CHAPITRE 8: L'EVALUATION DES EFFETS ET IMPACTS DES
SERVICES D'APPUI DE TYPE 1
Les principales contraintes visées par les services
d'appui de type 1 étaient :
- l'insécurité alimentaire ;
- l'attaque des ennemis de culture ;
- l'analphabétisme ;
- l'insuffisance quantitative et qualitative des semences ;
- l'insuffisance d'arbres et de bois, le manque des plants
forestiers pour diverses utilisations ;
- pauvreté des sols agricoles ;
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Section 8.1 : l'évaluation des effets et
impacts des banques de céréales et de semences.
Les banques des céréales et de semences sont
nées à partir des efforts propres des adhérents qui
avaient soit utilisé tout ou une partie des récoltes des champs
collectifs, soit constitué le capital de départ à partir
des cotisations en nature au moment des récoltes.
Les banques de céréales ou de semences
étaient initiées dans 52% des villages
bénéficiaires directs des activités du projet.
L'un des objectifs des banques de céréales et de
semences était de réduire le salariat agricole mené par
les ménages très vulnérables afin qu'ils puissent
pleinement se consacrer à la conduite de leur calendrier agricole.
Selon plusieurs témoignages, ces banques avaient
assuré la disponibilité des vivres et des semences, même
pendant les périodes de soudures. Elles avaient également
renforcé la cohésion sociale au sein du village et même
avec d'autres villages bénéficiaires18. La gestion des
banques de céréales et d'engrais a fait tache d'huile dans
plusieurs villages qui ont abrité des adoptants secondaires. En effet
une banque céréalière bien ravitaillée attire
beaucoup de communautés voisines. C'est le cas de la banque de Garin
Koutoubou dont les bénéficiaires se trouvaient dans 14 villages
environnants. Pour les communautés de Guidan Basso, Garin Tanko, Kokki,
Guidan Aché, les banques des céréales constituent l'appui
du projet, le plus porteur pour les ménages. C'est dans ce cadre que
Monsieur Illa Kaoura témoigne :
« La simple pensée d'avoir une part du stock de
mil dans la banque, me procure de la joie car je me sens en
sécurité »
L'état de la banque des céréales
était un «baromètre» pour le prix des
céréales sur les marchés de plusieurs villages abritant
des banques céréalières. C'est dans ce cadre que
témoigne Madame Gado Halima du village de Guidan Basso :
« La banque céréalière
était un régulateur des prix des céréales sur le
marché local. Quand elle est vide, les prix montent, mais dès
qu'elle est ravitaillée, les commerçants baissent les prix. Au
niveau de notre banque la tia de mil se vendait à 425 Fcfa au moment
où les commerçants la vendait à 600
|
Fcfa sur le marché »
|
La banque des céréales a été
particulièrement utile aux femmes, en ce sens qu'elle leur avait permis
de développer plusieurs activités génératrices de
revenus comme en témoigne Rabi Moussa du village de Garin Bajini :
18 D'autres villages ont soit
bénéficié directement des banques
céréalières, en empruntant des céréales ou
en s'adhérant aux activités, soit indirectement en
répliquant la pratique.
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« Grâce aux emprunts d'argent auprès de la
banque céréalière, beaucoup de femmes du village
et
|
même celles des villages environnants avaient eu des
fonds de roulement. Certaines d'entre elles
|
continuent actuellement à tirer profit de ces
emprunts. Quant à moi, j'ai marié deux de mes filles
|
grâce à cet emprunt et j'avais même
acheté 3 chèvres. Je vous souligne en passant que j'ai
remboursé
|
mes dettes vous pouvez même le contrôler.
»
|
Grâce aux banques céréalières, des
activités d'intérêt communautaire avaient été
développées
dans plusieurs villages. Nous pouvons citer entre autres :
- la réhabilitation du puits (par exemple à
Guidan Basso, Badeta et Guidan Aché) ;
- l'achat de deux champs collectifs à Garin Bajini ;
- l'octroi des crédits en nature et en espèces
dans presque toutes les communautés abritant les
banques céréalières.
- la vente de linceuls à Guidan Basso qui a rendu le
village célèbre. En effet, le linceul est
sollicité par plus de 9 communautés voisines qui
ne partent plus à Maradi pour s'en procurer.
- la création de l'école à Garin Bajini
comme en témoigne Abdou Issa du village :
« Avant, chaque ménage se débattait seul
pour résoudre ses propres problèmes. Aujourd'hui,
|
l'intervention de Care a raffermi la cohésion sociale
dans le village. Cette dernière nous a permis
|
d'initier et d'exécuter des actions
d'intérêt collectif, c'est le cas de la réhabilitation du
puits et la
|
création de l'école que vous voyez
là-bas»
|
Malheureusement, malgré tous les avantages que
procuraient les banques des céréales et de semences, aucune
banque n'a franchi le cap de l'année 2004. En effet, 37% des banques
avaient cessé d'être opérationnelles en 2003, c'est
à dire 4 ans après le départ du projet. C'est le cas des
banques des villages de Kokki, Garin Kata, Guidan Basso, Guidan Aché
etc. De plus, 28% avaient cessé d'être opérationnelles en
2002 (cas du village de Badeta, Dan Makaou, Sakata etc.). Le restant des
banques (35%) avaient cessé dès 2001.
Trois principales raisons justifient l'arrêt de ces
activités. Il s'agit du non-remboursement des emprunts,
l'insécurité alimentaire suite à une succession de
mauvaises saisons agricoles, le détournement et le manque de
transparence dans la gestion des stocks.
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Graphique 1 Les causes d'interruption des
activités de gestion des banques de céréales et
d'engrais
30%
15%
55%
Non-remboursment insécurité alimentaire
Detournement
38
OLe non-remboursement des emprunts.
Dans 55% des villages enquêtés, le non-remboursement
du crédit était la principale cause de l'interruption des
activités Nous pouvons citer entre autres, les villages de Guidan Kata,
Djinguilma, Badeta, Zodeye, Sakata, Guidan Basso, etc.
A la question de savoir pourquoi les paysans ne remboursent pas
les emprunts auprès des banques céréalières et de
semences, monsieur Issaka Moussa du village de Sakata nous a répondu en
ces termes :
« C'est nous les paysans qui avons constitué le
stock sans apport externe, par conséquent nous ne
|
sommes pas obligés de nous faire toutes sortes de
pressions pour rembourser les emprunts surtout
|
en ce temps difficile. Si le projet avait apporté ne
serait-ce que quelques tia de mil, nous serions
|
peut être gênés de ne pas rembourser nos
dettes »
|
Constat
Cette réponse témoigne le manque de culture
d'auto promotion chez les communautés bénéficiaires.
Par ailleurs, la constitution des stocks par les propres
efforts des adhérents a laissé présager un gage de
pérennité lors de l'évaluation finale19. Mais,
vu la complexité des comportements des partenaires villageois, cela a
été souligné comme l'un des facteurs explicatifs du
non-remboursement des emprunts et donc de l'arrêt de l'activité
dans plusieurs villages.
~ L'insécurité alimentaire
Dans 30% des villages enquêtés,
l'insécurité alimentaire était la principale cause de
l'interruption des activités des banques
céréalières. Comme villages concernés, nous pouvons
citer entre autres, Guidan Aché, Kokki, Dan Makaou où le stock
des céréales a été distribué aux
différents adhérents pour répondre au plus pressé
après les mauvaises campagnes agricoles. C'est dans ce contexte que
madame Habsou Idi de Guidan Aché témoigne :
19 Rapport d'évaluation finale, page 23
39
« Il ne nous sert a rien de stocker nos vivres dans la
banque au moment où nos enfants manquent de quoi manger »
Une autre femme du même village ajoute:
« A Guidan Aché, nous sommes conscients de
l'importance de la banque céréalière. Si nous
avons
|
décidé de distribuer le stock c'est par ultime
nécessité, car nous avons bien géré notre
banque
|
céréalière. Nous prêtions les
céréales uniquement en période de soudure avec un
intérêt en nature de
|
25%, remboursable après la récolte. L'argent de
la vente nous a permis de donner des crédits en
|
espèce avec intérêt de 10% et
l'application de pénalité en cas de non-respect du délai
de
|
remboursement. Malheureusement nous avons connu quatre
années successives de mauvaises saisons
|
agricoles qui avaient tout remis en cause »
|
Un habitant du village de Kokki nous a livré son analyse
pour la pérennité de cette activité :
« Malgré les difficultés vécues
pendant 3 années successives de mauvaises pluviométries,
nous
|
pouvions continuer à entretenir nos banques
céréalières si les agents du projet faisaient de
petites
|
visites pour nous rappeler qu'ils nous observent et nous
apporter d'autres appuis, malheureusement
|
ils nous avaient abandonnés à un moment
où nous avons le plus besoin d'eux »
|
Ce témoignage illustre que les acquis n'ont pas
été consolidés au moment du départ du projet. O Le
détournement et le manque de transparence dans la gestion
Dans 15% des villages enquêtés où les
activités de gestion des banques céréalières ou de
semences étaient interrompues, le détournement et le non-respect
du règlement intérieur étaient les principales causes.
C'est le cas du village de Garin Tanko et surtout de Garin Koutoubou où
plusieurs membres du comité de gestion du stock ont été
emprisonnés suite au détournement.
Constat
En somme, la mal gouvernance et l'absence de vision pour
l'auto promotion étaient les principales causes d'interruption des
activités de gestion des banques céréalières qui,
pourtant étaient très bénéfiques pour les
populations.
Recommandation:
Il est indéniable que le projet avait fait beaucoup
d'investigations pour identifier les contraintes liées aux conditions de
vie des populations et la faisabilité technique de leur
résolution, mais une étude pour la compréhension des
comportements des paysans et surtout de leur perception du projet doit
être menée pour un changement de mentalité orienté
vers l'auto promotion.
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