Université Paris-Descartes
Master 2 EPD
Situation sanitaire au Burundi
Aurélie PIECHAUD
Introduction
Le Burundi est un petit État enclavé d'Afrique
centrale. Limité au Nord par le Rwanda, à l'Est et au Sud par la
Tanzanie, et à l'Ouest par le République Démocratique du
Congo, le pays a une superficie de 27 834 km2. Il est composé, pour
l'essentiel, de hauts plateaux, bordés d'une dépression
progressive à l'est, et plus brutale à l'Ouest (lacs, plaine de
l'Imbo, et Bujumbura, la capitale). La population, rurale à 90 %, est
estimée à 8,5 millions [ONU, 2010], avec un taux de croissance de
l'ordre de 3 %. La densité est relativement importante (306 hab/km2),
avec de grandes variations entre les 17 provinces, et à
l'intérieur de celles-ci. Les principaux indicateurs
démographiques reflètent la situation communément
rencontrée dans les pays en développement : une natalité
forte (34,6 pour 1000), associée à une mortalité en baisse
mais qui demeure importante (14,0 pour 1000), une forte fécondité
(4,66 enfants/femme), et une espérance de vie à la naissance de
50 ans [ONU, 2010] (cf. tableau 1). La population est par conséquent
jeune, les moins de 15 ans représentant plus de 34 %, et les plus de 65
ans 2,5 %. Le Burundi est l'un des pays les plus pauvres du monde (RNB/
habitant de 380 US $ en 2008). Avec un IDH de 0,282, le pays se classe au 166e
rang mondial (sur 177 pays) en 2010. L'IDH ajusté aux
inégalités tombe à 0,177 [PNUD]. La crise de 1993 a fait
perdre au Burundi près de 15 ans de son développement : le PIB
chute de 40 %, l'espérance de vie passe de 50 à 47 ans, et la
population vivant en-dessous du seuil de pauvreté passe de 35 % en 1993
à 67 % en 2006 [BAD, 2007]. Les indicateurs sanitaires virent au rouge,
et il faudra plus de dix pour qu'ils retrouvent leur niveau d'avant la
crise.
Les débuts d'une transition
épidémiologique au Burundi se situent au moment de la
période coloniale et sont donc relativement anciens, mais les
progrès ont par la suite ralenti, et surtout ont souffert de plus d'une
décennie de conflit. L'éradication quasi totale de la
diphtérie, de la fièvre jaune, et de la poliomyélite
marquent le début de la transition. De même que les changements
observés dans l'ordre des causes de décès chez les jeunes
enfants1 : au début des années 80, rougeole, maladies
diarrhéiques, paludisme ; au début des années 90,
paludisme, maladies diarrhéiques, rougeole [THIBON, 2004]. Aujourd'hui,
un quart des enfants de moins de cinq ans décède au cours de la
première semaine (infections, asphyxie, prématurité). Les
autres décèdent avant tout de pneumonie (29 %), de
diarrhées (21%) et du paludisme (10%) [Unicef, 2010] (cf. graphique
1).
1 Décès d'enfants en milieu hospitalier.
L'âge n'est pas précisé. Et il est évident que cela
ne tient pas compte des décès à domicile.
I. Santé des mères et des jeunes enfants :
les progrès demeurent trop faibles.
Des résultats positifs vont dans le sens d'une
diminution de la mortalité des jeunes enfants. Ils sont
le fait en grande partie d'une bonne couverture vaccinale. Ainsi en 2009, 95 %
des enfants ont été vaccinés contre la rougeole, 99% ont
reçu la première dose du vaccin DTCHib2, et 92 % les
trois doses [PNUD, 2009]. De façon générale, le taux de
couverture vaccinale est égal ou supérieur à 90 % (cf.
graphique 2). Concernant la prévention du paludisme, la proportion
d'enfants de moins de cinq ans dormant sous une moustiquaire
imprégnée d'insecticide est passée de 1 % en 2000 à
8 % en 2005. La supplémentation en vitamine A3 a connu une
augmentation fulgurante, passant de 17 % en 2005 à 80 % en 2008 [Unicef,
2010]4.
Cependant, les évolutions positives recouvrent parfois
des disparités. En 2005, les plus riches ont plus accès aux
moustiquaires imprégnées (19 % contre 5 % pour les revenus les
plus bas). De même pour les urbains (40 % contre 7 % pour les ruraux).
Par ailleurs, le taux d'enfants de moins de cinq ans ayant
bénéficié de réhydratation orale associée
à une alimentation continue demeure faible en 2005 (23 %, contre 16 % en
2000), et les plus riches sont avantagés [Unicef, 2010]. Il est à
noter toutefois que ces données remontent à 2005, date à
laquelle a été prise la mesure présidentielle de
gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans. Les
données depuis cette date, et notamment en terme de disparités
(interrégionales, urbain/rural, niveau de revenu), sont malheureusement
manquantes, et l'on peut faire l'hypothèse que les disparités
demeurent importantes. En effet, si la gratuité des soins maternels est
une avancée majeure, elle ne concerne que la partie financière de
l'accès aux soins, et les personnes concernées restent
tributaires d'un accès physique différentiel aux structures de
soins, autant que d'une mauvaise répartition du personnel.
Ainsi, malgré des avancées positives, et une
baisse significative de 203 pour mille en 1990 à 168 pour mille en 2008
[rapport national OMD, 2010], la mortalité infanto-juvénile
2 Le vaccin contre la rougeole, ou celui contre le BCG, tous
deux quasi-généralisés, ont des effets
bénéfiques non-spécifiques (diarrhée, paludisme).
En revanche, les vaccins contre des maladies qui ne causent que peu de
décès chez les enfants (c'est le cas du DTC-Hib au Burundi)
protègent contre ces maladies mais augmentent la mortalité des
filles (se référer à PISON, 2010). Le rôle positif
du DTC-Hib pourrait être à réévaluer à la
mesure de cette information.
3 Il s'agit des enfants entre 6 et 59 mois ayant reçu
deux doses de vitamine A durant l'année civile. La
supplémentation en vitamine A vise à réduire l'impact de
la cécité d'origine nutritionnelle, ainsi que la diminution de la
gravité et des taux de mortalité clinique de certaines maladies
de l'enfance, telles que la rougeole et la diarrhée [OMS].
4 L'Unicef donne ailleurs d'autres chiffres : de 38 à
96 % entre 2000 et 2007 (Profil du Burundi, mis à jour en août
2009,
http://www.unicef.org/french/infobycountry/burundi_2774.html).
La tendance reste toutefois la même.
demeure très élevée. Et il est plus que
probable que l'objectif de réduction d'un tiers de la mortalité
des moins de cinq ans entre 1990 et 2015 ne sera pas atteint.
La santé maternelle constitue elle
aussi un défi majeur. En 2008, on estime à 1100 le nombre de
décès de mères pour 100 000 naissances
vivantes5 [OMS, 2010]. Pourtant, la proportion de femmes ayant
reçu au moins une visite prénatale, qui stagne pendant longtemps
à un niveau déjà relativement élevé (79 % en
1987 et 78 % en 2000), aurait atteint 92 % en 2005 [Unicef, 2010]. La
couverture en soins prénatals a donc connu une
accélération au cours des années 2000, et l'on n'observe
pas de différences significative entre lieux d'habitat (urbain/rural),
ou niveaux de revenus. Si ces points sont positifs, les recommandations de
l'OMS visent quatre visites au cours de la grossesse, et les données
manquent à ce sujet. Le facteur le plus important d'une mortalité
maternelle élevée semble résider dans la part
d'accouchements assistés par du personnel qualifié, un taux qui
malgré une forte progression (19 % en 1987, 25 % en 2000) n'atteignait
que 34 % en 2005 [Unicef, 2010]. Au delà de sa valeur encore peu
élevée, ce chiffre recouvrait alors de fortes disparités,
en fonction du lieu d'habitat (75 % des accouchements étaient
assistés en milieu urbain, contre 32 % en milieu rural), et en fonction
du niveau de revenu (55 % des accouchements étaient assistés au
sein des 20 % les plus riches, contre 25 % au sein des 20 % les plus pauvres).
Des données plus récentes annoncent un chiffre de 56 %
d'accouchements dans des structures sanitaires en 20086, qui
constitue une avancée positive importante, à mettre relation avec
la mesure présidentielle de gratuité des soins de
maternité prise en 2005 [Burundi OMD 2010]. Cependant, nous l'avons
déjà évoqué concernant la mortalité des
enfants, il est probable que des disparités persistent. Par ailleurs,
bien qu'ayant diminué en proportion, les grossesses adolescentes restent
importantes (19 pour 1000 femmes âgées de 15 à 19 ans
[Unfpa, 2010]), or la fécondité aux jeunes âges comporte un
grand risque pour la mère comme pour l'enfant, et il semble que les
femmes jeunes utilisent moins que les autres les services de soins de
maternité [NKURUNZIZA, 2009]7.
5 La définition de la mort maternelle donnée par
l'OMS est la suivante : « décès d'une femme survenu au cours
de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa
terminaison, quelle qu'en soit la durée ou la localisation, pour une
cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse,
ou les soins qu'elle a motivés, mais ni accidentelle, ni fortuite
». Il s'agit d'une définition large, qui n'est pas forcément
facile à appliquer. Ceci combiné à un enregistrement
déficitaire des décès au Burundi, explique la
différence entre le chiffre rapporté par le pays de 620 pour 100
000) et le chiffre ajusté par l'OMS et l'Unicef (1 100 pour 100 000).
Concernant l'amélioration de la mesure de la mortalité
maternelle, se référer à PISON (2001) et STANTON,
HOBCRAFT, et al. (2001).
6 Selon le rapport PNSR du Ministère de la Santé
Publique (2008), chiffre cité dans le Rapport Burundi-OMD 2010 (p. 53),
et le Rapport Annuel 2009 du Coordonnateur résident du PNUD (p. 10).
7 Médiatrice Nkurunziza, utilisant les données de
l'ESDSR 2002, s'interroge sur la différence importante entre
La planification familiale a été amorcée
par un programme en 1983, sans grands résultats. En 1990, le Conseil
National Économique appel à nouveau à une réduction
des naissances, mais jusqu'en 2000, la baisse de la fécondité est
à peine visible (de 6,8 à 6 enfants/femme). En 1987,
l'utilisation de méthodes modernes de contraception concernait 1,2 % des
femmes en union [EDS, 1987]. La prévalence de la contraception est
estimée aujourd'hui entre 8 et 11,4 % [UNFPA, 2010 et PNSR,
2008]8. Une amélioration notable, mais la contraception
moderne demeure, à l'image de cette partie de l'Afrique Sub-saharienne,
peu répandue. Outre la faible portée des programmes, la
persistance d'un conflit entre politiques de réduction des naissances et
contexte socio-culturel9, pourrait expliquer la baisse relativement
lente de la fécondité, jusqu'aux années 2000 au moins.
Aujourd'hui, les méthodes contraceptives sont proposées dans les
structures de soins, mais on estime encore à 27 % la part des besoins
non satisfaits en matière de contraception.
II. Maladies transmissibles et parasitaires : entre
recrudescence et émergence.
Les maladies transmissibles demeurent les
principales causes de mortalité au Burundi qui, à ce titre,
revêt les caractéristiques des pays à faible revenu. Ainsi,
80 % des années de vie perdues le sont à cause des maladies
transmissibles (11 % pour les maladies nontransmissibles et 9 % pour les
blessures). Pour 100 000 habitants, le Sida est responsable de 129
décès (2007), le paludisme de 94 décès10
(2006), et la tuberculose11 de 69 décès [OMS,
2010].
Le Burundi est un foyer ancien de paludisme,
mais un premier cas résistant à la chloroquine
le taux de consultation pré-natale et la proportion
d'accouchement en structure de soins. Jeune âge de la mère, rang
de naissance élevé, naissance hors mariage, faible niveau
d'instruction, milieu rural, faibles revenus, sont autant de facteurs qui
interviennent en défaveur du recours aux soins péri-natals. En
revanche, la religion, notamment chrétienne, un niveau
élevé d'instruction, le fait de vivre en milieu urbain, et
d'occuper un emploi, jouent en faveur du recours aux services de santé
maternelle.
8 Pour ces données, la mesure de la prévalence ne
s'applique plus seulement aux femmes en unions.
9 Aloys Hakizimana étudie, dans une région du
Burundi, les croyances et représentations relatives aux méthodes
contraceptives : la pilule rend stérile, le préservatif peut se
perdre dans le vagin et entraîner la mort de la femme. Les injectables en
revanche sont plutôt appréciées, et recueillent la faveur
des populations analphabètes ou ayant un faible niveau d'instruction.
Par analogie avec les injections contre le paludisme, on les pense plus
efficaces. L'auteur rapporte tout de même une rumeur qui dit que «
la personne ayant subi ce genre de traitement connaît un sort particulier
: à sa mort, elle grossit d'une manière démesurée
et éclate comme un ballon gonflé à fond (Aloys Hakizimana,
Naissances au Burundi entre tradition et planification, Paris,
L'Harmattant, 2002, p. 186 (322 p.).
10 La mortalité du paludisme est difficile
à évaluer, 90% des malades mourant chez eux (cf. Greenwood,
1999).
11 Pour des personnes séronégatives pour le VIH.
est diagnostiqué en 1983 [THIBON, 2004]. D'abord
localisé dans les basses terres (lacs, terres irriguées), le
parasite s'étend progressivement aux hauts plateaux, suite,
probablement, à l'introduction de la riziculture et de la pisciculture
[Ministère de l'environnement, 2001 et THIBON, 2004]. De ce fait, et
probablement du fait de la crise, le nombre de cas passe de 800 000 en 1993
à 3 249 767 en 2000 [Ministère de l'environnement-Burundi], soit
plus de la moitié de la population. En 2008, le nombre de cas
notifiés pour le paludisme était de 2 039 353 [OMS,
2010]12. Une diminution qui peut s'expliquer, en partie, par un
nombre élevé de décès, en parallèle au
développement de mesures de prévention13. Ainsi, par
exemple, en 2009, dans 7 provinces14, 85 % des ménages ont
reçu chacun trois moustiquaires imprégnées d'insecticide
[Rapport au PNUD, 2009]. Cela reste insuffisant, et, selon certains chercheurs,
demeure moins efficace que les grandes opérations de
pulvérisation du domicile conduites dans les années 50-70 [CURTIS
et MNZAVA, 2000]. Si la distribution de moustiquaires reste un facteur
d'amélioration, encore faut-il s'assurer que leur intérêt
est compris, qu'elles sont utilisées, et qu'elles le sont de
façon appropriée. En terme de traitement, à partir de
2005, une nouvelle thérapie (association arténusate/amodiaquine)
est délivrée, qui semble efficace et d'un coût abordable
[Unicef, 2005].
Le SIDA est la première cause de
mortalité au Burundi. Toutefois, après une augmentation continue
depuis le début de la pandémie en 1983, le nombre annuel de
décès attribués au SIDA amorce une baisse à partir
de 2003. Entre 1994 et 2007, la prévalence du VIH au sein des 15-49 ans
passe de plus de 5% à 2% environ.
Cette évolution générale positive
recouvre néanmoins des disparités. Ainsi, la prévalence du
VIH est plus importante en zone urbaine et péri-urbaine (environ 4,5 %)
qu'en zone rurale (2,82 %). De façon générale, la
prévalence du VIH est plus importante dans les zones de forte
densité de population (cf. carte 1). Le VIH touche de manière
plus importante les professionnelles du sexe, soit 39,8% en 2007, parmi
lesquelles la moitié seulement est capable d'identifier les moyens de
prévention de la transmission du virus. Les jeunes de 15-24 ans semblent
en revanche moins touchés que la population générale (1,3%
en 2008), mais seuls 35% d'entre eux sont capables d'identifier les moyens de
prévention de la transmission.
12 Il semble qu'on enregistre une diminution du nombre de cas,
mais les sources étant différentes, la comparaison reste
limitée.
13 Et certainement aussi une sous-évaluation. La
dernière enquête MICS date de 2005, et depuis il faut compter sur
les statistiques hospitalières, qui sont irrégulières et
peu centralisées. Par ailleurs, les individus qui ne consultent pas ne
sont pas comptabilisés.
14 Kirundo, Muyinga, Ruyigi, Makamba, Rutana, Gitega et
Cankuzo.
En outre, parmi ceux déclarant avoir eu plusieurs
partenaires au cours des 12 derniers mois, seuls 10,9% déclarent avoir
utilisé un préservatif [UNGASS, 2010]. En effet, si la
distribution de préservatifs gratuits n'a cessé d'augmenter au
cours de la dernière décennie, plus de 9 millions en 2007
[Ministère de la santé], encore faut-il que ceux-ci soient
utilisés, et correctement. En termes de traitements curatifs et
préventifs, la couverture des ARV est en hausse, et l'observance semble
bonne. Entre 2008 et 2009, la proportion de personnes infectées par le
VIH à un stade avancé, et qui étaient sous ARV, est
passé de 25,7 à 30,8%, et en 2009, la part d'adultes et enfants
toujours sous traitement 12 mois après le début de la
thérapie antirétrovirale était de 89,9%. De même, la
PTME15 a connu une hausse continue, passant de 2% en 2004 à
9% au moins en 2008. Un chiffre qui demeure toutefois beaucoup trop faible. Par
ailleurs, en 2008, seuls 16% des enfants infectés par le VIH recevaient
un traitement.
Depuis 2002, il existe une politique sectorielle de lutte
contre le SIDA, à travers le Plan National Stratégique (2002-2006
et 2007-2011). Un Conseil National de Lutte contre le SIDA a été
mis en place. Les dépistages anonymes non corrélés sont
généralisés, et la transmissions des données depuis
les structures de soins vers le niveau central s'est améliorée.
Mais 80% des lits d'hôpitaux occupés le sont par des malades du
Sida, et l'OMD n°6, concernant le VIH au moins, ne sera pas atteint pour
2015.
III. Reconstruire le système de santé, et
le rendre plus efficace.
La décennie de conflit a laissé des
infrastructures de santé en très mauvais état, voire
complètement détruites. De ce fait, et du fait des conditions de
vie (populations déplacés regroupées dans des camps),
l'état de santé de la population s'est dégradé.
Aujourd'hui, le système de soins est articulé sur trois niveaux :
central (définition des politiques, coordination, suivi et
évaluation), intermédiaire (17 Bureaux Provinciaux de
Santé (BPS), appuie le fonctionnement des Bureaux de Districts
Sanitaires (BDS) et des hôpitaux), périphérique (niveau
opérationnel, BDS). Les BDS sont gérés par une
équipe cadre dirigée par un médecin chef de district.
L'équipe cadre organise avec les Centres de Santé, et en
coordination avec l'hôpital de district les Soins de Santé
Primaire (SSP). Chaque district sanitaire couvre une population comprise entre
100 000 et 250 000 habitants. Les centres de santé étaient au
nombre de 483 en 2004 [Ministère santé Publique]. La
majorité des centres de
15 Prévention de la Transmission Mère-Enfant.
santé sont publics, associatifs, ou
agréés, sauf dans la capitale où la plupart sont
privés. Les trois-quarts des hôpitaux sont publics ou associatifs,
sauf dans la capitale où plus de la moitié sont privés
[EPISTAT, 2004]. L'accessibilité géographique semble plutôt
bonne en absolu, puisque 80 % des burundais vivent à moins de 5 km d'une
structure de soins. Mais les quatre hôpitaux spécialisés
sont situés dans la capitale, et 80 % des médecins et plus de 50
% des infirmiers sont installés en milieu urbain. Au-delà d'une
mauvaise répartition au détriment des populations rurales, les
structures et le personnel de soins sont en sous-effectif. Ainsi, en 2008, le
pays comptait 1 hôpital/197 860 habitants, 1 centre de santé/14
216 habitants, l médecin/34 744 habitants, 1 infirmier/3500 habitants,
et 1 pharmacien/110 000 habitants [Ministère de la Santé,
2008]16. Beaucoup de médecins ont été
formés à l'étranger pendant la période de conflit,
et 21% ne sont jamais rentrés au Burundi. De plus, les structures
sanitaires se trouvent face à un manque de matériel, autant que
de personnel de maintenance. Le Programme National de Développement
Sanitaire 2006-2010 prévoyait une réforme du système de
soins, mais les données manquent encore pour mesurer vraiment, et son
effectivité, et ses effets.
L'importance du système statistique dans le processus
d'amélioration du système de soins semble avoir saisie. Il
n'empêche que la statistique au Burundi reste fortement
déficitaire. La première génération
d'ingénieurs statisticiens depuis le conflit vient d'entrer sur le
marché de l'emploi, et l'on peut s'attendre à une
évolution positive de la statistique burundaise, notamment en
matière de santé. Les données sanitaires devront
être tenue à jour au niveau des structures de soins, et
centralisées. Il reste que la fonction statistique de l'état
civil est encore largement sous-exploitée. Mais il est évident
qu'une bonne exploitation de celle-ci rend nécessaire, au
préalable, une amélioration de la complétude de
l'état civil (60 % des naissances sont déclarées en 2005).
Des opérations d'information et de sensibilisation doivent donc
être mises en place à cet effet. En adhérant à la
Charte africaine de la statistique, le Burundi a reconnu que des statistiques
fiables et régulières étaient un facteur essentiel du
développement. C'est le cas particulièrement en matière de
santé. Notamment, pour des actions efficaces parce que correctement
ciblées, les statistiques produites en matière de santé
devront permettre de mettre en évidence, le cas échéant,
les disparités (genre, âge, niveau de revenu, inter et
intra-régionales, rural/urbain).
16 Les normes de l'OMS prescrivent : 1 hôpital/ 100 000
habitants, 1 Centre de Santé/10 000 habitants, 1 médecin/10 000
habitants, 1 infirmier/3000 habitants, 1 pharmacien/15 000.
CONCLUSION
Durement touché par la guerre, le système de
soin du Burundi doit non seulement se relever, mais continuer de lutter contre
les anciens fléaux, et affronter les nouveaux, avec peu de moyens
internes : aujourd'hui, sur 10 euros dépensés dans le secteur de
la santé, 9 sont fournis par l'aide extérieure. Par ailleurs, la
pression foncière augmente, et si la population demeure à 90%
rurale, l'urbanisation commence à croître. L'opération de
rapatriement des réfugiés de guerre, impulsée par le HCR,
a débuté en 2002. On estime que 470 000 ressortissants sont
depuis rentrés au pays [UNHCR Burundi, 2009]. Beaucoup de
rapatriés se sont retrouvés « sans terre ». Des
opérations de « villagisation » ont donc été
mises en place17. Aux nombreux « sans-terre » s'ajoutent
les populations déplacées, regroupées dans des camps,
ainsi que des réfugiés de la République
Démocratique du Congo. Les conditions de vie des réfugiés
et déplacés favorisent les maladies infectieuses et parasitaires.
De même, il faut éviter à tout prix une urbanisation sous
forme de bidonvilles, où se concentrent les populations les plus pauvres
dans des conditions d'hygiène et de promiscuité favorables au
développement des maladies.
La structure par âge de la population devrait constituer
un atout pour le développement économique. Mais dans ce pays
où 90% de la population est employée dans le secteur agricole, la
forte croissance démographique associée et un secteur moderne peu
développé ont favorisé sous-emploi et chômage
[BARAMPANZE et NKURUNZIZA, 1994]. Dans ce contexte socio-économique
défavorable, les OMD en matière de santé maternelle et
infantojuvénile seront difficilement atteints pour 2015. De même
concernant la pandémie du VIH/SIDA. La malnutrition demeure un
problème majeur, et favorise le développement des maladies. Mais
des progrès sont visibles et encourageants, et la maîtrise des
maladies comme le paludisme et la tuberculose est en bonne voie, si toutefois
le budget consacré à la santé continue d'augmenter, tout
comme l'accès à l'eau potable (72%), et l'assainissement (46%)
[Unicef, 2010]. En matière d'éducation, l'OMD sera
réalisé, car en 2009, le taux net de scolarisation est de 75 %,
sans disparité de genre, et c'est un avantage en matière de
santé.
L'accent doit être mis sur l'amélioration du
système statistique, et la généralisation d'un
système de sécurité sociale. Enfin, une politique de
santé mentale, en gestation depuis plusieurs années, doit voir le
jour au plus vite. Le contexte post-conflit la rend impérative.
17 Avec un succès mitigé, car le « village
», tel qu'on peut le trouver ailleurs en Afrique, n'existe pas au Burundi.
Traditionnellement, la population est répartie sur les « mille et
une collines » du pays en « Rugo », habitat entouré du
champ familial, éloignés les uns des autres. Un rugo comprend en
général plusieurs ménages, de la même famille.
Annexes
Tableau 1 : comparaisons internationales pour
les principaux indicateurs démographiques
Population (en
milliers d'hab.)
Taux de
croissance démographique
Espérance de vie à la naissance
(en
années)
Taux de natalité (/1000)
Indice synthétique de
fécondité
(enfants/femme)
Taux de mortalité (/1000)
Taux de mortalité avant 5 ans (/1000)
Burundi
|
Afrique subsaharienne
|
Pays les plus avancés
|
|
Monde
|
8
|
519
|
863
|
314
|
1 237
|
228
|
6
|
908
|
688
|
|
2,88
|
|
2,44
|
|
0,34
|
|
|
1,18
|
|
50,3
|
|
51,5
|
|
77,1
|
|
|
67,6
|
|
34,6
|
|
38,6
|
|
11,2
|
|
|
20,3
|
|
4,66
|
|
5,08
|
|
1,64
|
|
|
2,56
|
|
14,0
|
|
13,9
|
|
10,1
|
|
|
8,5
|
|
166
|
|
148
|
|
8
|
|
|
71
|
Graphique 1 :
causes des décès avant 5 ans (2008)
(source : Unicef, country profil, 2010).
|
|
Source : d'après les données de la Division de la
Population du système des Nations Unies (les taux calculés sur la
période 2005-2010).
Graphique 2 : évolution de la couverture
vaccinale au Burundi entre 1992 et 2008
(Source : Unicef, Country profil, 2010).
Carte 1 : prévalence du VIH en fonction
des zones de densité et de l'habitat (source : OMS)
Documentation
Sitographie :
Population Division of the Department of Economic and Social
Affairs of the United Nations Secretariat, «World Population
Prospects: The 2008 Revision» :
http://esa.un.org/unpp/
Ministère de la Santé Publique au Burundi :
http://www.minisante.bi/
Organisation Mondiale de la Santé : www.who.int
ONUSIDA :
www.unaids.org
PNUD :
www.undp.org
UNICEF :
www.unicef.org
Rapports :
Banque Africaine de Développement, 2008, Document
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