièrement l'Afrique subsaharienne,
nous pouvons dire que la démocratisation a connu un grand
progrès. Cela s'explique par le nombre de plus en plus croissant d'Etats
qui consacrent depuis quelques années des alternances politiques de plus
en plus régulières comme c'est le cas au Mali ou au Ghana. Aussi
des rapports d'organisations internationales placent certains d'entre eux parmi
les pays du monde qui connaissent un indice de développement humain
vraiment confortable. C'est l'exemple des îles Maurice, du Botswana.
D'autres aussi connaissent des progrès économiques remarquables.
Tel est du Rwanda, de l'Angola, de la Guinée équatoriale, du
Sénégal etc... En outre, presque dans tous les pays se diffusent
les nouveaux moyens de communication qui sont les radios, les chaines de
télévision et surtout l'internet. Bien que leur accès soit
limité et leur action très surveillée, ces nouveaux
acteurs de la vie démocratiques jouent aujourd'hui un grand rôle
dans la promotion et la concrétisation de la démocratie
Africaine. Sans oublier les actions de l'Union Africaine en la matière.
Toutefois, au-delà de toutes ces performances non
négligeables, d'énormes blocus ralentissent encore les processus
d'ouverture politique lancée il ya maintenant plus de deux dizaines
d'années. Ces obstacles sont nombreux et variés. Cependant il
conviendra de s'atteler à ceux que nous appelons ici les fondamentaux
qui sont essentiellement culturels: la question de l'incompatibilité de
certaines réalités socioculturelles africaines avec la
démocratie libérale (A) et l'Absence de culture politique
Africaine (pensées politiques) (B).
A. LA QUESTION DE L'INCOMPATIBILITE DE CERTAINES
REALITES SOCIOCULTURELLES AFRICAINES avec la démocratie
libérale
Dans les apparences, les pays d'Afrique en
général et particulièrement ceux d'Afrique noire
francophone sont vraiment en voie de démocratisation. Une telle
affirmation peut être sans doute la conclusion d'une observation qu'on
fait des institutions politiques et juridiques de ces pays mais surtout sur
les beaux discours que peuvent tenir les dirigeants. Cependant dans la
pratique, les comportements s'annoncent contraires aux principes
dégagés par les textes et que les institutions symbolisent. Cette
contradiction n'est pas le fait d'un hasard car elle a ses racines dans
l'opposition des idées fondatrices des sociétés
(occidentales) qui ont engendré ces systèmes et celles des
sociétés (Africaine) qui tentent de s'en approprier. Ces
contradictions s'articulent autours de ces points essentiellement : celle
entre l'individualisme démocratique et l'esprit communautaire et le
problème lié à la persistance de certaine conception du
pouvoir.
Concernant le premier problème, il est crucial, car
elle touche les bases mêmes des deux mondes. Plus haut nous avions
souligné que la démocratie était une culture. Mais aussi
l'Afrique est le monde d'une autre culture. Pour la première culture ou
la culture démocratique, elle est fondée sur la philosophie
individualiste elle-même fondée sur celle de sujet. La philosophie
du sujet humaniste qui privilégie l'individu sur tout. Il est le
début et la fin. Aussi elle renvoie à l'idée d'individu
et d'institutions sociopolitiques chargées de conforter cette
idée et de la réaliser. Ces institutions oeuvrent donc afin de
consacrer au plus haut sommet de la sphère sociétale les
libertés de l'individu et c'est de là qu'elles tirent leur
légitimité. Mais cette culture suppose que cet individu soit
maitre de sa parole et de son esprit critique. C'est la symbiose de ces deux
instances qui ont fondé les habitus démocratiques qui se
traduisent par la pratique du droit à la différence,
l'acceptation des débats contradictoires, la reconnaissance et la
défense des droits de l'Homme.
C'est donc ce culte de l'individu qui a aboutit à la
mise en oeuvre de principe de séparation de pouvoir au profit de
l'individu, de protection de l'intérêt individuel.
A établir un parallèle entre cette philosophie
et celle qui sous-tend les actions politique et la socialisation dans les
sociétés africaines, nous décelons une opposition des
principes de base. En effet, dans la culture démocratique occidentale on
consacre un culte de l'individu par contre la culture africaine ce dernier
n'existe que par rapport à sa communauté, son groupe social.
Ainsi ces intérêts ne sauraient primer sur ceux de la
communauté.
Cette conception, dès le départ, du rapport de
l'Homme avec la société dans la pensée africaine est
à l'origine du droit africain pour lequel les droits du peuple sont au
dessus des droits de l'individu ou droits de l'homme. C'est pourquoi la charte
de l'Organisation de l'Unité Africaine tentait de réunir ces deux
types de droits qui sont conçus par certains auteurs comme
contradictoire... C'est le cas de Francis Akindés.
Il apparait, donc, sans doute que l'Afrique à sa propre
conception des droits de l'homme qui est désormais plus tournée
vers les peuples que vers les individus, car en Afrique, la vie communautaire
est l'origine et le fondement de la civilisation et des rapport sociaux de
toues natures.
Ainsi, il devient facile de comprendre que le non respect de
certains principes démocratiques n'est pas un fait isolé mais la
manifestation d'un état d'esprit, une philosophie des choses. Il est
évident qu'avec de telle pensée des droits de l'homme tels
avancés dans la philosophie libérale ne pourront être
facilement pris en compte en Afrique et par conséquent la
démocratie qui les matérialise trouvera difficilement son
accomplissement.
Par ailleurs, il faut préciser que cette contradiction
ne saurait être l'expression du refus de reconnaitre
l'universalité des droits de l'homme car, pour nous, si les concepts
fondamentaux qui régissent cette notion sont communs à tous les
peuples du monde tel que le concept de justice, force est de reconnaitre que
les peuples n'en ont pas les mêmes interprétations. Loin
d'être une source de conflit de cultures, nous pensons que cela devrait
être perçu comme la manifestation concrète de leur
différence. Différence qui devait être respectée par
la reconnaissance du droit à l'adaptation de ces concepts par chaque
peuple. C'est d'ailleurs dans ce sens que le président chinois Hu Jin
Tao s'adressait aux français en soulignant que la Chine ne
méconnaissait pas l'existence des droits de l'homme mais elle doit les
adapter.
A l'instar de cette première contradiction, il faut
dire que certaines conceptions du pouvoir, qui ne sont pas forcement propres
à l'Afrique mais qui y sont déjà présentes, sont de
véritables obstructions à la démocratisation.
Pour mieux les aborder il faut recourir travaux
réalisés par les anthropologues Africains ou non sur les
sociétés précoloniales africaines. Grâce à
ces travaux les sociologues politologues se sont rendu compte qu'il y a bien
une étroite relation entre les autoritarismes actuels en Afrique et la
conception précoloniale du pouvoir mais aussi de l'homme.
En effet, selon les études effectuées par le
philosophe béninois Basile Kossou (1981 :92) sur les royaumes du
Dahomey (actuel Benin), les institutions monarchiques étaient
agencées de sorte que le Roi ne rendait compte de ses actes à
aucun vivant sauf aux ancêtres et par ce fait il jouissait d'un pouvoir
énorme et sacré. Il disposait d'un pouvoir de contrôle et
de commandement sur toutes les autres institutions de la société.
C'est dans cet esprit que Béhanzin (Roi de Dahomey) obligea un jour le
Bokonon (le devin) à recommencer la consultation du fâ
par ce que le premier message délivré par les ancêtres et
les dieux contrecarrait ses desseins et ses projets de guerres.
Delà, il ressort aussi que même sur la structure
religieuse qui était sensée limiter son pouvoir, il les coiffait
toutes. Aussi, du point de vue de la valeur humaine, il faut dire que les
sociétés Africaines ne font pas exception à la
règle que connurent presque toutes les autres sociétés
antiques. Ainsi en Afrique il n'était pas exclu de voir se
réalisés des sacrifices humains pour implorer l'aide des dieux et
épargner toute la société d'un cataclysme. Cela montre
encore que la survie de la société passait devant celle de
l'individu. Plus loin certains rois faisaient les mêmes sacrifices pour
conserver leur pouvoir. De même à leur mort, ils devaient
être accompagnés de tout ce qui pouvait leur permettre une vie
royale dans l'au-delà : c'est le cas de ses femmes, de ses esclaves
et de certaines ces richesses. Selon le même auteur, les
cérémonies des rois d'Abomey devraient durer plusieurs jours
contrairement au commun des gens et ils pouvaient être accompagnés
d'au moins par quarante une personnes.
Par cette considération surnaturelle de la personne du
roi, il restait le seul détenteur des pouvoirs législatif,
judiciaire et exécutif. En fin, il avait droit de vie et de mort sur ses
sujets. Ces pratiques peuvent être identifiées depuis l'Egypte
antique sous les pharaons.
En outre, cette vision du pouvoir ne dissociait pas la
détention des richesses où de l'essentiel de ces richesses par le
seul maitre qui a un pouvoir absolu sur tous les biens. En ce sens, Francis
Akindés rentre dans l'impensée des africains pour citer ce
proverbe : « les chèvres broutent là
où elles sont attachées». Il part plus loin pour toucher par
exemple les langues Fon et Ewé respectivement du Benin et du
Togo. Dans la première l'expression Dou-gan et dans la seconde
Dou-fia se traduisent tous étymologiquement
« manger le pouvoir » et signifient accéder
au pouvoir. De là, il se déduit que tout ce qui est mangé
ne peut être partagé et par conséquent le pouvoir et tout
ce qui lui est lié devient la propriété du
détenteur de ce pouvoir. C'est cette pratique que Jean Bayart a
appelé « politique du ventre ».
De telles idées ont pu marquer les pouvoirs de partis
uniques qui sont issus des indépendances. Ainsi Mobutu appelait à
une authenticité qui faisait de lui un empereur. Aussi les
présidents guinéen et malien étaient appelés Famas
(ou chef selon la tradition).
Par ailleurs, il faut dire que ces habitus n'étaient
pas seulement une imitation d'une Afrique précoloniale mais aussi d'une
époque coloniale qui contribuera fortement à la construction de
ces fléaux ou à leur fortification : c'est le cas de la
corruption et le clientélisme qui en découlent.
La persistance de l'ensemble de ces facteurs ne peut que
retarder voire freiner l'évolution démocratique des Africains en
général et surtout des pays d'Afrique noire francophone.
Toutefois, le vrai problème semble n'être pas là car
l'occident qui réclame cette démocratie ne peut se
détacher de son passé qui était aussi régi par les
mêmes formes d'idées et de pratiques. Ce vrai problème
parait être donc la question de culture politique proprement africaine
à laquelle devrait être adaptée la démocratie.
B. L'ABSENCE DE CULTURE POLITIQUE
AFRICAINE : ou les idées politiques
De prime abord, il faut souligner que cette présente
réflexion est l'une des plus importantes car, comme Akindés, nous
sommes de ceux qui pensent que la « construction d'un système
politique jouissant d'une autonomie plus ou moins réelle passe d'abord
par la mise en place d'un véritable «système
idéologique » qui s'incère dans l'universel. Ce
système d'idées d'une importance capitale est le levier qui
permet une adaptation des grands principes de droits naturels aux
nécessités locales dans l'élaboration des règles
qui commanderont les rapports sociaux. Et par cette action il parvient à
situer la souveraineté nationale sur tous les intérêts
individuels et détermine les contours de la nation en posant les
principes clef qui la fonde. C'est lui qui devra dégager les valeurs qui
font la spécificité de la nation.
Il faut dire que ces idées vont au-delà de la
seule sphère politique et touchent tous les aspects de la vie
sociétale. Elles sont puisées de l'histoire et s'enrichissent au
fil du temps avec des emprunts non exclus qui sont faits des autres peuples.
Pour l'Afrique, si une analyse de l'histoire nous a
permis de découvrir que toutes les valeurs issues du passé ne
sont plus adaptées à l'actualité, cependant il ne faut pas
oublier que ce même passé est bourré d'énormes
richesses intellectuelles qui devaient nous permettre de construire aujourd'hui
un système d'idées auquel les valeurs universelles
véhiculées par les droits de l'homme pouvaient s'insérer.
A cet égard de nombreuses réflexions on été
menées dans ce sens malgré qu'elles ne font pas objet d'usage par
les classes dirigeantes en Afrique. Ainsi dans sa thèse de doctorat
(université Michel Montaigne-Bordeaux3) Mamadou N'diaye
développait la thèse de la tradition démocratique
africaine soutenue par de nombreux ténors de la pensée politique
contemporaine en Afrique. C'est l'exemple de Cheikh Anta Diop, père
fondateur de l'Egyptologie moderne, qui pense qu'en considérant le jeu
de l'équilibre des pouvoirs comme un principe fondamental d'un
système démocratique, l'Afrique reste et demeure une origine de
la démocratie. A cet égard il faut rappeler que dans les
sociétés traditionnelles africaines, contrairement à ceux
qu'avance la plupart des anthropologues, les chefs n'étaient pas aussi
libres qu'on puisse le croire car il devait toujours obéir aux ordres de
la gérontocratie ou le conseil des anciens. Ce dernier devait être
composé de personnes ayant acquis une grande sagesse, capables de se
prémunir contre toute forme de corruption. Aussi dans la
société mandingue (Royaume du Mali en Afrique de l'Ouest) par
exemple, le griot, bien que très fidèle au roi ne
s'empêchait pas de lui dire la vérité car investie de se
pouvoir non pas par le chef mais par les normes de la société.
Donc ne tirant pas sa légitimité d'une nomination du chef,
était un véritable contre-pouvoir. Non loin de là se
trouve les écrits de Léopold Sédar Senghor pour qui cette
question de démocratie n'est pas seulement un problème de
procédure institutionnelle mais c'est aussi et surtout une question de
vertus, celles de l'honnête homme qui caractérise par un sens
élevé de l'honneur, la maîtrise de soi et
l'hospitalité. Et ce sont ces traits qui faisaient d'un homme Roi dans
le Royaume du Sine Saloum. Dans ce royaume la sagesse, la connaissance de la
tradition étaient les marques principales du chef et par ce fait les
populations étaient rassurés de n'être pas gouvernés
par un Bandit.
Dans la même logique Malick N'diaye
revendique la paternité de la démocratie lorsqu'il
écrivait en 1996 : « Si l'on fait de notre
République moderne une création du colon, c'est qu'on a pas
compris le processus qui lui a donné naissance en l'absence même
du colon! Sans la colonisation et bien avant les Français de 1789, nous
avons eu une République ou tout au moins l'égalité des
conditions caractéristiques d'une société
démocratique (Tocqueville), ainsi que nous en trouvons des exemples
pertinents chez les Lebu et les Tukulöör»72(*).
En plus de ces idées, il faut rappeler que le
constitutionnalisme en tant que pratique politique n'est pas étranger
à l'Afrique car, guidés par un grand sens du dialogue, les
Africains se sont souvent mis ensemble pour établir des contrats devant
régir leurs rapports entre eux. C'est dans ce sens que l'éminent
historien Africain Joseph Kizerbo citait l'exemple du Royaume musulman
d'Ousmane Dan Fodio de Sokoto (1754-1817) mais bien avant ce dernier il y
avait l'empire du Mali (qui regroupe l'actuelle Guinée, le
Sénégal, le Mali....) qui, au XIIIème siècle,
instituera l'historique charte de Kouroukan Fouga qui est
considérée d'ailleurs par la plupart des auteurs contemporains
comme la première déclaration de droits humains. Ce fut une
véritable constitution au sens du droit constitutionnel moderne.
Au regard de toutes ces données, il
ressort que les pays d'Afrique disposent d'une richesse intellectuelle
abondante en matière de pensées politiques et dont la
mobilisation est indispensable afin de rendre les notions fondamentales de
valeurs humaines facilement perceptibles aux populations qui croient (comme
certains intellectuels) que ces valeurs n'appartiennent qu'à l'occident.
Aujourd'hui si tous ces pays ventent les
réussites japonaise et chinoise, c'est par ce que ces peuples ont pu
construire une modernité sur des valeurs antiques.
Donc pour nous, la raison fondamentale de
l'échec des démocratisations ou de leur ralentissement
résulte du fait qu'elles se sont introduites dans un monde où
les systèmes de valeurs ont été abandonnés. Ces
systèmes de valeurs tels dégagés par les idées
traditionnelles évoquées plus haut devraient être les clefs
de la socialisation dans ces pays. Ce qui pouvait nous conduire à parler
d'autonomie politique.
Toutefois, si « évoluer, c'est
relever les défis de la vie... » (Edouard Chevardnadzé,
1991 ; p.45) ces Etats africains ont encore à s'employer avec plus
de détermination pour relever le défis de la
démocratisation au-delà de tout ce qu'ils ont consacré
pour le moment comme progrès.
Pour conclure donc ce chapitre sur les
expériences il faut tout d'abord dire qu'il a été d'une
grande utilité car ayant permis de donner une vue d'ensemble du
phénomène en étude. En appliquant les instruments
théoriques de la transitologie à ces expériences nous
sommes arrivées à comprendre que les voies de réalisation
de la démocratie ne sont pas uniformes malgré la présence
de traits communs qu'on ne saurait ignorer. Cependant la voie de la
négociation et du dialogue à sembler être toujours la
meilleure même si elle a parfois l'inconvénient d'omettre la
question d'une justice sociale que d'autres pourront toujours revendiquer.
Ainsi doté de moyens nécessaires pour
la comparaison de cas, nous devons entamer sitôt l'expérience
guinéenne qui est objet de ce travail. Mais vu que cela concerne
directement l'Etat guinéen, il conviendra pour ce faire de savoir
comment cet Etat est apparu. Ce qui nous permettra de tisser un lien de
causalité entre certaines réalités du présent et le
passé.
CHAPITRE 3 : L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE
(Conakry) : héritage colonial et émergence de l'Etat
guinéen
Le titre de ce chapitre peut être
provocateur. Car il n'est pas vraiment exclu de se demander pourquoi parler de
l'histoire politique de la Guinée au beau milieu de ce travail et non
pas dans l'introduction. S'il est vrai que nous ne réfutons pas en bloc
de telle pensée, nous pensons cependant que les idées n'ont de
sens que dans le contexte dans lequel elles sont exprimées. Et pour ce
chapitre il s'agit de rendre notre travail plus cohérent dans
l'enchainement de son contenu : car, comme souligné plus haut, le
présent a toujours ses germes dans le passé.
Cela dit il convient de rappeler que la
Guinée a été depuis l'époque précoloniale le
foyer de grands peuplements et de grands empires et royaumes. Ce fut d'abord
les Baga et les Nalous qui s'installèrent au VIIème
siècle ; puis au XIème siècle ce fut le tour des
Jalonkés. C'est à la suite que vinrent les peulhs et les
mandingues entre XVIème et le XVIIIème siècle apportant
avec eux l'Islam. Cependant durant tout ce temps les peuples forestiers seront
toujours présents dans la région forestière de la
Guinée. Chacun de ses groupes formera soit un empire ou un royaume.
Ainsi les Baga et Nalous fonderont les royaumes de la basse côte, au
Fouta Djallon où vécut le royaume théocratique peulh, en
haute guinée exista l'empire Wassoulou de l'Almamy Samory Touré
et enfin dans les régions forestières vécurent des chefs
comme Kissi Kaba Keita et N'Zébéla Togba. Mais avant ces
entités moins vastes, la Guinée connut le très ancien
empire du Ghana (du VIIIème jusqu'au Xème siècle
après J.C), ensuite vint l'empire du Mali de Soundjata Keita qui durera
du XIIIème siècle jusqu'au XVème siècle.
Durant donc des siècles les royaumes et les
empires se succédaient, développant au fil du temps de
fructueuses relations commerciales, intellectuelles et religieuses avec
l'Afrique du Nord et les commerçants musulmans de l'Est. Mais
Bientôt ces structures vont être bouleversées avec
l'arrivée des européens d'abord pacifiquement puis par la
violence. Et, après de longues luttes avec les résistants
africains, ils finirent par triompher vers la fin XIXème siècle
et imposèrent donc le système colonial duquel est née
l'Etat guinéen.
Dans cette présente réflexion, nous
n'allons pas rentrer dans la période précoloniale, mais nous
partirons de la pénétration coloniale en Guinée et la
constitution de la colonie française de Guinée (Section1) pour
aboutir l'Emerge de l'Etat à travers le transfert du pouvoir colonial
(Section2).
SECTION 1 : DE LA PENETRATION COLONIALE A LA
CREATION DE LA GUINEE FRANÇAISE
C'est au nom d'une mission d'évangélisation que
fut ordonnée par le pape Alexandre VI Borgia (1431-1503) que la
conquête de l'Afrique par, principalement le Portugal (puissance mondiale
de l'époque avec l'Espagne). A cet argument s'ajouteront plutard ceux de
la recherche scientifique et du commerce avant de se solder par la
conquête politique qui mobilisera toutes les puissances coloniales
européennes : française, anglaise, hollandaise, allemande et
italienne en plus des deux premières déjà citées.
La Guinée située sur les terres côtières sera
très tôt envahie par les impérialistes (paragraphe1) avant
de rester pendant plus d'un demi-siècle une colonie française
(paragraphe2).
PARAGRAPHE1 : LES IMPERIALISTES A LA CONQUETE DE LA
GUINEE
La conquête de la Guinée ne s'est pas
faite d'un seul coup c'est-à-dire par la seule voie violente car, avant
cette dernière, le pays connut d'abord la présence de nombreux
explorateurs ayant des buts différents : le commerce,
l'évangélisation, la recherche scientifique. C'est donc ces
voyageurs qui préparèrent le terrain aux conquérants
grâces aux importantes informations qu'ils fournirent.
Dans cet ordre il faut cités d'abord le
portugais Nuno Tristao qui atteint la rivière Rio de Nunez à
laquelle il donna son nom. Il fut cité dans une chronique de 1453. La
découverte de cette rivière fut d'une importance capitale car
elle ouvrait la voie aux riches terres côtières guinéennes
et à la route de la région du Fouta Djallon. Ensuite vinrent les
anglais le Major Peddie et le Capitaine Campbell à la tête d'une
expédition en 1816 pour découvrir la route du Fouta sous la
délégation de leur pays. C'est à la suite que le
Français Mollien partit du Kayor au Sénégal, traversa le
Boundou pour atteindre le Fouta Djallon en visitant Timbo. Il sera suivi
à partir de 1827 par René Caillé qui alla de
Kakandé, passa par Boké puis Labé en 1828 pour continuer
vers Tombouctou, ville qu'il cherchait coûte que coûte à
voir. Mais c'est Olivier de Sanderval qui vint réellement en
Guinée en vue d'obtenir des avantages pour la France. C'est ainsi qu'il
réussit la signature d'un traité en 1881 avec l'Almamy du Fouta
Karamoko Alpha pour la construction d'un chemin de fer par la France. En somme,
tous ces voyages vont plutard ouvrir la porte à la véritable
occupation par la force qui sera réellement engagée par la France
après élimination de ces concurrents déjà en place
depuis plusieurs années.
En effet, en tant que principale puissance mondiale
de l'époque, le Portugal fut le premier à atterrir sur les
côtes guinéennes. Il y installa très tôt des
comptoirs pour le commerce portant essentiellement sur l'épice, l'huile
de palme, l'Ivoire, l'or, les esclaves avec les populations autochtones Baga et
landouma. Cette présence portugaise restera marquante grâce aux
noms qu'ils donnèrent aux principaux cours de la côte tels que le
Rio Nuñez, le Rio pongo, la Cap Verga...). Aussi des noms de famille
portugais furent portés par certaines familles. C'est le cas des Gomez,
des Fernandez de Guinée.
L'expansion coloniale portugaise sera rapidement
freinée dans les territoires de l'actuel Guinée Bissau avec
l'arrivée de nouvelles puissances coloniales : d'abord les
britanniques puis les français. Les premiers ne s'attarderont pas sur
les côtes guinéennes mais continueront vers le sud où ils
se concentreront et donneront naissance à l'actuel Sierra Léone.
Quant aux français futurs maitres de la Guinée, supplanteront
toutes les autres puissances coloniales en moins de quarante ans.
A cet égard avant de se donner la
propriété des territoires guinéens, la France dut
affronter d'énormes résistances.
Commençant par la basse côte, les
français y ont affronté les hostilités du chef nalou
musulman Dina Salifou. Mais ce ne fut très important car
déjà, avant leur arrivée, des rivalités intestines
étaient très présentes. C'est ce qui facilita
l'arrestation de Dina Salifou qui fut déporté au
Sénégal en 1900, où il mourût.
Au Fouta par contre, les français
découvrirent une société très organisée et
stratifiée. Ils y pénètrent grâce au premier voyage
de l'explorateur français Olivier de Sanderval en 1880 qui
prépara la future conquête en nouant de bonnes relations avec les
chefs et les populations. C'est à la suite que la France envahit le
Fouta Djallon, après avoir définitivement écarté
les anglais. Elle combattit l'Almamy Bocar Biro avec le soutient de
l'armée de Sanderval une partie des notables et le vainquit en 1896. Le
Fouta tombait ainsi sous la domination française. Partant, la France ne
va pas s'arrêter là, elle continuera vers le Nord pour s'attaquer
au royaume toucouleur d'El hadj Omar Tall et à l'empire Wassoulou de
l'Almamy (chef musulman) Samory Touré.
Avec ce dernier, la résistance dura
plusieurs années. Après avoir mis en déroute plusieurs
fois les troupes françaises notamment en 1882 et en 1885, l'Almamy
Samory Touré sera affaiblit successivement avec les attaques
répétées des français de 1891 jusqu'en 1898
où il fut arrêté à Guéléma en
Côte d'Ivoire, il fut fait prisonnier et déporté au Gabon
où il mourût le 2 Juin 1900. Dans la région
forestière la résistance ne prendra pas assez de temps. Elle fut
réellement le fait de Kissi Kaba Keita et de N'Zébéla
Togba Pivi.
Après avoir ainsi supprimé la
quasi-totalité des opposants à sa puissance la France
décrétera la Guinée comme colonie française en
établissant ses frontières avec les autres colonies.
PARAGRAPHE2 : LA PROCLAMATION DE LA COLONIE :
organisation et fonctionnement
Comme résultat de ces conquêtes menées
depuis plusieurs années, la France obtint une région plus ou
moins pacifiée sur laquelle elle devait établir ces droits de
propriété. Cette région par la suite devrait obtenir le
statut de colonie indépendante de Guinée (I) avec son
organisation et son fonctionnement (II).
I. LA PROCLAMATION DE LA COLONIE INDEPENDANTE DE
GUINEE : la Guinée française
C'est par un décret du 17 Décembre 1891 que la
colonie des Rivières du Sud devint la colonie indépendante de
Guinée (à ne pas confondre avec la Guinée
indépendante de 1958) sous l'initiative de son premier Gouverneur Dr
Noël Ballay. Cependant avant cette date, la colonie de Guinée
appelée encore Rivières du Sud était sous le
contrôle d'un commandement particulier institué à
Gorée au Sénégal par le décret du 20 février
1859. Ce commandement devait veiller sur les établissements commerciaux
français et le respect des traités conclus avec les
autochtones.
En 1882, un décret du 12 Octobre attribut la
qualité de colonie française aux rivières du Sud, tout en
les gardant sous la dépendance du Sénégal. Le Dr Bayol
sera le lieutenant- gouverneur, assurant sa direction avec de large pouvoir
dépassant le cadre des rivières du sud pour toucher tout le
littoral jusqu'au Gabon.
Le 1er Août 1889, la colonie des
Rivières du sud, constituées des établissements
français de la Côte d'or et du golfe de Benin obtint son autonomie
face à l'administration centrale du Sénégal.
C'est après ce périple que le résultat plus
haut sera atteint. Mais les frontières ne seront définies qu'en
1899 et reconnues par plusieurs textes internationaux tels que :
Ø l'arrangement du 21 décembre 1885 avec
l'Allemagne qui renonce à ses prétentions sur les territoires
situés entre le Rio Nunez et la Mellacorée ;
Ø la Convention du 12 mai 1886 avec le Portugal
fixant les limites de la Guinée Portugaise et de la Guinée
Française et reconnaissant notre protectorat sur le Fouta ;
Ø la Convention franco-britannique du 10 août
1889, complétée par celles du 26 juin 1891 et du 24 janvier 1895,
fixant la délimitation avec la Sierra-Leone ;
Ø la Convention du 8 avril 1904 avec l'Angleterre
cédant les îles de Los à la France ;
Ø le traité franco-libérien du 13
janvier 1911 délimitant la frontière.73(*)
Ainsi constituée, cette colonie devrait rentrer dans la
Fédération Occidentale française et devenir un
« territoire français d'outre-mer » par la
constitution du 7 Octobre 1946.
Mais comment cette colonie était-elle organisée
et comment fonctionnait-elle ?
II. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COLONIE
FRANCAISE DE GUINNEE
La Guinée française était l'une des six
colonies françaises d'AOF (Afrique occidentale française) dont la
capitale fut Dakar où résidait le ministère des colonies
créé en 1894. Dans tout cet espace colonial français,
le système d'organisation et de fonctionnement était presque le
même partout : une forte centralisation du pouvoir de
décision marquait la hiérarchisation administrative, la quasi-
exclusion des indigènes ou autochtones est présente.
L'exploitation massive, la persistance de la traite et les
inégalités entre citoyens français et africains faisaient
le fonctionnement de cette administration. En somme il s'agissait d'une
administration directe avec une politique d'assimilation. Ainsi après
avoir fait la lumière sur l'organisation administrative de la colonie
(A) nous tenterons d évoquer son fonctionnement (B).
A. L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE LA COLONIE
DE GUINEE
La colonie française de Guinée eut pour capitale
Conakry. Son organisation est pyramidale et fortement
hiérarchisée.
A la tête de cette hiérarchie se trouvait un
gouverneur de colonie établit dans la capitale. Placé sous
l'autorité du gouverneur général des colonies (AOF
à Dakar), il était le représentant et le
dépositaire des pouvoir de la république. C'est le chef de toute
l'administration de la colonie (justice, finance, enseignement, santé et
police de maintient de l'ordre...). De ce fait il est compétent de
prendre des décrets, de nouer des relations diplomatiques avec les pays
voisins, d'interner les rebelles et expulser les étrangers etc.... Il
faut dire que le gouverneur se fait assister d'un conseil composé de
notables européens et Africains chargés de rôle
essentiellement consultatif. La Guinée connaitra vingt deux gouverneurs
jusqu'en 1956.
Après le gouverneur de la colonie venaient les
fonctionnaires et agents de l'administration de subdivision. Ces derniers sont
appelés administrateurs de la colonie et on les classifie en deux
groupes selon le découpage administratif. Les premiers sont les chefs de
cercles ou les circonscriptions et les seconds s'occupent des subdivisions en
tant que chefs de subdivision. Les chefs de cercles représentent le
gouverneur et sont à leur tour représentés dans les
divisions par les chefs de division.
Ces fonctionnaires ont tous les pouvoirs dans leurs
localités. Ces larges compétences touchent essentiellement :
le maintient de l'ordre en tant chef de milice, la justice, le recensement et
la perception de l'impôt, les travaux de constructions de routes, de
bâtiments et chemins de fer. Il est le premier des européens et le
représentant des indigènes. En somme il faut dire que rien ne se
fait sans lui son autorisation ou son aide.
Dans ces niveaux s'incèrent les hauts fonctionnaires
français dont le nombre en Guinée ne dépassait pas les
cinq cent. Ils occupent les bureaux des secrétariats ou les inspections
etc...
Subordonnés aux administrateurs, les chefs de cantons
se trouvent dans l'un des plus petits découpages territoriaux à
savoir le canton qui regroupera plusieurs villages. Ces chefs de cantons sont
choisis par les administrateurs parmi les notables africains selon leur
utilité et leur influence et ont essentiellement une fonction
d'exécution. Leur nombre diminuera dans le cercle de Kissidougou de
façon. Ainsi nous aurons 60 en 1918, 44 en 1938, 36 en 1957.
Ainsi constituée, on se demande comment cette structure
fonctionna t-elle en Guinée ?
B. LE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION
COLONIALE
Parler du fonctionnement de l'administration vise à
mettre l'accent sur deux cadres relationnels à savoir : la
relation des autorités administratives entre elles mais aussi et surtout
leurs relations avec les administrés. Tous concourent à mieux
réaliser la colonisation !
Dans le premier cas la relation était purement celle
d'une administration extrêmement centralisée guidée par le
jacobinisme français. Chaque autorité administrative
étaient soient un roi en son royaume même s'il devait rendre
compte de ces actes. Les directives du chef hiérarchiques devaient
être exécutées sans conditions, surtout pour les cadres
subalternes africains dont la permanence de fonction était
étroitement liée à leur obéissance.
Du côté des relations de l'administration avec
les administrés, une mise au point est importante à faire :
c'est le fait qu'il y ait deux catégories juridiques
d'administrés, les premiers étant des citoyens français
soumis au code civils et aux juridictions françaises et les seconds sont
des sujets ou les indigènes non citoyens qui sont soumis au droit
coutumier pour ce qui concerne leur statut personnel. Cette différence
de régimes juridiques n'est pas sans conséquence sur le
traitement qui leur est réservé par l'administration. Ainsi tant
disque les citoyens français jouissaient de tous les respects et
privilèges, les sujets africains étaient par contre soumis
à une exploitation cruelles manifestée par diverses
prestations : les impôts en nature (dix jours par ans), les travaux
de constructions de route et de chemin de fer. Si certains étaient au
moins mal rémunérés, les abus qui en étaient
liés étaient sévères : c'est le cas des
travaux forcés, des corvées. Beaucoup seront ainsi
enrôlés dans les milices et armées coloniales,
transformés en transporteurs, serviteurs et main d'oeuvres dans une
Guinée où l'agriculture coloniale (banane, caoutchouc,
café et cacao) a prospéré. Ce statut d'indigénat
qui était règlementé par le code de
l'indigénat ne favorisait que les quelques
cadres subalternes. Ce système autoritaire dispose en plus
d'une machine de mise en oeuvre forcée des décisions qui est la
force armée et les milices qui sèment la terreur sur les
colonisés. C'est d'ailleurs ce qui va favoriser la politique
d'assimilation au-delà des écoles.
Si cette colonisation n'eut pas seulement que des
conséquences négatives (telles que la découverte d'autre
culture et savoir faire par exemple par les africains), ce sont pourtant ces
conséquences (négatives) qui seront les plus dominantes. Car ce
système sans se limiter au pillage des ressources, à
l'humiliation et à l'exploitation des populations, va transmettre et
renforcer de valeurs incompatibles à une gestion responsable : ce
furent la corruption, le clientélisme, le goût du luxe qui
consiste à se faire passer pour le maitre, l'autoritarisme et la
répression administrative ainsi que le caractère
sévère des lois pénales.
Le poids de cette situation va conduire les populations
à se révolter et à demander le transfert du pouvoir
colonial c'est-à-dire le départ du colonisateur en tant que force
de domination politique et économique. Révolte qui favorisera
l'émergence du nouvel Etat.
SECTION2 : DU TRANSFERT DU POUVOIR COLONIAL A
L'ETAT HERITE
Face à la montée des révoltes et la prise
de conscience de l'élite africaine de Guinée, le colonisateur
français n'eut d'autres choix que de leur remettre le pouvoir. Et les
pressions exercées évolueront des simples revendications sociales
et professionnelles à celle de l'indépendance entière.
Dans ce contexte historique, nous tenterons de rappeler les causes et les
acteurs de ce transfert (paragraphe1) après quoi il sera important de
dégager les caractéristiques de l'Etat Africain qui en est issu
(paragraphe2).
PARAGRAPHE1 : LE TRANSFERT DU POUVOIR A L'ELITE
LOCALE : CAUSES ET ACTEURS
Comme penseront la plupart des auteurs, la colonisation
portait en elle ces propres moyens de destruction. Cette affirmation est
d'autant vraie que les causes du transfert du pouvoir aux africains sont
inhérentes au système lui-même. Mais aussi, il faut noter
que ce transfert ne s'est pas fait de manière mécanique, elle
suivra des séquences selon l'importance des actions des principaux
acteurs. Ces actions que nous considérons ici comme ayant
été, essentiellement, les facteurs à la base de
l'accession à l'indépendance, furent d'abord d'ordre social (I)
avant de se politiser (II).
I. LES REVENDICATIONS SOCIALES EN GUINEE ou le ROLE
DES ACTEURS SOCIAUX
La contestation sociale en Guinée a été
essentiellement le fait des ouvriers, organisés au sein de groupes
syndicaux, mais le rôle des paysans sera aussi déterminant.
En effet si depuis 1884 la classe ouvrière
française a obtenu le droit de grève, pour les guinéens il
va falloir d'énormes luttes. Ces luttes commencent en 1906 car
jusqu'à cette période n'étaient règlementés
que le recrutement et le contrat de travail. Cette grève fut
déclenchée par les ouvriers des chemins de fer et durera un mois.
Ces travailleurs se sont révoltés contre les mauvais traitements
et l'insuffisance de nourriture.
Bien que cette première action fût
sévèrement réprimée, les mouvements continueront en
1909, en 1912, 1918. En Avril 1920, ils deviennent plus sérieux avec une
insurrection qui se produit dans l'entreprise Morosini dans la ville de Mamou
et dans la plupart des maisons coloniales.
Toutefois, durant toute cette période, les ouvriers
vont rester sans structure réelle. Cette situation changera à la
fin de la seconde guerre mondiale lorsque la France accorda le droit de
constitution de syndicats. C'est ainsi que les fonctionnaires, les
salariés du secteur privé et les artisans vont créer les
premiers syndicats d'abord autonomes puis confédérés. Ce
sont : l'union des syndicats confédérés de
Guinée (U.S.C.G) qui fut la première et la plus puissante ;
ensuite le C.F.T.C qui vient en second lieu et regroupe les ouvriers des
entreprises minières ; et enfin le syndicat autonome des cheminots.
Ainsi instituées, ces nouvelles forces sociales vont
exercer d'énormes pressions directement sur l'administration coloniale
et indirectement sur la métropole. Pour ce faire, héritant d'une
condition de travail et de vie en décadence74(*) après la seconde guerre
mondiale, les salariés guinéens vont entreprendre un vaste
mouvement de contestation. En effet, tout part avec les cheminots du 10 octobre
1947 au 19 mars 1948. Ce fut l'une des grèves les plus importantes par
la durée et la victoire qui s'ensuivit. Mais en Juin 1950, une autre
grève d'une plus grande envergure eut lieu sous la direction du plus
grand mouvement syndical : l'U.S.C.G. Elle conduit à l'arrestation
des principaux leaders (Sékou Touré, Lamine Fofana, Papa N'diaye
et Faber Raymond). Toutefois le résultat sera important car en plus de
la libération de ces leaders, une augmentation de salaire eut lieu
passant de 120 francs à 160 avec la réinsertion des
salariés licenciés. Par ces actions dont nous ne pourront tout
citer ici le syndicalisme guinéen se révéla
défenseur des intérêts du peuples guinéen et
africain. Il permettra ainsi d'obtenir du colonisateur un ensemble de droits et
amélioration, bien que mitigée, des conditions de vie des
travailleurs. Dans le même contexte, l'élite guinéenne va
développer une capacité de lutte par son organisation et sa
discipline. Et d'ailleurs que son leader incontournable Sékou
Touré va fonder l'hebdomadaire des travailleurs en 1952.
En outre, à côté du mouvement syndical,
les soulèvements de paysans seront d'une très grande
importance.
En effet, depuis, l'implantation de l'administration coloniale
en Guinée, cette couche de la population est soumise à d'atroces
exploitations par les administrateurs coloniaux et surtout des chefs de
cantons. Ils subissent en grande partie le travail forcé ou travail pour
les chefs de cantons qui sont les notables sans perception de salaire. Cette
pratique est encore plus importante au Fouta et dans la région
forestière où la stratification de la société
semble être encore beaucoup rigide. Ainsi lorsqu'ils obtenaient des
paysans le poulet à 30francs, ils le revendaient sur le marché
à 150francs et les oeufs achetés à 1 francs étaient
revendus à 5francs.75(*)
Ces chefs de cantons très favorables à une
colonisation qui leur laissent les mains libres sont à la base de la
corruption même des inspecteurs et préleveurs d'impôts. Ce
qui accrut les abus. C'est pourquoi la réaction fut sans
précédent, des révoltes aux exodes en passant par la
dissimulation des biens. D'où dès 1911, certains s'attaqueront
aux chefs de cantons et bruleront les champs dans les régions de la
basse Guinée et de la Guinée forestière. De même
les régions de Kouroussa et de Fouta en connaitront. Pour cette
dernière ce furent les Coniagui. Leur insurrection sera encore plus
importante en 1945 lorsqu'il devait fournir l'essentiel des efforts de guerre.
Cependant, le caractère inorganisé de leur
mouvement les rendra longtemps vulnérables. Ce qui leur poussera
à être les premiers supporters du PDG (le Parti
Démocratique de Guinée) en 1947 et 1949 alors que ce parti
était encore rejeté de tous.
La présence des femmes dans ces revendications n'est
pas à oubliée.
Par ailleurs renforcés dans leurs actions sociales, les
guinéens vont très tôt changer de contenu et de
visées de leurs réclamations. Ils penchent pour la
libération politique du pays d'où l'intervention des partis
politiques.
II. DE LA POLITISATION DE LA CONTESTATION A LA
DECLARATION DE L'INDEPENDANCE : le rôle des partis
politiques
Parler de la phase politique des revendications
anticolonialistes en Guinée ne peut se faire qu'en faisant recourt au
rôle joué par les partis politiques dans cette lutte. Cependant
s'il est vrai que ce rôle des partis politiques dans la conquête de
l'indépendance en Guinée fut déterminant, force est de
reconnaitre que leur action sera à l'origine de la plus grande division
des guinéens tel nous le connaissons aujourd'hui. Nonobstant cette
adversité, de grands efforts seront fournis pour rendre la contestation
nationale. Pour donc aborder cette phase cruciale de l'histoire de la
Guinée, il conviendra de distinguer deux périodes : celle de
la libération dans la division ou l'émergence des
premières formations politiques (A) et la période de la cherche
d'une dimension nationale à la lutte (B). Cette dernière
période est incarnée par l'historique PDG (Parti
démocratique de Guinée).
A. L'EMERGENCE DES PREMIERES FORMATIONS
POLITIQUES GUINEENNES : la libération dans la
division
D'entrée, il faut dire que c'est sur des bases
tribalistes, ethnocentriques et régionalistes que les premiers partis
politiques ou nous dirons associations à caractère politique sont
nées en Guinée et ce avant 1945. Elles sont abordées dans
une analyse de sociologie politique par l'américaine Schachter
Morgenthau76(*). Dans ces
travaux, elle énumère quatre groupements politiques provenant
chacun d'une région naturelle du pays. En premier lieu, l'Amical
Gilbert-Vieillard mis en place par les intellectuels peuls de l'école
normale William-Ponty. C'était la plus importante et le mieux
organisé des groupements régionaux dès le début. Ce
groupement sera beaucoup plus proche de l'administrateur colonial avec l'aide
de qui il réalisera de nombreuses victoires aux élections
notamment en 1945, 1947 et 1953. Ensuite venait le groupement mandingue qui, au
départ n'était qu'une simple représentation de la haute
Guinée avec à sa tête un enseignant lettré musulman
du nom de lamine Ibrahima Kaba. C'est cette association qui sera
remplacé plutard par l'Union mandé créée par
Sékou Touré, Kéita koumadian, Sinkoun kaba et Framoï
Bérété. A ces deux, il faudra ajouter les associations de
la Guinée forestière et de la basse côte.
Durant les huit premières années
d'élection en Guinée (1947-1953), les affrontements entre ces
formations régionales ne vont pas cesser. Les unes accusant les autres
de collaborer avec le colonisateur. Bien qu'il puisse arriver parfois qu'elles
s'unissent (comme ce fut le cas par exemple en 1945 où les
représentants des trois dernières régions citées
plus haut s'unirent pour battre le candidat peul qui avait accueilli plus de
voix au premier tour)77(*), ces unions étaient cependant
éphémères car, elles étaient divisionnistes et ne
concernaient que la période des élections. Aussi il faut dire que
les attaques verbales racistes étaient une règle du jeu
politique. A ce titre l'A.G.V rappela les victoires peulhs contre les autres
groupes ethniques lors des guerres précoloniales. De même les
autres les reprocheront toujours leur engagement du côté du
colonisateur. Ce qu'ils (les membres de l'AGV)
appelaient : « Allons prudemment».
Dans ce contexte de morcellement et de quête de
privilèges, les partis politiques ne purent réellement influencer
l'administration coloniale qui fut au contraire renforcée par le jeu
de la division pour régner car chaque député
guinéen qui gagnait n'était qu'un ennemi des autres.
C'est dans cette situation que certains leaders pris
conscience de la nécessité de nationaliser la lutte.
B. LA RECHERCHE D'UNE DIMENSION NATIONALE A LA
PROCLAMATION DE L'INDEPENDANCE : la création de l'Etat
guinéen
En effet, prenant conscience de la limite des actions
régionalistes face à la persistance de la domination coloniale,
certains guinéens chercheront à se retrouver dans un grand parti,
un mouvement commun pour une Nation et un Etat communs. Ce fut, selon nous, le
début de l'existence de la véritable Guinée.
C'est cette idée qui sera à la base de la
nouvelle lutte pour l'indépendance. Cette nouvelle lutte sera
incarnée par le PDG (Parti Démocratique de Guinée).
Le PDG en Guinée fut une section du RDA (Rassemblement
Démocratique Africaine), le plus grand parti panafricaniste
constitué à l'initiative du député et futur
président ivoirien Houphouët Boigny en Octobre 1946 à
Bamako. Il a été officiellement constitué en Mai 1947 en
remplaçant le Parti Progressiste de Guinée (le PPG) de
Kéita Madeira. Ce dernier avec certains de ses amis participeront au
rassemblement constituant du RDA et c'est à leur retour qu'il
décide de mettre en place un parti national.
Le but de ce parti tel consigné dans les tomes de
Sékou Touré78(*) était donc
d' : « unir, dans des organismes démocratiques
et unitaires géographiquement définis, dans des hommes et des
femmes de toute race, de toute religion, autour d'un programme commun pour une
action commune.
Cependant, la maladie du régionalisme et les
oppressions de l'administration vont très tôt ralentir
l'élan que prit le parti. A ces facteurs il faut aussi ajouter les
idées que véhiculait le parti par sa dénonciation
vigoureuse de la colonisation et des chefferies traditionnelles qui lui sont
fidèles. De même «la plupart des diplômés
guinéens de William-Ponty, désireux de tirer immédiatement
profit de l'introduction des élections en Guinée,
restèrent en dehors79(*)». Seules quelques poignées de
progressistes y resteront.
Mais cette situation devrait changer en 1951 lorsque le
syndicaliste Sékou Touré fut choisi pour devenir candidat du
parti à aux élections législatives. Delà, le parti
se lança dans la conquête du pouvoir jusqu'à 1957.
Mais pour doter le parti de moyens efficaces il fallu
l'inscrire dans l'activisme syndical, dont l'U.S.T.G (Union Syndicale des
Travailleurs de Guinée) sera le fer de lance. Alors leader syndical et
membres de la direction du parti, Sékou Touré lance, avec l'aide
de guinéens de la Côte D'Ivoire, une lutte énergique contre
la livraison obligatoire de produits agricoles en région
forestière. Ils protesteront aussi contre la lenteur que prenait
l'adoption du code du travail. Ces mouvements se poursuivront en 1952, et 1953.
En cette dernière année il fut organisé la plus importante
grève qui dura 66 jours et se termina par la victoire des syndicalistes.
A partir de là, le pouvoir colonial commença a redouté le
mouvement susceptible de le défaire. Car la puissance de l'action
syndicale à viser politique se dégageait. Il est
désigné secrétaire général du parti le chef
syndicaliste Sékou Touré. Ce qui complètera le mariage du
parti avec le syndicat pour des objectifs beaucoup plus politiques. Cette
réalité est illustrée par ce propos de Sékou
Touré quelques années plutard : «faire
l'histoire du mouvement syndical africain, c'est écrire une
véritable histoire de la lutte des peuples d'Afrique»80(*).
Ainsi, le poids du mouvement était devenu si important
surtout par son organisation à l'intérieur du pays qu'on pouvait
parler d'une seconde administration.
Grâce à cette structure et sa discipline, le
parti allait affronter la décisive année de 1956 où la
loi-cadre pour les territoires d'outre-mer dite loi-cadre Deferre, fut
votée par le parlement français. Cette loi annonçait la
création de conseil de gouvernement dans les territoires d'Outre-mer.
Elle marquait une étape importante dans l'évolution des colonies
françaises en général mais particulièrement de la
Guinée. En même tant une nouvelle piste de tension s'ouvrait car
les partis politiques devraient s'affronter. D'une part le PDG-R parfois avec
plus de violences. Le PDG-R.D.A contre son principal adversaire, le BAG (le
Bloc Africain de Guinée).
Si en 1956, les deux partis obtinrent des sièges
à l'Assemblée française : deux pour le PDG-RDA et un
pour le BAG, les choses vont aller plus vite pour ce premier lorsqu'il
remportera une écrasante victoire en 1957 à l'Assemblée
territoriale (56 sièges sur 60). Ce qui donne au puissant parti le
pouvoir de former le premier gouvernement guinéen dont le vice
président fut Sékou Touré et le président restait
le gouverneur français J. Ramadier. C'était un très grand
pas dans le transfert du pouvoir colonial à l'élite locale. Mais
bien avant cette date, il faut dire que d'énormes affrontements auront
déjà lieu, faisant de nombreuses victimes entre les partisans des
deux partis. Nonobstant, le PDG profitera de sa présence au pouvoir pour
préparer le terrain de l'indépendance en prenant des mesures
importantes telle que la suppression de la chefferie traditionnelle et leur
remplacement par une administration au sens républicain du terme. Ainsi
le nouveau vice président tentait de forger une nation guinéenne
en éliminant les traces du régionalisme.
C'est bien dans ce dessein que la majorité des
guinéens déjà membres du PDG feront face à
l'historique référendum gaulliste proposé en 1958 aux
colonies françaises qui vivaient depuis quelques années
auparavant une certaine autonomie.
En effet, en Mais 1958 la IVème république
disparaissait en France et le général De gaulle venait au
pouvoir. Dans le même contexte un débat houleux avait lieu entre
les partisans de quatre idées maitresses sur l'avenir des
colonies : au primo se trouve les partisans de l'indépendance
immédiate, ensuite ceux qui soutiennent d'une
confédération d'États indépendants composée
de la France et d'un groupement d'États africains doté d'un
exécutif fédéral (Léopold Sédar Senghor,
Sékou Touré) ; puis les partisans d'une communauté de type
fédéral avec des rapports inégalitaires entre la France et
les membres africains jouissant d'une autonomie interne (F.
Houphouët-Boigny). C'est cette dernière proposition qui sera
choisie par le général De gaulle et pour laquelle il ferra
campagne dans les colonies.
A cet égard, contrairement à toutes les autres
colonies, la Guinée, désireuse de prendre en main son destin,
ferra le choix de dire « non » à cette
proposition française. Elle optera pour une indépendance
immédiate sans pour autant prétendre rompre ces liens politiques
et économiques avec la France. C'est en ce sens que le père de
l'indépendance, Sékou Touré, déclarait le 25
Août 1958 lors du passage du général De
Gaulle : « Nous préférons la
pauvreté dans la liberté à la richesse dans l'esclavage
(...) ; nous ne renoncerons jamais (...) à l'indépendance (...).
Notre coeur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus
évidents nous font choisir (...) l'interdépendance et la
liberté dans cette union (avec la France) plutôt que de nous
définir sans la France et contre la France».
Cette décision sera matérialisée par le
vote du 28 Septembre 1958 où il aura 1 136 324 bulletins pour le Non
et 56 981 pour le Oui.
Par cet acte, la Guinée rentrait une fois encore dans
l'histoire, la première colonie française d'Afrique noire
à avoir son indépendance. De là, naissait enfin l'Etat
guinéen. Mais quels sont les traits fondamentaux de cet Etat à
peine né ? C'est à cette question que nous tenterons de
répondre.
PARAGRAPHE 2 : DE L'ETAT HERITE : LES
CARACTERISTIQUES DE L'ETAT POST- COLONIAL EN GUINEE
Le 23 novembre 1958 dans un discours sous
titré « La nécessaire
reconversion », le nouveau président
guinéen, Sékou Touré signalait : « si, en
Guinée, le pouvoir colonial a été définitivement
supprimé, si la conquête de l'Indépendance guinéenne
est une manifestation de l'inévitable évolution de l'histoire,
les méfaits du colonialisme n'en sont pas pour autant
détruits et c'est bien à une décolonisation
intégrale que nous devons nous consacrer..... »
De cette affirmation nous nous rendons compte à plus d'un titre que
la colonisation était aussi un transfert de comportement et de pratique.
C'est pourquoi l'Etat qui peut en être issu ne peut être
dépourvu de tous ses caractéristiques. Cependant, tel n'est pas
forcément l'avis de tous les auteurs, surtout ceux qui ont
développé et soutenu certaines théories de qualification
de l'Etat postcolonial. Il s'agit de la théorie de politique du ventre
et celle de l'Etat néo patrimonial. La plupart de ces auteurs vont
chercher des explications dans l'Afrique précoloniale.
Cela dit, nous citerons, sans les analyser au fond, Certains
de ces traits que nous considérons essentiels tant sur le plan
politique qu'économique. Ce qui devra nous conduire à percevoir
le nouvel Etat comme un Etat importé (I), un Etat néo-patrimonial
(II) et un Etat autoritaire (III)
I. UN ETAT IMPORTE : ou la question de
l'Etat-nation
Penser que l'Etat issu des indépendances est un Etat
importé ne veut pas dire que ce concept d'Etat est étranger
à l'Afrique. Loin de là. Mais il s'agit singulièrement du
type d'Etat que la colonisation a poussé les africains à
construire bon gré mal gré : l'Etat-nation européen.
En effet, l'Etat-nation qui est un concept essentiellement
européen suppose la construction d'une entité politico-juridique
(Etat) comme l'incarnation d'une réalité sociopolitique
unifiée où les tous les membres se sentent liées par une
conscience unique et historique (Nation). Il s'agit de la question de Nation.
Cette dernière selon une conception volontariste française
regrouperait sur un même territoire des personnes ayant en commun des
intérêts et désirant vivre sous le même toit. A ces
facteurs subjectifs s'ajoutent d'autres facteurs objectifs liés
à leur histoire, leur culture etc...... Quant à la conception
objective, elle se limite aux facteurs objectifs cités et propres
à une communauté.
Ceci étant, il est bien connu de tous que l'Etat
postcolonial est apparu sur les frontières tracées auparavant par
le colonisateur au profit de ces intérêts (selon l'étendue
de son pouvoir impérial). Par ce fait, de nombreux peuples se sont
retrouvés de part et d'autres des frontières ainsi
établies. Ils seront éparpillés et forcés de
redémarrer une nouvelle cohabitation avec des peuples qu'ils ont parfois
combattus. L'exemple des peulhs et des populations de la Basse côte en
est une illustration en Guinée. En effet les premiers combattront
pendant plusieurs années les second pour leur islamisation et ces
derniers ne se soumettront jamais, préférant parfois
l'émigration.
Toutefois, comme nous l'avions observé dans le cas
guinéen, les luttes pour l'indépendance ont forgé un
certain nationalisme par lequel la plupart des africains commenceront à
se déterminer comme appartenant tous à un territoire commun bien
qu'établi par les colonisateurs. C'est d'ailleurs au nom de tel
idéal que l'existence des partis uniques se justifiait. Cependant toutes
ces tentatives sont restées très limitées à en
croire aux conflits interethniques qui en ont issus : tels au Rwanda.
En outre, comme le souligne Roger-Gérard
Schwartzenberg, la question d'Etat-nation en Afrique et partout dans le tiers
monde reposait essentiellement sur la question de nation. Cette dernière
implique la recherche d'une identité nationale. Cette quête dans
le tiers monde est définie par W.E. Mülhmann comme un
: « processus d'action collective, porter par le
désir de restaurer une conscience de groupe, compromise à
l'irruption d'une culture étrangère (dite)
supérieure»81(*). Le corollaire de cette quête d'identité
est la recherche d'une unité nationale.
Ainsi, il ressort que cet Etat n'est pas originairement
Africain. C'est pourquoi, il se trouve confronté à
d'énorme problème lié aux revendications de
spécificités régionalistes, des conflits
séparatistes et surtout politiques.
Toutefois, des travaux réalisés ces
dernières années par certains auteurs africains comme
MWATYILA TSHIYEMBE, tentent de reconstruire
une théorie africaine de l'Etat Africain à partir des
entités politique de l'Afrique précoloniale. Il s'agit de la
théorie de l'Etat multinational ou fédéral qui a
marqué toute l'Afrique précoloniale. L'un des exemples les plus
réussi fut sans doute l'Empire du Mali qui était régi par
une charte qui réunissait un ensemble de royaumes ayant conclu du pacte
de vivre en ensemble. Héritant cette tradition, la république du
Mali connait une très grande stabilité dans sa partie sud. Par
contre la guinée qui regroupent plusieurs nations tente bien que mal
à se trouver une véritable nation.
Ainsi « mal parti »82(*), l'Etat postcolonial en
Afrique comme partout dans le tiers monde va s'ériger en Etat
néo-patrimonial.
II. UN ETAT NEO-PATRIMONIAL
Dans son ouvrage consacré au développement
politique, Bertrand Badie tente d'expliquer cette théorie du
néo-patrimonialisme en tant que caractéristique des Etats
postcolonial du tiers monde.
En effet, dans son analyse, il part de l'idée que le
système néo-patrimonial est régi par certaines
catégories wébériennes. C'est ce qui conduit d'ailleurs
Eisenstadt à le concevoir comme étant issu des modèles
traditionnels de domination patrimoniale dans lesquels le prince assurait un
contrôle total de la direction administrative des institutions. Ce
faisant il choisissait discrétionnairement les agents,
déterminait leur hiérarchique et fixait seul et souverainement
les orientations.
Il s'agit donc de société où le prince se
positionne comme le centre du pouvoir. Ce qui conduit logiquement à
« un modèle de domination
personnalisée »83(*) essentiellement orienté vers la
protection et le maintien de l'élite installée au pouvoir. C'est
pourquoi ces détenteurs du pouvoir mettront en place toutes politiques
possibles pour freiner l'accès de la rêne politique à
d'autres prétendants.
En outre, fermant ainsi le cadre politique, les dirigeants
s'accaparent aussi des ressources économiques. Dans cette logique, le
développement économique est encouragé mais fortement
contrôlé et dirigé dans un sens de recherche de
légitimité. Les ressources sont le plus mobilisées pour
assurer ce dessein. Et par cette pratique, l'élite au pouvoir s'enrichit
fortement au détriment du reste de la population. Ce qui donne lieu
à des pratiques de l'Etat de politique de ventre. Cette théorie
est largement développée et défendue par Jean Bayart.
Delà il ressort que le néo-patrimonialisme
dégage l'idée d'une considération du pouvoir comme un
patrimoine pour son détenteur. Il dispose un droit absolu sur lui et
tout ce qui lui est dérivé, et fait tout pour les conserver.
Cette facette n'est pas la seule qui caractérise ce
système. Il y a aussi la présence des réseaux
clientélistes qui mine toute chance de réaliser une gestion
rationnelle. Il s'agit en ce lieu du prolongement de la pratique
néo-patrimonialiste. Il (le clientélisme) suppose l'absence de
véritables représentations entre le centre et les
périphéries. Ce qui conduit à l'établissement de
relation directe entre les dirigeants et les gouvernés. Ce rapport est
appelé : «le clientélisme». Il est
défini par J.F Médard comme un : « rapport de
dépendance personnelle non lié à la parenté mais
à un échange réciproque de faveurs entre deux personnes,
le patron et le client qui partage des ressources inégales». Si
cette forme de relation semble être un principe de fonctionnement des
régimes postcoloniaux, elle est aussi très présente dans
les systèmes du Nord la corruption qui s'ensuit n'est que sa
matérialisation.
Enfin comme derniers traits du système
néo-patrimonial, nous avons, les résistances communautaires, le
caractère segmenté de la société civile et la
dépendance de celle-ci à l'égard du pouvoir central.
Toutefois, des auteurs comme MWATYILA
TSHIYEMBE réfutent cette théorie d'Etat
néo patrimonial et d'Etat de politique de ventre comme étant
liées à la culture précoloniale africaine. A cet
égard, il avance l'idée selon laquelle ni l'Etat postcolonial ni
l'Etat précolonial africain n'a connu la bureaucratie au sens
wébérien du terme c'est-à-dire que ces étaient ont
été tous marqués par l'absence au coeur de l'Etat d'un
pouvoir fondé sur le « savoir-faire techniques » de
gestion des rouages administratifs et opposable au pouvoir politique
détenu par les élus. Ensuite le mode production en Afrique
(précoloniale) reposait sur une économie de subsistance et non
d'accumulation. Et enfin dans cette économie, la propriété
de la terre était par le principe de bien public inaliénable et
donc les chefs n'étaient pas propriétaire de terre. C'est donc
à la lumière de ces arguments que l'auteur soutient que ces
pratiques sont en grande partie des lègue de la colonisation. En
s'appuyant de l'affirmation de Sékou Touré (cité plus
haut) et ce que nous avons pu comprendre du fonctionnement du système
colonial, nous pourront sans doute nous inscrire dans la même logique
sans pourtant nier l'irresponsabilité de certains dirigeants
africains.
Par ailleurs, il apparait souvent que toutes ces
pratiques mentionnées déjà facilitées par le
caractère autoritaire de ces systèmes hérités.
III. UN ETAT AUTORITAIRE
Développer l'idée selon laquelle les Etats
postcoloniaux sont des Etats autoritaires demande que soit d'abord mis en
exergue le concept d'autoritarisme. A cet effet, il faut dire que ce concept a
été longtemps l'objet de définitions simplistes. Dans un
premier temps, il est étroitement lié au sous
développement (Almond et Shils) ensuite il qualifie le mode de gestion
dans les régimes qui sont candidats à la démocratisation
(transitologie). Ou encore, selon d'autre c'est lorsque le pouvoir est
géré sans la masse. Une telle conception exclurait sans remord
les dictatures populaires du XXème siècle en Europe et dans le
tiers monde. C'est pourquoi donc il convient de recourir à la conception
donnée par Linz, bien que cette conception soit moins précise.
Selon cet auteur, l'autoritarisme désigne la situation d'un Etat
où le pluralisme politique est limité. C'est donc ce
« critère de pluralisme limité »84(*) qui est capital. Cette
limitation du pluralisme politique ne signifie autre que l'absence totale ou la
quasi-absence de contre pouvoir. Elle se traduit par une
supériorité des sources politiques sur tous les autres, des
tensions entre centres et périphéries, l'absence de structuration
de réseaux de solidarités horizontales ou la restriction de leur
faculté d'action. Ces régimes peuvent être des
démocraties populaires ou des régimes à parti unique si la
sorite du système colonial s'est réalisé sous l'impulsion
d'une quête d'identité nationale. Aussi le facteur des
répressions sanglantes par le refus de toutes contestations marque
beaucoup ce système.
Dans le contexte africain, force est de reconnaitre que
l'autoritarisme qui a marqué les Etats issus de la colonisation ne peut
être éloigné de la pratique administrative qui a
existé sous ce système et qui a formé les futurs
dirigeants et cadre africains. Bien que des auteurs comme Francis
Akindés tentent de démontrer que c'est un phénomène
culturel inhérent au monde politique africain de l'ère
précoloniale, force est de reconnaitre que la méthode
d'administration directe et d'assimilation qu'employait l'administration
coloniale française avait forgé un état de terreur et de
surestimation de l'administrateur. Nonobstant, il convient de ne pas se laisser
aller dans cette logique d'accusation perpétuelle car il faut
reconnaitre que le désir de sauvegarder leur pouvoir conduisait certains
gouvernants à user de tous les moyens possibles selon une option
Machiavélique.
A la lumière de cette analyse, nous pouvons
réaffirmer encore que ce chapitre est d'une importance capitale. Car
elle nous aura permis d'éclairer un passé qui semble se
poursuivre dans le présent. Ce fut le moment de révéler
que l'Etat guinéen, à l'instar de ces pairs d'Afrique, est le
fruit de la colonisation. Aussi, nous sommes arrivés à toucher
les origines profondes de la modernisation politique en Guinée ainsi que
les principes et les nomes qui guident son évolution : les conflits
interethniques, la recherche d'une identité et d'une unité
nationales. Facteurs manquant jusqu'à l'accession à
l'indépendance, l'Etat issu de la colonisation devait porter ses
séquelles. Ainsi né, l'Etat guinéen devra rentrer dans une
nouvelle phase de son histoire : la phase postcoloniale. Mais avant de
passer il faut se demander quelle conclusion peut-on tirer de cette
première partie du travail.
CONCLUSION de la première partie
Cette première partie aura été longue.
Nécessaire. A en croire à tout ce qui y est dégagé
comme instruments nécessaires à une étude véritable
de la démocratisation en Guinée.
En effet, nous sommes partis de la mise en exergue des
instruments conceptuels qui structure cette analyse. En ce lieu nous avons
été conduits à percer l'inexpliqué qui fonde le
concept de transition démocratique. Ainsi il peut y être retenu
que ce concept est un emprunt fait à Marx, même s'il ne dit pas
son nom. Aussi celui de démocratie a fait objet d'une
redéfinition par les transitologue pour ne retenir qu'une notion
fortement fonctionnelle et processuelle et immergée dans
l'idéologie libérale. Ce qui nous a permis de comprendre que la
démocratisation n'était que la réponse de l'occident
à l'eschatologie de Fukuyama sur la fin de l'Histoire, en ce sens
qu'elle vise à mondialiser cette vision occidentale de la
démocratie. C'est par la suite que fut abordée la question des
instruments théorique d'analyse des transitions démocratiques qui
sont la transitologie et la consolidologie. Ces deux sous disciplines ou
paradigmes de la science politique ont permis de rendre intelligibles ces
mutations politiques. Cependant, elles restent objet d'énormes
controverses épistémologiques. Cela fut justifié par le
fait que les concepts utilisés par ces sous disciplines sont soumis
à de nombreuses définitions ou tentative de redéfinitions.
De même la dernière (la consolidologie) semble s'inscrire dans une
démarche qui annonce la fin de la démocratisation comme si un
pays pouvait atteindre un niveau définitif de démocratisation.
Cela enlève à cette dernière son caractère
d'idéal. Aussi l'usage de ces instruments dans des parties du monde
où ils n'ont pas été construits, au nom, d'une certaine
universalité présente le risque de fortes erreurs dans les
études.
Evoluant, nous avons tenté de voir certaines
expériences, en allant des modèles espagnole et chilien pour
arriver au cas des pays d'Afrique noire francophone. Ceci nous permit dans une
étude comparative de comprendre que les transitions politiques
négociées ont toujours conduit à de grande
stabilité politique et à une véritable consolidation.
Cependant cette stabilité se trouvait menacée dans certains pays
comme l'Espagne où la justice due aux victimes du régime
dictatoriale n'a pas été réellement rendue. D'où
cette démocratie semble être partie sur une base
antidémocratique. Si dans ces premiers une percée semble
être réalisée, nous avons constaté que pour les pays
d'Afrique noire d'énormes efforts restaient à faire afin pouvoir
relever ce grand défi. Cependant cela ne saurait se faire par simple
imitation des autres, le mimétisme institutionnel comme le note Edouard
Chevarnadzé (1991 : 45) : «il ne s'agit pas de
mimétisme, de conformisme, d'adaptation timorée aux circonstances
ni, enfin, de «souplesse de l'échines» mais d'un but
au nom duquel il faut procéder à une révision implacable
de ses propres vues et convictions». Mais ces Etats devaient
revoir leur système d'idées (cadre idéologique) qui reste
encore très vide.
Grâce à ces idées reçues sur les
différentes expériences une réflexion sur le cas
guinéen devait s'annoncer fructueuse. Mais cela devait passer par une
connaissance de l'histoire de ce pays. Histoire qui semble conditionnée
l'ère de la démocratisation.
En somme, nous dirons que les instruments théoriques et
historiques sont réunis pour tenter de répondre à la
question suivante : quelle analyse descriptico-analytique peut-on faire
sur l'expérience guinéenne de démocratisation ?
C'est à cette interrogation qu'il conviendra d'apporter
quelques éléments de réponses dans la seconde partie de ce
mémoire.
DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE
SILLAGE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES.
....La liberté est une ascèse......
Edgard Pisani
En Guinée, c'est après l'historique
« Non » du 28 Septembre 1958 que naquit première
république. Par cet acte courageux, les guinéens donnaient
naissance au premier Etat indépendant d'Afrique noire francophone. Mais
au-delà de tout cela, c'était un appelle à la
liberté et à la restauration de la dignité humaine. Ces
deux principes qui fondent toute entité démocratique
s'affichaient désormais à l'horizon du nouvel itinéraire
de ce peuple comme lumière devant le conduire. Ainsi, il
s'annonçait que la démocratisation en tant que quête de
liberté, de justice et de bien être n'est pas un fait nouveau dans
ce pays. Toutefois il faut reconnaitre que dans les années 90, cette
démocratie ne concernait plus toute démocratie mais un
modèle bien défini tel déclaré par Mitterrand
à la Baule. Mais réaliser cet idéal est un parcours
jalonné d'épines comme nous le fait comprendre l'affirmation
d'Edgard Pisani. Cela est d'autant vrai que sous la première
république, le peuple de Guinée paiera cher le coût de son
choix de l'autodétermination. Cette république transformée
en une dictature populaire révolutionnaire dura plus de deux
décennies, avant de disparaitre en 1984 avec celui qui l'incarna le
plus : le président Ahmed Sékou Touré. C'est face aux
conséquences de ce régime et le contexte international obligeant
que la Guinée emprunta le nouveau chemin de la démocratie
libérale dans les années 90.
Ceci étant, il convient de souligner que cette
présente analyse vise à décrire avant toute
évaluation critique (chapitre3) le parcours guinéen vers la
réalisation de cette nouvelle démocratie (chapitre2). Mais avant
il sera important de se pencher d'abord sur la première
république guinéen (chapitre1) afin de rendre compte de la
logique qui fonde toute transition démocratique : le passage d'un
régime fermé vers un régime ouvert.
CHAPITRE1 : DU SYSTEME POLITIQUE «FERME»
EN GUINEE (1958-1989)
« Le courage coûte cher : mais à
terme, seul le courage paie »85(*)
Jean Suret-Canale.
En accédant à l'indépendance le 2 Octobre
1958, la Guinée prenait en main son destin. Cette dernière
expression n'est pas vide de contenu, en ce sens qu'elle signifiait
« faire face aux grands défis ». Ces grands
défis auxquels le jeune Etat devait faire face étaient à
la fois internes et externes. Sur le plan interne, se dressait la question de
l'autogouvernement qui se traduit en défi de gouvernement politique, de
gestion administrative, de développement socioéconomique et
culturel mais surtout de révolution des mentalités (au sens d'un
changement des mentalités). Et, sur le plan externe, le jeune Etat se
donnait le devoir d'entreprendre la décolonisation de toute l'Afrique.
C'est en ce sens, qu'Ahmed Sékou Touré déclarait que
l'indépendance de la Guinée ne pouvait être effective que
si toute l'Afrique l'était aussi. Ainsi, relever ces défis
demandaient l'intervention d'acteurs multiples et la réalisation
diverses actions. Ces dernières devaient être
évaluées à la disparition du régime à partir
de 1984 : le bilan. (Section1).
Cette dernière date qui est précisément
le 26 Mars 1984 marquait le décès du premier président de
la première république, Sékou Touré; et ouvrait une
longue page de transition (Section2) dirigée par l'armée qui
vint au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat en Avril 1984.
Tout comme les vingt-six ans de la première
république, la période de la transition ne sera pas encore une
véritable ouverture. C'est pourquoi dans ce premier chapitre, nous
serons conduits à exposer ces deux périodes importantes qui
semblent avoir conditionnée la démocratisation en Guinée.
Mais avant d'entamer cette analyse, il conviendra de
préciser que l'usage du terme « fermé » entre
guillemet répond à la nécessité
d'objectivité qui doit encadrer la conduite de ce travail. Car, dans la
littérature courante des auteurs occidentaux, de nombreux termes sont
utilisés dans les études et mais dans une logique très
subjectiviste comme cela est dénoncé par Akindés. Ainsi
ces termes « fermé »
« dictature » ou autre visent tout simplement à
opposer les systèmes occidentaux, meilleur, aux autres systèmes
dits médiocres. Cependant, si l'on change de camp, c'est-à dire
du côté des démocraties populaires, ces régimes sont
aussi des démocraties et les systèmes occidentaux y sont
perçus comme des systèmes d'exploitation.
Nonobstant, ces derniers systèmes restent les
modèles de références dans cette présente
étude.
SECTION1 : LA PREMIERE REPUBLIQUE : DES
ACTEURS ET UN BILAN
La vie politique de la Guinée sous la première
république a été l'une des plus agitées du
continent. Cela était d'autant prévisible au regard du contexte
national et international qui prévalaient. Parler de cette vie
politique ne peut se faire que par la mise en exergue des principaux acteurs
qui l'ont marquée par leurs actions (paragraphe1). Une telle analyse ne
peut être complète que par une mise en lumière du bilan de
ces actions (paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : DES ACTEURS DANS LA NOUVELLE
REPUBLIQUE : le parti- Etat guinéen et son idéologie
(le PDG)
Les acteurs d'une vie politique peuvent être
conçus comme ces institutions politiques ou non qui interagissent dans
cette sphère. La présence de ces acteurs, il faut le dire,
résulte de leur capacité à influencer sur la conduite de
cet espace. En s'inscrivant dans cette logique, nous pouvons avancer d'embler
que le seul et principal acteur de la vie politique guinéenne sous la
première république ne pouvait être que le parti unique ou
le parti-Etat. Si de telle considération se révèle
restrictive, elle a pourtant le mérite de caractériser ce
régime qui fusionna toutes les institutions de l'Etat (gouvernement,
administration, peuple....) dans un seul corps : le parti.
En affirmant que le parti était « la
pensée collective du peuple» et ceci à « son
niveau le plus élevé et dans sa forme la plus complète
», aussi qu'il était le« dépositaire et le
gardien de la volonté du peuple », Sékou Touré
définissait en quelques mots ce qui devait être le parti-Etat
guinéen, le PDG ou parti démocratique guinéen. Mais pour
mieux connaitre ce parti, il convient de le présenter en premier lieu
(I) avant de toucher l'idéologie qui le guide (II).
I. PRESENTATION DU PARTI
Bien que nous ayons donné déjà quelques
idées sur le parti dans le cadre des luttes de libération, il
convient de souligner cette première ne concernait qu'un parti politique
parmi tant d'autres, par contre la présente réflexion vise
à parler d'une autre étape de sa vie c'est-à dire entant
qu'instrument de gouvernement dans le nouvel Etat. C'est pourquoi nous n'allons
plus revenir à son histoire et à son évolution d'avant
l'indépendance mais il s'agira d'évoquer ses transformations
après le 2 Octobre 1958 (A), et, sa structure, ses fonctions et son
fonctionnement (B).
A. LES TRANSFORMATIONS DU PDG APRES LE 2 OCTOBRE
1958 :
A la proclamation de l'indépendance, le PDG, se
présentait comme la seule force politique légitimement
représentative de tout le peuple de Guinée. Cette idée
sera à la base de tous les changements qui interviendront dans son
statut.
En revenant un peu en arrière, à la veille du 28
Septembre 1958, se tenait du 7 au 8 Juin 1958 le 4ème
congrès du parti qui devait poser les jalons de ces réformes
qu'il allait connaitre. Comme décision retenue dans ce congrès,
nous pouvons citer la proclamation de la prééminence du parti
sur tout l'Etat colonial encore présent et sur toute sa structure
administrative. Ce congrès sera suivi d'un 5ème en
1959 à Conakry. Ce dernier congrès se fixera comme objectif de
renforcer le pouvoir et l'autorité du parti afin de consacrer sa
suprématie. Cet objectif sera en partie atteint lors du
8ème congrès qui se tiendra aussi à Conakry le
2 Octobre 1967. C'est au cours de ce rassemblement que le parti mettra en
place le pouvoir révolutionnaire local et le centre d'éducation
révolutionnaire. Il est aussi créé un comité
central du parti coiffé par le Bureau du Parti. Dans le même
contexte, tous les mouvements périphériques sont
intégrés au parti. Ce sont la JRDA (la jeunesse
révolutionnaire démocratique africaine, la CNTG (la
Confédération nationale des travailleurs de Guinée) et le
Mouvement des Femmes. Enfin le secrétaire général est en
même tant président de la république (malgré les
oppositions face à ce cumul de fonction), désigné
Responsable suprême de la révolution. Le dernier de ces
congrès s'est tenu en 1983 à Conakry. Il consacra à un
degré véritable le statut de Parti-Etat. Et c'est lors de ce
congrès, le dernier bien sûr, que le président,
secrétaire général du parti, critiqua les cadres du parti
avant de souligner que le rôle du Parti était
de « de socialiser véritablement les moyens de
production et non de les étatiser»86(*).
Cela dit, il convient d'exposer la structure et les fonctions
du parti.
B. LA STRUCTURE, LE FONCTIONNEMENT ET LES
FONCTIONS
D'après R. Schachter Morgenthau, la bonne organisation
du PDG en Guinée, lui a permis de brader toutes les barrières que
posaient l'administration coloniale et les chefs traditionnels. Ainsi
décrite, cette structure connaitra une forte évolution au fil
à mesure que le parti devenait important. Cependant, certaines lignes de
base resteront toujours maintenues. Ainsi selon Maurice Jeanjean l'organisation
du parti était effectuée de la manière suivante :
· 3 organismes de base :
o au niveau du quartier, du village, de l'unité de
production, se trouve le Comité de base du Parti.
o au niveau de l'arrondissement, on parle de la
Section
o au niveau de la région, la
Fédération
· 8 instances de décision
o au niveau du Comité de base :
§ l'assemblée générale
hebdomadaire
o au niveau de la section :
§ la Conférence de la Section
§ le Congrès de la Section
o au niveau de la Fédération :
§ la Conférence
fédérale
§ le Congrès
fédéral
o au niveau de la Nation :
§ le Conseil National de la
Révolution
§ le Congrès national
§ le Comité central
· 4 organismes dirigeants :
o le Bureau du Comité de base 10 membres,
élu pour 1 an
o le Comité directeur de la Section 13 membres
dont le commandant d'arrondissement, élu pour 2 ans
o le Bureau fédéral de 10 membres dont le
Gouverneur de Région, élu pour 3 ans
o le BPN de 7 membres, élu pour 4 ans
La structure ainsi connue, on se demande comment elle
fonctionne ?
Pour répondre à cette question, il convient de
se référer à l'article publié par Bernard Charles
dans la revue française de science politique en 196287(*).
En effet, la logique de fonctionnement du PDG, est que les
organismes de décisions produisent des décisions sur la base du
principe de l'Unanimité et à défaut sur celui de la
majorité. Ces décisions sont mises en oeuvres par les instances
dirigeantes ou les organes exécutifs. Ces organes s'identifient par leur
caractère collégial.
Dans la pensée révolutionnaire du parti, les
organes de base constituent le sommet du pouvoir en matière
d'initiative, de décision et de contrôle. C'est pour cette raison
d'ailleurs que Sékou Touré déclarait à la mairie de
Paris, à l'occasion du rétablissement des relations
franco-guinéennes, que la « Guinée était une
démocratie plus avancée que certaine démocratie en
Europe». Dans la même pensée de fonctionnement la
direction nationale du parti constitue l'échelon de base sur lequel
s'exerce le contrôle de tous les autres échelons. Ainsi les
structures du parti ont le double
caractère : « horizontal, incarné par les
organismes de base ; vertical, incarné par les organismes de
direction.
Ainsi, le Bureau politique national (BPN) se trouve investi de
la fonction de mise en application des politiques arrêtées par la
conférence et contrôle leur exécution par les organes
d'exécution d'hiérarchie inférieure qui l'adressent un
rapport de leurs activités. Ces instances inférieures
reçoivent des délégations du BPN. Ces
délégations sont souvent composées d'inspecteurs, de
députés, d'ambassadeurs etc....C'est à la suite de ces
missions qu'une liste est établit par le BPN pour récompenser les
organismes ayant réalisé de bon résultat.
En outre il faut souligner que deux principes importants
guident le fonctionnement du parti. Ce sont : le centralisme
démocratique et la dictature et la discipline. Pour ce premier, il est
conçu par Sékou Touré comme «l'acceptation
obligatoire des décisions prises par les organismes
supérieurs»88(*). Il s'agit d'un principe intangible de
fonctionnement du PDG car ce parti qui s'identifie au peuple se doit
d'être organisé et proche du peuple. Et pour cela, de tel principe
est d'une très grande importance car il permet de maintenir le contact
avec la masse militante et de diriger son action. Il est démocratique
pour deux raisons : d'une part par le fait que toutes les décisions
émanent des instances de décision qui regroupes tous les
militants à tous les niveaux et d'autre part par ce que les dirigeants
sont élus directement par les militants.
Pour le second principe, la dictature et la discipline,
corolaires du premier principe, un parti aussi structuré que PDG demande
une grande discipline de ces membres du sommet à la base. Et pour ce
faire des sanctions y sont mises en place allant du blâme (simple ou
public) à la suspension temporaire, la destitution de fonction ou
l'exclusion. L'incapacité provisoire peut être parfois
prononcée contre une personne pour détournement, vol, trahison,
déviationnisme. Parfois les sanctions peuvent très
sévères touchant la peine capitale comme en Septembre 1959 dans
la ville de Kindia.
Si tel est le fonctionnement de la structure, il faut dire que
cela résulte de l'attribution d'un ensemble de compétence qu'il
convient d'évoquer.
A cet effet, notre auteur Bernard Charles
écrivait « le parti était le moteur et le
cerveau du nouvel Etat» et à Sékou Touré de
l'enrichir en affirmant qu'il concentre en ses mains tous les «
pouvoirs politique, judiciaire, administratif, économique et
technique ». De ces propos on peut rapidement mesurer
l'étendue et l'importance des compétences de cette institution.
Elle semble être le socle du système. Mais pour mieux saisir ce
qui peut être sa fonction, il faut voir cet extrait de discours de
Sékou dans lequel il avance que « donner un sens
juridique à l'action du PDG aboutirait, en la subordonnant à la
loi, non seulement à priver notre Parti de la prééminence
qu'il exerce sur l'ensemble des activités de la nation, mais
également à lui retirer la vocation populaire et son
efficacité pratique. Il n'appartient pas à l'Etat d'assumer la
responsabilité du Parti, mais bien au contraire c'est au Parti
que revient la fonction de diriger l'Etat selon les intérêts et la
volonté du Peuple »89(*)
De là, il se dégage l'idée selon laquelle
le parti n'est autre qu'une organisation de la nation et au-delà e toute
autre force politique. Toutes les impulsions part du peuple à travers
les organismes de base pour arriver plutard au BPN. Ce dernier est
chargé de traduire ces impulsions en décisions qui sont
exécutées par la structure administrative de l'Etat.
Ainsi, aucune distinction n'est établie entre le parti et
l'administration de l'Etat ou l'Etat tout court. C'est pourquoi
plus loin il soulignera qu'aucune distinction ne peut être
tolérée entre l'Etat et le Parti car si le premier a la pleine
compétence d'édicter les valeurs, l'organisation, la direction et
le contrôle de ces valeurs sont du ressort du second. Cette norme sera
réellement consacrée par la constitution de 1982
Ainsi établi dans ses fonctions, nous devons
dégager aussitôt la nature et l'idéologie du PDG.
II. L'IDEOLOGIE ET LA NATURE DU PARTI
Nous exposerons ici, en premier lieu, l'idéologie (A)
qui devra nous conduire à mieux cerner la nature du parti (B).
A. L'IDEOLOGIE DU PARTI
Selon le Larousse 2009, l'idéologie est un :
«ensemble plus ou moins systématisé de croyances,
d'idées, de doctrines influant sur le comportement individuel ou
collectif.» Et pour les marxistes c'est la
«représentation de la réalité propre à une
classe sociale, estimée véridique par celle-ci, mais en
réalité dépendante de la place que cette classe occupe
dans le mode de production et de son rôle dans la lutte des
classe ».
Cela dit, nous nous posons la question de savoir quelle
était l'idéologie du Parti Démocratique
Guinéen ?
D'apparence beaucoup pourront dire que le PDG était
idéologiquement d'obédience marxiste. Cependant, lorsqu'on creuse
les analyses plus au fond, il s'annoncera que même si l'usage de
vocabulaires marxistes était fréquent dans les discours des
dirigeant de ce parti, son idéologie était spéciale en ce
sens que les divergences et les différences étaient de
conceptions étaient nombreuses. Mais aussi par le fait que Sékou
a toujours prétendu construire quelque de purement africain.
En effet, il n'était pas souvent exclu d'entendre dans
les discours tenus par Sékou Touré des termes comme :
éduquer les masses, inspirations progressistes, l'opportunisme,
force motrice, le parti révolutionnaire, les masses laborieuses, la
mobilisation des camarades etc.....
Cependant en dépit de ce champ sémantique
essentiellement marxiste, Sékou Touré avait toujours
insisté sur leur différence avec le marxisme authentique.
Ainsi, il partira d'abord de la négation du
matérialisme dialectique qui, selon lui aboutit à
l'athéisme, or le peuple guinéen est fortement croyant,
étroitement ancré dans les valeurs islamiques depuis plusieurs
siècles. Au Fouta par exemple nous avons assisté au royaume
théocratique peulh, dans le pays mandingue, l'Almamy Samory Touré
fut un djihadiste. Les villes de Tombouctou et de Kankan seront des villes
saintes. Donc ce marxiste ne pouvait avoir sa place en Guinée. Partant,
il redéfinira, la question des rapports de production. Chez les
marxistes, l'exploitation est celle d'une catégorie productive par
rapport à une autre; par contre chez Sékou,
« l'exploitation n'est conçu que dans le rapport entre la
production et la répartition ». Dans cette lancée,
il soulignera que la collectivisation des moyens de production ne peut se poser
dans une Afrique où la terre a toujours été un bien
commun. C'est dans ce cadre qu'il rejette tout aboutissement de la
société guinéenne à une société
communiste. A ce propos il précise : «nous sommes
beaucoup plus soucieux de parvenir rapidement à notre totale
émancipation.... que soucieux d'adapter nos conditions et nos
réalités à tel ou tel système
politique»90(*).
En outre, la question de la lutte des classe n'est
différemment traitée que les précédentes. En ce
lieu, Sékou déclare : « II n'existe
qu'une seule et même classe, celle des dépossédés
»92(*).
C'est-à-dire que si l'on devait de lutte en Afrique, elle ne serait pas
entre différentes couches de la société africaine, mais
entre colonisateurs et colonisés. Et par conséquent, on ne
saurait concevoir une paysannerie comme moteur de la révolution comme
cela est le cas dans les pays industrialisés. En même temps, le
dépérissement de l'Etat ne rentre pas dans sa philosophie des
choses car pour lui ce dernier assure de grandes fonctions sociales en ce
moment assuré par son appareil de terrain qui est le parti. Cet Etat
devra évoluer et se perfectionner en s'adaptant au progrès de la
société.
Nonobstant, il ne faut jamais écarter l'idée
selon laquelle Sékou avait été fortement influencé
par le marxisme surtout pendant sa lutte syndicale. Aussi il sera membre du GEC
(groupe d'études communistes) de Guinée et affilié au
parti communiste français pendant ses fonctions de député.
Toutefois, il ressort de cette analyse que s'il a trouvé dans le
marxiste les moyens d'organisation et de déploiement pragmatique et
réaliste d'une lutte, il s'écarte beaucoup plus de son cadre
philosophique et doctrinaire. C'est ce qui lui ferra dire que si dans le
marxisme : « les principes d'organisation, de
démocratie et de contrôle etc... trouvent parfaitement les moyens
de s'adapter aux conditions présentes de l'Afrique », il
ne saurait être question de « s'enfermer dans une
philosophie abstraites».
En somme, nous pouvons affirmer sans aucun doute que
l'idéologie du PDG ne pouvait être autre qu'une
« africanisation du marxisme ». C'est aussi le
point de vue Bernard Charles pour qui le parti s'inspire de Karl Marx pour
enfin plonger dans les authenticités africaines, « le souci de
rendre à l'homme d'Afrique sa véritable
personnalité ». D'où il
affirmera : « Ce retour à des sources proprement
africaines prend alors la forme d'un appel à « l'esprit
communaucratique » de l'Afrique traditionnelle, à la
solidarité qui en était la marque». Cette connaissance
du Parti par son idéologie ne peut que faciliter la détermination
de nature.
B. LA NATURE DU PARTI
Dès ses débuts, le Parti Démocratique de
Guinée s'est refusé d'être un parti ethnique ou
régionaliste, il s'est donné la tache de regrouper tous les
guinéens dans un même corps politique enfin de pouvoir mieux
réaliser l'indépendance. C'est qui ferra de lui un parti de masse
regroupant tout le peuple, ce fut le parti unique par le quel la
révolution devrait se réaliser : un parti
révolutionnaire. Ce sont ces traits qui constituent sa nature et dont il
convient d'analyser. Mais avant de commencer, il faut rappeler que le
caractère de parti-Etat ne sera plus traité ici car nous l'avions
déjà évoqué dans le fonctionnement.
v Un parti de masse : parti
du peuple,
Contrairement au parti de masse en URSS (Union des
républiques socialistes soviétiques) ou en Allemagne de l'Est,
qui ne regroupait qu'une minorité de la population, le PDG en
Guinéen reconnaissait comme membre du parti tous les guinéens.
C'est dans ce sens que Sékou avançait
que : «tout guinéen est obligatoirement membre du
Parti ». « Notre idéologie, nous l'apprenons à nos
enfants dès le plus jeune âge. Un guinéen de 8 ans est
capable de vous l'expliquer»93(*). C'est dans ce contexte qu'en 1959 le parti compta
plus de 800.00094(*)
membres, soit 30% de la population guinéenne. Il ne s'agissait donc pas
de parti d'élite, mais un parti qui unit toutes les couches d'une nation
pour un but bien défini.
De même le système fonctionnement qui connait des
rassemblements de foule géante dénote de cette nature de parti de
masse que fut le PDG. Mais érigé en parti-Etat, on ne pouvait
être que membre ou contre le peuple. C'est ce qui faisait de lui le parti
le parti unique.
v Le parti unique
Ce caractère du parti n'est pas difficile à
comprendre à partir du moment où le peuple s'y retrouve. Aussi,
indiquera son secrétaire général à un journaliste
Danois en 1960, le parti unique en Guinée n'est pas comme ceux d'Europe
car l'unité dont il est question n'est pas imposée de la
tête mais une unité construite d'en bas par la volonté des
guinéens d'unifier leur combat contre le colonialisme et leur
désir de construire une Nation. Pour cela ils se sont tous
retrouvée au sein de la même structure. Et avec l'absence de
classe dans la société, il n'y a aucun intérêt de
créer une opposition. Sinon la constitution en vigueur (article 40,
1960) consacre la liberté d'association. Mais personne ne se sent dans
cette nécessité de se situer en dehors du peuple en action.
En outre, ce caractère fait objet de multiples
justifications parmi lesquelles la nécessité d'une unité
nationale, le sous-développement qui ne serait pas favorable au
multipartisme (cette thèse a été défendue par des
auteurs comme Huntington), le dynamisme révolutionnaire. Cette
dernière raison, fait du parti, appareil pour la révolution.
v Un parti révolutionnaire
A cet égard, le secrétaire général
du parti avait pris soin de souligner, au sujet de certains militants, que la
révolution ne signifie pas « révolte ou violence
verbale ou violence pratique » mais « un
changement qualitatif d'une situation donnée. C'est le
passage d'un état inférieur à un
supérieure »96(*). C'est donc en ce sens qu'il convient
de comprendre de caractère du parti unique guinéen. Cependant
cela ne veut pas que la violence est exclue de son champ de bataille. Il est
l'incarnation du peuple en révolution permanente pour arracher le pays
du carcan de la colonisation. Une révolution qui commencé lorsque
la nation fit partir le pouvoir colonial en 1958. Cela plaçait la
Guinée dans une situation de supériorité par rapport aux
Etats coloniaux. Mais cette révolution n'est pas seulement
guinéenne mais africaine aussi : le but du parti étant
la décolonisation totale du continent.
Personne ne saurait l'incarner d'après le parti,
même si on sait qu'en réalité c'est son secrétaire
général qui l'incarne. En tant que parti révolutionnaire,
son action touche tous les domaines et ne parle qu'en terme de TOUT d'où
son caractère totalitaire.
A la lumière de cette description qui a tenté de
mettre en exergue à la fois l'ossature du parti et les idées qui
le guide, il peut être retenu que ce parti est bien le fruit de
l'histoire de ce pays. Il s'inscrit dans une conception propre du politique qui
essaie de joindre africanité et idée moderne. Cela lui a permis
d'asseoir une forte légitimité, le conduisant d'ailleurs à
se considérer en démocratie authentique. Bien que cette
originalité théorique soit un succès pour
l'autodétermination politique, beaucoup d'autres faiblesses peuvent
être relevé : telle que l'omniprésence du premier
leader du parti dont la pensée semble être la plus dominante.
Toutefois, pour mieux approfondir notre analyse critique, il conviendra de se
pencher sur le Bilan des vingt six ans de la première
république.
PARAGRAPHE 2 : LE BILAN D'UN «PASSAGE
AGITE»
En accédant à l'indépendance le 2 Octobre
1958, la Guinée, par le biais de sa jeune élite, s'engageait
à prendre en main son destin. Cependant, cela se faisait dans un climat
interne et international bouillonnant. En effet, sur le plan national, cette
indépendance annonçait un très grand espoir pour le peuple
qui se disait sorti de la colonisation et partait pour une nouvelle ère
de liberté et de développement. A l'extérieur, le jeune
Etat se lançait dans un monde marqué par la confrontation entre
l'Est et l'Ouest et dont tout petit pays pouvait payer le prix. Aussi son
indépendance signifiait la rupture avec la France, son ex-puissance
coloniale qui s'est vue lancée un défi. De même le
défi d'honorer tout le continent noir face auquel elle se
présentait comme une voie de sortie de la colonisation. Dans cette
atmosphère, des actions seront entreprises. Mais en dépit de
toute réussite, les échecs et les dérives ne seront pas
aussi absents. C'est dans cet esprit dialectique qu'il conviendra d'exposer le
bilan de la première république. Ainsi, nous partirons du cadre
interne (I) pour terminer sur le plan international (II).
I. LE BILAN SUR LE PLAN INTERNE
L'analyse du bilan interne de la première
république est d'une importance capitale car pour nous c'est
l'épicentre de toute réflexion qui doit porter sur ce
passé de la Guinée. Par lui, on peut déterminer si vrai ou
faux la révolution tant annoncée fut une. Pour ce faire nous
aborderons en premier lieu le domaine politico-institutionnel (A) et dans un
second temps celui économique et socioculturel (B). Dans chacun de ces
domaines nous relèverons les réalisations en termes de
réussite ou de projet entrepris avant de toucher aux échecs et
dérives qui en ont suivi.
A. DANS LE DOMAINE POLITICO-INSTITUTIONNEL
Au premier abord, il faut dire que les actes et les actions
posés sur le plan politico-institutionnel sous la première
république ont varié selon les périodes. C'est dans ce
sens que quelqu'un notait dans son mémoire qu'il ne faut pas voir
seulement le caractère dictatorial de ce régime mais plutôt
les contextes à la base de ces transformations. Car selon lui le
régime n'a commencé à se durcir qu'à partir des
années 62 et 63. Si une telle affirmation présente le risque de
conduire à un déterminisme irresponsabilisant, elle a pourtant le
mérite de faciliter la compréhension des faits.
Cela dit, cette analyse devra nous conduire successivement
à traiter les réalisations (1) avant de dégager les
échecs et les dérives qui s'en ont suivi (2).
1. Les réalisations sur le plan
politico-institutionnel
En croire à la détermination qui conduit
à l'indépendance guinéenne, il n'est pas difficile de
dégager les actions qui furent entreprises dans le domaine
politico-institutionnel dans ce pays pour rendre réelle la
révolution. Par leur diversité, nous pourrons les situer dans le
cadre constitutionnel, sur le plan juridictionnel et dans la vie politique.
v Le cadre constitutionnel :
En effet, dans le cadre constitutionnel, il faut dire que la
Guinée sous la première république a connu deux
constitutions : la première est celle du 12 Novembre 1958. Cette
constitution consacrait un régime présidentiel avec
d'énorme pouvoir pour le président de la république. A ce
propos Bernard. Charles écrit : « les
rédacteurs ont pris au système américain tout ce qui
permettait une concentration des pouvoir entre les mains du président,
mais en rejetant tous les garde-fous pour empêcher, en théorie, un
régime fort de devenir dictatorial »96(*). Bien qu'en accordant assez de
pouvoir au président, cette constitution selon Maurice Jeanjean
s'inscrivait dans la lignée des constitutions démocratiques du
monde car se conformant aux principes démocratiques universels,
affirmant l'adhésion de la Guinée à la charte des Nations
Unies, à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, sans
oublier d'exprimer la volonté de ce pays à construire les Etats
Unis d'Afrique.
Selon toujours l'auteur, cette constitution était
subdivisée en deux principales partie : la première
déterminait l'organisation de l'Etat (les grandes institutions comme le
président, l'assemblée nationale, la justice et l'administration
de l'Etat etc...) et la seconde les libertés publiques (liberté
de pensée, liberté d'association....). Elle posera d'ailleurs le
principe de l'Etat qui est « le pouvoir du peuple, par le peuple
et pour le peuple »97(*).
La seconde constitution sera celle du 14 Mai 1982. Cette
constitution sera à l'origine d'énormes changements dans la vie
politique guinéenne. Mais il faut souligner qu'elle-même fût
le fruit de l'évolution du contexte. En effet, après vingt ans
d'existence fortement marquée par de nombreuses agitations, le parti
unique guinéen se disait avoir atteint « le stade
avancé de démocratie populaire». Cette idée
devait se traduire dans de nouvelles institutions politiques et juridiques.
C'est dans ce cadre que la nouvelle constitution, tout en gardant certains des
droits et libertés fondamentaux consacrés auparavant en 1958, va
proclamer ou explicité certaines nouvelles normes : telles que
l'égalité entre l'homme et la femme, le devoir de travailler. De
toutes ces nouveautés, certaines seront plus saillantes: il s'agit de la
suppression du droit d'association qui ne sera que la conséquence de la
consécration de l'absence de distinction, même formelle, entre
l'Etat et le Parti unique. Cela est justifié par le fait que c'est
le parti qui a fondé l'État dont est née la nation
guinéenne, c'est pourquoi, Il lui revient de l'organiser, de le diriger
et de le contrôler " en assumant réellement toutes les fonctions
en tant que parti-État et en oeuvrant à la réalisation du
peuple-État " (IIe Constitution, Préambule). Ainsi le
parti-Etat était fondé alors que la constitution
précédente était muette sur l'existence de ce parti en
tant grande force de tout le peuple.
v Sur le plan juridictionnel
En affirmant en « La justice est l'un des reflets
les plus fidèles de tout régime politique donné. Ainsi,
à tout régime, sa conception de la justice»98(*), Sékou Touré
dégageait la vision que le Parti se faisait de la question de la
justice.
Sur le plan institutionnel, cette vision s'est traduite en
décision et institutions. En effet, avant la consécration de la
justice par le titre de la constitution de 1958, des mesures furent prises en
1957 pour supprimer les juridictions traditionnelles et unifier système
normatif c'est-à-dire pour qu'une même loi s'applique sur tout le
territoire à tous les citoyens. Ces réformes se poursuivront
juste après l'accession à l'indépendance. C'est ainsi que
sera créé le 15 Octobre 1958 une cour d'appel, et par la suite
un Tribunal suprême de cassation afin de garantir les droits des citoyens
car les jugements sont rendus par des magistrats qualifiés. A ces
instances modernes de justice, il faut ajouter la juridiction d'exception qui
est la haute cour de justice mise en place le 20 Avril 1959. Cette haute cour
est composée de ministres et présidée par le
président de l'assemblée nationale.
En outre d'autres juridictions furent créées
comme le tribunal spécial pour les délits économiques
(1966), la direction de la police économique au sein du ministère
de la défense nationale et de la sécurité.
A l'instar de ces institutions certains textes furent mis en
place et allant dans le sens de la démocratie et la modernisation selon
Maurice Jeanjean, c'est le cas : du code du travail de 1960, le code de la
sécurité sociale (la même année), la loi sur
l'interdiction du racisme (1963), la protection de l'enfant naturel (1961),
l'interdiction de la polygamie et la règlementation du divorce (1968).
Aussi en 1972, un décret est pris pour créer des services
pénitenciers et établir des normes sur la protection des
prisonniers. Toutefois le changement de constitution que connaitra le pays en
1982 se répercutera sur le domaine juridique et c'est ainsi que les
instances juridictionnelles précitées seront remplacées
par des juridictions populaires telles annoncées par le président
Sékou depuis 1972.
A l'image, de ce cadre politico-institutionnel bien
agencé théoriquement, la sphère de la vie politique sera
aussi marquée par des actes et actions.
v Dans le cadre de la vie politique :
A la lumière de l'évolution du cadre
constitutionnel, peut aussi se dessiner celle de la vie politique. D'un
régime présidentiel, le système guinéen va passer
progressivement à une « république populaire
révolutionnaire » où toutes les institutions
allaient être à la solde du parti unique. Cette évolution
déterminera le fonctionnement de la vie politique.
En effet, la vie politique sous la première
république en Guinée s'est progressivement fermée au nom
d'une quête d'union national. Cela est parti dès le lendemain de
l'accession à l'indépendance. Cette période exceptionnelle
a été saisie par le PDG pour approcher et phagocyter les autres
partis. C'est ainsi que les Barry Diawadou, Barry III de l'ancien Bloc Africain
furent respectivement nommés ministre de l'enseignement et
Secrétaire d'Etat. Par ce fait, l'essentiel de la population se
trouvait regrouper dans le même mouvement. C'est pourquoi sans
s'aventurer loin ; la vie politique sera celle du parti unique. Ce dernier
se voit donc régi par le principe de l'unanimité. Toutefois en
les absorbant, on avait permis à tous les partis de garder leur doctrine
au nom de la liberté d'opinion et d'expression. Dans le même
contexte, le pouvoir était appelé à « incarner
et à exprimer la morale du pays » (telle développer par
le parti).
Cette couleur de la vie politique laissait voir une
atmosphère d'unité et de démocratie comme le souhaitaient
les dirigeants quand ils s'exprimaient.
Cependant dans la réalité plusieurs
défaillances seront enregistrées. Elles peuvent bien sûr
conduire à modérer une vision trop positive de ce régime.
Pour justifier cette affirmation, il conviendra de se pencher sur les
échecs et les dérives sous la première
république.
2. Les échecs et les dérives
politico-institutionnels du régime
Ce présent moment de notre réflexion est d'une
très grande importance. Car il s'agit de révéler les
facteurs par lesquels se sont dégagées les faiblesses et les
limites des pouvoirs politiques de la première république dans
le cadre politico-institutionnel. Cependant il n'est pas facile de le
réaliser car lorsqu'on se plonge dans le tas de littérature
consacrée à cette partie, écrite ou non par des
Guinéens, on se perd par le manque d'objectivité qui marque les
ouvrages et article : le combat de communication entre partisans et
opposants au système et à son leader. Mais pour le besoin du
travail académique, nous serons amenés à transcender ce
climat pour nous placer en « scientifique ». Pour ce faire
plusieurs axes sont à toucher :
v Le centralisme politique du régime :
Comme nous l'avions vu avec l'escalade de la vie
constitutionnelle, le régime guinéen a été
longtemps marqué par une forte concentration des pouvoirs de
décisions. Bien que cela soit justifier par les dirigeants comme
répondant à la nécessité d'unifier les
guinéens et d'assurer le développement, justification qu'on ne
peut écarter en bloc, elle présentait le risque de conduire
à une fermeture du système ou de l'espace aux restent de la
classe politique. C'est à dire à un autoritarisme. Cela
s'affirmera trop tôt lorsque, avant la constitution de 1958,
l'assemblée générale confiait tout le plein pouvoir au
gouvernement dont désignait comme chef de l'Etat Sékou
Touré. Cette récupération du pouvoir s'accroitra au fil
à mesure que le pays va faire face aux perturbations d'ordre interne et
externes. En ce lieu, la plupart des auteurs s'accordent sur le fait que c'est
après les agressions portugaises de1970 que le pouvoir se concentra
encore plus. Cependant avant cette période, les libertés joliment
consacrées par la constitution vont commencer à être
restreintes au nom des besoins de la révolution. C'est ainsi, selon
Ibrahima Baba kaké, qu'un décret du 27 Janvier 1959 va organiser
la suppression de la liberté de la presse. Ce qui conduira à
l'interdiction du quotidien « Guinée Matin » en
1959. Seul l'hebdomadaire du parti « Liberté » ou
Horoya sera autorisée99(*). Dans le même contexte, l'auteur critique le
concept d'unanimisme que chantait le parti. Unanimisme qui conduira à la
suppression de toutes formes d'opposition considérée comme
contre révolutionnaire. Le centralisme conduit donc à restreindre
le champ des débat voire le supprimer.
Une autre facette du centralisme politique, fut la
mystification de la personnalité du chef de l'Etat. Ce dernier est
considéré comme l'un des trois piliers100(*) indissociable, invincibles
et indestructibles du système. Il est le père de la Nation, le
stratège président et le serviteur suprême du peuple.
Ces qualificatifs laissaient entrevoir la consécration d'un culte de la
personnalité. Ce qui peut bien sûr conduire de nombreuses
dérives.
Mais il faut dire que ce centralisme sera couronné par
l'adoption de la constitution de 1982 qui fusionnera totalement le Parti et
l'Etat. Le président devenait à la fois chef de l'Etat et de
gouvernement et en même temps secrétaire général du
parti.
Ainsi en annonçant la victoire du parti par son
progrès dans la réalisation d'une démocratie populaire, le
premier proclamait en même l'échec du premier chemin qu'il avait
choisi : une démocratie pluraliste et ouverte.
Mais qu'en est-il de la sphère de la justice et des
droits et libertés fondamentaux ?
v La justice révolutionnaire et les restrictions de
droits et de libertés fondamentaux
Dans son ouvrage sur Sékou Touré, Maurice
Jeanjean s'attèlera à dénoncer le caractère fictif
des droits et libertés fondamentaux consacrés par les
différentes constitutions que connaitra son régime. Car pour lui
il ne s'agissait pas seulement d'établir de beaux textes mais il faut
les appliquer et offrir les moyens de leur application. Cependant, selon
toujours l'auteur, lorsque les libertés étaient
proclamées, elles sont suivies d'un arsenal de normes juridiques
restrictives dégagées dans le code pénal ou dans des
textes spécifiques. Ainsi plusieurs textes ne limitaient-ils des
libertés individuelles comme la liberté de circulation :
c'est le cas des déplacements (exodes rurales) qui ne pouvaient
être effectués qu'en informant l'officier de police qui en est
chargé du contrôle. Aussi les sorties du pays doivent recueillir
l'approbation du président de la république.
Dans le domaine de la justice les principes de protections des
citoyens tel que le droit de disposer d'un avocat était très
contrôler par le fait que toutes les professions libérales avaient
été d'abord fonctionnarisées avant d'être
supprimées.
La transformation des juridictions ordinaires et
pénales en tribunaux révolutionnaires en 1982 ouvrait une fois
encore la porte à d'autres exactions contre les dits
« contre-révolutionnaires ».
Le comble de toutes ces violation de droits de l'Homme sera
réalisé dans à la suite des nombreux complots qui ont
chaque fois conduit à des arrestations et la fuite de guinées
vers l'extérieur.
v Les complots sous la première
république :
Dire que les complots sous la première
république étaient tous faux est en soi faux, de même qu'on
ne peut nier que des injustices énormes furent commises à
l'encontre de gens innocents d'une part et d'autre à l'encontre de
personnes bien que coupables mais subissant des sanctions disproportionnelles
par rapport à l'infraction commise.
Ces complots qui seront très nombreux pour ne pas dire
permanents, seront le fait de plusieurs catégories d'acteurs : le
gouvernement français à travers ses agents secrets (les aveux de
Jean Foccart, le Monsieur de l'Afrique), les opposants guinéens en
exils, les opposants à l'intérieur et les concurrents au pouvoir,
et certains pays limitrophes. Toutefois, exclusion n'est pas faite à la
grande possibilité que le gouvernement guinéen soit plus
lui-même l'auteur. Ainsi plusieurs cas de complots seront
enregistrés durant les vingt quatre ans d'existence du régime.
Tout commence par le complot dit des « agents du
colonialisme et des intellectuels tarés » le 20 Avril
1960 moins de deux ans après l'accession à l'indépendance.
Ce complot aurait été fomaté par la France avec le
concours des gouvernements sénégalais et Ivoirien. Il visait
à provoquer un soulèvement contre le pouvoir dans le Fouta
Djallon où il y avait des opposants aux régimes (Maurice
Jeanjean). Il conduit à la condamnation à mort de sept
guinéens, l'emprisonnement d'un français qui sera
libéré plutard.
Le second complot est désigné sous le nom de
« complot des enseignants et des intellectuels marxistes
tarés » en Novembre 1961. Ce complot qui mettait à
plat les dirigeants du syndicat des enseignants eut pour raison la
revendication par ces derniers du respect de la promesse qui leur avait fait
par le gouvernement de revaloriser leur salaire et leur statut. En plus ils
demandaient aussi le maintient des enseignants français et refusait de
fusionner leur syndicat dans le plus grand syndicat déjà sous le
contrôle du gouvernement (la Confédération nationale des
travailleurs de Guinée ou CNTG). Cela leur a valu de lourde condamnation
après « un simulacre de jugement » selon Maurice
Jeanjean, dix ans de prison pour Koumandian Keita et Ray Autra et trois ans
pour le célèbre historien guinéen Djibril Tamsir Niane.
Cet événement eut des répercutions importantes dans le
milieu scolaire et universitaire car très tôt et pour la
première des manifestations seront organisées par les
enseignants, étudiants et les élèves pour protester
contre l'arrestation de leurs collègues. Mais ces manifestations seront
réprimées par la milice révolutionnaire. Et conduira
à la dissolution du parti Africain pour l'indépendance (un parti
marxiste) qui critiquait Sékou d'avoir choisi le neutralisme à
l'alignement sur Moscou.
Le troisième complot appelé « complot
des commerçants » fut orchestré en 1965 avec l'aide du
président ivoirien, de la France (Jean Foccart) et d'un riche
commerçant guinéen Mamadi Touré qui voulut créer
son parti. Il sera condamné avec deux de ces cocomploteurs. Des
incidents diplomatiques en naitront entre les trois pays, la Côte
D'ivoire soutenant d'ailleurs les opposants guinéens du Front de
libération nationale de Guinée. Le 4ème complot dit
«des officiers félons et des politiciens véreux» aura
lieu en 1969 touchant réellement l'armée dans un contexte
où les meilleurs alliés de la Guinée à savoir le
Mali et le Ghana voyaient présidents déchus par les militaires.
Le 22 Novembre 1970 intervint l'éminent complot dit de
« la cinquième colonne » par le
débarquement portugais. Cette invasion de la Guinée associait le
Portugal et des dissidents guinéens de l'extérieur. Mais les
conséquences seront désastreuses. En terme bilan des victimes il
n'y a pas de chiffres clairs là-dessus. Les chiffres publiés par
le tribunal révolutionnaire suprême sont les suivants :
· à la peine capitale 61 personnes
dont 21 par contumace
· aux travaux forcés à
perpétuité 66 personnes
· à l'expulsion de Guinée 16
personnes, en majorité des femmes101(*)
Cependant d'autres chiffres plus importants sont
publiés par des chercheurs et victimes. Ainsi dans son ouvrage
intitulé, la vérité du ministre, Abdoulaye Diallo donne,
quant à lui, les chiffres suivants : 255 personnes
arrêtées parmi les hauts cadres, les ministres et les hommes
d'affaire et 125 tuées et estime à 5.000 le nombre des
personnes arrêtées. L'association de promotion des droits de
l'Homme dresse un bilan des personnes arrêtées entre novembre
1970 et septembre 1971, qui aboutit à 338 personnes
arrêtées et 113 tuées102(*). Camara Kaba 41103(*) avance le nombre de 12 000
cadres arrêtés 35, et Line Gagnon, dans le cadre du programme MBA
de l'Université de Laval au Canada, parle de 10 000 à 30 000
disparus.
En dernier lieu, il faut signaler le complot dit
« complot peulh » en 1976 qui vit Diallo Telli
condamné à mort avec ces compagnons au dit complot. Cette fois ci
c'était une ethnie qui était mis en cause. Selon Maurice
Jeanjean, cela pouvait être lié au fait que depuis les
débuts du multipartisme en Guinée, c'est au sein de cette ethnie
que les véritables opposants à Sékou Touré
s'étaient affichés. Nonobstant, il faut dire le mal de se
régime aura touché toute la Guinée.
Au-delà de ces cas cités, d'autres complots ou
actes s'apparentant ont eu lieu mais nous ne pourrons tout citer ici. Il s'agit
tout simplement de comprendre que le régime qui semblait faire
l'unanimité de tous les guinéens connaissait de sanglantes
oppositions. L'importance de ces agitations sera à l'origine de la
décimation d'une partie de l'élite guinéenne ce qui
à plus d'un titre était le reflet d'un échec dans la vie
politique. Il sera symbolisé parle sinistre camp BOIRO connu du monde
avec ces diverses pratiques de torture et mauvaises détentions (c'est le
cas de la diète noire).
Si cela était brièvement le bilan sur le plan
politico-institutionnel qu'en était-il du domaine économique.
B. DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE ET
SOCIOCULTUREL
Là encore, les actes et les actions volontaristes n'ont
pas manqués. Cependant face aux difficultés contextuelles
internes et externes les résultats escomptés ne seront ne pas
toujours atteints. D'énormes échecs et dérives seront donc
enregistrés en dépit de toutes les initiatives. Ainsi nous
exposerons d'abord les réalisations dans le cadre économique et
socioculturel (1) avant d'aborder les échecs et dérives (2).
1. Les réalisations sur le plan
économique et socioculturel
Si la recherche de l'indépendance politique
était primordiale pour le pouvoir guinéen sous la première
république, il reconnaissait cependant que cette dernière ne
pouvait être effective que lorsqu'elle était accompagnée
d'une indépendance économique, sociale et culturelle. C'est dans
ce sens qu'interviendront ces différentes réalisations :
v Sur le plan économique :
Les politiques de développement économique mis
en place en Guinée sous la première république furent
essentiellement influencées sur le plan interne par le désir de
réaliser une indépendance économique et sur le plan
externe par la rupture que le pays consomma avec la France. Ces
réalités déterminèrent une orientation
économique vers le « socialisme africaine »
C'est par la création le 1er Mai 1960 de la
monnaie guinéenne appelé le « Syli» ou
« éléphant » en langue malinké que le
pays son pas vers la mise en place d'un système économique. La
première phase de ce marathon, est appelée par les auteurs
« l'expérience guinéenne ». Elle
commença par l'élimination des symboles du commerce colonial dit
« commerce de traite » basé sur les exportations par
la Guinée de ressources naturelles contre les produits
manufacturés. Cette élimination des trusts coloniaux
d'import-export est consacrée par la nationalisation des banques et la
création des comptoirs guinéens de commerce intérieur
(pour les en gros) et de commerce extérieur. Cela permettait
d'écarter le système d'exploitation colonial où le flux de
commerce privé cachait la misère du peuple.
Il s'ensuivra la mise en place d'un plan triennal
(1960-1963) qui visait essentiellement la mise en place des équipements
nécessaires au développement. C'est dans ce cadre que seront
réalisés : la construction de l'Imprimerie Nationale «
Patrice Lumumba » (avec l'aide la de République Démocratique
Allemande), l'agrandissement de l'aéroport de Conakry, la construction
de l'Institut Polytechnique, la construction d'un grand stade moderne de 25.000
places à Conakry (avec l'aide de l'U.R.S.S.). Ce dernier est le seul que
le pays dispose jusqu'à ce jour. Ce plan sera financé à
hauteur de 38, milliard de dollar par des fonds internes et essentiellement
avec l'aide de pays qui ont accepté la Guinée après sa
rupture (politique, économique et culturelle) avec la France. Ce furent
le Ghana, l'Allemagne de l'Est, l'URSS, et les Etats Unis d'Amérique.
Dans ce plan plusieurs petites unités industrielles (les conserveries et
les usines de jus de fuit) furent mis en place et des bâtiments et
réalisations coloniaux.
Ensuite vint le plan septennal de 1964 à 1970. Ce plan
vise le développement de la production centré sur les ressources
propres de la Guinée. Pour ce faire, il faudra développer
l'agriculture qui devra ravitailler les industries. Cette agriculture portera
sur diverses cultures commerciales et non, comme : le café, le
cacao, le palmier à huile, le riz, le thé, le tabac, la banane,
les fruits (orange, mangue, ananas etc...). Dans le cadre de ce cadre de ce
plan, certains chiffres montrant les progrès sont à
avancer : 25.000 tonnes d'arachides, 20.000104(*) tonnes de palmiers à
huile. Presque dans chaque région fut expérimentée une
culture selon le climat. Ce septennat prévu aussi le
développement de l'élevage surtout en moyenne Guinée et en
haute Guinée.
Pour le domaine industriel de nombreuses usines vont
naitre grâce au plan septennal. A cet égard on peut citer entre
autres : une saurisserie et un nouvel abattoir à Conakry (1961 et
1962), frigorifique du Port de Conakry (capacité 300 tonnes), la
conserverie de viande et de légumes de
Mamou,
l'Entreprise national de briqueterie et céramique de Kobaya (briques et
tuiles), industrie de cigarette et d'allumettes de Sonfonia, l'usine de sciage
et de contreplaqués de N'Zérékoré, une
tôlerie d'aluminium avec la firme américaine Harvey etc.... Pour
alimenter ces usines, il fallait construire des sources d'énergie. C'est
ainsi que furent réalisés le barrage de kinkon en moyenne
Guinée, un barrage à Sérédou près de Macenta
en région forestière.
Sur le plan minier, il faut dire que la Guinée est un
pays vastement riche et appelé à ce titre « scandale
géologique ». Ces principales ressources minières
sont : la bauxite, le fer, le diamant, l'or etc.... L'exploitation
de ces ressources sous la première république sera
réalisée par des sociétés comme la
société nationale d'exploitation du diamant mis en place en 1961
avec une capacité qui atteignait 300.000 carat, la société
de Bauxite de Midi, la société internationale de Fria.
Cette description de la situation économique laisse
à croire que le succès était total. Ce qu'il faut toute de
suite écarter car, au-delà des efforts non négligeables
qui ont été fournis, les interrogations peuvent se dégager
sur le comment ces décisions prises ont été mises en
oeuvre et qu'en est-il des résultats des plans et des dérives
découlantes ? C'est à ces questions qu'il faudra
répondre dans une analyse critique, mais bien avant il faut se pencher
sur les réalisations socioculturelles.
v Sur le plan socioculturel
Si dans tous les domaines les autorités de la
première république ont laissé des traces, sans doute
c'est sur le plan socioculturel qu'elles peuvent être encore plus
visibles. En effet, comme dans la plupart des pays d'Afrique noire, le grand
parti (PDG) qui conduit à l'indépendance s'est
présenté dès le départ comme l'instrument de la
construction de la future nation guinéenne. Pour ce faire le parti
s'engagea à lutter contre le régionalisme, l'ethnocentrisme, et
les chefferies traditionnelles qui accentuaient les inégalités
par les exploitations. Cette même politique a continué durant
toute la première république avec bien sûr des limites
qu'on ne peut négliger (à traiter dans les critiques). Ainsi, une
loi consacrait l'interdiction du racisme en 1963. En plus des mesures
législatives, des émissions radiophoniques s'inscriront dans ce
cadre ainsi que des manifestations publiques. Le brassage entre les tendances
ethniques deviendra encore plus important avec le développement des
grandes villes.
Sur la condition féminine, le parti fit un grand par
rapport à de nombreux pays dans le monde à cette époque.
Cela s'explique par les grands changements qui ont été introduits
dans le statut de la femme entre 1962 et 1968. A ce titre, l'âge au
mariage fut fixé à 17 ans, la nécessité du
consentement mutuel au mariage fut établie, le divorce remplaça
la répudiation, la monogamie, la dot, les conditions de travail furent
définies.
Aussi l'importance accordée à la femme s'est
manifesté par la place qui lui fut accordée dans les instances
politiques et syndicales. Ainsi on pouvait compter 3000 élues en
1968 dans les organismes du parti, 10% furent dans le Bureau politique national
du parti105(*),
certaines seront ministres, gouverneurs, ambassadrices etc..... Elles
manifestèrent parfois pour faire changer certaines décisions
gouvernementales : ce fut le en 1964 et en Août 1977. Cette
dernière manifestation conduira à l'ouverture du petit commerce
jusque là contrôlé par l'Etat et la suppression de la
milice économique.
L'émancipation de la femme fut accompagnée par
celle de l'enfant grâce à la loi sur la protection de l'enfant
naturel en 1961.
Ø Dans le domaine culturel, l'action du régime
fut encore considérable au delà des dérives qui ne peuvent
être ignorées. Cela en ce sens qu'en se considérant
révolutionnaire, il était conscient que cette révolution
ne pouvait se réaliser que par un changement de mentalité.
Changement qui ne pouvait se faire que par une prise en charge de la
sphère culturelle. C'est ce qui sortira d'un discours du
président lorsqu'il affirmait : «dans un régime
révolutionnaire comme le nôtre, les recherches artistiques
n'admettent pas d'autres références fondamentales que la
Révolution elle-même ... L'Information a pour objet de valoriser
les créations du Peuple ... Une valeur méconnue par le Peuple
n'en est pas une106(*)»(1968). Ainsi était établie
la relation étroite entre l'Etat et la culture. Cette relation sera
consacrée réellement dans le cadre de la révolution
culturelle socialiste que le parti décréta le 2 Août 1968.
Cette révolution culturelle devait permettre :
« la transformation de l'art et de la culture dans leur
contenu et leur forme, et leur mise au service des grandes masses populaires,
l'éducation de la classe du peuple dans les idées du socialisme
et l'élévation de leur niveau de formation scientifique,
technique, afin de conditionner leur
productivité ».
Ainsi, cette nouvelle orientation devait trouver sa mise en
oeuvre dans la vie du peuple. Et pour ce faire le domaine de l'enseignement
passait en premier lieu. Mais avant cette date, la Guinée comme tous ses
pairs ouest africains, enseignait le français comme langue de formation.
Cependant, dans le cadre de la révolution culturelle et après sa
rupture avec la France, les langues locales allaient connaitre une
revalorisation. Dans chaque région, l'enseignement est
réalisé dans la principale langue (en soussou, peulh, en
malinké et dans les langues de la forêt). Aussi les CER ou
collège d'enseignement révolutionnaire sont créés.
L'objectif de ces CER est déterminer par Sékou Touré en
ces termes : « on ne va plus à l'école pour savoir
lire et écrire seulement, on y va d'abord pour connaître un
métier et c'est dans l'apprentissage de ce métier qu'on apprendra
à lire et à écrire». Il s'agira d'une
véritable révolution : mettre les formations en relation
avec les besoin et les réalités. Selon cette politique, chaque
enfant de 5 à 8 ans consacre une demi-journée au travail et pour
l'enfant de 13 à 16 ans trois demi-journées. Cette pratique a
d'ailleurs été proposée dans l'ouvrage de René
Dumont aux africains qui laissaient leur élites s'accoutumer à la
faciliter et aux jeux en les écartant des travaux extrascolaires.
Certains progrès réalisés par le
régime sont dégagés par le sociologue guinéen Oumar
Touré qui écrit sur son site (www.oumartoure.com) que le taux de
scolarisation passa de 11 à 32% pour les jeunes en 1984, et pour ceux de
plus de vingt- quatre ans au niveau des études supérieures nous
avons 5%. Aussi deux universités sont crées : c'est
l'université Julis Nyerere de Kankan et l'université Gamal Abdel
Nasser de Conakry. En plus de ces universités, des instituts comme
l'institut d'Agronomie de Faranah furent construits et une quarantaine de
facultés. La mise en oeuvre de la nouvelle orientation culturelle se
manifeste aussi dans le domaine de la cinématographie et de la
photographie par la création successive : le 2 juillet 1973 de la
Régie nationale Syli Photo et le 27 juillet 1974 une entreprise
nationale de production de films, Sily-Film. (- Une entreprise nationale de
distribution de films Syli-Cinéma).
En outre la religion du régime avec le monde religieux
(islam, christianisme et animisme) ont varié dans le temps et selon la
religion. Avec l'animisme, le parti prit des mesures pour l'affaiblir ou le
supprimer car considéré comme irrationnel. Le christianisme
considéré comme supportant les opposants coloniaux fut en
général un adversaire jusqu'au départ des
archevêques européens pour être remplacés par des
guinéens. En dernier lieu l'islam en grande partie la religion
revendiquée par le pouvoir comme partie intégrante de la culture
et du système de pensée. Cela se justifie par les nombreuses
déclarations du secrétaire général du parti par
lesquelles il refuse le marxisme scientifique comme idéologie car
considéré comme athée. De même ces relations avec le
monde arabo-musulman en témoigneront.
Toutefois, au delà de cette facette
généralement positive que nous venons de décrire, une
autre n'existe-t-elle pas et permettant de relativiser cette première.
C'est ce qu'il faut voir dans les lignes qui vont suivre.
2. Les échecs et les dérives
économiques et socioculturel du régime
Dans cette présente analyse critique, nous suivront la
même comme celle ci haute c'est-à-dire partir du cadre
économique pour terminer par le socioculturel.
v Les échecs et les dérives
économiques
Lorsque Sékou Touré déclarait en
Décembre 1961 : «les paysans stigmatisent et la forme
et les méthodes employées pour les astreindre à un travail
qu'ils ne considèrent pas autrement que comme du travail
forcé»107(*), il reconnaissait par ces termes que les politiques
employées en matière économique avait laissé des
séquelles que le peuple ne supportait plus.
Cet échec s'expliquait en premier lieu par la nature du
système économique adopté. Ce n'était autre que le
socialisme économique que la Guinée avait mis en place sous
l'impulsion de l'Est qui restait son véritable créancier. Ce
système n'étant pas adapté à la situation
socioculturelle a conduit rapidement le peuple a manifesté son
mécontentement.
Cette inadaptation s'explique dans le domaine agricole par
exemple par l'usage de tracteurs sans pièces de rechange et de
connaissance suffisante pour leur utilisation. Dans le même secteur,
l'échec pouvait aussi être identifié par l'accroissement de
l'importation de riz qui ne cessait pas d'augmenter. La baisse des productions
agricoles sera significative: par exemple l'exportation de bananes qui
s'élève en 1972 au quart de leur valeur de 1964.
De même la création de la monnaie
guinéenne fut un acte de souveraineté économique.
Cependant très tôt cette monnaie va sombrer dans l'inflation et la
dévaluation. Cela pour plusieurs raisons tel que le caractère
anticipé de la création de cette monnaie. Toute monnaie devant
tirer sa force de l'importance de la réserve d'or que le pays dispose ou
de l'importance de son développement économique, la Guinée
mettait en place sa monnaie sans remplir aucune de ces conditions. De plus
cette monnaie ferra objet d'un sabotage tant sur le plan interne qu'externe.
Sur le plan interne, l'exportation clandestine de produits a conduit à
des fuites de capitaux et sur le plan externe les services secrets
français fabriqueront des faux billets pour augmenter la masse
monétaire afin de faciliter l'inflation (les archives de Jean
Foccart : la Françafrique). C'est dans cette situation que le syli
sera créé comme nouvelle monnaie en Octobre 1972. A cette
occasion Sékou Touré ferra le compte rendu de l'évolution
de l'inflation passant de 10milliards en 1960 à 12.350 milliards en 1963
jusqu'à 38 milliard en 1972.
Sur le plan budgétaire beaucoup de défaillance
peuvent être soulignées notamment le manque de transparence dans
les statistiques où les vrais chiffres sont généralement
cachés. Aussi l'absence d'examen des réalisations jusqu'en 1968.
Malgré la mise en place d'un ministère du contrôle
financier, ce dernier sera le plus souvent bloqué par les ténors
du régime surtout après la publication d'un rapport qui faisait
état des malversations des administrations inférieures.
Dans le domaine commercial, les dérives sont
considérables. Dès ses débuts, le régime s'engagea
dans une étatisation du commerce. Cette nationalisation se
réalisera parallèlement avec l'existence d'entreprises
privées. Mais la porte du commerce privé sera fermé en
1975 avec la suppression des marchés hebdomadaires dans les villages
jusqu'en 1979 où ils sont rouverts avec des conditions.
Tous ces ratés sont couronnés par la dette que
le régime laisse derrière : cette dernière est
estimée en 1984 à 1.570millions de dollars. A cela il faut
ajouter la dépendance galopante du pays de l'extérieur. Elle
ferra objet d'une analyse plutard. Toutefois avant de passer il convient
d'analyser les limites des politiques socioculturelles.
v Les limites des politiques socioculturelles
S'il est vrai que les efforts dans ce domaine ont
été manifestes, force est de reconnaitre que les limites
remontant jusqu'à nos jours sont notables.
En effet, comme exposé plus haut, l'idéal du PDG
était donc de faire disparaitre le régionalisme,
l'ethnocentrisme, cependant ces mentalités sont toujours restées
et souvent les positions du gouvernement lui même étaient
ambiguës et contradictoires car tout en dénonçant ces
racismes, il parlera de « complot peulh en 1976. De même
certaines recherches sur l'appartenance de cadre ont montré que les
cadres malinké furent les plus nombreux de l'administration (plus de
45%), ensuite venait les soussous, les forestiers et enfin les peulh. Cet usage
de l'ethnie dans la lutte politique et son utilisation dans le
néopatriminialisme fut aussi connu sous la première
république lorsqu'on sait que l'essentiel des personnages qui formaient
l'entourage du président était de sa famille directe ou
indirecte. Ce fut le cas de Siaka Touré, d'Ismaïl Touré,
Lansana Diané par exemple et tant d'autres.
Toujours sur le plan social, la pauvreté que le
régime lègue est important. Même si dans ce sens aucune
statistique fiable n'est retrouvée, beaucoup de réalités
laissent voir que la principale raison pourrait être une mauvaise
répartition des rares ressources qui était présentes. Cela
s'explique par les pratiques clandestines de commerce par les
privilégiés et les cadres du régime, les pots de vin qui
n'ont jamais cessé malgré les mesures dures prises par le
régime contre ces pratiques. L'insatisfaction des besoins fondamentaux
restait réelle lorsque le pays est classé en 1988-1990 parmi les
pays moins avancés avant une moyenne inférieure à la norme
des ces pays, l'espérance de vie étant 58ans, l'accès de
la population rurale à l'eau très faible avec 24% seulement, le
taux de scolarisation au primaire et au secondaire étant 22% et pour les
adultes 24%. (PNUD : programme des Nations Unies pour le
Développement). Sans oublier le PNB qui était se tournait autour
des 440 dollars (1990).
En somme les lègues en matière de
déchirement social et de pauvreté ne seront pas
négligeables à la fin de ce régime.
En matière culturelle, malgré les
renommées que le pays put connaitre en tant que porte flambeau de la
culture africaine à travers ses troupes de danse et de ballet, il faut
dire sur le plan interne d'énorme faillites restaient encore là.
Au primo pouvait être indexé le contrôle
du système culturel par le régime. Le besoin de réaliser
un totalitarisme complet conduit à mettre sous la direction du seul
acteur de la vie publique (parti) le système de penser devant conduire
la société. Si cela en soi n'est pas mal car étant une
nécessité pour toute société autogouvernante.
Cependant lorsque l'usage de ce cadre idéologique vise à
favoriser certains groupes au profit des autres c'est-à-dire asseoir
mieux un pouvoir au profit de ces détenteur, nous sommes en face d'un
instrument d'exploitation des masses. Et cela pouvait bien être
décelé dans la tendance du parti unique à supprimer toute
contradiction et par cela bloquer la liberté d'opinion qui est pourtant
la clef de toute réussite culturelle. Dans le domaine de l'enseignement,
il faut ajouter au conflit qui exista entre le milieu intellectuel et le
pouvoir illustré par les deux complots de 1960 et de 1961 ainsi que les
manifestations des élèves et étudiants. Aussi la fuite des
intellectuels pour rejoindre la métropole et les pays limitrophes
étaient aussi d'autres signes de l'échec de la politique
d'éducation. A ceci, il faudrait ajouter le caractère
improvisé et mal préparé de la politique d'enseignement
dans les langues nationales (Maurice Jeanjean). Cette dernière politique
fut pourtant appréciée par beaucoup d'auteurs car elle
eût le mérite de poser le problème108(*), celui de l'autonomie
de l'enseignement en Afrique. Toutefois, elle échouera pour plusieurs
raisons comme le manque d'engagement de la part des acteurs et partenaires.
Ainsi, le terrain culturel connut le même sort
que tous les autres secteurs dans lesquels intervint le pouvoir
c'est-à-dire marqué par un monopole incontestable de l'Etat.
Si tel est l'existence interne du
régime, il convient de se pencher ses rapports avec l'extérieur
avant de faire une véritable conclusion sur son passage.
II. LE BILAN SUR LE PLAN INTERNATIONAL
S'il est d'un domaine la Guinée fut le plus
enviée sous la première république c'est sans doute dans
les relations internationales incarnées par les actes et les entreprises
par son président Ahmed Sékou Touré. Ces relations vont de
la sphère africaine pour toucher le reste du monde où celles
qu'elle aura avec son ancienne puissance coloniale sera réellement
particulière. Dans toutes ces relations, il faut dire que la dialectique
des effets positifs et négatifs sera toujours là. Partant, nous
exposerons d'une part les rapports entre la Guinée, l'Afrique et
l'ancienne puissance coloniale : la France (A); et d'autre part nous
pencherons sur ces relations avec le reste du monde notamment le monde
socialiste communiste, le monde arabe et les Etats Unis et le monde occidental
(B).
A. LES RAPPORTS DE LA GUINEE AVEC L'AFRIQUE ET
LA France
L'indépendance guinéenne aux yeux de la plupart
des africains était la consécration de la dignité noire
perdue pendant plusieurs siècles d'esclavage et de colonisation, de
même pour la Guinée, dire « non ! » a la
France n'était pas seulement l'affaire d'une petite entité
qu'elle était mais le point départ de la libération de
tout un continent. Cependant cette effervescence n'était pas
perçue de la même manière partout car quittant la
communauté proposée par la France elle devait faire face à
deux oppositions, celle de certains Etats africains satellites de la France et
celle de sa future rupture avec cette dernière.
Pour cette présente réflexion, nous essayerons
d'exposer les relations africaines (1) de la Guinée avant de toucher
celles entretiendra avec l'ancienne métropole (2)
1. Les relations Africaines de la
Guinée : une Championne du panafricanisme
En affirmant le 2 Octobre 1958 : «le choix
guinéen dépassait le cadre territorial de la jeune
république et devait servir de tremplin au développement des pays
d'Afrique Noire toute entière, la liberté de la Guinée ne
prenant son sens qu'en débordant les limites étroites du
pays »109(*), Ahmed Sékou Touré consacrait un
principe qui allait être l'une des normes fondamentales de la conduite
extérieure de la Guinée en Afrique. C'était la vision
guinéenne de son indépendance face à l'Afrique :
construire l'unité politique du continent. Cela sera d'ailleurs
établi dans le préambule de toutes ses deux constituions à
savoir celle de 1958 et celle de 1982 où elle affirme sa volonté
de créer les Etats Unis d'Afrique. L'article 34 de la première
constitution stipule : «la République peut conclure
avec tout Etat Africain des accords d'association ou de communauté,
comprenant un abandon partiel ou total de souveraineté en vue de
réaliser l'Unité Africaine»110(*). Cet idéal de
construire l'Unité africaine s'affirma en premier lieu dans le cadre de
l'union Ghana-Guinée mise en place le 1er Mai 1959 par les
deux Etats pour constituer la base du futur Etat fédéral
Africain. Ils seront rejoints le 24 Décembre 1960 par le Mali. C'est
cette union qui donnera naissance au groupe de Casablanca ou la groupe des
progressistes. Ce groupe voulait la création de l'Etat
fédéral africain. Mais n'ayant pas obtenu les Etats Unis
d'Afrique en Mai 1963 à Addis Abéba, à cause de
l'opposition du groupe des modérés dont Houphouët Boigny, la
Guinée demandera à travers Sékou
Touré demandera qu'une organisation soit mise en place. Et c'est ainsi
que cette dernière va apparaitre comme le fruit d'un compromis entre les
deux groupes.
En outre il faut dire que le panafricanisme guinéen fut
aussi la lutte pour la décolonisation de toute l'Afrique. A cet
égard la Guinée fut le foyer d'accueil des nombreux mouvements
anticolonialistes ou mouvements de libération pour
l'indépendance. Entre autres nous pourrons cités : le
mouvement dirigé par Amilcar Cabral pour la libération de la
Guinée Bissau et de Cap-Vert, des mouvements Angolais de
libération nationale, des membres du congrès Africain d'Afrique
du sud, l'anticolonialiste camerounais Félix Roland Moumié. Son
soutient au mouvement de libération en Algérien et sa ferme
condamnation de la mise à mort de Patrice Lumumba en 1960.
Cependant ces actions n'iront pas sans engendrer des
oppositions parfois dures de la part d'autres Etats Africains. Ce sera le cas
réellement pour la Côte D'Ivoire et le Sénégal pour
ne pas dire la grande partie des membres de la communauté
française mise en place par De Gaulle avec l'aide d'Houphouët
Boigny. Ces deux premiers pays accueillent et soutiennent les oppositions
guinéennes sur leur territoire. C'est dans ce contexte qu'intervint le
complot « petit Touré » qui, d'après les
autorités guinéennes devrait être soutenu par le Côte
d'Ivoire. Plus important sera le refus de ce pays d'accorder l'usage de son
territoire par les guinéens pour rétablir Nkrumah déchu
par les militaires de son pays. Cette opposition est peint par Ameillon
lorsqu'il écrivait «le Président de la Côte
d'Ivoire, Houphouët-Boigny, qui mit autant sinon plus d'ardeur que de
Gaulle à vouloir écraser le pays qui, s'il réussissait,
entrainerait le sien dans l'Indépendance». Toutefois, ces
hostilités prendront fin en 1978 avec l'aide du président
libérien Tubman lors de la conférence de Monrovia.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ces engagements du
régime en Afrique, lui coûteront financièrement chers. Cela
fait parti d'ailleurs des critiques qu'Ameillon lui adresse.
Mais qu'en était-il de ses relations avec la
France ?
2. Les relations Guinéo-françaises
sous la première république
En ce lieu, il faut dire que les relations entre les deux
Etats ont été parmi les plus agitées que le régime
touréen connut.
En déclarant le 2 Octobre 1958 :« la
France n'a pas à rougir de " l'oeuvre accomplie ici avec les Africains
(...). L'indépendance est à la disposition de la Guinée,
elle peut la prendre en disant " non " (...), la métropole n'y fera pas
obstacle »111(*), le général De Gaulle n'avait pas
encore dévoilé la vraie position de la France face cette position
guinéenne. Car de peur de ne pas voir les autres colonies suivre le pas
de la Guinée, la métropole s'apprêtait à saboter
cette indépendance dans toutes les voies.
Cependant dès le début, la Guinée
signifiait que son indépendance n'était pas synonyme d'une
rupture totale avec la France, mais une coopération entre des peuples
égaux. C'est dans ce sens que Sékou Touré soulignait en
1958 « ...nous ne voulons pas nous déterminer sans la
France ou contre la France.... »112(*). C'est pourquoi dès la proclamation de
son indépendance la Guinée enverra un message
télégraphique à Paris afin que celui-ci la reconnaisse.
Cependant cette reconnaissance n'intervint plutard qu'au 7 Janvier 1959
après la signature de trois protocoles d'accord de coopération
dans trois domaines : la monnaie, l'assistance technique et le domaine
culturel. Ces protocoles seront suivis d'un échange d'ambassadeurs le 21
et 23 Janvier 1959.
Mais ces protocoles ne seront que partiellement mis en oeuvre.
C'est ainsi qu'en 1960, la Guinée sortira de la zone franc pour
créer sa propre monnaie. Cette décision sera suivie de la
nationalisation de Banques jusque là détenues par les
français. Et en retour la France bloquera les pensions de 40.000
pensionnés guinéens.
Les aggravations de la discorde interviendront en 1959-1960
lorsque la Guinée découvre que les services spéciaux
français sont impliqués dans un complot contre sa
sécurité par utilisation des territoires ivoiriens et
sénégalais.
En novembre 1965, la relation diplomatique sera totalement
rompue. Cette coupure va durer jusqu'au 14 juillet 1975 où l'ouverture
intervint. Cette ouverture est amorcée un an plutôt en 1974
après l'élection présidentielle française, et sera
menée à terme en huit ans : échange d'ambassadeurs (1976),
règlement du contentieux financier (1977), visite officielle du
président Giscard d'Estaing à Conakry, accords de
coopération (1979), visite officielle de Sékou Touré
à Paris (1982).
De part et d'autre les conséquences qui seront
présentes. Pour la France en perdant la Guinée, elle perdait des
intérêts économiques et une parcelle d'influence. Quant
à la Guinée, elle connaitra des répercussions
économiques car la France étant dans le passé une
alliée économique importante. Sa place dans les importations en
Guinée passa rapidement du 10ème rang en 1970 au
2ème en 1978 avant d'occuper le premier rang en 1982. Pendant
cette rupture l'assistance française aux oppositions guinéennes
va perturber la vie politique et la stabilité du pays.
Toutefois les désaccords franco-guinéens
n'empêcheront la Guinée à se trouver des alliés dans
d'autre partie du monde. Ces partenaires seront à la fois des deux blocs
Est et Ouest et aussi des Etats arabes d'Afrique et d'Asie.
B. LE RESTE DU MONDE : L'EST, L'OUEST ET
LE MONDE ARABE.
Face au refus de coopération de la France, la
Guinée se fraya son propre chemin : le neutralisme en relations
internationales. C'est au nom de cette définition de ses relations avec
le reste du monde que la Guinée établit de nombreux accords avec
les deux grands blocs en guerre froide (1) et plutard le monde arabe (2).
1. Les relations de la Guinée avec les
deux blocs : communiste et capitaliste
En se donnant une vision du comment agir sur la scène
internationale en périodes de pleine guerre froide où la lutte
idéologique assaille le monde, la Guinée va tisser des relations
non exemptées de perturbations avec les communistes et les Etats
capitalistes.
En effet, avec les premiers les rapprochements s'entameront
très tôt. Dès son accession à l'indépendance
la Guinée sera vite reconnu par les pays socialistes et
communistes qui sont l'Union soviétique et ses satellites ainsi que
la Chine, le Cuba, l'Allemagne de l'Est etc.... Cet acte politique sera
accompagné de nombreuses aides économiques, et culturelles. Ainsi
des chiffres publiés par les américains permettent de voir
l'importance de ces aides : « 440 millions de
dollars de 1958 à 1980. Ce qui faisait de la Guinée le
sixième des bénéficiaires africains. Quant aux accords
bilatéraux, la Guinée en signa près de 300 avec eux contre
seulement 126 avec les États capitalistes. De 1959 à 1970, le
nombre de boursiers envoyés dans les mêmes pays a
été de plusieurs centaines chaque année, soit de 40
à 60 p. 100 des étudiants envoyés à
l'étranger. Pour les années 1978-1982, la moyenne tourne autour
du millier. Mais c'est surtout dans le domaine des armements que l'aide sera
aussi importante »113(*). Cependant l'assistance de ces pays
à la Guinée en matière agricole sera
considérable : ce sera des tracteurs ainsi que des engrais.
En plus les missions ministérielles entre les Etats
socialistes et la Guinée seront trois fois plus fortes qu'avec les pays
capitalistes. Cependant ces relations n'ont pas parfois manquées de
conflits. Car avant de s'engager définitivement dans une amitié
avec ces Etats Sékou Touré agira d'abord avec prudence. Il refusa
de s'approprier de leur idéologie qu'il considérait incompatible
à la culture du peuple guinéen. C'est pourquoi il fit expulser
l'ambassadeur soviétique en 1961 en raison de son implication dans le
complot dit « des enseignants ». Cet ambassadeur
était accusé de vouloir endoctriner des jeunes guinéens et
cfaire des sabotages économiques. Cette incidence sera résolue
une semaine plutard en 1962. De même il interdira l'aéroport de
Conakry aux avions soviétiques à destination de Cuba lors de la
crise de missiles. Il justifiait cette position en
affirmant que «les révolutions ne sauraient s'importer ni
s'exporter».
Face au monde occidental, la Guinée appliqua le
même neutralisme, mais les relations seront pas plus intenses qu'avec
les Etats de l'Est. Dans ce bloc Ouest, la Guinée recevra de nombreuses
aides à la fois alimentaire et financière de la part des Etats
Unis qui se placeront d'ailleurs en deuxième position derrière
l'URSS. Ces aides s'élèveront à hauteur de
140milliards de Dollars114(*) entre 1958 -1980 d'où la Guinée
devenait le sixième pays bénéficiaire d'aide
américaine sur le continent et les entreprises américaines
prendront une part importante dans l'exploitation de la bauxite en
Guinée. Les incidences avec ce pays seront moindres. Toutefois certains
guinéen comme Diallo Telli sera arrêtés pour
coopération avec la CIA contre la Guinée. Aussi malentendus
eurent lieu : tel en 1961, les américains fermeront leur centre
culturel à cause des répressions du régime, expulsion du "
corps de la paix " en 1966. Malgré tous ces incidents les relations
entre les deux resteront toujours. Ce que témoignera la visite du chef
de l'Etat guinéen à Washington en 1979.
En somme, s'il est vrai que le neutralisme guinéen fut
une véritable expression du non alignement en relations internationales,
il faut pourtant dire qu'il ne la pas permis d'échapper à
l'influence des deux blocs. L'influence de l'Est se manifestera dans l'usage
même de la scène politique fait de rassemblement populaire et des
discours à connotation socialiste voire communiste. Cependant, du
côté américain, on réussira à faire
éviter une immersion totale de la Guinée dans le camp
soviétique et parfois on créera même des dissensions entre
les deux amis d'alors. Delà la question se pose même sur
l'indépendance de la Guinée qui restait de plus en plus
dépendant. Toutefois, nous pouvons en tirer comme leçon le fait
que ce pays ait pu se donner un chemin moins synonyme de subordination que le
fait de se rallier à un camp.
2. Les relations avec le monde
arabo-musulman
Si au début de son existence la religion n'occupait une
place si importante, vers le milieu et la fin de la première
république ses autorités s'orienteront de plus en plus vers
l'affirmation d'une identité africaine musulmane. Cette
réorientation idéologique, se manifestera dans les relations
extérieures qu'entreprendra le pays à partir des années 70
notamment avec le monde arabe en Afrique du Nord ainsi qu'au Moyen Orient. Mais
il faut aussi cette réorientation pas seulement des finalités
religieuses, car elles seront aussi économiques et politique.
C'est ce qui sera dégagera des aides de ces Etats
arabes qui s'élèveront à hauteur de 604,6 millions de
dollars (1973-1980). Il s'ensuivra de la construction de la mosquée
Fayçal de Conakry (la plus grande mosquée de la Guinée)
par les marocains à l'aide de fonds de l'Arabie Saoudite. Dans le
même cadre la Libye offrira à la Guinée sa première
chaine de télévision en 1979. Il ne faut pas aussi oublier les
échanges cultuels qui sont effectués entre ces pays notamment en
matière d'enseignement islamique.
En outre, nommé président du comité
islamique des bon offices, le président guinéen Sékou
Touré jouera un grand rôle dans la résolution du conflit
Irano-irakien. De même avant sa mort il entreprendra de
réconcilier le Maroc et l'Algérie sur la question du Sahara
Occidental.
Finalement comme le note Oumar Touré, la Guinée
s'était était revenue sur la scène internationale avec
encore plus d'éclat nouant des relations avec toutes les parties du
monde. Mais il faut dire que cette importante représentation dans la
sphère internationale n'a pas empêché le pays d'avoir
difficultés socioéconomiques et politiques.
A la lumière de cette analyse sur la première
république, nous pouvons affirmer à l'image d'Ali Badara Sylla,
que le bilan ce régime est « le bilan positif d'un
échec ». Cela par le fait qu'il réussit
à innover, à réaliser un réaménagement
nouveau de la société guinéenne, a propulsé ou
tenter de propulser cadre nouveaux des idées. Le volontarisme
incontestable qui marqua ce régime dans son dessein de construire une
identité guinéenne et Africaine sans quoi toute
autodétermination reste impossible. Cependant, force est de reconnaitre
que le prix à payer pour atteindre ce stade de liberté est lourd,
d'autant lourd que les victimes guinéennes ou non seront nombreuses, un
totalitarisme affirmé sur tous les plans, une dictature de la masse.
Mais aussi une prise en otage du système par parfois une
minorité. Ces constats que nous dégageons seront d'ailleurs le
point vue du président de cette première république
lorsqu`il déclarait : « la Révolution est
la résultante d'une prise de conscience d'un passé et d'un
présent lourds de conséquences, doublée
d'une autre prise de conscience d'un avenir radieux que l'on peut atteindre,
à condition d'agir ».Delà nous comprenons qu'il ne
s'agit pas seulement de faire l'histoire mais il faut aussi savoir y tirer
d'importantes leçons sur les échecs et les réussites pour
construire l'avenir. Est-ce que cela fut-elle le cas de la Guinée qui au
lendemain de la mort de Sékou va entamer une réorientation de la
vie politique sur un bilan qui ne fut à la hauteur des attentes du
peuple de Guinée de 1958 ? Pour répondre à cette
question il conviendra de se pencher sur la phase de la démocratisation
en Guinée. Mais avant de rentrer dans cette phase, il conviendra de
savoir comment le régime de la première république a
disparu et qu'en fut-il de la période transitoire vers la
démocratisation ?
SECTION2 : LA FIN DU PREMIER REGIME ET LES DEBUTS
DU REGNE MILITAIRE : une transition ?
Après vingt quatre ans à la tête de la
Guinée, le régime de démocratie populaire devait
obéir à la loi oméga115(*). Cela intervint à la mort de Sékou
Touré en 1984. Cette disparition du responsable suprême de la
révolution allait conduire à l'arrivée au pouvoir des
militaires et marquer la fin de la première république et tout
son arsenal systémique (paragraphe1). Dès cette prise de pouvoir,
les militaires annoncèrent la transition en édictant certaines
mesures comme prémisses d'une éventuelle ouverture (paragraphe2).
En ce lieu il faut dire que le régime d'ouverture n'est pas encore
là. Il s'agit donc d'une période spéciale entre ouverture
et système fermé. Elle est d'autant importante que la
réussite de la future transition est à sa solde. D'où la
nécessité cette présente réflexion.
PARAGRAPHE 1 : LA MORT DE SEKOU TOURE ET L'AVENEMENT
DU POUVOIR MILITAIRE
Dans ce paragraphe transitoire il s'agira de parler de deux
évènements importants dans l'histoire politique moderne de la
Guinée : la mort de Sékou et le conteste national et
international dans lequel elle intervient (I) et la prise de pouvoir
anticonstitutionnelle des militaires et les raisons qu'ils évoquent
(II).
I. LA MORT D'AHMED SEKOU TOURE : un contexte
politique important :
Narrer tout simplement la mort de Sékou Touré ne
peut avoir de grands impacts sur ce travail. Mais l'inscrire dans un contexte
national et international qui l'a précéda est important.
Ainsi, il faut dire que c'est dans un contexte de
réorientation de la politique interne et externe de la Guinée
qu'intervint la mort de Sékou Touré. En effet après dix
neuf ans d'existence, le régime guinéen s'était rendu
compte des limites des politiques collectivistes et socialistes qui avaient
été entreprises depuis les débuts du régime. Si
d'une part ils proclamaient que le régime était à un stade
avancé de démocratie populaire116(*), les autorités guinéennes
étaient aussi conscientes des pertes des prix lourds que le peuple avait
payé, de la faillite économique donc d'une
nécessité de faire mieux. C'est ce qui poussa le président
à lancée une grande offensive diplomatique à travers le
monde à la suite des rétablissements des relations avec la France
et les Etats voisins longtemps hostiles. Ce retour de plus en plus fort sur la
scène internationale était la manifestation d'une certaine
ouverture, bien sûr contrôlée, mais devant permettre une
relance de l'économie guinéenne par le retour des investisseurs
de toute part. Aussi, sur le plan politique interne, de massive
libération de prisonniers avait commencé. Cette politique
était pour les dirigeants guinéens la réaffirmation du
« neutralisme positif » qui prouvait que la
Guinée n'était ni un pays de l'Est ni de l'Ouest mais un Etat
indépendant d'Afrique qui compte traiter les relations d'égal
à égal avec les autres Etat. Dans la même
atmosphère, la Guinée se préparait à accueillir le
XXème somme de l'Organisation de l'Unité Africaine dont a
été membre fondateur. En ce sens plusieurs auteurs s'accordent
sur le fait que la transition en Guinée était entamée,
mais vers le renforcement de l'ancien régime ou un autre régime,
rien ne déterminait.
C'est donc dans ce contexte d'ouverture politique et
économique que le président Sékou Touré rendit
l'âme aux Etats Unis à Cleveland le 26 Mars 1984 à 21H
GMT.
Mais qu'advint t-il au régime établi depuis
vingt six ans de révolution ?
II. LA PRISE DU POUVOIR PAR L'ÁRMEE :
pour quelle raison ?
La prise du pouvoir par l'armée guinéenne
intervint dans un contexte de lutte de succession à la tête de
l'Etat des anciens ténors du régime de Sékou
Touré.
En effet, à l'annonce de la mort de ce dernier le 26
Mars 1984, les membres du comité central du tout puissant parti (PDG) se
réunir pour nommer le chef de l'Etat par intérim
conformément à la constitution en vigueur : ce fut le
premier ministre Louis Lansana Béavogui. A ce titre, ce dernier
devait présider les funérailles et veiller à la mise en
application des clauses de la constitution relative à la vacance de
pouvoir : « l'organisation de l'élection d'un nouveau
d'un président dans les quarante cinq jours qui suivent le
décès de l'ancien président».
Après des obsèques impressionnantes de celui qui
est considéré par la plupart des personnes comme l'une des
grandes figures de la cause Noire, de l'islam africain, de
l'émancipation du peuple de Guinée (sans oublier que d'autre le
qualifie de tyran), les choses allaient vite changer dans la conduite politique
de L'Etat. Car, pendant que les PDGistes se battent entre eux pour le pouvoir,
les militaire allaient les surprendre en annonçant le 3 Avril à
2heures à la radio « la Voix de la
révolution » : la prise du pouvoir par l'armée
avec à sa tête le colonel Lansana Conté ! Et
proclamèrent la deuxième république !
Cette déclaration sera suivie d'une liesse de joie dans
les rues de Conakry et dans certaines grandes villes du pays ainsi qu'à
l'extérieur où se trouve plus d'un million et demi de
guinéens ayant fuit le premier régime. Cet
évènement devait annoncer l'ouverture d'une nouvelle ère
dépourvue des contraintes révolutionnaires.
Ce coup d'Etat sera justifié par les militaires par le
besoin de « sauver le peuple de la guerre
civile». Dans le même ordre de discours, le nouveau
pouvoir allait condamner fermement l'ancien régime en ces
termes : « au départ, un groupe d'hommes se rend
maître du pays et des richesses de son sous-sol : l'or, les diamants, la
bauxite pillés directement ou par compagnies minières
interposées. Alors que ces hommes vivent dans l'opulence, le pays est
laissé l'abandon. Les discours détournent la population des
réalités. Durant 26 années, la politique remplace la
production ... La fermeture des frontières, l'isolement
économique du pays, permettent de maintenir à un cours artificiel
très supérieur à sa valeur réelle la monnaie
nationale», et poursuivra en affirmant « Un homme ne
peut diriger à lui tout seul un grand pays comme le
nôtre ».
Cette entrée fracassante en jeu et la
recherche de légitimité va ouvrir la porte à une
période transition dirigée par le comité militaire de
redressement national (CMRN) dont les premières décisions, fort
radicales, sont d'une importance capitale dans cette analyse.
PARAGRAPHE 2 : LA PERIODE TRANSITOIRE A LA
DEMOCRATISATION : quel départ ?
La démocratisation en elle-même comprend une
phase de transition qui précède la consolidation. Mais dans ce
cas guinéen, avant cette démocratisation proprement dite, le
pays a connu une période exceptionnel allant de l'effondrement total du
régime mis en place sous la première république à
la mise en place des premières institutions démocratiques (en1984
et 1990). C'est durant ces six ans que le comité militaire va prendre
d'importantes mesures qui conditionneront à nos yeux la réussite
de la future transition démocratique. Après avoir
dégagé les décisions à caractère
général (I) nous chercherons à toucher celles qui ont
visées l'armée dont la nouvelle emprise risque de compromettre la
suite des réformes (II).
I. LES DECISIONS A CARACTERE GENERAL
D'entrée, le Général Lansana Conté
va annoncer que : «l'ancien régime est
mort !» Ce fut vraiment la mort de ce régime
car le premier discours qui annonçait la prise du pouvoir par
l'armée va partir de la suppression du grand parti unique, la
dissolution de toutes les institutions politiques (assemblée nationale,
la jeunesse révolutionnaire, les différents comités et le
bureau politique national) et suspension de la Constitution. Seront
maintenues, la confédération nationale des travailleurs de
Guinée avec un rôle très encadré et la structure de
l'administration.
La table rase faite du régime s'en suivra d'autres
décisions importantes telles que: la libération de trois
cents détenus politiques et relaxe des détenus de droit commun,
l'emprisonnement d'une soixantaine d'ex-dirigeants. La création d'une
commission ad hoc pour étudier les dossiers des innombrables victimes
et martyrs. La libre circulation des personnes et des biens est
rétablie.
Sur le plan socioculturel, c'est la suppression
systématique de tout enseignement idéologique et le renforcement
de l'enseignement du français, l'autorisation des écoles
privées, la suppression de l'impôt en nature, le libre exercice de
la médecine privée...
Ces mesures urgentes concerneront aussi le domaine
économique où la nécessité de défaire le
système antérieur jugé improductif se posait. C'est ainsi
qu'un programme intérimaire de redressement national est engagé
pour 1985-1987 avec le concours de la Banque mondiale et le FMI. Aussi une
privatisation géante est lancée pour transférer au secteur
privé l'ensemble des entreprises détenues jusque là par
l'Etat (sauf quelques unes). On assiste à la dévaluation et
à la récréation du secteur bancaire avec le maintient de
la Banque centrale au détriment six autres banques insolvables, la
libéralisation des échanges et la liberté de prix
s'installent rapidement. De même le syli dévalué à
92 % est remplacé par le Franc guinéen.
De côté, la fonction publique ferra objet d'une
refonte profonde. Cette moralisation de l'administration est
réalisée par la mise en place d'un programme de départs
volontaires, des tests d'évaluation-sélection qui viseront les
fonctionnaires etc....
L'ensemble de ces mesures consacrait la disparition du
régime précédent. Il s'agit toutefois des premières
actions vers la libéralisation politique et économique dont nous
avancerons la suite des mises en oeuvre dans le chapitre qui leur est
consacré.
Par ailleurs à l'image des secteurs que nous venons
cités, ces premières mesures toucheront aussi bien le domaine de
l'armée. Cette dernière en prenant le devait se tailler la part
du lion.
II. LA PHASE TRANSITOIRE ET LE RENFORCEMENT DES
BASES MILITAIRE DU POUVOIR
La prise du pouvoir par l'armée dans un contexte de
totale illégitimité demandait qu'elle se donne les moyens de son
existence c'est-à-dire chercher une certaine légitimité.
Pour ce faire, elle allait commencer d'abord par l'armée où elle
devait taire toute éventuelle opposition. Cette politique de
neutralisation consistait en une promotion automatique aux grades
supérieurs. Ainsi tous les sous-officiers (du caporal à
l'adjudant-chef) et les sous-lieutenants allaient voir leur grade croitre. Dans
le même cadre d'autres grades qui avaient été
supprimés sous la première république sont rétablis
en 1984. D'autres promotions aux grades supérieurs interviendront en
Juin 1989 visant : 214 officiers et 233 sous-officiers. Ces derniers
passeront au grade de sous-lieutenant. Mais il faut dire que la première
de toutes ces mesures sera celle qui consacra une séparation entre la
fonction publique et l'armée car sous la première
république l'armée avait été intégrée
à la fonction publique en vu qu'elle soit contrôler de peur
qu'elle ne fasse un putsch. Cette fois ci elle prendra même la tête
de l'administration en remplaçant tous les gouverneurs en place depuis
l'ancien régime par des militaires.
Ces privilèges que bénéficient les
militaires vont s'étendre à leurs conditions sociales. En ce lieu
on peut noter les revalorisations successives de leur de solde : en 1984,
1986, faisant ainsi le double des salaires toujours retardés des civils.
Aussi, leur casernes sont en voie de modernisation (le camp Samory
rénové par les philippins à hauteur de 30 millions de
dollars) et des équipements nouveaux sont attachés surtout en
termes d'armements.
Les putschs ne se limiteront pas là car à la
suite de la tentative de coup d'Etat avorté, le colonel Diarra et de
nombreux officiers de l'ethnie malinké sont arrêtés et ils
mourront dans les prisons avec certains dignitaires et proches de l'anciens
président Sékou Touré comme : Siaka Touré,
Ismaël Touré et tant d'autres, sans jugement ni procès.
Cette incidence conduira d'ailleurs à un pillage chez l'ethnie de ces
derniers.
Par là, le nouveau gouvernement se donnait la main
libre pour gouverner avec moins d'obstacles. Et le comité militaire de
redressement national restera dans ce contexte l'exécutif et le
législatif : il s'agit en réalité d'un régime
d'exception.
Toutefois, si détruire quelque chose est souvent
facile, en reconstruire ne l'est pas toujours. C'est pourquoi plusieurs
facteurs liés à cette transition laissaient vraiment planer
l'incertitude sur ce que serait la future transition démocratique. Ces
facteurs tels qu'on peut les déduire sont la question ethnique, la
suprématie de plus en plus affirmée des militaires sur tous les
autres citoyens, la monopolisation du pouvoir. Et les répressions de
certains mouvements sont déjà présentes en 1988.
Par ailleurs, Il faut souligner que l'une
caractéristique de cette période de transition est l'absence
d'instituions véritable et de constitution. Aussi, elle mettait à
l'oubliette toute question liée aux dérives de l'ancien
régime sans pourtant organiser une véritable
réconciliation. C'est dans ce contexte que la démocratisation
allait être lancée par le CMRN.
CHAPITRE 2 : LES ANNEES 90 OU
« L'OUVERTURE » DU SYSTEME POLITIQUE GUINEEN : une
marche vers l'Etat de droit
« Si la Démocratie est un droit et un art
de vivre ensemble pour une société responsable, elle exige de
s'enraciner dans les réalités profondes de chaque Peuple pour
traduire ses aspirations propres ».
Lansana Conté117(*)
En Guinée, il faut dire que le retour à une
ouverture du système à commencer tôt, avant même les
années 1990. En effet, conscient des échecs connus dans les
politiques socialistes, Sékou Touré avait déjà
entrepris d'alléger le radicalisme révolutionnaire dans les
années 80. Aussi à son arrivée au pouvoir en 1984, Lansana
Conté avait annoncé cette même ouverture. Toutefois la
démocratisation en Guinée telle nous la saisissons aujourd'hui
est bien sûr le fait de la troisième vague répondant
à des exigences à la fois internes qu'externes qui seront
à l'origine de la prises de décisions importantes en termes de
réformes. Mais, si la mise en place d'institutions démocratique
ne constitue qu'une étape de la démocratisation (transition), il
va falloir attendre la phase de la consolidation, pour parler d'une
démocratisation. Cette phase correspond au lendemain des réformes
c'est-à-dire leur évolution et le bilan qui puisse en
découler. C'est à partir de ce moment que l'on peut saisir
l'étendue des efforts fournis pour relever le défi de la
modernité politique en Guinée.
Pour mener à bien cette analyse, il convient de
préciser que nous n'allons pas revenir sur les raisons internes (qui
sont les échecs et les dérives du premier régime ayant
conduit aux demandes d'ouverture du peuple) et les exigences externes
(déjà développées plus haut dans cadre de la
démocratisation en Afrique noire francophone), mais nous
évoquerons d'une part les acteurs de cette démocratisation et les
principaux axes des réformes qu'ils ont entreprises pour l'ouverture
(section1) ; et d'autre part nous examinerons l'évolution et le
bilan du régime d'ouverture (section2).
SECTION 1 : LES ACTEURS DE LA DEMOCRATISATION ET
LES PRINCIPAUX AXES DE REFORMES
Tout fait social est une construction des acteurs de la vie
sociale. Ceci étant, la démocratisation en Guinée ne
pourrait être que le résultat de la combinaison d'un ensemble
d'effort d'acteurs à la fois interne et externes (paragraphe 1). Ces
derniers, intervenus au lendemain de l'effondrement du régime de
Sékou Touré vont prendre des mesures à la fois radicale et
révolutionnaire pour mettre le Guinée sur la voie de la
libéralisation politique et économique : la transition pour
la démocratie. Pour ce faire, d'énormes réformes devaient
être envisagées et dont nous essayerons d'évoquer les
principales (paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : LES ACTEURS DE LA DEMOCRATISATION EN
GUINEE
En Guinée, la démocratisation répondait
avant tout à une demande interne mais aussi c'était la condition
à remplir pour que ce pays puisse bénéficier de l'aide de
ces partenaires occidentaux. C'est dans cette perspective qu'il convient de
distinguer entre les acteurs internes (I) et les acteurs externes (II) de la
transition démocratique guinéenne.
I. LES ACTEURS INTERNES DE LA TRANSITION
DEMOCRATIQUE
L'étude des acteurs internes de la
démocratisation en Guinée est d'une importance capitale car il
s'agit de voir le rôle déterminant de chacun d'eux et surtout
comprendre que ce phénomène n'est pas seulement importé
comme nous aimons souvent le dire mais sollicité aussi par les
africains. Dans ce cas guinéen, il faut dire que l'armée
guinéenne (A) fut l'acteur principal. Aussi les partis politiques et la
société civile (B) occuperont une place importante.
A. L'ARMEE GUINEENNE ET TRANSITION
DEMOCRATIQUE
D'entrée, il faut rappeler que l'armée
guinéenne a « été créée le
1er Novembre 1958 sous la première république.
C'est l'armée guinéenne qui fut à la
base de l'ouverture politique et économique en Guinée dans les
années 90. Car, avant cette date elle prenait le pouvoir et appelait
tous les guinéens, dans un discours programme le 22 Décembre
1985, à s'engager pour « assurer une transition pacifique
vers une société démocratique digne du grand
Peuple » de Guinée. C'est dans ce contexte qu'elle
lancera les premières réformes d'ajustement économique,
politique et socioculturel. Pour la plupart des auteurs, s'ils n'ignorent pas
les règlements de comptes perpétrés par l'armée,
ces premiers pas sont pourtant de grands signes de démocratie.
Cependant, dans le même contexte, les nouvelles
autorités réunies au sein du conseil militaire de redressement
national (CMRN) vont commencer à poser les bases solides de leur pouvoir
militaire : en détournant la véritable direction du
processus de transition.
Delà, la militarisation de l'administration et la
politisation de l'armée commence parallèle aux grandes
réformes constitutionnelles en 1990 qui intervient sous l'égide
d'un autre conseil mis en place par les militaire. Ce dernier conseil
appelé Conseil Transitoire de Redressement National (Février
1991), composé de plusieurs civils restera sous leur contrôle.
Ainsi, loin d'être le gardien d'une transition transparente, loin de
renoncer au pouvoir comme elle promit à la prise de pouvoir,
l'armée se lança sous Conté dans la course politique. Sa
main mise sur le processus de démocratisation et l'usage de ce dernier
à son profit devrait faire agir d'autres acteurs dont les actions seront
déterminantes. Il s'agit du peuple incarné cette fois ci par les
partis politiques et la société civile.
B. LES PARTIS POLITIQUES ET LA SOCIETE CIVILE
dans la transition
S'ils ne sont pas considérés comme acteurs
premiers de la démocratisation en 1990, c'est par ce qu'à la fin
du régime de Sékou, ils étaient tous presque absents sur
la scène politique unipolarisée. C'est plutard, à partir
des années 90 qu'ils vont commencer à se constituer.
En abordant en premier lieu les partis politiques, il faut
rappeler que le phénomène multipartiste n'est pas nouveau en
Guinée. Il remonte à la période des effervescentes luttes
pour l'indépendance où la Guinée connut plusieurs partis
politiques mais à base ethnique et régionalistes tels que
l'Amical Gilbert Vieillard, le Bloc Africain de Guinée, la
Démocratie Socialiste de Guinée). Cependant, la période du
premier régime (1958-1984) constitua ce que Ngakoutou
appelle : « une glaciation politique» où toute
la vie politique ne sera occupée que par un seul et unique parti :
le PDG ou le parti-Etat.
A la suppression de ce dernier en 1984, le multipartisme
allait réapparaitre d'abord « limité à deux
partis » en 1990 conformément à l'article 95 de la
nouvelle constitution. Toutefois, cette constitution laissa une ouverture pour
la consécration du « multipartisme
intégral118(*) ». C'est ce qui sera fait en
Décembre 1993 par une loi organique à travers son article
1er.
Partant, il convient de définir le parti politique
comme : «un groupement permanent de personnes ayant pour
vocation la conquête et l'usage du pouvoir d'État
conformément à ses objectifs sociopolitiques, à sa vision
du modèle de société prôné et à son
programme de développement à réaliser dans le
pays »119(*). Il joue un grand rôle à travers
l'éducation politique des citoyens, l'organisation des débats et
la représentation des citoyens.
En Guinée, la proclamation du multipartisme
intégral a conduit à la prolifération des partis
politiques. Ainsi une quarantaine fut légalisée en Avril 1992
répartis entre le pouvoir en place (4), vingt huit (28) dans
l'opposition et huit n'avaient pas de positons bien
déterminés120(*). Toutefois, toutes ces nouvelles formations
politiques semblent n'avoir pas abandonné l'ancienne pratique
régionaliste. C'est ce qui expliquera leur
homogénéité ethnoculturelle tant combattue sous
la première république et dont l'abandon justifiait le recours au
parti unique. Les principaux partis alors sur la scène politique
seront : le PUP (le parti au pouvoir, Parti de l'Unité et du
Progrès: Lansana Conté), le RPG (Rassemblement du peuple de
Guinée : Alpha Condé), l'UNR (l'Union pour la nouvelle
République : Bâ Mamadou), l'UPG (l'Union pour le
Progrès de la Guinée : Jean Marie Doré), le PDG- RDA
(parti qui revendique l'héritage de l'ancien parti unique de
Guinée : Ismaël Ghussein)...
Par ce morcellement, nous sommes en face d'institutions
politiques fragiles incapables d'influencer réellement le régime
militaire. Loin de jouer un rôle de consolidation du peuple, ces
contribueront à creuser davantage le fossé de la division.
A l'instar de ces partis politiques, la
société civile guinéenne est aussi une actrice
incontournable de la vie politique.
Au prime-abord, il faut dire que l'idée de
société civile, selon Hegel, renvoie à «des
personnes privées qui ont pour but leur intérêt
propre»121(*).
Pour aller un peu loin, nous pourrons avancer cette définition de London
School of Economics, selon laquelle : « la
société civile fait référence à l'ensemble
des institutions, organisations et mode de pensée, situés entre
l'Etat, le monde des affaires et la famille. Spécifiquement, elle inclut
les organisations caritatives, volontaires de toutes sortes, les institutions
philanthropiques sociales ou politiques, les autres formes de participation et
d'engagements sociaux et toutes les valeurs et
particularités culturelles associés à
celles-ci ».122(*)
A lumière de cette définition, il faudra
rappeler, que le phénomène associatif en Guinée ne date
pas d'aujourd'hui car depuis les années 50 le syndicalisme
s'était réveillé comme instrument de mobilisation des
masses. Cependant sous la première république seules les
organisations du pouvoir révolutionnaire étaient permises.
Cette situation changea brusquement après le coup
d'Etat militaire du 4 Avril 1984. Suite à ce dernier, les
libertés d'association et des libertés individuelles et
collectives furent consacrées. En plus de cette consécration de
libertés, le nouveau régime mit en place le Service de
Coordination et d'Intervention des ONG (Organisation Non Gouvernementale) ayant
pour tâche d'accompagner les ONG. Toutes ces facilités permirent
la création de 800 ONG en 2001. Ces ONG peuvent être
classifiées en trois catégories selon leur but :
Ø la première regroupe celles qui cherchent
à répondre à un besoin spécifique de certaines
parties de la société guinéenne dans des domaines
négligés de l'Etat d'une part et d'autre dans la promotion des
Droits de l'Homme. Par exemples : le CENAFOD (Centre Africain pour la
Formation et le Développement), l'OVODEC (Organisation des Volontaires
pour le Développement Economique de la Guinée) ;
Ø la seconde est cette catégorie d'ONG qui
mettent en place des plans et cherchent des partenaires pour leur mise en
oeuvre, c'est le cas des Groupements d'Intérêts
Economiques ;
Ø et enfin, la dernière catégorie est
composée de ce qu'on appelle les entreprises-ONG, elles sont
formées soit par des jeunes bien éduqués ou soit par des
anciens hauts fonctionnaires en quête d'influence sur le plan national et
international.
En outre, rare sont ces organisations dont les actions ne
sont pas fortement influencées par la politique. La plupart d'entre
elles expriment des réclamations de l'opposition, c'est le cas notamment
de l'Organisation guinéenne pour les Droits de l'Homme. Face à ce
manque de neutralité, nous voyons que ces acteurs sont parfois
instrumentalisés.
Par ailleurs, il faut dire que ces acteurs internes sont
grande partie assistés par des personnes morales ou physiques externes
dont la contribution au processus de démocratisation ne peut être
négligée. Il s'agit donc d'acteurs externes.
II. LES ACTEURS EXTERNES DE LA DEMOCRATISATION
Le recours à la libéralisation des
régimes longtemps monopartistes résultent aussi de la pression
d'un ensemble d'acteurs non nationaux, c'est-à-dire externes qui avaient
conditionné leur aide, tant indispensable à ces régimes,
à une ouverture de système : leur démocratisation.
Ces acteurs sont le Fond monétaire international (FMI), la Banque
Mondiale, la France, les Etats Unis, l'Union européenne etc.....
En 1984, dès sa prise de pouvoir, l'armée
guinéenne faisait appelle à leur assistance. C'est dans ce
contexte qu'un d'ajustement structurel est proposé par les institutions
de Breton Woods (FMI et Banque mondiale). Ce qui s'ensuit par le
déblocage d'une somme de 170millions123(*) de dollars qui sera versée au nouveau
pouvoir.
Avec la France, les relations, très agitées sous
la première république, ont repris avec la visite de
François Mitterrand en Guinée les 12 et 13 Novembre 1986. Ce
dernier va affirmer la volonté de son pays à accompagner la
Guinée dans ses efforts d'ouverture. Il devra lui apporter des aides
dans le domaine de l'enseignement (envoie de professeurs, d'ouvrages scolaires
820.000). Dans le même cadre, elle accordera à la Guinée
une subvention de 295millions de dollars destinée au secteur de la
santé et au programme agricole.
Quant aux Etats Unis, partenaire de la Guinée depuis la
première république, ils vont apporter une assistance technique
avec une somme de 23 millions dollars. Cette aide devait toucher le secteur des
réformes monétaires, l'alimentation et la fonction publique.
A ces efforts il faut ajouter aussi les 40millions de
dollars accordés par le Japon avec un taux d'intérêts bas
de 1,183% en vu de soutenir le plan d'ajustement structurel. Pour la
République Fédérale d'Allemagne, elle appuiera la
Guinée dans le domaine de la promotion des petites et moyennes
entreprises, le secteur énergétique et hydraulique villageoise,
cela se fit par l'octroi successif de 18millions et de 50millions de dollars.
Enfin, les Nations Unies (FAO) et la Banque arabe pour le développement
économique en Afrique débloqueront respectivement 31000 dollars
pour l'agriculture et 4,8 millions de dollars pour l'Elevage.
Au regard de ces chiffres on ne peut en conclure que tout le
financement des programmes d'ouverture et de démocratisation on
été pris en charge par l'extérieur même si cela
à l'inconvénient de conduire à l'endettement et à
une prise en otage de l'Etat.
Après cette présentation des acteurs de
la démocratisation en Guinée, il convient de se pencher sur leurs
premiers actes c'est-à-dire ces réformes qui ont marqués
la première phase d'une transition démocratique.
PARAGRAPHE 2 : LES PRINCIPAUX AXES DE REFORME :
l'instauration de la démocratie et la libéralisation de
l'économie
Comme nous l'avions souligné déjà plus
haut, une transition démocratique comprend toujours deux
étapes : en premier, la phase de la transition propre dite qui
correspond à la mise place des institutions démocratiques et la
seconde c'est la phase dans laquelle ces institutions modèlent la
conduite des sujets qui les ont créés : c'est la
consolidation. Dans cette présente
analyse, il est question de la première qui correspond dans ce cas
guinéen aux grandes réformes politico-institutionnelles et
juridique (I), et, économiques et socioculturelles (II) qui ont
marqué les années 90 en Guinée.
I. LES REFORMES POLITICO-INSTITUTIONNELLES ET
JURIDIQUES
Dans la démocratisation en Guinée, les
réformes politico-institutionnelles n'ont pas été la
première préoccupation du comité militaire de
redressement national contrairement au domaine économique. Cependant,
les donateurs ayant conditionnées leur aide à la
libéralisation politique et au regard des pressions interne, les
décisions de changement politiques interviendront au fil et à
mesure en partant surtout des années 90. Ainsi, il faudra parler des
réformes sur le plan politico-institutionnel (A) d'une part et d'autre
dans le cadre juridique (B).
A. SUR LE PLAN
POLITICO-INSTITUTIONNELLES
Tout d'abord, il faut signaler que c'est dans ce domaine que
commence véritablement la démocratisation. Contrairement
à la plupart des Etats qui ont choisi la voie de la conférence
nationale, la Guinée procède par « la voie de
l'évitement de la conférence nationale », sous
l'égide d'un Conseil transitoire de redressement national (CTRN)
remplaçant le Comité militaire de redressement national
(CMTN).
Pour ce faire les nouvelles autorités
guinéennes, après un règne de six ans sans aucune
règlementation, vont annoncer la rédaction d'une constitution
appelée « loi fondamentale » qui sera
adoptée par référendum le 23 Décembre 1990.
Cette loi fondamentale allait définir le cadre
institutionnel de gestion du processus démocratique et du
développement économique et social.
Dans son article 1er elle établit comme
principe de la république le principe «du pouvoir du peuple par
le peuple et pour le peuple».
Elle met en place un régime présidentiel sur la
base du principe de séparation des pouvoirs. Le pouvoir
législatif ou le premier pouvoir est détenu par
l'Assemblée nationale, représentation de toute la Nation,
composée de députés élus au suffrage universel
direct pour un mandat de sept ans. Ensuite vient le pouvoir judiciaire
exercé par les institutions juridiques de l'Etat à savoir :
les cours et les tribunaux. Et le troisième pouvoir qui est
l'exécutif est celui du président qui est élu au suffrage
direct universel pour sept ans.
Aussi cette loi fondamentale peut faire objet de
révision. Pour cela l'initiative appartient au Président et aux
députés. Toutefois la révision ne peut porter sur les
dispositions relatives à la forme républicaine de l'Etat, aux
principes de laïcité et de séparation de pouvoir.
Comme autres institutions mis en place par cette loi
fondamentale, nous avons le conseil économique et social et le conseil
national de la communication. Le premier est un organe consultatif qui offre un
cadre de concertation à des instituions de la société
civile et des institutions et agents économiques (c'est le cas des
représentations des syndicats, des opérateurs privés, des
professions libérales, associations à caractère social et
universitaires).
Très important, la loi fondamentale choisit la voie du
« multipartisme intégral» dont la
règlementation est assurée par la charte des partis politiques du
23 Décembre 1991.
A l'image de ce domaine politico-institutionnel, celui fit
objet aussi de réforme.
B. DANS LE CADRE JURIDIQUE
Dans le cadre judiciaire les réformes ont
été aussi de véritable révolution. Alors que le
système judiciaire était dominé sous la première
république par les tribunaux révolutionnaires au solde du grand
parti-Etat, avec le changement pour la démocratie, on
décrète d'abord l'indépendance de la justice à
travers le principe de la séparation des pouvoirs. Cette politique va
se poursuivre par la création de nombreuses instances juridictionnelles
formant la pyramide du système judiciaire guinéenne. A la
tête de cette pyramide nous avons la cour suprême, ensuite viennent
les cours d'appel (Conakry et Kankan), les dix tribunaux de première
instance, les vingt-six justices de paix. Cette pyramide, il faut ajouter les
juridictions spécialisées (dans les affaires sociales de
mineures) qui sont constituées de sections ou chambres des tribunaux de
premières instances. Aussi une juridiction arbitrale fut mise en place
en 1998.
La présence de ces juridictions est l'une des
conditions essentielles pour la construction d'un Etats de droit où les
droits de l'Homme font objet d'une sacralisation, un respect. Car dans la
constitution de 1990, la plupart de ces droits et libertés fondamentales
sont consacrées notamment au Titre II intitulé
libertés, devoirs et droits fondamentaux. Ainsi on y trouve des
droits individuels (tels que le droit à la vie,
l'intégrité physique etc....), des dispositions sur
l'égalité des hommes et femmes : «Les hommes et
les femmes ont les mêmes droits (article9». Aussi il y est
consacré la liberté d'expression, la liberté d'opinion
etc.....
En outre nous pouvons citer des libertés collectives
telles que la liberté de manifestation, la liberté d'association
et de création de partis politique qui furent garantie par l'article 10
de la nouvelle constitution.
Quittant ces deux domaines, il convient de se pencher sur les
réformes économiques et socioculturelles
II. LES REFORMES ENOMIQUES ET
SOCIOCULTURELLES
La démocratie n'est pas seulement un système
politique mais elle structure aussi la vie économique et
socioculturelle. C'est pourquoi, il conviendra de dégager les
réformes engagées dans ces domaines dans le cadre de la
démocratisation. Ainsi nous partirons des réformes
économiques (A) pour terminer avec celles socioculturelles. Mais bien
avant il faut signaler que ce sont des réformes qui ont commencé
avant les années 90.
A. LES REFORMES ECONOMIQUES
Si les réformes politiques ont été
retardées, celles économiques au contraire ont rapidement
été entamées par le pouvoir militaire afin de s'offrir une
certaine légitimité mais aussi de faire face à la
situation sociale qu'il héritait. Ces réformes visaient le
remplacement pur et simple de l'ancien système par un nouveau axé
sur le libéralisme économique. A ce propos le président du
conseil militaire de redressement national déclarait dans son
discours-programme du 22 Décembre 1985 ceci : « pour
démarrer sur des bases saines, il faut d'abord la (l'économie)
réviser entièrement (....), la plus grande liberté
d'investir et de créer l'Entreprise de son choix (....) ;
établir en Guinée l'environnement institutionnel le plus
favorable à l'épanouissement de l'initiative privée
»124(*). C'est
donc au nom de ces termes que la nouvelle vie économique allait se
structurer. Ces réformes ont donc été engagées
dans le cadre d'un vaste plan d'ajustement structurel avec le concours des
Etats du Nord et des institutions de Breton Woods. Bien que nous ayant
donné certaines données plus haut dans le cadre des mesures
d'urgences qui furent prises, d'autres précisons peuvent être
avancées.
Il s'agit notamment des nombreux textes juridiques qui ont
été élaborés dans le cadre du programme. Ainsi on
peut évoquer : le code des investissements privés pour
attirer les capitaux étrangers (3 octobre 1984), la loi bancaire du 6
mars 1985, le code de la Sécurité sociale du 17 mai 19.
Au-delà de ces textes, d'autres mesures viseront : l'organisation
de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture en avril 1985 ainsi que
la création d'un comité de coordination économique et
financière chargé de négocier avec le FMI et la Banque
mondiale...
Ces différentes mesures ont conduit automatiquement
à la privatisation des banques nationales et à l'implantation de
filiales de Banques françaises comme le BNP (la banque nationale de
Paris), la Banque internationale pour l'Afrique de l'Ouest, la
Société Générale des banques.
L'une des mesures phares fut aussi la réforme
monétaire (le remplacement du Syli par le franc guinéen).
Il faut rappeler que ces réformes ont été
quasi-entièrement financées par les institutions
financière internationales (chiffres donnés plus haut).
En outre cet ajustement structurel devait aussi être une
réforme de l'administration afin de rendre son fonctionnement plus
dynamique, rationnel et transparent. Ce qui expliquera donc la réduction
de nombre de fonctionnaires et agents de l'administration publique ainsi que de
ses dépenses. Dans le même cadre le coût trop
élevé de la gestion centralisée allait conduire à
la mise en place d'un programme de décentralisation dont les objectifs
ne seront pas seulement économiques mais aussi politiques et
administratifs (techniques). Ce programme fut donc lancé le 2 Octobre
1986.
Qu'en est-il des réformes socioculturelles ?
B. LES REFORMES
SOCIOCULTURELLES
Sur le plan socioculturel les attentes étaient
énormes. Le tissu social fragile après une première
république très agitée devait conduire à prendre
de grandes mesures.
En premier, l'appel qui fut lancé à près
de 2mmillions de guinéens se trouvant à l'extérieur
(Sénégal, Côte d'Ivoire, France, Etats Unis, Canada
etc.....) de rentrer au pays. C'est ainsi qu'un secrétariat fut mi en
place et dirigé par M. Diallo Jean-Claude mais qui démissionna
plutard.
Des actions seront réalisées pour la
réhabilitation des victimes des répressions de l'ancien
régime. Ce fut le cas de Diallo Telli qui, le nom sera donné
à une rue de la capitale.
Certains bénéficieront de subventions et
d'autres retrouveront leurs biens réquisitionnés sous la
première république125(*).
Dans le même contexte certains hauts dignitaires de
l'ancien régime et membres de la famille de Sékou Touré
retrouveront la liberté le 15 Mai 1985. Ce fut le cas de
« quatorze anciens membres du gouvernement, cinq hauts
fonctionnaires, l'ancien chef d'état-major de l'armée de
terre, le général Somah Kourouma, la fille aînée de
l'ancien président, Aminata Touré, neuf officiers et un homme de
troupe»126(*).
Aussi, pour maintenir la stabilité dans la
sous-région en vu de l'épanouissement des populations, un pacte
de non-agression sera signé avec deux pays frontaliers dont la Sierra
Leone et le Liberia le 20 Novembre 1986.
Dans le cadre culturel il faut essentiellement rappeler les
changements radicaux évoqués plus haut au niveau de
l'enseignement. A cela on peut ajouter le retour de l'école
privée qui avait disparue sous le régime socialiste.
C'est donc avec ce tas de mesures que s'engageait la
transition démocratique en Guinée. Dans la littérature
transitologique, cette première phase d'une transition politique vers la
construction d'une démocratie prend fin avec l'organisation de la
première élection. Ce fut le cas pour la transition
guinéenne avec Les élections locales et municipales de
décembre 1991 en premier lieu et en 1993, intervint les
élections présidentielles pluralistes. Delà on rentrait
dans la phase de la consolidation où il devient important de voir le
fonctionnement et les effets des mesures prises et les nouvelles institutions
mises en place, aussi les interactions des nouveaux acteurs.
SECTION 2 : DU LENDEMAIN DES REFORMES
DEMOCRATIQUES ou le bilan du système d'ouverture : une
consolidation ?
Réaliser la démocratisation ne se limite pas
seulement à la mise en place d'institutions, à la prise de
décisions, mais faut-il aussi que ces normes et ces acteurs forment un
corps commun qui symbolise la vie politique. C'est-à-dire qu'il est
indispensable que ces acteurs reconnaissance ces normes comme règle de
conduite de leur action sur la scène politique et dans la gestion des
biens de l'Etat. Dans cette présente réflexion il s'agira donc de
voir ce qu'a été faite de la démocratie sous la
deuxième république tant par le pouvoir militaire que du
côté de tous les autres acteurs : la phase de la
consolidation. Ainsi avant de passer aux échecs et dérives
du régime (ayant conduit à sa décadence totale)
(paragraphe1), nous traiterons d'abord les apports ou les réalisations
de ce régime (paragraphe2).
PARAGRAPHE 1 : DES LUEURS D'OUVERTURE COMME
SIGNES DE RUPTURE : des réalisations
En proclamant la démocratie, les acteurs politiques
guinéens ouvraient la porte à une nouvelle existence politique
dont le caractère démocratique ne pouvait être
mesuré que par le degré de conformité des comportements,
des actions ou des actes de ces acteurs aux principes démocratiques.
Ce qui semble se révéler lorsque nous touchons certains actes et
actions réalisés par ces acteurs sous la deuxième
république. Ils concernent dans un premier temps le domaine politique,
juridique et administratif (I) et en second lieu les sphères
économique, sociale et culturelle (II).
I. LES REALISATIONS SUR LES PLANS POLITIQUE ET
JURIDIQUE
A en croire à la plupart des lectures faites, on
pourrait dire que cette présente analyse n'a pas lieu d'être,
c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas parler de réalisation sous la
seconde république. Cependant, une telle position est aussi radicale
qu'elle n'est pas scientifique car en plus des progrès connus dans le
domaine politique, des efforts furent déployés dans le domaine de
la justice et des droits de l'Homme.
v Les progrès dans le domaine politique
Les progrès réalisés par le
deuxième régime dans ce domaine, bien que souvent mitigés,
ne peuvent être ignorés. En premier lieu, il faut parler de
l'organisation des premières élections pluralistes depuis la fin
de l'administration coloniale en Guinée. Ce sont les élections
de 1991 et de 1993. Ces évènements sont d'une importance capitale
dans la construction d'une démocratie. Car c'est en ces lieux que le
peuple s'exprime et les dirigeants acquièrent aussi leur
légitimité. Dans cette dernière élection le parti
de l'unité et du progrès (PUP) de l'armée au pouvoir va
l'emporter avec 51% des suffrages. Et les partis d'opposition qui sont le RPG
d'Alpha Condé (Rassemblement du Peuple de Guinée), le PRP du
Siradiou Diallo (Parti du Renouveau et du Progrès) et l'UFDG de Bâ
Mamadou (Union des Forces Démocratiques de Guinée) auront
respectivement 19,55%, 13,37% et 11,68% des voix.
En Juin 1995, des élections législatives sont
aussi organisées et donneront vainqueur le même parti (PUP) avec
71sièges sur les 144. Plutard interviennent les élections
présidentielles de 1998 avec les troubles qui l'ont suivi. Toutefois, la
démocratie dans ce sens était entrain d'être vécue
en Guinée, consacrant toujours la victoire d'un seul Parti. Mais les
élections de 2005 seront organisées par le pouvoir en vu de
redorer l'image du régime. C'est ainsi qu'il engagera un dialogue avec
l'opposition dès le départ. Dans le même cadre le pouvoir
va s'engager à garantir la libre circulation de tous les opposants.
Aussi un accès plus ou moins équitable aux médias est
observé. C'est ce qui ferra approuvé cette élection par
l'Union européenne, les nations Unies et d'autres partenaires. C'est
dans cette perspective que les élections législatives de 2007
étaient entrain d'être prévues. Mais bien avant,
l'opposition et le parti au pouvoir s'entendaient sur la modification de la loi
électorale, la création d'une commission électorale
indépendante, le financement des partis et la mise en place d'une charte
consacrant leur statut. Tout ceci ne pouvait que laisser voir
l'évolution de la démocratie en Guinée. Aussi, les
réactions de l'opposition contre l'exécutif à travers les
boycotts et le rappel du respect des principes de la démocratie,
soulignait les pas vers une certaine maturité.
Dans le cadre de la relation entre les trois grands pouvoirs,
les insuffisances furent les plus importantes (à traiter dans les
échecs), mais en dépit de cette grande insuffisance
démocratique, on peut signaler la médiatisation des débats
parlementaires surtout en 2007 sur le vote du budget. Cela était bien
sûr un signe de transparence. Et à cette occasion, les
parlementaires se prononçaient sur la politique générale
du gouvernement, chaque ministre venant défendre son budget devant les
élus du peuple.
Toujours dans cet aspect politique, il faut dire que le
corollaire des démocratisations des années 90 est la
décentralisation qui vise, dans un contexte politique, à faire
participer le peuple de façon directe à la gestion de la chose
publique. La Guinée faisant donc le choix de la démocratie devait
renoncer au centralisme politique tel annoncé dans les réformes.
C'est ce qui semble être suivi par la mis en place de la Direction
nationale de la décentralisation (DND) sous l'autorité du
ministère de l'intérieur et de la décentralisation. Cette
direction a élaboré un programme pluriannuel de mise en place des
nouvelles administrations communale. Ce programme fut adopté en 1986 et
sa mise en oeuvre s'acheva en 1992, dotant ainsi la Guinée de
collectivités locales. Cette décentralisation permit de consacrer
deux formes de légitimité : « celle des
représentants de la population élus au suffrage universel direct
et celle des représentants des groupements à caractère
économique et social, désignés par l'autorité de
tutelle »127(*). Ces actes concrets seront suivis d'un
Programme national de développement municipal (1996-2001). Dans le cadre
d'un autre programme sur la stratégie de réduction de la
pauvreté, la Banque Africaine de Développement fait trait
dans un rapport128(*)
aux efforts fournis en Guinée pour la participation des citoyens
à la mise en oeuvre de ce programme. Au niveau central, ce rapport
souligne aussi la place que le pouvoir à accorder à la
participation de la société civile dans la lutte contre la
pauvreté.
Au regard de toutes ces données très
limitées, on peut dire sans aucun risque de se tromper que des efforts
ont été fournis en Guinée en faveur de la
démocratie. Toutefois l'importance des critiques apportées par
les auteurs peut faire oublier toute question de progrès. Mais de bondir
sur cet aspect, il convient de voir les autres secteurs de
réalisations.
v Les efforts déployés dans le domaine
juridique et des droits de l'homme
La démocratie ne se limite pas seulement au cadre
politique, car celui-ci se devra d'être soutenu par une justice efficace
qui tient compte des droits de l'Homme. Dans ce sens de nombreuses actions
furent entreprises sous la seconde république.
Dans le domaine de la justice ces efforts se sont inscrits
dans le cadre de la gouvernance judiciaire et juridique et se sont
manifestés à travers l'adoption de textes règlementaires
relatifs au statut des magistrats et au statut des greffiers. Il s'agit de
mesures déontologiques et statutaires qui permettaient une
véritable lutte contre la corruption dans cette profession, garantissant
en cela une justice juste pour les guinéens.
Aussi, le pays est membres de l'OHADA (l'Organisation pour
l'harmonisation en Afrique du droit des affaires), en vu d'une
amélioration de la règlementation du monde des affaires en
Guinée. Ce qui pourrait aussi être un gage pour la transparence
dans la passation des marchés de L'Etat.
En outre, cette démocratisation du système
judiciaire devait se matérialiser aussi par la formation des agents et
fonctionnaires de l'administration judiciaire. C'est ce qui a commencé
depuis 1986 avec la France puis en 1991 où cette dernière avait
beaucoup aidé pour la publication de différents codes comme
le code foncier et domanial, code minier, code pétrolier, code des
investissements, code des activités économiques, code de
procédure civile, code pénal, code de procédure
pénale. Entre 1994-1999 un autre projet visera des formations dans
des domaines spécifiques (infractions commerciales, police, notaires,
greffiers) ainsi qu'un appui au système pénitentiaire et à
la réinsertion des détenus. Un dernier projet était
même en cours d'exécution avant le départ du régime.
Ce projet initié en 2005 avait pour objectif d'appuyer l'Inspection
Générale des Services Judiciaires dans sa fonction de
suivi-évaluation des performances du système judiciaire
guinéen, au travers notamment de la réalisation d'une
étude-diagnostic sur le fonctionnement de la justice, mais
également du renforcement de certaines fonctions (parquets,
instruction...) et aussi des instances disciplinaires et paritaires (Conseil
Supérieur de la Magistrature, commissions paritaires...), avec un souci
d'amélioration de la gestion du personnel judiciaire.129(*)
Pour les droits de l'Homme, la Guinée de la seconde
république n'était plus la première. Car si dans cette
dernière les droits du peuple étaient au dessus des droits de
l'individu, cette fois ci c'est le libéralisme individualiste qui
prévaut. Et pour ce faire le régime va se déployer pour le
respect de ces droits et libertés fondamentaux.
C'est ainsi, bien que les considérant parfois comme des
adversaires, le pouvoir permit l'existence de certaines organisations non
gouvernementales de défense des droits de l'Homme. Parmi celles-ci, nous
pouvons citer l'Association Guinéenne des Droits de l'Homme qui
intervient dans la protection des prisonniers, dans la sensibilisation des
citoyens sur les droits de l'Homme et leur éducation sur les techniques
électorales. Aussi, nous avons la Commission Africaine des Promoteurs de
la Santé et des Droits de l'Homme-Guinée (CAPSDH),
l'Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l'Homme et du
Citoyen (OGDDH). Cette dernière organisation est très dynamique,
en ce sens qu'elle organise des séminaires et des carrefours pour le
grand public et les agents de la sécurité (policiers et
armée), commémore des journées internationales des droits
de l'Homme (telles que la journée de la charte de la Charte Africaine
des droits de l'Homme : le10 Octobre). Plus important, cette organisation
dénonce les violations de Droits de l'Homme commises par les agents de
l'Etat.
En outre, une autre liberté qui semble avoir
été en évolution sous la seconde république, c'est
la liberté d'expression en ce sens que dans ces dernières
années de nombreux médias privés on été
autorisés dans le pays : c'est le cas de Familial FM, de Nostalgie
FM, d'Espace FM , Liberté FM, Radio la Voix de l'Afrique etc.... les
sites guinéens d'informations sur l'internet se sont aussi
multipliés par exemples : www.guineenews.org ;
www.aminata.com, www.radio-kakan.com, etc ; www.africaguinee.com etc. Au
niveau de la presse écrite l'ouverture est aussi notable. On peut y
trouver : la République, le groupe de presse l'Indépendant-
le Démocrate, l'Observateur, le groupe de presse le Lynx- la Lance, le
Standard, le Regard, le Défi etc... Ce boum dans le milieu de
l'information a permis de donner naissance à ce qui est appelé
aujourd'hui le « quatrième pouvoir : la
presse ». A ces medias privés, nous pouvons ajouter ceux
public et généralement à la solde du pouvoir, ce
sont : les radios télévisions nationales (boulbinet et
koloma), la radio nationale, le journal Horoya et les nombreuses radios rurales
qui diffusent généralement les informations dans les langues
nationales. Toutefois, il faut dire qu'en dehors de la presse
électronique et des quelques organes de presse étrangère
(Radio France internationale, BBC, la voix de l'Amérique etc....), tous
les autres medias en Guinée utilisent en plus du français les
langues nationales.
C'est au regard de cette évolution qu'un rapport du
PNUD130(*)
note «la république de Guinée connait un pluralisme
médiatique réel».
Sur la question des droits des femmes, il faut dire que la
Guinée sous Sékou Touré131(*) avait déjà connu un certain
progrès par rapport à beaucoup de pays d'Afrique. Car c'est elles
qui permirent l'accession de ce dernier au pouvoir et occupèrent de
nombreux hauts postes tant dans le parti unique que dans le gouvernement. Le
symbole de la lutte anticolonial féminine fut M'balia. Avec la seconde
république, un ministère chargé des affaires sociales et
de la promotion féminine est toujours présent dans les
différents gouvernements. Aussi de nombreux programmes et projets sont
intervenus pour la mise en oeuvre des textes internationaux signés par
la Guinée sur le respect et l'amélioration de la condition femme.
A ce titre il faut par exemple entre 1996 et 2003 : le projet d'appui aux
activités économiques des femmes, dans le cadre du renforcement
des capacités économiques des femmes en milieu urbain et rural,
à travers la formation et l'octroi de crédits, le projet PPSG
(projet population et santé génésique) dans le cadre de
mise en place de mutuelle de santé et de crédit en faveur des
femmes, le programme triennal d'alphabétisation des femmes qui visait
l'alphabétisation 300.000 femmes pendant trois ans sur toute
l'étendue du territoire national. Dans le même cadre on peut aussi
compter plus d'une quarantaine d'ONG féminines ou mixtes qui
interviennent dans la promotion des droits des femmes (c'est le cas de
l'association des femmes enseignantes de l'Elémentaire : AGFEE).
Des comités d'équités ont été mis en place
dans les institutions de l'enseignement. Ainsi l'action gouvernementale en
faveur la promotion féminine pu mobiliser plus de 5,4 milliard de francs
guinéens entre 1998 et 2002132(*), à l'assemblée nationale on pouvait
compter 22 femmes sur les 144 en 2002 contre 10 auparavant. En dernier lieu
vient la question de l'excision qui est considérée comme une
violation de droits des femmes. De nos jours elle est très combattue par
plusieurs organismes de femme et le gouvernement en collaboration avec les
institutions des Nations Unies.
L'exposé de ces quelques axes nous permet ainsi de
comprendre que des efforts ont été fournis en faveur des droits
de l'Homme, de la mise en oeuvre d'une justice équitable dans un espace
politique libéralisé. Cela dit, il convient de se pencher sur les
réalisations sur les plans économique et socioculturel.
II. LES REALISATION SUR LES PLANS ECONOMIQUE, SOCIAL
ET CULTUTELLE
A en croire à cette fin très troublée que
connut la seconde république, on se demanderait encore que citer comme
réalisations sur les plans économiques et socioculturel de ce
régime ? Et pourtant, il est important de reconnaitre que la
Guinée de 1984 n'était plus la même que la Guinée de
2000 et 2008, des changements positifs même minimes s'étaient
réalisés. C'est donc ces résultats non négligeables
qu'il conviendra de mettre en exergue en partant du cadre économique
pour terminer par le domaine socioculturel.
v Les résultats sur le plan
économique
La démocratie comme condition du développement
économique et social est une thèse fortement défendue par
les acteurs de la démocratisation. Ainsi on ne saurait parler d'un
progrès dans la voie de la démocratie sans mentionner les
retombées économiques qui en découlent. Dans le cas
guinéen, les premiers résultats positifs de la gestion
économiques, sont ceux du premier plan d'ajustement structurel. En ce
lieu il faut parler de la forte croissance économique que le pays connut
avec un PIB (produit intérieur brut) qui a augmenté de 6,1%
en 1987 et de 5,2% en 1988133(*). Il s'ensuit des impacts positifs de la
réforme monétaire qui permit une maitrise considérable de
l'inflation passant de 78% en 1986 à 32% en 1987 et à 23,5%
en 1988134(*). Pour
les secteurs de l'agriculture et des infrastructures, le président
Conté donnera des chiffres en 1989 lors de l'anniversaire de
l'avènement des militaires au pouvoir. A ce titre il
avançait que : « la production agricole a connu
un véritable essor au cours des deux dernières années pour
l'ananas et les produits vivriers, mais surtout pour le café dont les
exportations ont dépassé 9000 tonnes en 1988... En matière
d'infrastructures, d'importantes réalisations ont été
enregistrées au niveau national et à l'échelle des
collectivités décentralisées grâce aux
investissements publics de l'ordre de 800 millions de dollar et à la
participation volontaire des populations. Ainsi, à Conakry comme
à l`intérieur du pays, des édifices publics et des
centaines de kilomètres de routes ont été
réhabilités. À l'image de tout le pays, Conakry aura
changé de visage, devenant un vaste chantier...»135(*). Cette ouverture devrait
permettre aussi un afflux important des capitaux étrangers surtout ceux
de la France. C'est ainsi que naitra la Société guinéenne
de pétrole dont le capital appartiendra à 51% de à un
consortium de compagnies pétrolières. Dans le domaine minier, le
régime annonçait la diversification des exploitations pour
l'étendre au domaine du diamant et de l'or au-delà du secteur de
la bauxite. En 1988 le prix du riz devint libre c'est-à-dire chaque
commerçant importateur pouvait se fixer son prix. Dans le même
contexte économique, un plan de développement d'investissement
est élaboré pour un montant de 644milliards de Francs
guinéens devant toucher 379 projets d'infrastructures (routes,
bâtiments publics), de développement rural et social. Entre 1984
et 1993 on a assisté à une augmentation du revenu par habitant
et par an qui est passé de 300 dollars à 556 dollars.
Après cette euphorie économique, le
ralentissement commença. Mais le gouvernement prendra de nombreuses
mesures en matière de finance publique pour attirer encore les
investisseurs. Ces mesures concernaient le renforcement de l'administration
fiscale, le recouvrement des arriérés d'impôts, un
contrôle des exonérations, la réduction services publics au
strict minimum, le respect rigoureux des procédures budgétaires
d'engagement des dépenses, le gel de certains crédits.
A l'image du secteur économique, le domaine
socioculturel connut aussi ces résultat bien que mitigé.
v Des avancées sur le plan socioculturel
En ce lieu, nous commençons par le domaine
éducatif. En effet le régime militaire de Lansana Conté
s'est dès le départ inscrit à l'antipode des politiques
entreprises sous la première république. Pour sa politique
éducative, elle est signalée par l'article 1 alinéas4 de
la constitution du 23 Décembre 1990 qui reconnait la langue
française comme langue officielle du pays sans renoncer à la
promotion des langues et des cultures nationales. C'est ainsi que la
première réforme visera la suppression de l'enseignement des
nationales jugées comme politique déjà en échec.
Cela faisait donc du français la langue de toute communication
officielle. Toutefois certaines langues nationales dites principales (Soussou,
Peulh, Malinké, Kissi, Guerzés, toma et Manon) sont aussi
employées surtout dans les medias et au sein des administrations
publiques. Mais seul français est utilisé à
l'écrit. Cependant il ne faut pas oublier que certaine langues
nationales sont de nos jours écrites soit dans avec des lettres
d'inspiration latine (poular) ou arabe (le Nko). Aussi il faut dire que la
langue arabe fait objet d'enseignement en Guinée dans le cadre des
écoles franco-arabe essentiellement tournées vers les
études islamiques. Dans le même ordre d'idée, la
libéralisation a permis la création de nombreux
établissements d'enseignements supérieurs, secondaires et du
primaire qui complètent les efforts de l'Etat. A ce titre les chiffres
montrent que 20% des effectifs totaux des élèves était
pris en charge par le secteur éducatif privé. Parmi ces
établissements privés on peut citer la célèbre
université Koffi Annan de Conakry.
En outre il peut être avancé en termes de
chiffres que la scolarisation a vraiment évoluée dans le pays.
Ainsi dans le cadre du programme d'éducation pour tous, tel inclu dans
les objectifs pour le millénaire, le taux de scolarisation est
passée de 61% en 2001 à 77% en 2004 et le taux
d'achèvement de 34,7% en 2001 à 46,7% en 2004, soit une
augmentation de 12 points. Dans le même cadre, le ratio
filles/garçons pour l'accès au primaire s'est
amélioré, passant de 38% en 1999, à 43% en
20040.136(*) A ces
résultats il faut ajouter les changements radicaux intervenus sous le
régime d'exception dans cadre de l'éducation.
Dans le cadre social, les fonctionnaires ont parfois connu
des augmentations de salaire comme ce fut le cas en 1987 où les salaires
connaitront une augmentation de 80%. Des décisions sont prises aussi
contre les hausses de prix causées par les commerçants. Cela eut
lieu en 1987 par décision du président de la république.
En outre, il faut dire les conditions de travail sont d'une grande importance.
En ce lieu la Guinée est d'abord membre de l'organisation mondiale du
travail (OIT). Elle a signé et ratifié 56 conventions dont 52
mises en vigueur. Ces conventions sont relatives à la protection :
des droits de l'homme, les droits des travailleurs, des populations
vulnérables, en particulier les droits des enfants, utilisés
avant l'âge minimum au travail. Grâce à une inspection
de travail qui se déploie il eut moins de cinq grèves en cinq
ans dans les années 2005, ce qui révèle une
réduction de 80%.
Concernant le secteur de la santé, le pays a inscrit
sa politique dans le cadre de sa stratégie de réduction de la
pauvreté. Cette dernière avait donc pour objectifs : la
prévention et la lutte contre les maladies prioritaires (les maladies
infectieuses, le paludisme, les infections sexuellement transmissibles, y
compris le VIH/SIDA,) promouvoir la santé maternelle et de la
reproduction, et améliorer l'accès des pauvres aux services
essentiels. Des efforts ont été fournis dans ce sens là en
2002137(*).
A la lumière de ces quelques axes ont peut dire sans
doute que des réalisations ont été effectuées dans
le domaine socioculturel.
Toutefois, au-delà de toutes données
annonciatrices d'un bilan positif, une autre facette du parcours de la
première république peut être
révélée : un bilan marqué aussi
d'échecs et de dérives. C'est cette dernière face du
passage du régime militaire qu'il convient de présenter.
PARAGRAPHE 2 : DES ECHECS ET DES DERIVES :
une ouverture de façade
Cette partie de notre réflexion est celle qui domine
dans les écrits et les analyses : l'aspect négatif de la
démocratisation en Guinée. Ce regard farouchement critique
sur ce régime découle du fait que d'un point de vue
institutionnel on se croirait dans l'une de ces grandes démocratie
authentique. Cependant la réalité laisse voir parfois une
véritable antinomie de ce système. Il s'agit essentiellement des
échecs et des dérives qui ont caractérisés ce
régime guinéen ainsi que les facteurs qui les ont
engendrés. Ils sont identifiés d'une part dans le domaine
politique, juridique et celui des droits de l'Homme (I) d'une part, et, d'autre
part dans les cadres économique et socioculturel (II).
I. EN MATIERE POLITIQUE, DE JUSTICE ET DE DROITS DE
L'HOMME
Sous la seconde république, la démocratie
était au coeur des discours sur l'ouverture, De même la justice
pour tous et le respect des droits de l'Homme servaient à attirer les
bailleurs et les partenaires. Cependant entre discours et pratiques le
fossé était énorme. C'est ce fossé qu'il faudra
découvrir dans les lignes qui vont suivre.
v Les échecs et dérives politiques
L'ouverture en Guinée a été
marquée dès le départ par le constat qu'elle
n'était pas le fait des dirigeants militaires. Car ces derniers en
prenant le pouvoir dans la violation des textes constitutionnels (bien que
désavoués) cherchaient d'abord à se faire reconnaitre.
Cette prise en otage du changement est déduite du retard pris pendant
six ans (1984-1990) par la junte militaire (le comité militaire de
redressement national) pour mettre en place un cadre juridique devant
régir la transition. Ce qui leur permit de se donner les moyens
nécessaire à la consolidation de leur pouvoir138(*). Par là
s'annonçait la fermeture progressive du système.
Cette fermeture s'explique en premier lieu par le
fonctionnement antidémocratique des institutions de l'Etat. En ce lieu,
il faut dire que la seconde république a été
marquée par la toute puissance et omniprésence d'un seul des
trois pouvoirs à savoir l'exécutif. Cette dernière
institution avait une main mise totale sur les organes constitutionnels de
l'Etat. A ce titre, le président de la cour suprême Monsieur
Lamine Sidimé ne disait-il pas en Novembre 2003 qu'«être
derrière le général Lansana Conté, c'est
être derrière Dieu»139(*). C'est au nom d'une telle idée qu'il annula
les votes des villes de Kankan et Siguiri en 1998 au profit du parti du
général. Du côté de l'Assemblée nationale,
nous nous retrouvons face à une autre institution fantôme
marqué par une majorité à la solde du pouvoir politique.
Le fonctionnement de cette institution n'a été connu des
guinéens qu'à la suite des évènements du 27
Février 2007140(*).
Cette confiscation des pouvoirs constitutionnels de l'Etat
devait se répercuter sur la vie politique. En ce lieu, le pouvoir
guinéen a très tôt commencé à exclure les
oppositions depuis les années 1990. D'abord dans le cadre de
l'élaboration de la loi constitutionnelle. Cette loi fut
sévèrement critiquée par une coalition de partis
politiques surtout au niveau de ses articles qui instauraient le bipartisme et
la période de transition. Bien que cette constitution fût
adoptée, le bras de faire entre les deux parties était
amorcé. Les différentes élections, théoriquement
démocratiques, de 1993 à 2005 seront fermement contestées
tant par l'opposition que parfois par les observateurs internationaux. Par
exemple les élections présidentielles de 1998 seront très
tourmentées car juste au lendemain des scrutins, le principal opposant
Alpha Condé sera emprisonné et il s'ensuivra de nombreux morts
dans des violences interethniques. En 2003, les élections seront aussi
boycottées par l'essentiel de l'opposition. Cette
détérioration de la scène politique guinéenne fut
affirmée deux ans auparavant lorsque le pouvoir révisait la
constitution dans ses dispositions relatives à la limitation du mandat
présidentiel. Ainsi le président pouvait se présenter de
façon continue et illimitée aux élections
présidentielles et la durée du mandat présidentiel passait
de cinq ans à sept.
Pour les partis politiques leur véritable faiblesse
découlera de leur division : la primauté de l'ethnie ou les
assises politique essentiellement régionalistes. C'est pour cette raison
d'ailleurs que B. Lootvoet titre en 1996 que : «
l'opposition a contribué à sa propre défaite,... en
n'ayant pas cru que l'union faisait la force»141(*). Il s'agit de sa
défaite en 1993 et de même que sa perte de l'organisation d'une
conférence nationale. Cela dénotait tout simplement d'un manque
de maturité de cette élite politique.
L'autre aspect négatif marquant de cette
démocratisation est le clanisme apparent qui assaille l'appareil
politique. Ce dernier étant une sorte de propriété de
l'ethnie du président et de sa famille. D'où la
patrimonialisation du pouvoir politique. A cela, on peut ajouter le culte du
chef dont fit objet le président de la république. Persistance du
passé, le général n'excluait pas de soutenir que son
pouvoir était d'essence divine. C'est ce qui découle de cette
déclaration lorsqu'il dit : « je ne suis pas en
train de chercher à être chef, Dieu, et vous avez voulu que je le
sois (...)142(*)».
Cette pseudo-démocratie politique que certains
ont appelé « ethno-démocratie »
n'était pas sans répercussion sur la justice et les droits de
l'Homme.
v Les défaillances du système juridique et
la méprise des droits de l'Homme
Logiquement il n'est pas difficile de se faire une idée
de ce que peut être la justice et les droits de l'homme dans un
régime politiquement antidémocratique.
En effet, la justice guinéenne est fortement
subordonnée au pouvoir exécutif. Cela s'explique par le fait que
malgré l'inamovibilité des juges143(*), il n'est pas souvent
impossible que les fonctionnaires de justice fassent objet de révocation
par simple décret ou une simple note verbale. En tout cas c'est ce qui
sortait d'un rapport de la FIDH144(*). Dans ce contexte, les normes régissant le
fonctionnement de cette institution ne sont pas respectées par les
agents de l'administration et les hauts fonctionnaires voire le chef de l'Etat
lui-même. Pour ce dernier, l'exemple de la libération de Mamadou
Sylla accusé de détournement de fonds publics est
éloquent. Aussi les arrestations arbitraires étaient très
fréquentes. A titre d'exemple nous pouvons citer l'arrestation des
députés Bâ Mamadou et Ousmane Baldé à
l'occasion de la démolition du quartier de Caporo-Rails à
Conakry-Ratoma145(*) ; Dans le même ordre d'idée,
il faut signaler les dérives policières, principalement celles
de la brigade anti-criminalité qui était reconnue coupable de
deux homicides à Conakry en 2003. Mais ces crimes sont restés
impunis. C'est face à ce désordre qu'un agent de la justice
confiait au membre de l'ONG146(*) que « l'armée et la police
baignent dans une véritable culture de
l'impunité ».
Encore il faut dire que l'une des maladies de
l'administration judiciaire guinéenne est la corruption à cause
des salaires miséreux des fonctionnaires du domaine et l'état
vétuste des locaux. Ainsi dans son traité de Mémoire,
l'étudiant guinéen Abdourahmane Diallo citait le cas des
greffiers qui sont conduits à hausser les frais de justice, accentuant
par là cette pratique (corruption).
En outre, les infractions financières ne sont pas
prises en compte par la justice guinéenne car les cours de comptes
restent inactifs, les normes signées dans le cadre de l'OHADA pour la
règlementation du milieu des affaires ne sont pas appliquées.
Quant aux droits de l'Homme, ils peuvent
être placés dans la même atmosphère que la justice.
Déjà nous pouvons avancer au primo qu'à travers les
données plus hautes, les droits et libertés politiques et ceux
relatifs à la justice sont méconnus dans ce pays.
Mais pour aller plus loin, il faut parler des violations des
libertés de manifestations qui sont pourtant autorisées par la
constitution et les lois. C'est ainsi que les manifestations contre
l'arrestation d'Alpha Condé furent durement réprimées en
1998 avec plus de 500 arrestations dans la ville de Conakry (rapport du FIDH).
De même une demi-douzaine de militants de l'UFR (Union des forces
républicaines) avaient été arrêtés en 2003 au
cours d'un meeting de leur parti puis condamnés à de la prison
avec sursis. Leur leader Sydia Touré ferra objet de plusieurs
interpellations par la police. Dans le même sillage il peut être
évoqué, la situation des syndicalistes et des étudiants
dont les demandes pacifiques sont parfois réprimées dans le sang
ou par des arrestations ou intimidations. A cet égard il faut rappeler
les interpellations que furent objet quatre membres du syndicat des enseignants
qui avaient lancés une grève en 2003147(*). Concernant les
étudiants, ils ont fait objet de plusieurs interpellations dans le
courant des années 2002. Ces restrictions sont allées jusqu'au
refus de l'usage de leur droit d'association au sein de l'Université de
Kankan.
Ces même oppressions s'étendent
à la liberté d'expression qui en dépit de la mulplication
des organismes fait objet de strict contrôle par le pouvoir. Et comme
nous l'avions souligné, c'est réellement en 2005 que les partis
politiques ont pu faire usage des médias d'Etat qui ne les accordaient
que 5minutes pour la télévision et 7 pour la radio. Aussi de
nombreux journaliste font objet d'intimidations surtout ceux de la presse
écrite. Ce fut le cas d'Alassane Abraham Keïta, directeur de
publication, et Souleymane Diallo, administrateur de l'hebdomadaire satirique
Le Lynx en Janvier 2004. Plus important sera la destruction des locaux de
certaines radios privées comme FM liberté à Conakry en
2007.
Sur la question des droits des femmes et surtout de la
parité entre homme et femme, il faut reconnaitre que la première
république connaissait assez d'avancées par rapport à la
seconde. Car avec cette dernière, les mêmes textes ont
été maintenus mais sans application. L'exemple le plus marquant
est le statut de polygame du président lui-même. Aussi un autre
recul est observable sur la participation des femmes à la vie politique
car si on peut bien sûr compter quelques unes parmi les ministres et
députés, elles ne sont pas présentes dans les postes de
gouverneurs et de préfet. Au niveau scolaire elles restent les moins
alphabétisées. Quelques chiffres de 2004 montrent que le
taux net de scolarisation des filles dans le primaire est de 37%, soit 69%
seulement de celui des garçons. Dans le secondaire, il est de 7%, soit
38% de celui des garçons.
Toutes ces données montrent à plus d'un
titre que ce régime eut d'énormes problèmes. Mais s'il ne
s'agit que de trois secteurs, qu'en est -il des autres c'est-à dire les
domaines économique et socioculturel.
II. DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE ET
SOCIOCULTUREL
Plus important, c'est surtout dans le domaine
économique et socioculturel que l'échec de l'ouverture s'affirme.
En effet, la théorie critique de la modernité politique soutient
que le développement économique et socioculturel ne peut avoir
lieu que lorsque les règles du jeu démocratique sont
respectées. Mais au regard de ce qui vient d'être
développés dans les précédentes on peut sans doute
dire que les résultats du parcours économique et socioculturel du
régime devrait être mitigés. Pour le démontrer nous
toucherons successivement le domaine économique et celui socioculturel.
v Dans le cadre économique
Les difficultés n'ont pas tardées à se
manifester dès les premières années du régime. En
effet après une euphorie de croissance économique148(*) engendrée par le plan
d'ajustement structurel issu du boum d'aides économiques des pays
occidentaux et les institutions de Breton Woods, le conflit entre les deux
parties (la Guinée et ses partenaires) naitra du désir du
gouvernement guinéen de rehausser le salaire des fonctionnaires qui
souffraient des effets néfastes de cet ajustement économique.
Cependant, jugeant lourdes les charges de l'administration149(*), les institutions
financières (Banque mondiale et FMI) ont suspendu leur aide en 1990
avant de la rétablir en 1991. Plutôt, le pays faisait face
à un déficit budgétaire de 91 millions de francs
guinéens en 1989. Ce déficit était supérieur
à celui prévu par ces institutions qui était 69,6 millions
de francs guinéens.
Par là, le départ était
déjà pris pour révéler l'état de la mauvaise
gouvernance économique. En ce lieu, en même temps que le revenu
national atteignait les 556 dollars (US) en 1993, et que l'inflation passait
à son plus bas niveau (8,5 en 1994) depuis 1984, le taux de croissance
faisait face à une baisse en passant de +6% en 1988 à +3,8% en
1992. Mais aussi c'est l'Etat qui affirmait son incapacité à
recouvrir les ressources fiscales dont les résultats seront
inférieurs aux prévisions. Quant à la dette
extérieure, elle se doublait en se chiffrant dans l'ordre des
2,6milliards de dollars en 1992. C'est dans ce contexte de régression
continue que l'économie guinéenne atteint les années 95
animées par une nouvelle discorde avec les institutions de Breton
woods. Car le pays n'avait pas tenu sa promesse en ce qui concerne le nombre de
fonctionnaires de l'Etat qui venait de dépasser le barème des
53.000 pour se hisser à 55.000. Aussi ces institutions dénoncent
avec le patronat guinéen, une corruption galopante qui assaille tout
l'appareil d'Etat. A cela il faut ajouter l'importance des fraudes et
contrebandes qui envahissent non seulement le domaine fiscal mais aussi les
différents marchés de l'or, du diamant, de la cigarette et de
l'hydrocarbure. Les règlementations juridiques des affaires et du
commerce restent archaïques. Cette situation décrédibilise
le milieu des affaires guinéennes en cette année où les
investisseurs ralentissent leur voyage en Guinée.
Ce qui conduit le président en 1996 a nommé un
premier ministre technocrate, ancien directeur de cabinet d'Alhassane Wattara
alors premier ministre de la Côte d'Ivoire. Il s'agissait de Monsieur
Sydia Touré. Cet économiste était donc mandaté de
redorer l'image de l'économie guinéenne. C'est ce qui sera
entamé dans le cadre d'un nouveau plan d'austérité.
A partir des années 2003, la situation
économique s'est dégradée. La Guinée, mauvaise
élève en matière de démocratie150(*) n'avait plus la
confiance de ses partenaires du Nord. Cette crise se manifesta par une baisse
du PIB qui passait désormais à 2,5% (2004) et devant
dépasser les 2,9% en 2005 ; cela allait correspondre aussi
à la baisse du PIB par tête de 0,6% à 0,2%. A ces chiffres
se greffent celui d'un budget déficitaire à 4,4% du PIB dans le
cadre d'une inflation touchant les 27,6% en fin 2004. Cette inflation, il faut
le rappeler, est le fait d'une forte émission bancaire151(*) sans
précédent pour couvrir le déficit. Ce qui va entrainer une
grande dépréciation des taux de change et creuser un écart
de 20% entre le marché de change officiel et les marchés
parallèles. Dans le même contexte, le ratio de la dette
guinéenne va atteindre les 99,7 % du PIB.
Il faut dire que cette évolution désastreuse de
l'économie guinéenne n'est que la conséquence d'une sorte
de corruption généralisée. A ce titre les chiffres
publiés dans le cadre des audits organisés sont effrayants :
pour l'ancien patron de la Banque centrale Monsieur Bah Ibrahima
Chérif, on parle d'une somme de 10million de dollars, pour Idrissa
Thiam, ancien ministre des affaires étrangères, il est question
de 40millions de dollars152(*). Aussi la théorie de la politique de ventre
semble se confirmée avec un président de la république
vastement riche et monopolisant le système économique au profit
de ses proches comme le cas de Mamadou Syllah qui devient maitre du patronat
guinéen. De même des sommes énormes sont gaspillées
dans les campagnes politiques. Dans le domaine du commerce privé
autorisé dès les débuts du régime, le libertinage
économique est considérable. Sans aucun contrôle de prix,
les commerçants font vaciller la population de toute part dans une
hausse de prix sans précédent.
De tel marasme économique ne peut rester sans effets
sur les conditions de vie des populations.
v Sur le plan socioculturel
C'est dans ce domaine que les défaillances du
régime militaire sont le plus observables.
En effet, la mauvaise gouvernance politique et
économique qu'a connu la Guinée à entrainer sans doute une
mise en mal des conditions de vie de la population.
Cette dégradation de la situation sociale est
résultat des fameux plans d'ajustement structurel qui soumettait les
populations à une sorte d'austérités sans
précédent. D'après des données des années
1988, un fonctionnaire, avec un salaire moyen, ne couvre que le
cinquième de ses dépenses pour neuf personnes à
charge. Cela ne faisait que révéler l'état dans
lequel les citoyens devaient vivre sous le poids des interminables mesures de
rigueur des institutions de Breton Woods. C'est pourquoi très tôt
les tensions sociales vont germer de toute part. Des grèves incessantes
sont entamées. En 1986 c'est le secteur du transport publics qui
touché, puis en 1988 et 1991 les enseignants réclament une
amélioration de leur conditions de vie et de travail. Mais avant, ils
étaient précédés par les étudiants en 1988
et 1990 qui dénonçaient l'emprise du pouvoir militaire sur
l'administration où l'essentiel des postes se trouvent désormais
détenus par les hommes de l'armée. Ces réclamations
estudiantines pouvaient être considérées comme celles de
toute la jeunesse qui est frappée par le chômage et la
délinquance. Ces protestations populaires sont souvent
réprimées dans le sang par les forces de l'ordre et ne
débouchent sur aucune mesure concrète répondant aux
demandes faites.
C'est ce qui va conduire à une intensification des
protestations dans les années 2002 et 2003. En cette période, la
santé du président s'est dégradée et le pays semble
existé sans chef d'Etat. La gabegie dans la gestion financière
s'est accentuée. A Conakry la population fait face à des
pénuries d'eau et à des coupures répétées
d'électricités. Pour les autres parties de la Guinée les
deux précieuses denrées ne sont presque plus là depuis
plusieurs années Car les chiffres montrent que seul 7,7%153(*) de la population ont
vraiment accès à l'eau potable.
Dans les mêmes périodes, les produits de
premières nécessités connaissaient une flambée
importante de prix : le prix du sac de riz est ainsi passé de
24.000 Francs Guinéens (FG) à plus de 34.000 FG en 2003, la
bouteille de gaz est passée dans le même temps de 37.000 à
51.000 FG, le prix du pain de 350 FG à 450 FG. Ces prix ont
continué à grimper jusqu'à déboucher sur les
grèves de faim de 2007.
En matière de santé, on compte en moyenne
1centre de pour 10000 154(*)habitants. Aussi l'état de
vétusté de ces rares infrastructures et des équipements
rend encore difficile leur fonctionnement. Aussi, la Guinée a connu de
nombreuses épidémies choléra notamment en 1988 et en 2007.
Des maladies comme le paludisme et le sida font objet de nombreux programmes
dont la plupart restent des sources d'enrichissement des agents de l'Etat.
Concernant la pauvreté, il faut dire que la
Guinée fait parti les PPTE (pays pauvres très
endettés155(*)).
Cette pauvreté illustrée par ces chiffres selon lesquels 49% de
la population serait pauvre en 2002 contre 40,3% en 1994-1995, et 27, 2%
seraient très pauvres en 2002 contre 13% en 1994-1995. Ainsi, il
ressort que cette pauvreté est un phénomène en croissance
depuis plusieurs années.
Lorsqu'on aborde la question des ethnies sous le régime
Conté, d'énormes faillites peuvent être
évoquées. Car là, les dérapages commencent pendant
les dix premières années quand le régime engage des
règlements de compte contre l'ethnie de l'ancien président,
supprimant officiers supérieurs et des proches de ce dernier ainsi que
les commerçants qui verront leur commerce et leurs biens pillés.
C'est le moment du
célèbre « Wonfatara156(*)». Aussi
en 1991, on assiste à un affrontement entre des
koniankés157(*)
et les guerzés. Et en 1993 ce sera le tour des peulhs et des soussous
à Conakry. Tout ceci montre que la question ethnique n'est pas encore
résolue malgré les efforts fournis.
En outre, nous pouvons souligner dans le cadre de
l'éducation que le système éducatif guinéen fut
l'une véritable victime de la faillite du régime. Cela s'explique
tout d'abord par des infrastructures très délabrées des
établissements d'enseignement supérieurs (université Gamal
Abdel Nasser) aux établissements du primaire en passant par ceux du
secondaire (les grands lycées de Conakry). En plus de leur état
délabré, les salles de classes sont insuffisantes car en 2004 on
parlait d'un besoin de 4767 .Pire, les conditions de travail et de vie des
enseignants ont été si précaires que le secteur s'est vu
mouillé dans la corruption158(*). Ainsi en 2008, l'examen d'entrée au
lycée (BEPC) était annulé parce que les sujets
étaient vendus dans tous les coins et marchés de la capitale.
Cet échec touche aussi à la qualité des enseignements qui
selon un ministre de l'Education159(*) n'a rien a voir avec les besoins du pays.
Enfin, il faut rappeler que la guinéen abrite une sous
région en proie à de nombreuses guerres civile et
politiques160(*). Ce qui
n'est pas n'est pas sans conséquences sur sa situation interne. Ainsi le
pays accueillera des milliers de refugiés venant de ces pays. De
même, en 2001 la Guinée sera la cible d'une attaque de rebelles
libériens et sierra léonais. Ces conflits ont beaucoup
contribué à la dégradation de la situation
socioéconomique du pays.
C'est donc dans ce contexte d'une fragilité
avancée, que la Guinée connaitra de grandes grèves (ou de
véritables révolutions) en Janvier et Février
2007161(*) en vu du
départ de son président incapable de gérer le pays parce
que gravement malade. Mais ce n'est pas ce soulèvement qui ferra partir
le général Lansana Conté. Ce fut plutôt une mort
naturelle du Lundi 23 Décembre 2008.
Et delà, une nouvelle page du parcours politique devait
s'ouvrir par une nouvelle transition conduite encore par les militaires qui ont
anticonstitutionnellement pris le pouvoir le 24 Décembre 2008.
En somme, il faut dire que si la seconde république a
eu le mérite d'engager la Guinée sur la voie de la
démocratie (libérale), il n'en reste pas moins que ce fut un
périple difficile à surmonter. D'un début marqué
par l'espoir nous sommes passés à un autre régime de parti
unique qui ne dira pas son nom. Car le parti du pouvoir militaire, le PUP
(parti de l'unité et du progrès) restera le seul de ce
système dit ouvert. A l'image du système mis en place sous la
première république, le système politique de la seconde
république fut aussi répressif, fermé (car ce
n'était qu'une démocratie de façade), centralisateur. Mais
plus important, la seconde république, contrairement à la
première, est marquée par l'absence d'un cadre d'idées qui
est pourtant nécessaire à toute conduite d'un peuple
autodéterminant et qui dont la construction fut amorcée sous la
première république. La corruption
généralisée et le tohu bohu162(*) économique qui marqua
ce régime le différencient du premier où le chef d'Etat
(Sékou Touré) mourrait en tant qu'un des rares chefs d'Etat
africains qui n'auront laissé aucune fortune dans des banques à
l'extérieur. Ce fut le même pour les fonctionnaires de ce
régime.
Mais après tout ce parcours, la vraie question qui se
pose est celle de savoir : quelles leçons peuvent-elles être
tirées de cette expérience guinéenne dans le cadre d'une
évaluation et analyse critique ? Une tentative de réponse
à cette question devra nous conduire au chapitre suivant.
CHAPITRE 3 : EVALUATION ET ANALYSE CRITIQUE DE
L'EXPERIENCE GUINEENNE DE DEMOCRATISATION
Réaliser tout ce travail comme celui que nous venons de
faire sans cette analyse critique, correspondrait à la construction
d'une maison sans faire le toit. C'est dans ce sens qu'il convient de
comprendre que ce chapitre occupe une place importante dans ce travail. C'est
le lieu pour nous de dégager notre compréhension du chemin
parcouru par la Guinée dans la voie de la modernisation politique en
général et particulièrement de la démocratisation.
Ainsi dans cette analyse, il ne s'agira pas de revenir sur un bilan
généralement négatif mais révéler dans une
réflexion plus approfondie les causes profondes de ce bilan. C'est ce
que nous appelleront les grandes leçons de l'expérience
guinéenne de démocratisation (Section 1). C'est à la
suite que nous essayerons de faire une lecture de la nouvelle constitution
guinéenne (section 2) afin de comprendre si le nouveau départ
pris par la Guinée tient compte de ces leçons du passé que
nous considérons comme lois au sens sociologique du terme.
SECTION1 : LES GRANDES LEÇONS DE
L'EXPERIENCE GUINEENNE : les raisons fondamentales d'un échec
Après ce profond exposé, bien sûr non
exhaustif, de l'expérience guinéenne de démocratisation,
nous sommes arrivés sans doute à dénicher les raisons
fondamentales de l'échec de la démocratisation en Guinée.
Nous les distinguerons en premier lieu dans le cadre de la philosophie
politique où nous parlerons de conflits de systèmes
d'idées (Paragraphe1), et, dans les domaines de sociologie politique (la
question de la nation et de l'ethnie) et de la transitologie (paragramme2).
PARAGRAPHE1 : DES RAISONS SELON LA PHILOSOPHIE
POLITIQUE : le choc des idées politiques
Pour commencer, il faut rappeler que cette même question
a été déjà abordée plus haut mais dans une
réflexion plus large sur la démocratisation en Afrique
francophone ou en Afrique. C'est pourquoi, sans ignorer l'existence de
caractéristiques communes aux réalités noires africaines,
nous essayerons de mettre l'accent sur le contexte guinéen de
démocratisation.
A cet effet, soulignons tout d'abord qu'ici nous
considérons comme idées politiques, les différentes
conceptions que les peuples ont du fait politique ou de l'organisation de la
société et des rapports sociaux ayant trait au pouvoir.
Ainsi le choc des idées politiques devient une sorte de conflit entre
les systèmes d'idées traduisant leur antinomie
c'est-à-dire leur contradiction ou opposition.
Dans ce contexte guinéen, nous pensons que l'une des
raisons profondes de l'échec de la démocratisation est
liée à ce conflit qui existe toujours entre la philosophie
politique démocratique libérale et les idées politiques
locales.
En effet, sous la première république nous avons
assisté à une tentative de construction d'un système
idéologique inspiré des authenticités africaines et
particulièrement des réalités nationales. Sékou
Touré en tant que chef de fil de cette entreprise réfutait
toujours l'idée du marxisme et du communisme comme idéologie de
son régime, arguant que le caractère athée de cette
doctrine était compatible à la situation guinéenne et la
lutte des classes n'était pas africaine ; sans pour autant rejeter
l'usage du mode d'organisation marxiste qu'il considérait comme un moyen
de réalisations des objectifs. Comme Senghor et Nkrumah, il soutiendra
l'idée d'un socialisme africain et d'une démocratie africaine qui
puise ses racines dans le consensualisme et le communautarisme africain
(« l'Afrique est essentiellement
communaucratique »)163(*). Ce qui eut pour conséquence le parti unique
qui était selon lui l'incarnation de la Nation et du peuple
guinéen. Ce parti a la pensée du peuple et il est la
pensée du peuple. Quoi que cette expérience ne puisse
atteindre ses buts, il y ressort quand même l'idée de la
construction d'une identité politique guinéenne en relation avec
le terroir.
En revanche, la démocratisation à laquelle nous
avons assisté dans les années 90, s'est déployée
sans aucune considération anthropologique ni philosophique de la
société guinéenne.
Pourtant cette société en tant qu'une partie
de l'Afrique, a une conception à la base de la nature qui se distingue
de celle européenne, et qui a toute son influence sur la
mentalité du peuple guinéen. Ainsi selon CAMILLE KUYU MWISSA de
l'académie Africaine de théorie du droit, la vision
occidentale du monde est dualiste par contre celle africaine est
unitaire. La vision dualiste sépare le monde visible du monde
invisible. Ces deux mondes sont nettement coupés l'un de l'autre ou
entretenant d'ailleurs une relation conflictuelle. Le monde visible qui est
celui de l'individu occidental tend à affirmer sa
suprématie sur le monde indivisible, sur le reste de l'univers, la
nature. D'où il est souvent courant d'entendre dans ce système
de penser que l'Homme doit conquérir la nature.
Par contre la vision unitaire du monde, qui est celle
africaine, ne fait pas de séparation entre le monde visible et le monde
invisible. Il s'agit d'un même monde dont le prolongement du second est
le premier. Le monde visible est soumis au monde invisible, et l'individu
à la société.
De la première vision (celle occidentale), il ressort
une conception individualiste et cartésienne de l'Homme et de la
deuxième une conception mystifiante de la nature et de la
société sur l'Homme.
Cela se répercute sur les conceptions des rapports
sociaux. C'est pourquoi dans la démocratie occidentale tout est mis en
oeuvre pour plus d'épanouissement de l'individu, qui ne doit pas
être opprimé par une société qu'il a forgé
lui-même, une société dans laquelle il est souverain (selon
la théorie du contrat social : Jean Jacques Rousseau). Par contre
dans la société africaine, si l'on ne rejette pas l'idée
d'un contrat social qui puisse être à l'origine de la
société, force est de reconnaitre que ce contrat ne signifie pas
que l'Homme est sacré au dessus de la société. Donc ici
l'épanouissement de l'Homme passe par celui de la société.
De là nous voyons que les fondements philosophiques des
deux mondes politique sont opposés. En occident la modernité
politique a signifié « arracher à Dieu son pouvoir et le
ramener à l'Homme ». C'est ce qui découlera de la
philosophie politique développée dans le Machiavélisme et
par les Lumières du XVIIIème siècle. Et cette
vision sera le contenu principal de la démocratie diffusée dans
le tiers monde en général et particulièrement en
Guinée, bien que, chaque interprétation du monde
évoquée plus haute correspond à une interprétation
des principes fondamentaux de la démocratie à savoir : le
principe de l'égalité, de la justice et de la liberté.
Pour la justice par exemple, notre auteur africain CAMILLE
KUYU explique que le droit occidental est un droit imposé,
c'est-à-dire qu'à l'image de la règle imposée par
Dieu dans les autres sociétés non occidentales, l'Etat en
occident fait obéir les personnes au droit. La justice est due à
celui qui doit l'avoir, le souci étant de rendre à l'individu ce
qui lui a été enlevé à tort. Par contre dans la
pensée africaine la finalité de la justice dépasse le
simple fait de rendre justice, elle vise surtout la réconciliation des
deux parties sociale et le maintient de la cohésion ; et, pour ce
faire chacune des parties au litige doit avoir un minimum de satisfaction. On
tranche sans toutefois blesser. Une telle vision des choses serait synonyme
d'impunité dans la vision occidentale.
Mais est ce que cette critique signifie que la Guinée
comme toute l'Afrique ne peut pas connaitre la démocratie ? Nous
répondrons d'emblée par la négative ! Car il ne
s'agit pas d'une incompatibilité entre démocratie et
société africaine ou guinéenne mais plutôt entre une
conception de la démocratie et la culture politique africaine. Cette
affirmation est soutenue par Mamadou Oury Diallo qui avance
qu': « il n'y a pas d'incompatibilité entre
démocratie et sociétés plurales, mais plutôt entre
sociétés plurales et démocratie majoritaire
»164(*). Aussi
il ne faut-il pas dire que le communautarisme africain ne rejette pas
l'individualité mais plutôt l'individualisme. Car comme toute
société, les sociétés africaines et
particulièrement celle de la Guinée permet aux individus de faire
valoir leur talent, d'être récompenser pour s'être
distinguer mais ne signifie d'établir le culte de l'individu face
à la société. Cette société considère
que l'individu peut bien être épanoui sans que cet
épanouissement ne conduise à une exagération
(individualisme) qui donne libre cours à la passion individuelle.
Toutefois, l'analyse de l'expérience guinéenne
nous a permis de savoir qu'une telle perception des choses semble avoir
été absente dans le processus de démocratisation en
Guinée. On a oublié qu'une idéologie propre à la
Nation constitue le socle de son éducation et le déterminant
premier de son identité. Il s'agit d'un état d'esprit dans lequel
le peuple baigne mais qui n'est pas institutionnalisé. Et pourtant sa
maitrise est indispensable pour le développement.
Cette dernière thèse est bien soutenue par le
plus grand égyptologue africain Cheick Anta Diop en ces
termes : « tout peuple qui maîtrise son
identité culturelle arrivera au seuil de l'industrialisation
».
A en croire à cette affirmation du savant africain,
nous pourrons sans doute dire que la démocratisation en Guinée en
tant qu'une forme de modernisation politique de ce pays ne pouvait que rater
son chemin.
Par ailleurs, il faut avancer que la question
idéologique bien qu'elle soit fondamentale n'est pas la seule qui
constitue la cause du bilan négatif de la démocratisation en
Guinée. D'où la nécessité de voir encore plus
loin.
PARAGRAPHE 2 : DES RAISONS SELON LA SOCIOLOGIE
POLITIQUE ET LA TRANSITOLOGIE
Notre analyse de l'expérience guinéenne de la
démocratisation nous a révélé que la question de
crise de Nation exprimée dans l'instrumentalisation de l'ethnie
était l'une des raisons fondamentales du blocage de la modernisation
politique en Guinée et particulièrement de la
démocratisation. Il s'agit d'un facteur dégagé dans le
cadre de la sociologie politique de ce parcours. Mais au-delà de la
question nationale, les instruments d'analyse transitologiques
évoqués dans la première partie nous permettent de
détecter des failles directement liées au processus
lui-même. C'est tous ces éléments qu'il conviendra de
mettre en lumière dans cette analyse.
v Du point de vue de la sociologie politique : la
question de la nation et de l'ethnie
Face à cette question, l'auteur et politicien
guinéen Mamadou Oury Diallo écrivait que :
« la problématique de l'édification de la nation
guinéenne s'inscrit dans ce cadre : définir un
État démocratiquement opérationnelle, incarnant des
valeurs supra-ethniques, et permettant à chaque communauté
ethnique de maintenir, enrichir et partager son patrimoine
culturel ». Cette affirmation révèle
toute l'importance de la question de la Nation et de l'ethnie dans la
modernisation politique de la Guinée.
Mais avant de continuer, il convient de souligner que la
notion de Nation connait deux principales conceptions : la première
est allemande et objective, elle définit la Nation, en termes de
facteurs objectifs tels que la langue, la religion, la culture qui
matérialisent l'appartenance à une communauté ou une
ethnie (Fichte); par contre celle dite française et volontariste,
soutient que la nation nait d'une volonté des personnes de vivre
ensemble sur la base d'un passé partagé. Cette conception
assimilationniste française résulte du jacobinisme par lequel une
majorité phagocyte les autres groupes en leur imposant culture et
langue. Dans toutes ces conceptions la finalité est de faire
correspondre la Nation à la population de l'Etat. Et c'est d'ailleurs ce
qui a découlé des définitions de ce dernier. Bien que
parfois composés de plusieurs nations ou ethnies les Etats
multinationaux ainsi appelés à parler d'une seule Nation pour
désigner l'unité de la collectivité Etatique.
Dans le contexte guinéen, nous faisons face à de
nombreuses nations ou ethnies qui depuis le passé ont connu des
relations plus ou moins stables, elles distinguent chacune par une culture
particulière et une langue propre. Malgré que la majorité
de ces ethnies appartiennent à la même religion qui est l'Islam,
il faut reconnaitre que les luttes de pouvoir ont toujours fait apparaitre leur
opposition. Ainsi dans les années 50 la division entre les groupements
politiques et régionalistes était fortement exploitée par
le colonisateur.
Cependant, des tentatives de création d'une nation
unique se feront connaitre sous la première république dans le
cadre du parti unique. Cette première épreuve est
qualifiée par de nombreux auteurs de positive en terme résultat
car contrairement à la plupart des Etats de la sous région
(Côte d'Ivoire, Libéria), en Guinée aucun groupe ethnique
ne conteste l'appartenance de l'autre à la Nation guinéenne. En
revanche, comme le soulignera Mamadou Oury Diallo, la politique
guinéenne de construction de la Nation sous la première
république a connu d'énormes obstacles dus à sa conception
même qui tantôt cherche à dissoudre les
particularités régionales et ethniques dans un corps
unique165(*),
tantôt elle tentait de les promouvoir166(*)afin d'éviter les la suprématie d'une
d'entre elles. Cette tentative guinéenne s'inscrit dans la logique
occidentale de mise en place d'un Etat-Nation.
Dans son ouvrage consacré au développement
politique (1988 : p.139), Bertrand Badie, considère la construction
de ce dernier comme l'une des étapes importantes dans la création
des démocraties occidentales actuelles. Et en Afrique la principale
justification qui fut donnée au parti unique était cela :
l'Etat-Nation. Ce qui nous amène à en déduire que la
démocratisation ne peut avoir lieu que par la mise en place de cette
entité purement occidentale. Toutefois, si nous ne partageons pas cette
croyance qui fait de la construction de l'Etat-Nation occidentale une condition
sine qua none de la démocratisation, nous pensons cependant, comme notre
auteur guinéen, que l'existence de valeurs supra-ethniques
au-delà de la reconnaissance des particularités est la meilleure
voie dans ce contexte guinéen. Il s'agit de faire dos à la
politique assimilationniste français pour assurer la promotion des
valeurs propres à chaque entité en même temps qu'on
encourage l'attachement à la grande Nation.
Et c'est ce qui n'a pas été entrepris dans la
démocratisation en Guinée. On a omis l'idée selon laquelle
il ya une forte relation entre Nation et démocratie. Car c'est cette
Nation qui est détentrice de la souveraineté (Ngakoutou). Son
existence est nécessaire pour que le multipartisme ne soit pas synonyme
de guerre entre les groupes ethniques et par conséquent qu'on
n'assiste non pas à une souveraineté national mais à une
souveraineté tribale. C'est pourquoi l'absence de la Nation dans la
transition guinéenne a permis une appropriation ethnique du pouvoir et
des richesses. Cette prise en otage du processus démocratique facilite
le recours à la personnalisation du pouvoir et finalement à la
dictature car la rationalité tant chère à une
démocratie disparait dans le mode de gestion de l'Etat.
C'est ce constat qui découle de notre analyse de
l'expérience guinéenne où l'absence d'une véritable
Nation et l'instrumentalisation de l'ethnie qui en a résulté
à conduit à un bilan négatif de la modernisation
politique. Cela dit, nous nous tournons vers le processus de
démocratisation lui-même pour se demander qu'en est-il de ses
problèmes ?
v Du point de vue de la transitologie
Dans cette présente analyse, il s'agit d'une critique
de l'expérience guinéenne à la lumière de
données transitologiques. Pour ce faire trois axes causalement
liés sont à dégager : une phase
transitoire mal négociée, une élite immature et non
déterminée, une transition sans consolidation.
En premier lieu nous dirons que la transition
démocratique en Guinée fut une transition mal
négociée surtout dans sa phase transitoire. Il faut
rappeler que cette phase désigne la période dans laquelle
l'ancien système est remis en cause et les nouvelles institutions sont
établies. Ainsi donc elle précède la phase de la
consolidation où les institutions et les acteurs commencent à
interagir en conformité avec les principes démocratiques
établis. En effet, ce constat est déduit des expériences
espagnole, chilien et même africaine que nous avons eu à
étudier. Nous avons découvert comme une loi la réussite
des modèles de transition négociée. Ce fut le cas en
Espagne, en Chili, au Benin (pays modèle d'Afrique francophone). Dans
ces différents pays, la transition s'est réalisée dans le
cadre d'une négociation plus ou moins apaisée entre les
élites sortantes de l'ancien système et les nouvelles fortement
démocrates. Ce qui a permis d'emprunter à ces anciens
systèmes leurs aspects positifs. Aussi les élites qui
revendiquaient la démocratie ont en grande partie observée une
certaine modération à l'encontre des ténors de l'ancien
système qui ont en retour reconnu les erreurs qu'ils ont commis dans le
passé. Ainsi pour l'Espagne les anciens franquistes
bénéficieront d'une amnistie et en retour ils se
déploieront pour assurer la réussite de la transition. La
conséquence fut non pas la recherche d'une justice seulement pour les
victimes du franquisme, mais aussi la réconciliation des espagnoles qui
tournant la page réaliseront à la fois un succès politique
et un miracle économique.
Par contre dans le cas guinéen, l'arrivée au
pouvoir de la junte militaire s'est suivi d'une purge contre les dignitaires de
l'ancien régime et l'ethnie de l'ancien président. Ainsi les
officiers supérieurs (Siaka Touré, Ismaël Touré
etc...) appartenant à l'ethnie malinké et certains hauts
fonctionnaires de la même ethnie seront arrêtés, de
même que la famille de l'ancien président. Les uns vont mourir
sans procès et les autres libérés. Des discours
ethnocentriques sont aussi prononcés à l'encontre de cette ethnie
entrainant des conflits civils (Ceux de Conakry en 1991 et de
N'zérékoré 1993). Dans la même atmosphère,
l'ancien système est totalement raclé comme s'il n'avait rien de
récupérable. Ainsi l'ouverture était lancée en
Guinée. Une ouverture qui s'annonçait de cette façon
n'était qu'une entreprise à laquelle toute la Nation encore
fragile ne se sentait pas liée. De haine en haine, le multipartisme
naitra pour faire apparaitre à nouveaux les divisions
réveillées. Dans cette logique, lorsque les uns s'activeront
de construire à leur profit, les autres se battront pour le
démolir. Et c'est ce qui fut le cas en Guinée. C'est
pourquoi nous dirons que cette étape a été cruciale et son
échec pouvait permettre de prédire ce que devait être la
fin de ce processus.
De cette première remarque critique, se dégage
l'immaturité de l'élite guinéenne ou des acteurs internes
de la démocratisation ainsi que leur manque de volonté.
En effet, dans les expériences précitées,
on s'est souvent trouvé en face d'élites responsables, plus
soucieuses de l'avenir de leur pays que des intérêts
égoïstes. Ce constat s'explique par leur capacité à
surmonter leur différends, à faire preuve de modération et
de transparence. Ce fut le cas par exemple au Benin avec Mathieu
Kérékou. De même l'armée chilienne prendra
elle-même des décisions reconnaissant les erreurs commises sous le
régime militaire et en même temps elle bénéficiait
des certaines protections malgré qu'elle acceptera certains jugements
d'officiers.
Dans tous ces cas, la capacité des acteurs à
maitriser leur différend et se concentrer sur la transition
dénotait de leur volonté de réussir. Pour les Espagnoles,
ils se disaient être en retard par rapport à leurs
confrères du Nord et donc il fallait miser sur développement.
Par contre en Guinée, l'armée semble d'ailleurs
avoir été obligée de recourir à la
démocratisation. Car si à la prise de pouvoir en 1984, ils
avaient donné des signes d'ouverture, cependant ils mettront six ans
pour élaborer une constitution que l'opposition contestera d'ailleurs.
De même, ils refuseront toute organisation de conférence nationale
souveraine telle proposée par une bonne partie des citoyens. A tout
ceci, il faut ajouter le fait que les militaires n'avaient pas
d'expérience en matière politique ni économique. Ce qui
aura d'important effet sur le processus. A chaque étape, les conflits
étaient nombreux et à connotation ethnique. Le désir de
rendre le coup par le coup manifestait cette immaturité des acteurs de
la transition en Guinée. A partir de ce moment, nous assistions à
une transition sans consolidation.
Une transition mal négociée par une élite
immature pouvait-elle déboucher sur la consolidation ? A cette
interrogation la réponse ne peut être que négative. En ce
sens que contrairement aux autres expériences qui grandissaient en se
renforçant, l'expérience guinéenne nous a fait apprendre
qu'au fur et à mesure que le temps passait, le régime se
durcissait, et la situation se dégradait. La communication entre le
pouvoir et l'opposition se raréfiait. Ce qui conduisait à de
nombreuses dérives comme nous l'avons décrit dans le bilan. Ainsi
nous étions dans une transition qui ne prévoyait pas de fin ou
d'ailleurs subissait un retournement. Car, que dire de la révision
constitutionnelle qui rendait le nombre mandat présidentiel
illimité. C'était donc là le signe d'un retournement du
processus.
A la lumière de cette analyse critique, nous nous
disons avoir mis en exergue les grandes problématiques pouvant
être déduites de cette expérience guinéenne. Par
là, nous précisons que notre objectif dans ce travail
n'étant pas de proposer des solutions, nous passerons à la
section suivante pour savoir si la nouvelle transition de2008, qui est bien la
suite de la même transition entamée depuis 1984, a pris compte
des différentes raisons de l'échec précédent.
SECTION 2 : LA LECTURE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION
En prenant le pouvoir le 24 décembre 2008, la nouvelle
junte militaire présidée par le capitaine Moussa Dadis Camara,
engageait une nouvelle page de la démocratisation en Guinée.
Cette transition conduira à l'élaboration d'une nouvelle
constitution en Avril 2010 sous l'égide du général
Sékouba Konaté. Sans prétendre exposer tout le nouveau
processus de transition, nous nous focaliserons sur cette constitution qui en
est issue afin de comprendre si elle tient vraiment compte des leçons du
passé c'est-à-dire les grandes problématiques ou lois qui
président à la réussite d'une démocratisation dans
ce pays. Pour ce faire, nous tenterons, dans un premier temps, de montrer que
cette constitution a été bien élaborée à la
lumière du passé (paragraphe1) et en second lieu nous prouverons
en quoi la prise en compte de certains problèmes du passé n'a pas
exclu que d'autres soient ignorés (paragraphe2).
PARAGRAPHE1 : UNE CONSTITUTION A LA LUMIERE DU
PASSE
Dire que la nouvelle constitution guinéenne tient
compte du passé n'est pas fausse à en croire surtout à son
préambule qui annonce que la république de
Guinée : « ...tirant les leçons de son
passé et des changements politiques intervenus depuis
lors...»167(*). Cette annonce est la manifestation que ce
texte s'inscrit dans une logique de rupture avec un passé
considéré en général comme infructueux en
matière démocratique. Pour le démontrer plusieurs axes
méritent d'être rappeler. Il s'agit essentiellement du domaine des
institutions démocratiques et de celui de la consécration des
droits et libertés fondamentaux. De même il faudra montrer que
cette constitution s'attache à renforcer cette Nation et lutter contre
l'instrumentalisation ethnique.
v Des innovations institutionnelles
démocratiques
Commençant par ce premier domaine c'est-à-dire
celui des institutions démocratiques, il faut dire que la nouvelle
constitution a été véritablement innovante. Ainsi,
après avoir consacré un régime présidentiel avec
les trois pouvoirs traditionnels, la constitution guinéenne du 19 Avril
2010 mis en place quatre principales institutions à savoir : une
cour des comptes, une cour constitutionnelle, une institution nationale
indépendante des droits de la personne, une commission électorale
nationale indépendante. Dans le même cadre le poste de ministre
est prévu par la constitution.
Chacun de ces organes a un rapport avec la passé. Pour
la cour des comptes visée à l'article 77 de la constitution,
c'est un organe chargé du contrôle à posteriori
l'exécution de la loi de finance. Cette institution de justice
économique devra permettre de contrôler la gestion des deniers
publics, ceci pour éviter la corruption et les crimes économiques
connus dans le passé.
De son côté, la cour constitutionnelle s'affirme
comme la gardienne de cette démocratie. Car elle devra assurer la
protection de la constitution en veillant au respect de la hiérarchie
des normes tel dégagé dans les articles 93,94, 95 du titre VI du
nouveau texte. Dans le même temps ses 9 membres doivent être d'une
grande moralité. La présence de cet organe a été
saluée par de nombreux guinéen comme le grand juriste Ibrahima
Sory Touré. Il s'agit de réaction contre un passé
où la justice et les normes sont restées à la solde du
pouvoir exécutif. L'ancienne cour suprême disait la parole du
président Conté au lieu de celle de la loi. C'est d'ailleurs ce
qui est sorti d'un propos devenu célèbre du président du
président de la dite Cour Maitre Lamine Sidimé. Quant à la
nouvelle institution relative aux droits de la personne, elle est le fruit
d'une histoire politique nationale marquée par la violation des normes
« universelles » innées en la personne humaine.
C'est pourquoi, conformément aux dispositions (Titre XVI, articles 146,
147 et 1948) qui l'institutionnalisent, cet organe sera à son tour la
gardienne de la dignité humaine en sol guinéen. Et pour ce faire
aucune entrave ne doit être portée à son action. La
dernière institution qui est la commission électorale nationale
indépendante (CENI), devra jouer un rôle surtout lorsqu'on sait
que les élections ont toujours été le centre des conflits
parce que fraudées au profit du parti au pouvoir. Ainsi cette nouvelle
institution permettra de rendre aux citoyens leur vote. C'est une condition
première de la construction d'une démocratie. Pour cela, cette
commission sera chargée de la mise en place du fichier électoral,
de l'organisation des élections, leur administration et la proclamation
de leurs résultats provisoires (Titre XII, article 132).
v Les droits et les libertés fondamentales de
l'Homme
Ils sont évoqués par le Titre II de la
constitution. Il s'agit du titre le plus long. En ce lieu il faut avancer que
le constitutionnaliste du 19 Avril n'a pas vraiment introduit quelque chose de
nouvelle. Les privilèges sont repris en partant de la protection de la
dignité humaine conçue comme sacrée.
L'intégrité de la personne humaine devant être
protégée contre tout acte de torture. Aussi les droits politiques
et économiques y prennent une place importante. C'est ainsi que le
droit d'association y est consacré pour tous les citoyens. Les
libertés d'opinion et de pensée ne peuvent être
entravées selon cette constitution. Cependant pour marquer la transition
un changement cette constitution accorde une importance particulière
à la jeunesse et à la famille (respectivement les articles 19 et
18) comme pour reconnaitre le sacrifice des mères et de la jeunesse
toujours victimes des systèmes passés. Cette jeunesse devra
être véritablement protégée par l'Etat et ses
instituions contre les tares de la société et les abus
politiques.
v De la question ethnique dans la constitution
Il s'agit d'une question importante dont la non-maitrise et
l'instrumentalisation a entrainé la faillite des systèmes
passés. Donc un changement qualitatif ne peut se produire en
Guinée qu'en prenant en compte ce problème crucial. Ce qui
semble avoir été compris par le constituant de 2010. En effet la
nouvelle constitution s'emploie fermement contre toute forme de discrimination
et à ce propos l'Article 4 stipule que « la loi punit
quiconque par un acte de discrimination raciale, ethnique,
religieuse, par un acte de propagande régionaliste, ou
par tout autre acte, porte atteinte à l'unité
nationale, à la sécurité de l'Etat, à
l'intégrité du territoire de la République ou au
fonctionnement démocratique des Institutions». Par cette
disposition, la constitution guinéenne pose le principe de
l'unité de la Nation qui est encore plus renforcé
dans l'article1 où elle annonce que la souveraineté ne peut
être exercée que par le peuple et non par un individu et par une
fraction du peuple. Dans la même logique l'interdiction est faite aux
partis politiques de disposer d'une base raciale, ethnique ou
régionaliste ou de s'identifier à une ethnie. Par ce fait la
nouvelle constitution se place en barrière contre toute tentative allant
vers une appropriation clanique et égoïste du pouvoir d'Etat.
A ces innovations importantes, il faut ajouter la mise en
place d'un poste de premier ministre qui partage certains pouvoirs avec le
président de la république longtemps omnipotent. C'est le cas du
pouvoir règlementaire.
Au-delà de tous ces efforts d'autres problèmes
cruciaux sembles n'être pas pris en compte par cette constitution. Nous
tenterons de révéler certains dans le paragraphe qui va
suivre.
PARAGRAPHE 2 : LA PERSISTANCE DES PROBLEMES
FONDAMENTAUX
Comme tout acte humain la constitution du 19 Avril 2010 ne
peut pas être qualifiée de parfaite. Aussi cette critique devient
importante si elle concerne certains facteurs dont l'observation est
indispensable dans la construction d'une « démocratie
durable et nationale ». Il s'agit primordialement de la question
culturelle ou la question des idées politiques. La seconde critique
s'attaquera à d'autres questions liées à la forme du
nouveau régime mais aussi aux droits et libertés fondamentaux.
v Une constitution sans base idéologique
locale
La crise d'idéologie qui assaille toute l'Afrique
n'épargne nulle part. La Guinée, une partie intégrante de
cette Afrique en souffre cruellement. C'est ce qui ressort de cette nouvelle
constitution dont la mise en oeuvre ne répond à aucune
préoccupation de ce type. Une bonne lecture de la nouvelle constitution
peut révéler rapidement que la bataille de démocratisation
dans laquelle la Guinée s'est lancée depuis 1990 n'est autre
qu'une occidentalisation qui ne dit pas son nom. En effet les droits de
l'Homme ainsi que l'agencement des pouvoirs et leur relations, la vision du
citoyen tels développés dans cette constitution renvoie sans
doute à une conception libérale de la société et de
l'Homme. Cela peut s'expliquer rapidement en partant du préambule de la
dite constitution qui annonce l'adhésion de la Guinée
aux idéaux et principes
« universels » tels
conçus dans des textes internationaux comme : la
déclaration
« universelle » des droits de
l'Homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme. Et
pourtant, il est connu de tous que ces textes plus ou moins imposés au
reste du monde restent une émanation du libéralisme universaliste
occidental. Cette philosophie libérale dont les incompatibilités
avec les valeurs africaines ont été déjà
prouvées dans plusieurs analyses comme nous l'avions souligné
plus haut, constitue le dernier refuge des constituants guinéens du 10
Avril 2010. Les mêmes erreurs de 1990 sont ainsi reprises.
Il découle d'un tel travail qu'aucune conception de la
démocratie ne peut permettre le développement et le bien
être des peuples d'Afrique et particulièrement de celui de la
Guinée que la seule conception occidentale. Sont-ils entrain de
démentir Cheick Anta Diop pour qui le développement d'un peuple
ne pouvait se faire que par la prise en compte de sa culture? Dans cette
logique de pensée s'inscrivait un autre auteur lorsqu'il écrivait
que la démocratie ne peut s'importer ni s'imposer mais elle doit
être le fruit d'une production locale. Car même les systèmes
imités, ces derniers ne sont que des productions propres à ces
nations. C'est ainsi qu'il ya une démocratie américaine distincte
de la démocratie française. Pour ce qui concerne l'agencement des
instituions, de nombreux travaux historiques et anthropologiques
réalisés par des africains et non africains ont
démontré que l'Afrique précoloniale a connu de brillantes
civilisations (comme celle de l'Egypte antique, du Mandéen, du Fouta
théocratique) dans lesquelles l'organisation du pouvoir obéissait
à une philosophie politique qui marque encore l'imaginaire africain
jusqu'à nos jours. Les travaux du juriste et politologue congolais
Mwayila Tshiyembe sont éloquents à ce sujet. Dans l'un de ses
ouvrages il souligne que : «la renaissance politique de
l'Afrique noire au XXIe siècle est possible. A condition, bien entendu,
que la mobilisation identitaire national-ethnique et sa représentation
soient le socle d'une modernité politique épousant l'histoire, la
culture et les aspirations des peuples africains. Il s'agit de coupler la
reconnaissance politique du pluralisme ethnique avec la construction d'une
société politique fondée sur un double contrat : un pacte
pour une république multinationale (néorépublicanisme) et
un pacte pour une démocratie de proximité
(néolibéralisme), s'imposant à l'ensemble de la
société globale»168(*).
A l'instar de la philosophie politique du texte, la forme du
nouveau régime qu'il consacre peut être critiquée ainsi que
sa consécration des droits et libertés.
v De la forme du nouveau régime et des droits et
libertés limités
La nouvelle constitution guinéenne a reconnu encore le
régime présidentiel comme forme du nouveau régime. En tout
cas c'est ce qui peut découler de cette constitution. Même si
quelque part il n'est pas exclu que l'on pense qu'il s'agit d'un régime
hybride. Pourtant, l'expérience nous montre qu'un régime avec un
exécutif fort comme l'actuel régime, conduit rapidement à
une monopolisation des pouvoirs par le seul président. C'est qui nous
fait penser que le constituant guinéen ne semble pas s'inspirer du
passé en reprenant le même régime. On pourrait penser que
la mise en place d'un poste de premier ministre vise à atténuer
le pouvoir exorbitant du président. Cependant avec cette constitution
(article 52), le premier reste presque totalement subordonné au
président qui le nomme et qui dispose du pouvoir de le révoquer.
Ce qui fait que les deux sont si intimement liés que le pouvoir
exécutif se trouve dans la même situation que sous le
régime Conté où le poste n'était pas encore
institutionnalisé et où le président nommait et
révoquer comme il le veut. Pour le moment nous dirons le ministre n'est
qu'une institution fantôme.
Au niveau des libertés et droits fondamentaux, une
analyse critique à la fois politique et juridique est
réalisée par le juriste guinéen Ibrahima Sory
Touré. Selon cet auteur la nouvelle constitution a consacré une
limitation aux droits politiques de certains citoyens. Cela par le fait qu'elle
mentionne dans les critères d'éligibilité l'obligation
d'appartenir à un parti politique (article 3). Ce qui devra
inéluctablement empêché des candidats indépendants
de se présenter. De même plusieurs parties de la constitution ne
reconnaissent certains droits et libertés fondamentaux qu'aux citoyens
excluant ainsi ceux qui ne le sont pas et qui, pourtant devraient en
bénéficier conformément aux conventions internationales
signées par la Guinée : c'est le cas du droit d'accès
à l'information publique qui est réservée, d'après
la constitution (article7 alinéa 5), aux seuls citoyens. Ainsi les
autres individus non citoyens sont-ils exclus de l'exercice de ce droit
pourtant non politique pour être qualifié de citoyens.
Par ailleurs, il est important de savoir que si les
données ci-dessus sont essentiellement d'ordre théorique, sur le
terrain la réalité peut être encore beaucoup critiquable
à en croire aux violences qui ont marqué l'élection de
l'actuel président Alpha Condé ainsi que sa conduite actuel des
affaires d'Etat où déjà de nombreuses violations de la
toute nouvelle constitution sont dénoncées. A titre d'exemple
nous pouvons citer la dissolution de certains conseils communaux par
décret etc....
Cela dit, nous pourrons donc conclure ce chapitre sur
l'évaluation critique de l'expérience guinéenne en
affirmant sans risque de se tromper que la démocratisation en
Guinée quelle que soit ses acquis, reste prisonnière du contexte
sociopolitique et historique dans lequel elle s'emploie.
CONCLUSION de la deuxième partie
Cette partie de notre travail nous a permis d'analyser
dans ses grandes lignes la première république en premier lieu
avant de bondir sur le processus de démocratisation en Guinée,
sous la seconde république, qui sera suivi d'une réflexion
critique sur l'expérience guinéenne de démocratisation. De
cette analyse, il ressort une étroite corrélation entre ces deux
régimes que connu la Guinée. En effet, la démocratisation
en Guinée est fille directe d'une indépendance marquée par
un régime « fermé ». Cependant, il faut
reconnaitre que ce régime n'était aussi que le résultant
d'un système colonial qui avait quitté le pays en laissant ses
séquelles manifestées dans l'administration directe et
autocratique, la sévérité des normes pénales, le
clientélisme et la corruption. Héritière de ce mode
d'administration, la première république va en faire usage en
dépit de sa forte détermination d'en finir avec. Cette
première république s'engagera dans la construction d'une
nouvelle Guinée imprégnée d'une modernité
africanisée. L'échec de se projet mettra ainsi face à la
double crise de légitimité et économique. Posant la
nécessité d'un alignement sur le système du sauveur :
l'Occident libéral. A ce stade de notre travail deux idées
majeures pouvaient être dégagées : d'une part il y a
l'idée que l'ouverture politique a bien commencé sous la
première république sans avoir forcément une
prétention d'établir une démocratie libérale, et
d'autre part, la démocratisation sous la seconde république
s'apparente plus à une contrainte en provenance du Nord qu'à un
choix politique locale. C'est à partir de là que
déduction fut faite de l'échec annoncé de cette
démocratisation. Il faut retenir aussi que ce processus fut
marqué par une pratique quotidienne de démocratie de
façade afin de satisfaire les bailleurs de fonds et non par un
véritable désir de construire une démocratie. Toutefois
des causes fondamentales étaient là. Elles furent
révélées dans une profonde analyse critique où il
est dégagé que la démocratisation était de
dépourvue d'abord de base idéologique et en sus, le processus en
lui-même faussait les normes de base d'une véritable marche vers
la démocratie. C'est enfin dans ce contexte que la nouvelle constitution
fut objet de critique et la conclusion, à la lumière de la
pensée de Mwayila Tshiyembe, fut que la modernisation politique a besoin
de tenir compte des réalités locales comme le disait plus haut
Jean Pierre le Bouder : « la démocratie doit
avoir des racines nationales, elle ne saurait être
importée, vendue ou achetée....imposée....Le
peuple de chaque nation doit prendre en main son destin et façonner le
type de gouvernement adapté à ses aspirations nationales».
Si la reprise de cette affirmation n'est pas synonyme d'un pessimisme face
à l'avenir politique de ce pays, elle est cependant l'annonce de la
nécessité de recourir aux principes de base d'une
véritable modernisation politique.
Au-delà de tout ce travail quelle conclusion
générale peut-elle être faite ?
CONCLUSION GENERALE
Pour commencer, il faut dire qu'une conclusion sur la
transition démocratique en Guinée ne peut être
d'aujourd'hui, comme dit plus précédemment, il ne s'agit que d'un
processus en phase préliminaire. Nonobstant, le besoin de
répondre aux exigences du travail académique devra nous conduire
à en envisager pour ce présent mémoire.
Ainsi dans cette analyse non moins étendue, nous avons
été amenés à évoluer autour de deux
axes :
Dans un premier temps, il était question de replacer
notre thème dans son cadre historique, théorique et scientifique.
Partant nous avons essayé au prime abord de s'attacher à
l'environnement conceptuel et aux instruments d'analyse qui ont
été développés pour rendre intelligible le
phénomène de la transition vers la démocratie. C'est dans
cette fouille que découverte fut faite de l'origine profonde de l'usage
du concept de transition en matière de sciences sociales. En effet, les
analyses nous ont permis de comprendre, comme le notera Nicolas Guilhot, que le
concept de transition tel employé dans la science politique occidentale
n'était qu'un renversement théorique des conceptions et usages
marxistes de ce terme. Karl Marx l'a d'abord développé en
matière économique avant d'en faire l'instrument de
transformation des sociétés capitalistes en
sociétés socialistes ou communistes dans le cadre de la
soviétologie (Science mère de la transitologie). Dans la
même logique, nous avons abordé le concept de démocratie.
En ce lieu, le célèbre ouvrage de Giovanni Sartori nous a permis
de partir d'une conception étymologique de la démocratie pour
aboutir à la conception libérale en passant bien sûr par
celle marxiste. Si la première conception montrait que toute
société pourrait avoir connu la démocratie, les deux
dernières proposait une vision qui se voulait universalisable. C'est
dans cette perspective qu'il convient de retenir que la démocratie telle
véhiculée aujourd'hui dans le tiers monde et
particulièrement en Guinée n'est qu'un
« schéma tout fait » comme le disait
Mitterrand (Président français) à la Baule. Elle signifie
en somme la démocratie selon libéralisme, représentation,
souveraineté du peuple, élection et alternance. C'est au regard
de ces différentes conception que nous sommes arrivés à
saisir que la transition n'était autre que le passage au système
libéral. Ce caractère plus idéologique que scientifique de
ces concepts leur a valu la critique de nombreux politologues comme Guilhot.
De ce cadre conceptuel nous passions au domaine des
instruments d'analyse où la transitologie et la consolidologie firent
objet d'analyse. Si les concepts de transition et de démocratie sont la
cible de véritable contestation, les sous disciplines nées pour
les utiliser ne pouvaient échapper elles aussi à cette
règle. C'est ainsi que transitologie et consolidologie sont
considérée d'ailleurs pour certains comme n'être
employables que sur le terrain libéral car les modèles
d'explication sur lesquels ils sont fondés sont construits selon cette
philosophie et aussi, les expériences de démocratisation d'un
Etat ne pouvait être appliquées à un autre vu les
différences de contextes. Si avec ces auteurs nous avions
partagés le souci d'objectivité que devraient faire preuve ces
sciences ainsi que les controverses épistémologiques que ces
critiques nous permettaient de découvrir, force est de reconnaitre,
cependant, que malgré leur particularité contextuelle, tous les
cas de transition concerne le passage d'une dictature à une
démocratie selon une vision libérale des choses, et de ce point
de vu là, ces sous disciplines pouvaient sans doute effectuer des
généralisation c'est-à-dire poser des lois et être
considérées comme des sciences. Ainsi des auteurs comme Morlino
sont parvenus à développer des modèles de transition.
Cette réflexion nous envoyait encore plus loin dans la philosophie des
sciences où nous avons été conduits à nous
interroger : si les sciences sont vraiment objectives où elles ne
le sont que par rapport à une certaine conception des choses ?
Cette dernière partie de la question fut notre réponse :
« l'objectivité en soi semble n'être qu'une autre
subjectivité par laquelle on se croit avoir été libre dans
une réflexion ». Ainsi, dans une telle logique de
pensée, il s'annonce que la mise en application des données de la
transitologie occidentale en Afrique devait être à l'origine de
nombreuses critiques comme le fit le professeur Mamadou Gazibo. Toutefois, ne
nous empêchaient pas de les employer dans notre étude sur la
Guinée.
Mais avant nous avions traité dans l'encrage
historico-scientifique de la notion de transition démocratique des
expériences de transitions qui ont été
érigées en modèles par la science transitologique. Il
s'agissait des cas espagnol et chilien de transition démocratique. En ce
lieu, il pouvait être retenu que ces deux transitions avaient en commun
d'être négociées entre les élites pro
démocraties et les ex-détenteurs du pouvoir. Elles
étaient marqué par la détermination des acteurs, leur
maturité et leur gestion prudente de la question de la justice et de la
réconciliation pour les purges qu'une partie du peuple avaient connu
sous le régime précédent. Aussi les frontières
culturelles entre ces peuples et la cadre sociopolitique de naissance de la
démocratie libérale étaient minimes pour ne pas dire qu'il
s'agissait d'une partie du même monde qui n'avait pas encore vu la
lumière sensée l'éclairer.
C'est par la suite que fut analysé le passage de la
troisième vague en Afrique noire francophone. Effet incontestable de la
conférence de la Baule en 1990, cette invitation française de sa
« pré carrée » à
l'inévitable conversion que tous les systèmes devaient faire
à la démocratie libérale, sonna comme un coup fatal dans
l'évolution du monopartisme africain. Dans une atmosphère de
pleurer-rire, les chefs d'Etats africains longtemps jaloux de leur pouvoir
unique étaient obligés de recomposer avec des oppositions qu'ils
avaient toujours écartées. Ce caractère brusque du recours
à la pluricratie sera décrié par les dirigeants
africains. De là il n'était pas exclu de voir le futur
échec de cette entreprise en Afrique. Pour ces chefs les
expériences passées de multipartisme en Afrique n'ont fait
qu'accroitre la division de Nations fabriquées par la colonisation. Si
nous ne rejetons pas cette idées nous y rajoutons qu'ils
n'étaient eux-mêmes prêts. Aussi le contexte socioculturel
africain sera un autre facteur de blocage. Grâce à cette analyse
découverte était faite du socle de toute modernisation politique
en Afrique : la prise en compte du contexte où se
déploie la démocratie. La Guinée fait elle exception
à la règle ? C'est ce qu'on allait vérifier dans
l'expérience guinéenne. Cependant un coup d'oeil sur l'histoire
politique de ce pays était nécessaire.
C'est pourquoi nous avions tenté de revenir à la
Guinée sous l'administration coloniale. Cette période sera
marquée par une politique d'assimilation française, un mode
d'administration directe, un clientélisme accrus entre agents coloniaux
et chefferies traditionnelles et même avec la population. De même
un multipartisme naissant sur la base du régionaliste ethnocentrique
sera à l'origine d'une certaine division que la lutte pour
l'indépendance tentera taire. Par là nous découvrions les
origines lointaines des maux qui assaillent la vie politique guinéenne.
Et c'est sur ses bases qu'apparaissait le jeune Etat guinéen.
Dans le cadre de la première république, il
était question de voir les raisons profondes internes du recours
à l'ouverture. Ce premier régime sera conçu sous l'angle
d'un régime fermé où le désir de la construction
d'une nouvelle entité se confrontait à une fragilité
interne marquée par l'état vulnérable de la Nation en
édification, les faiblesses économiques et intellectuelles. Ces
obstacles seront renforcés par les adversités externes
perpétrer tant par la France ainsi que par certains Etats Africains
voisins dont la Côte d'Ivoire et le Sénégal. C'est dans ce
contexte qu'un système totalitaire, révolutionnaire et socialiste
prit place. Un projet révolutionnaire dans une division
idéologique des élites, chaque camp tirant vers lui le drap du
nationalisme, allait conduire à un échec. Ainsi, bien que ce
régime ait le mérite d'avoir tenter l'édification d'une
société politique, économique et socioculturelle
répondant à la réalité guinéenne,
l'ignorance qui fut faite du contexte interne et international devait saper
tous les efforts. C'est pourquoi sa fin sera marquée par une tentative
de modération des ambitions révolutionnaires. Toutefois, le bilan
qu'il laissait voir la continuation des mêmes pratiques
héritées de la colonisation : la
sévérité de la norme pénale et la
multiplicité des arbitraire : les différents camps de
détentions resteront les symboles de ces violations de doits humains, la
corruption bien que sévèrement punie ne prit fin, la construction
d'une Nation restait inachevée, les domaines économique et
socioculturelle restaient aussi en dessous des attentes. Cependant il
s'agissait, d'après Aly Badara Sylla, du bilan positif d'un
échec.
Pourtant ce bilan sera à la base de l'ouverture
guinéenne et plutard de la transition démocratique dont elle prit
la forme. Ce qui découla de notre analyse lorsque nous devions aborder
la démocratisation en Guinée, le noyau de notre travail.
En ce lieu, il conviendra de retenir, que contrairement aux
expériences-modèles que nous avions étudiées, la
démocratisation en Guinée est parti d'un désir de rupture
totale avec un passé jugé dans sa totalité
négative. Cet état d'esprit ne fut sans répercussions sur
le projet d'ouverture. Ce dernier commence par la suppression de tous les
symboles humains et matériels de ce passé. Ce départ trop
moins réfléchi par son caractère militarisé nous a
permis de comprendre comment le nouveau régime allait s'approprier des
erreurs du passé et abandonner tout ce qu'il pouvait avoir de positif. A
cela il faut ajouter le fait que la situation socioéconomique qui
prévalait à cette période de sortie du système de
parti unique, allait exposer le pays aux sévères
conditionnalités démocratiques dont les premiers seront dures
pour la population. Ainsi la démocratisation en Guinée
était mal partie. Car tout en réanimant les tensions sociales,
ce départ donnait à la junte militaire une certaine
légitimité qui lui conduira à faire dos à sa
promesse de remettre le pouvoir aux civils.
Ainsi cette transition sera marquée par la
perpétuelle quête de suprématie du pouvoir militaire, les
contestations toujours présentes d'une opposition morcelée et
surtout régionaliste et ethnique. Une population absente dans le
processus. Tout cela se traduisait par un bilan économique et social
mitigé.
Mais malgré cette situation antidémocratique, le
pouvoir milita ire ne cessait d'être renforcé par l'assistance des
partenaires du Nord. Une assistance axée surtout sur le domaine
économique que sur l'encouragement d'un processus de
démocratisation dont ils s'étaient faits les défenseurs.
Cette prise au piège de la société
guinéenne permettait ainsi de dire que cette interminable transition
démocratique n'avait pas atteint ces objectifs au delà de toutes
ces traces qu'elle laissait. Car, si la Guinée ne devenait pas une
démocratie authentique à l'occidentale, elle avait posé
quelques jalons dans le cadre de ce que l'on peut
appeler : « une démocratie de
façade» c'est-à-dire une démocratie plus
institutionnelle que culturelle.
Face à ce résultat une évaluation et
analyse critique de l'expérience guinéenne s'imposait. Ce fut le
lieu de chercher à répondre à la question du pourquoi ce
bilan (ci-dessus) de la transition démocratique en Guinée. Il
s'agissait des raisons fondamentales de l'échec c'est-à-dire des
questions dites premières auxquelles cette transition politique
guinéenne se devrait d'abord de répondre, car leur impacts
marquent toute l'évolution du processus : c'est la question du
choc des idées politiques et celle de la Nation. C'est avec ces
grandes leçons tirées de la première expérience
guinéenne qu'une lecture de la nouvelle constitution fut
réalisée. Mais là encore l'une des questions fondamentales
semblait être toujours ignorée : celle des idées
politiques ou de l'idéologie du texte. C'est-à-dire au nom de
quelle culture politique les concepts sont-ils formés dans cette
constitution ? Les futurs impacts seront certainement les
difficultés de leur application sur une population marquées par
une autre vision des choses.
A la lumière de toutes ces données il peut
être dit sans doute que si la démocratie en soi est universelle et
universalisable, force est de reconnaitre que les différentes
interprétations qu'on lui donne ne sont autres que le reflet de
réalités propres à ceux qui les conçoivent. Ceci
étant la démocratie libérale ne peut être en soi la
réponse à la question de la modernisation politique et
socioéconomique de la Guinée sans une prise en compte
véritable du contexte sociétal guinéen.
C'est-à-dire une démocratie à la
guinéenne. A ce titre l'ex-président iranien Mohammad
Khatami affirmait : « la démocratie est un
processus qui ne peut être créé par décret ni
être imposé de l'extérieure. Elle doit se développer
d'une façon endogène à l'intérieur de la
société et se transformer en culture..... »169(*)
Ainsi, la recherche d'une voie nouvelle inspirée des
sources culturelles africaines et de l'histoire politique guinéenne
n'est-elle pas, en réalité, le chemin à suivre pour la
construction d'une démocratie guinéenne durable et socle d'un
développement socioéconomique harmonieux ? Aussi il ne
faudrait-il pas se demander, qu'en est-il des chances d'aboutissement du
nouveau processus ?
BIBLIOGRAPHIE-WEBOGRAPHIE
Pour atteindre nos objectifs dans ce travail, nous avons
utilisées des ouvrages généraux sur la démocratie
et la notion de transition ainsi que des ouvrages spécifiques sur la
démocratisation en Afrique. Mais c'est surtout des articles
tirés de célèbres revues qui nous ont aidés
à réaliser ce mémoire. De même, certains sites
internet nous auront facilités la tâche en permettant d'avoir
accès à des informations actuelles. Ainsi cette
bibliographie-webographie distinguera entre les ouvrages, les articles et les
sites internet.
v Les ouvrages généraux et
spécifiques
· ALAIN, le citoyen contre les pouvoirs, Paris, Ed.
Du Sagittaire, 1926, p.148,
· AMEILLON, La Guinée : Bilan d'une
Indépendance, Paris, 1964, Maspero, Coll. Cahiers libres, p. 205
· ALPHA CONDE, Guinée : Albanie d'Afrique ou
néo-colonie américaine ? Paris, 1972, Editions Git le Coeur,
p.270
· ACEPHIE VENISE DUBIQUE, les élections
dans la transition démocratique en Haïti, 2001-2002
Mémoire de recherche, Université Lumière Lyon2, Ecole
doctorale. p18
· BERNARD CHARLES, la république de
Guinée, Paris, 1972, Berger Levrault, p.23
· BERNARD LOOTVOET, l'Afrique politique, 1996,
Paris, éd. Karthala, p. 94, 89
· BERTRAND BADIE, le développement
politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.190, 186
· FRANÇOIS CHATELET, OLIVIER DUHAMEL ET EVELINE
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v Les sites internet
· www.webguinee.net
· www.khayyami.free.fr
· www.laguineenne.com
· www.guinea-dyama.com
· www.allafrica.com
· www.diplomatie.gouv.fr
· www.afriquepluriel.ruwenzori.net
· www.dinemcb.e-monsite.com
TABLE DES MATIERES
Dédicace 2
Remerciements3
Plan général du
mémoire..............................................................................4
Sigles et abréviations6
Introduction général8
PREMIERE PARTIE : DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE
ET HISTORIQUE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA
GUINEE...........................................................
..........15
Chapitre1 : Du cadre théorique et
scientifique de la réflexion.............17
Section 1 : De l'encrage
sémantico-historique du concept de
transition....................................................................................18
Paragraphe1 : Du concept de
transition : une construction
marxiste....................................................................................19
I. De la Transition économique chez
Marx...............................19
II. Du concept de transition politique chez
Marx.......................20
Paragraphe2 : Du concept de
transition démocratique comme renversement de la théorie
marxiste..........................................22
I. De la notion de démocratie
................................................22
A. Essais de définition et origine de la
démocratie..............22
1. Essais de
définition...................................................22
2. De l'origine de la
démocratie.....................................24
B. Les conceptions de la
démocratie...................................27
1. Les conceptions antiques de la
démocratie ...............27
2. La conception
marxiste-léniniste..............................28
3. La conception
libérale..............................................30
II. Du concept de transition
démocratique .........................32
A. Les traits fondamentaux qui lient les deux concepts :
transition démocratique et transition communiste.....33
1. La transition comme un stade historique de passage ressorti
d'une nécessité historique........................33
2. Le caractère téléologique des
concepts..................34
3. La généralisation d'un mode de
production...........34
B. Les composantes sémantiques du concept de transition
démocratique............................................................34
1. La démocratie et le
Développement.......................35
2. La démocratie et les Droits de
l'Homme.................38
Section 2 : Les Instruments
théorique d'Analyse des mutations politiques et la problématique
liée à leur importation (en
Afrique)...........................................................39
Paragraphe1 : Les grands instruments
théoriques d'analyse des transitions
démocratiques..............................40
I. La Transitologie
démocratique..................................40
A. Définition et méthode de la
Transitologie...............40
B. Les conceptions et les modèles de la
Transitologie...40
1. Les conceptions de la Transitologie.................42
2. Les modèles d'analyse des transitions.............44
II. La Consolidologie
démocratique................................45
A. La Consolidologie selon Guilhot Nicolas et
Philippes..............................................................46
B. La conception de la Consolidologie chez Leonardo
Morlino................................................................46
C. La thèse O'Dolienne de la
Consolidologie..............49
Paragraphe 2 : Les Schémas d'analyse
à l'épreuve des controverses
épistémologiques.............................49
I. De la critique des concepts transitologiques et
consolidologiques.....................................................49
A. De la scientificité de la formulation des
concepts..............................................................50
B. De l'exportabilité de ces
concepts.........................51
II. De la question de la comparabilité des cas :
la méthode en question.........
..........................................................52
Chapitre 2 : Des expériences
sud européenne et latino américaine de démocratisation au
contexte africain des pays francophones subsahariens:
l'itinéraire d'une vague.53
Section 1 : Des pays sud européen et
latino-américain dans la transition
démocratique...........................................................54
Paragraphe 1 : L'expérience Sud
européenne de démocratisation : le modèle
espagnol...................................54
I. Une transition exemplaire érigée en
modèle de
Transition.................................................................55
II. Les critiques de l'expérience
espagnole..................56
Paragraphe 2 : L'Amérique latine
dans la transition démocratique : l'exemple
chilien...........................................57
I. Les étapes de la transition démocratique
chilienne.58
A. Le dépassement du passé
dictatorial.................58
B. Le revirement de l'Armée et des partis de Droite.59
II. La consolidation de la transition
chilienne..............60
Section 2 : L'Afrique noire francophone en
transition pour la
démocratie..............................................................61
Paragraphe 1 : Les causes et les enjeux de
ce renouveau politique
................................................................62
I. Les causes de ces transitions
démocratiques........62
A. Le nouvel ordre international et ses conséquences sur
les relations Nord-Sud................................63
1. L'arrivée au pouvoir de Gorbatchev en Union
soviétique....................................................63
2. Discours de la Baule de François
Mitterrand...................................................64
3. Les conditionnalités
démocratiques..............66
B. Les causes internes des transitions démocratiques en
Afrique.................................68
1. La faillite des économies et des plans d'ajustement
structurel................................68
2. La crise de légitimité de l'Etat
.....................68
II. Les enjeux de ces transitions démocratiques .....71
A. Le défi de la culture démocratique
...............71
B. La question de la gouvernance comme enjeux de la
démocratisation................................... 72
Paragraphe 2 : Les formes
et les limites de cette démocratisation.
..........................................73
I. Les formes de ces transitions démocratiques......74
A. La transition par voie de conférence
nationale........................................................74
B. La voie de l'évitement de conférence
nationale........................................................75
C. La forme des transitions retardées..................75
D. La voie de la transition par coup d'Etat...........76
II. Les limites à l'acclimation démocratique en
Afrique noire francophone...............................................77
A. La question de l'incompatibilité de certaines
réalités socioculturelles africaines avec la démocratique
libérale.....................................77
B. L'absence de culture politique africaine : les
idées politiques................................80
Chapitre 3 : L'histoire
politique de la Guinée (Conakry) : héritage
colonial et émergence de l'état
guinéen..........................................83
Section 1 : De la
pénétration coloniale à la création de la
Guinée
française.....................................................................................84
Paragraphe 1 : Les impérialistes
à la conquête de la
Guinée.........................................................................85
Paragraphe2 : La proclamation de la
colonie : Organisation et fonctionnement
..........................................................85
I. La proclamation de la colonie indépendante de
Guinée : la Guinée
française....................................87
II. Organisation et fonctionnement de la colonie
française de
Guinée.................................................................88
A. L'Organisation administrative de la colonie de
Guinée.................................................................88
B. Le fonctionnement de l'administration
coloniale..............................................................89
Section 2 : Du transfert du pouvoir
colonial à l'Etat hérité.........90
Paragraphe 1 : Le transfert du pouvoir
à l'élite locale : causes et
acteurs.............................................................91
I. Les revendications sociales en Guinée ou le rôle
des acteurs sociaux........................................................91
II. De la politisation de la contestation à la
déclaration de l'indépendance : le rôle des partis
politiques.............93
A. L'émergence des premières formations politiques
guinéennes : la libération dans la division............93
B. De la recherche d'une dimension nationale à la
proclamation de l'indépendance : la création de l'Etat
guinéen ......................................................94
Paragraphe 2 : De l'Etat
hérité : les caractéristiques de l'Etat postcolonial
en Guinée ........................................97
I. Un Etat importé : ou la question de
l'Etat-nation......98
II. Un Etat
néo-patrimonial..........................................99
III. Etat
autoritaire...................................................101
Conclusion partielle de la première
partie......................102
DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE
SILLAGE DES TRANSITIONS
DEMOCRATIQUES..........................................................105
Chapitre1 : Du système politique
«fermé» en Guinée (1958-1989).106
Section 1 : La première
république : des acteurs et un bilan.....107
Paragraphe1 : Des acteurs dans la
nouvelle république : le parti-Etat guinéen et son
idéologie (le PDG)...............108
I. Présentation du parti
.............................................108
A. Les transformations du PDG après le 02 Octobre
1958................................................109
B. La structure, le fonctionnement et les
fonctions......................................................109
II. L'idéologie et la nature du
parti..............................113
A. L'idéologie du
parti......................................113
B. La nature du
Parti.......................................115
Paragraphe 2 : Le Bilan d'un
« passage agité »................117
I. Le bilan sur le plan
interne.....................................117
A. Dans le domaine politico-institutionnel..........117
1. Les réalisations sur le plan
politico-institutionnel.............................................118
2. Les échecs et les dérives
politico-institutionnels du régime.............................121
B. Dans les domaines économique et
socioculturel..................................................125
1. Les réalisations sur les plans économique et
socioculturel.............................................125
2. Les échecs et les dérives économiques et
socioculturels............................................130
II. Le Bilan sur le plan
international...........................133
A. Les rapports de la Guinée avec l'Afrique et la
France.........................................................133
1. Les relations africaines de la Guinée : une
championne du panafricanisme..............134
2. Les relations guinéo-françaises sous la
première république................................135
B. Le reste du monde : l'Est, l'Ouest et le monde arabe
..........................................................136
1. Les relations de la Guinée avec les deux blocs :
communiste et capitaliste.............136
2. Les relations avec le monde
arabo-musulman..............................................138
Section 2 : La fin du premier régime
et les débuts du règne militaire : une
transition ?..........................................139
Paragraphe 1 : La mort de Sékou
Touré et l'avènement du pouvoir
militaire.........................................................140
I. La mort d'Ahmed Sékou Touré : un contexte
politique
important ..............................................................141
II. La prise du pouvoir par l'armée : pour quelle
raison ?..................................................................141
Paragraphe 2 : De la période
transitoire à la démocratisation : quel départ ?
.........................................................142
I. Les décisions à caractère
général............................142
II. La phase transitoire et le renforcement des militaires du
pouvoir..............................................................143
Chapitre2 : Les années 90 ou
« l'ouverture » du système politique
guinéen : une marche vers l'Etat de
droit............................................145
Section 1 : Les acteurs de la
démocratisation et les principaux axes de
réformes................................................................146
Paragraphe1 : Les acteurs de la
démocratisation en
Guinée....................................................................146
I. Les acteurs
internes................................................146
A. L'armée guinéenne et la transition
démocratique.....................................................146
B. Les partis politiques et la société civile dans
la transition démocratique guinéenne....................147
II. Les acteurs externes de la
démocratisation............149
Paragraphe 2 : Les principaux axes de
réformes : l'instauration de la démocratie libérale
et la libéralisation de
l'économie..............................................................151
I. Les réformes politico-institutionnelles et
juridiques.151
A. Sur le plan
politico-institutionnel.......................151
B. Dans le cadre
juridique......................................152
II. Les réformes économiques et
socioculturelles.........153
A. Les réformes
économiques..................................153
B. Les réformes
socioculturelles..............................154
Section 2 : Du lendemain des
réformes démocratiques ou le bilan du système
d'ouverture : la consolidation ?........................155
Paragraphe 1 : Des lueurs d'ouverture comme
signes de rupture : les
réalisations.............................................156
I. Les réalisations sur les plans politique et
juridique.................................................................156
II. Les réalisations sur les plans économique,
social et
culturel...................................................................161
Paragraphe 2 : Des échecs et les
dérives : une ouverture de
façade.........................................................................164
I. En matière politique, de justice et de Droits de
l'Homme.................................................................164
II. Dans les domaines économique et
socioculturel......168
Chapitre 3 : Evaluation et
analyse critique de l'expérience guinéenne de
démocratisation
...............................................172
Section 1 : Les grandes leçons de
l'expérience guinéenne : les raisons fondamentales d'un
échec.............................................174
Paragraphe 1 : Des raisons selon la
philosophie politique : le choc des idées
politiques................................................174
Paragraphe 2 : Des raisons selon Sociologie
politique et la
transitologie...................................................................177
Section 2 : La lecture de la nouvelle
constitution......................181
Paragraphe 1 : Une constitution à la
lumière du passé......182
Paragraphe 2 : La persistance des
problèmes
fondamentaux................................................................184
Conclusion partielle de la deuxième
partie.....................187
Conclusion
générale...............................................................................189
Bibliographie
Webographie.....................................................................194
Table des
matières.................................................................................198
Gloire à Allah !
* 1
http://www.dd-rd.ca/site/_PDF/publications/afrique/Conf-Maroc-fr.pdf
* 2 Les grands axes du
discours-programme du 22 Décembre 1985. Son application et les nouvelles
orientations (http://www.webguinee.net/lansana_conte/discprog.html)
* 3
http://exchoresis.refer.ga/article.php3?id_article=47
* 4 La fin de l'histoire est
une philosophie largement développée par Hegel l'empruntant aux
lumières. Cette philosophie vise cherche à rendre compte de
l'évolution de la raison. Et le point culminant de cette
évolution serait selon Hegel cet avènement de la
démocratie comme seule forme de gouvernement pour l'humanité. La
démocratie étant conçue dans ce sens comme le mode
gouvernement qui privilégie la raison. Il s'agit du régime de la
raison en action. C'est cette philosophie qui sera reprise par Fukuyama pour
affirmer que la démocratie libérale était donc cette
démocratie longtemps évoquée par Hegel et les
Lumières. Ce la intervient dans un contexte où le communisme est
en effondrement et l'occident ne voit plus d'autres idéologies
essentiellement concurrente. Mais Huntington la réfutera fortement en
annonçant le conflit des civilisations ou the clash of civilisation.
* 5 La nature de ce thème
nous oblige de consacrer un travail important aux différents
instruments d'analyse d'ordre conceptuel et théorique.
* 6 Samuel HUNTINGTON,
Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe
siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, p1
* 7 Cela suppose
évidemment qu'il ya eu une première et deuxième vague de
démocratisation. Cela est développé par HUNTINGTON dans
son célèbre ouvrage évoqué dans la
référence 1. Dans cet ouvrage, il rappel que la première
vague fut celle déclenchée par la révolution
française et américaine au XVIIIe siècle. Quant à
la seconde, elle naitra à la fin de la seconde mondiale avec la victoire
allié qui établira la démocratie en Allemagne de l'ouest,
en Italie, au japon et Corée du sud.....
* 8 Ainsi qualifié par
le journalisme occidental, il s'agit des Soulèvements populaires dans le
monde arabe depuis le 25 Janvier 2011, partis de la Tunisie avec le
renversement du président Ben Ali, passant par l'Egypte pour se propager
dans le reste des pays du Maghreb et de la péninsule arabique.
* 9 Mamadou
NDIAYE, E-GOUVERNANCE ET DÉMOCRATIE EN
AFRIQUE : LE SÉNÉGAL DANS LA MONDIALISATION DES
PRATIQUES, Thèse pour le Doctorat en Sciences de
l'Information et de la Communication, Université de Bordeaux, 2006, p17
* 10 Alain, le citoyen
contre les pouvoirs, Paris, Ed. Du Sagittaire, 1926, p.148.
* 11 M. Grawitz,
Méthodes des sciences sociales, Paris, éd. Dalloz, 1996, p22
* 12 Madeleine Grawitz,
Méthodes des sciences sociales, Paris, éd. Dalloz, 1996, p377
* 13 Le Larousse 2009
* 14
http://multitudes.samizdat.net/La science politique et la
transition démocratique à l'Est.
|
* 15 Timothée NGAKOUTOU,
Les limites de la démocratie subsaharienne, éd. Etudes
Africaines
* 16 François
Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier-Kouchner, Histoire des
idées politiques, 1982, éd. presse universitaire de France,
p142.
* 17 Ana
Saldanha, « Révolution des OEillets : transition
sociopolitique et démocratisation au Portugal »,
ILCEA,
13 | 2010
, [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL :
http://ilcea.revues.org/index872.html. Consulté le 12 mai 2011.
* 18 Ce système peut se
comprendre mieux en faisant recours au marxisme-léninisme
* 19 Giovanni SARTORI,
Théorie de la démocratie, éd. Librairie Armand Colin,
Paris
* 20 Ibid.
* 21 L'évolution des
relations politiques depuis 1750, Paris, presse universitaire de France, 1950,
p138.
* 22En effet, par crainte de
la confiscation de la souveraineté du peuple, Rousseau proposait le
système de mandat où il n'y aurait pas de représentants
du peuple mais des mandataires. Cependant, précisera que de tel
système ne peut être concevable que dans les petits Etats.
* 23 L'empire mandéen de
Soundjata Kéita fondé sur l'Historique charte de kurukan fouga au
13ème siècle.
* 24Www. wikipedia.fr :
l'histoire de la démocratie.
* 25 Ostwald Martin. La
Démocratie athénienne. In: Métis. Anthropologie des mondes
grecs anciens. Volume 7,
n°1-2,1992.pp.7-24.Doi:10.3406/métis.1992.975
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1992_num_7_1_975
* 26 Pratique qui visait le
bannissement d'un citoyen.
* 27 Ibid.20
* 28 Les femmes et les esclaves
et étrangers n'étaient-ils pas exclus ou quasi absents de la
société.
* 29 L'exemple du bannissement
en est un cas concret ou la mort injuste de Socrate tant déplorée
par Platon (La politique)
* 30 Giovanni SARTORRI,
p199.
* 31 Ibid. p208
* 32 François CHATELET,
Olivier DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées
politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p8.
* 33 Giovanni SARTORRI/
Théorie de la démocratie : Expression prise dans le
manifeste du parti communiste par Lénine (l'Etat et la
révolution, chapitre II, 1, (Moscou, éd. langues
étrangères)
* 34Ibid. p326.
* 35 Colas Dominique. La
dictature démocratique et la démocratie populaire. Oxymore et
pléonasme dans les usages de démocratie, chez quelques marxistes.
In: Mots, juin 1999, N°59. pp. 27-46. doi : 10.3406/mots.1999.2546
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_59_1_2546
* 36 Thèse fortement
défendue par Benjamin Constans (François CHATELET, Olivier
DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques,
Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p73, 74.
* 37 Dans ces travaux SHUMPETER
critiquait la vision que les anciens avaient de la démocratie en la
définissant par la source (volonté du peuple), et par le but (le
bien commun)
* 38 Samuel HUNTINGTON,
Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe
siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, p6,
* 39 Ibid. p7
* 40
Acéphie Venise DUBIQUE, LES
ELECTIONS DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE EN HAITI, 2001-2002
Mémoire de recherche, Université Lumière Lyon2, Ecole
doctorale. p18
* 41
http://multitudes.samizdat.net/La science politique et la transition
démocratique à l'Est
* 42 Marchesin Philippe.
Démocratie et développement. In: Tiers-Monde. 2004, tome 45
n°179. pp.487-513.doi :10.3406/tiers.2004.5507
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_12938882_2004_num_45_179_5507
* 43 Ibid. p 488
* 44 World Bank Research
Paper Series, n° 2196, September 1999, http://www.worldbank
* 45 19 Morton Halperin, Joseph
Siegle et Michael Weinstein, The Democracy Advantage: How Democracies Prom
* 46 Article publié dans
son cite en Janvier 1998.
* 47 Guilhot Nicolas,
Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture
rétrospective des democratization studies. In: Revue française de
science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi :
10.3406/rfsp.2000.395500.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500
* 48 Mamadou GAZIBO, la
démarche comparative binaire : éléments
Méthodologiques a partir d'une analyse De trajectoires
contrastées de démocratisation, revue internationale de
politique comparée, vol. 9, n 3, 2002 427
* 49 La comparaison des
régimes politiques a été fortement pratiquée par
Aristote.
* 50 Guilhot Nicolas,
Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture
rétrospective des democratization studies. In: Revue française de
science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi :
10.3406/rfsp.2000.395500
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500
* 51 Ibid. p619
* 52 Ibid. p620
* 53 Revue Internationale
de Politique Comparée, Vol. 8, n 2, 2001, p248
* 54 Léonardo
MORLINO, Consolidation démocratique : La théorie de l'ancrage,
Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, n2, 2001, p265
* 55 Comparative
Perspectives from Southern Europe, Latin America and Eastern Europe,
Brookfield, VT, Dartmouth Publishing Co., 1995. . O'DONNELL G., op.
Cit. 1996.
* 56
La science politique et la transition démocratique
à l'Est mercredi, 7 janvier 2004 Guilhot, Nicolas
http://multitudes.samizdat. net/, p1
|
|
|
* 57 Revue Internationale
de Politique Comparée, Vol. 9, n° 3, 2002, p431
* 58 Samuel HUNTINGTON,
Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe
siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, préface.
* 59 wikipédia.fr :
la transition démocratique espagnole.
* 60 Christian
Demange, « La Transition espagnole : grands récits et
état de la question historiographique », ILCEA, 13 | 2010,
[En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL :
http://ilcea.revues.org/index874.html. Consulté le 14 avril 2011
* 61 Selon son indice de
développement humain qui est de 0,895
* 62 Nicolas
Prognon, « Le Chili, une transition vers la démocratie
aboutie ? », ILCEA, 13 | 2010, [En ligne], mis en ligne le 30
novembre 2010. URL : http://ilcea.revues.org/index907.html. Consulté le
11 juin 2011. (p7)
* 63 Ibid. p9
* 64 Francis Akindés,
les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone,
1996, Paris, éd. Karthala, p14
* 65 www.rfi.fr, discours de
François Mitterrand à la Baule en 1990.
* 66 Mamadou N'DIAYE,
thèse de doctorat, e-gouvernance et démocratie en Afrique :
le Sénégal dans la mondialisation des pratiques, p36 (M.
Fau-Nougaret, La conditionnalité démocratique..., op. cit,
p. 7).
* 67 Discours de
François Mitterrand à La Baule, 20 juin 1990, in Politique
étrangère de la France, Mai-Juin 1990, p. 130.
* 68 Mamadou N'DIAYE,
thèse de doctorat, e-gouvernance et démocratie en Afrique :
le Sénégal dans la mondialisation des pratiques, p37.
* 69 Francis Akindés,
les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone,
1996, Paris, éd. Karthala, p123.
* 70 Conférence mondiale
de l'Unesco à Mexico en 1982.
* 71 Francis Akindés,
les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone,
1996, Paris, éd. Karthala, p43.
* 72 Malick Ndiaye,
L'éthique Ceddo et la société d'accaparement ou les
conduites culturelles des Sénégalais d'aujourd'hui, tome 1, Le
gorgui, type moyen de la société sénégalaise
urbaine post-indépendante, Presses
Universitaires de Dakar, 1996, p. 148.
* 73 Maurice Houis, Ancien
Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) en
Guinée, La Guinée Française, éd. Maritimes et
Coloniales. 1953. p.95 (depuis le site-bibliothèque guinéenne
www.webguinee.net).
* 74 En 1946, pour le
salarier qui pouvait obtenir 46 francs par jour, il ne pouvait se doter que de
huit kilogramme de riz. Cinq plutard il ne pouvait acheter que cinq kilogramme
de riz. (Alpha Condé Guinée : Albanie d'Afrique ou
néo-colonie américaine ? Paris. Editions Git le Coeur.
1972. p.270)
* 75 Ibid.
* 76 R. Schachter Morgenthau,
le multipartisme en Afrique de l'Ouest francophone, paris, années 60,
éd. Harmattan, p.239-276.
* 77 Cette pratique continua de
façon variante. Comme ce fut le cas en 1946 où les jeunes de la
basse Guinée soutinrent le candidat peulh, et en 1953 l'Union
mandé fit autant. En 1951, l'AGV, en abandonnant Yacine Diallo va
soutenir Mamba Sano de la forêt.
* 78 Le multipartisme en
Afrique de l'Ouest francophone, paris, années 60, éd. Harmattan,
p.246
* 79 Ibid. p.247
* 80 Colloque sur
«L'Histoire du Mouvement syndical africain» tenu le 6 décembre
1982 à Conakry.
* 81 Roger-Gérard
Schwartzenberg, sociologie politique, 1991, paris, éd. Montchrestien, p.
235.
* 82 René Dumont
* 83 Bertrand Badie, le
développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.186
* 84 Bertrand Badie, le
développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.190
* 85 Jean Suret-Canale,
Notes sur l'économie guinéenne, Recherches africaines. Conakry.
Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68
* 86 Maurice
Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain,
Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages
* 87 Charles Bernard. Un
parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In:
Revue française de science politique, 12e année,
n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373
* 88 Ibid. P.328
* 89 Maurice
Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain,
Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages
* 90 Charles Bernard. Un parti
politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue
française de science politique, 12e année, n°2,
1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373
91 Ibid. P.322
* 92 Ibid. p.323
* 93 Maurice Jeanjean,
Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan.
Paris. 2005. 232 pages
* 94 Charles Bernard. Un parti
politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue
française de science politique, 12e année, n°2,
1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373
95 Ibid. P.315 (le journal La Liberté, 4 mars
1959).
* 96 B. Charles, la
république de Guinée, Paris, 1972, Berger Levrault, p.23
* 97 Principe de la
démocratie américaine (Lincoln)
* 98 1. Horoya (journal
guinéen de l'indépendance), 1-7 mai 1977
* 99 Ibrahima Baba
Kaké, Sékou Touré : Le Héros et le
Tyran, Paris, 1987, JA Presses.
Collection Jeune Afrique Livres. Vol. 3. 254 pages
* 100 Les deux autres piliers
étant le parti-Etat et le fier peuple (www.oumar-toure.com)
* 101 Maurice Jeanjean
Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions
L'Harmatan. Paris. 2005. 232 pages
* 102 Dossier No. 1. Les
détenus politiques 1970-1971
* 103
Lieutenant-colonel
Camara Kaba 41, Dans la Guinée de Sékou Touré
: cela a bien eu lieu. Paris, L'Harmattan. 1998. Mémoires
Africaines. 253 pages
* 104 Jean
Suret-Canale, Notes sur l'économie guinéenne, Recherches
africaines. Conakry. Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68.
* 105 www.oumartoure.com
* 106 Maurice
Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain,
Editions L'Harmatan. Paris. 2005. 232 pages
* 107 Maurice Jeanjean,
Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmatan.
Paris. 2005. 232 pages
* 108 Sylla Ali Badara. La
politique linguistique de la Guinée de 1966 à 1984. In: Mots,
septembre 1997, N°52. pp. 144-151. doi : 10.3406/mots.1997.2472
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1997_num_52_1_2472
* 109 Ameillon, La
Guinée : Bilan d'une Indépendance, Paris, Maspero, Coll.
Cahiers libres, 1964. 205 pages
* 110 Ibid.
* 111
http://www.omar-toure.com/tou_2-3-3_independance.php
* 112 Fischer Georges.
L'indépendance de la Guinée et les accords
franco-guinéens. In: Annuaire français de droit international,
volume 4, 1958. pp. 711-722. doi : 10.3406/afdi.1958.1410
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1958_num_4_1_1410
* 113
http://www.omar-toure.com/tou_2-6-2_puissances-socialistes.php
* 114
http://www.omar-toure.com/tou_2-6-1_puissances-occidentales.php
* 115 Selon cette loi en
sociologie politique, tout système à une naissance, un
état de maturité après quoi il devra tomber.
* 116« Nous
avons toujours respecté les Droits de l'Homme. Et je crois que la
démocratie guinéenne est en avance sur la plupart des
démocraties en Europe » Ahmed Sékou Touré
à un journaliste d'Atenne2, Août 1982 (Maurice Jeanjean
Sékou Touré: un totalitarisme africain, éd. l'Harmatan,
Paris, 2005, p.232)
* 117 Discours-programme du 22
Décembre 1985.
* 118 La possibilité de
créer les partis politiques sans limiter leur nombre.
* 119 MAMADI N'SAMARY
CONDÉ, http://democratie.francophonie.org/IMG/bamako.378.pdf
* 120 B.Lootvoet, l'Afrique
politique : démocratisation : arrêt sur image, 1996,
Paris, éd. Karthala p. 89
* 121
http://www.idh-benin.org/communications/Alioune-TINE-Societe-civile-alternance.pdf,
p.5
* 122 Ibid. p.5
* 123
http://afriquepluriel.ruwenzori.net/guinresume.htm
* 124
http://dinemcb.e-monsite.com/rubrique,lansana-conte-1984-2008,1180967.html
* 125 Mais ces actions seront
insuffisantes au regard des attentes.
* 126
http://afriquepluriel.ruwenzori.net/guinresume.htm
* 127
http://www.cgt.fr/IMG/pdf_doc_guinee07.pdf
* 128
http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF
* 129
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/article_imprim.php3?id_article=50153
* 130 Le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD).
* 131 A ce propos
Sékou Touré rendait hommage à la femme guinéenne
dans un discours où il déclarait : « Tour à
tour farouches militantes, propagandistes ferventes, soutiens matériels
et moraux de leur frères et de leurs maris plus directement
exposés à la répression coloniale, les femmes de
Guinée ont pris une part importante à la lutte de
libération nationale ». Thèse de
Doctorat : « changement culturel et développement
social : la nouvelle place de la femme en Guinée»
* 132 Ibid.
* 133 Mamadou Oury Diallo, la
Guinée, le retour des grands empire, Publication électronique du
: 28 septembre 2010, sur
« http://www.guinee-plurielle.com/pages/16_Guinee_le_retour_des_grands_empires_-3764850.html »,
p.49
* 134 Ibid. p.49
* 135 Ibid. p.49
* 136
http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF
* 137
http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF
* 138 Et par ce fait, les
militaires bafouaient la promesse faite au peuple d'assurer juste la
transition, donner le pouvoir au civil et retourner dans les cavernes.
* 139
http://fr.allafrica.com/stories/200311190200.html
* 140 Les grèves
générales de 2007.
* 141 Bernard Lootvoet,
l'Afrique politique, 1996, Paris, éd. Karthala, p. 94
* 142 Ibid. p98
* 143 L'article 81 de la
constitution de 1990, et la loi L/91/011 du 23 décembre 1991 qui
déclare en son article 9 que les magistrats du siège sont
inamovibles, même par voie d'avancement.
* 144 La
Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme.
N°386, Avril 2004
* 145
http://www.guinea-dyama.com/analyse_blocage.html
* 146 Le FIDH (cité
plus haut)
* 147 Aussi il faut
révéler qu'à la Compagnie des bauxites de Guinée
(CBG), des menaces ont été proférées contre des
syndicalistes de l'USTG, suite à la grève menée
début mars 2003 par 600 des 1400 ouvriers de la CBG.
* 148 5% en moyenne entre
1986 et 1988
* 149 A ce sujet, un audit de
la Banque mondiale révélait en 1991 l'existence de plus de 5000
fonctionnaires fictifs.
* 150 Car en 2001, le
président Lansana Conté faisait réviser la constitution
pour s'offrir la faculté de briguer de façon illimitée
d'autres mandats.
* 151 Selon le rapport de la
Banque Africaine de développement en 2004, la moyenne de cette
émission était de 37%
* 152 Dans le cadre du fond
koweitien, un fond que ce pays aurait offert à la Guinée à
cause des attaques rebelles qu'elle aurait subi en Septembre 2001
* 153 Rapport du fonds
Africain de développement, République de Guinée,
Juin2005
* 154 Ibid.
* 155 Une dette estimée
en 2003 entre 2,2milliards de dollars US ou 3milliards si l'on ajoute la part
de la Russie.
* 156 De la langue soussou du
président Conté et qui signifie : «on s'en
fou »
* 157 Sous-groupe
malinké basé en guinée forestière.
* 158 Ainsi dans le secteur
éducatif guinéen il n'est pas difficile de se faire une note ou
un diplôme à travers le paiement de sommes modiques.
* 159 Ministre de l'Education
du premier gouvernement d'Alpha Condé.
* 160 Ce sont les guerres
civiles du Libéria et de la Sierra Leone (déjà) et les
récents conflits en Côte d'Ivoire.
* 161
* 162 Du désordre
total.
* 163, Touré
Sékou, L'action politique du Parti démocratique de
Guinée pour l'émancipation africaine, tome 3, Conakry,
Imprimerie du gouvernement, 1959, p. 262.
* 164 Mamadou Oury Diallo, la
Guinée, le retour des grands empire, Publication électronique du
: 28 septembre 2010, sur
« http://www.guinee-plurielle.com/pages/16_Guinee_le_retour_des_grands_empires
* 165 L'abolition des
chefferies traditionnelles s'inscrivait dans cette politique.
* 166 La promotion de toutes
les langues nationales
* 167La constitution du 19
Avril 2010
(http://www.laguineenne.com/index.php?option=com_content&view=article&id=195:la-nouvelle-constitution-guineenne&catid=39:politique&Itemid=59)
* 168 Mwayila Tshiyembe,
Etat multinational et démocratie africaine,
Sociologie de la renaissance politique, 2002, éd. Harmattan.
* 169 Président Khatami
à prince Charles, Téhéran, le 2/2/2004
(http://khayyami.free.fr/francais/citations.html).
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