CHAPITRE 9 : L'EVALUATION DES EFFETS ET IMPACTS DES
GROUPEMENTS D'EPARGNE ET DE CREDIT
Le groupement d'épargne et de crédit constitue
l'activité la plus répandue dans les communautés
partenaires du projet. En effet, cette activité est menée par 87%
des communautés appuyées directement par le projet. C'est
également l'activité qui a fait le plus de tâche d'huile en
mobilisant le plus d'adoptants secondaires. De plus, c'est l'activité la
plus pérenne car actuellement 53% des villages directement
appuyés par le projet continuent à la conduire. Toutefois, elle a
connu des périodes d'interruption dans plusieurs communautés (9%)
suite à plusieurs années de mauvaises récoltes, mais a
été vite rédynamisée soit par les
communautés seules, soit par l'appui d'autres organisations telles que
World Vision (à Kokki, Djinguilma), l'Unicef (à Dan Makaou) et le
Projet de Développement Local de Maradi (à Garin Gado Saboua).
La pérennité de cette activité s'explique
en partie par son ancrage social car c'est une activité
déjà menée par les communautés sous forme de
tontine traditionnelle que le projet a restructurée à travers la
mise en place des règlements intérieurs et des comités de
gestion. Selon les partenaires villageois, cette activité a fortement
contribué à l'amélioration de leurs conditions de vie
notamment à travers :
- le renforcement de la cohésion sociale ;
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- l'amélioration des revenus des femmes ;
- l'éveil de conscience des hommes et des femmes ;
- la satisfaction des besoins d'intérêt
communautaire dont la réhabilitation des puits, l'installation des
moulins, la création des écoles et des mosquées, pour ne
citer que ceux-ci. Plusieurs témoignages illustrent ces faits :
« Grâce au groupement d'épargne, je
règle mes problèmes financiers sans faire recours à mon
mari ou aux
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parents. Par ailleurs notre groupement a acheté des
nattes et des marmites qu'il prête aux différentes
familles
|
en cas de cérémonie telles que le mariage, le
baptême. Plusieurs villages ont apprécié notre initiative
et l'ont
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répliqué.» Madame Issia
Aï du village de Garin Kata
|
« Grâce au groupement d'épargne j'ai
aujourd'hui 4 vaches et 2 champs en plus des dépenses que j'ai
effectuées lors du mariage de mes deux filles. Il m'a fallu vraiment de
la patience, car au début nous étions 48 femmes et 24 hommes
membres du groupement et celui-ci s'appelait «Wadata» (bien
être). Mais plusieurs personnes se sont retirées en constatant que
Care n'a pas apporté de l'argent et il ne restait que 33 femmes, par
conséquent, nous avons dénommé le groupement «
Hankouri» (patience). Grâce à cette patience, nous sommes
aujourd'hui respectées et considérées dans le
village.»
|
Madame Zouéra Hassane, Présidente
du comité de gestion du groupement d'éparne et de crédit
de Zodèye.
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« La caisse d'épargne et de crédit a
permis aux femmes de ce village d'effectuer des activités d'extraction
et de commercialisation d'huile d'arachide qui est leur principale source de
revenu. En plus, elle a renforcé la cohésion sociale car avant
cette activité, les femmes ne se rencontraient qu'à l'occasion de
quelques rares cérémonies. Mais maintenant, notre
solidarité est renforcée, car, nous nous rencontrons
fréquemment et dès que l'une s'absentait, les autres
s'informaient vite de son état»
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Hadjia Ousseina, de Djinguilma
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« C'est grâce à cette activité
que nous les femmes, avons réhabilité le puits, acheté une
décortiqueuse et installé l'unique moulin du village qui est
très utile pour l'allégement de nos tâches domestiques.
Nous remercions Care de nous avoir appris à marcher, car aujourd'hui
nous savons courir.»
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Témoignage d'une femme en assemblée
villageoise à Kokki
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Remarque
Dans certaines communautés une coordination entre les
activités soutenues par le projet a été remarquée.
C'est le cas de Garin Tanko où la caisse d'épargne a permis
l'achat des semences et d'un champ collectif qui à son tour ravitaille
la banque céréalière.
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Graphique 2 Répartition des causes d'interruption
des activités des groupements d'épargne et
crédit
9%
12%
30%
49%
Non-remboursment Versement irrégulier Detournement
Problèmes de personnes
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Le ravitaillement de la banque céréalière
par le champ collectif ou par la caisse d'épargne a été
remarqué dans plusieurs villages (Garin Koutoubou, Zodeye etc.).
Inversement, dans d'autres villages, c'est le champ collectif qui ravitaille la
caisse lors de la vente des récoltes.
« Grâce à la caisse d'épargne, la
cohésion entre les femmes est renforcée. Actuellement, dès
qu'une femme tombe malade, tous les membres du groupement s'informent de son
état et lui apportent réconfort moral et même
matériel, alors qu'auparavant, plusieurs femmes tombaient malades sans
que d'autres ne soient informées»
Mariama Issoufou de Zodeye
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« Dans ce village, rares sont les gens qui n'ont pas
emprunté de l'argent auprès du groupement d'épargne et de
crédit. D'ailleurs même ceux des autres villages viennent
emprunter»
Issa Haladou, un chef de ménage de
Badeta
|
Malgré tous les avantages que procurent les groupements
d'épargne et de crédit, leurs activités
étaient interrompues dans 47% des villages appuyés
par le projet.
Les moments d'interruption étaient repartis comme suit
:
- 4 ans après le départ du projet (en 2003) dans
43% des cas (village de Koringo, Guidan Basso,
Guidan Gado Saboua etc.)
- 2 ans après le départ du projet (en 2001) dans
29% des cas ( Guidan Kata, Guidan Ara etc.)
- 1 an après le départ du projet (en 2000) dans 28%
des cas (Garin Koutoubou, Guidan Aché etc.)
Plusieurs raisons expliquent ces interruptions, à savoir
:
- Le non-remboursement des emprunts (49% des cas);
- L'irrégularité dans les versements des
cotisations (30% des cas) ;
- Le détournement (12% des cas).
- Le problème des personnes (9% des cas).
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A la question de savoir pourquoi les gens ne remboursent pas
leurs dettes ou sont irréguliers dans les versements des cotisations,
nous avons reçu les réponses et témoignages suivants :
« je n'ai pas remboursé mes dettes, parce que
j'ai vu plusieurs personnes agir de sorte sans qu'elles ne soient
inquiétées »
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Aïchatou Moussa de Guidan Ara
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« J'ai cessé les versements parce que ma
famille manquait de vivre. Vous devez savoir que nous avons connu 3
années successives de mauvaises récoltes. Or l'argent ne se garde
pas quand le ventre est creux »
Réponse de Bouzoua Massoyi, femme chef de
ménage à Koringo
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Par ailleurs, il convient de signaler que les hommes ont
été le plus mis en cause ou impliqués dans les cas de
détournements même dans les villages où ils ne
géraient pas l'activité (cas de Garin Koutoubou, Guidan Kata).
C'est dans ce cadre que Monsieur Issia Allassan du village de Garin Koutoubou
affirme :
« Si vous voulez que l'argent ne soit pas
détourné, alors confiez-le aux femmes et surtout aux femmes sans
Maris. Nous les hommes, nous n'avons pas peur de détourner les biens
d'autrui et fuir le village tout en abandonnant nos épouses et enfants,
or les femmes sont tellement attachées à leurs
progénitures qu'elles ne veulent pas se séparer d'elles
même pour 2 journées. »
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Photo : Entretien avec le CDG du groupement d'épargne et
de crédit de Zodèye.
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