UNIVERSITÉ PARIS III - SORBONNE-NOUVELLE
UFR Littérature & linguistique françaises et
latines
Femme ou fée?
Mélior dans Partonopeu de Blois
Mémoire de Master 1
préparé sous la direction de
Mme Michelle Szkilnik
par
Julie GRENON-MORIN
Année universitaire 2009-2010
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières p. 1
Introduction p. 3
PREMIÈRE PARTIE : Mélior
I. Généralités
a. Présentation du personnage p. 6
b. Le schéma narratif p. 14
II. Ses qualités féériques et
humaines
a. Indices sur le merveilleux p. 21
b. L'éducation de Mélior p. 22
c. Science occulte, enchantements et fécondité
p. 24
d. Les pouvoirs magiques utilisés contre Partonopeu p.
26
e. Autres éléments p. 29
DEUXIÈME PARTIE : Mélior et d'autres
personnages
III. Mélior et les femmes
a. Sa soeur Urraque p. 33
b. La mère de Partonopeu p. 36
IV. Mélior et Partonopeu
a. La rencontre p. 40
b. L'Union entre l'Occident et l'Orient p. 43
Conclusion p. 57
Annexes :
I : Le schéma mélusinien p. 50
II : Le schéma mélusinien diachronique
p. 51
III : Le schéma morganien p. 52
IV : Le schéma morganien diachronique p. 53
Bibliographie p. 54
INTRODUCTION
Lors de son récent colloque «Une fée
nommée parole1(*)», Philippe Walter a donné une explication
intéressante au sujet de l'origine du mot «fée». Bien
sûr, il est connu qu'il provient du latin «fata» (destin,
destiné). Cependant, peu de gens vont plus loin : «fata»
viendrait lui-même de «fari», autrement dit «parler».
Cette notion, P. Walter la tire d'un ouvrage de Varron, De lingua
latina. Selon cet auteur antique, les divinités, et par extension
les fées, incarnent la parole vraie. Les archétypes
féériques usent d'une fonction performative du langage. Cette
même idée prévalait aussi chez les auteurs grecs. La parole
revêt donc un aspect liturgique. De ce point de vue, les fées
seraient alors un versant occidental des brahmans indiens, prêtres
sacrificateurs et invocateurs. Elles sont capables de parole annonciatrice et
évoquer le destin suffit à le provoquer. La parole peut
également être remplacée par un cri, comme c'est le cas de
Mélusine. Le pouvoir dont les fées usent est irréversible.
Dans le cas des fées marraines, leurs dons sont immatériels et
prennent la forme de bénédictions. Dans Le Jeu de la
feuillée, les trois fées réunies font le don d'une
parole. L'une d'entre elles jettera cependant un maléfice sous le coup
de la colère. La parole des fées peut aussi se rapprocher des
chants incantatoires, ce qui nous mène vers la littérature
médicale.
La fée Mélior dans Partonopeu de Blois
est justement une créature qui fait usage de la parole. Elle est une
caractéristique importante de ce personnage, bien qu'elle ne jette pas
de sort à proprement parler. La fée oscille, tout au long du
récit, entre humaine et individu féérique. Grâce
à son apprentissage de haute voltige, Mélior réussit
à maîtriser non seulement les sept arts libéraux du Moyen
âge, mais également les enchantements. Le concept de la parole
prime chez cette fée aussi impératrice de Constantinople, car
c'est grâce à lui que toute la structure narrative du récit
prend forme : tout s'organise autour de la prohibition lancée au
jeune héros. Lors de leur première nuit d'amour, Mélior
est très claire quant aux limites que doit respecter Partonopeu.
Cependant, seul un personnage apte à la féérie peut
interdire d'être vu, même lors des visites nocturnes de la
puissante héritière. La règle énoncée influe
donc directement sur le destin du héros. Le transgresser signifie causer
la perte de la jeune femme.
Partonopeu de Blois fait cohabiter deux mondes qui
s'entrechoquent : le monde féérique et celui du
christianisme. Ces deux caractéristiques centrales se retrouvent chez
Mélior : elles inspirent le roman. Ainsi, la matière de
Troie prédomine sur celle de Bretagne, d'où pourtant est issu le
comte de Blois. Le récit met également en place un va-et-vient
entre l'Occident et l'Orient. Tout semble s'inscrire dans un double monde,
où trône un des personnages principaux, Mélior. Ni tout
à fait fée ni tout à fait femme, elle n'est pas non plus
classable dans l'un ou l'autre des schémas mélusinien ou
morganien. En fait, la fée ne parviendra à une réunion de
toutes ces dualités qu'avec son mariage avec le neveu du roi Clovis.
L'alliance du couple aura non seulement une influence sur leur destinée,
mais aussi sur les deux peuples de Constantinople et de France. Dans le
folklore, les fées annonciatrices des évènements à
venir se faisaient normalement entendre le Jour de l'An. Mélior ne tient
pas compte d'un tel calendrier, n'étant pas non plus une fée
folklorique, mais bel et bien chrétienne.
Il faut finalement mentionner Psyché et Amour
d'Apulée, car, encore une fois, il existe une relation double, entre les
deux textes. L'un reproduit le schéma inverse de l'autre, mais cela
n'est pas le fruit du hasard. Le ou les auteurs anonymes ont
réutilisé le conte antique de manière flagrante, de tel
sorte que certains éléments sont littéralement
calqués à partir de ce dernier. Dans les deux récits, des
figures de femmes sont en premier et en second plan. Ces figures
féminines se joignent à d'autres fées et démontrent
que tant dans l'Antiquité qu'au Moyen âge, les femmes occupaient
une place importante dans la littérature. Entre ces deux époques,
la fascination pour elles a perduré, car on leur attribuait un pouvoir
mystérieux, pas très éloigné de ceux des
fées elles-mêmes. Les femmes dans Partonopeu de Blois
sont parfois amoureuses, parfois traîtresses, mais toujours au moins un
peu humaines.
PREMIÈRE PARTIE
Mélior
I. Généralités
1) Présentation du personnage
Quand on sait que le nom «Mélior» signifie
«meilleure» en latin, cela donne quelques indices sur le personnage
féminin principal de Partonopeu de Blois. En effet, la
fée Mélior se démarque dans de multiples domaines. Elle
est riche, sa beauté, bien qu'un temps cachée, est sans
égale. Elle est aussi puissante, possède un bon coeur, est
impératrice, etc. Il faut également souligner que Mélior
porte le même prénom qu'une des deux soeurs de Mélusine,
dont il sera davantage question plus en amont. Cependant, cela est le cas
seulement dans la version de Jean d'Arras et non dans celle de Coudrette. De
plus, en langue bretonne, le nom «Mélior» pourrait venir de
«meler», qui signifie le fabricant de
miel. Dans une certaine mesure,
cette nourriture correspond à Mélior, car elle est un être
doux, offrant à Partonopeu tout ce qu'il désire sans
exception : son corps, ses richesses et ses titres. Cependant,
«miliour» en breton signifie aussi «flatteuse».
«Mélior» contient également le mot «or», qui
pourrait faire référence à la grande fortune du
personnage. Enfin, le nom de la fée ressemble de très près
à celui de Mélion, dans un des lais anonymes des XIIe
et XIIIe siècles2(*). Ce rapprochement est d'autant plus intéressant
lorsqu'on sait que le chevalier Mélion de la cour du roi Arthur avait
comme particularité de se transformer en loup. Il a donc d'une
appartenance double, tout comme Mélior qui appartient à la fois
aux mondes des fées et des humains (l'annexe XI montre les
récurrences du terme «Mélior» ou «Melior» en
ancien français dans l'oeuvre de Partonopeu de Blois).
Le prénom de l'impératrice d'Orient se rapproche
un peu de celui de Morgane, une autre fée. En effet, les deux commencent
par un «m», contiennent un «r», un «e» et un
«o». Phonétiquement, ce nom est fort, particulièrement
celui de Morgane. Il est important de remarquer que Mélusine aussi porte
un prénom commençant par la même lettre, ce qui est donc le
cas pour ces trois fées d'importance à l'époque du Moyen
âge. De son côté, le prénom de la fée Morgane
a aussi des origines variées. Dans Historia regum Britanniae,
Geoffroy de Monmouth la désigne, en ancien français, par
«Morgen». Edmond Faral, dans son article «L'Île d'Avalon
et la fée Morgane»3(*) explique que l'origine de ce prénom pourrait
venir de «Muirgen» en gaélique ou bien de «Morgen»
en gallois, qui est, par contre, un nom d'homme. Mais, aucune de ces deux
options ne fonctionne parfaitement. Faral, lui, conclut donc :
«Qu'est-ce à dire, sinon qu'il a toute l'apparence d'un nom
simplement fabriqué à la bretonne ?4(*)». Jean Markale, quant
à lui, tranche entre ces opinions et stipule que la fée Morgue
tire son nom de «Morigena», qui veut dire «Née de la
Mer»5(*). D'ailleurs,
dans Vita Merlini, Morgue soigne un naufragé apparu sur les
berges de son île d'Avalon. Un lien ténu subsiste donc entre cette
fée et l'eau, à cause tout d'abord de nombreuses
références aux lacs, à la mer et à son île et
ensuite des motifs reliés à la terre, aux montagnes et aux
volcans, entre autres. Il en va de même pour Mélior. En effet,
elle vit sur un domaine gigantesque avec d'innombrables terres et Partonopeu
traverse une mer pour venir la rejoindre. En plus de cette double appartenance
de Morgane à la mer et à la terre également observable
chez Mélior, on constate que l'impératrice de Constantinople
n'est ni tout à fait humaine, ni tout à fait fée.
S'il est si difficile d'établir avec certitude
l'origine des noms de la fée Mélior et de ses semblables, c'est
surtout parce que les auteurs du XIIe siècle voulaient
sauvegarder une matière de Bretagne riche et déjà
partiellement oubliée. Ces héritages bretons leur étaient
parvenus majoritairement de manière orale, ce qui explique certains
mystères. Les mêmes interrogations se posent au sujet d'une autre
fée tutélaire, Mélusine. On attribue parfois la
déformation du prénom à cause de «Lusignan»
(famille du Poitou qui aurait servit à nommer des villages, des cours
d'eau, etc., par exemple comme à Lézignan-Corbières,
Lusigny-d'Or ou Lusigny-sur-Ouche). D'autres fois, elle serait due à
«Mère Luisant», «Mère Lusine» ou bien
à «Mélissa», un des surnoms de Diane-Artémis.
Quoi qu'il en soit, les fées Mélusine et Mélior ont en
commun la première syllabe de leur prénom. Lorsqu'il est question
de Mélusine, il a peut-être trouvé son sens avec la
théorie de Claude Lecouteux. Selon lui, le château de Lusignan est
situé près de Melle-sur-Belonne, ville appelée
«Metallum» par les Romains de l'Antiquité. Fidèle
à l'image de la bâtisseuse Mélusine, «cette petite
ville a encore de nos jours une vocation industrielle en plein coeur d'un pays
agricole6(*)». Cette
théorie va encore plus loin : on attribuerait une parenté
entre la fée du Poitou et Kékrops, fondateur d'Athènes et
dont le symbole est un serpent. Il est possible que le «Melle»
à Mélusine le soit aussi pour Mélior. On peut donc dire
que Mélior porte un prénom qui se rapproche à
différents niveaux de celui de ses semblables, Mélusine et
Morgane, mais que ce nom qui la désigne possède néanmoins
des caractéristiques qui s'apparentent aussi aux êtres humains.
Ces fées, qui ont marqué l'imaginaire médiéval, ont
également autre chose en commun : une superbe apparence
physique.
Mélior est dotée d'une beauté
exceptionnelle. Cependant, cette apparence possédant les plus hautes
qualités ne peut pas être dévoilée à
Partonopeu. Les éditeurs Collet et Joris, dans l'introduction au roman,
font d'ailleurs référence à l'apparence de la fée /
femme : Mélior est à l'image de Partonopeu de
Blois, car ce texte a longtemps été en marge de la
littérature médiévale, se soustrayant à la vue du
public comme l'héroïne à son amant avant de nous
révéler sa beauté. Ainsi, Mélior le somme
formellement de ne pas tenter de la voir, sinon elle perdra tout et lui de
même. C'est néanmoins ce qui se passe après que le
héros se soit muni d'une lanterne donnée par sa
mère :
Le covertor a lonc jeté,
Si l'a veüe od la clarté
De la lanterne qu'il tenoit.
Mirer le puet et veoir bien
Q'ainc ne vit mais tant bele rien.7(*).
Sans même la voir lors de leur première
rencontre, alors qu'il s'est couché dans le lit de la dame sans le
savoir et avant que celle-ci ne l'aie découvert, Partonopeu imagine
Mélior très belle (p. 129). En effet, la beauté de la
fée répond tout à fait aux canons esthétiques de
l'époque. Cela la rapproche davantage d'une humaine que d'une
fée. Malgré tout, comme le souligne Alfred Maury, une
beauté qualifiée de «merveilleuse» est
généralement un attribut des fées8(*). Bien que sa beauté soit
rayonnante, elle n'est pas dénuée de réalisme. À
l'approche de son mariage, Mélior se pare magnifiquement pour
célébrer l'occasion. Une longue description en fait état,
de même que pour les autres dames. Il est dit que les dames mirent
longtemps à étudier leurs tenues, ce qui est tout à fait
propre à une femme qui va se marier de même qu'aux invités.
L'humanisation de la fée se fait sentir du fait que les dames et
Mélior mettent beaucoup d'effort à se vêtir de la meilleure
manière qui soit. Ainsi, les habits de Mélior auraient tout aussi
bien pu être ceux d'une femme humaine de l'époque
médiévale, n'étant pas décrite comme une
fée. Certes, il est dit dans le texte qu'elle est plus belle que toutes
les autres, mais cela peut s'expliquer par son mariage et non pas seulement par
le fait qu'elle soit une fée. Les vêtements n'ont rien du
caractère merveilleux du Moyen âge en soi :
Bien fu vestue Melior
De siglaton a cercle d'or.
Par roies entor les aigleaus
Fu trestos parés li maneaus
De pieres de pluisors manieres,
Molt presiosses et molt chieres.9(*).
Cependant, douze vers plus loin, un renseignement laisse
penser que l'auteur ou les auteurs de l'oeuvre se sont progressivement
détachés de l'idée que Mélior est une fée.
Le vers 11 936 est très clair : Mélior a l'air d'une
fée, mais n'en est pas une («Tant est bele, bien samble
fee10(*) »). Cet
indice ne passe pas inaperçu, car il survient vers la fin du roman, qui
plus est au mariage du personnage, ce qui constitue l'apothéose du
récit.
L'apparat de Mélior lors de son mariage évoque,
tout au plus, son appartenance à la royauté, étant
donné sa richesse et ses titres. Elle porte un manteau fait d'une
fourrure d'un animal rare la salamandre (qui crache le feu selon les
récits du Moyen âge). Néanmoins, on ne peut pas prouver que
l'impératrice de Byzance soit une fée. Son habit est
également composé de rubis finement taillés et
alignés sur le tissu ainsi que d'un col était retenu par des
lionceaux en or. Bien que ce genre de manteau coûte une fortune, à
l'époque, Mélior apparaît toujours plus en tant que femme
que fée. Les détails concernant sa coiffure vont dans le
même sens, sinon moins, car l'ornement est plus simple. Ses cheveux sont
tissés d'un fil d'or, ce qui semble plus plausible encore qu'un manteau
bordé de pierres précieuses et fait d'une peau très rare.
D'ailleurs, dans Érec et Énide de Chrétien de
Troyes, la reine Énide fait don d'un vêtement plus somptueux
encore que celui de Mélior à une pauvre fille de
vavasseur11(*). Ceci
prouve donc que «la fée» a belle et bien des
caractéristiques humaines, car la femme de ce roman n'est jamais
décrite comme étant une fée. Plus encore que le
vêtement donné par Énide, celui que porte Érec
à la fin du roman est merveilleusement bien fait, plus encore que celui
de Mélior. On ne peut plus douter ici de la non appartenance au monde du
merveilleux des personnages de ce texte de Chrétien de Troyes, car le
manteau, cela est bien stipulé, a été fabriqué par
quatre fées. Donc, cette spécificité marque une nette
séparation entre le monde des fées et celui des humains.
Malgré ces habits plus riches que celui de Mélior lors de son
mariage, cette dernière est une femme très fortunée et qui
possède un château majestueux.
Lorsque Partonopeu se fait conduire par la nef merveilleuse
qui le dirige, il parvient, à la tombée du jour, à un
palais luxueux, entouré d'une ville tout aussi belle, décrits
ainsi : «C'est une vile et uns casteau / Qui molt est buens et molt
est beaus12(*)».
À bien des égards, la cité et le palais de Mélior
appartiennent plus au monde de la féérie qu'au monde humain.
L'auteur insiste sur le fait qu'il n'existe nulle part ailleurs de merveille
comparable, ce qui renforce l'idée du caractère
féérique de Mélior : «La veïssiés
tant bele entaille, / N'a nule el monde qui miols vaille13(*)». Ce passage de
l'arrivée du héros à chef d'Oire met l'accent sur le fait
que Partonopeu est ébloui par tant de beautés. Le palais qu'il a
devant les yeux sort de l'ordinaire par rapport à toutes les autres
constructions. Cela le rapproche du féérique, mais ne le rejoint
pas tout à fait : «Li palais sont tresto d'un grant ; /
Ainc n'avoit veü de teus tant14(*)». Un autre exemple qui montre à quel
point ce que voit le héros sort de l'ordinaire survient des vers 860
à 862. Dans ceux-ci, le narrateur lui-même dit que la tâche
est ardue pour décrire les lieux, en parlant à la première
personne du singulier. Il s'exprime alors avec beaucoup de dynamisme :
Que nel tenissiés a falue ;
Mais nus ne set tant de favele
Qui pardesist con ele est bele.
(...)
Ne cherriés por nule rien
La mervelle ne le grant bien
Que de ceste cité vos cant; 15(*).
Plus loin, le texte est encore plus clair concernant la nature
magique des splendeurs qui s'offrent aux yeux de Partonopeu. Cependant, il faut
encore noter qu'il n'est pas dit explicitement que les constructions de Chef
d'Oire possèdent un caractère merveilleux, car elles le
«paraissent» seulement :
Tant voit li enfes grans beautés
Que molt cuide estre mesalés,
Et cuide que soit faerie
Quanqu'il voit de manadie16(*).
Tout comme c'était le cas pour les vêtements et
la coiffure de Mélior, on peut dire que ses richesses font davantage
d'elle une richissime aristocrate, donc humaine, qu'une fée. D'ailleurs,
il est dit que la décoration du château est d'inspiration
mauresque, autrement dit du monde des humains. Cependant, l'habitation de
Mélior n'est pas un château normal. Partonopeu s'en rend
rapidement compte. Il ne voit personne aux alentours et il n'y a aucune musique
comme cela est de coutume dans ce genre d'endroit. L'éblouissement
extraordinaire que procure les lieux l'en éloigne aussi d'un
bâtiment normal : «Un palais i a principel, / En tot le siecle
nen a tel17(*)». De
même, les richesses à l'intérieur du palais sont hors
norme. Ainsi, la coupe dans laquelle boit Partonopeu lors de son premier repas
est décrite comme étant faite de pierres précieuses :
«Li covercles est d'un rubi / [Qui bien i pert a sa mesure / Que hom ne le
fist fors Nature]18(*)».
Ce que Partonopeu voit à l'intérieur du
palais ne peut cependant laisser planer aucun doute sur la
nature merveilleuse des lieux appartenant à Mélior. En effet,
comme c'est le cas dans le film d'animation La Belle et la Bête
des studios Disney, des objets sont enchantés. La première de ces
manifestations merveilleuses se produit lorsque le visiteur se fait laver et
essuyer les mains par des bassins et une serviette animés. Ensuite, sa
table se garnit sans l'aide de personne de victuailles à la place du
jeune homme et à celles qui sont vides. Partonopeu est surpris de
constater qu'un cortège d'aliments passe devant lui. L'eau se verse
également toute seule, de même qu'une serviette est tendue
à l'invité à la fin du repas. Puis, tables et couverts
disparaissent. De plus, ce sont des candélabres merveilleux qui
conduisent le héros à sa chambre :
Et quant il volt aller coucier,
Les camdelarbres voit drecier
Quil vont dusque a son lit servir,
Et puis pensent del revenir.19(*).
Ces mêmes objets serviront toujours Partonopeu lorsqu'il
songera à aller se coucher durant son séjour.
Une des conversations nocturnes de Partonopeu avec
Mélior laisse entrevoir une autre preuve de la nature
féérique de la dame. Une nuit, elle confie au jeune homme que
tout Chef d'Oire a été bâti en son honneur :
Li casteaus est ci por vos fes,
Li bors et tos li beaus atrés ;
Por ço fu fais en cest bel liu
Qu'en eüssiés deduit et giu20(*).
Si l'on part du fait que Partonopeu a treize ans au moment de
l'histoire et que les constructions prennent plusieurs années à
se bâtir, au Moyen âge (Bas Moyens âge, pour être plus
précis, car Partonopeu est le neveu de Clovis Ier, né
en 465 et mort en 51121(*)) le fait semble impossible. Il relève donc de
la féérie que la splendide cité de Mélior se soit
construite aussi rapidement. Même si les travaux avaient commencé
alors que le héros était encore un enfant, il paraît
plutôt improbable qu'elle soit tombée amoureuse d'une personne
aussi jeune. Le récit laisse donc entendre que la ville fût
édifiée dans un temps record, impossible à réaliser
sans l'aide de la magie, que possède d'ailleurs l'héroïne.
Les histoires du Moyen âge qui mettent en scène
une fée reprennent, le plus souvent, l'un ou l'autre des schémas
de deux des fées françaises les plus connues, soit
Mélusine ou Morgane. Partonopeu de Blois emploie partiellement
le schéma morganien (voir annexes III et IV). En effet, il s'agit d'une
fée qui emmène l'élu de son coeur dans son monde à
elle, déconnecté de celui des Hommes22(*). Dans ce cas-ci, il s'agit de
Chef d'Oire, ville imaginaire du royaume de Constantinople et, dans le cas de
Morgane, de l'île d'Avallon où elle entraîne Lancelot. Dans
un schéma morganien, on dénote trois étapes principales.
D'abord, le héros voyage jusque dans le monde de la fée. Pour
cela, comme le montre l'annexe III, il l'aura préalablement
rencontrée et elle lui aura offert son amour. Ensuite, le héros
séjourne dans l'au-delà. Il peut y demeurer aussi longtemps qu'il
respecte l'interdit, consigne présente sans exception dans les histoires
de fées de l'époque médiévale. Cette période
hors du monde des Hommes est due au fait que le héros en a perdu le
souvenir. Finalement, le héros transgresse la prohibition, ce qui ne lui
permet pas de revoir la fée. Partonopeu de Blois est un
récit morganien, mais qui ne va pas jusqu'au bout : Partonopeu
revoit Mélior à plusieurs reprises, subit des épreuves et
le couple se marie.
Le schéma morganien implique une union qui demeurera
stérile, puisque le héros meurt d'avoir transgressé la
directive imposée par la fée. Dans cette optique, Partonopeu
de Blois ne constitue pas un tel schéma. La fée qui y est
présentée crée une grande pression de la part de l'Autre
monde, dont elle fait partie. Morgue ou Morgane est donc en conflit avec le
monde des humains : son seul but est de le priver de ses champions,
surtout Lancelot. Elle essaie par la ruse de s'en faire aimer, ce qui
échouera. Dans les romans arthuriens et autres récits de
l'époque, Morgue et les autres fées, ont une nature
ambiguë. Le problème se pose à propos de leur nature double
quant au christianisme : «La tentative de conciliation a pris deux
formes : la christianisation - la fée conserve à ce prix son
caractère surnaturel - et la rationalisation - la femme fantastique
devient une simple mortelle qui pratique la magie noire ou blanche23(*)». Dans le cas de
Mélior, il s'agit d'un cas de rationalisation. On le constate lors de
ses explications à Partonopeu quant à son cheminement
intellectuel. Ce long discours survient d'ailleurs après l'ordre
bafoué par le héros.
À l'inverse, le roman de Partonopeu de Blois
ne fait pas partie des textes ayant un schéma mélusinien (voir
annexes I et II). Bien que possédant quelques caractéristiques de
ce schéma, le roman anonyme n'inclut pas la venue d'une fée dans
le monde des humains. Dans le Roman de Mélusine de Jean
d'Arras, Raimondin et Mélusine se rencontrent à la Fontaine de la
Soif, est en présence de Palatine et Mélior, ses deux soeurs.
Leur mère Présine leur a toutes jeté un sort. Comme nous
le savons, l'enchantement de Mélusine est de se transformer en serpent /
dragon tous les samedis. C'est à ce moment qu'elle prend son bain. Elle
offre sa main et sa large dot à Raimondin, à condition qu'il
respecte l'ordre de ne pas la voir lors de sa transformation. Des années
plus tard, le roi ne le respecte pas et perd tout, y compris son épouse
qui s'envole de la tour du château familial.
De plus, la fée Mélior est
présentée de manière ambiguë... ou prudente. Pour ne
pas s'attirer le mauvais oeil de l'Église, elle est une fée qui a
appris ses enchantements et une chrétienne très croyante. On ne
peut donc pas la classer comme une créature diabolique. Pour Alfred
Maury, les figures des fées «nous apparaissent comme le dernier, le
plus persistant de tous les vestiges que le paganisme a laissé empreints
dans les esprits.24(*)». Il n'est donc pas étonnant d'en
retrouver à de très nombreuses reprises dans les histoires
médiévales et que d'établir des parallèles entre
Mélior et d'autres de ses semblables soit aisé. Encore
aujourd'hui, les fées sont l'emblème du paganisme vaincu par les
religions, dont quelques symboles à peine subsistent dans le folklore.
Cela se remarque par les noms désignant les monuments druidiques ou
sur des emplacements qualifiés comme tel, car ils contiennent le mot
«fée». Ces désignations proviendraient du monde celte.
En effet, à l'époque où les druidesses étaient
chassées par la montée du christianisme, elles se
réfugiaient dans ces endroits. Tout comme cela avait été
le cas avec les Parques de l'Antiquité, ces lieux ont été
nommés en fonction de leur légende.
2) Le schéma narratif
La quatrième de couverture de la collection Lettres
gothiques parue en 2005 résume bien le lien qui unit l'histoire de
Partonopeu et celle de Psyché. Ce récit d'Apulée, faisant
partie de L'Âne d'or ou Les Métamorphoses, a
cependant la caractéristique d'être inversé dans l'oeuvre
Partonopeu de Blois. En effet, le rôle féminin de l'un
est tenu par un homme et vice versa. Autrement dit, chez Apulée, c'est
Psyché qui accomplit la transgression, alors que, dans l'oeuvre
médiévale, il s'agit de Partonopeu. En effet, Psyché,
mariée au dieu Amour, a promis de ne jamais chercher à voir le
corps de son époux. Elle ne sait cependant pas tenir parole et observe
Amour qui dort à l'aide d'une lampe à l'huile. Une goutte de
cette huile tombe, réveille l'endormi et le blesse gravement. Le dieu se
sépare alors de sa femme, qui mettra longtemps à le chercher. Le
couple se réconcilie, après bien des épreuves que doit
accomplir Psyché. Elle deviendra ensuite immortelle.
Du côté de Partonopeu de Blois, le
héros Partonopeu est invité par Mélior à partager
son lit et son domaine. Il fait également la promesse de ne pas regarder
le physique de sa dame. Cependant, il faut noter cette différence :
ce couple n'est pas marié, ce qui est bien le cas de Psyché et
Amour. Mélior s'était engagée auprès de Partonopeu
à l'épouser après une période de deux ans,
où le jeune homme demeurerait au palais de la fée. Poussée
par l'idée de sa mère que Mélior est une créature
diabolique, Partonopeu s'empare de la lampe que sa mère lui
suggère d'utiliser et fait fi du souhait de la fée. Tout comme
Psyché, il en coûtera bien des efforts au héros pour
revenir auprès de son amie.
On peut donc observer que l'auteur anonyme du Moyen âge
a calqué son histoire sur celle du mythe antique d'Apulée.
L'écrivain de l'époque médiévale a cependant
ressenti le besoin d'inverser les rôles. Il est toutefois évident
que les deux récits sont apparentés. De plus, Psyché et
Partonopeu utilisent tous deux une lampe, outil de leur
désobéissance. Si Partonopeu est poussé par sa
mère, Psyché ne l'est que par sa curiosité, ce qui lui
causera bien du souci. Cela est d'ailleurs la leçon qui peut être
tirée du conte, c'est-à-dire que la curiosité est un
vilain défaut. Partonopeu de Blois ne va pas vraiment dans ce
sens, puisque l'histoire continue bien après l'épisode de la
lampe, qui survient au début du roman seulement.
Apulée voulait peut-être mettre cette
leçon en avant : la trop grande curiosité peut engendrer
bien des problèmes. Dans l'introduction de la version de GF Flammarion,
Claufine Sharp a trouvé une autre explication, bien plus profonde. Selon
elle, il faut regarder le sens des termes grecs «Psyché» et
«Éros». Le premier signifie «âme» ou
«papillon» et le second «amour». À partir de
là, on peut tirer cette conclusion :
On peut alors penser qu'Apulée a voulu ainsi exprimer
l'aventure de l'âme, reflet de la beauté pure,
enchaînée à la terre par ses passions mauvaises. Cette
âme doit subir, comme la jeune héroïne, bien des
épreuves, avant d'accéder, grâce à l'amour, au monde
divin et devenir immortelle à son tour.25(*).
Cette théorie est applicable à l'oeuvre
Partonopeu de Blois, où le héros doit faire face
à des épreuves avant de vivre son amour pleinement avec
Mélior. L'histoire de la fée a cela de commun avec le conte
antique : les humains et les non-humains se ressemblent de part et
d'autre. Ainsi, chez Apulée, les dieux ne sont pas très
différents des Hommes et, dans Partonopeu, la fée
présente beaucoup de similitudes avec les humaines.
Dans son ouvrage Les fées au Moyen âge,
Laurence Harf-Lancner note que la fable de Psyché se divise en trois
parties26(*). La
première partie concerne les malheurs de l'héroïne
Psyché, avant qu'elle fasse la connaissance du dieu Amour. Aucune
ressemblance ne permet de créer le rapprochement entre ce récit
et celui de Partonopeu. En revanche, dans la deuxième partie de
la fable, qui relate le séjour de Psyché dans le monde du dieu,
un «Autre Monde», trois caractéristiques récurrentes
dans le roman médiéval sont facilement observables. Harf-Lancner
a relevé que ces trois points prévalent tant chez Apulée
que chez Fulgence, dans Mythologiae écrit à la fin du
Ve ou au début du VIe siècle.
Dans un premier temps, Psyché découvre un palais
d'une beauté à couper le souffle. Cela est aussi le cas pour
Partonopeu lorsqu'il pénètre au château de Chef d'Oire. Cet
édifice merveilleux est fait de marbre, d'or et d'argent. Puisque la
propriétaire Mélior est impératrice d'Orient, on verra
dans cette richesse une caractéristique du merveilleux oriental. Dans un
second temps, il faut souligner que les deux personnages principaux des deux
histoires entrent dans un endroit désert. Les esclaves qui servent
Psyché lors de son arrivée au palais lui sont invisibles et
l'héroïne ne perçoit que leur voix. Partonopeu reçoit
lui aussi un accueil spécial, digne d'un roi. Les soins qui lui sont
prodigués sont opérés par des serviteurs qui sont non
seulement invisibles, mais dont on n'entend pas la voix non plus. Le
merveilleux médiéval se manifeste lorsque deux chandelles le
guident jusqu'à son aire de repos, par exemple. Puis, ce sont des mains
invisibles qui lui retirent ses éperons. Ces éléments
merveilleux se chargeront de Partonopeu tout au long de son séjour au
palais de Mélior, jusqu'à ce qu'il transgresse l'interdit de la
fée. Dans un troisième temps, les personnages de Partonopeu et de
Psyché ont en commun d'être visités la nuit par leur
compagnon respectif. Avant la transgression de l'interdit, la découverte
du visage et duc corps, les deux héros ne verront pas leurs amants
à cause de l'obscurité nocturne. Les hôtes Amour et
Mélior les quittent lorsque le jour se lève, après avoir
passé une nuit d'amour avec l'être choisi. Les chambres
attribuées aux deux héros sont d'une beauté somptueuse et
ils s'en émerveillent.
Dans son chapitre sur «Morgane» (puisqu'il s'agit en
partie d'un conte dit «morganien»), L. Harf-Lancner explique que la
troisième partie du conte d'Apulée coïncide parfaitement
avec ce qui se déroule dans Partonopeu de Blois. Cette partie
concerne le manquement au commandement. On observe donc que la première
partie de Psyché et Amour n'a rien à voir avec
Partonopeu de Blois, que des similitudes rapprochent les deux oeuvres
dans la deuxième partie pour finalement faire se calquer presque l'un
sur l'autre les évènements de la troisième partie.
Puisque, de toute évidence, la fable de Psyché
est une inversion de l'histoire de Partonopeu, un argument
supplémentaire vient renforcer l'idée que Mélior est une
fée. Cependant, fées et dieux n'ont pas le même
degré d'être. Dans le récit antique, son rôle est
tenu par un dieu, un être qui n'est donc pas humain. De la même
façon, Mélior n'est pas humaine, mais bien un être
merveilleux. Dans le premier cas, c'est une lampe sous un boisseau qui provoque
le réveil, dans le deuxième cas, une lanterne dont la chandelle
ne s'éteint pas au vent. Le premier sort du sommeil à cause d'une
goutte d'huile bouillante qui lui tombe sur l'épaule, la deuxième
par la lumière de la lanterne. Sachant cela continuons d'analyser les
points de ressemblance entre Partonopeu et le conte
d'Apulée.
Le pacte entre Psyché et Amour présente quelques
aspects communs avec celui de Partonopeu et Mélior. Dans les deux cas,
un habitant de l'autre monde s'éprend d'un mortel et l'épouse.
Ils vivent ensemble dans un château somptueux, entourés de
richesses. Ce palais est toujours vide de toutes présences. En revanche,
Partonopeu obtient tout ce qu'il désire. Ensuite, l'être
doté de pouvoirs magiques va retrouver son amant dans son lit, la nuit,
pour vivre les uniques moments d'amour qu'ils partageront dans le futur. Le
visiteur nocturne aura disparu au matin. L'interdiction de ne pas chercher
à voir cette personne doit être respecté, sinon des
conséquences s'en suivront. Dans tous les contes, cet interdit demeure
le même. Le héros ou l'héroïne ne sait en
général pas pourquoi il existe.
Suite à la convention qui unit les deux personnages, il
se produit la violation de celle-ci ainsi que la reconquête de l'amant
surnaturel. Ce dernier accorde, à celui qui a promis de respecter le
pacte, la permission d'aller voir sa famille et ses amis. Cette visite est
présente dans tous les contes du genre. Dans la situation de Partonopeu,
sa mère le poussera à mal agir, ce qui est le cas des soeurs dans
Le Belle et la Bête de Mme Leprince de Beaumont. Le
résultat sera que l'être merveilleux disparaît. L'humain a
échoué et il doit partir. Malgré tout, cet humain prend
sur lui de passer au travers d'épreuves pour réparer sa faute.
Les tâches difficiles accomplies, le couple se retrouve dans l'autre
monde. L'humain aura eu l'aide d'entités magiques. On établit
donc un lien direct entre La Belle et la Bête et Partonopeu
de Blois :
Comme le héros de la «Belle et la
Bête», dans sa version masculine ou féminine,
Partonopeu vit dans l'autre monde une aventure proprement
mélusinienne : son bonheur est lié au respect de l'interdit
qu'il transgresse; chassé par son amie, il la retrouve au terme de
longues épreuves27(*).
Les histoires de Partonopeu et de
Psyché ont également en commun de posséder toutes
deux des palais somptueux où se déroule une
grande, sinon importante, partie de l'action. Donc, le lieu de
«l'enlèvement» d'un des deux individus du couple se fait dans
un endroit presque irréel tant il est beau. Les deux édifices
sont le produit d'actions soit guidées par la magie, pour Mélior,
soit d'origine divine pour Amour. Psyché, en effet, séjournera
dans un endroit splendide :
Près des bords de cette source, s'élève
un palais que des mains mortelles n'ont pu construire. À la seule vue de
l'entrée, on reconnaît le séjour somptueux de quelque
divinité. Les lambris du plafond, artistement sculptés en ivoire
et en bois de citronnier, sont supportés par des colonnes d'or28(*).
Fait intéressant, O. Collet et P.-M. Joris notent que
la géographie de Chef d'Oire de Mélior n'est pas sans faire
penser à une cité antique. Les auteurs s'accordent pour dire que
la cité de la fée à Constantinople est l'équivalent
du château d'Illion à Troie. Cette idée renforce
l'hypothèse que le récit s'inspire de la matière de
Thèbes, en opposition à la matière de Bretagne, qui l'a
aussi influencée. Le nom «Chef d'Oire» n'est d'ailleurs pas
trop éloigné de «ciés d'Aise», nom de la ville
de Priam. Une autre preuve que le roman tient peut-être moins de la
matière de Bretagne est que l'espace où se déroule
principalement la fiction est l'Orient et non pas Blois. Cette ville et Chef
d'Oire sont ainsi en pleine polarité. Cette volonté de
privilégier Thèbes à la Bretagne se note également
dans le personnage même de Mélior. On le sait, les fées
sont des descendantes des druidesses du monde celtique et païen. Pourvoir
l'amante de Partonopeu de dons merveilleux décentre la fée de son
appartenance traditionnelle :
Par l'organisation de sa géographie et par l'invention
de Mélior, Partonopeu de Blois qui confère les pouvoirs
de la fée bretonne à la magicienne orientale donne plutôt
l'impression de vouloir éluder la Bretagne et instaurer un autre ordre
romanesque dont le centre serait ramené en Orient29(*).
Malgré le fait que le roman se place plus du
côté de l'Orient que de l'Occident, il n'en reste pas moins qu'il
est bel et bien en lien avec une histoire toute européenne : La
Belle et la Bête.
Heureusement pour le héros, le fait qu'il
désobéisse à la fée relativement tôt laisse
place à d'autres péripéties. Elles donnent au jeune homme
plus de prestance que de mourir après avoir désobéi
à son amie, comme c'est le cas dans un schéma morganien :
«La maîtrise que [Partonopeu] parvient à s'assurer sur lui
conférait sans doute une gloire plus éclatante que celle
qu'aurait pu lui donner la conquête d'une enclave anonyme et assez
irréelle de l'Autre Monde30(*)». Rappelons-le, la fée Morgue aime
asservir les hommes, surtout ceux dotés de pouvoir et de force.
Mélior, nous l'avons vu, possède ce que D.
Poirion qualifie de «féminité agressive». Tout comme
Morgane, elles sont des fées pas tout à fait
idéalisées. Cela les éloigne du merveilleux, car les
fées sont plus volontiers associées à une
féminité qui se veut protectrice. De ce point de vue,
l'impératrice de Constantinople est une croqueuse d'homme, de même
que Morgane et dans certaines légendes celtiques, tel que Deirdre et
Noise31(*).
L'humanisation de l'amie de Partonopeu se fait ainsi plus sentir, car l'auteur
anonyme la montre moins sous son jour maternel et nourricier. Les
héritières de Mélior ne sont toutefois pas
présentées de manière aussi pure qu'elle, opposées
à Morgane. En effet, au XIIIe siècle, les fées
intègrent plus facilement la dualité bonne / mauvaise. Elles se
servent de la magie et de leurs charmes féminins pour poser ces deux
genres d'actes. C'est le cas de la Dame du lac qui enlève Lancelot, mais
l'élève et le protège. De même, dans le Bel
Inconnu, Guinglain préfère la jeune fille transformée
en serpent plutôt que «l'amour dangereux de la fée
aux-blanches-mains».
Le but de Mélior s'orientait dans la veine de l'amour
pour le héros. La fée ne cherchait rien d'autre que faire le bien
et trouver le bonheur. Cela n'est pas le cas de Morgain, qui manigance dans son
propre intérêt et qui agit méchamment. Morgain organise
«une longue série de complots ourdis» qui prend racine dans un
«système de motivations multiple32(*)». La rage de la fée affecte
principalement trois personnages : Urien, Arthur et Accalon. Cette triade
invoque une conception du récit en triptyque. La composition de
l'histoire de Morgane, tout comme dans de nombreux textes cycliques et chez les
poètes courtois, n'économise pas les moyens de narration. Ils
faisaient entrer en relation de manière constante les
éléments de l'oeuvre, de sorte qu'un véritable
réseau de sens se crée. Pour ce faire, la psychologie des
personnages et la logique des situations sont réduites à leur
plus simple expression, ce qui donne un effet de limpidité et de
simplicité. On peut donc dire du récit médiéval
qu'il est équilibré et finement ordonné. Eugène
Vinaver compare cet effet narratif aux lettrines opulentes et
ornementées des manuscrits : il se dégage une impression
d'abondance et de vie que nous contemplons à loisir.
Les complots de Morgain sont composés de telle sorte
que les motifs s'additionnent les uns aux autres. D'un point de vue romanesque,
cette poétique médiévale se rapproche de l'ornatus
difficilis33(*). Le
point central de l'histoire de la fée est fixé sur le roi Arthur.
De là s'insèrent les aventures d'Accalon d'abord et, ensuite
celles du roi Urien. Ce mouvement triple atteint son apogée lorsque
Morgain dérobe Excalibur à Arthur. Vinaver poursuit son
raisonnement qui concerne l'enchevêtrement des histoires / complots de la
fée. En fait, les trois héros ne constituent qu'une petite partie
du tout qui compose le cycle arthurien imaginé par plusieurs
créateurs. Ce «vaste dessein» prend appuie sur de multiples
éléments :
Pour que ce dessein se réalise pleinement il faut que
le triple fil de l'intrigue nouée par Morgain se croise avec un autre,
et encore un autre, tous enchevêtrés dans un ensemble qui se
prolonge et se complique à perte de vue. (...) C'est ce qui permet
à chaque épisode d'être "tenu en suspens et de laisser
place à un autre, qui lui-même sera interrompu pour permettre la
continuation de l'épisode antérieur" (Jean Frappier,
Étude sur La mort le Roi Artu, Paris, Droz, 1936,
p.348)34(*).
Partonopeu de Blois n'est évidemment pas une
oeuvre aussi complexe que le cycle du Graal et les épreuves et la
directive lancée par Mélior à son ami n'ont rien d'aussi
compliqué. Le cycle arthurien s'oppose donc aux Lais
féériques de par leur longueur, mais ces textes comprennent
toujours une consigne.
II. Ses qualités de
féériques et humaines
1) Indices sur le merveilleux
Un rapprochement peut être établi entre
Mélior et les divinités païennes ou encore les druidesses.
En étudiant l'Histoire, les spécialistes ont remarqué que
les dons des figures féminines sont toujours décrits de
manière ambiguë, ce qui avait comme résultat de renforcer
l'impression de merveilleux auprès des gens non éduqués.
Les druidesses parachevaient leur enseignement auprès de personnes ayant
elles-mêmes étudié, évidemment. De même,
Mélior fait allusion à ses maîtres, bien qu'elle les
dépasse par son talent. Du côté de Morgane et Viviane,
dites les «fées de première génération»,
elles ont acquis leurs connaissances auprès du mythique enchanteur
Merlin. Viviane, tout comme Mélior, dépassera son maître,
car elle emprisonnera le mage à perpétuité, dans des
endroits changeant selon la version du récit.
Partonopeu de Blois ne raconte pas si Mélior
engendre des filles, ni même des enfants tout simplement. Si elle avait
une progéniture de sexe féminin, la fée lui enseignerait
peut-être son savoir. À ce propos, C. Ferlampin-Acher constate
ceci :
Après la première génération, les
femmes ayant acquis ce savoir originellement masculin, la magie s'apprendra
désormais de mère en fille. (...) On aura dès lors
l'impression que ce savoir s'hérite automatiquement, les
références de l'apprentissage disparaissant35(*).
Mélior fait donc partie de la première
génération, car personne ne lui a transmis ses qualités de
fée de manière automatique. De plus, il est exact qu'elle
détient son pouvoir grâce aux hommes qui l'ont
éduqué.
Originaire de l'Orient, Mélior possède un
avantage sur les autres fées des récits médiévaux.
Cette zone géographique est, en effet, l'endroit d'origine de nombreux
magiciens renommés.36(*) De plus, il faut être doté d'une grande
intelligence, avoir accès aux écrits et à des
maîtres de même que de se montrer curieux, une curiosité qui
se rapproche même d'une cupiditas sciendi. En ce qui concerne
Mélior, la fortune de son père lui permet d'avoir des enseignants
et probablement aussi un accès aux manuscrits. Avec ce qu'elle dit sur
elle-même et par ses actions, le lecteur voit que c'est une personne
intelligente. Elle est, certes, très curieuse, et sa manière de
«capturer» Partonopeu révèle qu'elle ne recule devant
rien. Nous pouvons également dire que c'est une personne
énergique, vu l'ardeur qu'elle mit dans ses études et qu'elle
nomme elle-même du «zèle» : «Après
apris espiremens, / Nigromance et encantemens37(*)». La fée mit aussi de l'ardeur à
pratiquer ses sorts, isolée dans sa chambre.
2) L'éducation de Mélior
Selon l'ouvrage Fées, bestse et luitons de
Christine Ferlampini-Acher, les dames dans Perceforest sont des
fées, mais leurs dons proviennent d'un savoir particulier. Les pouvoirs
dont il est question sont la conséquence de circonstances
particulières qui leur servent à se protéger. Cette magie
est aussi rationnalisée comme un savoir acquis dans Partonopeu de
Blois. Le père de Mélior, alors empereur de Constantinople,
voulait que sa fille reçoive une éducation de qualité. La
future monarque fût éduquée «par l'expérience
des lettres». Lorsque Partonopeu transgresse l'interdit lui étant
imposé, sa maîtresse lui raconte son histoire.
Lorsque le père de Mélior était empereur,
il n'y avait pas de roi égal en pouvoir sinon le grand sultan de Perse.
Une prédiction fit savoir au père qu'il n'aurait pas de fils et
que sa succession irait à sa fille aînée. Cela explique
pourquoi la princesse eut de grands maîtres et que son savoir est si
étendu. En effet, elle est douée dans les sept arts
libéraux de même que la médecine. Ensuite, on lui fit
apprendre la science divine, autrement dit l'étude de l'Ancien et du
Nouveau Testament. On peut remarquer que, encore une fois, l'attachement de
Mélior à la Bible :
Puis apris de divinité
Si que j'en seuç a grant plenté
Et la viés loi et novele
Qui tot le sens del mont [chaele]38(*).
Partonopeu apprend également de la bouche de sa dame
qu'avant d'avoir quinze ans, elle dépassait ses maîtres en savoir
et en talent. C'est à ce moment qu'elle débuta son apprentissage
des «arts magiques». Elle s'appliqua avec tant d'efforts aux sorts et
aux enchantements que l'éducation d'autrui semblait bien maigre en
comparaison de la sienne. Mélior s'exprime d'ailleurs en ces termes pour
décrire son savoir : «Je sai molt bien totes les ars. / Tos
les engiens, totes les ars39(*)». Bientôt, elle sut faire de la magie,
comme de faire agrandir une pièce ou faire apparaître des
personnes et des animaux. Finalement, c'est grâce à sa pratique
des sortilèges qu'elle réussit à amener Partonopeu
auprès d'elle.
Si Mélior passe d'humaine à humaine savante
à fée, le cas d'autres de ses semblables évolue
également. Toujours dans Perceforest, le personnage de Sarra
est d'abord une demoiselle de la Forêt, puis une enchanteresse, puis une
fée pour terminer une déesse. Ces deux derniers types ont par
ailleurs en commun de mener une longue existence. Néanmoins, certaines
meurent durant le récit. L'auteur de l'article sur Perceforest
écrit : «[L]'éternité surnaturelle devient
extrême vieillesse40(*)». Ce n'est pas le cas de Mélior, ni
même de Mélusine ou Morgane.
Nombreux sont les contes du Moyen âge où les
fées sont des êtres ayant acquis leur savoir plutôt que
d'être nées avec. C'est le cas dans Claris et Laris,
Perceforest, Partonopeu de Blois et bien d'autres. Par
opposition, Mélusine présente une fée qui
possède des dons héréditaires, soit par sa mère
Présine, qui les a transmis à ses trois filles (Mélior et
Palestine sont les deux autres). Le plus souvent, ce savoir «permet de
servir le Bien et de favoriser le passage du paganisme brutal au culte du dieu
Souverain, puis au christianisme41(*)». Cela est en effet le cas de Mélior,
l'amante de Partonopeu dans le roman de l'auteur anonyme, qui fait souvent
allusion à la religion chrétienne. Vraisemblablement,
l'impératrice avait reçu une éduction chrétienne
très forte. D'ailleurs, une des premières paroles qu'elle
prononce en la présence du jeune homme est «Sainte Vierge!»,
car elle sursaute en sentant le pied de l'intrus dans son lit. Suite à
cela, comme pour rassurer un public médiéval craintif du
démon et de ses artifices, l'auteur spécifie que le héros
est rassuré d'entendre ce nom saint :
Li enfes a peor de soi;
Mais ce li tolt auques l'esfroi
Qu'il ot nomer sainte Marie,
C'or set que maufés n'est ce mie
Et que c'est dame u damoisele
Et cuide bien que molt bele42(*).
Donc, comme les femmes de son époque, Mélior est
croyante et chrétienne.
3) Science occulte, enchantements et
fécondité
Le savoir de Mélior peut sembler, à certains
égards, une science occulte. Une femme médiévale, si elle
s'était risquée à tenter des sorts comme elle, aurait
été pointée du doigt et aurait peut-être même
subi des châtiments, vu le conservatisme de l'Église. Cependant,
le terme «science occulte» n'est jamais utilisé dans
Partonopeu de Blois. À ce propos, C. Ferlampini-Acher note que
le vocabulaire ayant trait au monde magique s'est appauvri par rapport à
celui des VI e au IXe siècles et que les
fées possèdent souvent des pouvoirs qui vont plus loin que les
termes qui les désignent. Par exemple, Mélior est médecin.
Elle découvrit, durant ses études, comment traiter les malades
avec des herbes et des plantes. Elle s'exprime dans ces mots, pour
décrire son talent de guérisseuse :
Aprés apris tote medecine,
Quanqu'est en erbe et en racine
Et des espesces de valor
Apris le froit et la calor,
Et de tos maus tote la cure
Et l'ocoison et le figure.
Fisique ne puet mal garir
Dont jo ne sace a cief venir43(*).
Le texte sur Perceforest spécifie aussi que
les guérisseuses usent de magie blanche, mais que cette magie a ses
limites. De plus, nombreuses étaient les femmes de l'époque
sachant soigner. Cela n'a donc rien d'extraordinaire. Dans les romans
médiévaux, les fées peuvent aussi, en plus de
guérir, prévoir l'avenir et faire des enchantements.
Un des indices de la nature féérique d'une dame
est son potentiel à apparaître et à disparaître.
Mélior ne le fait pas à proprement parler, même si sa venue
dans sa chambre lors de la rencontre avec Partonopeu semble un peu suspecte et
de même que de menacer son amant de mourir s'il outrepasse la directive.
Le meilleur exemple de disparition est sans doute celui de Mélusine qui
s'envole du château de Lusignan. Raimondin ayant lui aussi violé
l'interdit imposé, elle étend ses ailes de dragon en poussant un
cri déchirant. Elle criera de la sorte à la veille de la mort
d'un des individus de son lignage et ce, à tout jamais. La fée ne
reverra jamais son époux et roi déchu, mais elle retournera
prendre soin de ses enfants les plus jeunes.
Si certaines fées ont le don de prédire le
futur, on peut dire que Mélior en fait plus ou moins partie. Elle avait,
en tous les cas, planifié que Partonopeu se perdrait lors d'une chasse
et qu'il embarquerait dans la nef merveilleuse qui le conduirait à Chef
d'Oire. Dans ce cas-ci comme chez les autres fées dans les contes du
Moyen âge, on ne sait pas exactement comment Mélior s'y est pris.
Il est également permis de penser que l'impératrice est aussi
astrologue et ce, pour deux raisons. D'abord, la pratique de cette
«science» était alors licite et courante. Ensuite, parce que
la décoration à Chef d'Oire est ornée
d'éléments qui laissent penser que l'astrologie revêt une
certaine importance dans ces lieux. En effet, les pignons du palais sont
recouverts d'orfèvreries en or et en argent. On y retrouve des
illustrations décrites comme suit :
La veriés les elemens,
Et ciel et terre, et mer et vens,
Solel et lune, et ans et jors
Et les croisans et les decors44(*).
Malgré ses possibles dons pour la divination, on
constate assez peu, dans Partonopeu de Blois, la capacité de
Mélior à jeter des sorts. En vérité, il n'y a
qu'envers le héros dont elle est amoureuse qu'elle l'expérimente.
Les fées étudiées par C. Ferlampin-Acher sont capables,
soit partiellement ou par de grands sacrifices, de lire l'avenir. Comme dans
La Belle au bois dormant de Disney, encore une fois, les fées
n'ont pas le pouvoir de modifier le passé ou bien encore le futur. Elles
ne peuvent qu'améliorer les situations. Dans le film de 1959, lorsque
Maléfique jette le sort à la petite Aurore, les trois bonnes
fées l'atténuent, mais elles ne peuvent pas le dissoudre
complètement. Toujours dans le domaine de la divination, il n'est pas
dit si Mélior est capable d'hippomancie (divination par le hennissement
et les mouvements des chevaux), comme c'est parfois le cas dans les contes
celtes ou médiévaux45(*).
Mélior, dans le roman anonyme, décide de jeter
son dévolu sur Partonopeu, vivant dans un autre monde. Elle veut se
marier et avoir un empereur à ses côtés pour régner
sur Constantinople ainsi que pour assurer sa descendance. Ce thème de la
fécondité est souvent relié aux fées. Soit elles
ont-elles-mêmes des enfants, soit elles favorisent leur
procréation chez d'autres. N'étant pas une fée marraine,
on peut donc dire de Mélior qu'elle veut assurer sa propre
fécondité. Cette volonté de vouloir se faire continuer son
lignage est une qualité plus humaine que féérique.
Après tout, le royaume sur lequel règne la fée est bien un
endroit réel, repérable sur les cartes. De manière
générale, Mélior et ses semblables se rapprochent des
Parques de la mythologie grecque. Ces figures antiques étaient
maîtresses du destin, liées au cycle de la vie et de la mort.
Cette idéologie existait également chez les Celtes. Pour eux, des
esprits vivant dans les bois étaient responsable des cycles de la vie.
Chez les Romains, le renouvellement de la Nature était attribué
aux nymphes.
4) Les pouvoirs utilisés contre Partonopeu
C'est surtout grâce à ses qualités
féériques que Mélior amène Partonopeu auprès
d'elle. Ces dons, nous l'avons vu, sont le fruit d'un fastidieux apprentissage.
Les professeurs de la souveraine pourraient venir de l'école de magie de
Tolède, lieu légendaire selon les récits du XIIe
siècle. À l'époque médiévale, la magie
est «considérée comme une discipline intellectuelle
susceptible d'entrer dans un cursus studiorum46(*)». La «nigromance» s'ajoute donc, dans
les histoires, à la liste des sept arts libéraux. Ces arts sont
divisés en deux parties, aussi nommées
«degrés» : le trivium et le quadrivium. Le trivium (qui
signifie les trois chemins) relève des pouvoir de la langue. Quant au
quadrivium (les quatre chemins), il concerne le pouvoir des nombres. Les trois
premiers arts sont donc la grammaire, la dialectique et la rhétorique.
Les quatre derniers, sont l'arithmétique, la musique, la
géométrie et l'astronomie. Deux vers mnémoniques
résume ces principes :
Gramm loquitur, Dia verba docet, Rhet
verba colorat, Mus canit, Ar numerat, Geo
ponderat, Ast colit astra47(*).
Autrement dit : «La Grammaire parle, La dialectique
enseigne, la Rhétorique colore les mots, / La Musique chante,
l'Arithmétique compte, la Géométrie pèse,
l'Astronomie s'occupe des astres.». Ces sept domaines, Mélior
réussie dans un temps relativement court à les maîtriser
à la perfection.
L'astronomie dont il est question au Moyen âge, mais
dans Partonopeu de Blois est souvent reliée à la
pratique de l'astrologie. Cela rapproche donc le scientifique d'un savoir
relevant plus de la divination, auquel se livrent plutôt les sorciers.
À ce propos, L. Harf-Lancner note :
Astronomie et nigromance sont fréquemment
rassemblées dans l'évocation des fées comme des
sorcières, jointes à un second couple, dont les deux termes se
répondent presque toujours à la rime,
«nigromance-enfance», soulignant le caractère acquis du savoir
magique48(*).
En effet, Mélior a appris les sept arts et la magie
lors de son enfance et de son adolescence. Cette théorie confirme donc
une nouvelle fois que l'héroïne de Partonopeu de Blois
fait partie de la première génération de fées,
celle qui a acquis son savoir et pas de celle dont les dons sont un
héritage de la mère.
Toujours dans Les fées au Moyen âge. Morgane
et Mélusine, la naissance des fées, il est dit que les
enchanteurs, tout comme les sorciers de l'Antiquité, reçoivent le
même type d'éducation. De plus, encore en ce qui touche à
l'école de Tolède, les maîtres avaient une conception bien
à eux des sept arts. Ils effectuent quelques changements par rapport aux
domaines initiaux. La nigromance remplace l'arithmétique et la physique
(écrite «fisique») la géométrie. Tout ce savoir
absorbé par les étudiants en six années à la
Faculté des Arts permettait ensuite à certains d'entre eux
d'accéder à la médecine. Plus étonnant encore est
le rapport entre la nigromance et la culture cléricale, comme le montre
certains textes médiévaux, tel que Gaydon. On y
considère que l'art de la nigromance appartient à un savoir
auquel seules les plus hautes autorités spirituelles ont accès.
En suivant la ligne de pensée de l'école de Tolède,
Mélior serait donc une sorte de prêtresse, puisqu'elle se livre
avec beaucoup de talent à la magie. Néanmoins, le texte de
l'auteur anonyme ne montre rien de la sorte. Les moeurs de l'époque
excluaient aussi que Mélior soit considérée au même
titre que les prêtres, les évêques et autres instances
religieuses, en excluant les religieuses.
L'éducation de Mélior est aussi proche de celle
des magiciens. Cela est démontré dans Le Bel Inconnu de
Renaut de Beaujeu. Avec ce dernier, Partonopeu de Blois est
qualifié de roman «dominé par le merveilleux
féérique49(*)». L'apprentissage de la fée, nous le
savons, a suivi un parcours classique, quoique probablement hors du commun,
compte tenu qu'elle est une femme et que le savoir prévalait surtout
pour les hommes. Le trivium et le quadrivium acquis, elle s'est livrée
ensuite à la médecine, puis à la théologie
où son savoir aurait dû être à son summum.
Malgré tout, le savoir de la fée prend encore plus d'ampleur avec
son prolongement du côté de la nigromance. Cela est aussi le cas
dans le texte Gaydon de l'abbé de Saint-Denis. Dans les deux
histoires, c'est comme si, tout naturellement, la théologie laissait
place à la magie. D'après tout le chemin intellectuel parcouru
par Mélior, on peut donc dire que son esprit a progressé vers la
révélation, une certaine illumination ou encore le
satori dont parlent les Japonais.
La littérature médiévale présente
deux figures d'importance : Morgue (Morgane) et la Dame du Lac (Viviane).
À l'opposé de Mélior et malgré que les deux
premières soient désignées comme des fées, elles
sont plutôt des enchanteresses50(*). Dans leur cas, elles ont appris leurs pouvoirs
féériques. Ayant acquis son savoir de Merlin, Viviane a donc des
pouvoirs dont l'origine est connue et explicable rationnellement. L.
Harf-Lancner relate, à ce sujet, qu'elle est un personnage doublement
rationnalisé. D'abord, elle emprisonne son amant dans un monde
parallèle. Elle usera de ses charmes pour acquérir les pouvoirs
de l'enchanteur. Elle les utilisera contre le vieil homme. Ainsi, par nature,
Viviane n'est pas un être merveilleux. Ensuite, on voit en Viviane un
personnage rationnel, car elle élève Lancelot, ce qui fait d'elle
une fée nourrice. On peut donc en conclure que Viviane, par son
caractère ambigu de fée, ressemble à Mélior.
Il en va aussi de Morgue, chez qui on note des aspects
rationnels et éloignés de la sphère
féérique. Cette image demeurera même dans les romans
postérieurs du cycle arthurien. En effet, Morgue évolue
«dans un merveilleux explicable51(*)». Comme ce fût le cas de Mélior,
Morgue la fée a suivi un cursus universitaire. Ses autres pouvoirs lui
proviennent des enseignements de Merlin. Cette fois encore, la fée use
de la séduction pour soutirer les précieuses informations au
magicien. Lancelot et Merlin donne cependant des explications
divergentes quant au l'acquisition du savoir de Morgane. Cependant, les raisons
sont toujours aussi rationnelles. Morgane se maria au roi Neutre de Garlot, qui
lui offrit une éducation de qualité qui aura raison de son nom de
«Morgain la faee». En observant cette version, on remarque un point
commun avec Mélior, c'est-à-dire que quelqu'un de proche d'elle
lui fournit des précepteurs qui lui révèlent ses talents
pour la magie. Dans le cas de l'épouse de Partonopeu, c'est son
père l'empereur d'Orient qui rendit cet enseignement possible.
5) Autres éléments
Les fées sont souvent décrites comme
vêtues de blanc et possédant une peau de la même teinte. Il
n'est pas dit de Mélior que ce soit le cas, mais fort est à
parier puisque la mode de l'époque et les critères de
beauté vont dans ce sens et que la fée est décrite comme
très belle. On observe donc un «ancrage dans le réel»,
pour reprendre les mots du texte consacré à Perceforest.
L'histoire ne dit pas non plus si la fée de Chef d'Oire possède
une baguette magique ou non. L'imagerie contemporaine ne saurait faire sans ce
morceau de bois. Cependant, la présence des baguettes est
attestée dans le Moyen âge également. Cette pratique
renvoit aux pratiques féodales en vigueur alors.
De nombreuses fées sont associées au monde
végétal et leur symbole est la rose52(*). On attribue à cette
fleur une symbolique du sentiment amoureux et de l'érotisme. Cependant,
cette image ne correspond pas tout à fait à Mélior et,
d'ailleurs, pas non plus à Mélusine. Dans le roman Partonopeu
de Blois, Mélior est en lien avec la nature lorsqu'il s'agir
d'amener le héros auprès d'elle. Il était en train de
chasser dans la forêt et il se perdit, chose qu'avait prévue sa
future compagne. Ensuite, un autre élément naturel entre en ligne
de compte : la mer sur laquelle vogue la nef merveilleuse avec Partonopeu
à son bord. De même, Mélusine et Raimondin se rencontrent
dans la forêt. Un autre élément relatif à l'eau est
présent dans le récit : la Fontaine de Soif. Ensuite, tout
comme Mélior, Mélusine n'est plus vraiment en lien avec la
Nature. La fée du Poitou devient bâtisseuse d'une cité
extraordinaire. Quant à Mélior, elle passe la majorité du
temps décrit dans le récit dans sa cité de Chef d'Oire
pour accueillir Partonopeu.
Le folklore français associe souvent les fées
aux ustensiles et aux outils. À l'époque médiévale,
une légende voulait qu'on serve à boire et à manger aux
fées pour favoriser la chance. Ces pratiques étaient parfois
fortement décriées par l'Église, qui y voyait des signes
de paganisme. Dans d'autres histoires, les fées réparaient les
outils des paysans. C'est le cas de la fontaine Faveresse où vit une
créature-fée qui effectue ces réparations en
échange d'un bijou ou de peaux d'agneaux. Cependant, la nature de la
fée est encore une fois ambiguë. En effet, le conte ne
précise pas s'il s'agit vraiment d'une fée. De plus, le texte
raconte aussi que ce sont finalement des forgerons qui se chargent de la
besogne. Comme le note C. Ferlampin-Acher, «cette dernière
affirmation résulte d'une tentative pour rationaliser la croyance
folklorique en l'existence des fées bienveillantes réparant les
ustensiles servant aux paysans.53(*)». Dans Partonopeu de Blois, des
références aux ustensiles sont également présentes,
mais pas dans le même contexte. La table montée pour le repas de
Partonopeu est magnifique et agrémentée d'accessoires
précieux. Ils sont si fabuleux qu'il est difficile de croire qu'ils
appartiennent à une humaine.
Si certaines fées de Perceforest sont
gardiennes d'animaux, ce n'est pas le cas de Mélior. La fée n'a
pas non plus aucun lien avec du bétail ou animal de compagnie. Il
revient à Partonopeu d'être en contact avec des animaux pour la
chasse et des chevaux, par exemple lors du tournoi. Bref, l'impératrice
de Byzance n'a presque rien en commun avec la nature. Elle se situe
plutôt du côté de la ville. Elle est une fée
bâtisseuse, puisque les constructions de Chef d'Oire ont
été édifiées de façon magique, ce qui la lie
à la fécondité et à la richesse54(*). Ce type de fée
était récurrent au Moyen âge et les lecteurs savaient
reconnaître ce que ce symbole signifie.
En plus d'être bâtisseuse, Mélior est
également une fée nourricière. Cela implique qu'elle
accueille chez-elle des individus, dans le cas présent Partonopeu.
Morgane et Mélusine reçoivent à plusieurs reprises des
visiteurs. Dans le cas de Mélusine, la venue de son beau-frère
lui sera catastrophique, car Raimondin transgressera l'interdit sous son
influence. Le devoir d'hospitalité était très important
dans les mentalités de l'époque. Mélior s'acquitte de son
rôle d'hôtesse avec beaucoup de soin et d'attention. Elle fait
également preuve de largesse, comme cela est démontré lors
de la scène du premier repas de Partonopeu :
Toutes les tables sont assises;
Grans et pleniers est li servises,
Car bien .iij. mile cevalier
I puent seïr al mangier55(*).
La richesse des tables montrent que la fée
désire offrir le meilleur à son hôte. Cependant,
Mélior est absente : «Souvent, les fées demeurent
souvent* cachées, comme le roman en vers Partonopeu de Blois
où le héros arrive dans un château désert où
tout est servi.56(*)». C. Ferlampini-Acher présente de
nombreuses qualités féériques qui sont aussi attribuables
à Mélior. La fin du portrait de ce personnage met donc en
lumière un être définitivement en marge des humaines.
DEUXIÈME PARTIE
Mélior et d'autres personnages
III. Mélior et
les femmes
a. Sa soeur Urraque
Urraque est la jeune soeur de Mélior et sera
bientôt reine. Les deux femmes s'apprécient, ce qui est visible
par l'attention que porte Urraque envers l'impératrice lors de son
conflit avec Partonopeu. En effet, sans l'intervention de la soeur, les deux
amants ne se seraient probablement jamais réconciliés. La jeune
femme dut, par contre, user de mensonges et de duperies pour parvenir à
ses fins, quoique cela ne blesse en fin de compte personne. Après la
transgression de l'interdit par Partonopeu, Urraque se charge de faire
embarquer le héros sur un bateau qui le conduira à Nantes. Cet
évènement constitue leur première rencontre. Plus tard, la
soeur de Mélior le retrouvera par hasard dans les Ardennes, devenu fou.
Elle le soignera et réussira à sortir le jeune homme de sa
torpeur en lui faisant croire que Mélior lui avait pardonné et en
lui envoyant de fausses lettres de sa part. Enfin, Urraque use de psychologie /
manipulation envers sa soeur aînée : elle tente de la
convaincre de se chercher un autre ami, tout en sachant que Mélior est
encore éprise de Partonopeu et ce, pour lui faire avouer son amour.
Contrairement à Mélior, Urraque n'est pas une
fée. Il n'est jamais dit dans le texte qu'elle possède des dons
spéciaux, outre sa très grande beauté :
A tant vint une longe et gente
A un cler vis, crase et rovente,
A cevele blois, lons et delgiés-
Sains treceor li vont as piés-
A un front large, blanc et plain-
N'i a ne froncete ne grain-,
A uns noires delgiés sorcius,
A iols nés, a bouce crasete,
A levre sanguine et grosete,
A dens menues, bien assises,
Blances, a parissans devises57(*).
Puisque Urraque n'est pas capable de magie, l'idée que
la fée Mélior a acquis ses dons et non qu'ils lui ont
été transmis par leur mère est renforcée. Urraque
n'a visiblement pas eu la même éducation aussi poussée que
celle de l'impératrice, puisqu'elle était perçue comme
l'héritière du trône de Constantinople. La plus jeune des
deux femmes dépend même de sa soeur, puisqu'elle lui doit son
domaine de Salence. C'est à cet endroit que Partonopeu se fera adouber.
Cependant, la soeur de Mélior lui donne son écoute, son aide et
sa disponibilité. Outre Partonopeu, Urraque est le personnage qui lui
démontre le plus d'amour. À plusieurs reprises, la cadette
ressent de la tristesse et de la pitié pour les tourments de sa soeur.
Elle est celle qui guide l'aînée sur la voie de l'Amour :
«Quanqu'amis fait est pardonnable58(*)». Si elle se montre compatissante, Urraque se
montre également sévère voire cruelle à
l'égard du comportement de l'amante de Partonopeu :
Trop est, fait ele, amors diables
[Dont] li coros est si durables.
Trop male cose a en amer
S'on n'i puet ires pardoner59(*).
La relation d'Urraque et de Mélior est beaucoup plus
fusionnelle que celle de Mélusine et de ses soeurs Palatine et
Mélior. Il n'y a qu'au tout début du roman de Jean d'Arras que
les trois jeunes femmes sont ensembles. Elles s'attirent les foudres de leur
mère fée et se font jeter des sorts divers. Celui de
Mélusine, cela est bien connu, est de se transformer en serpent / dragon
le samedi. Pour Palatine (Palestine), elle doit demeurer enfermée dans
le mont Canigou dans les Pyrénées pour conserver le trésor
de son père en attendant un chevalier qui viendra la délivrer.
Finalement, pour Mélior, il s'agit de garder un épervier
merveilleux dans un château d'Arménie. Leur mère
Présine, tout comme cela a été le cas pour
Mélusine, a été trahie par son époux Elinas, roi
d'Albanie (Écosse). Il ne devait pas voir la fée pendant ses
couches, ce qu'il fit avant qu'elle ne disparaisse avec ses filles à
Avalon. Des années plus tard, les soeurs veulent venger leur mère
en enfermant Elinas dans la montagne de Brumbloremmlion et c'est ce qui causera
la colère de leur mère.
Mélior de Partonopeu de Blois est la seule des
deux à avoir connu l'amour et elle semble savoir le type d'amour qu'elle
veut, c'est-à-dire dénué de haine :
Cant Deu plaira, ju amerai,
Mais ja mon ami ne harrai(...)
S'amors fait haïr son ami,
Dont face amer son enemi60(*).
Elle reproche ainsi à sa soeur de se montrer trop dure
envers le comte de Blois. Toujours du côté des deux amants
séparés, Urraque se montre néanmoins vigilante afin que
tout se termine bien pour eux. Par exemple, elle s'arrange pour que
Mélior ne découvre pas que Partonopeu se cache derrière le
chevalier qui gagne toutes les joutes lors du tournoi pour la main de la
souveraine. Aux aguets, la cadette a su démasquer le jeune homme avant
tout le monde, même avant la jeune Persewis, éprise de Partonopeu
et servante d'Urraque, malgré son sang royal.
Tout comme ces femmes (Persewis, Mélior et Urraque),
les Parques ou Moires de l'Antiquité sont au nombre de trois :
Klotho, Lachésis et Atropos, chez les Grecs. On voit souvent dans les
Parques les ancêtres des fées médiévales. Il
s'agirait de femmes dotées de pouvoirs et transformées dans les
récits au cours des siècles. Les Parques étaient des
déesses du Destin. Cette image ne correspond pas à Mélior,
même si on la sait probablement capable de divination. Le Roman
d'Alexandre met à profit cette idée d'une trinité de
fées61(*). Les
fées dont il est alors question sont Lucine, déesse de
l'Enfantement, Venus, déesse de l'Amour, et Sarra, déesse des
Destinées. Ce modèle ne s'applique toutefois pas à
Partonopeu de Blois, puisque le seul personnage de fée est
l'impératrice Mélior. Ce n'est qu'au cours des siècles
suivants qu'évoluera cet archétype. Les fées seront alors
de plus en plus présentées en petit groupe.
Dans son ouvrage Le monde des fées dans l'Occident
médiéval, L. Harf-Lancner, stipule que les Parques sont
souvent associées au repas. Cette idée n'est pas si
éloignée de Mélior, puisque l'une des premières
choses accomplies par Partonopeu à son arrivée dans le
château de la fée est de s'attabler pour un festin merveilleux,
dans tous les sens du terme. L'auteur explique que cela dessert la
volonté de bien ancrer l'image de la fée marraine (dans ce cas-ci
la fée amante) dans l'esprit de la victime. Le personnage
enchanté par les fées est, tout comme Partonopeu, un comte, dans
l'exemple de L. Harf-Lancner, Amadas et Ydoine. Les deux hommes sont
très fatigués. Partonopeu dit lui-même à
Mélior qu'il ne peut pas aller trouver refuge hors du palais de la
fée, car il est trop exténué par son voyage. Dans
Partonopeu de Blois, le repas est donc une prémices à
l'aventure fabuleuse qu'attend le héros. Lors des deux repas, de riches
accessoires sont au rendez-vous : «[Les fées] disposent devant
son lit une grande nappe richement ouvragée et trois coupes d'argent
magnifiques, trois cuillers, trois écuelles et trois couteaux à
manche d'ivoire62(*)».
La triade des fées revient dans Le Jeu de la
feuillé63(*)
d'Adam de la Halle de 1276, un siècle environ après
Partonopeu de Blois. Cette fois, les fées présentes sont
associées à une date : la nuit de la Saint-Jean, tout comme
dans Le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare,
où les fées sont largement à l'honneur. Encore une fois,
les thèmes de la table dressée et du repas reviennent. Rappelons
que Mélior avait par ailleurs fait préparer assez de place et de
mets pour mille chevaliers. Dans Le Jeu de la feuillée, il
s'agit d'une seule table placée sous des feuillages. Les trois
fées du récit se nomment Morgue, Arsile et Maglore. L.
Harf-Lancner note que la fée vindicative se retrouve également
ici, tout comme c'était le cas dans Amadas et Ydoine, de
même que Perceforest. Dans le roman de 1276, il s'agit de
Maglore et non Morgue qui, comme on le sait, est souvent perçue comme
une créature méchante. Les fées de la Halle
possèdent aussi des pouvoirs, dont elles se servent contre le personnage
principal Adam.
L'évolution du personnage de la fée est donc
observable en faisant la lecture de plusieurs récits. Tout comme il
n'est pas clair que Mélior soit une femme ou bien une fée, les
fées du Moyen âge ont une double appartenance païenne et
littéraire : «Tout se passe comme si l'entrée des
fées en littérature signait à la fois leur acte de mort
comme déesses païennes et leur acte de naissance comme mythe
littéraire64(*)». On peut donc dire que l'union formée
par les deux soeurs Urraque et Mélior s'est métamorphosée
avec le temps en une petite confrérie de fées. Comme quoi les
liens féminins occupent une grande place au Moyen âge.
b. La mère de Partonopeu
Malgré son accord avec Mélior de demeurer deux
ans auprès d'elle avant de se marier, Partonopeu obtient la permission
de retourner momentanément à Blois afin de revoir les êtres
qui lui sont chers. Ce périple dans sa ville natale aura des
conséquences néfastes. Le rôle que joue la mère de
Partonopeu, qui n'a, par ailleurs, pas de nom, se rapproche beaucoup de celui
de Raimondin auprès de Mélusine dans l'histoire éponyme.
L'objet qui servira à Partonopeu pour commettre sa faute et qui lui a
été donné par sa mère est une lampe. Le feu qu'elle
contient est un peu comme un symbole de baptême par le feu. En effet,
à partir de cet évènement, Partonopeu devra subir une
suite de péripéties qui le mèneront dans les bras de
Mélior. C'est à cause de cette lampe que débutera
l'initiation de Partonopeu. Les baptêmes par le feu étaient
généralement des cérémonies secrètes et
orchestrées par des femmes, dans le monde païen. Elles avaient lieu
pendant la nuit ou bien dans les chambres des femmes65(*).
Bien sûr, le récit anonyme de Partonopeu en est
un du lien d'amour entre le héros et la fée, mais aussi du
héros avec sa mère. Pour pouvoir vivre avec Mélior,
Partonopeu doit apprendre à quitter sa mère pour de bon. Il y
parviendra au prix de bien des efforts. Olivier Collet et Pierre-Marie Joris y
voient une autre reprise de la fable de Psyché : «En
retravaillant la fable de Psyché et Cupidon, notre roman reprend, on l'a
vu, le motif de la rivalité entre Vénus et Psyché (la
mère et l'amante) autour duquel s'organise le récit
mythique66(*)». Un
triangle sentimental, à défaut d'être amoureux à
proprement parler, s'installe donc dans le texte médiéval,
composé du fils, de la mère et de l'impératrice de
Byzance. Ce type de conflit se retrouve souvent dans l'histoire de
Thèbes. Par exemple, chez Stace, Parthénopée entretient
des rapports houleux avec sa mère. Les auteurs soulignent ainsi que
l'appartenance de Partonopeu du côté du roman de
Thèbes est renforcée vu la présence de ce type de dilemme.
L'amour dans le roman est source de tension pour le personnage
maternel. Lentement mais sûrement, Partonopeu passe au travers d'un
processus qui le détachera progressivement du sein de sa mère. En
effet, même avec tous les soins que lui prodiguaient Mélior, le
héros n'avait pas réussi à s'affranchir
complètement du lien maternel. Pour preuve, le jeune homme retourne vers
elle et se laisse dicter sa conduite, au détriment de son amie. Il
faudra plus que les richesses et la dévotion entière de la
monarque pour que Partonopeu réussisse à se détacher pour
vivre pleinement sa vie avec elle. En fait, il n'y parviendra vraiment qu'en
prouvant sa valeur lors de combats et de joutes À deux reprises, la
mère réussit à reprendre le contrôle sur son fils
longtemps éloigné. Dès qu'il ressurgit, elle tente de
mettre la main sur cet enfant qui lui échappe, bien que ses gestes
soient guidés par son affection pour lui. Elle entraîne donc son
fils à enfreindre la règle établie entre les amants.
Pas encore prêt à se donner complètement
à Mélior, Partonopeu a choisi sa mère plutôt
qu'elle, ce qui est constatée par la fée même :
Amis, mar vos vi novelier,
Car jo l'ai trop comperé cier.
Novele amor avés coisie :
Gardés que n'aiés fait folie!67(*)
Malgré le retour de Partonopeu à Blois
auprès de sa mère pendant un temps, il ne parvient plus à
éprouver le même sentiment qu'avant pour elle. Il n'arrive pas
à lui pardonner sa traîtrise. La tentative de la mère de
conserver son fils auprès d'elle échoue, car au contraire de
Mélior qui a toujours agi pour le Bien, sa mère s'est
aventurée du côté du Mal et elle sera punie pour cela.
Mélior, à la fin du roman, sera elle récompensée
par son mariage avec Partonopeu. Elle aura auprès de lui un mari lui
étant totalement dévoué, car il a renié sa
mère :
Cant sa mere [en] ot la novelle,
A l'huis en vient et si appelle.
«Par foit, fait il, n'i enterrés
Ne ja joie de moi n'avrés.
Trahi m'avés, si ai trahie
Par vos [et] ma dame et m'amie.
Vos m'engingnastes par vos fables,
Mais or pert k n'ert pas deables.
Or quereiz atre fiz ke moi,
Car jo nul amor ne vos doi68(*).
En plus d'être une femme très croyante, la
mère de Partonopeu a des relations hauts-placées dans le
clergé. Ainsi, pour accomplir sa ruse d'arracher Partonopeu à
Mélior, elle fait venir l'évêque de Paris à Blois.
La mère se montre ainsi sous un mauvais jour. Au lieu de laisser vivre
son fils heureux et amoureux, elle agit de manière égoïste
en ne pensant qu'au déshonneur qu'elle aurait à le laisser partir
au loin pour régner dans un autre royaume :
C'est la mere Partonopeu
Qui molt entent a proier Deu
Qu'en France retiegne son fis,
Qu'il ne soit perdus ne honis.
Od le proier a engien quis.
Mande l'evesque de Paris
Qui molt est sages de sermon
Et molt seit bel dire raison69(*).
Il s'ensuit un sermon du religieux de quarante-trois vers pour
convaincre Partonopeu de revenir à la «raison», car, tout
comme la mère, l'évêque est convaincu que le jeune homme a
affaire à une créature diabolique. Il lui recommande de bien
servir Dieu, de Le craindre et de L'aimer. Ce discours trouble le héros
dans sa conviction de son amour pour la fée. Partonopeu avoue son
malaise de ne pas pouvoir la voir. Comme il le dit lui-même, il
décide de s'en remettre finalement au prêtre. Celui-ci l'enjoint
de ne pas tarder plus longtemps à démasquer Satan qui se cache
derrière son amie. De connivence avec l'évêque, la
mère avait déjà établi un plan qui permettant
à son fils d'accomplir la tâche. C'est à ce moment que la
mère fournit la lampe à Partonopeu, qui privera, au final, la
femme de revoir son fils:
Sa mere li dist d'autre part
Qu'ele a bien porveüe l'art
Par qu'il le vera tote nue;
Mais gart soi quant l'avra veüe
Qu'il [ne] soit trop espoentés,
Por ço que lais ert li maufés.
Une lanterne a tant li baille,
Puis li a dit que tot sains faille
La candelle qui art dedens
N'estaint por orés ne por vens70(*).
On peut donc dire que la mère commet une double
faute : celle de pousser son fils à agir malgré ses
sentiments et celle d'être persuadée que Mélior est un
avatar du diable. La relation qu'entretient la mère et le fils est,
comme nous l'avons vu, cruciale pour l'avancement du schéma narratif.
Malgré l'épreuve imposée par la fée ou
peut-être grâce à lui seul, Partonopeu réussira
à se débarrasser de son complexe d'OEdipe.
IV. Mélior et Partonopeu
1) La rencontre
L'amour de Partonopeu et de Mélior est teinté
par l'injection et par la quasi-absence de la femme. Il met également
à l'épreuve la confiance de l'un envers l'autre. En effet,
Mélior met son sort entre les mains du héros, puisqu'elle perdra
tout s'il ne suit pas son commandement. De son côté, Partonopeu
doit croire sur parole sa future épouse qu'elle n'est pas une
créature diabolique et qu'elle incarne bien ce qu'elle dit au creux de
la nuit. Ce lien de confiance ne dure que quelques mois seulement avant que la
directive ne soit plus suivie. Le thème de l'interdit est
récurrent au Moyen âge quand il s'agit d'histoires de fées.
C'est pourquoi il en est aussi question dans le Roman de
Mélusine71(*).
La similitude est d'autant plus flagrante que la demande porte sur la
prohibition d'apercevoir la fée à un moment donné.
Mélusine se marie avec Raimondin à condition que celui-ci ne
cherche pas à la voir lorsqu'elle prend son bain le samedi. Cependant et
contrairement à la fée du Poitou, Mélior ne subit aucune
transformation, comme c'est le cas de Mélusine qui devient une
femme-serpent ou une femme-dragon, dépendamment des versions.
On peut dire du type d'amour qui unit Mélusine et
Raimondin qu'il démontre beaucoup d'attachement entre les deux
individus, tout comme c'est le cas chez Partonopeu et Mélior. Le mariage
du premier couple dure cependant de nombreuses années avant la
disparition de la fée, alors qu'on ne connaît pas la
longévité de l'autre. Mélusine a eu onze fils, tous ayant
de grandes qualités et présentant une marque spéciale
provenant de leur mère de nature féérique. Sa
prospérité et ses nombreuses possessions sont à rapprocher
de celles de l'impératrice de Byzance. Dans cette optique, le
schéma mélusinien ne va pas jusqu'au bout dans Partonopeu de
Blois. De plus, après que les deux héros, dans chaque
histoire, aient manqué à leur parole, on observe qu'ils
deviennent plus ou moins fous. Partonopeu erre dans la forêt, tout comme
Yvain dans Yvain ou le chevalier au lion après sa
traîtrise. Raimondin perd tout, devient rapidement vieux et meurt reclus,
loin de ses fils.
Du côté de Morgane, son amour va vers son
demi-frère, le roi Arthur. Contrairement aux deux autres récits,
cet amour est à sens unique. Arthur est très épris de sa
femme Guenièvre, qui préfère Lancelot. Quant à
elle, Viviane est amoureuse de Merlin avec qui elle terminera sa vie, quoique
cela change en fonction des différentes versions. Ainsi,
Mélusine, Morgane, Mélior et Viviane partagent toutes la
caractéristique d'éprouver des sentiments amoureux pour des
hommes. Ce comportement les rapproche des humaines.
Comme cela a été dit dans le chapitre III,
Mélior est une fée liée à la
fécondité. Cela implique donc une part d'érotisme qu'on
pourrait qualifier ambigu chez ce personnage : «tantôt elle a
un appétit amoureux violent, tantôt l'auteur insiste sur sa
pudeur72(*)». En
effet, la fée dans Partonopeu de Blois vit sa première
nuit d'amour avec un inconnu (elle ne l'a jamais rencontré, même
si elle dit l'avoir choisi depuis longtemps). Lors de cette nuit, Mélior
ne s'attendait pas à trouver Partonopeu dans son lit et montre beaucoup
de surprise en le découvrant là. De son côté,
Partonopeu est terrifié, car il ne sait pas du tout ce qu'est cette
silhouette qui s'avance vers lui:
A tant une arme vint al lit
Pas por pas, petit et petit,
Mais il ne set que ce puet estre.
Or volsist miols qu'il fust a nestre!
A une part se traist del lit,
Defors soi en laisse petit73(*).
Cependant, la surprise de Mélior ne peut pas être
totale : ayant attirée le héros chez elle, elle devait se
douter qu'il se trouvait à quelqu'endroit du palais et ce, même si
elle n'avait pas choisi le moment de son apparition dans la cité.
Lorsqu'elle crie ses questions au jeune homme aussi apeuré qu'elle, la
fée feint forcément de ne pas savoir qui il est. Sinon, la
surprise lui fait omettre de réfléchir qu'elle a amené
elle-même Partonopeu dans sa demeure :
Comment! Fait ele, qui es tu?
Qui t'a en mon lit enbatu? (...)
Qui est ici? Sui jo traïe?
Et tu qui iés, va, fole riens?74(*)
Suite à ces questions, Partonopeu explique comment il
est arrivé jusqu'au château de l'impératrice. Ces
informations devraient être suffisantes pour que Mélior le
reconnaissent. Alors, la fée fait semblant d'ignorer l'identité
du visiteur, comme si sa surprise éprouvée quelques instants plus
tôt lui avaient fait perdre la mémoire. La dame est
réticente à consentir à ce que Partonopeu reste dans son
lit, plaidant sa très grande fatigue :
-Sire, fit ele, alés en tost,
Car jo n'ai soing de vostre acost.
De vostre gré vos en alés
U a force en serés jetés,
Et s'avrés molt grans marimens,
Que n'i sui seule ne sains gens75(*).
Après quelques protestations, elle accepte. La
fée se laisse ensuite gagner par les gestes tendres de Partonopeu. On
peut donc affirmer que la sexualité de Mélior est ambiguë.
Elle hésite à se laisser gagner par le jeune homme, alors qu'elle
a elle-même planifié leur rencontre. Pour C. Ferlampin-Acher, la
fée Mélusine présente ce même genre
d'ambivalence : elle ne se montre pas entièrement disponible pour
son époux. Elle se refuse à Raimondin le samedi, ce qui la rend
plus attirante. Elle apparaît donc distante et pure. Ainsi, parmi les
caractéristiques des fées en général en compte
l'érotisme et la retenue, ce qui sied d'ailleurs à la fée
dans Partonopeu de Blois.
La relation de Partonopeu et de Mélior est elle aussi
ambiguë. Le texte veut montrer un jeune homme fort, doué et
intelligent, bref, un guerrier hors-pair. Cependant, ce valeureux prince est
victime d'un enchantement et, très rapidement, il se laisse gagner par
une fée qui lui défend de la quitter. L'image du héros est
ainsi un peu ternie. La femme le domine complètement, même si cet
assujettissement est caractérisé par l'amour. Les valeurs
masculines perdent de leurs pouvoirs auprès de cette fée qui a
jeté son sort. En choisissant le neveu du roi Clovis, Mélior
devient maîtresse de sa propre sexualité76(*). Cela peut engendrer une
crainte de la gente masculine. D'ailleurs, Partonopeu, malgré quelques
faux pas, se soumet complètement à elle. Cependant,
l'impératrice n'exerce pas cette forte attraction sur le héros
dans un but vain : elle veut se marier et poursuivre le lignage des rois
de Constantinople, dont elle est l'héritière. Le roman de
Partonopeu de Blois ne se poursuit pas assez longtemps pour
connaître la progéniture des deux héros, chose que l'on
observe par contre dans le récit de Mélusine. Cette fée
s'acquitte de son rôle de mère à la perfection. Elle se
soucie de ses enfants, tous des garçons, et revient même vers les
plus jeunes après avoir dû quitter Raimondin à tout jamais.
C. Ferlampin-Acher explique que les fées «se présentent
comme des mères hyperboliques, le motif de la fée maternelle
trouvant une justification féodale77(*)». Tout comme Mélior, Mélusine
contrôle le désir de son futur époux et plus tard son
époux. Il dépérit ensuite de ne plus l'avoir auprès
de lui.
A. Les fées marraines / fées amantes
Outre la division en deux pôles soit mélusinien,
soit morganien, les fées peuvent également être
classées en deux catégories : les fées marraines et
les fées amantes. Les fées marraines sont appelées au
chevet d'un nouveau-né. Elles sont presque inséparables de
l'image d'un repas. Souvent, une fée se venge de ne pas avoir eu de
couteau ou autre et lance un maléfice. Comme l'explique L. Harf-Lancner,
deux mondes se percutent alors :
Cette scène étonnante tire toute sa richesse de
la juxtaposition de deux plans merveilleux : celui de la
féérie et celui de l'enchantement, l'un parfaitement
étranger et inaccessible à l'homme, l'autre réservé
aux mortels qui entrent en contact avec le monde surnaturel et en retirent des
pouvoirs qui les placent au-dessus des leurs.78(*).
Par opposition, les fées amantes sont celles qui
rejoignent le héros dans son monde ou vice versa. Elles ont le pouvoir
de décider du destin des hommes. Mélior, cela a
déjà été dit, se place du côté des
fées amantes. Cela présuppose qu'elle pose un interdit au
héros. Sa demande porte sur l'existence même de la fée.
Dans le cas de l'impératrice de Byzance, elle stipule à son jeune
amant qu'elle perdra tous ses pouvoirs s'il ne fait pas ce qu'elle lui dicte.
Comme il est mentionné dans Le monde des fées dans l'Occident
médiéval, le héros a pour mission de ne pas
désobéir, car il empêche la contamination d'un monde
à l'autre : «Il s'agit (...) de maintenir un écart
entre deux mondes qui ne devraient pas communiquer79(*)». Cependant, le
XIIIe siècle fait progressivement se confondre les deux types
de figures. Par exemple, dans Graelent, une fée
possédant tous les attributs d'une amante distribue pourtant des dons
comme l'aurait fait son homonyme marraine. On constate donc une superposition
des deux archétypes, alors que les schémas narratifs (devenus des
thèmes) des oeuvres littéraires, vont se transmettre d'oeuvre en
oeuvre80(*).
La fée amante choisit ses propres règles, mais,
parfois, les règles lui sont également imposées. Dans le
cas de Mélior, le tournoi organisé pour gagner un mariage avec
elle n'est pas de son ressort. Le tournoi dans Partonopeu de Blois
partage d'ailleurs quelques ressemblances avec celui dans
Cligès. Il faut d'abord noter son organisation spatiale, puis
la même durée à un jour près et, finalement, le cri
d'un des personnages féminin81(*). Dans la version saxonne du roman de Chrétien
de Troyes, Fénice joue le même rôle que Persewis, car elles
crient durant une joute. La personne ressource de Mélior ne peut pas
s'en empêcher lorsque Partonopeu est menacé par Margaris. De
plus, la fin pour la fée amante et pour le héros diffère
dans l'histoire de Partonopeu par rapport aux schémas des histoires
mélusinienne ou morganienne. Le couple du roman anonyme se marie, ce qui
n'a pas d'écho dans les deux schémas où il est question de
fées. Leur noce est d'un faste «indescriptible» et
célèbre une union où les deux individus s'aiment,
malgré les épreuves de part et d'autre. Notons également
la séparation dans le temps qui a rendu les choses encore plus
pénibles. Le mariage est l'occasion de fêter le bonheur
retrouvé et amélioré, car le jeune homme peut enfin
contempler sa belle en plein jour :
Or est la cord tote partie
Et Parthonopeus a s'amie;
Tot a delit a son plaisir,
A grant joie et a bel loisir,
Tot a solaz et a sojor,
A grant aise [et] a grant honor82(*).
Grâce à ses pouvoirs, Mélior est parvenue
à ses fins : elle peut épouser le comte de Blois. C'est un
dessein qu'elle caressait depuis longtemps : «Par cest savoir vos ai
celé / A tos cels de ceste cité83(*)». Néanmoins, des évènements
imprévus survinrent, lui rendant les choses plus difficiles et parfois
hors de son contrôle, malgré l'étendu de ses dons. La
fée Mélior n'a rien d'une fée marraine, car toute son
attention est centrée vers l'objet de son amour. C'est entre ses mains
que se jouera le destin de Partonopeu et, lorsqu'il s'agit de fées
marraines, c'est également entre leurs mains que se jouera le destin de
plusieurs autres personnages de l'Histoire littéraire.
B L'union entre l'Occident et l'Orient
On le sait : Mélior est impératrice de
Constantinople. Ce déplacement vers l'Orient par rapport au monde
occidental apporte des éléments intéressants. Le mariage
de la fée et de Partonopeu fait du héros l'empereur de cette
région. Placer le récit à cet endroit du globe n'est pas
anodin de la part de l'auteur ou des auteurs. La description de Constantinople
dans le roman emprunte d'ailleurs des éléments à des
récits de voyage en Orient ou à ceux des croisades84(*). Non seulement Partonopeu
de Blois mélange les genres et les formes littéraires
(tantôt en octosyllabes, tantôt en alexandrins ou en
décasyllabes), mais aussi le monde occidental et le monde oriental. Tout
comme les deux mondes où évoluent Partonopeu et Mélior,
c'est-à-dire le monde féérique et le monde des hommes,
l'«oeuvre semble s'être élaborée avant tout à
partir des deux modèles que fournissaient le roman arthurien et la
chanson de geste85(*)». Donc, le fait de tomber amoureux de
Mélior et de se marier avec elle pour finalement devenir empereur classe
le texte anonyme parmi les romans orientaux. En effet, les épreuves
chevaleresques et la quête amoureuse du neveu de Clovis se
déroulent dans l'Orient de Byzance.
L'union célébrée entre les deux
protagonistes est une métaphore de l'utopie de réunir pour de bon
l'Orient et l'Occident, alors déchiré par les Croisades, au
moment de la rédaction de l'oeuvre. Malgré tout, le royaume de
l'ouest triomphe sur celui de l'est dans le roman. En associant Mélior
à Byzance et Partonopeu à l'Occident et puisque le mariage
couronne un empereur venu d'Europe, le monde occidental est
présenté comme gagnant. De plus, le lignage du héros est
décrit au tout début des vers, ce qui laisse présager le
succès du ponant. Malgré tout, l'appartenance de la fée
à l'Orient est peut-être le fruit d'une simple erreur courante au
Moyen âge. Il est possible de penser que les aïeux de Mélior
soient les Grecs de l'Antiquité, puisqu'on confondait souvent
Constantinople et Troie86(*). Les deux époux pourraient donc provenir d'un
même lignage. D'ailleurs, Mélior ne présente jamais les
Troyens dont elle relate les exploits comme ses ancêtres. Vu les tensions
entre les deux peuples occidental et oriental, la supposition des
ancêtres grecs de Mélior fait peut-être plus de sens.
Après tout, le comte de Blois aurait trahit ses origines troyennes en
épousant la fée.
Partonopeu de Blois est sans contredit un hymne au
royaume français, représenté par le héros masculin.
Non seulement il devient le chef d'un empire ennemi, mais aussi il se bat
contre des Bretons, des Anglais et des Allemands, qu'il vainc
évidemment. En plus de cela, il est «choisi» par le chef
d'état même de Constantinople, ce qui n'est pas peu dire. La
fée affirme d'ailleurs qu'elle a jeté son dévolu sur le
jeune homme parce qu'il descend des Troyens. On remarque aussi que
l'impératrice voulait se marier pour assurer son lignage menacé
d'extinction, puisqu'elle est la seule héritière avec Urraque sa
soeur. Il est aussi nécessaire que Mélior se marie, car, en tant
que femme, il ne lui est pas permis de régner. Constantinople perd donc
de ses plumes face à une France pleine d'énergie :
«L'Occident, par l'intermédiaire de Partonopeu, vient
régénérer l'Orient, le restaurer dans sa grandeur
passée87(*)».
La relation de Mélior et de Partonopeu fait
également se confronter le contexte religieux de l'époque (vers
1180). Chrétien, Partonopeu devient empereur du royaume et peut ainsi
suggérer la domination de la religion chrétienne dans l'empire
byzantin. Le comte de Blois intervient aussi en le délivrant des
pouvoirs magiques de Mélior, même si ceux-ci ne sont pas mauvais
par nature. Il faut aussi noter que les Byzantins refusent que le sultan de la
Perse change de l'islamisme au christianisme pour épouser
l'impératrice. Même la joute à laquelle participe
Partonopeu pour reconquérir Mélior prend des allures de
croisades. Malgré tout, C. Gaullier-Bougassas explique que le texte se
montre favorable à la paix avant toute chose et que montrer
l'Orient empreint de féérie qui le rend plus sympathique :
Tout le roman, et surtout le long récit du tournoi, se
construit en grande part contre l'idéologie des croisades. Son enjeu
essentiel est d'exprimer le rêve d'une réconciliation et d'une
paix universelles, grâce à l'union de l'Occident et de l'Orient.
(...) Partonopeu découvre ainsi un Orient paré de toutes les
séductions de la féérie, un espace merveilleux qui s'offre
à lui sous les apparences de l'Autre Monde des récits
bretons88(*).
Une des ambitions de l'auteur anonyme est de montrer un couple
heureux et qui s'apprête à régner sur un royaume paisible.
La fée Mélior possède peu ou pas de défauts. Elle
montre cependant de la colère, ce qui est compréhensible
lorsqu'on sait que le manquement la privait de ses pouvoirs. Mélior
partage certains attributs avec d'autres fées plus ou moins
célèbres.
[
CONCLUSION
Les fées de l'époque de Mélior sont,
contrairement aux fées contemporaines des films Disney par exemple, des
créatures de nature ambiguë. Si on observe Clochette de la
production cinématographique Peter Pan ou bien par la suite
dans ses propres films, son appartenance au monde féérique est
claire. Le plus grand des indices serait assurément ses ailes. Elle se
munit quelques fois d'une baguette magique et vit, à la manière
des dryades, dans un arbre. De plus, ses pouvoirs magiques ne peuvent tromper
personne sur sa nature. En revanche, les fées médiévales
ont souvent des caractéristiques à la fois de fée et
d'humaine. À l'observation des représentations iconographiques de
quelques fées telles Mélusine, Viviane et Morgane, on constate
qu'elles ne possèdent pas non plus d'attributs physiques permettant de
les différencier des humaines. Archétype représentant le
destin, elles sont également porteuses d'une parole dite
«vraie». Nul n'est à l'abri si une fée se prononce et
jette un sort. Lorsque Mélior émet son interdit, Partonopeu y est
soumis. Cela ne l'empêche pas de le transgresser, mais il devient alors
fou et doit subir de difficiles épreuves.
Prenons pour exemple l'image nommée «Raimondin
passant devant la Fontaine de Soif» issue du manuscrit Roman de
Mélusine, coté Français 24 383 et conçu
entre 1400 et 1450 en Flandre. Une illustration de Mélior de
Partonopeu de Blois aurait bien sûr été
préférable, mais le Moyen âge ne nous en a laissé
aucune. Sur le folio 5v, on y voit Mélusine et ses deux soeurs Palestine
et Mélior discutant avec Raimondin nouvellement rencontré
à cheval. Aucune caractéristique physique ne permet de savoir que
les femmes sont en fait des fées. Elles sont vêtues comme
pourraient l'être leurs contemporaines humaines de haut rang social.
Elles n'agissent pas non plus de manière à soupçonner
qu'elles appartiennent à un autre monde. Il en va de même avec la
littérature, ne serait-ce que les insertions assez rares du mot
«fée» qualifiant Mélior et quelques autres
éléments encore. On est loin de la fée marraine de
Cendrillon ou bien de la fée bleue dans
Pinocchio...
Mélior se distingue des femmes de son temps par
l'étendu de son savoir. Non seulement elle en sait beaucoup plus que ses
professeurs, mais elle sait aussi se servir de magie. Ses talents du
côté des enchantements touchent les sciences occultes, la
capacité plus ou moins définie d'apparaître, de
disparaître et de contrôler le destin de son ami.
L'impératrice de Constantinople est aussi une guérisseuse. Elle
sait manier la rhétorique, ce qui nous ramène à la notion
de parole. Grâce à son solide apprentissage universitaire,
Mélior est classable dans la première génération de
fée, autrement dit celles qui ont acquis leur pouvoir. Mélusine
se classerait dans la seconde génération, ayant acquis son savoir
par les liens génétiques.
Quelques images, assez rares, tirées de manuscrits
montrent des propriétés féériques des personnages.
Le premier cas provient du même ouvrage que celui cité plus haut,
plus précisément au folio 19. Mélusine prend son bain
hebdomadaire, s'étant transformé en femme-dragon et faisant
gicler l'eau autour d'elle. C'est le moment où Raimondin transgresse
l'interdit qui le mènera à sa chute. La métamorphose de la
fée ne laisse rien douter quant à son appartenance à la
féérie. Elle conserve tout de même son buste de femme, de
même que sa coiffe visible sur toutes les images de l'oeuvre. Un autre
cas serait «Lancelot prisonnier de Morgane» provenant du
Français 122, folio 160, Lancelot du lac fabriqué
à Hainaut, en Belgique en 1344. La femme en rouge qu'on
y aperçoit est la fée Morgue. Le geste de ses mains peut laisser
croire qu'elle est en train d'utiliser sa magie sur le pauvre chevalier. Le
château où il est enfermé est proportionnellement trop
petit pour accueillir véritablement des gens. Il n'y a que la magie qui
aurait pu retenir quelqu'un dans un lieu où la différence de
hauteur avec le sol n'est pas de la taille d'une personne. De plus,
l'encorbellement au-dessus de Lancelot tient office d'une sorte de grillage
protecteur, qui renforce, en tous les cas, l'idée de renfermement.
Malgré ses nombreuses caractéristiques humaines,
Mélior est bel et bien une fée. De part son rôle
joué dans Partonopeu de Blois, elle est une fée amante.
Même si les images des manuscrits ne vont pas dans ce sens, les
fées au Moyen âge dans la littérature existaient et
jouissaient d'une grande popularité. Bien que possédant quelques
enluminures rendant les pages plus jolies et le texte plus agréable
à lire, aucun artiste, dans les onze ouvrages, n'a
représenté l'épouse de Partonopeu. Ceux de Bern,
Cambridge, New Haven, Tours, le Vatican et les six exemplaires à Paris
ne permettent pas de savoir comment l'époque imaginait Mélior.
Cela est injuste si on tient compte, comme il est dit dans l'introduction au
roman, que Partonopeu de Blois est un des trois
chefs-d'oeuvre médiévaux français avec
Tristan et le Graal, largement illustrés.
ANNEXE I
Le schéma mélusinien89(*)
I. La rencontre du mortel et de la
fée
|
1. Le héros part de chez lui, seul, ou se trouve
séparé de ses compagnons au cours d'une partie de chasse.
|
2. Il s'enfonce dans la forêt et parvient dans une
clairière, souvent près d'un point d'eau.
|
3. Il découvre une femme merveilleusement belle, seule,
qui semble l'attendre.
|
?
II. Le pacte
|
4. La jeune femme accueille favorablement les
déclarations enflammés du héros, ou lui avoue
elle-même son amour.
|
5. Elle accepte de l'épouser ou lui offre sa main.
|
6. Elle pose une condition à leur union : il doit
s'engager à respecter un interdit, dont la transgression mettrait
aussitôt fin à leur vie commune. Le jeune homme prête le
serment demandé.
|
7. Le mariage est célébré; les jeunes
époux connaissent plusieurs années d'opulence et de bonheur. Ils
ont de beaux enfants.
|
?
III. La violation du pacte
|
8. Un envieux persuade le héros de transgresser
l'interdit, ou le héros prend de lui-même la fatale
décision.
|
9. L'époux humain transgresse l'interdit.
|
10. Il met ainsi en évidence la nature
féérique de sa femme.
|
11. La fée disparaît.
|
12. Les enfants demeurent auprès de leur père.
La fée entraîne parfois ses filles avec elle, mais toujours il
reste un fils au malheureux héros, et la descendance de la fée
parmi les hommes est ainsi assurée. La fée se montre parfois
à ses enfants ou à ses descendants, pour les soigner ou leur
venir en aide.
|
13. L'époux humain perd avec sa femme la
prospérité qu'elle avait apportée en dot.
|
?
FIN
ANNEXE II
Le schéma diachronique mélusinien
Le système exclusion / intégration entre
le mortel et la fée90(*)
EXCLUSION
(Autre Monde)
|
|
INTÉGRATION
(Société Humaine)
|
Départ du héros
|
|
|
Rencontre de la fée
|
|
|
|
Pacte ?
|
|
|
|
Félicité du couple
|
|
? Transgression
|
|
Départ de la fée
|
|
|
Déchéance du héros
|
|
|
|
|
Naissance d'un lignage
|
N. B. Le tableau souligne l'axe directeur du conte dit
mélusinien, selon l'expression de Harf-Lancner.
ANNEXE III
Le schéma morganien92(*)
I. La rencontre de la fée
|
1. Le héros quitte sa demeure pour l'une des
frontières de l'autre monde.
|
2. Un animal enchanté lui fait franchir cette
frontière et l'entraîne dans le royaume féérique.
|
3. Une fée (dont l'animal guide est souvent l'avatar)
lui offre son amour.
|
?
II. Le séjour dans l'autre monde
|
4. Le héros goûte auprès de la fée
une éternité de bonheur : des siècles
s'écoulent sans qu'il en ait conscience.
|
5. Il retrouve un jour la mémoire; parfois en
transgressant un interdit, et veut retrouver les siens.
|
?
III. Le retour dans le monde des humains
|
6. La fée révèle à son amant la
fuite surnaturelle du temps et lui impose le respect d'un interdit qui le
préserve du poids des ans.
|
7. La héros transgresse l'interdit.
|
8. Il vieillit de quelques siècles.
|
9. Il meurt ou disparaît à jamais dans
l'au-delà.
|
?
FIN
ANNEXE IV
Le schéma diachronique morganien
Le système exclusion / intégration entre le
mortel et la fée93(*)
EXCLUSION
(Autre Monde)
|
|
INTÉGRATION
(Société Humaine)
|
Départ du héros
|
|
|
Rencontre de la fée
|
|
|
Mémoire abolie
|
|
|
Félicité du couple
|
|
|
|
Mémoire retrouvée
|
|
|
Pacte
|
|
|
|
Retour du héros
|
|
Transgression
|
|
Mort du héros ou disparition définitive
|
|
|
BIBLIOGRAPHIE
1. Corpus
Chrétien de Troyes. OEuvres complètes,
Paris, Gallimard, coll. La Pléiades, 1994, 1531 p.
Coudrette, Le Roman de Mélusine. Texte
présenté, traduit et commenté par Laurence Harf-Lancner,
Paris, GF-Flammarion, 1993, 192 p.
Jean d'Arras. Mélusine ou la noble histoire de
Lusignan - Roman du XIVe siècle. Traduction par
Jean-Jacques Vincensini, Paris, Le Livre de Poche, coll. Lettres gothiques,
2003, 860 p.
Lais féériques du XIIe et XIIIe
siècles. Présentation, traduction et notes par Alexandre
Micha, Paris, GF-Flammarion, 1992, 347 p.
Le roman de Partonopeu de Blois. Édition,
traduction et introduction de la rédaction A (Paris, Bibliothèque
de l'Arsenal, 2986) et de la Continuation du récit d'après les
manuscrits de Berne (Burgerbibliothek, 113) et de Tours (Bibliothèque
municipale, 939) par Olivier Collet et Pierre-Marie Joris, Librairie
générale française (Livre de poche. Lettres gothiques,
4569), 2005, 983 p.
Théâtre comique au Moyen âge (Le),
Choix de pièces : Le Jeu de la Feuillée, La Farce de
Maistre Pierre Pathelin et La Condamnation de Banquet. Textes et
traductions par Jean Frappier et A.-M. Gossart, Paris, Larousse, collé
Classiques Larousse, 1935, 119 p.
2. Ouvrages critiques
AUBAILLY, Jean-Claude. La fée et le chevalier :
essai de mythanalyse de quelques lais féériques du XIIe et XIIIe
siècles, Paris, Champion, 145 p.
BOIVIN, Jeanne-Marie et Proinsias McCana (éd.).
Mélusines continentales et insulaires, Paris, Champion, 1999, 350
p.
CLIER-COLOMBANI, Françoise. La fée
Mélusine au Moyen âge. Images, mythes et symboles, Paris, Le
Léopard d'or, 1991, 238 p.
DUBOIS, Francis. La grande encyclopédie des
fées, Paris, Hoëbeke, 1996, 183 p.
DUFOUR, Manon. Magie de la femme celte, Boucherville,
Mortagne, 2003, 204 p.
FERLAMPIN-ACHER, Christine. Fées, bestes et
luitons : croyances et merveilles dans les romans français en prose
(XIIIe et XIVe siècles), Paris, Presses
Paris-Sorbonne, 2002, 513 p.
GORDON, Pierre. Les Vierges Noires. Mélusine,
l'origine et le sens des contes de fées, Neuilly, Arma Artis, 1983,
71 p.
HARF-LANCNER, Laurence. Le monde des fées dans
l'Occident médiéval, Paris, Hachette Littératures,
2003, 286 p.
HARF-LANCNER, Laurence. Les fées au Moyen
âge. Morgane et Mélusine. La naissance des fées,
Paris, Honoré Champion, 1984, 474 p.
JAN, Fabienne. De la dorveille à la
merveille : l'imaginaire onirique dans les lais féériques du
XIIe et XIIIe siècles, Lausanne, Archipel,
2007, 170 p.
KELEN, Jacqueline. Mélusine ou le jardin
secret, Paris, Presses de la Renaissance, 2007, 202 p.
LECOUTEUX, Claude. Fées, sorcières et
loups-garous au Moyen âge, Paris, Le Grand livre du mois, 1998, 227
p.
MARKALE, Jean. Mélusine, Paris, Albin-Michel,
1993, 270 p.
3. Articles
BUSCHINGER, Danielle, « Fées amoureuses dans
la littérature allemande du Moyen Âge », Die Welt
der Feen im Mittelalter, éd. W. Spiewok, Greifswald, Reineke Verlag
(Greifswälder Beiträger zum Mittelalter, 32), 1994, pp. 13-22.
FARAL, Edmond. «L'Île d'Avallon et la fée
Morgane», Mélanges Alfred Jeanroy, Genève, Droz,
1928, pp. 243-253.
GAULLIER-BOURGASSAS, Catherine, « L'Orient troyen
des origines: l'Orient byzantin de Mélior et l'Occident français
dans Partonopeus de Blois », "Plaist vos oïr bone
cançon vallant?" Mélanges de langue et de littérature
médiévales offerts à François Suard,
éd. Dominique Boutet, Marie-Madeleine Castellani, Françoise
Ferrand et Aimé Petit, Lille, éditions du Conseil scientifique de
l'Université Charles-de-Gaulle-Lille III, 1999, t. 1, pp. 295-304.
HARF-LANCNER, Laurence. «Fées marraines,
fées amantes»,
Fées,
elfes, dragons & autres créatures des royaumes de féerie,
Paris, Hoe·beke, 2002, 222 p.
MAURY, Alfred. «Les fées au Moyen Âge»,
Croyances et légendes du Moyen Âge, Genève,
Slatkine, 1974, 459 p.
MERTENS-FONCK, Paule. «Morgan, fée et
déesse», Mélanges Rita Lejeune, Gembloux, Duculot,
1969, pp. 1067-76.
5. Ouvrages généraux
PIFFAULT, Olivier. Il était une fois... les contes
de fées, Paris, Seuil, 2001, 573 p.
POIRION, Daniel. Le Merveilleux dans la littérature
française du Moyen-âge, Paris, PUF, Que sais-je?, 1995, 127
p.
6. Site Internet
BUISSON, Benjamin. «Scolastique», INRP. [en
ligne]
[http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3605]
[26 mai 2010].
«Clovis 1er», La France
pittoresque. [en ligne]
[http://www.france-pittoresque.com/rois-france/clovis-Ier.htm] [4 mai 2010].
ELEY, Penny et al. «Partonopeu de Blois»,
Arlima, archives de littérature du Moyen âge. [en ligne]
[http://www.arlima.net/mp/partonopeus_de_blois.html] [9 juin 2010].
* 1 Présentation
donnée dans le cadre du colloque Femmes médiatrices et
ambivalentes, mythes et imaginaire, le 4 juin 2010 à l'Institut
national d'Histoire de l'Art, lors de l'avant-midi nommée «Autour
des fées».
* 2 Lais
féériques du XIIe et XIIIe siècles.
Présentation, traduction et notes par Alexandre Micha, Paris,
GF-Flammarion, 1992, 347 p.
* 3 Edmond Faral.
«L'Île d'Avalon et la fée Morgane» , Mélanges
Alfred Jeanroy, Genève, Droz, 1928, pp. 243-253.
* 4 Ibid., p.
251.
* 5 Jean Markale.
Mélusine, Paris, Albin-Michel, 1993, p. 221.
* 6 Ibid., p. 155.
* 7 Le roman de
Partonopeu de Blois. Édition, traduction et introduction de la
rédaction A (Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, 2986) et de la
Continuation du récit d'après les manuscrits de Berne
(Burgerbibliothek, 113) et de Tours (Bibliothèque municipale, 939) par
Olivier Collet et Pierre-Marie Joris, Librairie générale
française (Livre de poche. Lettres gothiques, 4569), 2005, pp.
308-310.
* 8 Alfred Maury. «Les
fées au Moyen Âge» in Croyances et légendes du
Moyen Âge, Genève, Slatkine, 1974, pp. 1-40.
* 9 Partonopeu de
Blois, op. cit., p. 804.
* 10 Ibid., p.
806.
* 11 Chrétien de Troyes.
OEuvres complètes, Paris, Gallimard, 1994, p. 40.
* 12 Partonopeu de
Blois, op. cit., p. 108.
* 13 Ibid., p. 110.
* 14 Ibid., p. 112.
* 15 Ibid., p. 114.
* 16 Ibid., p. 110.
* 17 Ibid., p. 118.
* 18 Ibid., p. 122.
* 19 Ibid., p.
156.
* 20 Ibid., p.
158.
* 21 «Clovis
1er», La France pittoresque. [en ligne]
[http://www.france-pittoresque.com/rois-france/clovis-Ier.htm] [4 mai 2010].
* 22 L'annexe XII, relate
des étapes de l'histoire, puisqu'il s'agit d'un schéma
présentant le découpage narratif en détails.
* 23 Laurence Harf-Lancner.
«Fées marraines, fées amantes»,
Fées,
elfes, dragons & autres créatures des royaumes de féerie,
Paris, Hoe·beke, 2002, p. 22.
* 24 Alfred Maury. «Les
fées au Moyen Âge», Croyances et légendes du Moyen
Âge, Genève, Slatkine, 1974, p. 30.
* 25 Ibid., p. 8.
* 26 Laurence Harf-Lancner.
Les fées au Moyen âge, Paris, Honoré-Champion,
1984, pp. 318-328.
* 27 Ibid., p. 323.
* 28 Apulée, op.
cit., p. 24.
* 29 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 35.
* 30 C. Gaullier-Bougassas,
op. cit., p. 304.
* 31 Id.
* 32 Eugène Vinaver.
«La fée Morgain et les aventures de Bretagne»,
Mélanges Jean Frappier, tome 2, Genève, Droz, 1970, p.
1081.
* 33 Id.
* 34 Ibid., p.
1082.
* 35 C. Ferlampin-Acher,
op. cit., p. 142.
* 36 Id.
* 37 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 314.
* 38 Ibid., pp.
312-314.
* 39 Ibid., p. 316.
* 40 C. Ferlampini-Acher,
op. cit., p. 138.
* 41 Ibid., pp.
137.
* 42 Partonopeu de
Blois, op. cit., p. 128.
* 43 Ibid., p. 312.
* 44 Ibid., p. 112.
* 45 C. Ferlampini-Acher,
op. cit., p. 145.
* 46 L. Harf-Lancner.
Les fées au Moyen âge, op. cit., p. 416.
* 47 Benjamin Buisson,
«Scolastique», INRP. [en ligne]
[http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3605]
[26 mai 2010].
* 48 L. Harf-Lancner. Les
fées au Moyen âge, id.
* 49 Ibid., p. 417.
* 50 Ibid., p. 418.
* 51 Id.
* 52 C. Ferlampini-Acher,
op. cit.., p. 155.
* 53 Ibid., p. 157.
* 54 Ibid., p. 158.
* 55 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 120.
* Tel quel dans le texte.
* 56 C. Ferlampin-Acher,
op. cit., p. 158.
* 57 Partonopeu de Blois,
op. cit., pp. 326-328.
* 58 Ibid., p. 330.
* 59 Ibid., p. 336.
* 60 Ibid., p. 426.
* 61L. Harf-Lancner. Le
monde des fées dans l'Occident médiéval, op.
cit., p. 31-34.
* 62 Ibid., p.
35.
* 63
Théâtre comique au Moyen âge (Le), Choix de
pièces : Le Jeu de la Feuillée, La Farce de Maistre
Pierre Pathelin et La Condamnation de Banquet. Textes et
traductions par Jean Frappier et A.-M. Gossart, Paris, Larousse, collé
Classiques Larousse, s.d., 119 p.
* 64 L. Harf-Lancner. Le
monde des fées dans l'Occident médiéval, op.
cit., p. 39.
* 65 Ibid., p. 41.
* 66 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 26.
* 67 Ibid., p. 318.
* 68 Ibid., pp.
348-350
* 69 Ibid., p. 300.
* 70 Ibid., p. 306.
* 71 Jean d'Arras.
Mélusine ou la noble histoire de Lusignan - Roman du XIVe
siècle. Traduction par Jean-Jacques Vincensini, Paris, Le
Livre de Poche, coll. Lettres gothiques, 2003, 860 p.
* 72 Ibid., p. 159.
* 73 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 126.
* 74 Ibid., p. 128.
* 75 Ibid., p. 130.
* 76 C. Ferlampin-Acher,
op. cit., p. 162.
* 77 Ibid., p.
163.
* 78 L. Harf-Lancner. Les
fées au Moyen âge, op. cit., p. 29.
* 79 L. Harf-Lancner. Le
monde des fées dans l'Occident médiéval, op.
cit., p. 72.
* 80 L. Harf-Lancner. Les
fées au Moyen âge, op. cit., p. 46.
* 81 Partonopeu de Blois,
op. cit., p. 22.
* 82 Ibid., p. 656.
* 83 Ibid., p. 316.
* 84 Catherine
Gaullier-Bougassas, « L'Orient troyen des origines: l'Orient byzantin
de Mélior et l'Occident français dans Partonopeus de
Blois », "Plaist vos oïr bone cançon vallant?"
Mélanges de langue et de littérature médiévales
offerts à François Suard, éd. Dominique Boutet,
Marie-Madeleine Castellani, Françoise Ferrand et Aimé Petit,
Lille, éditions du Conseil scientifique de l'Université
Charles-de-Gaulle-Lille III, 1999, t. 1, p. 296.
* 85 Id.
* 86 Ibid., p. 298.
* 87 Ibid., p. 300.
* 88 Ibid., p.
303-304.
* 89 Laurence Harf-Lancner,
Les fées au Moyen âge. Morgane et Mélusine, la
naissance des fées.Paris, Honoré Champion, 1984, pp.
113-114.
* 90 91 Laurence
Harf-Lancner, Les fées au Moyen âge. Morgane et
Mélusine, la naissance des fées. Paris,
Honoré Champion, 1984, p. 114.
* 92 Laurence Harf-Lancner,
Les fées au Moyen âge. Morgane et Mélusine, la
naissance des fées. Paris, Honoré Champion, 1984, pp.
212-213.
* 93 94 Laurence
Harf-Lancner, Les fées au Moyen âge. Morgane et
Mélusine, la naissance des fées. Paris,
Honoré Champion, 1984, p. 114.
|
|