WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Etude des relations russo- estoniennes depuis Tallinn

( Télécharger le fichier original )
par Jean- Francois Vasseur
Institut d'études des relations internationales Paris - Licence 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Jean - François Vasseur ILERI 2ème année

    CHANCELLERIE POLITIQUE DE L'AMBASSADE DE FRANCE EN ESTONIE

    Etude des relations russo-estoniennes depuis Tallinn.

    SOMMAIRE :

    Résumé - page 4

    Synthèse - page 5

    Contexte - page 5

    Problématique - page 6

    Introduction - page 8

    I- Présentation du stage - page 9

    A- Relations France -Estonie - page 9

    1- Sous la première République estonienne - page 9

    a - Une coopération culturelle initiée par des artistes et des intellectuels - page 9

    b - Une coopération très tôt institutionnalisée - page 10

    2 - La restauration de l'indépendance - page 10

    a - Les raisons d'une représentation française en Estonie - page 10

    b - Les différents secteurs de la coopération - page 11

    c - Les principaux traités conclus entre la France et l'Estonie - page 13

    B - L'Ambassade de France à Tallinn - page 13

    1 - Organisation fonctionnelle - page 13

    a - La chancellerie politique - page 13

    b - Le service de presse - page 14

    c - Le service consulaire - page 14

    d - Le service de coopération et d'action culturelle - page 15

    e - Le service de coopération technique internationale de police en Estonie - page 15

    f - La mission économique - page 16

    g - On peut ajouter à cela - page 16

    h - Autres membres de l'Ambassade résidant hors d'Estonie - page 16

    2 - Le travail en chancellerie politique - page 17

    a - La chancellerie politique - page 17

    b - Période d'adaptation - page 18

    c - Rôle et missions au sein de la chancellerie - page 18

    d - Un certain aguerrissement - page 19

    e - Le choix du sujet - page 20

    II - Sujet d'étude : L'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne va t-elle transformer la nature des relations russo -estoniennes, et si oui, de quelle manière? - page 20

    A - Complexité des relations russo -estoniennes - page 20

    1 - Les causes - page 20

    2 - Vers plus de pragmatisme - page 26

    B - La politique russe de Bruxelles, et son impact sur cette relation - page 30

    1 - La difficile mise en place d'un nouvel APC, une UE longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de Moscou? - page 30

    2 - Vers l'unité de l'Union Européenne, une dimension géopolitique face à la Russie - page 36

    Conclusion - page 40

    Annexes - page 42

    Bibliographie - page 46

    Remerciements - page 48

    RESUME :

    J'ai effectué mon stage au sein de la chancellerie politique de l'Ambassade de France en Estonie. J'étais rattaché à la première conseillère de l'Ambassadeur, ma maître de stage, Mme Hélène Roos. Ma fonction était celle d'appui à la chancellerie, j'ai effectué des missions de veille et d'analyse politique, j'ai accompagné ma maître de stage à plusieurs entretiens. J'ai aussi contribué à la revue de presse et j'ai participé à la remise à jour du site internet de l'Ambassade. Ce stage m'a permis d'observer de l'intérieur le fonctionnement d'une Ambassade française et de participer activement aux actions de la structure. J'ai eu l'occasion de développer mon esprit d'analyse et de synthèse. Ce stage a conforté mon projet professionnel qui est de travailler dans la diplomatie ou dans le renseignement.

    SYNTHESE :

    Contexte :

    J'ai effectué mon stage au sein de la chancellerie politique de l'Ambassade de France à Tallinn, en Estonie. J'y ai effectué des comptes rendus d'entretiens, de nombreux travaux de recherche et de synthétisation de données, mais j'ai également participé à la revue de presse, et j'ai pu suivre l'actualité politique du pays (veille politique). J'ai également contribué à la mise à jour du site internet de l'Ambassade. Durant la période de mon activité à l'Ambassade, j'ai eu essentiellement un rôle d'appui à ma maître de stage et à la chancellerie.

    La chancellerie diplomatique ou chancellerie politique d'une Ambassade rassemble les diplomates en poste dans le pays où la chancellerie est située. Les diplomates sont chargés de mettre en oeuvre la politique étrangère de la république Française. Pour ce faire, ils doivent établir les meilleurs contacts possibles avec les personnalités officielles locales, mais également avec les milieux journalistiques. Afin de pouvoir mettre en oeuvre la Politique étrangère de la France, les diplomates doivent tout d'abord être bien informés des particularités locales, qu'elles soient politiques ou institutionnelles, mais également culturelles, économiques et sociales. Le service de presse de la chancellerie politique est l'organe indispensable à la chancellerie pour satisfaire à cette nécessité d'information constante sur le milieu dans lequel elle doit fonctionner, afin d'avoir avec ce milieu les meilleures interactions possibles. La chancellerie politique a également un rôle de promotion et de valorisation de la France à l'étranger. A cette fin, la chancellerie doit aussi communiquer envers les médias locaux et susciter l'intérêt de l'opinion publique locale pour la France ou pour ce qui en provient, ceci par l'intermédiaire de son service de presse. Enfin, les diplomates doivent informer le ministère des affaires étrangères et européennes en temps réel sur ce qui se passe dans le pays, afin de permettre à ce dernier d'adopter un discours et une politique optimale, de mettre en oeuvre la politique étrangère de la France dans le pays concerné de la meilleure façon possible afin de satisfaire un maximum aux exigences du milieu.

    L'Ambassade de France à Tallinn est une petite structure mais elle rassemble tous les services généralement présents dans une ambassade française, à savoir : la mission économique, le service consulaire, la chancellerie politique et son service de presse, le service de coopération et d'action culturelle et le service de coopération internationale de la police. L'Estonie est un état membre de l'Union Européenne, mais également un allié de la France au sein de l'OTAN; c'est aussi un pays avec lequel la France entretient traditionnellement de très bonnes relations. En plus du fait que la France possède un réseau diplomatique quasi-universel, toutes ces raisons justifient la présence française en Estonie. Au demeurant, l'Estonie est un pays où il faut être présent, car elle représente une frontière orientale de l'Union Européenne et rassemble de ce fait de nombreuses problématiques qui concernent chaque membre de l'Union, mais également Bruxelles de manière directe. L'Estonie est également un pays carrefour de nombreuses cultures et civilisations qui sont : la civilisation russe, l'espace scandinave et la zone Baltique, mais également l'Europe occidentale (notamment Germanique), ainsi que l'Europe Orientale (monde Slave de l'ouest).

    Problématique :

    Parmi l'éventail important des problématiques et des enjeux multiples que l'ont peut repérer au niveau de l'Estonie, il est une question particulière qu'il m'a semblé important de traiter. Ainsi j'ai choisi d'étudier tout particulièrement les relations russo-estoniennes, à travers le prisme des relations entre Bruxelles et Moscou, et naturellement s'est posée la question suivante : L'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union européenne va t-elle influer sur la nature des relations russo-estoniennes, et si oui, de quelle manière ?

    Les relations russo-estoniennes sont conditionnées en premier lieu par l'histoire, une histoire mouvementée, parfois tragique. Cette histoire commune si particulière, notamment au cours du siècle précédent, impose aujourd'hui un travail de mémoire, ce travail de mémoire, certes douloureux, devant inévitablement être mené de front, conjointement, par Tallinn et Moscou. De cette histoire particulière et du travail de mémoire qu'elle suscite aujourd'hui, jaillissent inévitablement des considérations identitaires, qui complexifient à leur tour un travail de mémoire qui devrait n'être qu'objectif.

    Au delà de cet aspect historique et psychologique, important pour saisir les enjeux en présence dans la relation entre Tallinn et Moscou, il est important de considérer les exigences des relations internationales contemporaine. Ces exigences sont naturellement d'ordre économique, du fait de la mondialisation et de l'intensification des flux de marchandises et du transit énergétique, mais également politiques, en raison d'un impératif de bon voisinage et de coopération en matière juridique, afin d'assurer la stabilité des pays riverains de l'UE, donc la paix et la prospérité pour l'Europe toute entière, entraînant un bénéfice autant pour la Russie et pour l'Estonie, que pour l'Union européenne.

    L'Union Européenne est, alors, cet organe supranational qui introduit peu à peu le pragmatisme nécessaire à des rapports mutuellement bénéfiques entre l'Estonie et la Russie, ou, du moins, elle fait comprendre à ces protagonistes l'intérêt d'une approche plus pragmatique de leur propre relation.

    Mais on réalise assez rapidement que la mise en place d'une relation pragmatique dépend pour beaucoup de la bonne volonté qui sera, ou non, mise en oeuvre par les deux protagonistes.

    Le dialogue entre Moscou et Bruxelles en vue d'une coopération profitable pour tous n'est pas un dialogue facile, en raison des différences culturelles importantes, que ce soit dans la pratique politique, dans la perception des mécanismes et des rapports internationaux, mais aussi au niveau des visions et des objectifs de politique étrangère, qui sont très différents, autant au niveau de la mise en oeuvre que dans le but visé. D'autant plus que les positions des 27 pays membres à l'égard de Moscou étaient jusqu'ici, et restent, dans une certaine mesure, très divergentes.

    Néanmoins les développements récents de l'Union européenne et l'intégration croissante des 27 pays membres laisse penser que la politique russe de Bruxelles a de bonnes chances d'afficher plus de cohérence, donc d'augmenter son potentiel de négociation, vis à vis de Moscou, et peut être même, d'entrer en opposition avec les intérêts russes à un moment donné.

    INTRODUCTION :

    J'ai effectué mon stage de fin de seconde année au sein de la chancellerie politique de l'Ambassade de France en Estonie. La France dispose d'une représentation diplomatique en Estonie depuis le 30 Août 1991. L'Estonie est un pays membre de l'Union Européenne, et un pays allié de la France au sein de l'OTAN. La France et l'Estonie ont historiquement de très bons rapports et font preuve d'une coopération très étroite dans un certain nombre de domaines depuis 1991. Les liens entre les deux pays se sont renforcés et les relations sont devenues plus intenses depuis l'adhésion de l'Estonie à l'Union Européenne et à l'OTAN en 2004. Au cours de mon stage à la chancellerie politique de l'Ambassade, j'ai pu comprendre le fonctionnement de la structure, mais également les objectifs d'une représentation diplomatique ainsi que les moyens mis en oeuvre en vue d'atteindre ces objectifs. Ma fonction au sein de la structure était une fonction d'appui à la chancellerie. Cet appui s'est concrétisé par la participation quotidienne à la revue de presse, mais aussi par d'importants travaux de recherche et de synthétisation de données pour le compte de ma maître de stage, Mme Hélène Roos, la première conseillère de l'Ambassadeur de France en Estonie. Également, j'ai participé avec Mme Roos à des entretiens de haut niveau avec, notamment, des professionnels des médias et la responsable des affaires sanitaires estonienne.

    Tout d'abord j'aborderai l'histoire des relations franco-estoniennes et leur développement, en retraçant l'histoire de la coopération entre les deux pays et en détaillant les composantes de cette dernière. Par la suite j'effectuerai une description détaillée de la structure qui permet de mettre en oeuvre cette coopération, soit l'Ambassade de France à Tallinn. Puis, j'expliquerai le fonctionnement et les objectifs d'un service particulier, soit la chancellerie politique de l'Ambassade, au sein de laquelle s'est déroulé mon stage. A l'issue de cela, je me pencherai sur mon activité au sein de la chancellerie, en y retraçant mon évolution au fil des semaines et l'éventail de mes activités.

    Mon travail au sein de la chancellerie politique de l'Ambassade de France à Tallinn m'a facilité l'étude d'un certain nombre de problématiques majeures, aussi bien au niveau des affaires intérieures et des relations extérieures de l'Estonie, qu'au niveau de la situation de ce pays au sein de l'Union Européenne. En prenant conscience de la situation géographique et géopolitique particulière de l'Estonie, je me suis demandé si l'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne allait influer sur la nature des relations russo-estoniennes, et si oui, de quelle manière.

    Afin de répondre à cette question je me pencherai dans un premier temps sur l'histoire des relations russo-estoniennes, mais également sur les relations « contemporaines » qu'entretiennent, ou que devraient entretenir les deux pays. Par la suite, j'étudierai les relations entre l'Union Européenne et la Russie, en voyant dans un premier temps que l'Union Européenne a longtemps été désunie dans son dialogue avec Moscou, puis dans un second temps que l'Union a finalement réussi à trouver une certaine cohérence pour sa politique étrangère vis à vis de la Russie.

    I) Présentation du stage :

    A. Relations France-Estonie :

    1. Sous la première république Estonienne :

    La première République estonienne est née en 1918, à l'issue de la première guerre mondiale, elle a été admise à la Société des Nations (SDN) en 1921.

    « Ce n'est pas une des moindres curiosités de l'âme estonienne que les subtiles familiarités par où elle s'apparente à la nôtre. Même goût de l'ironie et même refus de s'en laisser accroire, même individualisme conscient, même culte du bon sens, même passion de la liberté - les rares auteurs français qui ont effleuré l'Estonie l'ont noté... Il n'est peut-être pas, dans ce coin d'Europe, de peuple plus proche de nous comprendre que cette petite communauté humaine... »

    Jean Cathala, Portrait de l'Estonie, Paris, 1937.

    a) Une coopération culturelle initiée par des artistes et des intellectuels :

    La France a entretenu, dès le début des années 20, de très bonnes relations avec la République d'Estonie. Les relations diplomatiques ont été établies avec cette dernière le 5 avril 1921, juste après l'admission de l'Estonie à la « Société des nations » (SDN). André Gilbert fut le premier Ambassadeur français en Estonie.

    Durant les années 20, la coopération franco-estonienne était relativement intense, et s'organisait par le biais d'associations bilatérales. Il y avait, à Paris, de nombreux expatriés estoniens, principalement des intellectuels et des artistes, qui se constituèrent rapidement en association, « France-Estonie », qui, bien que refondue un certain nombre de fois en raison du départ ou de la mort de ses membres les plus éminents, fut des plus actives jusqu'à la fin des années 30. L'objectif de cette association était le renforcement des liens culturels et commerciaux entre les deux pays.

    L'Estonien le plus connu en France à cette époque était Mr. Kaarell Robert Pusta (premier ambassadeur d'Estonie en France), et c'est lui même qui, avec le concours des « Français amis de l'Estonie », donna naissance à cette association.

    L'autre association estonienne majeure à cette époque était l'« association estonienne de Paris », fondée par un étudiant en sciences politiques Karl Zirkel, et par l'artiste Jaan Siirak, le chargé d'affaire estonien August Schmidt leur apporta également un soutien significatif. L'objectif de cette association était de contribuer à une meilleure connaissance mutuelle de la vie intellectuelle des deux pays et au resserrement des relations culturelles. Le diplomate Georg Meri, père de Lennart Meri ( président de la République Estonienne de 1992 à 2001), fut ainsi invité par leurs soins à prononcer une conférence en 1931. Il y eu également la fondation de la « société maritime Franco-Estonienne » aux alentours de 1920, celle-ci avait pour projet principal l'établissement d'une liaison maritime régulière entre la France et l'Estonie, malgré l'envoi de plusieurs délégations en Estonie pour étudier la faisabilité du projet, ils durent vite renoncer faute de fonds.

    b) Une coopération très tôt institutionnalisée :

    En Estonie, l' « Institut scientifique français de Tartu » fut inauguré le 27 avril 1922. L'idée est venue de l'illustre neurochirurgien Ludvig Puusepp, appuyé dans cette initiative par l'Ambassadeur Gilbert. Le but de cette institution était de servir de relais à la culture française et de faire connaître aux chercheurs et aux intellectuels les apports français en matière scientifique. L'Institut comportait des sections d'art et littérature, de linguistique, de droit, de sciences sociales, de médecine, de sciences de la nature et d'enseignement du français. La bibliothèque de l'Institut permettait de se tenir au courant des acquis et des orientations de la recherche en France. En juin 1940, elle comptait 8268 ouvrages.

    Le fonds de revues et de journaux représentait plus de 1000 volumes. En 1938, l'Institut recevait 53 périodiques. De même, l'Institut donnait des cours de Français, et il organisait aussi des séances, des soirées, des conférences, des réunions thématiques et d'autres manifestations.

    On peut ainsi constater que, sous la première république d'Estonie, les relations entre la France et cette dernière étaient déjà fortement développées.

    2. La restauration de l'indépendance :

    La pierre angulaire des relations franco-estoniennes est la reconnaissance de la continuité juridique de la République d'Estonie de la part de la France, qui n'a jamais reconnu l'annexion de l'Estonie par l'Union Soviétique. Les relations diplomatiques entre l'Estonie et la France ont été rétablies le 30 août 1991. L'ambassade de France à Tallinn a rouvert ses portes (dans des locaux différents), à l'occasion de la visite du ministre des affaires étrangères Roland Dumas à Tallinn le 30 août 1991.

    a) Les raisons d'une représentation française en Estonie :

    La France possède le second réseau diplomatique du monde après les Etats-Unis, et au delà de ce principe général d'universalité, il y a un nombre important de raisons spécifiques qui justifient la présence de la France en Estonie. Tout d'abord, la longue relation d'amitié, de confiance et de respect mutuel qui unie la France et l'Estonie. De même, le positionnement géographique de l'Estonie, qui en fait un carrefour à la fois culturel, mais aussi commercial, et bien entendu, une zone géopolitiquement sensible. Géopolitiquement sensible car l'Estonie est située aux frontières du monde scandinave, de l'espace russe, et de l'Europe orientale, ce qui explique son histoire mouvementée et souvent tragique. Tous ces éléments font de l'Estonie un Etat où un pays comme la France se doit d'être présent. Il s'agit de protéger les intérêts Français, notamment commerciaux, et de se tenir à disposition des ressortissants Français (dans un pays ou un Français peut très vite se trouver sans repère, cela en raison du fossé culturel et linguistique). L'ambassade de France a un rôle de promotion et de mise en valeur de la culture, du savoir faire, et de la langue française dans un pays comme l'Estonie où la majorité de la population, bien qu'éprouvant beaucoup de sympathie à l'égard de la France qui jouit ici, comme dans beaucoup de pays, d'une assez bonne image, n'en est pas moins assez indifférente à tout ce qui peut émaner de l'hexagone. Il s'agit enfin, et surtout, d'être présent politiquement aux cotés d'un nouvel état membre de l'UE et d'un allié de l'OTAN.

    Cette présence se décline dans les différents domaines de la coopération.

    b) Les différents secteurs de la coopération :

    - Coopération en matière de défense

    A coté des conventions cadre générales, l'Estonie et la France ont conclu un accord de coopération bilatérale en matière de défense qui a été signé le 11 mai 1994. Conformément aux termes de cet accord, l'accent est mis sur le développement des différentes composantes de la défense nationale estonienne, telles que la construction d'une armée, la gestion d'une administration militaire, la formation d'officiers et de spécialistes, ainsi que l'élaboration d'une législation militaire. La France participe aux principaux projets d'assistance militaire aux pays baltes, tels que BALTRON ou BALTSEA. La France a délégué, pendant quelques années, un de ses officiers de liaison auprès du « collège balte de défense » de Tartu. La France soutient également l'apprentissage du français dans les forces armées estoniennes. Ces dernières années, des militaires estoniens ont participé aux cours de français du « Centre de Formation Interarmées » de Rochefort.

    - Coopération en matière de police

    C'est en 1997 qu'eurent lieu les premiers contacts entre les ministères de l'intérieur français et estonien. De nombreux programmes communs de formation ont été lancés pour la police, les garde-frontières, l'office de la nationalité et de l'immigration et pour les services de secourisme. Tous les ans, des fonctionnaires de police estoniens peuvent faire des stages à la haute école de police française, de même, les gardes-frontières ont d'excellents contacts avec la gendarmerie maritime et avec la police des frontières française. Les locaux dépendants du ministère de l'intérieur estonien ont été équipées avec des équipements français, la police criminelle utilise par exemple le système numérique de traitement et de recherche des empreintes digitales conçus par SAGEM et les détecteurs de mouvements conçus par Thomson-CSF à la frontière orientale de l'Estonie. Une coopération est également en cours d'établissement concernant le traitement des pièces d'identité et l'identification des faux documents. Une coopération étroite caractérise également les questions touchant à l'assistance juridique ainsi qu'à l'organisation d'exercices par exemple dans la formation d'unités spéciales.

    - Coopération scientifique et technique

    Le 2 juillet 2002 a été signé un accord destiné à lancer un programme de coopération scientifique et technique entre la France et l'Estonie. Les domaines concernés par ces projets scientifiques sont les technologies de l'information et de la communications, la bio-médecine, la foresterie, l'écologie, la chimie, la médecine, la biophysique et la mécanique. Tous les laboratoires et les groupes de recherche rattachés aux établissements d'enseignement supérieur, aux établissements de recherche ou aux entreprises peuvent présenter des projets à un jury public pour bénéficier des avantages d'un programme scientifique bilatéral.

    - L'enseignement du français et de l'estonien

    La France soutient activement l'enseignement du français en Estonie. Au delà de l'aide apportée aux quatre écoles estoniennes spécialisées en français, elle coopère activement avec deux établissements d'enseignement supérieur, le « centre d'études françaises » de l'université de Tartu et l'université de Tallinn. En collaboration avec l'Ambassade de France, le Ministère estonien des affaires étrangères a lancé un vaste programme d'enseignement du français adressé aux fonctionnaires du ministère. L'objectif est que les diplomates estoniens acquièrent une bonne maîtrise des bases de la langue française, ce programme fut lancé à l'occasion de l'entrée de l'Estonie dans l'UE. En août 2006, un mémorandum a été signé à Tallinn sur un programme pluriannuel d'enseignement du français dans les services publics de la république d'Estonie, qui prévoit la mise en place de cours de français pour 1500 fonctionnaires sur les trois ans à venir. À l'initiative de la section de langue estonienne de l'institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), la traditionnelle «journée de la langue maternelle» (Emakeelepäev) est désormais célébrée à Paris. C'est la cinquième année consécutive qu'est organisée à cette occasion une soirée à l'Ambassade d'Estonie, à laquelle sont conviés les étudiants de la section d'estonien de l'INALCO.

    Cette coopération nécessite un cadre juridique adapté.

    c) Les principaux traités conclus entre la France et l'Estonie :


    · Traité d'entente, d'amitié et de coopération (entré en vigueur le 27.04.95)


    · Accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (entré en vigueur le 25.09.95)


    · Accord relatif à la suppression de l'obligation de visa (entré en vigueur le 01.03.99)


    · Accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (entré en vigueur le 15.04.99)


    · Convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matières d'impôts sur le revenu et sur la fortune (entré en vigueur le 01.05.01)


    · Accord sur le statut et sur l'activité des Centres culturels (entré en vigueur le 01.04.05).


    · Accord entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République d'Estonie relatif aux échanges de jeunes professionnels (signé le 31.03.2006; cet accord n'est pas encore entré en vigueur)


    · Mémorandum portant sur le plan pluriannuel d'enseignement du français dans les services publics de la République d'Estonie (sont associés à cet accord la Belgique, le Luxembourg, l'Organisation Internationale de la Francophonie, signé le 10.08.2006)

    B. L'Ambassade de France à Tallinn:

    1- Organisation fonctionnelle :

    La coopération dans tous les secteurs précédemment cités se fait par le biais de services spécifiques, au sein de l'Ambassade de France à Tallinn.

    a) Chancellerie politique : La chancellerie politique regroupe les diplomates à proprement parler, et est chargée de mettre en oeuvre la politique étrangère de la France. Ceux-ci ont des activités de plusieurs types. Premièrement, la communication. Ils doivent représenter la France, auprès de personnalités étrangères mais aussi auprès des acteurs dans tous les domaines (économique, social..). Ils doivent défendre les positions françaises, que ce soit dans un cadre bilatéral, multilatéral ou communautaire. Ils ont également un rôle d'information, auprès des décideurs politiques, que ce soit en temps réel ou dans le cadre de négociations en cours. Les diplomates doivent aussi conduire une stratégie d'influence. Au niveau de la coopération culturelle, scientifique, par l'aide au développement, avec l'objectif de diffuser les savoir-faire français et de faire valoir les domaines d'excellence de la France. La communication à proprement parler se fera en direction des médias et des opinions publiques, pour promouvoir les positions et les réalisations françaises.

    Deuxièmement, les diplomates ont une fonction de négociation. Celles-ci se feront avec des partenaires étrangers (règlement de crise, médiation dans le cadre d'un conflit, accompagnement et préparation de négociations politiques), mais également au sein d'organisations internationales (négociations multilatérales complexes, élaboration et suivi de la mise en oeuvre d'accords internationaux, orientation et contrôle du travail des organisations dont la France est membre). Enfin, les diplomates ont un rôle d'organisation. Organisation d'évènements diplomatiques (pilotage d'évènement : planification ainsi que logistique et protocole, préparation de visites officielles qu'elles soient ministérielles, présidentielles, parlementaires ou économiques, ainsi que l'organisation des grandes conférences, qu'elles soient thématiques ou régionales). Ils doivent aussi savoir gérer des moyens et une équipe (manager de manière autonome une structure, gérer les hommes, que ce soit au niveau du recrutement, de la répartition des taches et des relations sociales, et aussi gérer les moyens, par la mise en place d'un plan d'action et la définition des ressources à mettre en oeuvre). La chancellerie politique de Tallinn comporte 4 personnes, l'Ambassadeur, sa secrétaire, la première conseillère, ainsi qu'un chiffreur-archiviste (responsable de la sécurité des communications et des archives ainsi que de la valise diplomatique).

    b) Le service de presse : Chaque ambassade dispose d'un service de presse, c'est l'outil et le correspondant principal des services d'information et de communication français. Au sein de l'ambassade, ce service est sous l'autorité de la première conseillère. Au niveau du ministère français des affaires étrangères, les services de presse dépendent de la direction de la communication et de la presse (DCP).

    Le service de presse a deux missions principales : la communication externe et la communication interne.

    - La communication externe : Il s'agit de faire connaître la politique de la France, gérer les relations publiques de l'Ambassade, informer les journalistes locaux et faciliter leurs contacts ou déplacements en France. De même, le service organise la couverture médiatique lors de la visite de personnalités françaises. Le service diffuse également des informations sur la France.

    - La communication interne : Il s'agit de l'analyse des informations diffusées dans les médias en général, accompagnée de comptes rendus au ministère des affaires étrangères ainsi qu'aux différents services concernés. Ici c'est principalement un travail de recherche, puis d'information des autorités françaises en vue d'une meilleure connaissance du pays. Le service de presse de Tallinn est composé de deux personnes, une attachée de presse et une traductrice.

    c) Service consulaire : Le Vice-consul et ses collaborateurs ont pour fonction l'assistance et la protection des ressortissants Français résidant à l'étranger. Le Vice-consul est responsable de la communauté française dont il assure la protection vis à vis des autorités étrangères dans la limite de la législation locale et qu'il administre selon la législation et la réglementation françaises. Le consul ou le vice-consul sont avant tout des officiers d'état civil. En effet ils ont la capacité de délivrer les documents officiels tels que les documents d'identité, les actes de mariage, de naissance ou de décès, mais également de procéder aux recensement des français en age de participer à la journée d'appel de préparation à la défense, mais aussi permettre aux expatriés français d'exercer leur droit de vote. Le consul exerce également la protection diplomatique des ressortissants Français en leur apportant assistance en cas de procédure judiciaire ou d'incarcération. Aussi, en cas d'accident grave ou de décès, le consul se charge des mesures d'hospitalisation urgentes ou du rapatriement du corps. Le service consulaire de Tallinn est composé de quatre personnes : le vice-consul et chef de la chancellerie consulaire, une assistante consulaire et visas, une assistante administrative, et une comptable. Le Vice-consul est également en charge du secteur « SAFU », c'est à dire de l'administration financière et comptable de l'Ambassade.

    d) Le service de coopération et d'action culturelle : Le SCAC a pour objectif de favoriser la coopération bilatérale entre la France et l'Estonie. Ainsi il assure la promotion de la langue Française mais également de notre industrie culturelle (littérature, cinéma..). Il s'occupe aussi de la coopération scientifique (principalement la recherche), mais aussi de la coopération au niveau de l'enseignement , ainsi que dans le secteur juridique et administratif. L'instrument du SCAC sera donc la coopération linguistique, éducative et culturelle au sens large.

    Le centre culturel français de Tallinn (situé dans le centre ville), ne partage pas les locaux de l'ambassade. Le centre culturel de coopération linguistique (CCCL) est distinct du SCAC, il s'occupe de la coopération linguistique proprement dite, il dispose de 16 professeurs (équivalent temps plein) qui donnent des cours de Français tout au long de l'année (à environ 1100 personnes par an), aussi bien à un publique classique qu'à des fonctionnaires Estoniens. Il y a aussi au CCCL, une responsable (directrice adjointe), une aide comptable, une personne chargée des manifestations culturelles, une personne qui gère les cours de Français, une médiathécaire et une bibliothécaire.

    e) Le service de coopération technique internationale de police en Estonie : La délégation régionale du service de coopération technique internationale de police (SCTIP) Estonie/Finlande a été crée le premier Juin 2005, elle est dirigée depuis Tallinn par le commandant de police Pascal Caretta. Le développement et l'évolution de la grande criminalité et du terrorisme international ont nécessité la mise en place à l'étranger d'un réseau d' « officiers de liaison ». Ainsi, la coopération policière Française à l'étranger est à la fois technique et opérationnelle. En 1995, le « délégué SCTIP » s'est vu attribué la qualification d' « attaché de police » et s'est vu reconnaître personnel diplomatique détaché auprès des ambassades jouissant du statut octroyé par la convention de Vienne. C'est donc le représentant unique de la police nationale auprès de l'Ambassadeur du pays d'affectation où il assure un rôle de coordination et de représentation. L'attaché de sécurité intérieure (ASI) a pour fonction la mise en oeuvre de la politique étrangère de la France en matière de sécurité intérieure.

    f) Mission économique : Elle dépend du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, également de la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE). Ici le service est mixte, il a des activités régaliennes et commerciales (depuis récemment les deux types d'activités sont séparés. Les activités commerciales sont reliées à UBIFRANCE, qui est un EPIC (établissement public industriel et commercial). La partie commerciale de l'activité de la mission économique de Tallinn concerne l'appui aux PME, notamment une aide à l'export. La mission économique facture ses services aux sociétés.

    La partie régalienne de son activité, c'est principalement informer les administrations françaises sur les positions du pays en matière de politique industrielle et commerciale, en vue des réunions au niveau de l'UE des conseils agriculture et économie-finances (ECOFIN). Les notes classiques émises par les missions économiques sont celles-ci : commerce extérieur du pays, commerce bilatéral, situation économique, IDE et présence française, note annuelle sur le budget de l'Etat, et note sur les administrations publiques (leur situation financière). Les missions économiques sont administrées par des direction régionales (celle de Tallinn est pilotée depuis Varsovie). Les chefs des missions économiques travaillent en coopération avec le représentant Français à l'OCDE. De même, les missions économiques sont en contact régulier avec les chambres de commerce et d'industrie Françaises. La mission économique de Tallinn est composée de quatre personnes (Mr. Charpin, le chef de la mission, une responsable du secteur énergie, environnement, transport, communication et industrie, une responsable du secteur biens de consommation et services, et une responsable du secteur agroalimentaire, mais aussi de la comptabilité du service).

    g) On peut ajouter à cela : Le « PCS », c'est à dire le poste de sécurité situé à l'entrée de l'Ambassade, là où sont contrôlées les identités et à partir duquel s'effectue la surveillance de l'ambassade et de ses environs. Deux gendarmes s'y relaient en permanence, ce sont les « gardes de sécurité ».

    Il y a également 2 chauffeurs, une personne pour la maintenance et l'entretien, et une femme de ménage.

    h) Autres membres de l'Ambassade résidant hors d'Estonie :

    L'attaché de défense en résidence à Helsinki, le chef des Services économiques pour l'Europe Centrale et les Pays Baltes en résidence à Varsovie, le conseiller financier et chef adjoint des services économiques pour l'Europe Centrale et les pays Baltes en résidence à Varsovie, l'attaché douanier en résidence à Berlin, l'attaché des affaires agricoles en résidence à Varsovie, et l'attaché vétérinaire également en résidence à Varsovie.

    L'Ambassade de France à Tallinn est une « petite ambassade ». En effet, étant donné la taille réduite du pays (sa population et d'environ 1 350 000 habitants), et la très faible proportion de Français qui y résident (une centaine), une petite structure est suffisante pour assurer une présence française visible. Néanmoins, l'Ambassade de France à Tallinn regroupe tous les services habituellement présents dans une ambassade française classique. On dénombre en tout 24 personnes (25 avec le stagiaire éventuel) présentes chaque jour dans les locaux de l'ambassade (ainsi on ne comptabilise pas le personnel du centre culturel Français, ni le personnel de la résidence diplomatique). Sur ces 24 personnes, 11 sont des expatriés français.

    On peut observer plus haut que chaque service a une fonction bien différenciée et un fonctionnement plus ou moins autonome. La mission économique par exemple, à un fonctionnement très autonome car elle ne dépend pas du ministère des affaires étrangères. De même, le commandant de police du SCTIP dépend du ministère de l'intérieur. Cependant, en dépit du ministère auquel ils appartiennent, tout le personnel de l'ambassade est placé sous l'autorité de l'Ambassadeur de France en Estonie, qui représente, lui, tous les ministères car il est le représentant du gouvernement français à l'étranger. Néanmoins, tous les services fonctionnent en complémentarité, particulièrement le service de presse, le service consulaire et la chancellerie politique.

    2. Le travail en chancellerie politique :

    a) La chancellerie politique :

    La chancellerie politique est le coeur stratégique de l'ambassade. C'est le service central et principal, et c'est par la chancellerie politique qu'est mise en pratique la politique étrangère française.

    Ce service concentre l'activité purement diplomatique. Les fonctions de ce service étant détaillées dans la partie précédente, j'ajouterais juste que la chancellerie se doit de connaître parfaitement l'actualité et les positions du pays où elle se trouve (au niveau social, politique, économique, juridique, militaire et culturel), afin d'offrir en permanence au ministère des affaires étrangères et Européennes un panorama complet mais cependant synthétique de toutes les problématiques présentes. Ainsi, l'Etat français est à même d'avoir un contact et une relation optimale avec le pays concerné, et peut déployer et gérer les missions diplomatiques en correspondance avec les réalités du terrain. Métaphoriquement on pourrait dire que les diplomates sont des éclaireurs/démineurs. En effet, non seulement ils transmettent à l'administration centrale toutes les informations nécessaires sous forme de véritables outils de travail (éclaireurs), mais, de plus, ils repèrent tous les « irritants » susceptibles de dégrader ou de compromettre l'amélioration des relations avec le pays visé, donc de susciter un accroissement de la difficulté à mettre en place une politique étrangère optimale (démineurs).

    En dehors de ça, la chancellerie se doit d'avoir les meilleurs contacts possibles avec la presse, les autorités locales et les médias locaux, par l'intermédiaire de son service de presse, afin d'avoir des relais satisfaisants pour sa communication externe et pour la promotion de la France.

    b) Période d'adaptation :

    Ainsi, durant mon stage en chancellerie politique au sein de l'Ambassade de France à Tallinn,

    j'ai pu observer de l'intérieur le fonctionnement de la chancellerie et prendre connaissance des différents enjeux des activités de cette dernière. Tout d'abord, il m'a été essentiel de bien connaître l'environnement dans lequel se déroule l'activité du service. Pour cela, il y eu tout d'abord un important travail de recherche et d'information à plusieurs niveaux. En premier lieu, il est capital de connaître les institutions estoniennes et leur fonctionnement. Il faut également être au fait de l'actualité politique du pays. Pour satisfaire à ces impératifs plusieurs démarches sont à effectuer. Premièrement, il s'agit de prendre connaissance des différents médias, de leur orientation et de leur contenu, car cela donne une bonne indication de la culture médiatique mais aussi des principaux aspects sociétaux du pays. Ainsi, chaque jour il est important de lire la presse locale et de consulter de nombreuses archives afin d'établir peu à peu le contexte dans lequel s'inscrivent la vie et l'actualité politique locale, les sujets de débat, de crispations, les arguments électoraux et les principales lignes de clivages. Deuxièmement, une fois qu'est présent le sentiment d'être suffisamment informé sur le monde politique estonien, il est important de faire de nombreuses recherches sur des points un peu plus précis mais déterminants pour la compréhension plus en profondeur de nombreux phénomènes ou particularités politiques, culturelles et sociales. Ces recherches sont alors menées par le biais de la consultation de différents ouvrages et de sites web, ainsi que par des entretiens avec des personnalités locales.

    c) Rôle et missions au sein de la chancellerie :

    Une fois ce travail d' « affûtage » terminé, j'ai pu assister ma maître de stage, Mme Hélène Roos, la première conseillère de l'Ambassadeur mais qui est également responsable du service de presse ainsi qu'officier de sécurité de l'Ambassade. Mon rôle était donc essentiellement un rôle d'appui à la chancellerie. J'ai ainsi effectué divers travaux. Parmi ces travaux il y eu :

    - le travail au service de presse, notamment contribution quotidienne à la revue de presse mais aussi aide à la remise à jour du site Internet de l'Ambassade. J'ai également dû effectuer des recherches spécifiques et des fiches sur des sujets d'actualité précis. Aussi, j'ai participé à des entretiens avec deux journalistes estoniens (le responsable des questions européennes de la télévision publique estonienne, et l'éditeur en chef de la principale agence de presse couvrant les trois pays baltes) en compagnie de ma maître de stage. A l'issue de ces entretiens, j'ai du effectuer, sous forme de fiches synthétiques, des comptes rendus.

    - L'analyse politique, par la recherche puis la rédaction de fiches de synthèse sur des sujets précis. Par exemple, les élections locales en Estonie (découpage administratif, répartition des compétences, forces en présence et enjeux du scrutin), mais aussi sur les éléments constitutifs du sentiment national estonien (notamment les symboles). Ce travail d'analyse politique m'a permis de prendre conscience de différentes problématiques politiques et d'en mesurer les multiples enjeux.

    - L'aspect « sécurité », dans le cadre de la fonction d'officier de sécurité (responsable de la sécurité des expatriés français en Estonie, et de la sécurité de l'ambassade, en cas de crise) de ma maître de stage nous nous sommes rendus à un entretien avec la responsable des autorités sanitaires estoniennes. Le sujet de cet entretien était la gestion de l'épidémie de grippe A H1N1. A l'issue de cet entretien, j'ai dû rédiger une fiche compte rendu sur la situation telle qu'elle nous fut présentée.

    d) Un certain aguerrissement :

    Au delà de ces travaux diversifiés, j'ai retenu en premier lieu l'évolution de mon activité en terme qualitatif.

    Car dans un premier temps, il s'est agi d'être informé le plus possible et d'emmagasiner un maximum de connaissances, pour pouvoir passer à l'étape suivante, c'est à dire la contribution à la revue de presse. Malgré des lectures préalables à mon stage, les premiers jours ont été consacrés à une prise de repères. Il s'agissait d'être parfaitement à l'aise avec les sujets d'actualités et les noms des acteurs locaux. Au fil de mon aguerrissement, j'ai été amené à avoir une activité mobilisant plus de capacités et de savoir-faire, ce fut par exemple un entretien relativement « technique », avec les autorités sanitaires. Puis, après cela, j'ai pu passer à une activité telle que l'analyse politique suivie de la rédaction de fiches de synthèse ainsi qu'à la définition et à la compréhension de problématiques politiques. Enfin, j'ai pu participer à des entretiens relativement pointus avec des journalistes de haut niveau où j'étais à même de saisir les enjeux des questions soulevées.

    e) Le choix du sujet :

    Tout au long de mon activité au sein de la chancellerie, et au fur et à mesure de ma prise de conscience des problématiques et des enjeux politiques et géopolitiques internationaux palpables en Estonie, j'ai été amené progressivement à discerner plusieurs phénomènes et particularités qui ont suscité mon intérêt.

    Tout d'abord, comptant parmi mes choix de carrière l'option militaro-stratégique, j'ai tout naturellement entrepris de me pencher sur un aspect relevant de ce domaine, d'autant plus que l'Estonie est un maillon clé de l'OTAN, mais également la frontière orientale de l'UE, ainsi que comme énoncé précédemment, un carrefour historique entre les empires et les civilisations. Cependant, ma maître de stage m'a très vite expliqué qu'en tant que stagiaire, il me serait impossible d'avoir accès à la majorité des informations nécessaires pour mettre sur pied mon rapport de stage.

    J'ai donc dû changer sensiblement de perspective et me réorienter selon un axe différent. Ainsi, étant donné que je compte aussi parmi mes projets professionnels les métiers du renseignement et de la diplomatie, j'ai décidé de traiter dans la seconde partie du rapport d'aspects géopolitiques et politiques d'envergure internationale.

    En effet, j'ai choisi d'effectuer mon stage dans la chancellerie politique de l'ambassade de France à Tallinn car c'était le lieu et le milieu idéal pour avoir une vue « de l'intérieur », de la façon dont sont abordés par la diplomatie française des problèmes géopolitiques majeurs. Mon activité à la chancellerie, notamment les entretiens avec des journalistes de renom ainsi que les nombreux travaux de recherche et d'analyse de problématiques politiques que j'ai effectué, ont amené à ma connaissance un certain nombre d'enjeux pour ce « petit coin d'Europe ».

    Parmi ces enjeux, le principal et certainement la relation entre l'Union Européenne et la Fédération de Russie. L'Estonie étant l'avant-poste de l'Union, c'est ici que s'observent, au niveau pratique, les évolutions dans ces relations, ainsi que le rôle de l'Estonie dans le développement de ces relations.

    II. Sujet d'étude : L'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne va t-elle transformer la nature des relations russo-estoniennes, et si oui, de quelle manière ?

    A. -Complexité des relations russo-estoniennes :

    1. Les causes :

    « sur le plan émotionnel, le pouvoir russe n'a pas accepté l'indépendance des Baltes » (...) « il ne veut pas de voisins stables et démocratiques, mais des satellites. » Déclaration du ministre des affaires étrangères estonien, Mr Urmas Paët, le Figaro, 15 août 2007.

    La nature des relations russo-estoniennes doit tout d'abord être étudiée à la lumière de phénomènes psychologiques collectifs. On repérera ici trois éléments principaux constitutifs de ce malaise. Le principal facteur de tensions et d'animosité est lié au travail de mémoire, à l'interprétation de l'histoire et à un conflit identitaire latent. Le second est une conséquence de la volonté affichée par le pouvoir russe de montrer à la face du monde que la « grande Russie » est de retour sur la scène internationale, ce qu'on pourrait qualifier de « doctrine Poutine », et qu'elle entend être considérée comme une puissance majeure. Le dernier élément facteur de crispation est factuel : les évènements matérialisant la doctrine sur la scène internationale, notamment européenne, et la peur que cela suscite, qu'il s'agisse du conflit géorgien, de la crise ukrainienne, ou des évènements du Soldat de bronze.

    a. En premier lieu, le conflit autour de la présentation de faits historiques est crucial. Le principal problème est le refus de la Russie de considérer l'incorporation de l'Estonie à l'Union Soviétique en 1944 comme une annexion, ainsi que de reconnaître l'illégalité de cette annexion au regard du droit international. Au moment de sa seconde indépendance, l'Etat estonien opte pour la continuité juridique de la République estonienne (renversée de facto lors de l'annexion soviétique définitive de 1944), n'admettant pas le terme d' « incorporation » à l'URSS sur la base de la demande du peuple estonien (comme l'affirme la Russie). Durant la première période d'indépendance estonienne (1920-1940), l'Estonie a conclu deux principaux traités, qui furent signés et ratifiés, avec l'URSS. Le premier est le traité de Tartu (2 février 1920) qui consacre l'indépendance de l'Estonie et l'inviolabilité de son territoire, fixant également les frontières du nouvel Etat. En mars 1932, l'Estonie signe également un pacte de non-agression avec l'URSS. Un certain nombre de pays, dont la France, n'ont ainsi jamais reconnue juridiquement l'annexion de l'Estonie par l'armée rouge. L'Estonie, après l'exil de son gouvernement en Suède, a appelée la communauté internationale à reconnaître la continuité de l'Etat estonien.

    De même, le pouvoir russe aime répéter que l'Estonie se montre « très ingrate », puisque l'armée rouge l'a « libérée » de l'occupation allemande. il y a ici une contradiction supplémentaire avec la réalité historique. Il faut savoir que le 17 Septembre 1944, l'intégralité des troupes allemandes quitta l'Estonie pour aller se battre sur le front letton où l'armée rouge était sur le point de prendre Riga, l'armée soviétique était, elle, en Finlande pour une partie, et en Lettonie pour le reste. Durant 5 jours l'Estonie avait retrouvée sa souveraineté, mais le 22 septembre, les blindés russes font demi-tour. Ils quittent la Lettonie et réoccupent l'Estonie par le sud, tandis que la division de Finlande revient du nord pour faire la jonction.

    Par cette interprétation différenciée de l'histoire s'ensuivent quelques problèmes pratiques, s'ajoutant aux tensions politiques existantes, c'est par exemple le cas pour la frontière estonienne (lors de l'annexion, Staline modifia les frontières de la nouvelle république socialiste soviétique d'Estonie (crée le 21 juillet 1940), ainsi lors du recouvrement de l'indépendance, l'Estonie se retrouva amputée de 5% de son territoire.1(*)

    S'ajoutent des tensions aux causes plus diffuses, mais liées à l'histoire.

    Après 1940, les Soviétiques déportent plusieurs dizaines de milliers d'Estoniens tandis qu'ils font venir en Estonie un grand nombre de Russes. Le phénomène se répétera et s'amplifiera au moment de la seconde annexion en 1944. Le but évident de cette manoeuvre était de « russifier » le pays tout en éliminant les opposants au nouveau régime. De surcroît, la population russe du pays était privilégiée par le régime. Il est important de prendre en compte les actions du pouvoir soviétique visant à détruire non seulement le sentiment national estonien, mais également la culture estonienne2(*). Ainsi, lors de la chute de l'Union Soviétique et de la restauration de la souveraineté estonienne, les esprits étaient encore marqués par les nombreuses souffrances infligées au peuple par le régime soviétique.

    Le problème d'identité est également palpable. Les Estoniens s'étant longtemps vu discriminés, ils mettent désormais un point d'honneur à s'affirmer comme la « nation estonienne » longtemps opprimée (les dernières troupes russes ont quitté l'Estonie en 1994), et ceci en opposition évidente à la minorité russe considérée encore aujourd'hui comme les descendants des « occupants ».

    Schématiquement, on pourrait dire que le pouvoir russe maintient qu'il fut un libérateur, lorsque les Estoniens affirment que les Russes les ont annexés et ont instauré une dictature. Le problème lié aux deux versions d'une même histoire continue de peser sur les relations russo-estoniennes.

    b. On constate aussi la méfiance suscitée par la politique de Moscou depuis 2004, caractérisée par un regain de nationalisme, une dérive autoritaire du pouvoir, ainsi qu'un désir de puissance teinté d'un brin de nostalgie pour le régime soviétique.

    « L'effondrement de l'URSS a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ».

    Discours de V.Poutine devant la Douma le 26 avril 2005

    Egalement, de nombreux discours empreints de références à la Russie impériale, n'arrangent pas les choses. En effet, il semblerait que Vladimir Poutine, qui centralise de plus en plus de pouvoir en Russie (même en temps que premier ministre), veut redonner sa dimension de puissance majeure à la Russie, par la remise au goût du jour d'une doctrine géopolitique séculaire. Cette volonté peut sembler sans implications, mais les moyens utilisés et les buts visés ne sont pas anodins. Un petit pays comme l'Estonie ayant une histoire commune avec la Russie réellement tragique ne peut être qu'effrayé par le désir de puissance de la Russie contemporaine3(*).

    Les pays baltes sont passés sous domination russe en 1721, après que la Suède ait perdue la grande guerre du nord contre la Russie et signé le traité de Nystad. Néanmoins, l'Estonie était une région particulière au sein de l'empire russe, elle était cosmopolite car les populations russes et estoniennes cohabitaient, en ville notamment. En 1721, le tsar Pierre le Grand maintient les privilèges des nobles « germano-baltes » seigneurs féodaux qui lui ont juré allégeance. L'Estonie conservait une certaine autonomie au niveau des tribunaux, de l'enseignement, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Cette « autonomie » cessera en 1880 avec le lancement du programme de « russification ». L'Estonie restera russe jusqu'en 1918. Déjà, à l'époque de la Russie impériale, les pays baltes étaient d'un intérêt vital, offrant une ouverture sur la mer baltique, permettant au tsar de développer la « flotte du nord » et de profiter de lucratives routes commerciales4(*). Lors de l'annexion soviétique, l'intérêt pour ces territoires était naturellement militaire. La façade balte Est et Sud étant entièrement contrôlée par l'URSS, il était aisé d'y mettre en place d'important systèmes de défenses et de surveillance dirigés vers l'Europe occidentale. Ces pays avaient pour l'URSS un intérêt essentiellement stratégique. Ainsi, Moscou a très mal vécu la perte de ces territoires.

    En 1991, la Russie espérait que les pays baltes choisiraient la neutralité ou l'appartenance à la CEI. Lorsque l'Estonie a rejoint l'OTAN en 2004, la Russie a tenté de la remettre dans son giron par le biais de l'interdépendance économique. Ce fut sans succès, car au même moment, l'Estonie adhérait à l'Union Européenne, et au marché européen, entérinant définitivement son divorce avec le voisin russe et concrétisant pour de bon son « passage à l'Ouest ». Le pouvoir russe a pu à un moment penser que l'adhésion estonienne à l'Otan et à l'UE supprimerait la méfiance dans ce pays à l'égard des Russes en raison de l'apparition d'un sentiment de sécurité et d'indépendance renforcé. Il n'en fut rien. Les relations des deux voisins se sont dégradées et la Russie a même, dans un premier temps, refusé l'extension automatique des accords APC aux dix nouveaux membres de l'UE (dont l'Estonie), cela car l'élargissement de l'UE aux pays de l'ancien bloc communiste et leur entrée dans le marché commun pénalisait économiquement la Russie (entre 150 et 300 millions d'euros de pertes économiques et commerciales). Pour le pouvoir russe actuel, la restauration de la « grande Russie » semble devoir passer aussi par la satellisation des petits voisins, (par des moyens économiques, une proximité politique ou une présence militaire) notamment des Etats baltes. Moscou voit donc d'un très mauvais oeil le fait que ces derniers aient rejoint l'Otan et l'UE, car cela signifie que la capacité d'influence de la Russie dans la zone est désormais limitée.

    L'élargissement de l'UE et de l'OTAN est intervenu « au détriment » de la Russie car il s'est fait dans la traditionnelle « sphère d'influence russe ».5(*) Il faut savoir que la vision géopolitique de la Russie à travers les siècles est constante. La Russie se considère enclavée et encerclée, ce qui provoque un sentiment d'insécurité et de vulnérabilité. Ainsi, pour se soustraire à ce sentiment, la Russie souhaite se constituer un « glacis » d'Etats « amis » le long de ses frontières, afin notamment de pouvoir y projeter rapidement sa puissance militaire en cas de tensions sur le pourtour de sa zone d'influence (l'annexion de l'Europe centrale et orientale en 1945 constitue la réalisation ultime de cet objectif). Les pays baltes sont en quelque sorte la clé de voûte de ce schéma car ils permettraient de « verrouiller » la façade maritime Ouest de la Russie tout en constituant une interface d'échange idéale avec l'Europe, et de désenclaver le pays.6(*)

    c. Les aspects factuels du néo-impérialisme russe de nature à faire frémir les Estoniens sont aisément repérables, de par le retentissement des actions au niveau international, ainsi que par leur multiplication sur une période relativement courte.

    Le premier évènement que l'on peut citer est celui de la « révolution orange » ukrainienne. Lors du scrutin présidentiel de 2004, on a pu observer une ingérence importante de la part de Moscou. La Russie soutenant le candidat pro-russe (financièrement, logistiquement et politiquement), et les Etats-Unis et la fondation Soros soutenant de manière à peine plus dissimulée le parti pro-occidental de Victor Iouchtchenko. On peut ici constater que la lutte d'influence en Ukraine fait rage, ce pays est traditionnellement la « chasse gardée » de Moscou et les implications dans les relations Est-Ouest du résultat de la Révolution orange (victoire de Iouchtchenko après un « troisième tour ») ne sont pas négligeables. Même si la guerre froide fait partie du passé, cette région d'Europe continue d'être le théâtre du conflit indirect entre les Etats-Unis et la Russie. Ces évènements ont mis en lumière l'attachement de la Russie à garder le contrôle sur son « étranger proche », la Russie a d'autant plus tenté d'influer sur les résultats de ces élections que quelques mois plus tôt l'UE s'était agrandie de dix nouveaux pays issus du bloc soviétique (idem pour l'OTAN). l'Ukraine ne devait pas « passer à l'Ouest ». Les Estoniens craignent profondément cette ingérence russe (la Russie a félicité le candidat pro-russe avant même que les résultats finaux des élections ne soient proclamés) et ont pris conscience que le désir de satellisation des voisins était encore vivace à Moscou.

    Un autre évènement qui, cette fois-ci, concerne l'Estonie, a dégradé bien plus encore les relations russo-estoniennes. Le 27 avril 2007, le gouvernement estonien décide de déplacer un monument (le soldat de bronze) érigé en 1945 à la gloire de l'armée rouge, du centre ville jusqu'à un cimetière militaire. Des émeutes éclatent, très rapidement des milliers de jeunes russophones sèment le chaos dans Tallinn (pillages, vandalisme, violences physiques) durant deux nuits. Ces manifestations ont permis à des groupes russophones nationalistes de se faire entendre. Un groupe pro-russe rassemblant principalement des jeunes et agissant sur le territoire estonien (Nochnoi Dozor ou « veille de nuit »), et entretenu par le Kremlin, aurait contribué à provoquer des débordements (les responsables du groupe ont été acquittés, faute de preuves). On peut cependant supposer que la politique assez radicale du gouvernement estonien sur les questions nationales, identitaires et historiques, a ravivé aussi des sentiments nationalistes russes qui semblaient atténués, notamment par la réussite économique estonienne. L'UE condamne alors l'attitude de Moscou.

    Extrait de la résolution du parlement Européen du 24 Mai 2007 :

    « rappelle aux autorités russes que la rhétorique hostile, développée ouvertement et sans nuances, par les autorités russes contre l'Estonie est absolument contraire aux principes des relations internationales et affectera les relations entre l'Union européenne et la Russie en général ».7(*)

    Peu après le début des émeutes, une série de puissantes cyber-attaques furent perpétrées sur les serveurs Internet des administrations estoniennes, allant même jusqu'à publier un message en russe sur la première page du site du Premier ministre, déclarant que celui-ci présentait ses excuses au peuple russe et s'engageait à démissionner. Les sites des administrations furent ainsi truffés de messages similaires et de déclarations fantaisistes avant de devenir complètement inutilisables. Les experts de la cyber défense estonienne affirment que les attaques émanaient d'adresses IP russes, et que certaines de ces adresses seraient celles du Kremlin.

    Les jours suivants, l'Ambassade et le consulat d'Estonie à Moscou furent assiégée par des groupes de jeunes militants nationalistes (certains de ces groupes étant directement liés au parti Russie Unie de Vladimir Poutine), des pierres furent lancées dans les fenêtres de l'Ambassade, les manifestants ont également arraché les drapeaux estoniens qui se trouvaient sur la voiture de l'Ambassadrice et sur le bâtiment, le personnel diplomatique n'eut d'autre choix que de rester cloîtré dans l'ambassade. La communauté internationale a reproché à la Russie de n'avoir quasiment rien fait pour endiguer les violences et souligne que cela constitue une entorse à la convention de Vienne :

    La Présidence allemande du Conseil européen publie le 2 mai 2007 la déclaration suivante :

    « L'UE somme expressément la Fédération de Russie de respecter ses engagements internationaux découlant de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques en protégeant le personnel et le site de la représentation diplomatique estonienne et en assurant un accès sans entrave à celle-ci »

    Un autre moyen employé par la Russie pour conforter sa politique d'influence est la distribution de passeports russes aux populations russophones vivants à l'étranger. C'est le cas en Crimée pour l'Ukraine, en Transnistrie (région sécessionniste de Moldavie), mais aussi en Abkhazie et en Ossétie du sud (Géorgie), ainsi que, dans une moindre mesure, dans la province estonienne d'Ida Virumaa (nord-est).8(*)

    « Lorsqu'une agression militaire est justifiée par la nécessité de protéger les intérêts des citoyens russes en Géorgie, cela pose de sérieux problèmes aux pays qui ont des résidents possédant la citoyenneté russe ». Urmas Paët, entretien avec Liina Altvee du 7 janvier 2009.

    Récemment, le parlement russe a déposé un projet d'amendement à la loi établissant que la Russie pourrait recourir à la force armée pour protéger ses ressortissants à l'étranger en cas de besoin.

    Cette nouvelle loi serait, du point de vue des Estoniens, le moyen de légitimer l'intervention russe en Géorgie de l'été dernier. Cette intervention militaire contre un Etat souverain, ainsi que l'atteinte manifeste à son intégrité territoriale par le rattachement de facto des républiques d'Abkhazie et d'Ossétie du sud à la fédération de Russie a également suscité l'indignation des élites politiques estoniennes. L'Estonie fut, parmi les premiers pays, à dénoncer l'intervention militaire russe et à appeler à la mobilisation de la communauté internationale en vue de soutenir l'Etat géorgien menacé9(*) et de rappeler le pouvoir russe à ses obligations, dans le cadre notamment des engagements pris par ce dernier en droit international par le simple fait de faire parti de l'ONU et de l'OSCE.

    Les estoniens étaient d'autant plus choqués par cette intervention militaire qu'un certain nombre de résidents sur le sol estonien sont dotés de passeports russes (notamment dans la région d'Ida Virumaa, ou 80% de la population est russophone). Les manifestations d'ingérence russes ayant pour prétexte la sécurité des ressortissants russes à l'étranger et la cause des inquiétudes estoniennes. L'intervention russe en Géorgie aurait pu être susceptible de raviver les tensions entre les deux communautés

    Cependant, malgré des relations bilatérales russo-estoniennes parfois difficile, un certain pragmatisme commence à voir le jour, dans le cadre des relations Union-Européenne Russie.

    2. vers plus de pragmatisme :

    « Il n'y a pas de problèmes dans les rapports russo-estoniens dans les secteurs non politisés, notamment dans les questions qui ne sont pas liées à l'interprétation de l'histoire. » Urmas Paët, ministre estonien des affaires étrangères, Tallinn le 18 juin 2009 pour RIA Novosti

    Depuis que l'Estonie a intégré l'Union Européenne en 2004, elle n'a d'autre choix que d'introduire plus de pragmatisme dans ses relations avec la Russie. L'Estonie est en mesure d'être une zone d'échange et de contacts privilégiée entre l'UE et Moscou, que ce soit au niveau économique, mais aussi par des mouvements de population et au niveau culturel. De par sa situation géographique, l'Estonie est bien consciente qu'elle se doit de tirer profit de cette position d'interface stratégique10(*), si elle parvient à introduire plus de pragmatisme dans ses relations avec Moscou, ce sera au bénéfice de l'UE, mais pourrait également être propice à l'avènement de l'Estonie comme maillon capital des relations « Est-Ouest », synonyme de point de passage obligé des flux de marchandises, de personnes, et de capitaux.

    On relève trois principaux enjeux qui nécessitent une approche pragmatique. Le premier problème a été réglé avec succès, il s'agissait de la délimitation finale de la frontière russo-estonienne, ainsi que la conclusion d'un certain nombre d'accords visant à faciliter les relations économiques entre les deux pays. Le second est l'enjeu énergétique, avec en question le tracé des pipelines et la dépendance énergétique de l'Estonie, le dernier aspect concerne le commerce UE-Russie, c'est-à dire les voies de transit, qu'elles soient maritimes ou terrestres.

    "Nous voudrions que l'on règle des problèmes très concrets comme les taxes douanières sur le bois ou bien sur les procédures pour monter les trains sur des axes compatibles avec les rails russes. Et puis il faudra discuter de sécurité énergétique et développer de notre côté, en Union européenne, une politique commune de l'énergie.", Urmas Paët, en marge de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'UE, le 26 Mai 2008.

    a. L'une des conditions principales pour pouvoir adhérer à l'Union européenne est l'absence de conflit frontalier.11(*) Après 10 ans de négociations, le traité frontalier entre la Russie et l'Estonie a été signé par le président de la République estonienne et ratifié en 2005 par le parlement estonien. Au terme des discussions avec la Russie, l'Estonie a décidé de faire définitivement le deuil des régions de Petseri et des zones situées au nord et au sud de la ville de Narva (5% du territoire estonien). Cependant, une fois le projet approuvé par les Estoniens transmis à la Douma russe, celui-ci n'obtint pas ratification en Russie en raison de l'allusion faite dans le texte au renoncement de l'Estonie à des territoires qui selon le traité de Tartu, leur appartiennent juridiquement. Néanmoins, le consensus a été obtenu de facto et la frontière est définitivement fixée, les postes frontières sont opérationnels et les contrôles sont effectifs. L'Estonie a donc accordée une concession au voisin russe, voulant transmettre un signe de bonne volonté en vue de la normalisation de ses rapports avec la Russie. Cela naturellement dans le but de satisfaire aux exigences de l'UE, mais également afin de pouvoir envisager une intensification relative des rapports politiques et économiques entre Tallinn et Moscou.

    « Pour ce qui est de la possibilité d'une nouvelle rencontre, par exemple, avec le ministre russe des Affaires étrangères, nous avons toujours estimé que parler vaut mieux que garder le silence. Nous sommes toujours prêts à nous rencontrer pour discuter »

    « L'invitation adressée à Sergueï Lavrov est valable depuis plusieurs années. », Déclaration de Urmas Paët devant le parlement estonien le 18 juin 2008

    Egalement, l'Estonie est parvenue à mettre au point conjointement avec la Russie des accords concernant le régime des visas octroyés de part et d'autre de sa frontière. Ces accords interviennent dans le cadre du partenariat UE-Russie, ils visent à simplifier les déplacements d'un pays à l'autre, les citoyens russes peuvent désormais obtenir des visas multiples de longue durée. Les accords sur la réadmission des immigrés clandestins ont également été conclus.

    L'Estonie désire également conclure des accords avec la Russie dans les domaines des taxes douanières pour la bois d'oeuvre, mais aussi pour simplifier les contrôles douaniers aux frontières afin de réduire le nombre de voitures stationnées en file (actuellement environ 200) quotidiennement au poste frontière de Narva, en attente de pouvoir se rendre en Russie. De même des accords pourraient être conclus au niveau des tarifs d'utilisation des chemins de fer russes pour le fret estonien ainsi que sur la protection réciproque des investissements.

    b. Le second domaine nécessitant une approche pragmatique est celui de l'énergie. L'Estonie est dépendante du pétrole russe et depuis la dernière crise du gaz russo-Ukrainienne, et en raison de la fermeture prochaine de la centrale nucléaire lituanienne d'Ignalina imposée par Bruxelles, les Estoniens ont pris conscience de la nécessité de trouver d'autres sources d'approvisionnements12(*). Pour se faire, les Estoniens ont été plaider pour le raccordement de leur pays et des autres Etats baltes au réseau énergétique européen.13(*) Ils ont été entendus par Bruxelles qui a fixée comme l'une de ses priorités le « désenclavement énergétique » des pays baltes. Il y a déjà un câble sous marin qui relie les réseaux électriques finlandais et estonien (Estlink), et le doublement de ce câble est actuellement en projet, la Lituanie compte, elle, se connecter par voie sous-marine au réseau électrique suédois. Au niveau de l'approvisionnement en pétrole, le réseau Sarmatia (Caspienne-Tbilissi-Odessa-Gdansk), encore en construction, devrait approvisionner la raffinerie lituanienne de Mazeikiai, le désenclavement énergétique serait donc achevé.

    Le lancement du programme Nordstream par un consortium germano-russe, visant à construire un pipeline reliant le port russe de Vyborg (frontière finlandaise) et le port allemand de Greifswald (ce double tube doit passer être installé au fond de la Baltique) a déplu aux Estoniens. Ces derniers ont vite fait savoir que pour des raisons environnementales, ce pipeline n'était pas idéal. Le réel problème ici est que le président du conseil de surveillance du consortium est Gerrard Schröder, qui n'est pas très apprécié en Estonie depuis qu'il a exprimé sa désapprobation à propos du déplacement par le gouvernement estonien du soldat de bronze en 2007.

    « Fin mai, Nord Stream avait demandé aux autorités estoniennes la permission d'explorer le fond marin dans la zone économique estonienne en vue de corriger éventuellement l'itinéraire du gazoduc qui doit relier la Russie et l'Allemagne par le fond de la Baltique, mais, fin septembre, les autorités estoniennes ont rejeté la demande de cette société, invoquant les intérêts économiques et ceux de l'Etat. »Ria Novosti, 1 octobre 2007

    De même, les Estoniens perçoivent ce projet bilatéral germano-russe comme une défaite du point de vue de l'ambition qu'ils ont de jouer le rôle d'interface entre l'UE et la Russie. En effet, ce sont certainement les relations houleuses entre l'Estonie et la Russie qui ont fait préférer à Gazprom (actionnaire majoritaire du projet) la voie sous marine à la voie terrestre, ceci également envisagé comme une sorte de petite mesure de rétorsion adressée au gouvernement estonien pour son « indocilité ».

    Le fait que l'UE ne soit pas partie au projet et que les Estoniens n'aient pas été consultés sur le tracé du tube irrite ici l'opinion publique et le gouvernement. De même, la simple perspective de voir une compagnie russe stratégique travailler à quelques encablures de la côte estonienne rappelle des heures sombres et pourrait également être à l'origine du mécontentement:

    « Urmas Paet a décliné la proposition de l'ex-Chancelier qui aurait souhaité le rencontrer. Les autorités estoniennes ont refusé récemment au Nordstream de mener des travaux d'exploration de leur zone maritime pour vice de forme dans la demande. La construction du gazoduc sous-marin pourrait donc prendre du retard, mais Urmas Paet a rappelé que l'ex-Chancelier s'est permis de critiquer le déplacement du Soldat de bronze... » « La balle est donc peut-être bien dans le camp de l'Estonie, qui est en train de signifier à Moscou que, si la Russie souhaite respecter les délais concernant le Nordstream, elle ferait bien de cesser toute action anti-estonienne. » Extrait du journal Kommersant du 7 Mai 2007 et traduit par Céline Bayou sur le site regard-est.com

    Les Estoniens tiennent à améliorer leurs relations avec la Russie afin, également, de ne plus être exclus de ce genre de projet,14(*) qui concerne au delà de l'Allemagne et de la Russie, l'Europe entière.

    c. L'Estonie est dors et déjà le point de passage privilégié pour le transit de marchandises entre l'UE et la Russie. Le tronçon ferroviaire Tallinn-Saint Pétersbourg est le plus chargé du continent européen pour le transport de fret, aussi bien en volume qu'en nombre de convois annuel. On a enregistré une forte croissance des tonnages transportés qui ont progressé de 185 %, soit un quasi-triplement, entre 1994 et 2003, en tonnes-km. Le tonnage moyen est aujourd'hui de 1700 tonnes par train quand il est de 352 tonnes par train de fret à la SNCF. Les marchandises les plus transportées à destination de l'UE sont les produits pétroliers raffinés (70%), les engrais (7%), les céréales (4%) et le charbon (3%). Les trains retournent ensuite à vide en Russie pour un nouveau chargement. Le projet européen nommé « rail Baltica » vise à construire une voie ferrée adaptée à un trafic de plus en plus intense entre Varsovie et Helsinki, passant par les villes de Bialystok, Kaunas, Riga, Tartu et Tallinn, cet axe de transit devrait être achevé en 2015, renforçant le rôle majeur de Tallinn comme intermédiaire dans les exportations et les importations européennes.15(*)

    Les exportations européennes à destination de la Russie se font aujourd'hui majoritairement par voie maritime. Les ports Estoniens de Sillamaë et de Muuga (Tallinn), sont les principales portes d'entrée sur la Russie pour les marchandises mondiales et Européennes.16(*) Sillamaë est le principal point de passage pour les voitures neuves à destination du marché russe, et depuis sa mise en service en 2004, le trafic du port s'accroît exponentiellement. Le port de Muuga, est plus spécialisé dans l'acheminement de denrées alimentaires telles que les céréales, ainsi que dans le transit des métaux de construction.

    Ainsi, le besoin d'une relation pragmatique entre l'Estonie et la Russie se fait plus que jamais sentir, en raison de la croissance de l'interaction économique et commerciale et à la vue de l'important potentiel de croissance pour ces échanges, donc de l'augmentation progressive du rôle stratégique de l'Estonie. En 2007, lors des événements du Soldat de bronze, le transit entre l'Estonie et la Russie avait été fortement ralenti (au niveau maritime et ferroviaire principalement), ces mesures avaient été adoptées par le Kremlin comme une sorte de sanction. Aujourd'hui, Tallinn désire éviter à tout prix que ce genre de problème se répète.

    B. La politique russe de Bruxelles, et son impact sur cette relation :

    1. La difficile mise en place d'un nouvel APC, une UE longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de Moscou ? :

    Jusqu'au récent conflit russo-géorgien, l'Union Européenne s'était toujours montrée relativement discordante dans son dialogue avec Moscou, encore plus depuis l'adhésion de dix nouveaux Etats en 2004. Ce manque d'unité dans le dialogue a toujours été déploré par la Russie alors qu'en coulisse, les dirigeants russes savaient pertinemment que ces divergences de points de vues, de revendications, de positionnement idéologique et politique ainsi que de vision pour l'Europe ne pouvaient jouer qu'en leur faveur lors des rencontres avec les leaders de Bruxelles:

    « L'expérience de la crise du début de l'année 2003 à propos de l'Irak a montré aux dirigeants du Kremlin que l'axe franco-allemand s'était transformé de locomotive de la construction européenne en obstacle majeur de l'entente entre les Européens. Pour la Russie le meilleur moyen de torpiller la cohésion de l'Union Européenne est d'encourager les ambitions franco-allemandes de « noyau dur » européen. » Françoise Thom, professeur à l'université Paris IV

    Les évènements de 2007 à Tallinn sont généralement perçus comme une illustration de la volonté russe de tester la « solidarité européenne » et la consistance de l'union d'une manière générale.

    « La Russie teste activement le comportement de l'UE et de l'OTAN après l'élargissement, et les Etats baltes sont la région où la Russie est le plus à même d'expérimenter les réactions des deux institutions élargies. » Vahur Made, directeur adjoint de l'école estonienne de diplomatie.

    Nous analyserons ici les différentes illustrations de ce manque d'unité face à la Russie en deux temps. Premièrement il s'agira de se pencher sur le cadre juridique régissant les relations russo-européennes, notamment son élaboration et sa mise en place délicate. Ensuite, nous étudierons de quelle façon Moscou tente d'utiliser les divergences intra-européennes, voire parfois de les pérenniser.

    a. Les relations entre l'UE et la Russie sont régies dans le cadre des accords de partenariat et de coopération (APC). Les accords APC ont été signés en 1994 à Corfou, et sont entrés en vigueur en 1997 après les ratifications. L'APC définit en premier lieu un cadre institutionnel et politique. L'affirmation d'un socle de valeurs communes reposant sur la démocratie et le respect des droits de l'homme est inscrite dans le préambule. L'accord institutionnalise ensuite le dialogue politique à plusieurs niveaux :

    - les sommets bi-annuels entre le Président russe et les présidents de la Commission et du Conseil européens donnent les orientations stratégiques.

    - le Conseil permanent de partenariat réunit une fois par an les ministres compétents pour examiner les questions relatives à l'application de l'Accord ainsi que les sujets d'intérêt commun.

    - les hauts fonctionnaires se rencontrent en fonction des besoins au sein de neuf comités de coopération thématiques.

    - une commission parlementaire mixte associant des représentants du Parlement européen et de la Douma russe.

    Les accords APC avaient été conclu pour dix ans à partir de leur date d'entrée en vigueur, ainsi en 2007 leur validité devait expirer, néanmoins les décideurs politiques ont décidé de prolonger la validité de ces accords jusqu'à ce qu'un nouveau cadre soit trouvé. Ces accords sont désormais obsolètes au regard de l'état du processus d'intégration politique et économique de l'UE, qui ne peut que modifier les rapports entre cette dernière et la Russie. Dans le cadre de ces accords, l'UE et la Russie ont adopté, non sans difficultés, au sommet UE-Russie de Saint-Pétersbourg en 2003 une déclaration conjointe visant à mettre en place quatre « espaces communs » de coopération. Les feuilles de route pour la mise en place de ces espaces communs ont été adoptées lors du sommet UE-Russie de Moscou en 2005. Ces espaces sont : l'espace économique européen commun, l'espace de liberté, de sécurité et de justice, l'espace de sécurité extérieure, et l'espace pour la recherche, l'éducation et la culture.

    Un autre thème de négociations entre l'UE et la Russie concerne le secteur de la sécurité énergétique, à laquelle Bruxelles accorde aujourd'hui un intérêt tout particulier. La charte de l'énergie qui fut signée en 1994 par 51 pays (Europe et ex-URSS), est aujourd'hui rejetée par Moscou qui ne l'a d'ailleurs pas ratifiée. Le Kremlin désirerait établir avec l'UE un accord moins contraignant et moins détaillé qui ne soit pas inclut dans le cadre des accords APC17(*). Ceci constitue un point d'achoppement dans les relations entre Bruxelles et Moscou :

    « Dans les PECO les compagnies géantes russes acquièrent systématiquement les raffineries, les réseaux de distribution, les oléoducs, les infrastructures portuaires. Dans ce contexte on comprend pourquoi la Russie refuse opiniâtrement de considérer tous les déplacements d'hydrocarbures au sein de l'UE comme un transport interne, et non comme un transit, ce que demande l'UE : ceci la priverait d'un important instrument de pression sur les PECO qui lui sont liés par des accords bilatéraux. C'est là une des raisons pour lesquelles la Russie refuse de ratifier la Charte européenne de l'Energie. » www.diploweb.com, la Russie, la France et l'Europe, par Françoise Thom, professeur à l'univèrsité Paris IV (avril 2005).

    La fixation d'un nouveau cadre juridique régissant les relations UE-Russie prend et prendra certainement encore du temps. Les nouveaux membres de l'UE ont désormais une capacité de blocage des négociations. A l'occasion du récent conflit géorgien, l'Estonie avait émis l'hypothèse d'une annulation du sommet UE-Russie de Nice qui s'est tenu en novembre 2008, mais finalement, tout en appelant l'UE à la fermeté, elle n'a pas fait obstruction au dialogue:

    «Negotiations do not in any way validate Russia's behaviour towards Georgia or reflect the values and principles of the EU» (...)«The European Union must give Russia a clear message at the summit--that the attack on Georgia has left a deep mark on the trust necessary for an EU-Russia partnership agreement, and that all the points of the Russia-Georgia cease-fire agreement must be fulfilled» Urmas Paët, ministre estonien des affaires étrangères, le 10 novembre 2008 dans le cadre du GAERC (European Union General Affairs and External Relations Council).

    La Pologne, en raison d'un embargo russe sur ses exportations de viande décrété en 2005, avait bloqué par son veto l'ouverture prévue des négociations ayant pour but d'établir le cadre d'un nouvel APC lors du sommet UE-Russie de novembre 2006 à Helsinki en guise de représailles envers la Russie.

    L'établissement d'un nouvel accord-cadre sur les relations entre l'UE et la Russie est dans l'intérêt des deux parties. L'interdépendance économique entre les deux pays s'intensifie, la Russie héberge beaucoup d'investissements européens et l'Europe est le premier client de la Russie (hydrocarbures). Ainsi, même si la Russie est un négociateur coriace, elle sait qu'il est dans son intérêt d'obtenir un accord cadre actualisé pour ses relations avec l'Europe et qu'elle devra certainement, à un moment donné, faire des concessions. Cependant, Moscou peut aussi considérer que tant que l'APC ne sera pas renouvelé, il conserve toute latitude pour favoriser le dialogue bilatéral avec les puissances d'Europe de l'ouest à défaut d'intensifier ce dernier avec Bruxelles18(*).

    b. Entre les « vieux pays européens » et les dix nouveaux membres, le clivage est net lorsque l'on examine le discours que tient Bruxelles au pouvoir russe lors des sommets UE-Russie. L'UE se doit de faire valoir l'intérêt de tous ses membres, et de concilier au mieux toutes les sensibilités de l'Union, ce qui rend difficile l'élaboration d'un dialogue efficace et cohérent. La France, par exemple, a toujours eu des relations amicales avec la Russie, déjà du temps de la Russie impériale. Lors de la première guerre mondiale, la France et la Russie étaient alliées. L'amitié franco-russe ne fut jamais démentie depuis, la coopération culturelle a toujours été très active et l'image de la France en Russie est encore aujourd'hui très positive. Ainsi Paris a toujours choisi de « ménager » Moscou. L'Allemagne et la Russie ont également de très bons rapports, surtout du point de vue économique ainsi qu'au niveau de la coopération technologique et industrielle , c'est le même cas de figure pour le Royaume-Uni, bien que le tableau se soit un peu obscurci depuis l'affaire Litvinienko. Au niveau des pays de l'Europe centrale et orientale, la perception de la Russie, autant par les politiques que par les citoyens est très différente.

    Les pays baltes par exemple, mais aussi la Pologne, sont partisans d'une ligne plus intransigeante à l'égard de la Russie, et n'hésitent pas à le faire savoir et à le montrer à Bruxelles dès qu'ils en ont l'occasion. Une illustration du contexte délicat dans lequel s'inscrivent les relations de ces pays avec Moscou est par exemple l'atlantisme revendiqué des Baltes ainsi que la limitation des capitaux russes dans les infrastructures énergétiques situées sur leur territoire, ainsi que l'empressement qu'ils montrèrent à rejoindre l'OTAN. On peut considérer aussi la politique des frères Kazsynski en Pologne, avec notamment les lois sur la recherche et l'arrestation d'anciens proches du régime communiste qui se cacheraient dans les administrations, et l'acceptation enthousiaste et sans conditions du projet américain de déploiement d'un bouclier anti-missiles sur leur territoire19(*). Paradoxalement, un autre pays d'Europe centrale, la Bulgarie, a traditionnellement de très bonnes relations avec Moscou qui la considère comme un allié naturel. Ainsi la perception de la Russie et l'état des relations avec cette dernière diverge entre Europe orientale et occidentale, mais également au sein d'une même région.

    Néanmoins, l'Europe doit fonctionner, dans sa prise de décisions, sur la base de l'unanimité. Et c'est aussi ce point qui rend la progression et l'évolution des rapports et des accords UE-Russie longue et difficile :

    « Dans sa politique à l'égard de la Russie, l'Union européenne est souvent apparue divisée et hésitante. Depuis le début des années 1990, la plupart des Etats membres ont d'abord défendu leurs propres intérêts vis-à-vis de Moscou, que ceux-ci se fondent sur des liens et une histoire spécifiques avec la Russie, sur des motivations économiques ou politiques. Plus récemment, le conflit en Tchétchénie, la situation politique interne de la Russie, le partenariat énergétique avec Moscou, le projet de bouclier anti-missile américain ou les négociations pour un nouvel accord UE-Russie ont été autant de sujets sur lesquels les Etats membres de l'Union ont adopté des positions différentes, voire divergentes. » regard-est.com Extrait d'un entretien avec Michel Foucher, le 15 mai 2007.

    On peut considérer l'affaire du gazoduc Nordstream comme l'illustration de la bilatéralisation par Moscou de ses rapports avec l'Europe.20(*) La mise en place commune de ce projet de gazoduc entre la Russie et l'Allemagne est l'exemple type de la politique de Moscou qui a été, et reste encore, d'influencer les dirigeants des pays de la « vieille Europe », afin de palier à l'absence de relations optimales avec certains pays de l'ancien bloc Soviétique, et de tenter d'obtenir une oreille conciliante à Bruxelles :

    « Moscou n'est pas habituée à dialoguer avec Bruxelles, mais plutôt avec les grandes capitales que sont Londres, Berlin et Paris. » Philippe Perchoc, le 20 mai 2007, www.nouvelle-europe.eu

    On constate que le trajet du gazoduc sous marin évite soigneusement les territoires des pays baltes et de la Pologne, pays qui se sont montrés depuis leur accession à l'UE, peu amènes à l'égard de Moscou. Les bons rapports entre l'Allemagne et la Russie se sont également révélés peu après la guerre de Géorgie, lorsque Angela Merkel, soucieuse de ménager Moscou, s'est déclarée opposée, à ce stade, à l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN:

    « La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé jeudi en Russie que l'intégrité territoriale de la Géorgie n'était pas "négociable" mais jugé prématuré un rapprochement dès décembre entre cette ex-république soviétique et l'Otan. » (...) « L'octroi du MAP (Plan d'action en vue de l'adhésion) à ces deux pays, qui leur donnerait de facto le statut de candidat officiel à l'Otan, reste prématuré, a-t-elle ainsi jugé. » Agence France presse, le 11 octobre 2008.

    Toutes ces divisions au sein de l'Europe lorsqu'il s'agit de discuter et de négocier avec Moscou, ont longtemps été exploitées par le Kremlin qui y trouvait une justification pour la poursuite de relations bilatérales intenses et ouvertes avec certains pays, sur des sujets comme l'énergie ou la sécurité, lorsque, avec Bruxelles, ces mêmes sujets représentaient des thèmes épineux engendrant d'âpres et laborieuses négociations en raison du nouveau poids de certains pays d'Europe centrale et orientale dans la négociation. Ce qu'a d'ailleurs dénoncé Vladimir Poutine, à l'issue du sommet Russie-UE de Samara de 2007, considérant les difficultés à faire évoluer le débat en vue de l'adoption d'un nouveau cadre juridique pour les relations UE-Russie :

    "Il s'agit en règle générale de problèmes qui plongent leurs racines dans l'égoïsme économique d'un seul, de deux ou de trois pays européens".

    Ce manque d'unité de l'UE dans son dialogue et dans ses rapports avec la Russie est donc favorable à Moscou dans la mesure ou ce dernier peut faire d'une pierre deux coups en l'utilisant comme prétexte pour justifier la lenteur de l'évolution des négociations en vue d'un nouvel accord régissant les relations UE-Russie, et en entretenant les divisions à son sujet en intensifiant le dialogue et la coopération bilatérale avec certains pays de l'Union (notamment l'Allemagne et la France) considérés comme les moteurs de l'intégration européenne, tout en dénonçant l'attitude de certains pays à son égard (pays baltes, Pologne). La Russie intensifie son dialogue avec les grandes puissances de l'Union, ce qui lui permettrait de court-circuiter Bruxelles lors du dialogue avec les Européens21(*).

    « la tactique russe est simple : faire appel aux Etats dès que Moscou veut faire aboutir une question qui lui tient à coeur. Ce fut le cas pour le transit vers Kaliningrad où la Russie s'assura l'appui de la France et fit plier l'Union Européenne qui dut abandonner son exigence de visa pour les Russes circulant entre Kaliningrad et la Russie (accord du 11 novembre 2002), laissant la Lituanie négocier seule la difficile question du transit militaire russe à travers son territoire. La même tactique est employée aujourd'hui pour arracher à l'Union Européenne l'abandon du régime des visas avec la Russie : la France et l'Italie ont déjà déféré aux demandes du Kremlin. Forte de ces précédents l'administration Poutine est en train de se demander comment créer un mécanisme de négociation avec l'UE court-circuitant Bruxelles. » www.diploweb.com, la Russie, la France et l'Europe, par Françoise Thom, professeur à l'université Paris IV (avril 2005)

    Ainsi, la crédibilité de L'UE en tant qu'interlocuteur privilégié pour Moscou dans ses relations avec l'Europe dépendra du degré d'unité que cette dernière affichera sur les grands dossiers du partenariat russo-européen, et de la détermination des dirigeants d'Europe de l'ouest à annoncer au pouvoir russe qu'il doit désormais se tourner plus vers Bruxelles que vers eux-même.

    Cependant, depuis les évènements de Tallinn en 2007, l'UE a entrepris d'afficher une certaine unité face à la Russie et tâche de s'en donner les moyens. On constate peu à peu l'affirmation du principe de « solidarité européenne ». Cette progression vers l'unité changera certainement la nature des rapports UE-Russie en introduisant plus de fermeté dans le dialogue à l'égard de Moscou, notamment à la vue des évènements récents dans l'ancienne « sphère d'influence » de la Russie.

    2. Vers l'unité de l'Union Européenne, une dimension géopolitique face à la Russie :

    On assiste peu à peu à l'apparition d'une UE unanime dans son dialogue avec Moscou. Il aura fallu pour cela un certain nombre de crises, et même un conflit militaire l'été dernier pour que les dirigeants européens, même les plus favorables à Moscou, comprennent qu'il était impératif d'opposer un front uni aux aspirations russes visant à restaurer leur traditionnelle « sphère d'influence ». Ainsi nous verrons dans un premier temps les grandes étapes pour l'apparition de cette nouvelle unité européenne, et ensuite nous examinerons la nouvelle dimension « géopolitique » de l'Union Européenne qui voudrait transparaître à travers un certain nombre de projets et d'orientations politiques.

    a. L'UE a, ces dernières années, évolué vers un positionnement et un discours plus concordant à l'égard de la Russie, et ceci à l'occasion de certains évènements. Premièrement, lors des événements de 2007, l'UE a su faire front uni pour condamner le comportement de Moscou et prouver l'existence du fameux principe de solidarité européenne. Ainsi, lors du sommet UE-Russie de Samara du 18 mai 2007, Jose Manuel Barosso a tenu à l'affirmer à l'attention des dirigeants russes :

    « Une difficulté pour un Etat membre est une difficulté pour tous les membres de l'Union européenne. Nous sommes une Union fondée sur des principes de solidarité. Un problème estonien est aussi un problème européen ».

    Egalement, le fait qu'en cette même période le mouvement nationaliste russe, pro-kremlin, « nashi » (les nôtres), manifeste non seulement devant l'ambassade d'Estonie à Moscou, mais également devant la délégation de la Commission européenne, équivaut à reconnaître l'UE comme un acteur légitime dans le différend russo-estonien. Le différend russo-estonien a pris une dimension européenne. Les événements de 2007, étaient, comme dit précédemment, un « test » de la solidité et de la cohérence européenne, effectué grandeur nature par Moscou. Les responsables de l'UE semblent l'avoir compris et ont agis en conséquence, en dénonçant unanimement l'attitude du Kremlin dans ce différend, et en garantissant à l'état estonien le soutient indéfectible de l'Union. Cependant l'UE a décidé de ne pas interrompre les discussions avec la Russie, estimant que ce serait contre productif , mettant une nouvelle fois en avant sa tradition de dialogue. Malgré tout, après ces évènements, l'UE a commandé un audit des relations UE-Russie à l'ECFR (european council on foreign relations). Cet audit a été rendu public le 2 novembre 2007, voici un extrait de la conclusion, située en fin de document :

    « the EU has the resources and levers to exercise serious influence over Russia. The biggest challenge will be to strengthen the key point of leverage which Europeans could exercise over Russia: their unity. » Par Mark Leonard et Nicu Popescu.

    Après les évènements de Tallinn de 2007, le conflit géorgien de l'été dernier fut une occasion supplémentaire pour l'UE de manifester une certaine unité face à la Russie22(*). Tous les membres de l'UE ont condamné unanimement l'agression militaire russe, et c'est grâce à l'unanimité de tous les membres que Nicolas Sarkozy a été en mesure d'aller négocier la paix en faisant s'asseoir à la même table Mikhaïl Saakhachviili et Dmitri Medvedev. Nicolas Sarkozy a loué la démonstration d'unité de l'UE lors de son discours devant le parlement européen à Strasbourg le 16 décembre 2008 :

    « Finalement, la guerre fut évitée. Le retrait fut engagé et par-dessus tout, et hommage en soit rendu à tous les pays membres de l'Union, l'Europe est restée unie. »

    Cette intervention de la diplomatie européenne, la première du genre, aux portes de l'Union, témoignent de l'importance de maintenir un voisinage stable et pacifié, mais également d'une volonté européenne de prendre désormais des responsabilités dans le règlement des problèmes dans son voisinage direct, et de donner, ainsi, une raison d'être à la PESD et l'espoir d'une politique étrangère commune à court ou moyen terme.

    Le Monde du 7 août 2009 titre un de ses articles « l'Europe stratégique est née en Géorgie »

    En voici un extrait :

    « il est significatif pour l'avenir de l'Union européenne que celle-ci ait pu démontrer une véritable capacité d'action en cas de crise engageant la paix et la sécurité en Europe, dès lors qu'une impulsion politique était au rendez-vous. Une démonstration d'autant plus utile que les dossiers ne manquent pas qui engagent la stabilité territoriale ou la sécurité énergétique de notre continent. »

    Août 2008 fut certainement un tournant. Une nouvelle tendance se dessine, celle d'une Union Européenne acteur majeur sur la scène internationale. L'Europe ne doit plus seulement être économique et juridique, elle doit être une puissance diplomatique et politique, et l'intégration croissante de l'Union va dans ce sens. La ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais le 2 octobre 2009 confirmerait la voie dans laquelle a choisie de s'engager l'Union.

    « Un premier rendez-vous crucial nous attend avec la ratification du traité de Lisbonne. Il faut souhaiter une entrée en vigueur rapide du traité pour que l'Union européenne dispose enfin, grâce aux innovations qu'il contient (président du Conseil européen, Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Service européen pour l'action extérieure), d'une véritable politique étrangère qui lui permette d'agir et non de subir. » Le Monde du 7 août 2009

    b. La nouvelle vision « géopolitique » de l'Europe tend à s'affirmer à travers plusieurs projets. Parmi ces projets on considèrera ici le partenariat oriental,23(*) et l'implication de ce projet pour la politique étrangère estonienne.

    Le partenariat oriental tend à illustrer une certaine volonté d'homogénéisation du voisinage direct de l'Union Européenne (ce partenariat s'inscrit dans le cadre plus large de la « politique européenne de voisinage »). Cette homogénéité se doit d'être tout d'abord économique et démocratique, telle est l'ambition du partenariat oriental de l'UE. Le partenariat oriental a été lancé le 7 mai 2009 à Prague. L'UE désire un voisinage stable politiquement, mais aussi ouvert économiquement. C'est dans ce but qu'a été établi ce partenariat. Les six pays concernés sont : la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

    « Le but du partenariat oriental n'est pas d'offrir une perspective d'adhésion à l'Union européenne, mais de proposer des projets concrets pour assurer une intégration graduelle des six pays concernés à l'économie, à la législation et aux politiques européennes. » www.rfi.fr , le 6 mai 2009

    Cependant, ce partenariat qui s'est dessiné après le conflit du gaz russo-ukrainien et le conflit militaire de l'été dernier en Géorgie a certainement d'autres objectifs. Le fait d'associer des pays comme l'Ukraine et les républiques du Caucase à ce partenariat laisse penser que l'UE désirerait sécuriser les voies de transit des hydrocarbures a destination de l'Union afin d'éviter, par exemple, de nouvelles ruptures d'approvisionnement.24(*)

    La Russie a, dès le début des discussions liées à la genèse du projet, perçu ce dernier comme une volonté européenne d'immixtion dans sa traditionnelle « sphère d'influence », ce que l'Europe a démenti en expliquant que ce partenariat oriental visant à rapprocher ces six pays de l'UE, rapprocherait par le fait également la Russie, et faciliterait donc la coopération et les échanges avec cette dernière, néanmoins, Moscou reste sceptique et a tendance à percevoir la manoeuvre comme une alliance contre les intérêts russes. Ainsi, Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue « la Russie dans la politique globale » fait le constat suivant :

    « La lutte pour les pays voisins de la Russie et de l'Union européenne, jusqu'ici latente, est désormais devenue manifeste.(...) La nécessité d'entraîner ces Etats périphériques dans la sphère d'influence de l'UE (pour des raisons énergétiques en premier lieu) l'a emporté sur les scrupules des partisans des valeurs européennes. Minsk en constitue l'exemple le plus éclatant. » Ria Novosti 8 mai 2009

    Vladimir Tchijov, le délégué permanent russe auprès de l'UE va même plus loin et cherche à dénoncer, d'une certaine façon, ce partenariat :

    « Il importe aussi que cette initiative ne place aucun pays devant un dilemme artificiel: soit regarder vers l'avant et se projeter dans un avenir radieux aux côtés de l'UE, soit se tourner vers un passé ténébreux avec la Russie. Malheureusement, les signes de cet état d'esprit sont apparus dès la formation du Partenariat oriental. » Ria Novosti 18 mai 2009

    La dimension géopolitique de l'Union Européenne tendrait donc à s'affirmer par le biais de ce partenariat oriental, Mais le partenariat oriental est également un moyen pour certains « petits pays » européens tels que l'Estonie, de développer une politique étrangère ciblée sur certains Etats proches.

    « La PEV donne à l'Estonie une chance de participer à la politique de puissance régionale. Dans ce cadre, l'Estonie peut développer une approche messianique de la politique étrangère, devenant un exemple de réformes, de transition, d'occidentalisation et d'intégration pour l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Le message de l'Estonie est clair : « Suivez notre exemple et tôt ou tard vous deviendrez un état membre de l'UE et de l'OTAN ».  www.cairn.info, n°61, janvier 2006 (les pays baltes), par Vahur Made, directeur adjoint de l'école estonienne de diplomatie.

    La PEV laisse toute liberté d'action aux pays situés à l'extrémité Est de l'UE de mettre en place leur propre politique étrangère au sein d'un cadre juridique pré-établi. Ainsi, l'aide au développement et la coopération économique ou politique ne sont plus juste des politiques de soutien, mais elles permettent d'exercer une certaine influence sur les dirigeants des pays concernés et ainsi de les rapprocher de l'UE, donc implicitement, de les éloigner de Moscou.

    Il faut savoir que la Géorgie est la priorité de la politique étrangère estonienne. L'Estonie soutient ardemment l'adhésion rapide et inconditionnelle de la Géorgie à l'OTAN. Au moment de la guerre en 2008, Tallinn a envoyé en Géorgie deux experts en cyber-défense, ainsi qu'une équipe de démineurs. La Géorgie est le premier bénéficiaire de l'aide bilatéral estonienne, qu'elle soit financière, logistique ou humanitaire.

    « It is our duty to continue giving support and assistance to Ukraine and Georgia ». Extrait de l'allocution du ministre estonien des affaires étrangères M.Urmas Paët devant le parlement le 26 février 2009, dans le cadre de la « vue générale de la politique étrangère estonienne. »

    CONCLUSION:

    A l'issue de cette étude, il apparaît que, dans ce processus d'évolution des rapports UE-Russie, les nouveaux états membres, à l'instar de l'Estonie, ont un rôle à jouer, et comptent bien saisir cette opportunité pour mettre en oeuvre, par le biais des actions et des développements de l'UE, leur propre politique étrangère. l'Union européenne devient peu à peu un ensemble cohérent et elle tend vers une certaine homogénéité au niveau de sa politique étrangère. Elle est alors en mesure d'opposer un front relativement uni à la diplomatie russe sur un certain nombre de sujets, d'autant plus que les intérêts des nouveaux états membres entrants dorénavant en ligne de compte, Moscou va être forcé de revoir son approche de l'UE, et sa politique à son égard.

    Ces développements, ne peuvent qu'être bénéfiques à l'Estonie qui à désormais la possibilité de faire valoir peu ou prou sa vision de cette relation, sachant qu'elle a des intérêts tout particuliers dans le développement positif des relations Moscou-Bruxelles, et qu'elle pourrait ainsi se placer en partenaire indispensable pour tout ce qui concerne les échanges et la coopération russo-européenne sous toutes ses formes. Si le traité de Lisbonne entre en vigueur à l'issue d'un vote positif des Irlandais le 2 octobre prochain, l'apparition d'une véritable diplomatie européenne au sein d'un ensemble uni politiquement, conforterait l'émergence d'une UE qui serait désormais un ensemble géopolitique conscient.

    l'Estonie, de part sa situation géographique, serait indubitablement une pièce maîtresse de ce nouvel ensemble. L'Europe une fois unie, on pourrait observer un assainissement des relations entre l'Estonie et la Russie, cette dernière prenant conscience que l'Estonie ne peut définitivement plus être considérée comme une « marche de l'empire », en tout état de cause, le développement d'une politique étrangère commune simplifierait les rapports de tous les pays de l'UE avec la Russie.

    Les relations russo-estoniennes devraient s'orienter vers plus de pragmatisme au fur et à mesure des années, les considérations économiques l'emportant sur des querelles liées à l'interprétation de l'histoire. L'UE sera certainement l'élément vecteur de ce pragmatisme, et l'Estonie, dans le cadre des relations russo-européennes basées sur le dialogue et la coopération, adoptera peut-être une attitude plus confiante et plus ouverte à l'égard de Moscou.

    Dans ce schéma demeure néanmoins une inconnue, il s'agit du comportement de Moscou dans sa périphérie au cours des années à venir, mais également des moyens que la Russie est prête à mettre en oeuvre pour contrer l'émergence d'une Europe unie, et géopolitiquement consciente, à ses frontières.

    Ce thème des relations russo-estoniennes est un thème relativement récurrent, autant chez les universitaires estoniens, qu'au niveau de la classe politique et de l'opinion publique estonienne et balte. Mon activité au sein de la chancellerie politique m'a permis d'avoir un éclairage professionnel sur ce sujet, en tenant à l'écart les considérations patriotiques ou chauvines susceptibles de biaiser l'analyse de cette problématique. Ainsi, en abordant le sujet de manière dépassionnée, j'ai été à même de percevoir tous les enjeux liés à l'amélioration future des relations russo-estoniennes, ainsi que les enjeux liés à l'émergence d'une Union Européenne forte car cohérente. L'étude d'une telle problématique au sein de la chancellerie politique permet non seulement de bénéficier d'une certaine expertise tout au long de l'exercice et de conseils en cas de difficulté, mais également d'adopter une méthode « professionnelle » en ce qui concerne la recherche, le traitement, puis la publication de données.

    ANNEXES:

    Annexe n°1. Carte administrative de l'Estonie. On distingue en pointillés, à l'Est, les frontières de la première république d'Estonie:

    Les minorités Russes se concentrent dans la région d'Ida Virumaa (nord-est), où elles représentent environ 80% de la population de la région, et à Tallinn (40% de la population de la capitale).

    Annexe n°2. Carte des pays baltes. Du temps de l'empire Russe et ensuite de l'URSS, ces pays constituaient la façade maritime, et l'interface de la Russie sur la mer Baltique et l'Europe.

    Annexe n°3. Carte de l'OTAN après l'élargissement de 2004. Par l'adhésion des pays baltes, l'OTAN possède désormais une frontière commune avec la fédération de Russie.

    Annexe n°4. Localisation des minorités russes hors de Russie. On remarque le cas de la Crimée en Ukraine, de la Transdniestrie en Moldavie, de l'Abkhazie et de l'Ossétie du sud en Géorgie.

    Annexe n°5. Le projet « Rail Baltica », reliant Varsovie à Helsinki, facilitera également le transit ferroviaire entre l'UE et la Russie.

    Annexe n°6. Les pays baltes et leur taux de dépendance énergétique, les connexions aux réseaux énergétiques européens.

     
     
     

    Annexe 7. Le projet de gazoduc NordStream, exemple de bilatéralisation des relations de la Russie avec les pays européens.

    Annexe n°8. Le partenariat oriental de l'UE. Immixtion dans la traditionnelle sphère d'influence russe?

    En rouge: Biélorussie, Ukraine, Moldavie. De gauche à droite dans le Caucase: Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan.

    BIBLIOGRAPHIE:

    Cette bibliographie est établie par parties:

    Présentation du stage - Relations France-Estonie - Sous la première république Estonienne

    -Site de l'Ambassade d'Estonie en France

    -www.france-estonie.org

    -Site de l'Ambassade de France en Estonie

    Présentation du stage - Relations France-Estonie - La restauration de l'indépendance

    -Site de l'Ambassade d'Estonie en France

    -Site de l'Ambassade de France en Estonie

    Présentation du stage - L'Ambassade de France à Tallinn - Organisation fonctionelle

    -Personnel de l'Ambassade:

    M Charpin, M Duclos, Mme Roos, Mlle Vermillard

    -Site de l'Ambassade de France en Estonie

    Sujet d'étude - Complexité des relations russo-estoniennes - Les causes

    -www.larousse.fr

    -lefigaro.fr

    -www.regard-est.com

    -Identity and foreign policy, Baltic - Russian relations and European Integration (de Eiki Berg et Piret Ehin) edition Ashgate 2009, université de Tartu.

    -www.cairn.info

    Sujet d'étude - Complexité des relations russo-estoniennes - Vers plus de pragmatisme

    -www.nouvelle-europe.eu

    -www.monde-diplomatique.fr

    -ria novosti

    -www.eurotopics.net

    -Identity and foreign policy, Baltic - Russian relations and European Integration (de Eiki Berg et Piret Ehin) edition Ashgate 2009, université de Tartu.

    -www.baltictimes.com

    -www.baltic-course.com

    Sujet d'étude - La politique russe de Bruxelles, et son impact sur cette relation - La difficile mise en place d'un nouvel APC, une UE longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de Moscou ?

    -www.europa.eu

    -www.ladocumentationfrançaise.fr

    -www.colisee.org

    -www.touteleurope.fr

    -www.cairn.fr

    -www.diploweb.com

    Sujet d'étude - La politique russe de Bruxelles, et son impact sur cette relation - Vers l'unité de l'Union Européenne, une dimension géopolitique face à la Russie :

    -ec.europa.eu

    -www.nouvelle-europe.eu

    -www.eu2009.cz

    -www.alliancegeostrategique.org

    -www.ceuropeens.org

    Annexes:

    n°1 - estonica.org

    n°2 - lib.utexas.edu

    n°3 - ladocumentationfrançaise.fr

    n°4 - wikipedia.com

    n°5 - regard-est.com

    n°6 - www.missioneco.org

    n°7 - europeorient.wordpress.com

    n°8 - ec.europa.eu

    REMERCIEMENTS :

    Je tiens à remercier tous les membres de l'Ambassade de France en Estonie, tout particulièrement ma maître de stage, Mme Hélène Roos, pour ses conseils avisés et pour avoir sacrifié beaucoup de son temps afin de m'encadrer et de m'orienter de la meilleure des façons dans mon activité au quotidien.

    Je tiens à remercier chaque service pour l'amabilité et l'enthousiasme avec lesquels ils m'ont fourni toutes les informations dont j'ai eu besoin tout au long de mon activité au sein de l'ambassade, et au moment de la rédaction de mon rapport de stage. La sympathie et l'accessibilité de toutes les personnes au sein de l'Ambassade m'ont permis de m'intégrer rapidement à la structure et de m'y sentir très à l'aise.

    Je tiens à remercier spécialement le personnel du service de presse (Mme Maljukoff et Mme Zorina) avec qui j'ai beaucoup travaillé, pour leur accueil chaleureux et leur gentillesse. Et également ma collègue de bureau, Mlle Vermillard pour sa bonne humeur et sa sympathie.

    Naturellement je remercie aussi tout le personnel enseignant de l'ILERI, sans qui je n'aurais jamais eu les connaissances nécessaires pour tirer profit de ce stage.

    J'ai également une pensée affectueuse pour toutes les personnes que j'ai rencontrées en Estonie, leur ouverture d'esprit et leur sympathie sobre mais sincère m'ont permis de découvrir un pays magnifique ainsi qu'une culture moderne et intéressante, et des personnes attachantes.

    * 1 Voir annexe n° 1

    * 2 Interdiction de l'hymne, du drapeau, des manifestations culturelles, et dévalorisation de la langue estonienne.

    * 3 Se manifeste à travers des ingérences dans l' « étranger proche » (Ukraine, Estonie, Géorgie)

    * 4 Voir annexe n°2

    * 5 Voir annexe n°3

    * 6 Théories géopolitiques: la Russie est une puissance continentale.

    * 7 Manifestation du principe de « solidarité européenne »

    * 8 Annexe n°4

    * 9 La Géorgie est une priorité de la politique étrangère estonienne

    * 10 Annexe n°3

    * 11 Annexe n°1

    * 12 La possibilité de construire une centrale nucléaire de type EPR avait été évoquée, mais le projet ne sera certainement pas retenu.

    * 13 Annexe n°6

    * 14 Le manque à gagner pour l'Etat estonien est considérable

    * 15 Annexe n°5

    * 16 Voir sur carte en annexe n°1

    * 17 Ceci afin de conserver un certain « pouvoir de nuisance », lié à la possibilité de fermer les vannes à n'importe quel moment

    * 18 Ce paramètre complique considérablement la tâche des négociateurs européens

    * 19 Les pays d'Europe occidentale avaient à ce moment désapprouvé le projet de bouclier anti-missiles Américain

    * 20 Annexe n°7

    * 21 En sapant la crédibilité et la visibilité de l'UE au niveau international

    * 22 Et également de s'affirmer comme un acteur majeur sur la scène internationale

    * 23 Annexe n°8

    * 24 Cette ambition aurait peu de chance de se concrétiser étant donné que le Russie n'a pas ratifiée la charte européenne de l'energie






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus