DISCUSSION
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La tranche d'âge comprise entre 10 et 16 ans a
été choisie pour cette étude CAP afin d'apporter des
informations sur la perception de la bilharziose chez les groupes les plus
exposés. Les données ont été collectées
oralement par une interview qui a utilisé un questionnaire
structuré et standardisé. Les données ont
été analysées en fonction des objectifs de
l'étude.
En raison de la bonne corrélation entre la
présence de l'hématurie et l'excrétion d'oeufs de
Sch.haematobium en zone d'endémie comme cela a
été démontrée par plusieurs études (18 ; 19
; 23).
Nous avons considéré la présence de
l'hématurie comme indicateur pour l'estimation des cas de bilharziose
urinaire.
Cette proportion a été de l'ordre de 15,3% chez
les élèves enquêtés. Il n'a pas été
significativement différent en fonction de l'âge et la
localité. Par contre, en fonction de sexe, les garçons ont
été significativement plus touchés. L'éloignement
des sources de contamination des habitations peut expliquer cette variation
selon le sexe, si on suppose que les garçons sont capables d'aller se
baigner dans des points d'eau éloignés comme cela a
été déjà noté dans la haute vallée du
fleuve Sénégal (18).
L'hématurie terminale (sang dans les urines) signe de
la bilharziose urinaire a été perçue comme maladie dans
72,9% des cas. Auparavant, dans le bassin du fleuve Sénégal [17]
comme d'ailleurs dans les Oasis [22,23], l'hématurie terminale
était interprétée comme un signe de maturité de
l'enfant.
La douleur à la miction (forme urinaire) et la
diarrhée sanglante (forme intestinale) ont été
citées par les élèves ayant eu ces signes ou
symptômes respectivement dans 61,9% et 35,7% des cas. Le lien entre la
diarrhée sanglante et l'infection par Sch.mansoni a
été prouvé (24). Par contre ce lien entre la douleur
à la miction et l'infection à S.haematobium n`ont
cependant pas été prouvé.
Bien que les élèves n'aient pas pu faisant la
relation entre le contact avec l'eau et la maladie que dans 23,4%, ils pensent
que la maladie se contracte en buvant l'eau
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insalubre dans 8,8%. Cette perception sur la contamination a
été également faite au Zimbabwe [9], au Cameroun [5, 24],
Ghana [2] et au Kenya [12]. Elle justifie la consommation d'eau potable
évoquée par les élèves enquêtés comme
moyen d'éviter la contamination.
Le lien entre la douleur abdominale et l'infection à la
forme intestinale a été défini dans 15,7% des cas. Les
douleurs abdominales n'ont pas été un bon indicateur de
morbidité dans le cas de notre étude contrairement à ceux
déjà noté dans d'autres pays (27).
La majorité des élèves ont
déclaré avoir déjà eu à se plaindre de
l'hématurie dans 42,9% des cas. Les infections datant de plus d'une
année étaient les plus représentées dans 57,1% des
cas. Cela peut évoquer la question sur l'efficacité des campagnes
de traitement de masse dans la zone?
Les activités citées et susceptibles de les
mettre au contact de l'eau contaminé ont été les baignades
dans 46,1% des cas, lessive dans 29,2% des cas, la pêche dans 15,8 % des
cas, les jeux dans 5,4% des cas, le jardinage dans 3,0% des cas.
La baignade dans le fleuve ou le marigot est très
pratiquée chez les élèves enquêtés où
74 % d'entre eux ont déclarés avoir fréquenté le
fleuve ou le marigot. L'absence des infrastructures de la jeunesse, des loisirs
et le manque d'eau potable dans la plus part des villages
enquêtés, peuvent d'être à l' origine des pratiques
à risque.
La marche pied nu évoquée comme cause de la
bilharziose se retrouve également dans deux enquêtes menées
par une équipe de l'Initiative pour la lutte contre les maladies
endémiques « MEDCINGO » en 2011 et 2012 (22 ; 23). En effet,
ces deux enquêtes ont montrés que la majorité des
enquêtés font le lien entre la marche pied nu et la
présence de l'hématurie, mais aussi au Ghana [2].
Les sources d'information de nos participants sur la
bilharziose ont été généralement, l'école
dans 24, 2% des cas, les amis dans 20,1% des cas, la radio dans 8,1% des cas.
D'après nos enquêtés, les médias et les structures
de santé ne sont pas impliqués dans la transmission des
informations sur la bilharziose. Les
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communications inter amis viennent en deuxième position
comme sources d'information après l'école. En revanche, au
Zimbabwe, Gwatirisa et al. [9] ont trouvé que le personnel de
santé était la principale source d'information de la population
sur la bilharziose. Cela s'explique probablement par le fait qu'un seul des
villages enquêtés dans notre étude dispose d'un centre de
santé. L'information des medias constitue par conséquent un
facteur supplémentaire important de diffusion de l'information sanitaire
dans la communauté, surtout dans les villages ne disposant pas de poste
de santé.
Par contre dans les oasis de l'Adrar et du Tagant, en dehors
de l'école, les enfants n'ont eu aucune source d'information sur la
maladie dans une forte proportion (23).
Les élèves ont déclaré que leurs
parents ont recours aux centres de santé pour traiter l'hématurie
chez leurs enfants dans (34,6 %) des cas. Ceux qui ont fait usage de la
médecine traditionnelle au lieu de la médecine moderne ne sont
pas satisfaits dans leur majorité. La chimiothérapie doit
être soutenue par des activités d'EPS pour amener la population
à faire recours régulièrement au traitement moderne par le
praziquantel, mais aussi pour relever le niveau de connaissance de la
population par rapport à la maladie et au traitement.
La honte a été citée comme
première cause de non information des parents sur la présence
d'une hématurie dans 37,5% des cas. Ce taux concorde avec celui du
milieu des oasis où l'hématurie a été perçue
comme signe de maturité dans la majorité des répondants
(23). Cela témoigne de l'intérêt de l'éducation pour
la santé dans la lutte contre la bilharziose.
En somme, les changements de comportements ne peuvent
être importants que s'ils sont produits par une longue action d'EPS
soutenue par des mesures d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement
du milieu.
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