Jean - François Vasseur ILERI 2ème
année
CHANCELLERIE POLITIQUE DE L'AMBASSADE DE FRANCE EN ESTONIE
Etude des relations russo-estoniennes depuis Tallinn.
SOMMAIRE :
Résumé - page 4
Synthèse - page 5
Contexte - page 5
Problématique - page 6
Introduction - page 8
I- Présentation du stage - page 9
A- Relations France -Estonie - page 9
1- Sous la première République estonienne
- page 9
a - Une coopération culturelle initiée par des
artistes et des intellectuels - page 9
b - Une coopération très tôt
institutionnalisée - page 10
2 - La restauration de l'indépendance - page
10
a - Les raisons d'une représentation française en
Estonie - page 10
b - Les différents secteurs de la coopération -
page 11
c - Les principaux traités conclus entre la France et
l'Estonie - page 13
B - L'Ambassade de France à Tallinn - page
13
1 - Organisation fonctionnelle - page 13
a - La chancellerie politique - page 13
b - Le service de presse - page 14
c - Le service consulaire - page 14
d - Le service de coopération et d'action culturelle -
page 15
e - Le service de coopération technique internationale
de police en Estonie - page 15
f - La mission économique - page 16
g - On peut ajouter à cela - page 16
h - Autres membres de l'Ambassade résidant hors
d'Estonie - page 16
2 - Le travail en chancellerie politique - page
17
a - La chancellerie politique - page 17
b - Période d'adaptation - page 18
c - Rôle et missions au sein de la chancellerie - page
18
d - Un certain aguerrissement - page 19
e - Le choix du sujet - page 20
II - Sujet d'étude : L'intégration
croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne va t-elle transformer la
nature des relations russo -estoniennes, et si oui, de quelle manière? -
page 20
A - Complexité des relations russo -estoniennes
- page 20
1 - Les causes - page 20
2 - Vers plus de pragmatisme - page 26
B - La politique russe de Bruxelles, et son impact sur
cette relation - page 30
1 - La difficile mise en place d'un nouvel APC, une UE
longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de Moscou? - page
30
2 - Vers l'unité de l'Union Européenne,
une dimension géopolitique face à la Russie - page
36
Conclusion - page 40
Annexes - page 42
Bibliographie - page 46
Remerciements - page 48
RESUME :
J'ai effectué mon stage au sein de la chancellerie
politique de l'Ambassade de France en Estonie. J'étais rattaché
à la première conseillère de l'Ambassadeur, ma
maître de stage, Mme Hélène Roos. Ma fonction était
celle d'appui à la chancellerie, j'ai effectué des missions de
veille et d'analyse politique, j'ai accompagné ma maître de stage
à plusieurs entretiens. J'ai aussi contribué à la revue de
presse et j'ai participé à la remise à jour du site
internet de l'Ambassade. Ce stage m'a permis d'observer de l'intérieur
le fonctionnement d'une Ambassade française et de participer activement
aux actions de la structure. J'ai eu l'occasion de développer mon esprit
d'analyse et de synthèse. Ce stage a conforté mon projet
professionnel qui est de travailler dans la diplomatie ou dans le
renseignement.
SYNTHESE :
Contexte :
J'ai effectué mon stage au sein de la chancellerie
politique de l'Ambassade de France à Tallinn, en Estonie. J'y ai
effectué des comptes rendus d'entretiens, de nombreux travaux de
recherche et de synthétisation de données, mais j'ai
également participé à la revue de presse, et j'ai pu
suivre l'actualité politique du pays (veille politique). J'ai
également contribué à la mise à jour du site
internet de l'Ambassade. Durant la période de mon activité
à l'Ambassade, j'ai eu essentiellement un rôle d'appui à ma
maître de stage et à la chancellerie.
La chancellerie diplomatique ou chancellerie politique d'une
Ambassade rassemble les diplomates en poste dans le pays où la
chancellerie est située. Les diplomates sont chargés de mettre en
oeuvre la politique étrangère de la république
Française. Pour ce faire, ils doivent établir les meilleurs
contacts possibles avec les personnalités officielles locales, mais
également avec les milieux journalistiques. Afin de pouvoir mettre en
oeuvre la Politique étrangère de la France, les diplomates
doivent tout d'abord être bien informés des particularités
locales, qu'elles soient politiques ou institutionnelles, mais également
culturelles, économiques et sociales. Le service de presse de la
chancellerie politique est l'organe indispensable à la chancellerie pour
satisfaire à cette nécessité d'information constante sur
le milieu dans lequel elle doit fonctionner, afin d'avoir avec ce milieu les
meilleures interactions possibles. La chancellerie politique a également
un rôle de promotion et de valorisation de la France à
l'étranger. A cette fin, la chancellerie doit aussi communiquer envers
les médias locaux et susciter l'intérêt de l'opinion
publique locale pour la France ou pour ce qui en provient, ceci par
l'intermédiaire de son service de presse. Enfin, les diplomates doivent
informer le ministère des affaires étrangères et
européennes en temps réel sur ce qui se passe dans le pays, afin
de permettre à ce dernier d'adopter un discours et une politique
optimale, de mettre en oeuvre la politique étrangère de la France
dans le pays concerné de la meilleure façon possible afin de
satisfaire un maximum aux exigences du milieu.
L'Ambassade de France à Tallinn est une petite
structure mais elle rassemble tous les services généralement
présents dans une ambassade française, à savoir : la
mission économique, le service consulaire, la chancellerie politique et
son service de presse, le service de coopération et d'action culturelle
et le service de coopération internationale de la police. L'Estonie est
un état membre de l'Union Européenne, mais également un
allié de la France au sein de l'OTAN; c'est aussi un pays avec lequel la
France entretient traditionnellement de très bonnes relations. En plus
du fait que la France possède un réseau diplomatique
quasi-universel, toutes ces raisons justifient la présence
française en Estonie. Au demeurant, l'Estonie est un pays où il
faut être présent, car elle représente une frontière
orientale de l'Union Européenne et rassemble de ce fait de nombreuses
problématiques qui concernent chaque membre de l'Union, mais
également Bruxelles de manière directe. L'Estonie est
également un pays carrefour de nombreuses cultures et civilisations qui
sont : la civilisation russe, l'espace scandinave et la zone Baltique,
mais également l'Europe occidentale (notamment Germanique), ainsi que
l'Europe Orientale (monde Slave de l'ouest).
Problématique :
Parmi l'éventail important des problématiques et
des enjeux multiples que l'ont peut repérer au niveau de l'Estonie, il
est une question particulière qu'il m'a semblé important de
traiter. Ainsi j'ai choisi d'étudier tout particulièrement les
relations russo-estoniennes, à travers le prisme des relations entre
Bruxelles et Moscou, et naturellement s'est posée la question
suivante : L'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union
européenne va t-elle influer sur la nature des relations
russo-estoniennes, et si oui, de quelle manière ?
Les relations russo-estoniennes sont conditionnées en
premier lieu par l'histoire, une histoire mouvementée, parfois tragique.
Cette histoire commune si particulière, notamment au cours du
siècle précédent, impose aujourd'hui un travail de
mémoire, ce travail de mémoire, certes douloureux, devant
inévitablement être mené de front, conjointement, par
Tallinn et Moscou. De cette histoire particulière et du travail de
mémoire qu'elle suscite aujourd'hui, jaillissent inévitablement
des considérations identitaires, qui complexifient à leur tour un
travail de mémoire qui devrait n'être qu'objectif.
Au delà de cet aspect historique et psychologique,
important pour saisir les enjeux en présence dans la relation entre
Tallinn et Moscou, il est important de considérer les exigences des
relations internationales contemporaine. Ces exigences sont naturellement
d'ordre économique, du fait de la mondialisation et de l'intensification
des flux de marchandises et du transit énergétique, mais
également politiques, en raison d'un impératif de bon voisinage
et de coopération en matière juridique, afin d'assurer la
stabilité des pays riverains de l'UE, donc la paix et la
prospérité pour l'Europe toute entière, entraînant
un bénéfice autant pour la Russie et pour l'Estonie, que pour
l'Union européenne.
L'Union Européenne est, alors, cet organe supranational
qui introduit peu à peu le pragmatisme nécessaire à des
rapports mutuellement bénéfiques entre l'Estonie et la Russie,
ou, du moins, elle fait comprendre à ces protagonistes
l'intérêt d'une approche plus pragmatique de leur propre
relation.
Mais on réalise assez rapidement que la mise en place
d'une relation pragmatique dépend pour beaucoup de la bonne
volonté qui sera, ou non, mise en oeuvre par les deux protagonistes.
Le dialogue entre Moscou et Bruxelles en vue d'une
coopération profitable pour tous n'est pas un dialogue facile, en raison
des différences culturelles importantes, que ce soit dans la pratique
politique, dans la perception des mécanismes et des rapports
internationaux, mais aussi au niveau des visions et des objectifs de politique
étrangère, qui sont très différents, autant au
niveau de la mise en oeuvre que dans le but visé. D'autant plus que les
positions des 27 pays membres à l'égard de Moscou étaient
jusqu'ici, et restent, dans une certaine mesure, très divergentes.
Néanmoins les développements récents de
l'Union européenne et l'intégration croissante des 27 pays
membres laisse penser que la politique russe de Bruxelles a de bonnes chances
d'afficher plus de cohérence, donc d'augmenter son potentiel de
négociation, vis à vis de Moscou, et peut être même,
d'entrer en opposition avec les intérêts russes à un moment
donné.
INTRODUCTION :
J'ai effectué mon stage de fin de seconde année
au sein de la chancellerie politique de l'Ambassade de France en Estonie. La
France dispose d'une représentation diplomatique en Estonie depuis le 30
Août 1991. L'Estonie est un pays membre de l'Union Européenne, et
un pays allié de la France au sein de l'OTAN. La France et l'Estonie ont
historiquement de très bons rapports et font preuve d'une
coopération très étroite dans un certain nombre de
domaines depuis 1991. Les liens entre les deux pays se sont renforcés et
les relations sont devenues plus intenses depuis l'adhésion de l'Estonie
à l'Union Européenne et à l'OTAN en 2004. Au cours de mon
stage à la chancellerie politique de l'Ambassade, j'ai pu comprendre le
fonctionnement de la structure, mais également les objectifs d'une
représentation diplomatique ainsi que les moyens mis en oeuvre en vue
d'atteindre ces objectifs. Ma fonction au sein de la structure était une
fonction d'appui à la chancellerie. Cet appui s'est
concrétisé par la participation quotidienne à la revue de
presse, mais aussi par d'importants travaux de recherche et de
synthétisation de données pour le compte de ma maître de
stage, Mme Hélène Roos, la première conseillère de
l'Ambassadeur de France en Estonie. Également, j'ai participé
avec Mme Roos à des entretiens de haut niveau avec, notamment, des
professionnels des médias et la responsable des affaires sanitaires
estonienne.
Tout d'abord j'aborderai l'histoire des relations
franco-estoniennes et leur développement, en retraçant l'histoire
de la coopération entre les deux pays et en détaillant les
composantes de cette dernière. Par la suite j'effectuerai une
description détaillée de la structure qui permet de mettre en
oeuvre cette coopération, soit l'Ambassade de France à Tallinn.
Puis, j'expliquerai le fonctionnement et les objectifs d'un service
particulier, soit la chancellerie politique de l'Ambassade, au sein de laquelle
s'est déroulé mon stage. A l'issue de cela, je me pencherai sur
mon activité au sein de la chancellerie, en y retraçant mon
évolution au fil des semaines et l'éventail de mes
activités.
Mon travail au sein de la chancellerie politique de
l'Ambassade de France à Tallinn m'a facilité l'étude d'un
certain nombre de problématiques majeures, aussi bien au niveau des
affaires intérieures et des relations extérieures de l'Estonie,
qu'au niveau de la situation de ce pays au sein de l'Union Européenne.
En prenant conscience de la situation géographique et
géopolitique particulière de l'Estonie, je me suis demandé
si l'intégration croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne
allait influer sur la nature des relations russo-estoniennes, et si oui, de
quelle manière.
Afin de répondre à cette question je me
pencherai dans un premier temps sur l'histoire des relations russo-estoniennes,
mais également sur les relations « contemporaines »
qu'entretiennent, ou que devraient entretenir les deux pays. Par la suite,
j'étudierai les relations entre l'Union Européenne et la Russie,
en voyant dans un premier temps que l'Union Européenne a longtemps
été désunie dans son dialogue avec Moscou, puis dans un
second temps que l'Union a finalement réussi à trouver une
certaine cohérence pour sa politique étrangère vis
à vis de la Russie.
I) Présentation du stage :
A. Relations France-Estonie :
1. Sous la première république
Estonienne :
La première République estonienne est née
en 1918, à l'issue de la première guerre mondiale, elle a
été admise à la Société des Nations (SDN) en
1921.
« Ce n'est pas une des moindres
curiosités de l'âme estonienne que les subtiles
familiarités par où elle s'apparente à la nôtre.
Même goût de l'ironie et même refus de s'en laisser accroire,
même individualisme conscient, même culte du bon sens, même
passion de la liberté - les rares auteurs français qui ont
effleuré l'Estonie l'ont noté... Il n'est peut-être pas,
dans ce coin d'Europe, de peuple plus proche de nous comprendre que cette
petite communauté humaine... »
Jean Cathala, Portrait de l'Estonie, Paris,
1937.
a) Une coopération culturelle initiée
par des artistes et des intellectuels :
La France a entretenu, dès le début des
années 20, de très bonnes relations avec la République
d'Estonie. Les relations diplomatiques ont été établies
avec cette dernière le 5 avril 1921, juste après l'admission de
l'Estonie à la « Société des nations »
(SDN). André Gilbert fut le premier Ambassadeur français en
Estonie.
Durant les années 20, la coopération
franco-estonienne était relativement intense, et s'organisait par le
biais d'associations bilatérales. Il y avait, à Paris, de
nombreux expatriés estoniens, principalement des intellectuels et des
artistes, qui se constituèrent rapidement en association,
« France-Estonie », qui, bien que refondue un certain
nombre de fois en raison du départ ou de la mort de ses membres les plus
éminents, fut des plus actives jusqu'à la fin des années
30. L'objectif de cette association était le renforcement des liens
culturels et commerciaux entre les deux pays.
L'Estonien le plus connu en France à cette
époque était Mr. Kaarell Robert Pusta (premier ambassadeur
d'Estonie en France), et c'est lui même qui, avec le concours des
« Français amis de l'Estonie », donna naissance
à cette association.
L'autre association estonienne majeure à cette
époque était l'« association estonienne de
Paris », fondée par un étudiant en sciences politiques
Karl Zirkel, et par l'artiste Jaan Siirak, le chargé d'affaire estonien
August Schmidt leur apporta également un soutien significatif.
L'objectif de cette association était de contribuer à une
meilleure connaissance mutuelle de la vie intellectuelle des deux pays et au
resserrement des relations culturelles. Le diplomate Georg Meri, père de
Lennart Meri ( président de la République Estonienne de 1992
à 2001), fut ainsi invité par leurs soins à prononcer une
conférence en 1931. Il y eu également la fondation de la
« société maritime Franco-Estonienne » aux
alentours de 1920, celle-ci avait pour projet principal l'établissement
d'une liaison maritime régulière entre la France et l'Estonie,
malgré l'envoi de plusieurs délégations en Estonie pour
étudier la faisabilité du projet, ils durent vite renoncer faute
de fonds.
b) Une coopération très tôt
institutionnalisée :
En Estonie, l' « Institut scientifique
français de Tartu » fut inauguré le 27 avril 1922.
L'idée est venue de l'illustre neurochirurgien Ludvig Puusepp,
appuyé dans cette initiative par l'Ambassadeur Gilbert. Le but de cette
institution était de servir de relais à la culture
française et de faire connaître aux chercheurs et aux
intellectuels les apports français en matière scientifique.
L'Institut comportait des sections d'art et littérature, de
linguistique, de droit, de sciences sociales, de médecine, de sciences
de la nature et d'enseignement du français. La bibliothèque de
l'Institut permettait de se tenir au courant des acquis et des orientations de
la recherche en France. En juin 1940, elle comptait 8268 ouvrages.
Le fonds de revues et de journaux représentait plus de
1000 volumes. En 1938, l'Institut recevait 53 périodiques. De
même, l'Institut donnait des cours de Français, et il organisait
aussi des séances, des soirées, des conférences, des
réunions thématiques et d'autres manifestations.
On peut ainsi constater que, sous la première
république d'Estonie, les relations entre la France et cette
dernière étaient déjà fortement
développées.
2. La restauration de l'indépendance :
La pierre angulaire des relations franco-estoniennes est la
reconnaissance de la continuité juridique de la République
d'Estonie de la part de la France, qui n'a jamais reconnu l'annexion de
l'Estonie par l'Union Soviétique. Les relations diplomatiques entre
l'Estonie et la France ont été rétablies le 30 août
1991. L'ambassade de France à Tallinn a rouvert ses portes (dans des
locaux différents), à l'occasion de la visite du ministre des
affaires étrangères Roland Dumas à Tallinn le 30
août 1991.
a) Les raisons d'une représentation
française en Estonie :
La France possède le second réseau diplomatique
du monde après les Etats-Unis, et au delà de ce principe
général d'universalité, il y a un nombre important de
raisons spécifiques qui justifient la présence de la France en
Estonie. Tout d'abord, la longue relation d'amitié, de confiance et de
respect mutuel qui unie la France et l'Estonie. De même, le
positionnement géographique de l'Estonie, qui en fait un carrefour
à la fois culturel, mais aussi commercial, et bien entendu, une zone
géopolitiquement sensible. Géopolitiquement sensible car
l'Estonie est située aux frontières du monde scandinave, de
l'espace russe, et de l'Europe orientale, ce qui explique son histoire
mouvementée et souvent tragique. Tous ces éléments font de
l'Estonie un Etat où un pays comme la France se doit d'être
présent. Il s'agit de protéger les intérêts
Français, notamment commerciaux, et de se tenir à disposition des
ressortissants Français (dans un pays ou un Français peut
très vite se trouver sans repère, cela en raison du fossé
culturel et linguistique). L'ambassade de France a un rôle de promotion
et de mise en valeur de la culture, du savoir faire, et de la langue
française dans un pays comme l'Estonie où la majorité de
la population, bien qu'éprouvant beaucoup de sympathie à
l'égard de la France qui jouit ici, comme dans beaucoup de pays, d'une
assez bonne image, n'en est pas moins assez indifférente à tout
ce qui peut émaner de l'hexagone. Il s'agit enfin, et surtout,
d'être présent politiquement aux cotés d'un nouvel
état membre de l'UE et d'un allié de l'OTAN.
Cette présence se décline dans les
différents domaines de la coopération.
b) Les différents secteurs de la
coopération :
- Coopération en matière de
défense
A coté des conventions cadre générales,
l'Estonie et la France ont conclu un accord de coopération
bilatérale en matière de défense qui a été
signé le 11 mai 1994. Conformément aux termes de cet accord,
l'accent est mis sur le développement des différentes composantes
de la défense nationale estonienne, telles que la construction d'une
armée, la gestion d'une administration militaire, la formation
d'officiers et de spécialistes, ainsi que l'élaboration d'une
législation militaire. La France participe aux principaux projets
d'assistance militaire aux pays baltes, tels que BALTRON ou BALTSEA. La France
a délégué, pendant quelques années, un de ses
officiers de liaison auprès du « collège balte de
défense » de Tartu. La France soutient également
l'apprentissage du français dans les forces armées estoniennes.
Ces dernières années, des militaires estoniens ont
participé aux cours de français du « Centre de
Formation Interarmées » de Rochefort.
- Coopération en matière de
police
C'est en 1997 qu'eurent lieu les premiers contacts entre les
ministères de l'intérieur français et estonien. De
nombreux programmes communs de formation ont été lancés
pour la police, les garde-frontières, l'office de la nationalité
et de l'immigration et pour les services de secourisme. Tous les ans, des
fonctionnaires de police estoniens peuvent faire des stages à la haute
école de police française, de même, les
gardes-frontières ont d'excellents contacts avec la gendarmerie maritime
et avec la police des frontières française. Les locaux
dépendants du ministère de l'intérieur estonien ont
été équipées avec des équipements
français, la police criminelle utilise par exemple le système
numérique de traitement et de recherche des empreintes digitales
conçus par SAGEM et les détecteurs de mouvements conçus
par Thomson-CSF à la frontière orientale de l'Estonie. Une
coopération est également en cours d'établissement
concernant le traitement des pièces d'identité et
l'identification des faux documents. Une coopération étroite
caractérise également les questions touchant à
l'assistance juridique ainsi qu'à l'organisation d'exercices par exemple
dans la formation d'unités spéciales.
- Coopération scientifique et
technique
Le 2 juillet 2002 a été signé un accord
destiné à lancer un programme de coopération scientifique
et technique entre la France et l'Estonie. Les domaines concernés par
ces projets scientifiques sont les technologies de l'information et de la
communications, la bio-médecine, la foresterie, l'écologie, la
chimie, la médecine, la biophysique et la mécanique. Tous les
laboratoires et les groupes de recherche rattachés aux
établissements d'enseignement supérieur, aux
établissements de recherche ou aux entreprises peuvent présenter
des projets à un jury public pour bénéficier des avantages
d'un programme scientifique bilatéral.
- L'enseignement du français et de
l'estonien
La France soutient activement l'enseignement du
français en Estonie. Au delà de l'aide apportée aux quatre
écoles estoniennes spécialisées en français, elle
coopère activement avec deux établissements d'enseignement
supérieur, le « centre d'études
françaises » de l'université de Tartu et
l'université de Tallinn. En collaboration avec l'Ambassade de France, le
Ministère estonien des affaires étrangères a lancé
un vaste programme d'enseignement du français adressé aux
fonctionnaires du ministère. L'objectif est que les diplomates estoniens
acquièrent une bonne maîtrise des bases de la langue
française, ce programme fut lancé à l'occasion de
l'entrée de l'Estonie dans l'UE. En août 2006, un
mémorandum a été signé à Tallinn sur un
programme pluriannuel d'enseignement du français dans les services
publics de la république d'Estonie, qui prévoit la mise en place
de cours de français pour 1500 fonctionnaires sur les trois ans à
venir. À l'initiative de la section de langue estonienne de l'institut
national des langues et civilisations orientales (INALCO), la traditionnelle
«journée de la langue maternelle» (Emakeelepäev) est
désormais célébrée à Paris. C'est la
cinquième année consécutive qu'est organisée
à cette occasion une soirée à l'Ambassade d'Estonie,
à laquelle sont conviés les étudiants de la section
d'estonien de l'INALCO.
Cette coopération nécessite un cadre juridique
adapté.
c) Les principaux traités conclus entre la
France et l'Estonie :
· Traité d'entente, d'amitié et de
coopération (entré en vigueur le 27.04.95)
· Accord sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements (entré en vigueur le 25.09.95)
· Accord relatif à la suppression de
l'obligation de visa (entré en vigueur le 01.03.99)
· Accord relatif à la réadmission des
personnes en situation irrégulière (entré en vigueur le
15.04.99)
· Convention en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en
matières d'impôts sur le revenu et sur la fortune (entré en
vigueur le 01.05.01)
· Accord sur le statut et sur l'activité des
Centres culturels (entré en vigueur le 01.04.05).
· Accord entre le gouvernement de la
République Française et le gouvernement de la République
d'Estonie relatif aux échanges de jeunes professionnels (signé le
31.03.2006; cet accord n'est pas encore entré en vigueur)
· Mémorandum portant sur le plan pluriannuel
d'enseignement du français dans les services publics de la
République d'Estonie (sont associés à cet accord la
Belgique, le Luxembourg, l'Organisation Internationale de la Francophonie,
signé le 10.08.2006)
B. L'Ambassade de France à Tallinn:
1- Organisation fonctionnelle :
La coopération dans tous les secteurs
précédemment cités se fait par le biais de services
spécifiques, au sein de l'Ambassade de France à Tallinn.
a) Chancellerie politique : La
chancellerie politique regroupe les diplomates à proprement parler, et
est chargée de mettre en oeuvre la politique étrangère de
la France. Ceux-ci ont des activités de plusieurs types.
Premièrement, la communication. Ils doivent représenter la
France, auprès de personnalités étrangères mais
aussi auprès des acteurs dans tous les domaines (économique,
social..). Ils doivent défendre les positions françaises, que ce
soit dans un cadre bilatéral, multilatéral ou communautaire. Ils
ont également un rôle d'information, auprès des
décideurs politiques, que ce soit en temps réel ou dans le cadre
de négociations en cours. Les diplomates doivent aussi conduire une
stratégie d'influence. Au niveau de la coopération culturelle,
scientifique, par l'aide au développement, avec l'objectif de diffuser
les savoir-faire français et de faire valoir les domaines d'excellence
de la France. La communication à proprement parler se fera en direction
des médias et des opinions publiques, pour promouvoir les positions et
les réalisations françaises.
Deuxièmement, les diplomates ont une fonction de
négociation. Celles-ci se feront avec des partenaires étrangers
(règlement de crise, médiation dans le cadre d'un conflit,
accompagnement et préparation de négociations politiques), mais
également au sein d'organisations internationales (négociations
multilatérales complexes, élaboration et suivi de la mise en
oeuvre d'accords internationaux, orientation et contrôle du travail des
organisations dont la France est membre). Enfin, les diplomates ont un
rôle d'organisation. Organisation d'évènements
diplomatiques (pilotage d'évènement : planification ainsi
que logistique et protocole, préparation de visites officielles qu'elles
soient ministérielles, présidentielles, parlementaires ou
économiques, ainsi que l'organisation des grandes conférences,
qu'elles soient thématiques ou régionales). Ils doivent aussi
savoir gérer des moyens et une équipe (manager de manière
autonome une structure, gérer les hommes, que ce soit au niveau du
recrutement, de la répartition des taches et des relations sociales, et
aussi gérer les moyens, par la mise en place d'un plan d'action et la
définition des ressources à mettre en oeuvre). La chancellerie
politique de Tallinn comporte 4 personnes, l'Ambassadeur, sa secrétaire,
la première conseillère, ainsi qu'un chiffreur-archiviste
(responsable de la sécurité des communications et des archives
ainsi que de la valise diplomatique).
b) Le service de presse : Chaque
ambassade dispose d'un service de presse, c'est l'outil et le correspondant
principal des services d'information et de communication français. Au
sein de l'ambassade, ce service est sous l'autorité de la
première conseillère. Au niveau du ministère
français des affaires étrangères, les services de presse
dépendent de la direction de la communication et de la presse (DCP).
Le service de presse a deux missions principales : la
communication externe et la communication interne.
- La communication externe : Il s'agit de faire
connaître la politique de la France, gérer les relations publiques
de l'Ambassade, informer les journalistes locaux et faciliter leurs contacts ou
déplacements en France. De même, le service organise la couverture
médiatique lors de la visite de personnalités françaises.
Le service diffuse également des informations sur la France.
- La communication interne : Il s'agit de l'analyse des
informations diffusées dans les médias en général,
accompagnée de comptes rendus au ministère des affaires
étrangères ainsi qu'aux différents services
concernés. Ici c'est principalement un travail de recherche, puis
d'information des autorités françaises en vue d'une meilleure
connaissance du pays. Le service de presse de Tallinn est composé de
deux personnes, une attachée de presse et une traductrice.
c) Service consulaire : Le
Vice-consul et ses collaborateurs ont pour fonction l'assistance et la
protection des ressortissants Français résidant à
l'étranger. Le Vice-consul est responsable de la communauté
française dont il assure la protection vis à vis des
autorités étrangères dans la limite de la
législation locale et qu'il administre selon la législation et la
réglementation françaises. Le consul ou le vice-consul sont avant
tout des officiers d'état civil. En effet ils ont la capacité de
délivrer les documents officiels tels que les documents
d'identité, les actes de mariage, de naissance ou de
décès, mais également de procéder aux recensement
des français en age de participer à la journée d'appel de
préparation à la défense, mais aussi permettre aux
expatriés français d'exercer leur droit de vote. Le consul exerce
également la protection diplomatique des ressortissants Français
en leur apportant assistance en cas de procédure judiciaire ou
d'incarcération. Aussi, en cas d'accident grave ou de
décès, le consul se charge des mesures d'hospitalisation urgentes
ou du rapatriement du corps. Le service consulaire de Tallinn est
composé de quatre personnes : le vice-consul et chef de la
chancellerie consulaire, une assistante consulaire et visas, une assistante
administrative, et une comptable. Le Vice-consul est également en charge
du secteur « SAFU », c'est à dire de
l'administration financière et comptable de l'Ambassade.
d) Le service de coopération et d'action
culturelle : Le SCAC a pour objectif de favoriser la
coopération bilatérale entre la France et l'Estonie. Ainsi il
assure la promotion de la langue Française mais également de
notre industrie culturelle (littérature, cinéma..). Il s'occupe
aussi de la coopération scientifique (principalement la recherche), mais
aussi de la coopération au niveau de l'enseignement , ainsi que dans le
secteur juridique et administratif. L'instrument du SCAC sera donc la
coopération linguistique, éducative et culturelle au sens
large.
Le centre culturel français de Tallinn (situé
dans le centre ville), ne partage pas les locaux de l'ambassade. Le centre
culturel de coopération linguistique (CCCL) est distinct du SCAC, il
s'occupe de la coopération linguistique proprement dite, il dispose de
16 professeurs (équivalent temps plein) qui donnent des cours de
Français tout au long de l'année (à environ 1100 personnes
par an), aussi bien à un publique classique qu'à des
fonctionnaires Estoniens. Il y a aussi au CCCL, une responsable (directrice
adjointe), une aide comptable, une personne chargée des manifestations
culturelles, une personne qui gère les cours de Français, une
médiathécaire et une bibliothécaire.
e) Le service de coopération technique
internationale de police en Estonie : La
délégation régionale du service de coopération
technique internationale de police (SCTIP) Estonie/Finlande a été
crée le premier Juin 2005, elle est dirigée depuis Tallinn par le
commandant de police Pascal Caretta. Le développement et
l'évolution de la grande criminalité et du terrorisme
international ont nécessité la mise en place à
l'étranger d'un réseau d' « officiers de
liaison ». Ainsi, la coopération policière
Française à l'étranger est à la fois technique et
opérationnelle. En 1995, le « délégué
SCTIP » s'est vu attribué la qualification d' «
attaché de police » et s'est vu reconnaître personnel
diplomatique détaché auprès des ambassades jouissant du
statut octroyé par la convention de Vienne. C'est donc le
représentant unique de la police nationale auprès de
l'Ambassadeur du pays d'affectation où il assure un rôle de
coordination et de représentation. L'attaché de
sécurité intérieure (ASI) a pour fonction la mise en
oeuvre de la politique étrangère de la France en matière
de sécurité intérieure.
f) Mission économique :
Elle dépend du ministère de l'économie, de l'industrie et
de l'emploi, également de la direction générale du
trésor et de la politique économique (DGTPE). Ici le service est
mixte, il a des activités régaliennes et commerciales (depuis
récemment les deux types d'activités sont séparés.
Les activités commerciales sont reliées à UBIFRANCE, qui
est un EPIC (établissement public industriel et commercial). La partie
commerciale de l'activité de la mission économique de Tallinn
concerne l'appui aux PME, notamment une aide à l'export. La mission
économique facture ses services aux sociétés.
La partie régalienne de son activité, c'est
principalement informer les administrations françaises sur les positions
du pays en matière de politique industrielle et commerciale, en vue des
réunions au niveau de l'UE des conseils agriculture et
économie-finances (ECOFIN). Les notes classiques émises par les
missions économiques sont celles-ci : commerce extérieur du
pays, commerce bilatéral, situation économique, IDE et
présence française, note annuelle sur le budget de l'Etat, et
note sur les administrations publiques (leur situation financière). Les
missions économiques sont administrées par des direction
régionales (celle de Tallinn est pilotée depuis Varsovie). Les
chefs des missions économiques travaillent en coopération avec le
représentant Français à l'OCDE. De même, les
missions économiques sont en contact régulier avec les chambres
de commerce et d'industrie Françaises. La mission économique de
Tallinn est composée de quatre personnes (Mr. Charpin, le chef de la
mission, une responsable du secteur énergie, environnement, transport,
communication et industrie, une responsable du secteur biens de consommation et
services, et une responsable du secteur agroalimentaire, mais aussi de la
comptabilité du service).
g) On peut ajouter à
cela : Le « PCS », c'est à dire le
poste de sécurité situé à l'entrée de
l'Ambassade, là où sont contrôlées les
identités et à partir duquel s'effectue la surveillance de
l'ambassade et de ses environs. Deux gendarmes s'y relaient en permanence, ce
sont les « gardes de sécurité ».
Il y a également 2 chauffeurs, une personne pour la
maintenance et l'entretien, et une femme de ménage.
h) Autres membres de l'Ambassade résidant hors
d'Estonie :
L'attaché de défense en résidence
à Helsinki, le chef des Services économiques pour l'Europe
Centrale et les Pays Baltes en résidence à Varsovie, le
conseiller financier et chef adjoint des services économiques pour
l'Europe Centrale et les pays Baltes en résidence à Varsovie,
l'attaché douanier en résidence à Berlin, l'attaché
des affaires agricoles en résidence à Varsovie, et
l'attaché vétérinaire également en résidence
à Varsovie.
L'Ambassade de France à Tallinn est une
« petite ambassade ». En effet, étant donné la
taille réduite du pays (sa population et d'environ 1 350 000 habitants),
et la très faible proportion de Français qui y résident
(une centaine), une petite structure est suffisante pour assurer une
présence française visible. Néanmoins, l'Ambassade de
France à Tallinn regroupe tous les services habituellement
présents dans une ambassade française classique. On
dénombre en tout 24 personnes (25 avec le stagiaire éventuel)
présentes chaque jour dans les locaux de l'ambassade (ainsi on ne
comptabilise pas le personnel du centre culturel Français, ni le
personnel de la résidence diplomatique). Sur ces 24 personnes, 11 sont
des expatriés français.
On peut observer plus haut que chaque service a une fonction
bien différenciée et un fonctionnement plus ou moins autonome. La
mission économique par exemple, à un fonctionnement très
autonome car elle ne dépend pas du ministère des affaires
étrangères. De même, le commandant de police du SCTIP
dépend du ministère de l'intérieur. Cependant, en
dépit du ministère auquel ils appartiennent, tout le personnel de
l'ambassade est placé sous l'autorité de l'Ambassadeur de France
en Estonie, qui représente, lui, tous les ministères car il est
le représentant du gouvernement français à
l'étranger. Néanmoins, tous les services fonctionnent en
complémentarité, particulièrement le service de presse, le
service consulaire et la chancellerie politique.
2. Le travail en chancellerie politique :
a) La chancellerie politique :
La chancellerie politique est le coeur stratégique de
l'ambassade. C'est le service central et principal, et c'est par la
chancellerie politique qu'est mise en pratique la politique
étrangère française.
Ce service concentre l'activité purement diplomatique.
Les fonctions de ce service étant détaillées dans la
partie précédente, j'ajouterais juste que la chancellerie se doit
de connaître parfaitement l'actualité et les positions du pays
où elle se trouve (au niveau social, politique, économique,
juridique, militaire et culturel), afin d'offrir en permanence au
ministère des affaires étrangères et Européennes un
panorama complet mais cependant synthétique de toutes les
problématiques présentes. Ainsi, l'Etat français est
à même d'avoir un contact et une relation optimale avec le pays
concerné, et peut déployer et gérer les missions
diplomatiques en correspondance avec les réalités du terrain.
Métaphoriquement on pourrait dire que les diplomates sont des
éclaireurs/démineurs. En effet, non seulement ils transmettent
à l'administration centrale toutes les informations nécessaires
sous forme de véritables outils de travail (éclaireurs), mais, de
plus, ils repèrent tous les « irritants »
susceptibles de dégrader ou de compromettre l'amélioration des
relations avec le pays visé, donc de susciter un accroissement de la
difficulté à mettre en place une politique
étrangère optimale (démineurs).
En dehors de ça, la chancellerie se doit d'avoir les
meilleurs contacts possibles avec la presse, les autorités locales et
les médias locaux, par l'intermédiaire de son service de presse,
afin d'avoir des relais satisfaisants pour sa communication externe et pour la
promotion de la France.
b) Période
d'adaptation :
Ainsi, durant mon stage en chancellerie politique au sein de
l'Ambassade de France à Tallinn,
j'ai pu observer de l'intérieur le fonctionnement de la
chancellerie et prendre connaissance des différents enjeux des
activités de cette dernière. Tout d'abord, il m'a
été essentiel de bien connaître l'environnement dans lequel
se déroule l'activité du service. Pour cela, il y eu tout d'abord
un important travail de recherche et d'information à plusieurs niveaux.
En premier lieu, il est capital de connaître les institutions estoniennes
et leur fonctionnement. Il faut également être au fait de
l'actualité politique du pays. Pour satisfaire à ces
impératifs plusieurs démarches sont à effectuer.
Premièrement, il s'agit de prendre connaissance des différents
médias, de leur orientation et de leur contenu, car cela donne une bonne
indication de la culture médiatique mais aussi des principaux aspects
sociétaux du pays. Ainsi, chaque jour il est important de lire la presse
locale et de consulter de nombreuses archives afin d'établir peu
à peu le contexte dans lequel s'inscrivent la vie et l'actualité
politique locale, les sujets de débat, de crispations, les arguments
électoraux et les principales lignes de clivages. Deuxièmement,
une fois qu'est présent le sentiment d'être suffisamment
informé sur le monde politique estonien, il est important de faire de
nombreuses recherches sur des points un peu plus précis mais
déterminants pour la compréhension plus en profondeur de nombreux
phénomènes ou particularités politiques, culturelles et
sociales. Ces recherches sont alors menées par le biais de la
consultation de différents ouvrages et de sites web, ainsi que par des
entretiens avec des personnalités locales.
c) Rôle et missions au sein de la
chancellerie :
Une fois ce travail
d' « affûtage » terminé, j'ai pu assister
ma maître de stage, Mme Hélène Roos, la première
conseillère de l'Ambassadeur mais qui est également responsable
du service de presse ainsi qu'officier de sécurité de
l'Ambassade. Mon rôle était donc essentiellement un rôle
d'appui à la chancellerie. J'ai ainsi effectué divers travaux.
Parmi ces travaux il y eu :
- le travail au service de presse, notamment contribution
quotidienne à la revue de presse mais aussi aide à la remise
à jour du site Internet de l'Ambassade. J'ai également dû
effectuer des recherches spécifiques et des fiches sur des sujets
d'actualité précis. Aussi, j'ai participé à des
entretiens avec deux journalistes estoniens (le responsable des questions
européennes de la télévision publique estonienne, et
l'éditeur en chef de la principale agence de presse couvrant les trois
pays baltes) en compagnie de ma maître de stage. A l'issue de ces
entretiens, j'ai du effectuer, sous forme de fiches synthétiques, des
comptes rendus.
- L'analyse politique, par la recherche puis la
rédaction de fiches de synthèse sur des sujets précis. Par
exemple, les élections locales en Estonie (découpage
administratif, répartition des compétences, forces en
présence et enjeux du scrutin), mais aussi sur les
éléments constitutifs du sentiment national estonien (notamment
les symboles). Ce travail d'analyse politique m'a permis de prendre conscience
de différentes problématiques politiques et d'en mesurer les
multiples enjeux.
- L'aspect « sécurité »,
dans le cadre de la fonction d'officier de sécurité (responsable
de la sécurité des expatriés français en Estonie,
et de la sécurité de l'ambassade, en cas de crise) de ma
maître de stage nous nous sommes rendus à un entretien avec la
responsable des autorités sanitaires estoniennes. Le sujet de cet
entretien était la gestion de l'épidémie de grippe A H1N1.
A l'issue de cet entretien, j'ai dû rédiger une fiche compte rendu
sur la situation telle qu'elle nous fut présentée.
d) Un certain aguerrissement :
Au delà de ces travaux diversifiés, j'ai retenu
en premier lieu l'évolution de mon activité en terme
qualitatif.
Car dans un premier temps, il s'est agi d'être
informé le plus possible et d'emmagasiner un maximum de connaissances,
pour pouvoir passer à l'étape suivante, c'est à dire la
contribution à la revue de presse. Malgré des lectures
préalables à mon stage, les premiers jours ont été
consacrés à une prise de repères. Il s'agissait
d'être parfaitement à l'aise avec les sujets d'actualités
et les noms des acteurs locaux. Au fil de mon aguerrissement, j'ai
été amené à avoir une activité mobilisant
plus de capacités et de savoir-faire, ce fut par exemple un entretien
relativement « technique », avec les autorités
sanitaires. Puis, après cela, j'ai pu passer à une
activité telle que l'analyse politique suivie de la rédaction de
fiches de synthèse ainsi qu'à la définition et à la
compréhension de problématiques politiques. Enfin, j'ai pu
participer à des entretiens relativement pointus avec des journalistes
de haut niveau où j'étais à même de saisir les
enjeux des questions soulevées.
e) Le choix du sujet :
Tout au long de mon activité au sein de la
chancellerie, et au fur et à mesure de ma prise de conscience des
problématiques et des enjeux politiques et géopolitiques
internationaux palpables en Estonie, j'ai été amené
progressivement à discerner plusieurs phénomènes et
particularités qui ont suscité mon intérêt.
Tout d'abord, comptant parmi mes choix de carrière
l'option militaro-stratégique, j'ai tout naturellement entrepris de me
pencher sur un aspect relevant de ce domaine, d'autant plus que l'Estonie est
un maillon clé de l'OTAN, mais également la frontière
orientale de l'UE, ainsi que comme énoncé
précédemment, un carrefour historique entre les empires et les
civilisations. Cependant, ma maître de stage m'a très vite
expliqué qu'en tant que stagiaire, il me serait impossible d'avoir
accès à la majorité des informations nécessaires
pour mettre sur pied mon rapport de stage.
J'ai donc dû changer sensiblement de perspective et me
réorienter selon un axe différent. Ainsi, étant
donné que je compte aussi parmi mes projets professionnels les
métiers du renseignement et de la diplomatie, j'ai décidé
de traiter dans la seconde partie du rapport d'aspects géopolitiques et
politiques d'envergure internationale.
En effet, j'ai choisi d'effectuer mon stage dans la
chancellerie politique de l'ambassade de France à Tallinn car
c'était le lieu et le milieu idéal pour avoir une vue
« de l'intérieur », de la façon dont sont
abordés par la diplomatie française des problèmes
géopolitiques majeurs. Mon activité à la chancellerie,
notamment les entretiens avec des journalistes de renom ainsi que les nombreux
travaux de recherche et d'analyse de problématiques politiques que j'ai
effectué, ont amené à ma connaissance un certain nombre
d'enjeux pour ce « petit coin d'Europe ».
Parmi ces enjeux, le principal et certainement la relation
entre l'Union Européenne et la Fédération de Russie.
L'Estonie étant l'avant-poste de l'Union, c'est ici que s'observent, au
niveau pratique, les évolutions dans ces relations, ainsi que le
rôle de l'Estonie dans le développement de ces relations.
II. Sujet d'étude : L'intégration
croissante de l'Estonie dans l'Union Européenne va t-elle transformer la
nature des relations russo-estoniennes, et si oui, de quelle
manière ?
A. -Complexité des relations
russo-estoniennes :
1. Les causes :
« sur le plan émotionnel, le pouvoir
russe n'a pas accepté l'indépendance des
Baltes » (...) « il ne veut pas de
voisins stables et démocratiques, mais des satellites. »
Déclaration du ministre des affaires étrangères estonien,
Mr Urmas Paët, le Figaro, 15 août 2007.
La nature des relations russo-estoniennes doit tout d'abord
être étudiée à la lumière de
phénomènes psychologiques collectifs. On repérera ici
trois éléments principaux constitutifs de ce malaise. Le
principal facteur de tensions et d'animosité est lié au travail
de mémoire, à l'interprétation de l'histoire et à
un conflit identitaire latent. Le second est une conséquence de la
volonté affichée par le pouvoir russe de montrer à la face
du monde que la « grande Russie » est de retour sur la
scène internationale, ce qu'on pourrait qualifier de
« doctrine Poutine », et qu'elle entend être
considérée comme une puissance majeure. Le dernier
élément facteur de crispation est factuel : les
évènements matérialisant la doctrine sur la scène
internationale, notamment européenne, et la peur que cela suscite, qu'il
s'agisse du conflit géorgien, de la crise ukrainienne, ou des
évènements du Soldat de bronze.
a. En premier lieu, le conflit autour de la
présentation de faits historiques est crucial. Le principal
problème est le refus de la Russie de considérer l'incorporation
de l'Estonie à l'Union Soviétique en 1944 comme une annexion,
ainsi que de reconnaître l'illégalité de cette annexion au
regard du droit international. Au moment de sa seconde indépendance,
l'Etat estonien opte pour la continuité juridique de la
République estonienne (renversée de facto lors de l'annexion
soviétique définitive de 1944), n'admettant pas le terme
d' « incorporation » à l'URSS sur la base de la
demande du peuple estonien (comme l'affirme la Russie). Durant la
première période d'indépendance estonienne (1920-1940),
l'Estonie a conclu deux principaux traités, qui furent signés et
ratifiés, avec l'URSS. Le premier est le traité de Tartu (2
février 1920) qui consacre l'indépendance de l'Estonie et
l'inviolabilité de son territoire, fixant également les
frontières du nouvel Etat. En mars 1932, l'Estonie signe
également un pacte de non-agression avec l'URSS. Un certain nombre de
pays, dont la France, n'ont ainsi jamais reconnue juridiquement l'annexion de
l'Estonie par l'armée rouge. L'Estonie, après l'exil de son
gouvernement en Suède, a appelée la communauté
internationale à reconnaître la continuité de l'Etat
estonien.
De même, le pouvoir russe aime répéter que
l'Estonie se montre « très ingrate », puisque
l'armée rouge l'a « libérée » de
l'occupation allemande. il y a ici une contradiction supplémentaire avec
la réalité historique. Il faut savoir que le 17 Septembre 1944,
l'intégralité des troupes allemandes quitta l'Estonie pour aller
se battre sur le front letton où l'armée rouge était sur
le point de prendre Riga, l'armée soviétique était, elle,
en Finlande pour une partie, et en Lettonie pour le reste. Durant 5 jours
l'Estonie avait retrouvée sa souveraineté, mais le 22 septembre,
les blindés russes font demi-tour. Ils quittent la Lettonie et
réoccupent l'Estonie par le sud, tandis que la division de Finlande
revient du nord pour faire la jonction.
Par cette interprétation différenciée de
l'histoire s'ensuivent quelques problèmes pratiques, s'ajoutant aux
tensions politiques existantes, c'est par exemple le cas pour la
frontière estonienne (lors de l'annexion, Staline modifia les
frontières de la nouvelle république socialiste soviétique
d'Estonie (crée le 21 juillet 1940), ainsi lors du recouvrement de
l'indépendance, l'Estonie se retrouva amputée de 5% de son
territoire.1(*)
S'ajoutent des tensions aux causes plus diffuses, mais
liées à l'histoire.
Après 1940, les Soviétiques déportent
plusieurs dizaines de milliers d'Estoniens tandis qu'ils font venir en Estonie
un grand nombre de Russes. Le phénomène se répétera
et s'amplifiera au moment de la seconde annexion en 1944. Le but évident
de cette manoeuvre était de « russifier » le pays
tout en éliminant les opposants au nouveau régime. De
surcroît, la population russe du pays était
privilégiée par le régime. Il est important de prendre en
compte les actions du pouvoir soviétique visant à détruire
non seulement le sentiment national estonien, mais également la culture
estonienne2(*). Ainsi, lors
de la chute de l'Union Soviétique et de la restauration de la
souveraineté estonienne, les esprits étaient encore
marqués par les nombreuses souffrances infligées au peuple par le
régime soviétique.
Le problème d'identité est également
palpable. Les Estoniens s'étant longtemps vu discriminés, ils
mettent désormais un point d'honneur à s'affirmer comme la
« nation estonienne » longtemps opprimée (les
dernières troupes russes ont quitté l'Estonie en 1994), et ceci
en opposition évidente à la minorité russe
considérée encore aujourd'hui comme les descendants des
« occupants ».
Schématiquement, on pourrait dire que le pouvoir russe
maintient qu'il fut un libérateur, lorsque les Estoniens affirment que
les Russes les ont annexés et ont instauré une dictature. Le
problème lié aux deux versions d'une même histoire continue
de peser sur les relations russo-estoniennes.
b. On constate aussi la méfiance
suscitée par la politique de Moscou depuis 2004,
caractérisée par un regain de nationalisme, une dérive
autoritaire du pouvoir, ainsi qu'un désir de puissance teinté
d'un brin de nostalgie pour le régime soviétique.
« L'effondrement de l'URSS a été
la plus grande catastrophe géopolitique du XXe
siècle ».
Discours de V.Poutine devant la Douma le 26 avril 2005
Egalement, de nombreux discours empreints de
références à la Russie impériale, n'arrangent pas
les choses. En effet, il semblerait que Vladimir Poutine, qui centralise de
plus en plus de pouvoir en Russie (même en temps que premier ministre),
veut redonner sa dimension de puissance majeure à la Russie, par la
remise au goût du jour d'une doctrine géopolitique
séculaire. Cette volonté peut sembler sans implications, mais les
moyens utilisés et les buts visés ne sont pas anodins. Un petit
pays comme l'Estonie ayant une histoire commune avec la Russie
réellement tragique ne peut être qu'effrayé par le
désir de puissance de la Russie contemporaine3(*).
Les pays baltes sont passés sous domination russe en
1721, après que la Suède ait perdue la grande guerre du nord
contre la Russie et signé le traité de Nystad. Néanmoins,
l'Estonie était une région particulière au sein de
l'empire russe, elle était cosmopolite car les populations russes et
estoniennes cohabitaient, en ville notamment. En 1721, le tsar Pierre le Grand
maintient les privilèges des nobles
« germano-baltes » seigneurs féodaux qui lui ont
juré allégeance. L'Estonie conservait une certaine autonomie au
niveau des tribunaux, de l'enseignement, de l'aménagement du territoire
et de l'urbanisme. Cette « autonomie » cessera en 1880 avec
le lancement du programme de « russification ». L'Estonie
restera russe jusqu'en 1918. Déjà, à l'époque de la
Russie impériale, les pays baltes étaient d'un
intérêt vital, offrant une ouverture sur la mer baltique,
permettant au tsar de développer la « flotte du
nord » et de profiter de lucratives routes commerciales4(*). Lors de l'annexion
soviétique, l'intérêt pour ces territoires était
naturellement militaire. La façade balte Est et Sud étant
entièrement contrôlée par l'URSS, il était
aisé d'y mettre en place d'important systèmes de défenses
et de surveillance dirigés vers l'Europe occidentale. Ces pays avaient
pour l'URSS un intérêt essentiellement stratégique. Ainsi,
Moscou a très mal vécu la perte de ces territoires.
En 1991, la Russie espérait que les pays baltes
choisiraient la neutralité ou l'appartenance à la CEI. Lorsque
l'Estonie a rejoint l'OTAN en 2004, la Russie a tenté de la remettre
dans son giron par le biais de l'interdépendance économique. Ce
fut sans succès, car au même moment, l'Estonie adhérait
à l'Union Européenne, et au marché européen,
entérinant définitivement son divorce avec le voisin russe et
concrétisant pour de bon son « passage à
l'Ouest ». Le pouvoir russe a pu à un moment penser que
l'adhésion estonienne à l'Otan et à l'UE supprimerait la
méfiance dans ce pays à l'égard des Russes en raison de
l'apparition d'un sentiment de sécurité et d'indépendance
renforcé. Il n'en fut rien. Les relations des deux voisins se sont
dégradées et la Russie a même, dans un premier temps,
refusé l'extension automatique des accords APC aux dix nouveaux membres
de l'UE (dont l'Estonie), cela car l'élargissement de l'UE aux pays de
l'ancien bloc communiste et leur entrée dans le marché commun
pénalisait économiquement la Russie (entre 150 et 300 millions
d'euros de pertes économiques et commerciales). Pour le pouvoir russe
actuel, la restauration de la « grande Russie » semble
devoir passer aussi par la satellisation des petits voisins, (par des moyens
économiques, une proximité politique ou une présence
militaire) notamment des Etats baltes. Moscou voit donc d'un très
mauvais oeil le fait que ces derniers aient rejoint l'Otan et l'UE, car cela
signifie que la capacité d'influence de la Russie dans la zone est
désormais limitée.
L'élargissement de l'UE et de l'OTAN est intervenu
« au détriment » de la Russie car il s'est fait dans
la traditionnelle « sphère d'influence
russe ».5(*) Il
faut savoir que la vision géopolitique de la Russie à travers les
siècles est constante. La Russie se considère enclavée et
encerclée, ce qui provoque un sentiment d'insécurité et de
vulnérabilité. Ainsi, pour se soustraire à ce sentiment,
la Russie souhaite se constituer un « glacis » d'Etats
« amis » le long de ses frontières, afin notamment
de pouvoir y projeter rapidement sa puissance militaire en cas de tensions sur
le pourtour de sa zone d'influence (l'annexion de l'Europe centrale et
orientale en 1945 constitue la réalisation ultime de cet objectif). Les
pays baltes sont en quelque sorte la clé de voûte de ce
schéma car ils permettraient de « verrouiller » la
façade maritime Ouest de la Russie tout en constituant une interface
d'échange idéale avec l'Europe, et de désenclaver le
pays.6(*)
c. Les aspects factuels du
néo-impérialisme russe de nature à faire frémir les
Estoniens sont aisément repérables, de par le retentissement des
actions au niveau international, ainsi que par leur multiplication sur une
période relativement courte.
Le premier évènement que l'on peut citer est
celui de la « révolution orange » ukrainienne. Lors
du scrutin présidentiel de 2004, on a pu observer une ingérence
importante de la part de Moscou. La Russie soutenant le candidat pro-russe
(financièrement, logistiquement et politiquement), et les Etats-Unis et
la fondation Soros soutenant de manière à peine plus
dissimulée le parti pro-occidental de Victor Iouchtchenko. On peut ici
constater que la lutte d'influence en Ukraine fait rage, ce pays est
traditionnellement la « chasse gardée » de Moscou et
les implications dans les relations Est-Ouest du résultat de la
Révolution orange (victoire de Iouchtchenko après un
« troisième tour ») ne sont pas négligeables.
Même si la guerre froide fait partie du passé, cette région
d'Europe continue d'être le théâtre du conflit indirect
entre les Etats-Unis et la Russie. Ces évènements ont mis en
lumière l'attachement de la Russie à garder le contrôle sur
son « étranger proche », la Russie a d'autant plus
tenté d'influer sur les résultats de ces élections que
quelques mois plus tôt l'UE s'était agrandie de dix nouveaux pays
issus du bloc soviétique (idem pour l'OTAN). l'Ukraine ne devait pas
« passer à l'Ouest ». Les Estoniens craignent
profondément cette ingérence russe (la Russie a
félicité le candidat pro-russe avant même que les
résultats finaux des élections ne soient proclamés) et ont
pris conscience que le désir de satellisation des voisins était
encore vivace à Moscou.
Un autre évènement qui, cette fois-ci, concerne
l'Estonie, a dégradé bien plus encore les relations
russo-estoniennes. Le 27 avril 2007, le gouvernement estonien décide de
déplacer un monument (le soldat de bronze) érigé en 1945
à la gloire de l'armée rouge, du centre ville jusqu'à un
cimetière militaire. Des émeutes éclatent, très
rapidement des milliers de jeunes russophones sèment le chaos dans
Tallinn (pillages, vandalisme, violences physiques) durant deux nuits. Ces
manifestations ont permis à des groupes russophones nationalistes de se
faire entendre. Un groupe pro-russe rassemblant principalement des jeunes et
agissant sur le territoire estonien (Nochnoi Dozor ou « veille de
nuit »), et entretenu par le Kremlin, aurait contribué
à provoquer des débordements (les responsables du groupe ont
été acquittés, faute de preuves). On peut cependant
supposer que la politique assez radicale du gouvernement estonien sur les
questions nationales, identitaires et historiques, a ravivé aussi des
sentiments nationalistes russes qui semblaient atténués,
notamment par la réussite économique estonienne. L'UE condamne
alors l'attitude de Moscou.
Extrait de la résolution du parlement Européen
du 24 Mai 2007 :
« rappelle aux autorités russes que la
rhétorique hostile, développée ouvertement et sans
nuances, par les autorités russes contre l'Estonie est absolument
contraire aux principes des relations internationales et affectera les
relations entre l'Union européenne et la Russie en général
».7(*)
Peu après le début des émeutes, une
série de puissantes cyber-attaques furent perpétrées sur
les serveurs Internet des administrations estoniennes, allant même
jusqu'à publier un message en russe sur la première page du site
du Premier ministre, déclarant que celui-ci présentait ses
excuses au peuple russe et s'engageait à démissionner. Les sites
des administrations furent ainsi truffés de messages similaires et de
déclarations fantaisistes avant de devenir complètement
inutilisables. Les experts de la cyber défense estonienne affirment que
les attaques émanaient d'adresses IP russes, et que certaines de ces
adresses seraient celles du Kremlin.
Les jours suivants, l'Ambassade et le consulat d'Estonie
à Moscou furent assiégée par des groupes de jeunes
militants nationalistes (certains de ces groupes étant directement
liés au parti Russie Unie de Vladimir Poutine), des pierres furent
lancées dans les fenêtres de l'Ambassade, les manifestants ont
également arraché les drapeaux estoniens qui se trouvaient sur la
voiture de l'Ambassadrice et sur le bâtiment, le personnel diplomatique
n'eut d'autre choix que de rester cloîtré dans l'ambassade. La
communauté internationale a reproché à la Russie de
n'avoir quasiment rien fait pour endiguer les violences et souligne que cela
constitue une entorse à la convention de Vienne :
La Présidence allemande du Conseil
européen publie le 2 mai 2007 la déclaration
suivante :
« L'UE somme expressément la
Fédération de Russie de respecter ses engagements internationaux
découlant de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques en
protégeant le personnel et le site de la représentation
diplomatique estonienne et en assurant un accès sans entrave à
celle-ci »
Un autre moyen employé par la Russie pour conforter
sa politique d'influence est la distribution de passeports russes aux
populations russophones vivants à l'étranger. C'est le cas en
Crimée pour l'Ukraine, en Transnistrie (région
sécessionniste de Moldavie), mais aussi en Abkhazie et en Ossétie
du sud (Géorgie), ainsi que, dans une moindre mesure, dans la province
estonienne d'Ida Virumaa (nord-est).8(*)
« Lorsqu'une agression militaire est justifiée par
la nécessité de protéger les intérêts des
citoyens russes en Géorgie, cela pose de sérieux problèmes
aux pays qui ont des résidents possédant la citoyenneté
russe ». Urmas Paët, entretien
avec Liina Altvee du 7 janvier 2009.
Récemment, le parlement russe a déposé un
projet d'amendement à la loi établissant que la Russie pourrait
recourir à la force armée pour protéger ses ressortissants
à l'étranger en cas de besoin.
Cette nouvelle loi serait, du point de vue des Estoniens, le
moyen de légitimer l'intervention russe en Géorgie de
l'été dernier. Cette intervention militaire contre un Etat
souverain, ainsi que l'atteinte manifeste à son intégrité
territoriale par le rattachement de facto des républiques
d'Abkhazie et d'Ossétie du sud à la fédération de
Russie a également suscité l'indignation des élites
politiques estoniennes. L'Estonie fut, parmi les premiers pays, à
dénoncer l'intervention militaire russe et à appeler à la
mobilisation de la communauté internationale en vue de soutenir l'Etat
géorgien menacé9(*) et de rappeler le pouvoir russe à ses
obligations, dans le cadre notamment des engagements pris par ce dernier en
droit international par le simple fait de faire parti de l'ONU et de l'OSCE.
Les estoniens étaient d'autant plus choqués par
cette intervention militaire qu'un certain nombre de résidents sur le
sol estonien sont dotés de passeports russes (notamment dans la
région d'Ida Virumaa, ou 80% de la population est russophone). Les
manifestations d'ingérence russes ayant pour prétexte la
sécurité des ressortissants russes à l'étranger et
la cause des inquiétudes estoniennes. L'intervention russe en
Géorgie aurait pu être susceptible de raviver les tensions entre
les deux communautés
Cependant, malgré des relations bilatérales
russo-estoniennes parfois difficile, un certain pragmatisme commence à
voir le jour, dans le cadre des relations Union-Européenne Russie.
2. vers plus de pragmatisme :
« Il n'y a pas de problèmes dans les
rapports russo-estoniens dans les secteurs non politisés, notamment dans
les questions qui ne sont pas liées à l'interprétation de
l'histoire. » Urmas Paët, ministre estonien des affaires
étrangères, Tallinn le 18 juin 2009 pour RIA Novosti
Depuis que l'Estonie a intégré l'Union
Européenne en 2004, elle n'a d'autre choix que d'introduire plus de
pragmatisme dans ses relations avec la Russie. L'Estonie est en mesure
d'être une zone d'échange et de contacts privilégiée
entre l'UE et Moscou, que ce soit au niveau économique, mais aussi par
des mouvements de population et au niveau culturel. De par sa situation
géographique, l'Estonie est bien consciente qu'elle se doit de tirer
profit de cette position d'interface stratégique10(*), si elle parvient à
introduire plus de pragmatisme dans ses relations avec Moscou, ce sera au
bénéfice de l'UE, mais pourrait également être
propice à l'avènement de l'Estonie comme maillon capital des
relations « Est-Ouest », synonyme de point de passage
obligé des flux de marchandises, de personnes, et de capitaux.
On relève trois principaux enjeux qui
nécessitent une approche pragmatique. Le premier problème a
été réglé avec succès, il s'agissait de la
délimitation finale de la frontière russo-estonienne, ainsi que
la conclusion d'un certain nombre d'accords visant à faciliter les
relations économiques entre les deux pays. Le second est l'enjeu
énergétique, avec en question le tracé des pipelines et la
dépendance énergétique de l'Estonie, le dernier aspect
concerne le commerce UE-Russie, c'est-à dire les voies de transit,
qu'elles soient maritimes ou terrestres.
"Nous voudrions que l'on règle des problèmes
très concrets comme les taxes douanières sur le bois ou bien sur
les procédures pour monter les trains sur des axes compatibles avec les
rails russes. Et puis il faudra discuter de sécurité
énergétique et développer de notre côté, en
Union européenne, une politique commune de l'énergie.",
Urmas Paët, en marge de la réunion des ministres des affaires
étrangères de l'UE, le 26 Mai 2008.
a. L'une des conditions principales pour
pouvoir adhérer à l'Union européenne est l'absence de
conflit frontalier.11(*)
Après 10 ans de négociations, le traité frontalier entre
la Russie et l'Estonie a été signé par le président
de la République estonienne et ratifié en 2005 par le parlement
estonien. Au terme des discussions avec la Russie, l'Estonie a
décidé de faire définitivement le deuil des régions
de Petseri et des zones situées au nord et au sud de la ville de Narva
(5% du territoire estonien). Cependant, une fois le projet approuvé par
les Estoniens transmis à la Douma russe, celui-ci n'obtint pas
ratification en Russie en raison de l'allusion faite dans le texte au
renoncement de l'Estonie à des territoires qui selon le traité de
Tartu, leur appartiennent juridiquement. Néanmoins, le consensus a
été obtenu de facto et la frontière est
définitivement fixée, les postes frontières sont
opérationnels et les contrôles sont effectifs. L'Estonie a donc
accordée une concession au voisin russe, voulant transmettre un signe de
bonne volonté en vue de la normalisation de ses rapports avec la Russie.
Cela naturellement dans le but de satisfaire aux exigences de l'UE, mais
également afin de pouvoir envisager une intensification relative des
rapports politiques et économiques entre Tallinn et Moscou.
« Pour ce qui est de la possibilité d'une
nouvelle rencontre, par exemple, avec le ministre russe des Affaires
étrangères, nous avons toujours estimé que parler vaut
mieux que garder le silence. Nous sommes toujours prêts à nous
rencontrer pour discuter »
« L'invitation adressée à
Sergueï Lavrov est valable depuis plusieurs années. »,
Déclaration de Urmas Paët devant le parlement estonien le 18
juin 2008
Egalement, l'Estonie est parvenue à mettre au point
conjointement avec la Russie des accords concernant le régime des visas
octroyés de part et d'autre de sa frontière. Ces accords
interviennent dans le cadre du partenariat UE-Russie, ils visent à
simplifier les déplacements d'un pays à l'autre, les citoyens
russes peuvent désormais obtenir des visas multiples de longue
durée. Les accords sur la réadmission des immigrés
clandestins ont également été conclus.
L'Estonie désire également conclure des accords
avec la Russie dans les domaines des taxes douanières pour la bois
d'oeuvre, mais aussi pour simplifier les contrôles douaniers aux
frontières afin de réduire le nombre de voitures
stationnées en file (actuellement environ 200) quotidiennement au poste
frontière de Narva, en attente de pouvoir se rendre en Russie. De
même des accords pourraient être conclus au niveau des tarifs
d'utilisation des chemins de fer russes pour le fret estonien ainsi que sur la
protection réciproque des investissements.
b. Le second domaine nécessitant une
approche pragmatique est celui de l'énergie. L'Estonie est
dépendante du pétrole russe et depuis la dernière crise du
gaz russo-Ukrainienne, et en raison de la fermeture prochaine de la centrale
nucléaire lituanienne d'Ignalina imposée par Bruxelles, les
Estoniens ont pris conscience de la nécessité de trouver d'autres
sources d'approvisionnements12(*). Pour se faire, les Estoniens ont été
plaider pour le raccordement de leur pays et des autres Etats baltes au
réseau énergétique européen.13(*) Ils ont été
entendus par Bruxelles qui a fixée comme l'une de ses priorités
le « désenclavement énergétique » des
pays baltes. Il y a déjà un câble sous marin qui relie les
réseaux électriques finlandais et estonien (Estlink), et le
doublement de ce câble est actuellement en projet, la Lituanie compte,
elle, se connecter par voie sous-marine au réseau électrique
suédois. Au niveau de l'approvisionnement en pétrole, le
réseau Sarmatia (Caspienne-Tbilissi-Odessa-Gdansk), encore en
construction, devrait approvisionner la raffinerie lituanienne de Mazeikiai, le
désenclavement énergétique serait donc achevé.
Le lancement du programme Nordstream par un consortium
germano-russe, visant à construire un pipeline reliant le port russe de
Vyborg (frontière finlandaise) et le port allemand de Greifswald (ce
double tube doit passer être installé au fond de la Baltique) a
déplu aux Estoniens. Ces derniers ont vite fait savoir que pour des
raisons environnementales, ce pipeline n'était pas idéal. Le
réel problème ici est que le président du conseil de
surveillance du consortium est Gerrard Schröder, qui n'est pas très
apprécié en Estonie depuis qu'il a exprimé sa
désapprobation à propos du déplacement par le gouvernement
estonien du soldat de bronze en 2007.
« Fin mai, Nord Stream avait demandé aux
autorités estoniennes la permission d'explorer le fond marin dans la
zone économique estonienne en vue de corriger éventuellement
l'itinéraire du gazoduc qui doit relier la Russie et l'Allemagne par le
fond de la Baltique, mais, fin septembre, les autorités estoniennes ont
rejeté la demande de cette société, invoquant les
intérêts économiques et ceux de l'Etat. »Ria
Novosti, 1 octobre 2007
De même, les Estoniens perçoivent ce projet
bilatéral germano-russe comme une défaite du point de vue de
l'ambition qu'ils ont de jouer le rôle d'interface entre l'UE et la
Russie. En effet, ce sont certainement les relations houleuses entre l'Estonie
et la Russie qui ont fait préférer à Gazprom (actionnaire
majoritaire du projet) la voie sous marine à la voie terrestre, ceci
également envisagé comme une sorte de petite mesure de
rétorsion adressée au gouvernement estonien pour son
« indocilité ».
Le fait que l'UE ne soit pas partie au projet et que les
Estoniens n'aient pas été consultés sur le tracé du
tube irrite ici l'opinion publique et le gouvernement. De même, la simple
perspective de voir une compagnie russe stratégique travailler à
quelques encablures de la côte estonienne rappelle des heures sombres et
pourrait également être à l'origine du
mécontentement:
« Urmas Paet a décliné la
proposition de l'ex-Chancelier qui aurait souhaité le rencontrer. Les
autorités estoniennes ont refusé récemment au Nordstream
de mener des travaux d'exploration de leur zone maritime pour vice de forme
dans la demande. La construction du gazoduc sous-marin pourrait donc prendre du
retard, mais Urmas Paet a rappelé que l'ex-Chancelier s'est permis de
critiquer le déplacement du Soldat de bronze... »
« La balle est donc peut-être bien dans le camp de l'Estonie,
qui est en train de signifier à Moscou que, si la Russie souhaite
respecter les délais concernant le Nordstream, elle ferait bien de
cesser toute action anti-estonienne. » Extrait du journal
Kommersant du 7 Mai 2007 et traduit par Céline Bayou sur le site
regard-est.com
Les Estoniens tiennent à améliorer leurs
relations avec la Russie afin, également, de ne plus être exclus
de ce genre de projet,14(*) qui concerne au delà de l'Allemagne et de la
Russie, l'Europe entière.
c. L'Estonie est dors et déjà
le point de passage privilégié pour le transit de marchandises
entre l'UE et la Russie. Le tronçon ferroviaire Tallinn-Saint
Pétersbourg est le plus chargé du continent européen pour
le transport de fret, aussi bien en volume qu'en nombre de convois annuel. On a
enregistré une forte croissance des tonnages transportés qui ont
progressé de 185 %, soit un quasi-triplement, entre 1994 et 2003, en
tonnes-km. Le tonnage moyen est aujourd'hui de 1700 tonnes par train quand il
est de 352 tonnes par train de fret à la SNCF. Les marchandises les plus
transportées à destination de l'UE sont les produits
pétroliers raffinés (70%), les engrais (7%), les
céréales (4%) et le charbon (3%). Les trains retournent ensuite
à vide en Russie pour un nouveau chargement. Le projet européen
nommé « rail Baltica » vise à construire une
voie ferrée adaptée à un trafic de plus en plus intense
entre Varsovie et Helsinki, passant par les villes de Bialystok, Kaunas, Riga,
Tartu et Tallinn, cet axe de transit devrait être achevé en 2015,
renforçant le rôle majeur de Tallinn comme intermédiaire
dans les exportations et les importations européennes.15(*)
Les exportations européennes à destination de la
Russie se font aujourd'hui majoritairement par voie maritime. Les ports
Estoniens de Sillamaë et de Muuga (Tallinn), sont les principales portes
d'entrée sur la Russie pour les marchandises mondiales et
Européennes.16(*)
Sillamaë est le principal point de passage pour les voitures neuves
à destination du marché russe, et depuis sa mise en service en
2004, le trafic du port s'accroît exponentiellement. Le port de Muuga,
est plus spécialisé dans l'acheminement de denrées
alimentaires telles que les céréales, ainsi que dans le transit
des métaux de construction.
Ainsi, le besoin d'une relation pragmatique entre l'Estonie et
la Russie se fait plus que jamais sentir, en raison de la croissance de
l'interaction économique et commerciale et à la vue de
l'important potentiel de croissance pour ces échanges, donc de
l'augmentation progressive du rôle stratégique de l'Estonie. En
2007, lors des événements du Soldat de bronze, le transit entre
l'Estonie et la Russie avait été fortement ralenti (au niveau
maritime et ferroviaire principalement), ces mesures avaient été
adoptées par le Kremlin comme une sorte de sanction. Aujourd'hui,
Tallinn désire éviter à tout prix que ce genre de
problème se répète.
B. La politique russe de Bruxelles, et son impact sur
cette relation :
1. La difficile mise en place d'un nouvel APC, une UE
longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de
Moscou ? :
Jusqu'au récent conflit russo-géorgien, l'Union
Européenne s'était toujours montrée relativement
discordante dans son dialogue avec Moscou, encore plus depuis l'adhésion
de dix nouveaux Etats en 2004. Ce manque d'unité dans le dialogue a
toujours été déploré par la Russie alors qu'en
coulisse, les dirigeants russes savaient pertinemment que ces divergences de
points de vues, de revendications, de positionnement idéologique et
politique ainsi que de vision pour l'Europe ne pouvaient jouer qu'en leur
faveur lors des rencontres avec les leaders de Bruxelles:
« L'expérience de la
crise du début de
l'année 2003 à propos de l'Irak a
montré aux dirigeants du Kremlin que l'axe franco-allemand
s'était transformé de locomotive de la construction
européenne en obstacle majeur de l'entente entre les Européens.
Pour la Russie le meilleur moyen de torpiller la cohésion de l'Union
Européenne est d'encourager les ambitions franco-allemandes de
« noyau dur » européen. »
Françoise Thom, professeur à l'université Paris IV
Les évènements de 2007 à Tallinn sont
généralement perçus comme une illustration de la
volonté russe de tester la « solidarité
européenne » et la consistance de l'union d'une manière
générale.
« La Russie teste activement le comportement de
l'UE et de l'OTAN après l'élargissement, et les Etats baltes sont
la région où la Russie est le plus à même
d'expérimenter les réactions des deux institutions
élargies. » Vahur Made, directeur adjoint de
l'école estonienne de diplomatie.
Nous analyserons ici les différentes illustrations de
ce manque d'unité face à la Russie en deux temps.
Premièrement il s'agira de se pencher sur le cadre juridique
régissant les relations russo-européennes, notamment son
élaboration et sa mise en place délicate. Ensuite, nous
étudierons de quelle façon Moscou tente d'utiliser les
divergences intra-européennes, voire parfois de les
pérenniser.
a. Les relations entre l'UE et la Russie sont
régies dans le cadre des accords de partenariat et de coopération
(APC). Les accords APC ont été signés en 1994 à
Corfou, et sont entrés en vigueur en 1997 après les
ratifications. L'APC définit en premier lieu un cadre institutionnel et
politique. L'affirmation d'un socle de valeurs communes reposant sur la
démocratie et le respect des droits de l'homme est inscrite dans le
préambule. L'accord institutionnalise ensuite le dialogue politique
à plusieurs niveaux :
- les sommets bi-annuels entre le Président russe et
les présidents de la Commission et du Conseil européens donnent
les orientations stratégiques.
- le Conseil permanent de partenariat réunit une fois
par an les ministres compétents pour examiner les questions relatives
à l'application de l'Accord ainsi que les sujets d'intérêt
commun.
- les hauts fonctionnaires se rencontrent en fonction des
besoins au sein de neuf comités de coopération
thématiques.
- une commission parlementaire mixte associant des
représentants du Parlement européen et de la Douma russe.
Les accords APC avaient été conclu pour dix ans
à partir de leur date d'entrée en vigueur, ainsi en 2007 leur
validité devait expirer, néanmoins les décideurs
politiques ont décidé de prolonger la validité de ces
accords jusqu'à ce qu'un nouveau cadre soit trouvé. Ces accords
sont désormais obsolètes au regard de l'état du processus
d'intégration politique et économique de l'UE, qui ne peut que
modifier les rapports entre cette dernière et la Russie. Dans le cadre
de ces accords, l'UE et la Russie ont adopté, non sans
difficultés, au sommet UE-Russie de Saint-Pétersbourg en 2003 une
déclaration conjointe visant à mettre en place quatre
« espaces communs » de coopération. Les feuilles de
route pour la mise en place de ces espaces communs ont été
adoptées lors du sommet UE-Russie de Moscou en 2005. Ces espaces
sont : l'espace économique européen commun, l'espace de
liberté, de sécurité et de justice, l'espace de
sécurité extérieure, et l'espace pour la recherche,
l'éducation et la culture.
Un autre thème de négociations entre l'UE et la
Russie concerne le secteur de la sécurité
énergétique, à laquelle Bruxelles accorde aujourd'hui un
intérêt tout particulier. La charte de l'énergie qui fut
signée en 1994 par 51 pays (Europe et ex-URSS), est aujourd'hui
rejetée par Moscou qui ne l'a d'ailleurs pas ratifiée. Le Kremlin
désirerait établir avec l'UE un accord moins contraignant et
moins détaillé qui ne soit pas inclut dans le cadre des accords
APC17(*). Ceci constitue
un point d'achoppement dans les relations entre Bruxelles et Moscou :
« Dans les PECO les compagnies géantes
russes acquièrent systématiquement les raffineries, les
réseaux de distribution, les oléoducs, les infrastructures
portuaires. Dans ce contexte on comprend pourquoi la Russie refuse
opiniâtrement de considérer tous les déplacements
d'hydrocarbures au sein de l'UE comme un transport interne, et non comme un
transit, ce que demande l'UE : ceci la priverait d'un important instrument
de pression sur les PECO qui lui sont liés par des accords
bilatéraux. C'est là une des raisons pour lesquelles la Russie
refuse de ratifier la Charte européenne de l'Energie. »
www.diploweb.com, la Russie, la
France et l'Europe, par Françoise Thom, professeur à
l'univèrsité Paris IV (avril 2005).
La fixation d'un nouveau cadre juridique régissant les
relations UE-Russie prend et prendra certainement encore du temps. Les nouveaux
membres de l'UE ont désormais une capacité de blocage des
négociations. A l'occasion du récent conflit géorgien,
l'Estonie avait émis l'hypothèse d'une annulation du sommet
UE-Russie de Nice qui s'est tenu en novembre 2008, mais finalement, tout en
appelant l'UE à la fermeté, elle n'a pas fait obstruction au
dialogue:
«Negotiations do not in any way validate Russia's
behaviour towards Georgia or reflect the values and principles of the EU»
(...)«The European Union must give Russia a clear message at the
summit--that the attack on Georgia has left a deep mark on the trust necessary
for an EU-Russia partnership agreement, and that all the points of the
Russia-Georgia cease-fire agreement must be fulfilled» Urmas
Paët, ministre estonien des affaires étrangères, le 10
novembre 2008 dans le cadre du GAERC (European Union General Affairs and
External Relations Council).
La Pologne, en raison d'un embargo russe sur ses exportations
de viande décrété en 2005, avait bloqué par son
veto l'ouverture prévue des négociations ayant pour but
d'établir le cadre d'un nouvel APC lors du sommet UE-Russie de novembre
2006 à Helsinki en guise de représailles envers la Russie.
L'établissement d'un nouvel accord-cadre sur les
relations entre l'UE et la Russie est dans l'intérêt des deux
parties. L'interdépendance économique entre les deux pays
s'intensifie, la Russie héberge beaucoup d'investissements
européens et l'Europe est le premier client de la Russie
(hydrocarbures). Ainsi, même si la Russie est un négociateur
coriace, elle sait qu'il est dans son intérêt d'obtenir un accord
cadre actualisé pour ses relations avec l'Europe et qu'elle devra
certainement, à un moment donné, faire des concessions.
Cependant, Moscou peut aussi considérer que tant que l'APC ne sera pas
renouvelé, il conserve toute latitude pour favoriser le dialogue
bilatéral avec les puissances d'Europe de l'ouest à défaut
d'intensifier ce dernier avec Bruxelles18(*).
b. Entre les « vieux pays
européens » et les dix nouveaux membres, le clivage est net
lorsque l'on examine le discours que tient Bruxelles au pouvoir russe lors des
sommets UE-Russie. L'UE se doit de faire valoir l'intérêt de tous
ses membres, et de concilier au mieux toutes les sensibilités de
l'Union, ce qui rend difficile l'élaboration d'un dialogue efficace et
cohérent. La France, par exemple, a toujours eu des relations amicales
avec la Russie, déjà du temps de la Russie impériale. Lors
de la première guerre mondiale, la France et la Russie étaient
alliées. L'amitié franco-russe ne fut jamais démentie
depuis, la coopération culturelle a toujours été
très active et l'image de la France en Russie est encore aujourd'hui
très positive. Ainsi Paris a toujours choisi de
« ménager » Moscou. L'Allemagne et la Russie ont
également de très bons rapports, surtout du point de vue
économique ainsi qu'au niveau de la coopération technologique et
industrielle , c'est le même cas de figure pour le Royaume-Uni, bien
que le tableau se soit un peu obscurci depuis l'affaire Litvinienko. Au niveau
des pays de l'Europe centrale et orientale, la perception de la Russie, autant
par les politiques que par les citoyens est très différente.
Les pays baltes par exemple, mais aussi la Pologne, sont
partisans d'une ligne plus intransigeante à l'égard de la Russie,
et n'hésitent pas à le faire savoir et à le montrer
à Bruxelles dès qu'ils en ont l'occasion. Une illustration du
contexte délicat dans lequel s'inscrivent les relations de ces pays avec
Moscou est par exemple l'atlantisme revendiqué des Baltes ainsi que la
limitation des capitaux russes dans les infrastructures
énergétiques situées sur leur territoire, ainsi que
l'empressement qu'ils montrèrent à rejoindre l'OTAN. On peut
considérer aussi la politique des frères Kazsynski en Pologne,
avec notamment les lois sur la recherche et l'arrestation d'anciens proches du
régime communiste qui se cacheraient dans les administrations, et
l'acceptation enthousiaste et sans conditions du projet américain de
déploiement d'un bouclier anti-missiles sur leur territoire19(*). Paradoxalement, un autre pays
d'Europe centrale, la Bulgarie, a traditionnellement de très bonnes
relations avec Moscou qui la considère comme un allié naturel.
Ainsi la perception de la Russie et l'état des relations avec cette
dernière diverge entre Europe orientale et occidentale, mais
également au sein d'une même région.
Néanmoins, l'Europe doit fonctionner, dans sa prise de
décisions, sur la base de l'unanimité. Et c'est aussi ce point
qui rend la progression et l'évolution des rapports et des accords
UE-Russie longue et difficile :
« Dans sa politique à l'égard de
la Russie, l'Union européenne est souvent apparue divisée et
hésitante. Depuis le début des années 1990, la plupart des
Etats membres ont d'abord défendu leurs propres intérêts
vis-à-vis de Moscou, que ceux-ci se fondent sur des liens et une
histoire spécifiques avec la Russie, sur des motivations
économiques ou politiques. Plus récemment, le conflit en
Tchétchénie, la situation politique interne de la Russie, le
partenariat énergétique avec Moscou, le projet de bouclier
anti-missile américain ou les négociations pour un nouvel accord
UE-Russie ont été autant de sujets sur lesquels les Etats membres
de l'Union ont adopté des positions différentes, voire
divergentes. » regard-est.com Extrait d'un entretien avec Michel
Foucher, le 15 mai 2007.
On peut considérer l'affaire du gazoduc Nordstream
comme l'illustration de la bilatéralisation par Moscou de ses rapports
avec l'Europe.20(*) La
mise en place commune de ce projet de gazoduc entre la Russie et l'Allemagne
est l'exemple type de la politique de Moscou qui a été, et reste
encore, d'influencer les dirigeants des pays de la « vieille
Europe », afin de palier à l'absence de relations optimales
avec certains pays de l'ancien bloc Soviétique, et de tenter d'obtenir
une oreille conciliante à Bruxelles :
« Moscou n'est pas habituée à
dialoguer avec Bruxelles, mais plutôt avec les grandes capitales que sont
Londres, Berlin et Paris. » Philippe Perchoc, le 20 mai 2007,
www.nouvelle-europe.eu
On constate que le trajet du gazoduc sous marin évite
soigneusement les territoires des pays baltes et de la Pologne, pays qui se
sont montrés depuis leur accession à l'UE, peu amènes
à l'égard de Moscou. Les bons rapports entre l'Allemagne et la
Russie se sont également révélés peu après
la guerre de Géorgie, lorsque Angela Merkel, soucieuse de ménager
Moscou, s'est déclarée opposée, à ce stade,
à l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN:
« La chancelière allemande Angela Merkel
a affirmé jeudi en Russie que l'intégrité territoriale de
la Géorgie n'était pas "négociable" mais jugé
prématuré un rapprochement dès décembre entre cette
ex-république soviétique et l'Otan. »
(...) « L'octroi du MAP (Plan d'action en vue de
l'adhésion) à ces deux pays, qui leur donnerait de facto le
statut de candidat officiel à l'Otan, reste prématuré,
a-t-elle ainsi jugé. » Agence France presse, le 11
octobre 2008.
Toutes ces divisions au sein de l'Europe lorsqu'il s'agit de
discuter et de négocier avec Moscou, ont longtemps été
exploitées par le Kremlin qui y trouvait une justification pour la
poursuite de relations bilatérales intenses et ouvertes avec certains
pays, sur des sujets comme l'énergie ou la sécurité,
lorsque, avec Bruxelles, ces mêmes sujets représentaient des
thèmes épineux engendrant d'âpres et laborieuses
négociations en raison du nouveau poids de certains pays d'Europe
centrale et orientale dans la négociation. Ce qu'a d'ailleurs
dénoncé Vladimir Poutine, à l'issue du sommet Russie-UE de
Samara de 2007, considérant les difficultés à faire
évoluer le débat en vue de l'adoption d'un nouveau cadre
juridique pour les relations UE-Russie :
"Il s'agit en règle générale de
problèmes qui plongent leurs racines dans l'égoïsme
économique d'un seul, de deux ou de trois pays
européens".
Ce manque d'unité de l'UE dans son dialogue et dans ses
rapports avec la Russie est donc favorable à Moscou dans la mesure ou ce
dernier peut faire d'une pierre deux coups en l'utilisant comme prétexte
pour justifier la lenteur de l'évolution des négociations en vue
d'un nouvel accord régissant les relations UE-Russie, et en entretenant
les divisions à son sujet en intensifiant le dialogue et la
coopération bilatérale avec certains pays de l'Union (notamment
l'Allemagne et la France) considérés comme les moteurs de
l'intégration européenne, tout en dénonçant
l'attitude de certains pays à son égard (pays baltes, Pologne).
La Russie intensifie son dialogue avec les grandes puissances de l'Union, ce
qui lui permettrait de court-circuiter Bruxelles lors du dialogue avec les
Européens21(*).
« la tactique russe est simple : faire
appel aux Etats dès que Moscou veut faire aboutir une question qui lui
tient à coeur. Ce fut le cas pour le transit vers Kaliningrad où
la Russie s'assura l'appui de la France et fit plier l'Union
Européenne qui dut abandonner son exigence de visa pour les Russes
circulant entre Kaliningrad et la Russie (accord du 11 novembre 2002), laissant
la Lituanie négocier seule la difficile question du transit militaire
russe à travers son territoire. La même tactique
est employée aujourd'hui pour arracher à l'Union
Européenne l'abandon du régime des visas avec la Russie : la
France et l'Italie ont déjà déféré aux
demandes du Kremlin. Forte de ces précédents
l'administration Poutine est en train de se demander comment créer un
mécanisme de négociation avec l'UE court-circuitant
Bruxelles. »
www.diploweb.com, la
Russie, la France et l'Europe, par Françoise Thom, professeur à
l'université Paris IV (avril 2005)
Ainsi, la crédibilité de L'UE en tant
qu'interlocuteur privilégié pour Moscou dans ses relations avec
l'Europe dépendra du degré d'unité que cette
dernière affichera sur les grands dossiers du partenariat
russo-européen, et de la détermination des dirigeants d'Europe de
l'ouest à annoncer au pouvoir russe qu'il doit désormais se
tourner plus vers Bruxelles que vers eux-même.
Cependant, depuis les évènements de Tallinn en
2007, l'UE a entrepris d'afficher une certaine unité face à la
Russie et tâche de s'en donner les moyens. On constate peu à peu
l'affirmation du principe de « solidarité
européenne ». Cette progression vers l'unité changera
certainement la nature des rapports UE-Russie en introduisant plus de
fermeté dans le dialogue à l'égard de Moscou, notamment
à la vue des évènements récents dans l'ancienne
« sphère d'influence » de la Russie.
2. Vers l'unité de l'Union Européenne,
une dimension géopolitique face à la Russie :
On assiste peu à peu à l'apparition d'une UE
unanime dans son dialogue avec Moscou. Il aura fallu pour cela un certain
nombre de crises, et même un conflit militaire l'été
dernier pour que les dirigeants européens, même les plus
favorables à Moscou, comprennent qu'il était impératif
d'opposer un front uni aux aspirations russes visant à restaurer leur
traditionnelle « sphère d'influence ». Ainsi nous
verrons dans un premier temps les grandes étapes pour l'apparition de
cette nouvelle unité européenne, et ensuite nous examinerons la
nouvelle dimension « géopolitique » de l'Union
Européenne qui voudrait transparaître à travers un certain
nombre de projets et d'orientations politiques.
a. L'UE a, ces dernières années,
évolué vers un positionnement et un discours plus concordant
à l'égard de la Russie, et ceci à l'occasion de certains
évènements. Premièrement, lors des
événements de 2007, l'UE a su faire front uni pour condamner le
comportement de Moscou et prouver l'existence du fameux principe de
solidarité européenne. Ainsi, lors du sommet UE-Russie de Samara
du 18 mai 2007, Jose Manuel Barosso a tenu à l'affirmer à
l'attention des dirigeants russes :
« Une difficulté pour un Etat membre est une
difficulté pour tous les membres de l'Union européenne. Nous
sommes une Union fondée sur des principes de solidarité. Un
problème estonien est aussi un problème européen
».
Egalement, le fait qu'en cette même période le
mouvement nationaliste russe, pro-kremlin, « nashi » (les
nôtres), manifeste non seulement devant l'ambassade d'Estonie à
Moscou, mais également devant la délégation de la
Commission européenne, équivaut à reconnaître l'UE
comme un acteur légitime dans le différend russo-estonien. Le
différend russo-estonien a pris une dimension européenne. Les
événements de 2007, étaient, comme dit
précédemment, un « test » de la
solidité et de la cohérence européenne, effectué
grandeur nature par Moscou. Les responsables de l'UE semblent l'avoir compris
et ont agis en conséquence, en dénonçant unanimement
l'attitude du Kremlin dans ce différend, et en garantissant à
l'état estonien le soutient indéfectible de l'Union. Cependant
l'UE a décidé de ne pas interrompre les discussions avec la
Russie, estimant que ce serait contre productif , mettant une nouvelle
fois en avant sa tradition de dialogue. Malgré tout, après ces
évènements, l'UE a commandé un audit des relations
UE-Russie à l'ECFR (european council on foreign relations). Cet audit a
été rendu public le 2 novembre 2007, voici un extrait de la
conclusion, située en fin de document :
« the EU has the resources and levers to
exercise serious influence over Russia. The biggest challenge will be to
strengthen the key point of leverage which Europeans could exercise over
Russia: their unity. » Par Mark Leonard et Nicu
Popescu.
Après les évènements de Tallinn de 2007,
le conflit géorgien de l'été dernier fut une occasion
supplémentaire pour l'UE de manifester une certaine unité face
à la Russie22(*).
Tous les membres de l'UE ont condamné unanimement l'agression militaire
russe, et c'est grâce à l'unanimité de tous les membres que
Nicolas Sarkozy a été en mesure d'aller négocier la paix
en faisant s'asseoir à la même table Mikhaïl Saakhachviili et
Dmitri Medvedev. Nicolas Sarkozy a loué la démonstration
d'unité de l'UE lors de son discours devant le parlement européen
à Strasbourg le 16 décembre 2008 :
« Finalement, la guerre fut
évitée. Le retrait fut engagé et par-dessus tout, et
hommage en soit rendu à tous les pays membres de l'Union, l'Europe est
restée unie. »
Cette intervention de la diplomatie européenne, la
première du genre, aux portes de l'Union, témoignent de
l'importance de maintenir un voisinage stable et pacifié, mais
également d'une volonté européenne de prendre
désormais des responsabilités dans le règlement des
problèmes dans son voisinage direct, et de donner, ainsi, une raison
d'être à la PESD et l'espoir d'une politique
étrangère commune à court ou moyen terme.
Le Monde du 7 août 2009 titre un de ses articles
« l'Europe stratégique est née en
Géorgie »
En voici un extrait :
« il est significatif pour l'avenir de
l'Union européenne que celle-ci ait pu démontrer une
véritable capacité d'action en cas de crise engageant la paix et
la sécurité en Europe, dès lors qu'une impulsion politique
était au rendez-vous. Une démonstration d'autant plus utile que
les dossiers ne manquent pas qui engagent la stabilité territoriale ou
la sécurité énergétique de notre
continent. »
Août 2008 fut certainement un tournant. Une nouvelle
tendance se dessine, celle d'une Union Européenne acteur majeur sur la
scène internationale. L'Europe ne doit plus seulement être
économique et juridique, elle doit être une puissance diplomatique
et politique, et l'intégration croissante de l'Union va dans ce sens. La
ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais le 2 octobre 2009
confirmerait la voie dans laquelle a choisie de s'engager l'Union.
« Un premier rendez-vous crucial nous attend
avec la ratification du traité de Lisbonne. Il faut souhaiter une
entrée en vigueur rapide du traité pour que l'Union
européenne dispose enfin, grâce aux innovations qu'il contient
(président du Conseil européen,
Haut
Représentant pour les affaires étrangères et
la politique de sécurité et Service européen pour l'action
extérieure), d'une véritable politique étrangère
qui lui permette d'agir et non de subir. » Le Monde du 7
août 2009
b. La nouvelle vision
« géopolitique » de l'Europe tend à
s'affirmer à travers plusieurs projets. Parmi ces projets on
considèrera ici le partenariat oriental,23(*) et l'implication de ce projet pour la politique
étrangère estonienne.
Le partenariat oriental tend à illustrer une certaine
volonté d'homogénéisation du voisinage direct de l'Union
Européenne (ce partenariat s'inscrit dans le cadre plus large de la
« politique européenne de voisinage »). Cette
homogénéité se doit d'être tout d'abord
économique et démocratique, telle est l'ambition du partenariat
oriental de l'UE. Le partenariat oriental a été lancé le 7
mai 2009 à Prague. L'UE désire un voisinage stable politiquement,
mais aussi ouvert économiquement. C'est dans ce but qu'a
été établi ce partenariat. Les six pays concernés
sont : la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie,
l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
« Le but du partenariat oriental n'est pas
d'offrir une perspective d'adhésion à l'Union européenne,
mais de proposer des projets concrets pour assurer une intégration
graduelle des six pays concernés à l'économie, à la
législation et aux politiques européennes. »
www.rfi.fr , le 6 mai 2009
Cependant, ce partenariat qui s'est dessiné
après le conflit du gaz russo-ukrainien et le conflit militaire de
l'été dernier en Géorgie a certainement d'autres
objectifs. Le fait d'associer des pays comme l'Ukraine et les
républiques du Caucase à ce partenariat laisse penser que l'UE
désirerait sécuriser les voies de transit des hydrocarbures a
destination de l'Union afin d'éviter, par exemple, de nouvelles ruptures
d'approvisionnement.24(*)
La Russie a, dès le début des discussions
liées à la genèse du projet, perçu ce dernier comme
une volonté européenne d'immixtion dans sa traditionnelle
« sphère d'influence », ce que l'Europe a
démenti en expliquant que ce partenariat oriental visant à
rapprocher ces six pays de l'UE, rapprocherait par le fait également la
Russie, et faciliterait donc la coopération et les échanges avec
cette dernière, néanmoins, Moscou reste sceptique et a tendance
à percevoir la manoeuvre comme une alliance contre les
intérêts russes. Ainsi, Fedor Loukianov, rédacteur en chef
de la revue « la Russie dans la politique globale » fait le
constat suivant :
« La lutte pour les pays voisins de la Russie et
de l'Union européenne, jusqu'ici latente, est désormais devenue
manifeste.(...) La nécessité d'entraîner ces Etats
périphériques dans la sphère d'influence de l'UE (pour des
raisons énergétiques en premier lieu) l'a emporté sur les
scrupules des partisans des valeurs européennes. Minsk en constitue
l'exemple le plus éclatant. » Ria Novosti 8 mai 2009
Vladimir Tchijov, le délégué permanent
russe auprès de l'UE va même plus loin et cherche à
dénoncer, d'une certaine façon, ce partenariat :
« Il importe aussi que cette initiative ne place
aucun pays devant un dilemme artificiel: soit regarder vers l'avant et se
projeter dans un avenir radieux aux côtés de l'UE, soit se tourner
vers un passé ténébreux avec la Russie. Malheureusement,
les signes de cet état d'esprit sont apparus dès la formation du
Partenariat oriental. » Ria Novosti 18 mai 2009
La dimension géopolitique de l'Union Européenne
tendrait donc à s'affirmer par le biais de ce partenariat oriental, Mais
le partenariat oriental est également un moyen pour certains
« petits pays » européens tels que l'Estonie, de
développer une politique étrangère ciblée sur
certains Etats proches.
« La PEV donne à l'Estonie une chance de
participer à la politique de puissance régionale. Dans ce cadre,
l'Estonie peut développer une approche messianique de la politique
étrangère, devenant un exemple de réformes, de transition,
d'occidentalisation et d'intégration pour l'Ukraine, la Moldavie et la
Géorgie. Le message de l'Estonie est clair : « Suivez
notre exemple et tôt ou tard vous deviendrez un état membre de
l'UE et de l'OTAN ».
www.cairn.info, n°61, janvier
2006 (les pays baltes), par Vahur Made, directeur adjoint de l'école
estonienne de diplomatie.
La PEV laisse toute liberté d'action aux pays
situés à l'extrémité Est de l'UE de mettre en place
leur propre politique étrangère au sein d'un cadre juridique
pré-établi. Ainsi, l'aide au développement et la
coopération économique ou politique ne sont plus juste des
politiques de soutien, mais elles permettent d'exercer une certaine influence
sur les dirigeants des pays concernés et ainsi de les rapprocher de
l'UE, donc implicitement, de les éloigner de Moscou.
Il faut savoir que la Géorgie est la priorité de
la politique étrangère estonienne. L'Estonie soutient ardemment
l'adhésion rapide et inconditionnelle de la Géorgie à
l'OTAN. Au moment de la guerre en 2008, Tallinn a envoyé en
Géorgie deux experts en cyber-défense, ainsi qu'une équipe
de démineurs. La Géorgie est le premier
bénéficiaire de l'aide bilatéral estonienne, qu'elle soit
financière, logistique ou humanitaire.
« It is our duty to continue giving support and
assistance to Ukraine and Georgia ». Extrait de l'allocution du
ministre estonien des affaires étrangères M.Urmas Paët
devant le parlement le 26 février 2009, dans le cadre de la
« vue générale de la politique étrangère
estonienne. »
CONCLUSION:
A l'issue de cette étude, il
apparaît que, dans ce processus d'évolution des rapports
UE-Russie, les nouveaux états membres, à l'instar de l'Estonie,
ont un rôle à jouer, et comptent bien saisir cette
opportunité pour mettre en oeuvre, par le biais des actions et des
développements de l'UE, leur propre politique étrangère.
l'Union européenne devient peu à peu un ensemble cohérent
et elle tend vers une certaine homogénéité au niveau de sa
politique étrangère. Elle est alors en mesure d'opposer un front
relativement uni à la diplomatie russe sur un certain nombre de sujets,
d'autant plus que les intérêts des nouveaux états membres
entrants dorénavant en ligne de compte, Moscou va être
forcé de revoir son approche de l'UE, et sa politique à son
égard.
Ces développements, ne peuvent qu'être
bénéfiques à l'Estonie qui à désormais la
possibilité de faire valoir peu ou prou sa vision de cette relation,
sachant qu'elle a des intérêts tout particuliers dans le
développement positif des relations Moscou-Bruxelles, et qu'elle
pourrait ainsi se placer en partenaire indispensable pour tout ce qui concerne
les échanges et la coopération russo-européenne sous
toutes ses formes. Si le traité de Lisbonne entre en vigueur à
l'issue d'un vote positif des Irlandais le 2 octobre prochain, l'apparition
d'une véritable diplomatie européenne au sein d'un ensemble uni
politiquement, conforterait l'émergence d'une UE qui serait
désormais un ensemble géopolitique conscient.
l'Estonie, de part sa situation géographique, serait
indubitablement une pièce maîtresse de ce nouvel ensemble.
L'Europe une fois unie, on pourrait observer un assainissement des relations
entre l'Estonie et la Russie, cette dernière prenant conscience que
l'Estonie ne peut définitivement plus être
considérée comme une « marche de l'empire »,
en tout état de cause, le développement d'une politique
étrangère commune simplifierait les rapports de tous les pays de
l'UE avec la Russie.
Les relations russo-estoniennes devraient s'orienter vers plus
de pragmatisme au fur et à mesure des années, les
considérations économiques l'emportant sur des querelles
liées à l'interprétation de l'histoire. L'UE sera
certainement l'élément vecteur de ce pragmatisme, et l'Estonie,
dans le cadre des relations russo-européennes basées sur le
dialogue et la coopération, adoptera peut-être une attitude plus
confiante et plus ouverte à l'égard de Moscou.
Dans ce schéma demeure néanmoins une inconnue,
il s'agit du comportement de Moscou dans sa périphérie au cours
des années à venir, mais également des moyens que la
Russie est prête à mettre en oeuvre pour contrer
l'émergence d'une Europe unie, et géopolitiquement consciente,
à ses frontières.
Ce thème des relations russo-estoniennes est un
thème relativement récurrent, autant chez les universitaires
estoniens, qu'au niveau de la classe politique et de l'opinion publique
estonienne et balte. Mon activité au sein de la chancellerie politique
m'a permis d'avoir un éclairage professionnel sur ce sujet, en tenant
à l'écart les considérations patriotiques ou chauvines
susceptibles de biaiser l'analyse de cette problématique. Ainsi, en
abordant le sujet de manière dépassionnée, j'ai
été à même de percevoir tous les enjeux liés
à l'amélioration future des relations russo-estoniennes, ainsi
que les enjeux liés à l'émergence d'une Union
Européenne forte car cohérente. L'étude d'une telle
problématique au sein de la chancellerie politique permet non seulement
de bénéficier d'une certaine expertise tout au long de l'exercice
et de conseils en cas de difficulté, mais également d'adopter une
méthode « professionnelle » en ce qui concerne la
recherche, le traitement, puis la publication de données.
ANNEXES:
Annexe n°1. Carte administrative de l'Estonie. On
distingue en pointillés, à l'Est, les frontières de la
première république d'Estonie:
Les minorités Russes se concentrent dans la région
d'Ida Virumaa (nord-est), où elles représentent environ 80% de la
population de la région, et à Tallinn (40% de la population de la
capitale).
Annexe n°2. Carte des pays baltes. Du temps de
l'empire Russe et ensuite de l'URSS, ces pays constituaient la façade
maritime, et l'interface de la Russie sur la mer Baltique et
l'Europe.
Annexe n°3. Carte de l'OTAN après
l'élargissement de 2004. Par l'adhésion des pays baltes, l'OTAN
possède désormais une frontière commune avec la
fédération de Russie.
Annexe n°4. Localisation des minorités russes
hors de Russie. On remarque le cas de la Crimée en Ukraine, de la
Transdniestrie en Moldavie, de l'Abkhazie et de l'Ossétie du sud en
Géorgie.
Annexe n°5. Le projet « Rail
Baltica », reliant Varsovie à Helsinki, facilitera
également le transit ferroviaire entre l'UE et la Russie.
Annexe n°6. Les pays baltes et leur taux de
dépendance énergétique, les connexions aux réseaux
énergétiques européens.
Annexe 7. Le projet de gazoduc NordStream, exemple de
bilatéralisation des relations de la Russie avec les pays
européens.
Annexe n°8. Le partenariat oriental de l'UE.
Immixtion dans la traditionnelle sphère d'influence russe?
En rouge: Biélorussie, Ukraine, Moldavie. De
gauche à droite dans le Caucase: Géorgie, Arménie,
Azerbaïdjan.
BIBLIOGRAPHIE:
Cette bibliographie est établie par
parties:
Présentation du stage - Relations France-Estonie -
Sous la première république Estonienne
-Site de l'Ambassade d'Estonie en France
-www.france-estonie.org
-Site de l'Ambassade de France en Estonie
Présentation du stage - Relations France-Estonie -
La restauration de l'indépendance
-Site de l'Ambassade d'Estonie en France
-Site de l'Ambassade de France en Estonie
Présentation du stage - L'Ambassade de France
à Tallinn - Organisation fonctionelle
-Personnel de l'Ambassade:
M Charpin, M Duclos, Mme Roos, Mlle Vermillard
-Site de l'Ambassade de France en Estonie
Sujet d'étude - Complexité des relations
russo-estoniennes - Les causes
-www.larousse.fr
-lefigaro.fr
-www.regard-est.com
-Identity and foreign policy, Baltic - Russian relations and
European Integration (de Eiki Berg et Piret Ehin) edition Ashgate 2009,
université de Tartu.
-www.cairn.info
Sujet d'étude - Complexité des relations
russo-estoniennes - Vers plus de pragmatisme
-www.nouvelle-europe.eu
-www.monde-diplomatique.fr
-ria novosti
-www.eurotopics.net
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European Integration (de Eiki Berg et Piret Ehin) edition Ashgate 2009,
université de Tartu.
-www.baltictimes.com
-www.baltic-course.com
Sujet d'étude - La politique russe de Bruxelles, et
son impact sur cette relation - La difficile mise en place d'un nouvel APC, une
UE longtemps désunie...pour le plus grand bonheur de
Moscou ?
-www.europa.eu
-www.ladocumentationfrançaise.fr
-www.colisee.org
-www.touteleurope.fr
-www.cairn.fr
-www.diploweb.com
Sujet d'étude - La politique russe de Bruxelles, et
son impact sur cette relation - Vers l'unité de l'Union
Européenne, une dimension géopolitique face à la
Russie :
-ec.europa.eu
-www.nouvelle-europe.eu
-www.eu2009.cz
-www.alliancegeostrategique.org
-www.ceuropeens.org
Annexes:
n°1 - estonica.org
n°2 - lib.utexas.edu
n°3 - ladocumentationfrançaise.fr
n°4 - wikipedia.com
n°5 - regard-est.com
n°6 -
www.missioneco.org
n°7 - europeorient.wordpress.com
n°8 - ec.europa.eu
REMERCIEMENTS :
Je tiens à remercier tous les membres de l'Ambassade de
France en Estonie, tout particulièrement ma maître de stage, Mme
Hélène Roos, pour ses conseils avisés et pour avoir
sacrifié beaucoup de son temps afin de m'encadrer et de m'orienter de la
meilleure des façons dans mon activité au quotidien.
Je tiens à remercier chaque service pour
l'amabilité et l'enthousiasme avec lesquels ils m'ont fourni toutes les
informations dont j'ai eu besoin tout au long de mon activité au sein de
l'ambassade, et au moment de la rédaction de mon rapport de stage. La
sympathie et l'accessibilité de toutes les personnes au sein de
l'Ambassade m'ont permis de m'intégrer rapidement à la structure
et de m'y sentir très à l'aise.
Je tiens à remercier spécialement le personnel
du service de presse (Mme Maljukoff et Mme Zorina) avec qui j'ai beaucoup
travaillé, pour leur accueil chaleureux et leur gentillesse. Et
également ma collègue de bureau, Mlle Vermillard pour sa bonne
humeur et sa sympathie.
Naturellement je remercie aussi tout le personnel enseignant
de l'ILERI, sans qui je n'aurais jamais eu les connaissances nécessaires
pour tirer profit de ce stage.
J'ai également une pensée affectueuse pour
toutes les personnes que j'ai rencontrées en Estonie, leur ouverture
d'esprit et leur sympathie sobre mais sincère m'ont permis de
découvrir un pays magnifique ainsi qu'une culture moderne et
intéressante, et des personnes attachantes.
* 1 Voir annexe n° 1
* 2 Interdiction de l'hymne, du
drapeau, des manifestations culturelles, et dévalorisation de la langue
estonienne.
* 3 Se manifeste à
travers des ingérences dans l' « étranger
proche » (Ukraine, Estonie, Géorgie)
* 4 Voir annexe n°2
* 5 Voir annexe n°3
* 6 Théories
géopolitiques: la Russie est une puissance continentale.
* 7 Manifestation du principe
de « solidarité européenne »
* 8 Annexe n°4
* 9 La Géorgie est une
priorité de la politique étrangère estonienne
* 10 Annexe n°3
* 11 Annexe n°1
* 12 La possibilité de
construire une centrale nucléaire de type EPR avait été
évoquée, mais le projet ne sera certainement pas retenu.
* 13 Annexe n°6
* 14 Le manque à gagner
pour l'Etat estonien est considérable
* 15 Annexe n°5
* 16 Voir sur carte en annexe
n°1
* 17 Ceci afin de conserver un
certain « pouvoir de nuisance », lié à la
possibilité de fermer les vannes à n'importe quel moment
* 18 Ce paramètre
complique considérablement la tâche des négociateurs
européens
* 19 Les pays d'Europe
occidentale avaient à ce moment désapprouvé le projet de
bouclier anti-missiles Américain
* 20 Annexe n°7
* 21 En sapant la
crédibilité et la visibilité de l'UE au niveau
international
* 22 Et également de
s'affirmer comme un acteur majeur sur la scène internationale
* 23 Annexe n°8
* 24 Cette ambition aurait peu
de chance de se concrétiser étant donné que le Russie n'a
pas ratifiée la charte européenne de l'energie