Mémoire de Master
Management de l'innovation
2010
Jérémy Gain
CCIP
|
Abstract
Experts, entrepreneurs, théoriciens du management et
même politiciens, aujourd'hui tout le monde s'accorde pour dire que
l'innovation est indispensable. Elle est plus que jamais le moteur de la
croissance dans les pays développés et le cÏur de la
compétitivité des entreprises. Mais c'est un
phénomène complexe qui para»t difficile à
ma»triser. L'innovation ne se commande pas pourtant elle se manage. C'est
cela ce que nos travaux cherchent à déterminer. L'innovation est
un processus qui sera analysé à travers le prisme de
l'organisation interne et du management des ressources humaines. Et nous
trouverons dans l'holisme structuraliste emprunté à Claude
Lévi-Strauss des clés pour comprendre les mécanismes de
conditionnement des comportements créatifs dans une organisation.
Après une étude qualitative empirique, basée en partie sur
la réussite du modèle Google et réalisée
également auprès d'un échantillon de spécialistes
dans ce domaine, nous conclurons que la génération d'idées
nouvelles passe aussi par l'innovation participative.
Mots clés
innovation, management, Google, holisme, théorie des
organisations, innovation participative.
Avis au lecteur
Ce mémoire a été préparé
dans le cadre d'un Master en Négociation et Affaires Internationales
à l'école de commerce NEGOCIA (Chambre de Commerce et d'Industrie
de Paris). Il s'inscrit dans une approche de recherche classique.
L'originalité de ce travail réside en fait dans l'association
entre les impératifs de rigueur d'analyse liés à la
recherche académique et le souci permanent de pragmatisme propre au
monde professionnel.
Les citations d'auteurs seront mises entre guillemets. Le nom
de l'auteur et la date de publication seront indiqués
immédiatement après la citation. Ces indications renverront
directement à la bibliographie figurant en fin de document. Ce format
sera aussi respecté pour les reprises d'idées d'auteurs sans pour
autant que celles-ci ne soient retranscrites à la manière d'une
citation.
Les sigles et acronymes seront explicités dans le texte
ou en note de bas de page lors de leur première apparition pour
l'ensemble du document.
Les sources tirées de sites Internet seront
expressément indiquées en note de bas de pages et seront
également reprises dans la bibliographie finale.
Remerciements
Ce mémoire a été encadré par le
professeur Catherine Chastenet de Géry. Je tiens donc tout d'abord
à lui témoigner de ma reconnaissance pour son soutien et son
accompagnement vigilant. Je voudrais aussi saluer le professeur Dennis Lee dont
le cours sur le management stratégique de l'innovation dispensé
à l'université chinoise de Sun-Yat Sen a largement
influencé et inspiré mon choix de mémoire.
Je tiens à remercier les managers de l'entreprise X, et
plus particulièrement mon ma»tre d'apprentissage Michael Doliner
pour m'avoir offert un cadre de recherche et d'étude idéal en
matière de management de l'innovation.
Je sais gré aux chercheurs spécialistes du
sujet, Yvon Pesqueux et Xavier Pavie, respectivement professeur au
Conservatoire national des arts et métiers et chercheur à l'ESSEC
pour m'avoir accordé un entretien dans le cadre de ma recherche
empirique. Leurs brillantes analyses ont été
étayées par l'expertise d'acteurs quotidiens de l'innovation en
entreprise dont les réflexions stimulantes ont grandement
contribuées à enrichir ma compréhension globale du sujet.
C'est à ce titre que je tiens à adresser mes remerciements
à N (directeur technique d'X), Valérie Giraud (chef de projet
R&D à Orange), Jean-Luc Strauss (directeur de la prospective et de
la stratégie pour Altran) et enfin deux collègues de l'entreprise
X qui ont souhaité garder l'anonymat mais qui se reconna»tront.
Je ne saurai oublier Ari Massoudi et Mathieu Dupas, tous deux
consultants en management de l'innovation qui m'ont transmis de
précieuses informations, très utiles pour mes travaux de
recherche.
Pour être tout à fait complet, je me dois de
citer Samir Bouakline, Anthony Escurat et Gabriel Richert, trois amis et
camarades de promotion dont le soutien et l'enthousiasme intarissable ont
été une source de motivation parfois providentielle.
Introduction générale
Mon champ de recherche s'articule initialement autour du
management de l'innovation. C'est-à-dire Ç la mise en
Ïuvre des techniques et dispositifs de gestion destinés à
créer les conditions les plus favorables au développement
d'innovations È (OCDE, 1997).
Et, même si cette problématique constitue l'une
des préoccupations premières du monde entrepreneurial, la
recherche qui lui est consacrée se situe encore à un stade
embryonnaire (Read, 2000). C'est un thème qui malgré l'engouement
croissant dont il fait l'objet souffre d'un manque d'agrégation des
théories et résultats déjà obtenus.
Il s'agit en effet, d'un domaine de recherche très
vaste, considérablement fragmenté et teinté d'une grande
part d'incertitude. N'ayant pas l'ambition de compiler l'ensemble des analyses
déjà opérées sur ce sujet, je choisirai plutt
de le préciser pour gagner en pertinence.
Ainsi, mon champ de recherche ne couvrira pas les applications
macro-économiques de l'innovation. Seront donc exclues de mon
étude, l'analyse des politiques générales de l'innovation
des pouvoirs publics agissant au niveau national ou continental. Je souhaite au
contraire, m'attarder sur les sources de l'innovation au niveau organisationnel
et managérial (analyse micro-économique). L'organisation en tant
qu'exosquelette de la structure interne d'une entreprise et le
développement de la créativité par le management des
ressources humaines, seront donc mes deux axes de recherches principaux. Les
questions de commercialisation, de financement et de protection des innovations
ne seront pas abordées.
D'autre part, mes analyses s'étendront aussi bien vers
des entreprises de petites et moyennes tailles que des grands groupes
français ou internationaux. Mais du fait des spécificités
propres aux catégories, un traitement différencié pourra
être expérimenté selon les cas.
Enfin, ce travail n'a pas pour intention de circonscrire la
définition polysémique et diachronique de l'innovation,
même si les innovations technologiques de produits et de services feront
l'objet d'une attention plus particulière. Et, les innovations
créatrices de valeur pour l'entreprise seront les modèles
à suivre.
Le choix de ce thème de recherche m'est apparu
naturellement après avoir suivi avec beaucoup d'intérêt un
cours portant sur le management stratégique de l'innovation lors d'un
semestre d'échange dans une université du sud de la Chine. J'ai
par la suite eu l'occasion de matérialiser ces concepts
théoriques gr%oce à un apprentissage effectué dans une
entreprise spécialisée dans les technologies en
télécommunications.
X est un opérateur télécom agrée
par l'ARCEP (autorité de régulation des
télécommunications) qui a été fondé en 1999.
L'entreprise compte aujourd'hui près de 50 employés et son
chiffre d'affaires atteignait en 2009 les 11 millions d'euros.
Malgré cette bonne santé apparente, j'ai
décelé au cours de mon apprentissage, un certain nombre de
dysfonctionnements ou plus particulièrement un malaise
général, alourdissant l'ensemble de la structure et la rendant
atone, ce qui à mon sens constituait un g%ochis au regard de son
potentiel initial en matière d'innovation. L'entreprise n'innove plus,
ou si peu. Et se contente de suivre les avancées technologiques de ses
principaux concurrents.
Or, l'innovation est considérée comme un facteur
déterminant de la compétitivité de l'entreprise. La
concurrence internationale, la globalisation des échanges, les nouvelles
technologies et la redéfinition des usages poussent en effet les
entreprises, tous secteurs confondu, à chercher de nouvelles sources de
croissance. La stimulation de l'innovation joue donc un rle majeur tant
dans les modèles économiques que dans les offres des entreprises
industrielles et commerciales, qui doivent sans cesse se réinventer.
L'heure n'est en effet, plus à la diminution des
coúts, ni à la ma»trise des filières de production
autour de produits standardisés mais bien à l'innovation qui
appara»t aujourd'hui, comme une condition indispensable de survie et de
développement pour de nombreuses entreprises. Toutefois, pour que
l'innovation se transforme en succès probant sur le marché elle
doit être conditionnée par la mise en place d'un management et
d'une organisation propice à son épanouissement.
De ce constat général est née la
problématique suivante : Ç Comment le management
opérationnel et la gestion d'une organisation interne sont susceptibles
de créer un cadre propice aux développement des innovations,
créatrices de valeur pour l'entreprise ? È
Cette problématique constitue l'objet de nos
recherches. Elle cherche donc à déterminer de quelle façon
peut-on systématiser et améliorer la ma»trise des
innovations au sein d'une entreprise. En d'autres termes, existe-t-il un
modèle organisationnel et managérial optimal et reproductible
pour la génération d'idées nouvelles concordantes avec les
besoins du marché ?
Nous allons donc dans un premier temps caractériser
l'innovation en tant que source de valeur pour les entreprises, puis dans une
seconde partie nous verrons quels design organisationnels peuvent être
envisagés pour un management efficace de l'innovation et enfin, dans une
troisième partie nous analyserons la créativité au niveau
individuel et la gestion des ressources humaines.
Le chapitre suivant cherchera à valider les
hypothèses issues de la revue de littérature au travers d'une
étude empirique menée auprès d'experts et de
spécialistes du sujet.
Nous émettrons à partir de ces conclusions un
ensemble de recommandations plus spécifiquement dédiées
à l'entreprise X mais qui auront aussi vocation à être
appliquées à d'autres organisations. Enfin, un outil de notation
destiné à évaluer le potentiel innovant d'une entreprise
sera présenté en fin de document.
SOMMAIRE
CHAPITRE I : Une conceptualisation du management de
l'innovationÉÉÉ......
|
p.10
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PARTIE I - L'innovation comme source de valeur pour
l'entrepriseÉÉÉÉÉ..
|
p.10
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I. Un concept
polysémiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ......
|
p.10
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A. La sémantique de
l'innovationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.10
|
B. La multiplicité des formes de
l'innovationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ...
|
p.11
|
II. L'indispensable
innovationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.15
|
A. Capitalisme et
innovationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.15
|
B. Les enjeux de la Nouvelle
ÉconomieÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ...
|
p.17
|
III. L'innovation, inépuisable richesse pour
l'entreprise ?ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
|
p.20
|
A. L'impact positif de l'innovation au niveau
micro-économiqueÉÉÉÉÉÉ...
|
p.20
|
B. L'entreprise
innovanteÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ......
|
p.22
|
PARTIE 2 -- La stratégie organisationnelle de
l'innovationÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
|
p.26
|
I. Les apports de la théorie des
organisationsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.26
|
A. Les principaux courants de
penséesÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.27
|
B. L'innovation dans la théorie des
organisationsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ....
|
p.34
|
II. Les facteurs organisationnels conditionnant
l'émergence des innovationsÉ......
|
p.38
|
A. Impulser une vision stratégique et une culture de
l'innovationÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.38
|
B. Accro»tre la capacité d'absorption de
l'entrepriseÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.40
|
C. Développer la communication
interneÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.44
|
D. Mettre en place un système d'information
globalÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.47
|
III. Construire l'organisation
innovanteÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.52
|
A. Vers de nouveaux modèles d'organisations
?......................................................
|
p.52
|
B. Vers l'innovation ouverte
?..................................................................................
|
p.58
|
PARTIE 3 -- Le management opérationnel du
facteur humainÉÉÉÉÉ............
|
p.61
|
I. Stimuler la créativité en
entrepriseÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.61
|
A. La créativité
organisationnelleÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.....
|
p.61
|
B. Portrait de l'innovateur (compétence, comportement,
personnalité)ÉÉÉÉÉ
|
p.65
|
C. Les ressources humaines en
R&DÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.68
|
II. De l'innovation participative au management de la
créativitéÉÉÉÉÉÉ..
|
p.72
|
A. L'innovation
participativeÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.72
|
B. Le rle du
managerÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.77
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|
CHAPITRE II : Les hypothèses de
rechercheÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.80
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|
Chapitre III : Étude
empiriqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.84
|
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|
I. Étude du cas de l'entreprise
GoogleÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.85
|
A. Google en
brefÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ...
|
p.85
|
B. Le management de l'innovation à
GoogleÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
|
p.86
|
C. Tableau comparatif des modes d'organisation de Google et
XÉÉÉ....
|
p.90
|
II. Étude
qualitativeÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.93
|
A. Présentation de la méthode et de
l'échantillon
retenuÉÉÉÉÉÉÉÉÉ...
|
p.93
|
B. Présentation des
interviewésÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.94
|
C. Analyse des réponses
obtenuesÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.95
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CHAPITRE IV :
PréconisationsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.103
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I.
RecommandationsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..ÉÉÉÉÉ..
|
p.103
|
A. Mettre en place une stratégie d'innovation
totaleÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ....
|
p.103
|
B. Dessiner l'organisation
innovanteÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.104
|
C. Mettre en place l'innovation
participativeÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p.105
|
II. Utilisation de l'outil de
notationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.108
|
A. Objectifs et
remarquesÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ......
|
p.108
|
B. Présentation de
l'outilÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ...
|
p.108
|
|
|
CHAPITRE V :
ConclusionÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
|
p.109
|
|
|
BibliographieÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p. 110
|
Annexes
ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
|
p. 120
|
CHAPITRE I : Une conceptualisation du management de
l'innovation
I. I. PARTIE I - L'innovation comme source de valeur pour
l'entreprise
I. I Un concept polysémique
L'innovation est un thème récurrent dans les
discours managériaux et fait l'objet d'une attention accrue de la part
des théoriciens de l'entreprise qui la considèrent empiriquement
comme un facteur déterminant de la réussite d'une entreprise sur
son marché.
Pourtant, si le terme est populaire, son usage reste confus
car trop souvent utilisé sans grande précision. Il est donc
inévitablement porteur d'ambig·ités et le flou conceptuel
régnant autour de sa définition empêche l'émergence
d'un véritable savoir scientifique et managérial autour de
l'innovation (Deltour, 2000).
Il s'agit donc ici de mettre tout d'abord en avant les
approches traditionnelles du concept pour en délimiter les contours.
Nous décrirons par la suite la multiplicité des formes qu'elle
peut revêtir et les nouvelles représentations qui se construisent
peu à peu autour de ces interprétations.
I. A- La sémantique de l'innovation
Selon l'OCDE, une innovation est Ç la mise au
point d'un produit ou d'un service plus performant, pour fournir une
nouveauté ou une amélioration au consommateur È
(Manuel d'Oslo, 2005).
D'aspect tangible ou immatériel, l'innovation est donc
ici décrite comme un produit ou un service caractérisé par
sa dimension novatrice.
Mulgan et Albruy (2003) approfondissent cette notion en
intégrant l'idée d'une création ou d'une invention qui ne
serait pas seulement inédite, mais aussi et surtout source substantielle
de valeur pour le consommateur comme pour l'entreprise.
Pour Joseph Schumpeter (1912), économiste
hétérodoxe, l'innovation se distingue de l'invention dans la
mesure où cette dernière ne recouvre que des aspects liés
au progrès technique tandis que l'innovation est acceptée et
validée par le marché. Elle est donc en quelque sorte un pari
économique sur l'avenir. Et c'est l'entrepreneur qui prend le risque de
la nouveauté en faisant le lien entre la connaissance
technico-scientifique d'un cté et les utilisateurs/clients de
l'autre. Cela signifie qu'une découverte technique non exploitée
ou qu'une idée non matérialisée par un produit ou un
service ne peut pas être considérée comme une innovation.
Les sciences de gestion sous l'effigie de Van de Ven (1986)
adoptent une approche élargie de l'innovation en la définissant
comme Ç le développement et la réalisation
d'idées nouvelles par des individus qui, dans le temps, s'engagent avec
d'autres dans un contexte institutionnel donné È.
Ainsi, le sens général fédérateur
que nous pourrions dégager de ces différentes conceptualisations
serait le suivant : l'innovation est une création, dont
l'application industrielle qui en découle trouve des
débouchés commerciaux répondant à des besoins
existants ou créant de nouveaux besoins. C'est donc une invention
introduite avec succès sur un marché.
I. B- La multiplicité des formes de
l'innovation
Nous allons dans un premier temps procéder à une
catégorisation des innovations selon leur objet. Selon Joseph Schumpeter
(1912) l'innovation recouvre cinq grands types de changements (de
"combinaisons nouvelles") de natures très différentes :
- La fabrication de biens nouveaux (aussi appelée
"innovation produit")
- Des nouvelles méthodes de production
(dénommées "innovation de procédé" dans la
terminologie contemporaine)
- L'ouverture d'un nouveau débouché
(correspondant à la recherche de nouveaux marchés et relais de
croissance)
- L'utilisation de nouvelles matières premières
(nouvelles combinaison de ressources)
- La réalisation d'une nouvelle organisation du
travail ("innovation organisationnelle")
Afin d'homogénéiser le vocabulaire
utilisé, nous nous baserons sur la terminologie contemporaine.
Ainsi, l'innovation produit, correspond au
lancement d'un produit nouveau ou encore à un produit
déjà existant mais incorporant une nouveauté (exemple :
en 1925, Richard Drew, un jeune assistant de laboratoire, invente le ruban
adhésif qui sera par la suite commercialisé sous la marque
Scotch).
L'innovation de procédé
décrit l'apparition de nouvelles techniques/méthodes de
production et/ou de vente (exemples : dans le domaine agricole, la culture
hors-sol permet de produire certains légumes toute l'année. Le
passage de la charrue tractée par une force animale aux tracteurs peut
aussi être considéré comme une innovation de
procédé car il offre aux producteurs des rendements plus
importants.).
L'ouverture d'un nouveau
débouché, par la naissance d'un procédé
nouveau, comme par exemple les Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication (NTIC) qui, par leur essor, ouvrent la voie à de nouveaux
modèles économiques et à de nouvelles façons de
communiquer pour les entreprises.
L'utilisation de nouvelles matières
premières : l'exemple le plus probant pourrait être
celui du lithium commercialisé pour la première fois par Sony en
1991. Il sert dans la conception de batteries et de piles et occupe une place
grandissante dans les nouvelles technologies notamment dans l'automobile.
L'innovation organisationnelle qui correspond
à l'apparition d'une nouvelle organisation du travail ; elle
s'apparente à l'innovation de procédé. Normand Laplante
(2000) la définit comme étant Ç la mise en
Ïuvre d'une pratique managériale perçue comme nouvelle par
l'organisation qui affecte le fonctionnement de son système social, tant
dans les relations entre les individus que dans leur propre
travail È. Le fordisme, qui est en quelque sorte un
approfondissement du taylorisme, est une innovation organisationnelle au
même titre que les Grands Magasins (Le Bon Marché, Galeries
Lafayette, etc.) du début du XXe siècle qui inaugurent la
naissance de la société de consommation. Plus récemment la
méthode "Kanban" déployée à la fin des
années 1950 dans les usines Toyota traduit de nouvelles méthodes
de management qui rencontrèrent un fort engouement en occident
après la crise pétrolière de 1973.
L'innovation peut aussi être classée par son
degré d'intensité car toutes ne sont pas de même ampleur.
Lorsqu'une innovation ne modifie pas les conditions d'usage et l'état de
la technique, mais y apporte seulement une amélioration sensible, elle
peut-être qualifiée d'incrémentale. Elle
ne change pas la nature du produit ou du service mais permet à
l'entreprise de renforcer son offre sans bouleverser sa cha»ne de valeur.
Ainsi, les souris d'ordinateur à bille devenues des souris optiques, le
bouchon de bouteille en plastique remplaçant celui en liège ou
encore les évolutions successives du téléphone portable
(2G, 3G) sont des innovations de type incrémentales. Les utilisateurs
finaux n'ont pas eu besoin d'adopter des comportements radicalement
différents pour profiter de ces améliorations.
A contrario, lorsqu'une innovation s'accompagne d'un bond
technologique majeur capable de renverser les positions concurrentielles
préétablies, elle peut-être considérée comme
une innovation de rupture (Christensen, 1997). Clayon M.
Christensen explique la fin des monopoles de grandes entreprises (telles IBM
qui n'avait pas pris au sérieux la menace des mini-ordinateurs de son
concurrent Digital) par une non prise en compte de la menace
représentée par les "technologies dormantes", pourtant
susceptibles de casser les règles du jeu et les normes en vigueur sur
l'activité considérée.
Figure 1 : L'échelle
d'intensité de l'innovation (Durand & al. 1996)
Comme indiqué sur la figure 1, les véritables
innovations de ruptures sont rares. Au contraire des innovations
incrémentales qui traduisent en règle générale, une
simple amélioration de l'existant ou un ajout de fonctionnalités
mineures, sans réel bond technologique.
Ce constat est appuyé par le tableau
présenté ci-dessous. Genrich Altshuller (1988), scientifique et
technicien russe, distingue cinq catégories d'innovations selon leurs
degrés d'inventivité. De la solution apparente jusqu'à la
"vraie" innovation.
Figure 2 : Degré
d'inventivité selon Altshuller (1988).
L'innovation recouvre donc un large spectre
d'interprétations possibles et malgré la richesse
inhérente cette profusion typologique, nous ne recourrons pas à
une description exhaustive des termes et des classifications utilisées.
Ceci dans un souci de clarté pour les managers et dirigeants qui ont
besoin d'indications utiles et de concepts pratiques dans leur gestion
quotidienne de l'entreprise.
De cette définition centrale de l'innovation
découle une multitude de concepts nouveaux qui sont aussi des concepts
fondamentaux de la discipline du management de l'innovation. Ainsi
"l'entreprise innovante", "l'écosystème de l'innovation", "la
créativité organisationnelle" et "les milieux innovateurs" feront
l'objet d'un traitement différencié et adapté au contexte
dans lequel ils seront abordés.
I. II L'indispensable innovation
I. A- Capitalisme et innovation
L'histoire de l'innovation est intimement liée à
celle du capitalisme. Pour Schumpeter (1912) le capitalisme repose sur deux
fondations essentielles: l'entreprenariat et l'innovation. Mais qu'est-ce
que le capitalisme ? Il s'agit d'un terme très vague, diachronique
et souvent polémique qui doit être éclairci pour gagner en
valeur et pertinence. Sa définition encyclopédique est la
suivante : Ç système économique et politique
caractérisé par la liberté d'échange et la
prédominance des capitaux privés È. Il est
souvent associé au libéralisme économique.
La révolution industrielle amorcée par
l'invention de la machine à vapeur en 1765, a donc permis l'essor d'une
vaste société marchande au travers de laquelle les
individualités, essence même du capitalisme, pouvaient s'affirmer
et s'arracher à leur statut social de naissance. Et même si le
capitalisme ne nait pas avec la révolution industrielle (Braudel, 1985),
cette dernière agit comme un moteur à son expansion. De cette
association vertueuse, découle la liberté économique
induisant la liberté d'entreprendre, la liberté du marché,
la liberté des prix, du jeu de l'offre et de la demande et surtout la
notion de propriété privée.
C'est l'agrégation de ces éléments qui
crée un cadre propice nécessaire au développement des
initiatives individuelles, de l'entreprenariat et donc, a fortiori, de
l'innovation.
D'innombrables individus se sont ainsi fondus dans l'histoire
du capitalisme de par leurs brillantes innovations : Henry Bessemer
(célèbre par le procédé d'affinage industriel de la
fonte pour fabriquer de l'acier), Werner Von Siemens (qui établit le
principe de la dynamoélectrique), Thomas Edison (inventeur prolifique,
pionnier de l'électricité, il revendique un nombre record de 1093
brevets), Henry Ford (révolutionne le mode de production automobile, son
nom est associé au fordisme), Sakichi Toyoda (inventeur et industriel
japonais, il est le père du toyotisme), Akio Morita (co-fondateur de la
compagnie japonaise Sony), André Citron (ingénieur polytechnicien
français, pionnier de l'industrie automobile), Thomas Watson
(président et fondateur d'IBM) ou Steve Jobs (cofondateur de la marque
Apple).
Ç Virtuellement tout l'accroissement de la
production survenu depuis le XVIIIe siècle peut en fin de compte
être attribué à l'innovation. Sans elle, le processus de
croissance aurait été insignifiant È (Baumol,
2002).
Ces successions de révolutions technologiques semblent
bien montrer un lien de cause à effet qui existe entre capitalisme,
libéralisme économique, entreprenariat et innovation. Et il
n'existe pas dans l'histoire de période plus riche en matière
d'innovations que celle du capitalisme de marché. Même si, les
civilisations moyennes-orientales et chinoises catalysèrent, à
leur apogée, une myriade d'inventions (comme par exemple l'imprimerie,
le papier, la poudre, le gouvernail, la porcelaine, les horloges hydrauliques,
etc.). Cette profusion d'inventions géniales trouve son explication dans
la loi du plus grand nombre. Il y a en effet plus de probabilités qu'une
idée brillante émerge, là où se situent des foyers
majeurs de peuplement. De plus, ces inventions, en l'absence de marché
capitaliste, ne pouvaient se matérialiser en innovation.
Enfin, elles n'étaient pas le fruit d'une
expérimentation rationnelle, d'une démarche économique
visant à atteindre un objectif précis, comme c'est le cas
aujourd'hui.
I. C- Les enjeux de la Nouvelle
Économie
Comme nous venons de l'écrire, l'innovation est
étroitement liée à l'histoire du capitalisme de
marché. Cette histoire cyclique, est ponctuée d'importantes
révolutions industrielles. Il en ressort que les innovations et le
progrès technique sont parmi les principaux moteurs de ces cycles de
croissances économiques. Ce processus est mis en évidence par
Schumpeter (1942), sous l'appellation de Ç destruction
créatrice È, expression rendue célèbre
dans son ouvrage référence "Capitalisme, socialisme et
démocratie" publié en 1942.
L'expression désigne le processus de disparition de
secteurs d'activité conjointement à la création de
nouvelles activités économiques. Dans les économies
capitalistes, toute innovation technologique importante entra»ne un
processus de destruction créatrice.
Les entreprises bénéficiant d'un monopole sont
donc susceptibles d'être menacées par l'apparition d'une
innovation radicale.
Ainsi, une innovation radicale peut entra»ner dans son
sillage, une révolution industrielle de grande ampleur impulsant un
nouvel élan à l'économie et des transformations
structurelles qui sont à la fois quantitatives (quantités
produites et nombre d'emplois) et qualitatives (types d'activités et
d'emplois).
La dernière en date, débute à partir des
années 1970 avec l'invention d'Internet, du microprocesseur et de
l'ordinateur de bureau. Elle est la troisième révolution
industrielle, plus connue sous le nom de Ç révolution
virtuelle È (Bardini, 2000). Elle se caractérise
essentiellement par :
- une robotisation progressive des usines de production et
une augmentation de la productivité
- une accentuation de la mondialisation (construction de
réseaux internationaux, levée des obstacles à une libre
circulation du capital, déréglementation du secteur
financier).
- une diminution des coúts de collecte et de diffusion
de l'information (gr%oce aux TIC).
Figure 3 : Indice Composite du NASDAQ
(Le monde, 11 mars 2000)
Cette troisième révolution industrielle est
à l'origine de la Nouvelle Économie, terme
symbolisant la hausse de la croissance générée à
partir de la fin des années 1990 par l'explosion NTIC. Les
États-Unis ont alors jouit d'une croissance exponentielle comme
l'illustre la figure ci-contre.
Ce progrès technologique s'est accompagné d'un
abaissement de la durée du cycle de vie des produits (loi de Moore
prédisant que la puissance des microprocesseurs doublera tous les 18
mois).
Le phénomène trouve son origine dans une rapide
évolution des besoins des consommateurs, exigeant plus de
nouveautés (individualisation de l'offre) et s'explique aussi par un
accroissement de la concurrence internationale qui conduisit à une forme
d'hyper-compétition sur certains marchés.
Figure 4 : Accroissement des brevets
octroyés depuis 1990 (Bomsel & Le Blanc, 2003).
Ce constat renforce l'importance de l'innovation comme
condition impérative de succès pour les entreprises. L'Union
européenne, pour sa part, s'est fixée en Mars 2000, au Conseil
européen de Lisbonne, l'objectif stratégique ambitieux de
Çdevenir l'économie de la connaissance la plus
compétitive et la plus dynamique du mondeÈ.
De fait, les nouvelles idées constituent la richesse la
plus précieuse de la Nouvelle Économie. Pourtant, leur production
ne doit pas être considérée comme un processus incertain et
mystérieux.
La vision emphatique du génie solitaire qui invente
à partir de rien, est le fruit d'une imagination romantique et
naïve. En réalité, l'innovation est un processus long et
coúteux qui implique souvent de lourds investissements en Recherche
& Développement (R&D), conception, ingénierie et
marketing. Cela doit être un pilier de la stratégie de
l'entreprise. C'est pourquoi elle doit être systématisée et
permanente. Nous parlons alors d'innovation totale.
I. III L'innovation, inépuisable richesse pour
l'entreprise ?
I. A- L'impact positif de l'innovation au niveau
micro-économique
La description de l'environnement macroéconomique, nous
a permis d'appréhender les contraintes extérieures qui conduisent
les entreprises à innover. L'entreprise subit cet environnement
extérieur et doit donc innover pour survire (Strasser & al.
1982). Pourtant, la recherche et l'innovation ne doivent pas être
regardées comme des dépenses inutiles aux résultats
incertains et confus. Elles sont au contraire, des potentielles sources
d'avantages concurrentiels durables, des éléments de
différenciation à haute valeur ajoutée pour l'entreprise.
Ç Innovation is the ability to see change as
an opportunity - not a threat È, Steve Jobs.
L'innovation est un facteur essentiel de
compétitivité. Michael Porter (1985) souligne
qu'elle est la clef de la compétitivité des entreprises parce
qu'elle conditionne leur capacité à maintenir des avantages
concurrentiels durables sur des marchés évolutifs.
Elle est en effet, un moyen pour l'entreprise
d'améliorer sa compétitivité hors-prix
(aussi appelée "compétitivité-produit" ou "structurelle")
et de maintenir ainsi un avantage concurrentiel sur le plus long-terme.
La personnalisation/différenciation de l'offre produit
par exemple, est indispensable pour se positionner sur des marchés
mondiaux où la concurrence est exacerbée. Ainsi, gr%oce à
une innovation de rupture, une entreprise peut devancer la concurrence et
assoir une position de chef de file sur son marché.
C'est ainsi que Samsung, au bord de la faillite en 1997, est
devenue l'un des leaders mondiaux de l'électronique haut de gamme.
Gr%oce, en effet, à une judicieuse stratégie de
différenciation vis-à-vis de ses concurrents chinois (avec
lesquels l'entreprise coréenne ne pouvait plus rivaliser en termes de
compétitivité prix), ajouté à d'importants
investissements en R&D, Samsung put concevoir dés 2003, le premier
téléphone à 65 000 couleurs (contre 4 000 jusqu'ici), puis
l'année suivante le premier écran télé LCD de 54
pouces. Aujourd'hui encore, l'entreprise est la seule capable de fabriquer un
écran plat de ce type. Sa rente de monopole est donc demeurée
intacte.
La mise en Ïuvre de nouvelles techniques de production
(innovations de procédés) permet également de gagner en
compétitivité structurelle lorsque ces dernières
améliorent la qualité des produits. C'est le cas par exemple, de
la découpe industrielle au jet d'eau qui permet d'attaquer des
matériaux très épais avec une haute-précision, sans
déformation de la matière.
Ces innovations de procédés, sont dans la
plupart des cas, synonymes de gains importants de
productivité. Cela peut se traduire, d'un point de vue
mercatique, par une stratégie d'écrémage (accroissement
des marges) ou de pénétration (baisse des coúts). Ces
innovations peuvent donc contribuer à renforcer la
compétitivité-prix de l'entreprise. Le
fordisme, est de ce point de là, un exemple notoire. La "taylorisation"
de la production de la Ford T a permis d'accroitre de façon
considérable la productivité des usines d'assemblage, gr%oce en
particulier, au convoyage automatique des produits en cours
d'élaboration entre les postes de travail. Entre 1910 et 1925, le prix
d'une automobile Ford T avait été pratiquement divisé par
dix.
L'innovation sous toutes ses formes est donc largement
favorable à la dynamique de l'entreprise. De façon plus globale,
elle peut être une réponse adéquate aux
problématiques suivantes :
- Conquêtes de nouveaux marchés (de nouveaux
produits permettent d'aller chercher des clients sur des niches encore
inoccupées par la concurrence).
- Réponse à des besoins latents (innovation
tirée par la demande ou "demand-pull", démarche d'anticipation et
de veille).
- Création de nouveaux besoins (l'offre qui
crée sa propre demande ou "technology-push").
- Ma»trise des contraintes exogènes (en restant
à la pointe des nouvelles technologies une entreprise peut
ma»triser le flux de leur diffusion et limiter les impacts négatifs
d'une innovation de rupture).
- Fidélisation du personnel (l'engagement à
innover peut être un facteur de motivation pour le personnel et aider
à le retenir dans l'entreprise).
- Amélioration de l'image de l'entreprise (des
entreprises innovantes telles que Sony, Google ou bien encore Apple figurent en
tête de classement parmi les entreprises les plus admirées
mondialement selon une étude réalisée par le magasine
Fortune en 2010).
Les entreprises ont pour la plupart pleinement
intégré l'importance que revête l'innovation pour leur
compétitivité. Hage & Powers (1992) ont observé, une
augmentation remarquable, et parfois historique (+12,8%) des ressources
allouées à la recherche et au développement de nouveaux
produits au sein des 300 plus grandes entreprises mondiales. Cette hausse des
dépenses, bien que spectaculaire, s'inscrit dans une logique
stratégique plus ancienne qui trouve son origine dans les
prémices de la révolution informatique amorcée dans les
années 1970.
Une autre étude étaye cet état de
fait : réalisée en 1982 par Booz, Allen et Hamilton (1982)
sur 700 entreprises américaines elle relève que le
développement de nouveaux produits comptait pour près de 30% de
leurs chiffres d'affaires respectifs. Une autre étude similaire
menée par l'institut scientifique du marketing en 1990, rappelle que 25%
des ventes de produits au niveau macro-économique trouvaient leur
origine dans une innovation qui datait de moins de trois ans.
I. D- L'entreprise innovante
Afin de pérenniser son avantage concurrentiel,
l'innovation doit donc devenir un pilier de la stratégie de
l'entreprise. Cette stratégie est même un impératif sur
certains secteurs où les rentes de situations se raréfient de
plus en plus.
Les cas d'entreprise comme Google, Apple ou 3M vont dans ce
sens.
Née en 1976, en pleine révolution informatique,
Apple est devenue en l'espace de 30 ans, une multinationale
tentaculaire employant près de 21 600 personnes dans le monde, pour un
chiffre d'affaires dépassant les 15 milliards de dollars en 2009.
Opérant dans la sphère de la haute technologique et du
multimédia, la firme californienne (son siège social est
situé à Cupertino) possède en 2010, l'une des marques les
plus connues dans le monde. Elle est présente à la fois dans la
production de matériels informatiques dans l'édition de logiciels
grand publics et dans la fourniture de services en lignes. Et malgré le
ralentissement de la croissance mondiale et la crise financière de 2008,
l'entreprise continue d'afficher des résultats en constante hausse (ses
profits avaient connu une hausse de 15% au premier trimestre de l'année
2009).
Ce succès s'explique par le fait qu'Apple est un
spécialiste de l'innovation (O'Grady, 2008). Ses fondateurs, Steve Jobs
et Steve Wozniak ont su savamment orchestrer la mise en Ïuvre d'une
politique efficace d'innovation permanente au sein de leur organisation.
Les raz-de-marée commerciaux provoqués par les
sorties successives du Ipod (2001) et du Iphone (2007) en sont les
témoignages les plus vifs.
Aux même causes, même effets, pour les entreprises
3M et Google qui ont-elles aussi ont su mettre en place un
écosystème propice à l'émergence des processus
innovateurs en leur sein.
Le groupe américain anciennement connu sous le nom de
Minnesota Mining & Manufacturing (3M), est à
l'origine d'une multitude d'innovations de rupture, dont le ruban
adhésif et le papier autoadhésif amovible.
Le slogan de l'entreprise, Ç L'esprit
d'innover È caractérise clairement ce que
représente l'innovation pour 3M. Elle bénéficie d'un
budget de 1,1 milliard de dollars par an et occupe 10 % de la population
salariée, soit près de 7 000 personnes réparties dans le
monde.
Cette stratégie d'innovation intensive porte ses
fruits : l'entreprise est aujourd'hui le leader mondial dans le domaine
des adhésifs. Elle est également un leader incontesté dans
le marché des colles industrielles et domestiques. La force motrice de
l'entreprise est liée au nombre incroyable de brevets qu'elle
dépose chaque année. Cette politique volontariste lui a permis de
dégager un profit de plus de 23 milliards de dollars en 2009.
Enfin, le géant américain
Google, incarne surement l'exemple le plus probant de
l'innovation à succès. C'est ce que semble confirmer David Vise
et Mark Malseed (2005) dans leur ouvrage retraçant l'ascension
fulgurante de la firme américaine depuis le lancement de son moteur de
recherche en 1998, jusqu'à l'inauguration de la plateforme "Google
Vidéo" en 2005 : Ç Il y a cinq siècles,
l'invention de l'imprimerie gr%oce à Gutenberg rendait les livres et la
littérature scientifique accessibles à un large public. Depuis
cette date, aucune autre invention que Google n'a modifiée aussi
profondément l'accès à l'information. È
(Vise & Malseed, 2005).
Google est aujourd'hui la plus remarquable entreprise de la
Nouvelle Économie, la société emploie près de
20 000 personnes et cumulait, en 2009, un chiffre d'affaires historique de
5,7 milliards de dollars. C'est aussi le résultat d'une très
efficace politique des ressources humaines qui fait de Google, l'entreprise
préférée des ingénieurs selon un classement
réalisé par le mensuel Capital en 2010.
Les trois entreprises que nous venons d'évoquer
possèdent indéniablement les caractéristiques de
l'entreprise innovante. Et, même s'il n'existe pas de
modèle théorique établi, définissant formellement
ce qu'est une entreprise innovante (Anderson & Lf, 2009), nous pouvons
à partir des cas présentés ci-haut mettre en exergue les
caractéristiques exogènes qu'une entreprise doit détenir
pour mériter cette appellation :
- Une croissance exponentielle des profits engendrés
(Yamin & al. 1999),
- Un nombre conséquent de brevets
déposés,
- Une capacité à produire des innovations de
rupture créatrices de valeur,
- Une expertise technologique sur son secteur,
- Une politique volontariste en matière
d'innovation,
- Une dynamique organisationnelle interne forte,
marquée par une grande satisfaction des employés.
En revanche, ni le secteur d'activité, ni la taille
n'influe irrémédiablement sur la capacité innovante d'une
entreprise (Anderson & Lf, 2009). Bien que selon certains auteurs (Malerba
& Orsenigo, 1993), ces deux variables peuvent se révéler
comme autant de freins que de vecteurs à l'innovation. Ils expliquent
que certains secteurs sont mieux dotés que d'autres en matière
d'opportunités à l'innovation du fait de leur croissance rapide
et des progrès technologiques dont ils bénéficient. Le
meilleur exemple pourrait être celui des TIC.
Et en ce qui concerne la taille des structures, Wiliam Baumol
(2002) dépeint par l'aphorisme évocateur de
Ç David contre Goliath È l'important facteur
clé de succès que constitue la petite taille d'une structure en
matière d'innovation. Pourtant dans les faits, rien ou presque, ne
semble appuyer cette théorie.
L'objectif de ce mémoire sera, au travers des deux
chapitres suivants, de chercher les origines endogènes, au niveau
organisationnel et humain, qui favorisent l'épanouissement des processus
innovateurs au sein d'une entreprise. Nous tenterons donc de découvrir
l'ADN organisationnel et managérial de l'entreprise innovante.
Partie 2 : La stratégie organisationnelle de
l'innovation
I. I Les apports de la théorie des
organisations
L'étude des organisations est un
phénomène relativement récent qui a pris forme à la
fin du XIXe siècle (Bélanger & Mercier, 2006). Richard Scott
(1998) fait remarquer que cet engouement s'explique par la division du travail
qui fut encouragée par les évolutions technologiques
(progrès techniques) et économiques (concentration des lieux de
production et des sources d'énergies) liées aux premières
révolutions industrielles. L'auteur va même jusqu'à
déclarer que la majeure partie des connaissances des organisations
provient de l'expérience des dernières décennies du XXe
siècle, essentiellement dans des pays démocratiques et
capitalistes. Le développement de la théorie des organisations en
tant que discipline va donc de pair avec l'avènement du capitalisme dans
les sociétés industrielles.
Il s'agit d'une discipline singulière, faisant appel
à un corpus de connaissances aussi étendu que disparate. Il est
donc évidemment difficile d'en extraire une définition unanime et
synthétique. De façon générale, une organisation
apparait comme Ç une réponse structurée à
l'action collective, un ensemble relativement contraignant pour les personnes
et, simultanément comme une construction collective dynamique favorisant
l'accomplissement de projet commun. È (Plane, 2003).
D'après Scott et Mitchell (1976), Çune
organisation est un système d'activités coordonnées d'un
groupe de personnes, travaillant en collaboration pour atteindre des fins
communes sous une autorité È.
Khandwalla (1976) repère comme facteurs constitutifs de
l'organisation les éléments suivants :
- Une hiérarchie,
- Des règles, des procédures,
- Des communications formalisées,
- Une spécialisation des rles,
- L'emploi de personnel qualifié,
- Des objectifs spécifiques.
Nous retiendrons donc que l'organisation se compose d'une
structure dotée d'un capital humain travaillant sous la coordination
d'une autorité suivant une logique propre pour l'atteinte d'un objectif
spécifique. Par métonymie, l'organisation sera exclusivement
analysée sous l'angle de l'entreprise marchande visant l'objectif
fondamental de sa survie par l'acquisition d'un avantage concurrentiel.
Nous allons, tout au long de cette première partie,
analyser de manière synthétique les écoles et les courants
de pensées qui ont fait avancer la théorie. Une attention
particulière sera néanmoins portée aux modèles
théoriques ayant contribué à l'approfondissement du cadre
conceptuel de l'innovation dans les organisations.
I. A- Les principaux courants de pensées
Les exigences engendrées par l'émergence de la
société industrielle au XVIIIe siècle ont posé les
bases de la science des organisations et ont donné naissance à
l'école classique. Adam Smith (1976) introduisit dans
son ouvrage phare : "Richesse des nations" le principe de la division
du travail tandis que David Ricardo (1817) prnait la
nécessité d'une spécialisation des t%oches. Ces deux
économistes classiques ont fortement influencé le courant
rationnel de la théorie des organisations qui s'émancipa au
travers des réalisations successives de Taylor (rationalisation
scientifique du travail), Ford (travail à la chaine), Fayol
(organisation administrative de l'entreprise) et Weber (inventeur de
l'organisation bureaucratique).
L'ingénieur américain Frederick Wilson Taylor
(1911) sera animé par une volonté de gestion scientifique du
travail au sein des organisations. Ses postulats sont avant tout
mécanistes (Ç l'entreprise est une gigantesque machine
composée de milliers de pièces. Les ouvriers ne sont que des
rouages du mécanisme global È) et rationalistes (Ç
l'entreprise est composée d'éléments humains et
matériels qui peuvent être dominés par l'esprit de
l'organisateur È).
Il mettra en place l'Organisation Scientifique du Travail
(OST) qui repose principalement sur une division minutieuse des t%oches
(division horizontale) et une séparation radicale entre ceux qui
conçoivent et ceux qui produisent (division verticale).
Figure 5 : L'école classique et ses
conséquences sur la productivité (Brunet & al, 2005)
Cette organisation rationnelle du travail sera à la
base de la seconde révolution industrielle. Cela renforça la
conviction de Taylor et des auteurs classiques sur l'existence d'une
organisation idéale et optimale pour les entreprises marchandes.
Pourtant, et bien que Taylor eut suggéré la
collaboration entre experts et exécutants (1911), il résultat de
son modèle un appauvrissement du potentiel humain dans l'entreprise et
une remise en cause progressive de ses méthodes qui déclineront
avec l'apparition de la société de la société de
consommation et les bouleversements macroéconomique qui suivirent.
Ainsi avec l'essor de la nouvelle économie et de
l'innovation en tant que moteur majeur de la croissance, les décideurs
et dirigeants d'entreprises ont cherché des moyens pour favoriser et
accro»tre son développement. Ils ont pour cela, largement
puisé dans les enseignements dispensés par l'école
des Relations Humaines.
Ce courant de pensée est né en réaction
aux efforts de rationalisation et d'efficacité amorcés par
Taylor, Fayol et Weber. Son fondateur, George Elton Mayo (1933), professeur de
psychologie industrielle, chercha à valoriser le facteur humain et la
dimension sociale dans les organisations. Il réalisa pour cela une
célèbre expérience menée à la Western
Electric de Chicago en 1924 dont le but initial était de
démontrer que l'augmentation de la productivité résultait
de l'amélioration globale des conditions de travail des ouvriers. Mais,
les résultats de son observation mirent surtout en évidence
l'importance des relations interpersonnelles qui existent au sein d'un groupe
de travail et la prépondérance de réseaux informels qui
échappent de facto, au contrle hiérarchique
(existence de leaders informels).
Ce que l'on nomma par la suite "l'effet Hawthorne"
démontra ainsi que le seul fait de porter de l'intérêt aux
conditions de travail des salariés influençait positivement la
productivité de ces derniers.
Le tableau descriptif proposé ci-dessous propose un
bilan synthétique des différences essentielles entre
l'école classique et l'école des relations humaines :
Figure 6 : Tableau comparatif entre
l'école classique et l'école des relations humaines
Pourtant, même si l'école des relations humaines
constitue une ressource de savoir pertinente pour le management de la
créativité des individus et de l'innovation, elle ne peut, par
son caractère avant tout "productiviste" et "industriel", être
considérée comme un aboutissement en soi.
Les travaux d'Elton Mayo inspirèrent d'autres courant
dans les théories managériales des organisations avec notamment
les théories de la contingence structurelle et
l'approche sociotechnique des organisations.
L'ouvrage précurseur de Burns et Stalker (1963) :
"The Management of Innovation" montre que la structure d'une organisation
dépend avant tout de son environnement externe qui est
Ç complexe et incertain È. Ils distinguent
deux types de structures, l'une formalisée et centralisée qui est
adaptée à un environnement stable, la seconde, plus flexible est
adaptée à un environnement mouvant. Il s'agit respectivement des
structures "mécanistes" et "organiques". Ë travers leurs travaux et
recherches, ils appuient l'idée que la structure d'une organisation est
liée aux mutations de l'environnement socio-économique dont elle
dépend.
L'approche sociotechnique est née au
début des années 1970. Frederick Edmund Emery (1969)
développe la thèse selon laquelle une entreprise est un
système ouvert composé d'une dualité technique et sociale.
Il dépasse les visions universalistes de Mayo et Taylor en argumentant
qu'il peut exister plusieurs manières de s'organiser. Il n'existe donc
pas une organisation idéale mais simplement Ç des
combinaisons socio-productives plus efficaces que
d'autres È.
La recherche en sociologie des organisations
aboutie, quant à elle, en 1958 à travers l'ouvrage fondateur de
James March et Herbert Simon (1958), intitulé "Organization". Selon eux
Ç Toute théorie de l'organisation s'accompagne
inévitablement d'une philosophie de l'être humain puisque les
organisations sont composées de membres qu'il faut prendre en
considération d'une manière ou d'une autre È. Leurs
théories de la décision orientées sur les capacités
cognitives des acteurs influenceront de manière décisive les
différents courants du management moderne. Elles rejoignent par ailleurs
la théorie de l'individu X et Y dépeinte par Douglas McGregor
dans son livre "The Human Side of Enterprise" (1960).
Au sein de ce même courant de pensées, Renaud
Sainsaulieu (1977), identifie quatre identités au travail ("la fusion",
l'individu se fond dans le groupe de travail, car il n'a guerre d'autres
ressources que le collectif ; "la négociation" acteurs
qualifiés qui utilisent la négociation comme moyen de pression
auprès de la hiérarchie ; "les affinités",
individualités à la recherche de conquêtes
professionnelle ; "le retrait", acteur faiblement investi,
dépendance vis-à-vis du chef).
Ë partir de ce constat, il explique que ce sont les
rapports sociaux au travail qui structurent l'identité individuelle et
collective. Il y aurait donc un holisme organisationnel qui conditionnerait les
comportements des acteurs au sein de l'organisation.
Henri Mintzberg (1982), professeur émérite de
management à l'université canadienne de McGill, agrège et
synthétise une partie des théories décrites ci-dessus en y
présentant une approche globale de l'organisation qui est
analysée en fonction des relations entre six de ses composantes et de
leur poids respectif dans la structure.
Figure 7 : Les six composantes de
l'organisation (Mintzberg, 1982)
Il définit la structure d'une organisation comme :
Ç la somme totale des moyens utilisés pour diviser le
travail entre t%oches distinctes et pour assurer la coordination
nécessaire entre ces t%oches È.
- Le sommet stratégique : équipe
dirigeante.
- Le centre opérationnel : unité
d'exécution des t%oches de production et de distribution.
- La ligne hiérarchique : qui relie le centre
opérationnel au sommet stratégique.
- Technostructure : unité qui planifie et
organise le travail.
- Fonction support : unités qui assurent des
prestations qui ne sont pas le cÏur de métier de l'entreprise.
- Culture d'entreprise (idéologie): traditions et
croyances d'une organisation.
Prolongeant ses réflexions sur les organisations
internes, Henri Mintzberg suggère une approche novatrice en
matière de configuration organisationnelle.
L'universitaire canadien distingue cinq configurations structurelles possibles
allant de la structure simple à l'adhocratie :
- La configuration simple : C'est une
organisation de petite taille ayant une activité réduite.
Flexible et polyvalente, cette structure convient aux TPE/PME dont le chef
d'entreprise assume l'ensemble des fonctions à responsabilité. Il
est à la fois manager, responsable opérationnel, et superviseur
de la structure. L'organisation vit sous le joug du leadership et de
l'autorité de son dirigeant principal (ligne hiérarchique peu
développée). Cette centralisation du pouvoir décisionnaire
et hiérarchique présente l'avantage d'ancrer les orientations de
l'entreprise dans une perspective axée sur le long-terme.
- La bureaucratie mécaniste : L'esprit de
cette configuration est adapté aux entreprises industrielles
(mono-activité, entreprises de grande taille relativement %ogées)
évoluant dans un environnement simple et stable. L'organisation est
ainsi structurée de façon rationnelle en services
spécialisés par fonctions. C'est la technostructure qui
détient le pouvoir et qui coordonne l'ensemble des activités de
façon standardisée et méthodique. Cette organisation est
peu propice à l'innovation et ne laisse que peu de place à
l'adaptabilité.
- La structure divisionnelle : Elle est la
caractéristique des entreprises diversifiées. L'organisation est
découpée en unités quasi-autonomes en fonction de
critères mercatiques tels que le type de clientèle, la division
produits et la zone géographique ciblée (structure matricielle).
Le contrle hiérarchique s'effectue en fonction des
résultats atteints. Cette structure est particulièrement bien
adaptée à la complexité croissante de l'entreprise ainsi
qu'à l'impératif de flexibilité mais elle peut
générer des difficultés de coordinations internes et
être un frein à l'innovation de par sa trop grande
diversification.
- La bureaucratie professionnelle : Elle se
trouve dans les organisations où l'activité dépend de
l'expertise et des savoirs de ses membres (cabinet d'avocats, expert-comptable,
hpital, etc.). L'organisation évolue dans un environnement
complexe mais relativement stable. Bien que jouissant d'une grande autonomie,
les membres de l'organisation demeurent soumis à un contrle
implicite de la profession à laquelle ils sont rattachés
(standardisation des qualifications). La décentralisation de la
structure ainsi que la flexibilité des choix offerts aux acteurs peut
toutefois conduire à une multiplication des conflits internes.
- L'adhocratie : Selon Mintzberg, l'organisation
innovante est une adhocratie. Ce néologisme désigne une
organisation capable de s'adapter aux contraintes engendrées par un
environnement complexe et instable. Cela entra»ne une forte
différenciation horizontale des t%oches où la sélection se
fait en fonction du degré d'expertise du personnel (membres hautement
spécialisés travaillant par équipe de projet). Le cas de
Google est une illustration parfaite de la configuration adhocratique.
Il convient enfin de mettre en lumière les travaux
d'Alfred Dupont Chandler (1962), chercheur américain rendu
célèbre pour ses études sur la gestion des grandes
entreprises américaines qui explique que c'est bien la stratégie
de l'organisation qui détermine sa structure interne. La structure de
l'entreprise doit ainsi être envisagée comme l'exosquelette
résultant d'une stratégie organisationnelle globale. Nous
traiterons ces deux notions de façon distinctes mais le management de
l'innovation sera abordé dans ce chapitre sous son aspect
organisationnel et stratégique.
I. E- L'innovation dans la théorie des
organisations
Au-delà de ces grands courants de pensées, la
théorie des organisations fourmille de nombreux autres apports utiles au
management de l'innovation, mais peu d'entre eux débouchent
réellement sur des applications concrètes et solides.
On pourrait néanmoins, citer Octave Gélinier
(1968) qui prne le Ç développement incessant de
l'innovation È via la définition d'une politique
générale et d'une série d'objectifs applicables sur le
long terme avec comme point d'orgue une capacité d'évolution de
l'entreprise face aux mutations technologiques.
Le courant de pensée
évolutionniste apporte aussi son lot de
réponses sur les mécanismes de l'innovation mais les traitent
surtout au niveau macro-économique. Nous noterons toutefois que
l'approche évolutionniste de la firme mise en avant par Sidney Winter et
Richard Nelson (1982) contribue à éclaircir le paradigme
organisationnel de l'entreprise innovante. Ils expliquent en effet que toute
entreprise est régie par un ensemble de règles appelées
Ç routines È qui
Ç déterminent ses performances selon le type
d'activité et qui guident sa trajectoire
technologique È. Ainsi, les compétences
intrinsèques d'une entreprise sont fondées sur des savoir-faire
organisationnels et technologiques, généralement implicites
(croyances, culture d'entreprise) et non transférables. Ce sont ces
routines accumulées au fil du temps qui vont définir la
capacité d'adaptation de l'entreprise à son marché qui est
par essence, mouvant. Elles sont donc cruciales pour l'obtention d'un avantage
concurrentiel.
La théorie évolutionniste, du fait de son
caractère cumulatif, est au cÏur du concept de l'apprentissage
organisationnel.
Depuis l'ouvrage initiateur de Chris Argyris et Donald Schn en
1978, il n'existe toujours pas, à l'heure actuelle, de théorie
généralement acceptée de l'apprentissage
organisationnel. Or, cette théorie constitue l'une des
fondations principales de notre analyse car elle prétend que
l'organisation n'est pas un système figé mais une variable
d'action du management, donc du management de l'innovation.
Gérarld Koening (1994) définit l'apprentissage
organisationnel comme Ç un phénomène collectif
d'acquisition et d'élaboration de compétences qui, plus ou moins
profondément, plus ou moins durablement, modifie la gestion des
situations et les situations elles-mêmes È.
Norbert Alter (1993) explique que l'augmentation des
incertitudes attribuées au processus de détaylorisation
entamé dans les années 1970, entra»ne une
redéfinition permanente de la rationalité organisationnelle qui
ne peut que difficilement s'adapter à la célérité
et à la densité des processus innovateurs. En d'autres termes,
l'efficacité d'une organisation repose donc bien plus qu'auparavant sur
sa capacité à apprendre et à établir cahin-caha de
nouvelles procédures internes.
Ce processus d'apprentissage doit donc constituer l'un des
piliers de la dynamique innovante d'une entreprise. Il permet en effet à
l'organisation de traiter des informations complexes et incertaines en
provenance d'un environnement imprévisible et en perpétuelle
mutation. C'est ce que Cohendet et Llerena (1989) qualifient de
Ç flexibilité d'initiative È.
George Barclay Richardson (1972) approfondit également
cette analyse en émettant l'idée que la coopération au
niveau méso-économique est désormais un passage requis
pour faire face à un marché global où les besoins des
consommateurs, devenus hautement qualitatifs, sont par voie de
conséquence, difficilement anticipables. De plus, l'auteur
précise que l'hétérogénéité des
activités économiques connexes conduit à un
élargissement du champ des compétences que l'entreprise doit
pouvoir ma»triser pour être capable d'introduire des innovations.
Afin d'atteindre cet objectif, Richardson préconise l'apprentissage
organisationnel comme modèle à suivre.
L'acquisition de cette compétence organisationnelle
réside principalement dans la capacité de l'entreprise à
travailler en réseau afin de favoriser la diffusion d'un flux permanent
d'information à l'intérieur de la structure. En effet, le
développement isolé de l'expertise individuelle de chacun des
salariés ne permet pas nécessairement d'assurer un
développement global pour l'organisation. Ainsi, le projet de
l'organisation apprenante est de pouvoir b%otir un système permettant le
développement des compétences collectives.
Philippe Zarifian (2005) s'accorde avec cette
définition en précisant que Ç ce sont
l'intensité réflexive à l'événement et la
diversité des événements auxquels un même individu
peut être confronté qui engendrent une expérience
réellement transposable, qui génèrent un
apprentissage È. Il met lui aussi l'accent sur la
"convertibilité" de la compétence engrangée au niveau du
collectif de la structure.
En conséquence, la théorie de l'organisation
apprenante induit d'une organisation qu'elle soit apte :
- à détecter et à corriger ses
erreurs.
- à reconna»tre et sélectionner les
opportunités du marché.
- à accroitre ses capacités internes pour
innover (ceci sous-entend une expansion continue de sa base de connaissances et
d'information).
La théorie de la traduction
fondée par Michel Callon et Bruno Latour (1986) dans les années
1980 vise à dégager les conditions de production et de
circulation des innovations techniques et des connaissances scientifiques.
Cette théorie fut à l'origine
élaborée sur les bases d'une étude empirique menée
sur la réimplantation des coquilles Saint-Jacques dans la baie de
Saint-Brieuc.
Michel Callon observe que le succès de ce programme
lancé par le Centre National d'Exploitation des Océans au
début des années 1970 dépendit essentiellement de la
réussite d'une association inédite entre toutes les
catégories d'acteurs humains (ou non humains) dont les
intérêts étaient subordonnés à la sauvegarde
de cette espèce dans la région.
La mobilisation d'acteurs multiples (pouvoirs publics,
scientifiques, marins-pêcheurs, etc.) a permis d'unir les forces et les
savoir-faire complémentaires de ces acteurs divers en vue de la
réalisation d'un but commun.
C'est ainsi que les chercheurs du programme, ont
organisé la "traduction" de ce projet en une série
d'intérêts propres à chacun des acteurs impliqués.
Ce qui n'était qu'une question d'acquisition de connaissances
fondamentales pour les scientifiques a été retraduit en termes de
survie économique pour les pêcheurs tandis que le gouvernement
local y a vu l'opportunité de valoriser son image de marque
auprès des électeurs.
Selon Madeleine Akrich, sociologue française et
actuelle directrice du Centre de sociologie de l'innovation (CSI), ce paradigme
permet de Ç décrire les opérations par lesquelles le
scénario de départ, qui se présente essentiellement sous
une forme discursive, va progressivement, par une série
d'opérations de traductions qui le transforment lui-même,
être approprié, porté, par un nombre toujours croissant
d'entités, acteurs humains et dispositifs technique È
(Akrich, 1993).
Ç Par traduction, on entend l'ensemble des
négociations, des intrigues, des actes de persuasion, des calculs, des
violences gr%oce à quoi un acteur ou une force se permet ou se fait
attribuer l'autorité de parler ou d'agir au nom d'un autre acteur ou
d'une autre force : Ç vos intérêts sont les
ntres È, Ç fais ce que je veux, vous ne
pouvez réussir sans passer par moi È. Lorsqu'un acteur dit
Ç nous È, il traduit d'autres idées
d'acteurs en une seule volonté dont il devient l'%ome ou le porte-parole
(ce qui devrait être le rle du manager). Ç Il se
met à agir pour plusieurs et non pour un seul. Il gagne de la force. Il
grandit È (Callon & Latour, 1981).
Les deux auteurs argumentent en faveur d'un dépassement
des frontières organisationnelles pour introduire de nouvelles
catégories d'acteurs afin de permettre les conditions d'émergence
d'une innovation. Ainsi, le concept de réseau sociotechnique de Callon
et Latour met en évidence l'importance de
l'hétérogénéité et de la diversité
des acteurs nécessaires à la production des innovations.
I. IV Les facteurs organisationnels conditionnant
l'émergence des innovations
L'étude de la théorie des organisations nous a
permis de mieux intégrer le champ conceptuel gravitant autour du
management de l'innovation. Son caractère indéniablement
théorique permet d'engager une réflexion globale sans pourtant
parvenir à décrypter la "boite noire" de l'innovation au niveau
de l'organisation.
Malgré les nombreuses tentatives de modélisation
dont a fait l'objet ce processus, il demeure encore drapé d'un flou
conceptuel qui en limite sa compréhension pratique. Ainsi, le
modèle de la boite noire, présenté ci-dessous, transcrit
métaphoriquement les difficultés régnant autour de sa
spécification.
Figure 8 : Le modèle de la
bo»te noire: l'innovation comme résultat (Chouteau, 2007)
C'est au milieu des années 1950 que naquit le
modèle linéaire et hiérarchique qui formula pour la
première fois l'hypothèse que l'innovation n'était pas
seulement un résultat mais aussi et surtout un processus. Les
étapes de ce processus étaient alors considérées
comme prévisibles. Cette approche se base donc sur l'hypothèse
que l'innovation est un processus linéaire démarrant par la
découverte scientifique, passant à travers les étapes de
la recherche et développement pour terminer sur une phase de
commercialisation.
Figure 9 : Le modèle
linéaire de l'innovation (Schuetze & Gibson, 1998)
Ce modèle incitera de nombreuses entreprises à
augmenter leurs dépenses en R&D dans les années 1980.
Il est aujourd'hui marginalisé car ne rendant pas compte de la
complexité de ce phénomène protéiforme. Ce
modèle ne laisse en effet, aucune place aux "feeds back"
c'est-à-dire aux éventuels retours entre une étape et une
autre. De plus, en lui conférant un caractère essentiellement
processuel, l'innovation se transforme en une succession d'étapes
rigides et mécanistes excluant ainsi toute improvisation.
C'est en réaction à ces critiques que Kline et
Rosenberg (1986) ont proposé un nouveau modèle reconnaissant la
nature multidimensionnelle de l'innovation en incorporant les
rétroactions sur chacune des étapes du processus.
Figure 10 : Le modèle de la
cha»ne interconnectée (Kline & Rosenberg, 1986)
L'innovation et le changement technique deviennent pour les
deux auteurs des processus interactifs (certaines innovations peuvent impacter
la recherche scientifique et sa dynamique. Les relations ne sont plus seulement
unilatérales). D'autre part, la science n'est plus l'unique
élément centralisateur des connaissances pour l'entreprise.
Enfin, ce modèle souligne le rle prépondérant
qu'occupe l'étape de conception dans le processus d'innovation. Elle est
Ç l'épine dorsale du modèle È
(Forest, 1999). Ce processus de conception se divise en cinq étapes :
a. 1. L'invention et la conception analytique.
b. 2. La conception détaillée et les essais.
c. 3. La conception finale.
d. 4. La production.
e. 5. La mise sur le marché de l'innovation.
En plaçant, le processus de conception au centre du
processus d'innovation, les deux auteurs veulent insister sur la dimension
organisationnelle de l'innovation et Çrefusent toute puissance
de la science sur le fait innovatif È (Chouteau &
Viévard, 2007).
Nous allons suivre cette logique et démarrer un voyage
au cÏur de l'anatomie des organisations innovantes afin de comprendre la
taxonomie des organisations innovantes et de déterminer quels sont leurs
dénominateurs communs.
a. A. Impulser une vision stratégique et une culture
de l'innovation
S'il existe un facteur apparent et commun aux organisations
innovantes, c'est bien celui de la vision stratégique.
Pour Peter Senge (1991) professeur au MIT Sloan et auteur de la "La
cinquième discipline", la vision corporative est le socle solide d'une
entreprise qui prédétermine sa réussite. Elle est une
image concrète du futur désiré et sert à
décrire un état de fait précis qui a une validité
dans le temps. Son énoncé doit pouvoir susciter un effet
inspirateur et mobilisateur auprès des individus. La formulation de la
vision permet de construire une cohésion globale qui ne peut être
négligée dans le cadre du management de l'innovation.
L'exemple d'Apple est à ce titre, riche en
enseignements. La firme américaine fut érigée en 1976 dans
un garage de Cupertino. La vision de ses deux fondateurs, Steve Jobs et Steve
Wozniak, était de créer des ordinateurs accessibles à
tous. Cela se traduisit par l'énoncé suivant :
ÇThe Computer for the rest of us È (1984). Ce
slogan visionnaire est par la suite devenu Ç Think
Different È (1997-2002). Il convient de rappeler qu'à
cette époque l'ordinateur personnel ne représentait qu'un
marché de niche aux perspectives de croissances inconnues. Cette vision
ambitieuse et audacieuse, conféra à l'entreprise une
identité propre qui fut un élément d'attraction pour bon
nombre d'employés d'entreprises concurrentes (Moritz, 1984). Avoir une
vision stratégique est donc extrêmement important pour conduire
une entreprise et ses salariés vers la réalisation d'objectifs
ancrés sur le long-terme. De plus, la vision stratégique peut
participer à l'éclosion d'une culture
d'entreprise propice à l'innovation.
La notion de "culture d'entreprise" serait apparue en
Angleterre, puis en Allemagne au début du XIXe siècle (Coze
& Potin, 2006). D'abord fortement imprégnée des pratiques
paternalistes alors en vogue dans les usines tayloriennes, elle a ensuite
évolué en réaction à ce modèle s'attachant
à replacer l'individu émancipé au centre de la structure.
Et c'est finalement à partir des années 1980 que cette expression
s'est imposée sur les bases des modèles de réussites des
entreprises japonaises et américaines. La culture d'entreprise est
aujourd'hui un instrument stratégique largement répandu bien
qu'étant souvent regardée sans réel discernement
(Massiera, 2006).
Le concept de culture se définit de façon
multiple selon les disciplines auxquelles il est rattaché. Ethnologues,
anthropologues, sociologues et psychosociologues en font un usage singulier et
cette dimension universelle contribue à en brouiller sa signification
(Tylor, 1876).
Théodore Dobzhansky (1966), biologiste et
généticien ukrainien, souligne l'idée selon laquelle la
culture est une composition sociale construite en dichotomie avec la base
naturelle d'un environnement figé.
Ç De cette opposition, la culture
appara»t comme un effort pour produire autre chose que la forme
donnée immédiatement. [É] La culture d'entreprise est
représentée par les différentes individualités du
personnel qui élabore et construit en commun, au fils du temps et des
événements qui surviennent dans l'entreprise, une culture
perceptible au travers de ses us et coutumes È (Massiera,
2006).
Quel serait donc le lien entre culture d'entreprise et
innovation ?
Rajesh Chandy (2009), chercheur en marketing à la
London Business School, la considère comme Ç le facteur
de conduite de l'innovation le plus important È. En effet, son
caractère communautaire (valeurs généralisées et
partagées par l'ensemble de la structure) suscite de la part des acteurs
de l'organisation une implication proportionnelle à la force identitaire
de la culture d'entreprise.
L'auteur ajoute que le lieu d'ancrage géographique de
l'entreprise n'est pas un facteur décisif de la capacité et de la
facilité d'innovation. Selon lui : Ç le hub de
l'innovation n'est pas dans le pays, il est au sein même de la
société È.
Pour façonner cette culture d'innovation, l'une des
étapes essentielles consiste à développer une attitude
favorable à la prise de risque. La logique d'innovation
implique il est vrai, une grande part d'incertitude. Ce manque de
visibilité et ses conséquences sur la rentabilité
financière de l'entreprise peuvent inhiber les acteurs au changement.
Cette observation est partagée par Edwin Catmull (2008) qui rappelle que
le rle du dirigeant n'est pas d'empêcher le risque mais
d'établir une organisation capable de se reconstruire lorsque les
échecs surviennent. Il souligne ainsi la dimension fatalement
risquée de l'innovation qu'il serait vain de vouloir annuler. De
même James Dyson (2005), inventeur de la marque d'aspirateur
éponyme, analyse : Ç si vous voulez
découvrir quelque chose que les autres n'ont pas encore fait, cela
suppose de faire les choses mal et d'observer en quoi ces ratés vous
conduisent à voir la question de manière complètement
différente de vos prédécesseurs È. Une
forte tolérance à l'égard de l'échec est donc
jugée primordiale à la conduite du management de l'innovation.
Philippe Lorino (1998) estime que cette tolérance doit
se traduire par une valorisation du long terme
(c'est-à-dire un horizon décisionnel et une stratégie
orientés vers le long terme).
Les travaux de l'auteur français soulignent par
ailleurs qu'une culture propice au changement est une
condition sine qua non pour capitaliser les réels potentiels
d'innovation présents dans un groupe. Cette culture peut
déboucher sur une Òorganisation agile" (Badot, 1998) apte
à anticiper son avenir et à s'adapter rapidement lorsqu'une
rupture survient (Hurley & Hult, 1998). Il faut néanmoins souligner
que cette flexibilité de l'organisation s'articule
généralement à contre-courant des contraintes de
prédictibilité imposées par le " réseau de
valeur" de l'entreprise (constitué par les actionnaires, marchés
financiers, clients, etc.). Toute entreprise tend donc à instaurer des
systèmes institutionnels formalisés favorisant la
pérennité de la structure. Mais le développement de ces
routines organisationnelles, bien que garantissant la création de valeur
sur le court et moyen terme, est également un facteur d'inertie qui
peut, à terme, contribuer à fragiliser l'entreprise. Clayton
Christensen conclut dans son ouvrage "The innovator's dilemma" (1997) que si
les firmes échouent c'est en fait parce qu'elles sont
gérées avec trop de rationalité et de
prédictibilité.
Ç Un processus donne la capacité
d'exécuter une t%oche, il définit aussi des inaptitudes à
en réaliser d'autres È (Christensen & Overdorf,
2000).
L'exemple de Kodak est à ce titre symptomatique :
établie en 1892, la firme américaine fut la première
à produire un appareil photo argentique destiné au grand public.
Fort de ce succès, Kodak débuta son internationalisation et
s'installa peu à peu en tant que chef de file mondial du secteur.
L'entreprise améliora son produit phare au gré des progrès
technologiques mais ne mesura pas avec discernement la menace venue des
appareils numériques et notamment l'arrivée de la marque
japonaise Sony qui provoqua dés 1981 une révolution sur ce
marché et renversa Kodak de sa position de leader (Sauteron, 2009).
Figure 11 : Le dilemme de l'innovateur
(Christensen, 1997).
Le schéma ci-dessus, reprend le dilemme auquel furent
confrontés les managers de Kodak qui ont finalement décidé
de privilégier ce qu'ils estimaient quantifiable et certain au
détriment d'un changement audacieux de leur modèle
économique.
Il ne suffit pourtant pas d'adopter une démarche
organisationnelle favorable au changement, il faut aussi pouvoir l'anticiper.
a. B. Accro»tre la capacité d'absorption de
l'entreprise
La survie d'une entreprise est facilitée lorsqu'il
existe une fonction de surveillance de son environnement. En effet, anticiper
les évolutions du contexte social, technologique ou économique
lui permet de disposer de davantage de temps pour structurer efficacement sa
stratégie.
Cette activité de vigie couvre un
large spectre d'informations recueillies, traitées puis diffusées
en interne (Boly, 2004) :
- données scientifiques,
- évolution des marchés et de
l'économie,
- évolution culturelle,
- évolution des méthodologies de conduite de
projet et de gestion de la production,
- émergences de nouveaux procédés
organisationnels.
Peter Drucker (1985) identifie quant à lui, quatre
domaines d'opportunités pour l'entreprise :
- L'événement inattendu (qui a l'avantage
d'être opportun car déconsidéré par la
concurrence).
- L'incongruité (un décalage conséquent
entre un résultat et une attente peut devenir une source
d'innovation).
- Le mode de production (exigences d'un processus qui
entra»ne dans son sillage de nouveaux besoins et donc à fortiori de
nouvelles sources d'innovations).
- L'évolution du secteur (un changement dans la
structure d'un marché est une source considérable
d'innovations).
La criticité de l'activité de détection
et d'appropriation des opportunités externes est aussi citée dans
les travaux de Wesley Cohen et Daniel Levinthal (1990). Les auteurs postulent
que pour assimiler les informations pertinentes de son environnement
l'organisation doit d'abord détenir un substantiel capital de
connaissances lui permettant de rendre intelligibles les données
collectées.
Michel Fiol (1996) va même jusqu'à faire
l'analogie entre l'entreprise et une éponge. Estimant que comme une
éponge, plus l'organisation absorbe d'informations plus elle est capable
de l'essorer et ainsi de la diffuser via les canaux prévus à cet
effet.
Figure 12 :
Capacité d'absorption de l'entreprise (Cohen &
Levinthal, 1990).
La capacité d'absorption permet donc d'additionner les
connaissances produites par les concurrents hors-industrie aux savoirs et
découvertes du département R&D. Elle favorise ainsi le
développement du savoir technique de l'ensemble de la structure.
L'accent est en outre mis sur les "experts traducteurs", qui
de par leurs relations informelles avec le monde scientifique et leur capital
de connaissances accumulées, peuvent interpréter et propager avec
une plus grande réactivité les signaux-faibles (Ansoff, 1975)
annonciateurs de changement futurs. De façon plus pragmatique, Vincent
Boly (2004) argumente en faveur d'une démocratisation de
l'activité de veille. Chacun des acteurs doit pouvoir de façon
autonome collecter l'information propre à son domaine d'intervention
avant que celle-ci ne soit centralisée par la direction, via un outil
intranet par exemple.
Cette activité de veille peut donner lieu à
l'écriture de scenarii, véritables routes artificielles, qui vont
modeler la stratégie de l'entreprise. Gill Ringland (2006) cite
plusieurs exemples d'entreprises recourant à ces outils de
prédictions : Shell, Electrolux, Digital Equipment, etc.
Toutefois et même s'ils facilitent l'exploration de
chemins potentiels, ces scenarii sont fastidieux à concevoir et
s'accommodent mal à des environnements instables.
Enfin, il est à noter que l'accumulation de ce
savoir-faire pose la problématique complexe du management des
connaissances. Nous distinguons généralement les
connaissances tangibles (contenues dans les bases de données de
l'entreprise et dans tous ses écrits) des connaissances tacites
(composées des connaissances théoriques, du savoir-faire et des
compétences professionnelles de l'ensemble des salariés, faisant
ainsi références au capital immatériel de l'entreprise).
La bonne gestion de ce capital influence positivement les
performances de l'entreprise et sa capacité d'innovation (Nonaka, 1994).
En outre, l'argument principal de l'auteur est que le processus d'innovation
intervient gr%oce à un dialogue continu entre savoir tacite et savoir
explicite. L'objectif fondamental du management des connaissances est donc
d'augmenter la valeur du capital immatériel de l'entreprise afin
d'agencer un transfert des compétences humaines en capital
incorporé et imbriqué dans la structure de l'entreprise.
Figure 13 : La base de données
des connaissances de l'entreprise (Twiss, 1992).
Nous considérons que le management des connaissances
constitue la matière grise de l'entreprise mais que pour être
réellement vectrice d'innovations, elle doit être irriguée
par une communication interne efficace.
a. C. Développer la communication interne
Dans une enquête comparative menée par Alejandro
Balbontin et ses collègues (1999), la communication interne est
formellement identifiée comme un élément-clé dans
le processus d'innovation. La fluidité des
communications transversales entre les départements et
l'aptitude à coordonner l'activité des différentes
branches d'une structure sont considérées par ces auteurs comme
des appuis incontestables pour l'innovation.
C'est un point sur lequel Frederick Betz (2003) porte son
attention en ajoutant que les délais sont primordiaux au bon
déroulement du développement d'une innovation, car chaque
entité est liée à une autre, et le retard d'une
entité peut affecter de façon cumulative le processus dans son
ensemble. En conséquences, l'organisation doit savoir stimuler
la coordination des activités des départements en
même temps qu'elle facilite la diffusion d'un flux constant d'information
au sein de l'entreprise.
Ces impératifs de coordination et de communication
doivent être menés parallèlement de façon verticale
et horizontale. La direction verticale assure la liaison et l'harmonisation des
exigences stratégiques avec la créativité
spécifique à chaque individu. Également très
importante, la direction horizontale permet de fluidifier le processus de
développement et de générer de nouvelles idées
(Twiss, 2003).
Figure 14 : Régulation de la
communication interne.
Le graphique présenté ci-dessus rappelle que la
communication tout en étant généralisée doit
demeurer ma»trisée et diversifiée. Par ailleurs, Philippe
Lorino (1998) rejoint quelque peu la théorie des traductions, en
émettant l'idée que : Ç la diversité des
apports culturels est une source de fertilisation croisée [É]
donc de l'innovation È.
Les travaux menés sur la diversité
ethniques s'accordent sur leurs bienfaits dans le cadre d'une
démarche d'innovation totale (Cox & Blake, 1991). Une analyse
partagée par Rosabeth Moss Kanter (1968) qui fait l'apologie de la
diversité dans les organisations en se basant sur la métaphore
d'un kaléidoscope autorisant un nombre infini de combinaisons
(génératrices d'idées) dans un espace clos (la structure
interne). De plus, pour donner pleine mesure au développement des
processus innovants, la hiérarchie doit adopter une posture
bienveillante à l'égard des idées nouvelles.
L'importance du soutien managérial et
décisionnel pour l'incubation d'une culture d'innovateurs est
un facteur clé de succès qui est cité dans les analyses de
Norman Kaplan (1960). L'innovation et l'incertitude sont analogues, et tout
individu porteur d'idées ressent un besoin de sécurité
important car ses idées, souvent vues comme risquées, demeurent
fragiles jusqu'à leur réalisation. Pourtant, les situations
perturbatrices favorisent le développement des germes de l'innovation.
Cette problématique divise toujours les experts qui oscillent entre ces
deux paradoxes.
William McKnight, président de 3M de 1949 à
1966, déclarait à ce propos : Ç L'innovation
nécessite de déléguer des responsabilités et de
stimuler la prise d'initiatives. Ceci réclame de la tolérance. Si
vous déléguez à des gens compétents, ils vont faire
les choses à leur façon. Ceci est toujours possible si l'on
respecte le sens général du développement de l'entreprise.
Les intéressés feront des erreurs mais celles-ci seront beaucoup
moins dramatiques que les erreurs de management, notamment si les pratiques
sont dictatoriales. Le management peut être critique et destructeur, et
par voie de conséquences stopper toutes initiatives. Or, l'innovation
c'est l'initiative. È (Boly, 2004).
a. D. Mettre en place un système d'information
global
Comme il a été précédemment
décrit, le traitement de l'information est crucial pour
l'instrumentalisation de l'innovation au niveau organisationnel, que ce soit
l'information d'origine externe à l'entreprise (détection au plus
tt d'un changement dans les modes de consommation alimentaire par
exemple) ou interne (analyse des écarts de délais sur un projet
d'innovations). Par conséquent, la ma»trise du
système d'information est un facteur clé de
succès pour les projets d'innovation.
Un système d'information (SI) représente
l'ensemble des éléments participant à la gestion, au
traitement, au transport et à la diffusion de l'information au sein de
l'organisation (Delmond & al. 2008). Il permet lorsqu'il est
généralisé à toute la structure :
- L'identification, le traitement et la diffusion de
l'information utile,
- La capitalisation des savoirs et savoir-faire (management
des connaissances),
- L'utilisation des outils de communication,
coopération et coordination comme facteurs de succès des
projets.
Un SI remplit quatre grandes fonctions de base :
acquérir, traiter, stocker et communiquer.
Toutefois, comme le rappelle Mélissa Saadoun
(2000) : Ç la raison d'être d'un système
d'information, c'est l'accès au bon moment, à la bonne
information, obtenu par l'harmonie entre les trois sous-systèmes
suivants : le sous-système organisationnel (qui met en
interaction les hommes, les métiers, les processus et les structures de
l'entreprise), le sous-système applicatif (qui comprend toutes les
applications existantes de gestion et de production ainsi que les applications
bureautiques), le sous-système informatique (qui comprend toutes les
infrastructures techniques, des réseaux aux normes, en passant par les
ordinateurs) È.
Ce système doit donc être profitable aux membres
de l'organisation. Il doit pouvoir mettre en interaction les acteurs et les
métiers de l'innovation, dans le cadre des structures et des processus
inhérents aux développements de nouveaux produits ou services.
L'article "Teaming Up to Crack Innovation and Enterprise
Integration" publié en 2008 dans la Harvard Business Review, fait
en quelque sorte le parallèle avec le système d'information
précédemment décrit et révèle la
difficulté rencontrée par les entreprises, non pas pour
générer de nouvelles idées, mais plutt pour les
identifier, les mettre à profit et leur allouer des ressources afin de
les développer au mieux.
Les auteurs préconisent de fournir à la
direction des systèmes d'informations (DSI) les outils permettant une
articulation entre le local et le global. Il est également question de
faire interagir des acteurs situés dans et hors des frontières de
l'organisation. Marjolaine de Ramecourt et François-Marie Pons (2001)
voit dans l'Intranet l'instrument idéal permettant
d'atteindre ce but.
Figure 15 : Le tableau de bord du DSI
(Centre d'expertise des progiciels).
Ces outils permettent aussi de libérer les individus de
t%oches mécaniques et répétitives qui auparavant, leur
incombaient. La disparition de ces t%oches à faible valeur
ajoutée est en plus un gage d'autonomie pour les salariés qui
pourront dés lors se voir confier des activités faisant appel
à l'intelligence créative plus qu'à la simple
capacité mécanique (Pons & Ramecourt, 2001).
L'information partagée, mise à jour en temps
réel et accessible à tous permet de faire circuler des
idées d'un point à un autre de la structure étendue ce qui
facilite grandement le travail des équipes de projets dispersées
en leur évitant par exemple, de répéter les mêmes
erreurs ou de buter sur des problèmes déjà résolus
(pour ne pas avoir à "réinventer la roue"). De plus James Gardner
March et Herbert Simon (1965) déclarent à propos de
l'utilité du partage du système d'information :
Ç l'attribution des ressources aux nouveaux programmes
(d'innovation) dépendra très largement du réseau de
communication à travers lequel les propositions vont des entrepreneurs
aux investisseurs È.
Cependant, Stefan Thomke (2001) attire notre attention sur le
fait que ces technologies sont des ressources complexes et difficiles à
appréhender pour les non-initiés. Le temps d'apprentissage peut
être long et le risque d'une sous utilisation (phénomène de
l'usine à gaz) ou d'une utilisation chronophage de ces technologies est
bien réel.
Nonobstant ces contraintes, l'intégration de ce
dispositif reste une étape essentielle sur le chemin ardu du management
de l'innovation. Son utilisation généralisée alimente un
immense cerveau collectif (notion de mémorisation et d'organisation
apprenante) au service l'entreprise innovante. Les TIC permettent aussi
permettre aux entreprises d'expérimenter leurs produits avant de les
lancer sur le marché (via la simulation sur ordinateur par exemple).
Enfin nous mentionnerons pour conclure un panel non-exhaustif
d'outils informatiques d'aide à la démarche
d'innovation :
- Le QFD ("Quality Function Deployment") qui vise la
traduction la plus fidèle possible des besoins du client sous forme de
spécifications produits et procédés. Son
intérêt principal réside dans une préparation
minutieuse effectuée en amont de la conception du produit. Cela permet
d'éviter les ajustements post-conception (Terninko & al. 1998).
- La méthode TRIZ déjà abordée
dans le chapitre précédent, est l'Ïuvre d'un
ingénieur et scientifique russe du nom de Genrich Altshuller. Ce
système part du principe que chaque innovation repose sur un compromis
(ou "déséquilibre"). Le programme va donc explorer, à la
demande de l'utilisateur confronté à un paradoxe (par
exemple : fabriquer du beurre sans matière grasse), une
série de solutions déjà éprouvées par le
passé. Cette méthode permet de briser ce qu'Altshuller appel
"l'inertie psychologique". Elle renforce ainsi la créativité des
acteurs de l'innovation (Boly, 2004). Son champ d'application étant
très large elle sera une nouvelle fois traitée dans le chapitre
suivant.
- La méthode Taguchi se focalise sur la satisfaction
du consommateur final. Taguchi estime que la satisfaction du client
décroit à mesure que le produit conçu se détourne
de ses objectifs initiaux en matière d'usage et de qualité. Cette
méthode tend donc à prévenir toute déviation
dépassant l'élasticité et la marge de manÏuvre
déterminée par le client (Terninko & al. 1998).
Bien plus qu'une simple boite à outil, ces trois
instruments ont une force synergique qui ne doit pas être
sous-estimée dans une démarche d'innovation.
I. V Construire l'organisation innovante
I. A- Vers de nouveaux modèles
d'organisations?
Durant les dernières décennies, les entreprises
sont passées d'une organisation par métiers
à une organisation en projets pour concevoir,
développer, réaliser et mettre en service leurs produits et
procédés nouveaux.
Brian Twiss (1992) prétend qu'une organisation
divisée par disciplines est adéquate pour l'acquisition de
nouvelles connaissances dans un domaine d'activité bien
spécifique. C'est une structure adaptée aux universités et
aux laboratoires de recherche mais inappropriée aux entreprises
commerciales car cette approche organisationnelle ne prend pas suffisamment en
compte la dimension transdisciplinaire de l'innovation. Ce cloisonnement
conduit selon l'auteur à décourager les élans
créatifs trop étouffés par une orthodoxie
managériale. C'est aussi l'une des faiblesses de l'organisation
française pointée du doigt par Philippe Lorino (1998) lorsqu'il
déciare que Ç l'esprit de
géométrie È des dirigeants français
à l'égard des idées nouvelles constitue un obstacle majeur
au développement des innovations.
Nous observons que le management par ligne de produits ou
projets est une tendance lourde d'évolution des organisations qui se
développe depuis une dizaine d'années (Boy, 2003). Et c'est la
matrice organisationnelle combinant ces deux structures qui semble aujourd'hui
l'emporter dans les choix stratégiques.
Figure 16 : Organisation par
métiers et par projets (Twiss, 1992).
Mais la coexistence des ces deux organisations peut parfois
aboutir à certaines rigidités dans le management et la mise en
Ïuvre des projets d'innovation. Aussi, certaines entreprises cherchent
à trouver de nouveaux modes d'organisations permettant de trouver un
équilibre entre la rigueur de la forme par métiers et la
créativité de la forme en en projets.
Ce constat se trouve renforcé par l'analyse de Norbert
Alter (1993) qui explique que la logique rationnelle de l'organisation tend
à s'opposer à la logique intrinsèquement aléatoire
de l'innovation. C'est ainsi que se mettent en place des dispositifs
organisationnels originaux visant à favoriser une
créativité des individus qu'un trop grand formalisme de gestion
pourrait annihiler.
Pour les innovations de rupture, l'auteur
François Romon (2006) observe que les entreprises tentent parfois
l'externalisation totale du groupe de projets en en créant une nouvelle
filiale.
Ces filiales ou "venture group" accordent un
très grand degré d'autonomie au chef de projet chargé de
mener à bien le processus complet de développement du nouveau
produit ou service. Les membres de cette nouvelle structure se voient ainsi
confiés la mission du lancement et de la gestion de la nouvelle
activité. Le "venture group" permet donc à l'entreprise d'allouer
plus efficacement des ressources (appui méthodologique, technologique et
financier) à des projets innovants mais ne concordant pas toujours avec
son cÏur de métier. Ce schéma d'action organisationnelle
connait un franc-succès (les responsables d'entreprise pratiquant le
"venture group" annoncent, selon les cas, de 70 à 90% de réussite
à cinq ans) mais reste le fait des grandes entreprises capables
d'assumer son coút conséquent et la complexité de sa mise
en Ïuvre (Le Loarne & Blanco, 2009). L'exemple le plus
mémorable serait celui de l'entreprise américaine Hewlett Packard
(HP) qui décida en 1982 de transférer une unité
spéciale à Vancouver pour se lancer sur le marché du
laser.
Mais face aux critiques nombreuses soulignant l'aspect
alambiqué et le coút substantiel d'une telle opération,
experts et spécialistes ont développé des dispositifs
heuristiques tentant de concilier ces deux impératifs contradictoires
que sont l'innovation et l'organisation.
Parmi ces mesures figure l'intrapreneuriat.
Camille Carrier (1997) la définit comme Ç la mise en
Ïuvre d'une innovation par un employé, un groupe d'employés
ou tout individu travaillant sous le contrle de
l'entreprise È. L'intrapreneuriat est en fait une version
allégée du "venture group". Il est en effet prévu que la
nouvelle organisation reste physiquement intégrée à
l'entreprise ce qui facilite grandement sa mise en place tant sur le plan
juridique que financier (Basso, 2004).
Les auteurs insistent aussi sur le caractère
protéiforme de l'intrapreneuriat et certains introduisent de nouveaux
concepts destinés à nuancer les deux polarités
présentées ci-dessus. Le "spin-along" (Rohrbeck et al. 2007), qui
est décrit comme un mélange entre l'intrapreneuriat et le
"venture group", en fait partie. L'idée est de promouvoir le
développement de l'innovation par un entrepreneuriat externalisé
qui, en cas de succès, pourra être ultérieurement
réintégré dans la société-mère. Cette
forme d'organisation de l'innovation pose par ailleurs la question de la
structure étendue qui sera par la suite abordée avec plus
d'attention.
Figure 17 : De l'intrapreneuriat
à l'extrapreneuriat (Bornert et al. 2010).
Le schéma ci-haut reflète les variables
d'actions envisageables entre l'intrapreneuriat et l'extrapreneuriat. Le mode
opération choisi diffère en fonction de leur importance
stratégique et de leur lien avec le cÏur de métier de la
firme.
Pour les innovations incrémentales,
l'introduction d'une plus grande souplesse dans le fonctionnement des projets
peut s'avérer être une forme d'organisation plus adéquate
avec la nature modeste de l'innovation projetée.
Le principe de l'organisation ambidextre (ou
hybride) est dans ce cas retenu comme étant le plus efficient (O'Railly
& Tushman, 1996). Les analyses des deux auteurs convergent pour
démontrer que cette organisation est la plus adaptée pour tirer
le meilleur parti des ressources existantes (activité d'exploitation)
tout en assurant simultanément l'efficience du département
R&D (activité d'exploration). Cette organisation se distingue au
travers de trois caractéristiques principielles :
- Une organisation distribuée
(caractérisée par une conception modulaire fondée sur de
petites unités autonomes dispersées spatialement),
- Une organisation plurielle (possédant une grande
diversité culturelle et des expertises variées),
- Une organisation flexible (qui repose sur une
flexibilité identitaire et managériale).
Figure 18 : Schéma de
l'organisation ambidextre (O'Railly & Tushman, 1996)
Les deux entités (cÏur de métier et
métiers émergents) sont des structures autonomes et
indépendantes au niveau fonctionnel. Chacune développe ses
propres règles, procédures et même culture tout en restant
hiérarchiquement rattachée au management global.
Pour François Jolivet (2003) : Ç chaque
projet doit s'auto-organiser en fonction de ses spécificités et
de son environnement à partir de métarègles issues de
l'observation de la famille des projets à laquelle il appartient
È.
Toutefois certains auteurs (Buisson et al. 2005) mettent en
garde contre les dangers d'une telle organisation pour des innovations
radicales. Ils estiment qu'elles sont susceptibles d'engendrer des
phénomènes d'affrontements partisans (par crainte d'une
redistribution des pouvoirs). De cette opposition frontale résulterait
un conflit généralisé gangrenant l'ensemble des ressources
de l'entreprise. Ce conflit est d'autant plus difficile à juguler que le
métier historique bien que menacé, fournit encore à
l'entreprise une part importante de ses revenus tandis que le nouveau
métier se construit dans une incertitude totale ne facilitant pas sa
reconnaissance.
Pour pallier ces difficultés internes, la forme
particulière et transitoire de l'organisation en plateau de
projet (ou concourante) peut être imaginée. Son but est
de : Ç réunir dans un même espace des
acteurs internes externes. Ces intervenants disposent d'une forte
délégation décisionnelle à l'égard de leur
hiérarchie respective È (Garel, 2003). L'entreprise Renault
l'a expérimentée avec succès pour notamment pour le
lancement de la Mégane. Élisabeth Bourguinat (1999) en nuance
toutefois les avantages. Elle précise dans un article paru en 1999 que
cette forme d'organisation nuit à capitalisation des
savoirs accumulés: Ç la confrontation directe entre
les acteurs, avec une urgence accrue, tend à faire dispara»tre les
traces écrites È. Sans cette mémorisation
collective, l'entreprise ne peut plus tirer les bénéfices des
compétences acquises et de l'expérience engendrée
(processus correspondant à la notion d'organisation apprenante).
Le modèle de l'organisation hypertexte
prnée par Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1995) va
explicitement dans ce sens. Les deux auteurs voient dans cette forme
d'organisation la synthèse idéale entre l'efficience et la
stabilité de la bureaucratie avec l'efficacité et le dynamisme de
la gestion par projet.
Figure 18 : L'organisation hypertexte
(Nonaka & Takeuchi, 1995).
Cette organisation comporte aussi un troisième niveau
organisationnel qui est la "base de connaissance". Les connaissances
générées séparément dans la partie
"bureaucratique" et la partie "projet" sont ensuite
re-catégorisées et re-conceptualisées suivant les
orientations stratégiques de l'entreprise. Le SI opère dans ce
type d'organisation un rle fondamental.
I. F- Vers l'innovation ouverte ?
Ainsi, l'hétérogénisation du groupe de
travail (organisation en plateau de projet par exemple) et la mutualisation des
diverses forces créatrices inaugurent les nouvelles formes
d'innovations ouvertes ou innovations distribuées.
L'innovation est dite "ouverte" par opposition à l'innovation
"fermée" (ou interne) qui est un processus polarisé et
unidirectionnel allant du département R&D vers le marketing et les
forces de ventes (Chesbrough & al. 2006). Cette approche place les
idées et les accès externes au même niveau d'importance que
les idées et les accès internes. Elle induit aussi que le client
puisse être placé au cÏur du management de l'innovation.
Cette logique client lui permettra de mieux comprendre ses
besoins et d'anticiper les opportunités futures d'innovations.
Cela donne naissance aux "plateformes communautaires" (ou
"crowdsourcing") sur Internet qui permettent de faire travailler certains
consommateurs sur des projets concrets d'innovation.
La marque Orange du groupe France Télécom
organise ainsi régulièrement des concours d'innovation
auprès de ses clients technophiles. Le principe est de mettre à
contribution des apports extérieurs, en l'occurrence ici les clients
utilisateurs afin de décupler les sources d'idées. Le
fonctionnement de ces plateformes communautaires renvoie aux grandes logiques
de développement des technologies d'Internet libre (open source) et
notamment le web 2.0.
Toujours dans ces projets d'innovations collaboratifs, nous
noterons les initiatives abouties de Linux, Apache et MySQL ainsi que
l'encyclopédie en ligne Wikipedia qui sont des exemples de
réussites en matière de conceptions mutualisées
(Grangé, 2008).
Le cas Linux retient notre attention puisqu'il s'agit d'une
organisation considérée comme innovante (Tayon, 2002) mais
où l'exosquelette (bureaucratie, infrastructure, unités
stratégique) de la structure est absent. Cela amène certains
auteurs à questionner la pertinence du modèle de l'entreprise
hiérarchique, devant la montée en puissance de la conception
collaborative de l'innovation. Julien Tayon (2002) y apporte une réponse
claire en rappelant que le projet Linux repose avant tout sur un ensemble de
circonstances bien spécifiques : les apports sont
bénévoles, hédonistes et enfin l'entreprise ne
répond pas à une logique-client puisque producteurs et
consommateurs sont les mêmes personnes.
L'innovation ouverte peut aussi prendre la forme de :
- Forum thématique (organisé à
l'initiative des directions générales et servant à
pérenniser et à enrichir les connaissances de l'entreprise sur un
thème donné),
- Partenariat fournisseurs-clients (association en amont des
clients potentiels à l'élaboration de nouveaux produits),
- Réseaux d''entreprises et collectifs de recherches
(association avec universités de recherche).
L'organisation en réseau nous amène à
étudier la notion d'entreprise étendue et par
voie de conséquence le concept de milieu innovateur.
Le milieu innovateur se définit comme
Ç un ensemble territorialisé dans lequel les
interactions entre agents économiques se développent par
l'apprentissage qu'ils font de transactions multilatérales
génératrices d'externalités spécifiques à
l'innovation et par la convergence des apprentissages vers des formes de plus
en plus performantes de gestion en commun des ressources È
(Maillat & al. 1993).
Figure 19 : Caractéristiques du
milieu innovateur (Joyal, 1995).
L'écosystème environnant agirait donc comme un
puissant incubateur d'innovations que l'entreprise seule ne serait pas capable
de reproduire.
Le fait de tisser des partenariats stratégiques et
territoriaux avec d'autres entreprises pour partager les coúts et les
fruits de l'innovation prend donc une importance particulière dans cette
démarche d'innovation ouverte. Rosabeth Moss Kanter (1999)
élargie la portée de ces partenariats au domaine public et
notamment universitaire. Certaines entreprises considèrent en effet les
besoins des collectivités comme des opportunités de
développement d'idées, d'ouverture de nouveaux marchés et
de réponse à des problèmes économiques chroniques.
Observations appuyées par Namshin Cho (1996) qui suivant l'exemple de
Samsung, suggère la grappe en réseau comme structure
méso-économique idéale pour développer les
innovations. Enfin, la lecture de la théorie des traductions nous
rappelle que la construction de réseau est essentielle pour dynamiser le
processus tourbillonaire de l'innovation (Callon, 1986).
Toutefois, cet aspect du management de l'innovation se situe
hors du cadre conceptuel de notre recherche et ne sera donc traité
qu'à minima au cours des analyses qui suivront.
Nous allons nous pencher dans le chapitre suivant sur le
facteur humain dans l'innovation et sur le concept de créativité
organisationnelle cher à Teresa Amabile (1988) qui met principalement
l'accent sur l'individu créatif.
Partie 3 : Le management opérationnel du
facteur humain
I. I Stimuler la créativité en
entreprise
Ç La créativité est une fleur
qui s'épanouit dans les encouragements mais que le découragement,
souvent, empêche d'éclore. È Alex Faickney
Osborn.
Définir la créativité est un exercice
difficile. Le terme bien que couramment employé, est chargé de
significations multiples. Malgré cela, certaines constantes se
retrouvent dans la manière de le définir. De façon
très générale, la créativité se
définit comme la capacité d'un individu ou d'un groupe à
imaginer et mettre en Ïuvre un concept neuf, un produit nouveau ou
à découvrir une solution originale à un problème
spécifique. L'originalité et l'imagination sont donc au cÏur
de la créativité (Carrier, 1997).
Nous associons communément la notion de
créativité au travail de l'artiste qui est par essence
dénué de toute préoccupation de valeur, au sens où
l'entendrait une entreprise marchande. Or, innovation et
créativité sont des notions étroitement liées dans
les esprits de certains auteurs (Asselin & Thaï, 2007) puisque
imbriquées dans un processus identique dont seul la finalité
diffère. A la source de l'innovation, nous trouvons les idées qui
sont elles-mêmes produites gr%oce à la puissance créative
des individus.
Le champ de la créativité dans une entreprise
est étendu, il peut porter sur le produit, le procédé,
l'organisation ou les orientations stratégiques (Rhodes, 1961).
I. A- La créativité
organisationnelle
Teresa Amabile (1988), professeur et directrice d'un centre de
recherche en administration des affaires à l'université
d'Harvard, est célèbre pour son analyse pointue des composantes
de la créativité individuelle au niveau
organisationnel. Ce concept que l'auteur définit comme :
Ç la production d'idées nouvelles et utiles, par in
individu ou un petit groupe travaillant ensemble È repose sur
quatre caractéristiques essentielles :
- Les qualités personnelles de l'individu
créatif (qui sont l'orientation au risque, la diversité des
expériences, un certain degré de naïveté et l'aisance
sociale (Amabile & Gryskiewicz, 1987),
- Les compétences liées au domaine (incluant
les connaissances factuelles, les savoir-faire et les techniques
spécifiques liés au domaine en question),
- Le facteur environnant (Amabile précise que la
créativité peut être développée par des
méthodes et par de l'entra»nement, le rle du manager s'en
trouve renforcer. De plus, les auteurs Séverine Le Loarne et Sylvie
Blanco (2003) ajoutent que le degré d'engagement de l'individu
créatif dépend aussi de l'environnement externe de
l'entreprise),
- L'engagement de l'individu créatif (cela implique
que l'individu ait choisi de transmettre son idée, de la faire partager,
de la promouvoir et ce, tout au long du processus créatif. L'objectif
est de dépasser l'analyse originelle intra-subjective, propre à
l'individu créateur, pour construire une vision de l'idée et de
son application qui soit commune au groupe).
Teresa Amabile accorde beaucoup d'importance à ce
dernier facteur considéré comme la clé de voute de la
créativité de l'individu. Sa capacité à explorer
les solutions face un problème donné est en effet proportionnelle
à son engagement ainsi que sa motivation intrinsèque. Cette
dernière ne fait pas directement référence aux stimuli
internes de l'individu ou à un éventuel besoin de
réalisation (en référence à la pyramide de Maslow)
mais à la satisfaction et au plaisir procurés par le fait
d'exercer l'activité en question. Par opposition, la motivation
extrinsèque (à savoir le salaire, les récompenses ou la
reconnaissance sociale) tend à diluer l'efficacité d'une
démarche de créativité.
Ces résultats ont été obtenus gr%oce
à une étude qualitative réalisée par Teresa Amabile
et Stanley Gryskiewicz en 1987 auprès d'un groupe d'individus
exécutant des t%oches requérant une dose importante de
créativité. Cette enquête a finalement permis de mettre en
évidence le fameux modèle componentiel d'Amabile
présenté ci-dessous.
Figure 20 : Modèle componentiel
d'Amabile au niveau individuel (Amabile, 1988).
Avec ce modèle, Amabile nous fournit une
véritable clé pour comprendre à la fois la logique
d'activation de la créativité au niveau individuel et son lien
avec le processus créatif qui va de l'éclosion de l'idée
(sa naissance voire son incubation) jusqu'à sa transformation en action
concrète.
De très nombreux auteurs ont poursuivi les recherches
menées en matière de créativité individuelle.
Parmi eux, nous citerons Howard Gardner (1993), Robert Sternberg et Todd Lubart
(1995) qui définissent la motivation intrinsèque comme un facteur
déterminant de la créativité et réaffirme ainsi le
postulat d'Amabile.
Plus récemment, Simon Taggar (2002) a aussi
proposé un modèle de la créativité venant
élargir le socle de l'analyse au niveau du groupe
constitué. Taggar identifie, à partir d'une étude
réalisée auprès de 480 étudiants constitués
en 92 groupes, cinq traits de personnalités qui favorisent les Ç
processus adaptés à la créativité de
l'équipe È.
Quatre de ces traits proviennent du "modèle des cinq
facteurs" de Costa et McCrae (1980). Il s'agit du caractère
consciencieux (concentration sur la t%oche réalisée), de
l'ouverture aux expériences (renforce l'imagination et l'acceptation des
notions abstraites), du caractère agréable (suscite la confiance
au sein du groupe) et de l'extraversion (contribue à la motivation)
auxquels Taggar ajoute les aptitudes cognitives qui selon ce dernier,
facilitent la mémorisation et l'utilisation pertinente de l'information.
Figure 21 : Modèle multi-niveau
de Taggar sur la performance d'équipe (Grangé, 2008).
Ce que désire montrer Taggar au travers de ce
modèle est l'apport positif que constitue l'addition de ces
qualités individuelles au sein d'une équipe. L'approche
interactionniste de Richard Woodman et ses collègues (1993)
éclaire et complète cette analyse en instiguant l'idée que
le comportement créatif de l'individu dépend des
caractéristiques du groupe auquel il est rattaché ainsi que de
l'organisation à laquelle il est subordonné. Dans le même
temps, la créativité de toute l'organisation repose sur
l'harmonie du groupe dont sont garants les individus qui le composent. La
démarche créative au niveau individuel ou collectif doit donc
toujours être appréhender dans son contexte social et
organisationnel.
Enfin, un article de Jared Sandberg (2004), journaliste et
écrivain américain, nuance l'efficacité supposée du
travail de groupe qui s'est pourtant au fil des années,
avéré comme une norme établie dans les entreprises. Il
cite le fameux "paradoxe Abilene" pour appuyer son argumentation et
décrit comment un groupe peut entériner des décisions par
consensus implicite sans pourtant que les membres ne soient d'accord entre eux.
C'est selon l'auteur, l'un des effets pervers du "groupe démocratique"
avec notamment la rétention d'information, l'anarchie régnante et
les non-dits qui sont des éléments caractérisant la vie
sociale d'un groupe.
Cette critique du groupe tend à renforcer la vision
quelque peu romancée de l'innovateur solitaire dont le génie
reposerait sur des caractéristiques intrinsèques et propres
à sa personne qu'une organisation ne doit pas entraver. Au-delà
de cette image d'Épinal, nous devons nous interroger sur les
caractéristiques communes de la figure du novateur (entrepreneur,
découvreur, chercheur, client-novateur, artiste, etc.).
I. G- Portrait de l'innovateur (compétence,
comportement, personnalité)
Cette partie s'intéresse à démystifier
l'innovateur gr%oce à une meilleure compréhension de sa personne
et de ses compétences. Il est à noter que par le passé
plusieurs méthodes ont déjà tenté de dresser un
portrait robot de l'innovateur sans parvenir toutefois à établir
un guide pratique et universel à l'intention des managers. Nous devons
donc conclure que l'identification de l'innovateur ne peut se faire avec des
outils précis et logiques (Twiss, 1992).
Toujours selon Brian Twiss, l'innovateur idéal est
quelqu'un de fondamentalement curieux se posant constamment de nouvelles
questions et qui est capable de formuler des problématiques complexes.
Il possède des cadrages cognitifs particuliers dus à ses
expériences passées (Baron, 2006). Son habilité à
combiner des ressources hétérogènes et diverses lui permet
d'apporter une réponse appropriée à ses questions. Le
novateur est également un bricoleur qui manipule des matériaux
(tangibles ou immatériels) pour leur donner une utilité nouvelle
et originale. Cette idée d'innovateur-bricoleur est reprise par Vincent
Boly (2004) qui souligne l'importance de l'esprit expérimental
inhérent à toute démarche d'innovation.
L'innovateur n'est pas nécessairement ma»tre
d'ouvrage ni instigateur de la solution technique proposée au
problème rencontré. Un haut niveau d'éducation n'est en
effet pas un pré-requis à la créativité. C'est
également vrai dans le monde entrepreneurial où de nombreux
fondateurs d'entreprises spécialisées en hautes-technologies
n'étaient à pas l'origine des ingénieurs qualifiés
(l'exemple du millionnaire britannique Alan Michael Sugar, qui a quitté
l'école à l'%oge de 16 ans et a ensuite fondé la
société d'électronique et d'informatique Amstrad, est
à ce titre révélateur).
Une étude menée par l'IPAR et relatée
dans un article de MacKinnon (1962) confirme ce point en indiquant qu'il
n'existe pas de corrélation évidente entre le niveau
d'intelligence (au-dessus d'un quotient intellectuel de 120) et le potentiel
créatif d'un individu. Il stipule par ailleurs
que : Ç une personne foncièrement
créative est quelqu'un qui s'ouvre au reste du monde et notamment
à ses propres intuitions et émotions. C'est un intelligent
sensible, pédagogue ayant des intérêts très
variés È.
D'autre part, les psychologues Raymond Cattell et James
Drevdahl (1955) listent, sur les bases d'une observation menée sur des
chercheurs et scientifiques, 16 traits de personnalités propres à
l'individu créatif. Le profil idéal de l'innovateur se place donc
sous le signe de la dialectique avec une aptitude à allier
harmonieusement des caractéristiques en apparence dichotomiques ou
paradoxales dans leur association.
Pouvoir associer des idées non semblables est une
qualité centrale des gènes de l'innovateur. C'est ce que
l'entrepreneur Frans Johansson appelle " l'effet Médicis" se
référant à l'explosion de créativité
survenue à Florence lorsque la puissante famille Médicis
réunit dans sa cité renaissante des intellectuels aux
compétences variées. Ces interconnexions nombreuses permirent
à des idées révolutionnaires de na»tre.
Pour comprendre ce phénomène il faut explorer
les fonctionnements du cerveau humain : un cerveau ne fonctionne pas comme
un ordinateur en stockant les informations comme dans un dictionnaire où
le mot thé%otre peut être déduit de la lettre T. De
façon plus complexe et incertaine, le cerveau associe les mots avec une
série de concepts ou d'images appartenant à une expérience
personnelle propre à chacun. Ainsi, plus diverse est
l'expérience des individus, plus nombreuses seront les associations
capables de na»tre au gré de ces interconnexions. Ë titre
d'exemple, Pierre Omidar lança son concept de magasin en ligne Ebay
après avoir associé avec succès trois
préoccupations sans lien apparent : une fascination pour les
marchés créatifs, le fait que sa fiancée souhaitait
compléter sa collection de PEZ, chose alors très rare à
trouver et l'inefficacité des annonces classées sur format papier
pour ce genre d'article. De cette association opportune est née
l'entreprise Ebay (Christensen & Dyer, 2009).
Un autre éclaircissement sur la personnalité du
créatif nous est apporté par le célèbre psychologue
Simon Baron-Cohen (2002) dont les travaux ont abouti au concept du "cerveau
m%ole extrême". Ceci démontre que certains employés qui ont
un potentiel créatif hors du commun sont aussi des personnages
très complexes et leurs personnalités peuvent les marginaliser du
groupe. Leurs idées auront de fait moins de chance d'être
acceptée par le reste de l'organisation.
Ces traits de personnalités caractéristiques de
l'individu créatif ne doivent pas faire oublier que l'innovateur est
aussi et surtout Ç un sportif animé d'un fort esprit de
conquête, voire un esprit animal, qui ambitionne d'obtenir des
succès È (Guichard & Servel, 2006). Ces auteurs
souhaitent ainsi mettre l'accent sur le besoin de domination qui anime les
individus créatifs.
Cameron Ford (1995) parvient à la même conclusion
en y adjoignant cependant trois autres tendances relatives aux
personnalités créatives, à savoir :
- La curiosité (un attrait pour les choses nouvelles,
un goút pour l'aventure),
- L'autonomie (proche de la solitude mais non-subie car
correspondant à une volonté de s'auto-diriger),
- Besoin de réalisation et d'accomplissement.
L'agrégation de ces qualités participe à
l'élaboration d'un socle commun constitutif de l'identité du
novateur. Norbert Alter (2002) en fait une exégèse plus subtile
et, sans remettre en cause la prétendue universalité des traits
communs à l'individu novateur, en distingue néanmoins plusieurs
figures différenciables. Il recense ainsi l'inventeur, le
découvreur, l'innovateur (incluant aussi les innovateurs centraux, les
innovateurs spécialisés, les innovateurs relais, les innovateurs
suiveurs chercheur, créateur, usager novateur, entrepreneur) comme
autant d'incarnations possibles de l'innovateur. Ces multiples figures
traduisent finalement le chemin coutumier qui mène l'individu
créatif de son imagination fertile, à l'innovation comme source
de valeur, au sein ou hors de l'entreprise.
Comme nous venons de le constater, établir un portrait
robot de l'individu créatif n'est pas un exercice aisé. Il est
d'autant plus ardu de tirer des conclusions unanimes sur ses traits de
personnalités que l'image de l'innovateur génial solitaire
demeure toujours contestée par de nombreux auteurs (Guichard &
Servel, 2006). Selon ces derniers l'innovation ne peut plus être vue
comme un événement sporadique, un coup isolé.
Pourtant Thomas Edison, fondateur de la General Electric, a
souvent été salué à tort, comme l'archétype
de l'inventeur solitaire et héroïque. Il n'a pas en
réalité souhaité se lancer dans la recherche
organisée pour produire le premier modèle d'ampoule
incandescente. Mais comme son biographe, Matthew Jesephson (1959) le fait
remarquer, il s'y est tout de même résigné devant l'ampleur
de la t%oche qui laissait plus de place au miracle génial qu'à la
recherche fondamentale. Plus de 1600 matériaux (principalement des
filaments incombustibles) ont ainsi été testés et
expérimentés sur les différents prototypes d'ampoules. Et
ce que Edison espérait achever seul en une semaine, a finalement requis
le travail obstiné de 120 ingénieurs sur une année
complète.
La naissance des équipes de R&D est souvent
retracée à partir de ce cas historique.
I. H- Les ressources humaines en R&D
La définition communément admise de la recherche
et développement nous est fournit par l'OCDE. Il s'agit donc d'une
catégorie statistique, économique et comptable englobant
l'ensemble des activités entreprises Ç de façon
systématique en vue d'accro»tre la somme des connaissances, y
compris la connaissance de l'homme, de la culture et de la
société, ainsi que l'utilisation de cette somme de connaissances
pour de nouvelles applications È.
Nous nous intéresserons uniquement à la R&D
relative à la sphère privée et marchande. La R&D ne
sera donc pas traitée hors du cadre de l'entreprise dans laquelle elle
peut se mettre en place sous la forme d'un département spécial ou
d'un laboratoire. De façon plus spécifique, les hommes et les
femmes qui la composent seront l'objet de notre analyse dans cette partie.
Enfin, nous nous focaliserons évidement sur les composantes de
l'activité R&D (recherche fondamentale, expérimentale ou
appliquée) se rapportant au développement des innovations
produits, services ou procédés.
Il est souvent difficile pour un manager commercial de
déceler les véritables attentes d'un chercheur tant celles-ci
sont parfois éloignées des stratégies de
rentabilités propres au mode de l'entreprise (Lee, 1992). Un chercheur
intègre habituellement un département R&D directement
à la suite de longues études (huit années pour un
doctorant en Union Européenne) avec à la clé un statut
d'expert sur une discipline unique. En conséquences, le jeune chercheur
tend à s'identifier au travers de sa discipline. Une étude
empirique de Louis Barnes (1960) éclaire cette analyse. Il en ressort
que les chercheurs se définissent au travers de leur profession et
spécialité (physicien ou biologiste par exemple) ne mentionnant
rarement leur appartenance à une entreprise, tandis que les autres
salariés s'identifient, souvent avec fierté, au travers de leur
entreprise. Les ambitions du jeune chercheur se refléteront d'ailleurs
plus aisément sous le prisme académique de sa discipline que sous
les objectifs pécuniaires de l'entreprise. Il existe donc un risque non
négligeable de distorsion au niveau managérial entre les attentes
et les intérêts respectifs à ces deux communautés.
Le professeur Dennis Lee (1992) fait une distinction entre le
mode de management relatif aux ingénieurs et scientifiques. Il explique
que ces deux groupes d'apparence semblable, poursuivent en fait des objectifs
bien différents au sein des départements R&D. Tous deux ont
en commun la formulation de problématiques et la recherche de solutions
appropriées, mais les ingénieurs ont typiquement des buts
pratiques à l'esprit tandis que les scientifiques étudient des
phénomènes fondamentaux. De plus, les scientifiques portent des
ambitions personnelles de recherche fondamentale qui ne se concrétisent
que par la publication de leurs écrits et la reconnaissance de leur nom.
Krech Crutchfield (1962) considère que la place de l'ego est primordiale
mais selon lui plus un individu est sensible aux évaluations
extérieures, moins il peut faire preuve de motivation
intrinsèque, l'ego étant mobilisé par la recherche de
signes de reconnaissance sociale. Ainsi, l'ambition de reconnaissance des
scientifiques peut conduire à une dégradation de la motivation
intrinsèque et finalement réduire la créativité
organisationnelle.
Au contraire des ingénieurs qui se nourrissent
essentiellement du succès commercial de leurs solutions (Lee, 1992).
Leurs objectifs personnels sont donc alignés avec les valeurs d'une
entreprise ce qui facilite grandement le management opérationnel.
Malgré cela, beaucoup d'ingénieurs se montrent
particulièrement réticents à l'idée
d'évoluer vers la position de manager. Tout d'abord, l'ingénieur
(plus que le scientifique) peut conna»tre une obsolescence de son
savoir-faire dans des domaines rigoureusement techniques où les concepts
évoluent très rapidement. Son expérience et ses
connaissances deviennent de moins en moins pertinents à mesure que les
technologies évoluent. C'est une source importante de frustration qui le
conduit irrémédiablement vers une position de manager à la
quelle il est souvent mal préparé de par son cursus scolaire ou
son expérience professionnelle ancré dans des domaines
particulièrement techniques (Twiss, 1992).
En effet, la raison principale qui rend réellement
difficile la transition de l'ingénieur vers une position de communicant
et de gestionnaire est son manque de compétences relationnelles pour
exercer cette fonction. Denis Lee (1992) met en relief les biais psychologiques
et les frontières cognitives qui sont souvent sources de dissonances
lorsqu'il s'agit de communiquer avec les départements marketing ou les
forces de ventes par exemple. Il révèle ainsi l'importance des
"gatekeeper" dans une démarche systémique d'innovation.
Ces derniers sont de par leur profil en "T" (individus ayant
une compétence pointue dans leur domaine et de bonnes connaissances
générales sur des activités connexes) des forces critiques
pour l'organisation.
Figure 22 : Le gatekeeper au sein d'un
département R&D (Donnellan et al. 1997).
Comme nous pouvons l'observer, Mike, le gatekeeper, agit tel
un centre névralgique pour l'ensemble de la structure à laquelle
il fournit une information claire et intelligible par l'ensemble des
salariés.
Ce concept a été suggéré par
Thomas Allen en 1977, il décrit une personne clé dans
l'organisation qui facilite la diffusion de l'information externe au sein de
l'entreprise par des communications informelles avec les autres collaborateurs.
Il joue donc le rle d'intermédiaire (ou courtier) entre les
connaissances externes et le capital de connaissances interne à
l'entreprise.
Thomas Allen (1977) identifie trois caractéristiques
décrivant le gatekeeper :
- c'est un expert technique dans son domaine,
- il détient un poste de commandement de premier
niveau,
- il est reconnu pour ses qualités techniques au
travers d'un management et d'une communication efficace.
Le but étant de découvrir
l'élément au sein du département R&D qui réunit
l'ensemble de ces qualités. Il pourra dés lors identifier
l'information clé, la traduire conformément à la culture
de l'entreprise et la diffuser via le réseau informel qu'il aura
préalablement b%oti.
Plusieurs critiques ont toutefois commencé à
émerger avec la démocratisation des TIC qui tendent à
affaiblir la position de monopole de l'information que détenait
auparavant le gatekeeper. L'outil Internet en particulier a
considérablement changé la façon dont se partage et se
communique l'information (Whelan, 2007). Désormais, l'accès
à l'information s'est généralisé et la seconde
génération du Web (le Web 2.0) a mis sur pied de nouvelles
façons d'échanger et de communiquer auxquelles tout le monde
(internautes professionnels ou néophytes) peut participer. Chaque
employé peut donc pleinement et légitimement revendiquer une
position de "gatekeeper" au sein de l'entreprise.
De plus , et même si le modèle des
départements R&D a connu beaucoup de succès par le
passé. Et malgré des sommes parfois colossales investies en
R&D par les grandes entreprises, la productivité de ces laboratoires
et leur capacité à produire des solutions créatives sont
de plus en plus remises en question par les entreprises elles-mêmes qui
s'interrogent sur de nouvelles formes de management de la
créativité.
I. VI De l'innovation participative au management de la
créativité
I. A- L'innovation participative
L'innovation participative se distingue de l'innovation
ouverte (vers les partenariats et l'extérieur) déjà
abordée précédemment, dans la mesure où elle
associe l'ensemble des salariés (acteurs internes) à la
démarche d'innovation totale. Il s'agit d'un ensemble de pratiques
structurées visant à et à faciliter l'émergence,
l'émission, la mise en Ïuvre, et la diffusion d'idées par
l'ensemble du personnel (Getz & Robinson, 2003).
Ce type de management s'inscrit en réaction contre une
trop lourde bureaucratisation souvent caractéristique des grandes
organisations qui limite le champ d'expression des salariés hors du
cadre prédéfini de leur fonction ou de leur poste. En choisissant
cette voie, l'entreprise se prive de l'exploitation d'un vivier de
connaissances et d'actifs créatifs qui est pourtant primordiale pour
mener à bien une démarche d'innovation.
Cette démarche est un facteur mobilisant pour les
salariés. Elle contribue à l'amélioration des conditions
de travail, du niveau de reconnaissance, du savoir-faire des salariés et
donc du climat social. Enfin c'est aussi un moyen de diffuser la culture et les
valeurs de l'entreprise.
Au-delà de l'objectif social ce management des
idées répond aussi à des objectifs économiques
(encouragement de l'innovation et amélioration des performances de
l'entreprise). C'est aussi et surtout un excellent moyen de
révéler des compétences ignorées ou
clairsemées dans l'organisation (Getz & Robinson, 2003).
Ce phénomène représente aujourd'hui une
véritable lame de fond en entreprise : à la fin de l'année
2009, 75% des grands groupes avaient déjà mis en place un ou
plusieurs dispositifs d'innovation associant les salariés. Nous noterons
le succès de la marque automobile Renault qui sur un
périmètre consolidé de 83000 personnes et sur une
année, a réussi à générer quatre
idées concrètes par salarié.
Pourtant Isaac Getz (2003) continue de déplorer le
manque de crédibilité accordée aux suggestions et aux
idées venant des salariés du terrain. Il illustre cette critique
en retranscrivant un extrait d'une lettre envoyée par un salarié
à sa direction qui tenait ces propos : Ç Bien
que les gens du siège aient été d'une aide sans mesure
pour le terrain ces dernières années, [É] j'ai
toutes les peines du monde à trouver des problèmes qui aient
été résolus par eux. Par contre, je peux en citer
plusieurs où ils ont tout fichu en l'air ! La prise de décision
est beaucoup plus efficace et opportune lorsqu'elle se fait de manière
décentralisée. [É] Les agents ainsi que leurs managers qui
sont sur le terrain sont plus appropriés pour trouver des
solutions È.
Cette lettre écrite trois semaines avant le 11
septembre 2001 par Coleen Rowley, élu subséquemment
personnalité de l'année 2002 par le magazine Time, fustigeait le
manque de clairvoyance et de réactivité des hautes-sphères
du Bureau fédéral d'enquête (FBI) vis-à-vis d'une
enquête précédant l'arrestation du terroriste Zacarias
Moussaoui.
Isaac Getz (2003) rappel également qu'environ 80% des
innovations proviennent d'individus qui sont au moins trois niveaux
hiérarchiques au-dessous de l'équipe dirigeante. Il l'explique
par le fait qu'ils sont situés aux frontières de l'organisation.
Ces salariés ont donc l'avantage de pouvoir directement interagir avec
les clients, fournisseurs, partenaires et concurrents de l'entreprise ce qui
leur confère une position stratégique. Éric von Hippel
(1988), économiste et professeur au MIT Sloan School of Management,
ajoute que 83% des innovations ont pour origine un client ou un usager.
Il est donc vital de dépasser le système
aléatoire des bo»tes à idées pour que l'entreprise
puisse mettre en place un véritable management des idées qui soit
soutenu et encadré par la hiérarchie.
De façon plus concrète, il existe plusieurs
instruments au service du manager destinés à favoriser la
créativité d'un groupe. Le
brainstorming compte surement parmi les outils les plus
populaires et répandu pour développer l'expression des
idées dans les réunions de travail.
C'est à Alex Osborn (1948), fondateur de l'agence de
communication BBDO, que nous devons la paternité de ce terme
utilisé dans son sens actuel. L'idée ma»tresse de cet outil
est de laisser un petit groupe de personnes générer une
quantité énorme d'idées imaginatives, transgressives,
farfelues ou hors sujet afin que l'une d'entre elles devienne la bonne
(l'évaluation de la qualité des idées se fait toujours
a posteriori). Le brainstorming est aujourd'hui l'outil le plus
fréquemment utilisé pour lever les inhibitions dans une
démarche de créativité de groupe. Toute entreprise
confrontée à un problème spécifique ou cherchant
des idées nouvelles est susceptible de recourir au brainstorming
(Grangé, 2008).
Cependant, son efficacité est contestée par des
auteurs (Taylor et al. 1958) qui révèlent que travaux de groupe
n'apportent pas plus d'idées originales que les travaux
réalisés individuellement. Résultats confirmés par
le concept de "paresse sociale" mis en avant par Maximilien Ringelmann (1913)
qui montre que les individus fournissent moins d'efforts pour les t%oches
collectives que pour les t%oches individuelles. Il utilise pour décrire
ce phénomène l'exemple d'une traction exercée
collectivement sur une corde qui tend à être inférieure
à la somme des tractions individuelles. Steven Karau et Kipling Williams
(1993) ont par la suite étendu les conclusions de ces résultats
aux travaux cognitifs qui connaissent les mêmes maux. De plus, il
semblerait, d'après les recherches de Jean-Marc Monteil et Pascal Huguet
(2001) en situation scolaire, que la paresse sociale se développe
surtout lorsque l'effort personnel est considéré comme redondant
à celui du collectif (anonymat social qui entra»ne une situation
d'inertie psychologique).
Mais la peur de l'évaluation négative par les
autres membres du groupe ajoutée au besoin primitif de positionnement
vis-à-vis des collègues, subordonnés ou supérieurs
sont les explications majeures des freins à la créativité
lors des séances de brainstorming (Delacroix & Galtier, 2005).
Le brainstorming peut être vu comme un
échantillon représentatif des phénomènes sociaux
régissant toute organisation. Il n'existe pas dans la littérature
d'outils managériaux palliant ces obstacles. Néanmoins, d'autres
instruments ont été développés facilitant
l'innovation participative à plus grande échelle.
Parmi ces instruments nous noterons le "cerveau
total" de William Herrmann (1990) qui, se basant la
représentation du fonctionnement mental, établie une
manière optimale de constituer un groupe de créativité. Le
postulat de l'auteur est que plus une équipe est
hétérogène, plus elle est productive. Le but étant
de reconstituer à partir des membres d'un groupe, la quadrature d'un
cerveau humain. L'importance de chaque profile varie au fil du processus
d'innovation.
Figure 23 : Le cerveau total selon
William Herrmann (1990).
La méthode TRIZ peut également
être un outil associant la base salariale au processus d'innovation
(Cavalluci et al. 2002). Leurs apports permettent de multiplier les sources de
solutions envisagées.
Enfin, le système de management des idées
(SMI) est plus ambitieux. Sa vocation est de
fédérer la totalité du personnel autour du processus
d'innovation. Ce système se fonde sur les principes
généraux de la contribution et de la rétribution en terme
de reconnaissance de la valeur ajoutée générée par
les acteurs (Pons & Ramecourt, 2001).
Les facteurs clés de succès de cette
démarche sont les suivants :
- effectif impliqué et motivé, appel à
l'esprit d'initiative,
- uniformisation des processus,
- leadership clairement identifié,
- culture d'entreprise comme élément
déclencheur,
- encourager les équipes pluridisciplinaires.
Ce sont des applications informatiques qui gèrent la
collecte, le traitement, l'enrichissement et enfin la validation des
idées suggérées. Il existe différents
éditeurs sur le marché français dont, "I-Nova" et
"Ideavalue". Les TIC sont au service de l'innovation participative,
l'informatique accélère le traitement (réactivité)
et la diffusion des idées (fluidité). Ces outils font parti
intégrante du système d'information que l'entreprise doit
alimenter en permanence pour permettre à tous les salariés de
communiquer, d'interagir et d'être des forces de proposition (Pons &
Ramecourt, 2001).
Une fois l'idée générée et
sélectionnée : quelle récompense apporter à
celui ou à celle qui en est à l'origine ?
C'est une question largement débattue par les
professionnels du secteur qui en concluent que la meilleure forme de
rétribution est aussi la plus simple et la plus évidente :
une reconnaissance et un retour rapide de la suite donnée aux
idées retenues par la direction. La récompense pécuniaire
est souvent pratiquée mais aurait selon Hubert Jaoui (2003), auteur de
l'ouvrage "Tous innovateurs", un effet démobilisateur. Elle a comme
principal inconvénient d'être éphémère
(motivation extrinsèque) et de nombreuses entreprises craignent qu'elle
pervertisse le système. En érigeant un système de
gratifications financières autour de l'innovation, la contribution des
salariés devient implicitement exceptionnelle alors qu'elle fait partie
de l'activité quotidienne de tout un chacun dans le cadre de son
travail. (Pons & Ramecourt, 2001). La créativité doit avant
tout reposer sur la motivation et la fierté personnelle (motivation
intrinsèque). L'admiration des pairs est aussi un moteur puissant allant
dans ce sens (Sculley 1988).
I. I- Le rle du manager
Cette partie s'intéresse au rle
prépondérant que joue le manager dans une démarche
d'innovation totale. Le terme sera ici utilisé dans son sens le plus
large à savoir : toute personne exerçant une
autorité hiérarchique sur d'autres et possédant le pouvoir
de permettre et d'interdire.
Charles Albano (1974), distingue cinq styles de direction, en
se référant aux grands principes de l'analyse transactionnelle.
- Le manager parent critique (fortement motivé par son
travail, traite ses collaborateurs comme des enfants, ne donne que peu de
signes de reconnaissances positifs),
- Le manager parent nourricier (accorde de nombreux signes de
reconnaissances positifs à ses collaborateurs ce qui favorise leur
développement mais sa grande tolérance tolère des
performances médiocres),
- Le manager enfant adapté (doute de ses
capacités, manque d'initiative et cherche à se faire valoir de
tous ce qui détourne son énergie de tout Ïuvre
réellement innovatrice),
- Le manager enfant naturel (faiblement impliqué
socialement, son comportement provoque de nombreuses dissonances avec ses
collaborateurs et supérieurs avec qui il maintient une distance
aléatoire),
- Le manager adulte (donne des signes de reconnaissances
à ses collaborateurs, son aisance sociale lui permet de traiter avec
différentes personnalités de façon harmonieuse).
Bien que le manager adulte soit donné comme
supérieur aux autres styles présentés ci-haut, le recours
à un management autoritaire ou conciliant est toujours fonction d'un
contexte donné auquel le manager doit s'adapter en fonction de sa propre
personnalité. Il n'existe pas de style de management universellement
meilleur que les autres (Jaoui, 2003).
La gestion optimale de la créativité repose sur
sa capacité à osciller adroitement entre le chaos (qui favorise
la créativité) et la discipline (qui favorise l'efficience). Le
rle du manager est donc prépondérant. Il est souvent
assimiler à un chef d'orchestre qui impulse la démarche, la
coordonne au niveau organisationnel, mesure et communique les résultats.
Le manager doit imposer une contrainte souple (Le Loarne & Blanco, 2009),
où il consulte le créatif, le soutien dans ses phases de doutes
et lui apporte une reconnaissance l'incitant à poursuivre ses efforts.
Ce que Thierry Weil (2003) explicite du point de vu de la R&D en
déclarant : Ç La population des chercheurs est
très sensible au regard qu'on porte sur elle et sa gestion demande un
tact particulier. Un chercheur dont on s'enquiert trop souvent des
résultats a le sentiment qu'on ne lui fait pas confiance ou qu'on le
croit paresseux. Un autre qu'on laisse en paix souffre de ce qu'il ressent
comme un manque d'intérêt pour ses travaux È.
Le manager doit aussi responsabiliser l'individu
créatif et garantir son autonomie. Vincent Boly (2004) estime que
l'indépendance intellectuelle et matérielle est
étroitement liée à la capacité créative des
individus. Il doit aussi valoriser le processus plus que le résultat
(approche anti-téléologique). Ce système garanti la
tolérance de l'échec et permet ainsi de lever une crainte
très fréquemment citée comme frein à la
créativité.
Enfin, le manager doit impulser parmi ses équipes de
travail un esprit d'entreprise transcendant la discipline organisationnelle.
Bien súr le manager est le dernier maillon d'une
cha»ne systémique très complexe dont l'harmonie
réside dans l'association minutieuse de plusieurs éléments
stratégiques que nous venons de détailler tout au long de ce
chapitre. Le rle du manager bien que purement opérationnel n'en
demeure pas moins essentiel au bon déroulement des projets d'innovation
dont il est l'un des principaux artisans. Son activité quotidienne
permet de faire surgir la créativité du plexus organisationnel
dans lequel elle puise sa source infinie.
CHAPITRE II : Les hypothèses de
recherche
L'objectif de ce travail est d'établir l'existence d'un
rapport entre plusieurs variables : la structure d'une organisation, le
management des hommes et l'émergence de l'innovation créatrice de
valeur au sein d'une organisation donnée.
Ces hypothèses sont issues d'une confrontation entre
mes convictions personnelles et les conclusions que nous pouvons tirer du
corpus théorique ainsi que de la revue de littérature
établis autour de notre problématique de départ.
L'étude empirique qualitative qui sera présentée lors du
chapitre suivant aura donc pour ambition de vérifier, d'infirmer ou de
confirmer ces hypothèses.
Elles seront dictées sous une formulation affirmative
voire injonctive. Et préfigureront les préconisations à
venir.
a. 1. Première hypothèse :
L'innovation totale doit être un pilier de la stratégie de
l'entreprise car elle lui est foncièrement bénéfique.
L'innovation totale sous entend la mise en place d'une
démarche stratégique pérennisant les processus
innovateurs au sein de l'entreprise. L'innovation est devenue un enjeu majeur
dans un monde globalisé ou la concurrence ne s'est jamais montré
aussi compétitive, notamment dans les pays développés.
C'est aussi une formidable source de croissance économique comme en
atteste le parallélisme des courbes des brevets octroyés, du taux
de croissance et de la richesse produite par les entreprises innovantes.
Innover devient donc le meilleur, voire l'unique moyen sur
certains marchés, de rester compétitif, de se démarquer de
ses concurrents et de garantir sa survie économique.
De plus, nous vivons dans une société de
satiété où les consommateurs expriment des besoins de plus
en plus pointus et exigeant. Les entreprises doivent donc être capables
de renouveler leurs offres en permanence afin de se différencier par des
contenus plus riches et à plus forte valeur ajoutée.
Du point de vu de l'entreprise, l'innovation :
- est un moyen pour l'entreprise d'améliorer sa
compétitivité-prix (par exemple, les innovations de
procédés et les innovations organisationnelles permettent de
réduire les coúts gr%oce aux gains de productivité
réalisés),
- est également un facteur de
compétitivité structurelle.
De nombreuses techniques et méthodes ont
émergé face à cette nécessité devenue de
plus en plus pressante. Néanmoins, le recours à la
séduisante boite à outils de l'innovation sera vain si cette
dernière n'est pas utilisée en cohérence avec une
stratégie d'innovation à la fois systémique et
itérative.
Une stratégie globale que de nombreuses entreprises
peinent encore à mettre en Ïuvre. Les raisons indiquées
concordent dans la plupart des cas vers une culture impropre à la
prise de risque, une organisation ancrée dans des routines
bureaucratiques annihilant toute prise d'initiative et un climat social
malsain. La synthèse de ces éléments peut devenir un
véritable poison pour l'entreprise et contribue à faire avorter
les velléités d'innovations au sein des organisations.
a. 2. Seconde hypothèse : Il
existe un modèle organisationnel à vocation universaliste,
capable de favoriser l'émergence et le développement des
innovations au sein d'une entreprise.
Certains auteurs considèrent que l'organisation et
l'innovation sont deux légitimités contradictoires qui s'opposent
et se concurrencent. Si la découverte d'un modèle unique et
universel peut sembler utopique, il est dans tous les cas possible d'identifier
un ensemble de dénominateurs communs des bonnes pratiques
organisationnelles des entreprises innovantes. Leur agrégation et
rationalisation permettront de dégager un modèle organisationnel
adéquat pour l'optimisation de l'innovation totale.
Parmi ces éléments favorables nous avons
retenu :
- Une vision fédératrice (et présence
d'un leadership fort)
- Un attrait pour le futur (orientation sur le long terme) et
pour le changement,
- Une culture du risque et une acceptation de l'échec
(ce qui induit aussi un soutien managérial à la démarche
d'innovation),
- Une logique client (proximité avec le consommateur
final pour pouvoir comprendre et anticiper ses besoins),
- La fluidité des communications transversales entre
les différents départements,
- La capacité d'absorption des informations
extérieures et la présence de gatekeepers qui
accélèrent leur assimilation et leur diffusion au sein de
l'entreprise,
- Un capital de connaissances (qui s'enrichit au fur et
à mesure des expériences, des réussites et des
échecs accumulés),
- Un système d'information (TIC) qui joue un rle
très important dans la diffusion/vulgarisation des connaissances
auprès des collaborateurs, dans le décloisonnement des
entités et dans l'accroissement de la capacité d'absorption).
Ainsi, à l'instar de Max Weber qui considérait
le modèle bureaucratique comme le "one best way" des organisations
(avant d'être remis en cause par la théorie des relations humaines
dans les années quarante), nous pensons qu'il est possible de b%otir la
stature d'une organisation idéale répondant aux nouveaux
impératifs économiques de notre époque. Son
efficacité lui conférera une dimension internationale
outrepassant les barrières culturelles. Le système
organisationnel est donc ici considéré comme un ensemble
homéostatique.
Enfin, la formulation de cette seconde hypothèse
implique l'existence d'un structuralisme organisationnel, concept
emprunté à la pensée de Claude Lévi-Strauss qui
prétend que Ç l'être humain ne peut être
appréhendé qu'à travers un réseau de relations
symboliques qui sont autant de structures auxquelles il participe sans en
être conscientÈ. Il affirme ainsi l'existence d'un primat de
la structure sur l'événement ou le phénomène
social. Cette vision systémique nous amène à penser que le
comportement de l'individu créatif bien que socialement
prédéterminé puisse être valorisé ou
limité selon le type d'organisation à laquelle il est
rattaché.
Troisième hypothèse :
L'innovation participative doit être institutionnalisée car
elle alimente un flux continu d'idées génératrices de
valeur pour l'entreprise.
Une fois l'organisation idéale mise en place chaque
membre de l'entreprise doit pouvoir devenir un acteur de l'innovation. Cette
idée va de paire avec l'engouement suscité par les propos de
Raymond Lévy, Président de Renault dans les années 1980
lorsqu'il déclarait à propos de ses salariés:
Ç Je ne veux pas que l'on considère d'un
cté 5000 personnes qui pensent pendant que 65000
exécutent È. Il a en quelques sortes inaugurer les
préceptes de l'innovation participative en instituant cette
démarche pilotée au plus haut niveau hiérarchique.
Mais force est de constater que beaucoup d'entreprises
rechignent encore aujourd'hui à instaurer une pratique d'innovation
participative mobilisatrice qui aille au-delà de quelques projets
sporadiques et peu soutenus. La réussite de ces projets est donc une
affaire de culture et d'orientations stratégiques.
Pourtant les succès à la fois économiques
et sociaux existent et sont nombreux comme en témoigne l'exemple du
groupe htelier Accor qui a mis en place un système d'idée
généralisé à ses 125 000 collaborateurs
situés dans plus de 100 pays. Un réceptionniste a ainsi
proposé de faire éteindre systématiquement et
automatiquement les téléviseurs dès qu'un client
libérait sa chambre d'htel. Cette innovation a rapporté une
économie estimée entre 600 000 et 1 million d'euros entre 2002 et
2003. Outre une récompense financière, l'auteur de l'idée
a bénéficié d'une promotion interne. Il est aujourd'hui
directeur d'un établissement htelier du groupe Accor.
Ce type de management peut donc être un moyen de
promotion et surtout un formidable outil de reconnaissance pour les
salariés. L'innovation participative est enfin une inépuisable
source d'apprentissage pour l'entreprise. Toutes les compétences
individuelles accumulées peuvent se conjuguer et constituer des
compétences collectives qui pourront dés lors
bénéficier à toute la structure.
Chapitre III : Étude empirique
L'objectif fondamental de cette partie empirique est de
valider et de tester les hypothèses sus--citées. Nous avons donc
pour cela choisi de réaliser une étude terrain qui tentera
d'apporter une réponse générale à la
problématique sous forme de recommandations principalement
destinées à l'entreprise X. L'objectif final vise
néanmoins à généraliser les résultats
obtenus, notamment s'il s'avèrent positifs, à d'autres
situations, d'autres entreprises, d'autres contextes que ceux observés
dans l'expérience (validité externe).
La variable étudiée est une variable qualitative
puisqu'elle contient des valeurs qui expriment une qualité, à
savoir le mode de management d'une organisation et de sa structure. Ces
variables sont d»tes "indépendantes" et influencent dans leurs
variations la variable "dépendante", à savoir l'innovation, qui
est vue comme résultat. Par ailleurs, la variable indépendante
est la seule sur laquelle nous pouvons réellement agir.
La démarche retenue est donc une démarche
hypothético-déductive. Ce modèle, issu de
la démarche scientifique classique, désigne une méthode
de construction de théories (ou de lois) par l'expérimentation et
le test des hypothèses de départ. L'étude empirique
développée à partir de ces postulats a donc pour but de
fournir la preuve de leur corroboration ou invalidation. Ce terme a
été popularisé par Karl Popper (1963) dans "Conjectures et
réfutations".
Il s'agit dans le cas présent d'une recherche non
expérimentale car nous ne pouvons ni manipuler ni contrler les
variables décrites. Cela nous conduit donc à réaliser une
étude terrain, et plus particulièrement une étude
qualitative menée dans et hors des frontières de l'entreprise
sous la forme de collecte et d'analyse de données recueillies
directement auprès de l'échantillon constitué.
Nous allons dans un premier temps, effectuer une analyse de la
stratégie et du mode de management en matière d'innovation de
l'entreprises Google. Puis, dans un second temps, nous analyserons les
données et les informations recueillies lors des entretiens.
I. I Étude du cas de l'entreprise
Google
Le choix de Google n'est pas anodin. L'entreprise se classe
régulièrement parmi les entreprises les plus innovantes au niveau
mondial et figurait en 2009 au second rang du classement Fortune des
entreprises les plus admirés dans le monde. Elle peut donc
légitiment faire figure de modèle à suivre pour bon nombre
d'entreprises et plus particulièrement pour X. Gary Hamel, auteur de
l'ouvrage "The futur of Management" et professeur à la London Business
School souligne que la gestion du modèle de Google Ç a
beaucoup à nous apprendre sur la manière de construire des
sociétés qui sont réellement dignes du XXIe
siècle È.
Google et X possèdent par ailleurs de nombreux points
communs, hormis la différence de taille qui s'accroit de façon
exponentielle au fil des années, les deux entreprises sont soumises aux
mêmes règles de concurrence globale et évoluent sur un
secteur relativement identique. Leurs dirigeants respectifs ont
également toujours manifesté une très forte volonté
d'indépendance vis-à-vis de l'actionnariat extérieur.
Outre ces similitudes dans les choix stratégiques initiaux, les deux
entreprises ont été créées il y a une dizaine
d'années, à l'apogée de la Nouvelle Économie.
Pourtant, et malgré un budget de départ inférieur à
celui d'X, Google a connu une ascension fulgurante qui se poursuit encore
aujourd'hui. Une performance que beaucoup attribuent à sa
capacité à dynamiser son offre en proposant inlassablement de
nouveaux produits et services. Gagnant ainsi son surnom de "Machine à
innover".
A- Google en bref
La société Google a été
créée au mois d'aoút 1998 par Larry Page et Serguey Brin,
deux étudiants de l'université Stanford désireux
d'améliorer le système d'indexation des pages sur Internet. Ils
obtiennent un apport initial d'un million de dollars financés par des
amis respectifs qui se laissent convaincre par l'enthousiasme et l'esprit
visionnaire des deux fondateurs. En septembre 1998, Google s'installe dans un
garage de Menlo, loué par une amie. La société se compose
alors de trois personnes : Serguey, Larry et Craig Silverstein qui est
aujourd'hui directeur de la division Google Technology. Ë peine lancer, le
moteur de recherche enregistre déjà près de 10 000
requêtes quotidiennes.
Un an plus tard, en 1999, l'entreprise emménage dans le
Googleplex où une culture inédite s'y développe (absence
de séparation physique entre les différents bureaux, grande
liberté accordée aux salariés). En juin 2000, Google
devient le plus grand moteur de recherche au monde, dépassant ses
concurrents historiques Altavista et Yahoo, avec un index comportant un
milliard de pages. La presse mondiale se montre dithyrambique et fait
l'éloge d'une réussite désormais mondiale. En fin
d'année, Google doit satisfaire 100 millions de requêtes par
jour.
En 2004, l'entreprise est introduit en bourse, sa
capitalisation initiale est évaluée à 23 milliards de
dollars et atteindra en 2007 les 230 milliards de dollars.
L'ancienne start-up compte aujourd'hui plus de 20 000
employés (effectif mondial décuplé en six ans) et deux
millions de serveurs répertoriés sur 36 sites à travers la
planète. La plateforme Google Vidéo, Google Earth et la
messagerie Gmail comptent ainsi parmi les grandes innovations de la firme
américaine qui a su se diversifier audacieusement hors de son cÏur
de métier historique.
I. B- Le management de l'innovation à
Google
Ç Après Ford pour l'automatisation,
après Toyota pour la qualité, le modèle des entreprises du
XXIe siècle, c'est Google È Bernard Girard (2006).
Le succès de Google repose non pas sur sa technologie
avancée en matière d'indexation des pages internet mais sur son
modèle de management. Si cette entreprise innove autant c'est parce que
l'organisation tout entière est conçue à cette fin.
Quelles sont donc les bonnes pratiques de Google en matière de gestion
de l'innovation et de la créativité ?
Tout d'abord Google offre à ses salariés des
conditions matérielles exceptionnelles. Un cadre de
travail agréable dans lequel ils se sentent bien. C'est un facteur de
bien-être qui comme le laissait entendre Elton Mayo (1933) contribue
à améliorer la productivité générale des
salariés. Ce qui marque aussi le nouveau venu, c'est le degré
d'autonomie et de liberté accordés aux employés. Olivier
Bousquet, ingénieur français travaillant pour Google,
témoigne de l'absence d'horaire fixe imposé par la
direction : Ç l'évaluation ne se fait pas sur le
temps passé au bureau, mais sur les objectifs
atteints È.
Les objectifs à atteindre sont fixés au niveau
d'équipes de trois à six personnes, qui travaillent de
façon plus ou moins indépendante et sans hiérarchie pour
favoriser l'émergence d'idées. Cette confiance donnée aux
salariés est un facteur de responsabilisation qui comme
le précisait Vincent Boly (2004) permet de libérer la
capacité créative des individus. Ce découpage en petites
équipes souples et libres de répartir leur temps et leur budget
alloués est une source d'implication personnelle importante. Elle permet
en outre de reproduire les conditions de vie d'une start-up et constitue une
forme d'intrapreneuriat allégée.
De plus, le management de petites équipes commando
créé un jeu de concurrence interne qui stimule l'innovation et la
créativité des équipes. La pression des
paires est à ce titre particulièrement efficace.
Les managers favorisent également la mobilité
des salariés pour donner périodiquement de l'oxygène
à leur créativité. Dans ce même ordre
d'idées, un projet ne dépasse jamais les six à huit
semaines de conception, ceci afin d'empêcher le cloisonnement et de
faciliter la circulation des idées et des feed-back.
Cette hiérarchie souple est l'un des facteurs
clés de succès du management Google. Mais cette autonomie est
néanmoins rendue possible gr%oce à une politique
de recrutement extrêmement sélective
voire élitiste (l'entreprise reçoit un million de CV par jour).
Ram Shriram, un des premiers investisseurs de Google, déclarait à
ce propos : Ç Recrutez des cadors et ils recruteront d'autres
cadors. Si vous recrutez des gens moins bons, ils recruteront des
médiocres ou des mauvais È.
La politique des ressources humaines met aussi l'accent sur la
diversité culturelle des employés. Une démarche
volontariste qui mise sur la fertilisation croisée des connaissances,
des expériences et du vécu de chacun des employés pour
favoriser les échanges sources de créativité.
Cette flexibilité managériale
se concrétise enfin par la célèbre règle des 20%.
Cette règle permet aux ingénieurs Google de consacrer 20% de leur
temps de travail (soit un jour par semaine) à des projets qui les
intéressent, et qui ne sont pas forcément liés à
leurs missions quotidiennes. Aucun responsable ne peut ainsi refuser à
quiconque de démarrer un projet. Cette méthode de management
incite les ingénieurs à travailler plus rapidement (augmentation
de la productivité) et encourage également les contacts
extérieurs et informels (ce qui confère à chaque
employé un rle de gatekeeper). La motivation
intrinsèque des employés s'en trouve par ailleurs grandit ce qui
tend à réduire le turnover. Chacun des projets
développés en interne pourra ensuite être "vendu" à
l'entreprise Google ce qui constitue aussi un moyen de générer de
nouvelles idées.
Il s'agit plus d'une culture que d'un véritable
décompte du temps alloué. Une culture de liberté
caractéristique de cette entreprise où la bureaucratie est
absente.
Pourtant l'entreprise Google demeure très
structurée et organisée. Elle dispose pour cela d'un très
puissant système d'information qui permet à la direction de
contrler les opérations en cours et d'avoir une vue d'ensemble sur
les activités de chacun sans pour autant que ce contrle soit
intrusif.
Ce SI est aussi un moyen efficace de rendre
l'information accessible à tous (transparence et
multiplication des collaborations transversales) : Ç nous
donnons accès à un maximum d'information Ils peuvent se manager
eux-mêmes ainsi que leur temps car ils ont accès à toute
cette information. Cela donne aux personnes le sentiment d'indépendance
qui leur est nécessaire innover sans inhibition È
Marissa Mayer, vice-présidente Search Products & User Experience
Google. Dans le cadre du management des idées ce système permet
de faire proliférer les idées en les mettant en commun, elles
sont ainsi soumises à l'évaluation des paires qui peuvent
suggérer des pistes d'améliorations afin de transformer
l'idée en innovation réelle. Ce sont là les fondements
même de l'innovation participative.
En plus d'un SI globalisé à toute la structure,
Google a crée de nombreux espaces de rencontres et autres lieux de
contacts entre les différents départements. L'entreprise joue
aussi les ambiances pour créer des environnements variés qui
stimulent la créativité.
Le management stratégique de Google est dominé
par un triumvirat (Éric Schmidt et les deux
co-fondateurs). C'est un mode de direction que de nombreux théoricien du
management auraient réfuté (Henri Fayol notamment, qui prne
l'unité de commandement) mais qui semble ici porter ses fruits. Son
principal avantage est de mettre un voile sur le développement excessif
des égos. Il permet également de revenir plus rapidement sur une
erreur (dilution des responsabilités) et atténue les rapports de
forces au sommet de l'entreprise (contrle mutuel).
Une culture d'entreprise propice au changement semble aussi
être l'une des forces de la société. Ç Nous
avons la capacité de remettre en cause complètement la
façon dont nous faisons les choses È confie Serguey
Brin, le cofondateur de Google.
Ainsi même si cette description de l'entreprise peut
para»tre quelque peu idyllique, les résultats de l'entreprise
attestent de sa réussite. Et, sans calquer le schéma
organisationnel à d'autres entreprises, il y a là de bonnes
pratiques managériales qui doivent être prises en compte et dont
une entreprise comme X pourrait s'inspirer.
Principales sources bibliographiques pour
l'étude de cas :
- Une révolution du management : Le modèle
Google - Bernard Girard - 2006
- Gary Hamel et Bill Breen - The futur of Management -
2007
Sources spécifiques :
- The 50 Most Innovative Companies - Bloomberg Business
Week - 2009
- World's Most Admired Companies - Fortune - 2009
- Le management de Google, moteur de son innovation -
Journal La Croix - Avril 2008
- Le secret de l'innovation chez Google - L'expansion -
Janvier 2006
- L'innovation agile à la Google est-elle un
modèle ou une anomalie ? - Internet Actu - Février
2008
- Google : L'opportunité d'innover qui se mesure -
Désignant - Avril 2010
a. C. Tableau comparatif des modes d'organisation et de
mangement de Google et X
Les résultats proposés dans ce tableau, sont
pour le cas d'X, basés sur mon expérience dans l'entreprise et
sur mes observations personnelles.
Caractéristiques managériales et
organisationnelles
|
|
|
Culture d'entreprise
|
Centrée sur le client, culture du risque et du changement.
Volonté d'opérer hors de son cÏur de métier. Horizon
décisionnel à long-terme.
|
Faiblement diffusée au sein de l'entreprise. Mais prise de
risque et volonté de dépasser le métier historique
d'opérateur télécom. Ambiance start-up qui tend à
se formaliser.
|
Stratégie pour l'innovation
|
Les innovations de rupture sont recherchées. L'innovation
est au cÏur du développement de l'entreprise.
|
Pas de réelle stratégie en faveur de l'innovation.
Innovations essentiellement incrémentales. Position de suiveur sur le
marché.
|
Organisation hiérarchique
|
Triumvirat à la tête de l'entreprise.
|
Unité de commandement stratégique mais direction
managériale bicéphale.
|
Contrle hiérarchique
|
Degré d'autonomie très important.
Responsabilisation des équipes de projet. Management par objectifs
(horaires de travail très souples). Le contrle se fait par les
pairs. La contestation est encouragée.
|
Faible degré d'autonomie accordée aux
salariés. Le travail par équipe est très rare et reste
soumis à un contrle managérial coercitif.
|
Système d'information
|
Au cÏur du système managérial permet de
coordonner l'ensemble des équipes de projet. L'information est
démocratisée.
|
Système standard de dialogue ente le département
technique et le département commercial. Rationnalise les échanges
interservices. L'information est cloisonnée.
|
Architecture des bureaux
|
Espaces modulables pour
permettre de changer les
équipes au moins deux fois
par an. Encourage les échanges en prévoyant
de nombreux lieux de contacts.
|
La cafétéria constitue l'unique espace de rencontre
interservices. Sa proximité avec le bureau de la direction restreint la
liberté d'expression donc l'échange des idées.
|
Communication et mobilité interne
|
Transparence et multiplication
des collaborations transversales.
|
Culture
de méfiance. Les communications internes sont restreintes.
|
Innovation participative
|
Ancrée dans la culture de l'entreprise. Soutenu par un SI
très puissant ("Google Ideas").
|
Non formalisée. Quasiment inexistantes car freinées
par une organisation conservatrice et atone.
|
Système de reconnaissance
|
Grande mobilité horizontale et verticale des
salariés.
|
Mécanismes de clientélisme.
|
Politique de recrutement
|
Très sélective. Niveau Bac+5, environ 5 entretiens
différents sont réalisés pour chaque recrutement.
|
Peu sélective. Les stagiaires sont recrutés au
niveau bac+5 mais les cadres de l'entreprise sont souvent des proches de la
famille.
|
Ouverture sur l'extérieur
|
Via la présence de gatekeeper.
|
Les activités de vigie sont informelles et sporadiques.
|
Le tableau dressé peut sembler excessivement noir voire
provocateur mais reflète une constante chez X. Toutefois la critique
pour demeurer légitime doit être tempérée :
chaque entreprise développe ses propres mécanismes de censures
à l'innovation, c'est même une condition de survie, aussi
paradoxale que cela puisse le para»tre. Mais une dynamique de changement
sans contrepoids serait synonyme d'instabilité.
D'ailleurs Google est une organisation très
structurée. Elle n'est pas totalement aplatie ni même
démocratique. Les mécanismes de contrle existent mais la
reconnaissance par les pairs se substitue très souvent à
l'autorité centrale de référence. L'ensemble est
coordonné par de puissants outils informatiques qui permettent à
la direction d'avoir une vue d'ensemble sur les projets en cours et leurs
avancements. Le degré de responsabilisation des équipes et la
symétrie d'information au sein de la structure sont les autres atouts
clés de Google en matière de management de l'innovation.
Le management à X s'articule de façon bien
différente : le pouvoir hiérarchique et les
responsabilités sont détenues par une "caste" dirigeante uniforme
et hermétique. La plupart des orientations stratégiques sont
marquées du sceau d'un favoritisme où l'esprit de finesse
à tendance à s'hypertrophier au détriment d'un jugement de
valeur rationnel des compétences et du potentiel créatif des
acteurs du changement. Les communications internes et les échanges
d'idées ne sont pas encouragés et l'implication des
employés dans la démarche d'innovation est minimale.
L'information est opaque et son accessibilité est limitée.
Pourtant X, possède d'indéniables
forces :
- Une expertise technologique dans des domaines
variés,
- Un capital financier substantiel (marge de manÏuvre
importante),
- Une rente de situation due à son statut
d'opérateur télécom,
- Des ressources humaines qualifiées et
compétentes (niveau de recrutement fixé à bac+4/5),
- Une grande diversité culturelle au sein des
ressources humaines,
- Une localisation géographique idéale (tant
pour le recrutement que pour la mise en place de partenariats ou l'insertion
dans des ples de compétitivité),
- Un système de pouvoir familial (orientation sur le
long-terme. Les logiques court-termiste ne favorisent pas l'innovation et
l'expérimentation).
X dispose donc d'innombrables atouts pour b%otir une
stratégie ambitieuse d'innovation totale.
I. VII Étude qualitative
I. A- Présentation de la méthode et de
l'échantillon retenu
Ce travail est une étude qualitative basée sur
des entretiens semi-directifs réalisés sur un échantillon
de neuf acteurs et/ou spécialistes du management de l'innovation. La
plupart des entretiens ont pu être menés en face-à-face
mais du fait des disponibilités propres à chacun des
interlocuteurs, certains de ces entretiens furent réalisés au
téléphone ou directement par écrit. L'innovation comme
source de valeur, le design organisationnel innovant et la
créativité des ressources humaines ont comptées parmi les
grands thèmes abordés au cours de ces entretiens.
La lecture approfondie des propos recueillis nous permettra
d'évaluer la pertinence des hypothèses par rapport à la
problématique initiale.
Le groupe de personnes interrogées a été
divisé en trois catégories distinctes. Cette distinction s'est
faite en fonction de leur statut et de leur rapport à l'innovation.
Les chercheurs tout d'abord : ils
"pensent" le management de l'innovation et ont a priori un regard plus
distant et critique sur les nouveaux modèles d'organisation pour
l'innovation, aussi séduisants soient-ils. Cette étude
qualitative se nourrit donc de la confrontation entre d'un coté la
sphère académique, porteuse d'un regard nuancé et
désintéressé et de l'autre, la sphère
professionnelle incarnée ici par les consultants en
stratégie des organisations. Ces derniers conseillent et accompagnent
les entreprises dans la mise en Ïuvre d'une organisation plus propice
à l'émergences d'idées nouvelles. Ils défendent
certains principes universels très pragmatiques et sont les garants de
leur applicabilité. Afin d'être la plus exhaustive possible cette
étude a aussi a fait appel aux points de vu des
salariés d'entreprises évoluant sur le secteur
des NTIC, secteur qui est par nature très favorable à
l'innovation. Nous verrons au travers de leurs témoignages que leur
potentiel innovant n'est que trop rarement mis à contribution de
l'entreprise ce qui constituent aussi un facteur de démobilisation
sociale.
Le questionnaire disponible dans son intégralité
en annexe, comporte plusieurs questions qui s'attachent à approfondir
les hypothèses issues de la trilogie suivante : innovation comme
source de valeur (objet), design organisationnel
(configuration du système) et management des ressources
humaines pour l'innovation (processus). Certains
questionnaires étaient adaptés aux profils et aux
compétences spécifiques des interviewés, ceci afin de
respecter leur cadre de référence et d'enrichir le contenu des
réponses recueillies.
I. J- Présentation des
interviewés
Les chercheurs :
- Yvon Pesqueux est professeur au Conservatoire national des
arts et métiers (CNAM), et titulaire de la chaire de
développement des systèmes d'organisation. Il est par ailleurs
l'auteur de nombreux ouvrages référence sur le sujet dont
"Organisations : modèles et représentations" paru en 2002.
- Xavier Pavie est chercheur et directeur exécutif de
l'ESSEC-ISIS (Institut for Service Innovation & Strategy, un ple
d'expertise en stratégie d'innovation et management des services). Il a
aussi occupé plusieurs postes de manager notamment à
Nestlé et Unilever et a été directeur marketing produit
monde pour le Club Méditerranée.
Les consultants en innovation
- Ari Massoudi est un consultant indépendant en
stratégie de l'innovation. Une compétence commerciale
doublée par un cursus scientifique ponctué par un doctorat en
génétique et biochimie obtenu en 2007. Il a aussi
été jusqu'en en 2009, associé-consultant à AREAD
(cabinet strasbourgeois de consulting spécialisé dans le conseil
opérationnel en financements publics).
- Jean-Luc Strauss est directeur de la prospective et de la
stratégie à Altran. Il est spécialisé dans la mise
en place de systèmes d'information et a récemment crée le
club "Innovation Banque-Finance-Assurance", rassemblant les directeurs de
l'innovation des principaux groupes français de banques et assurances.
- Mattieu Dupas est le dirigeant-fondateur de "Innovation
Partagée", cabinet de conseil spécialisé dans l'innovation
ouverte. Il a auparavant exercé plusieurs fonction managériales
dans le domaine industriel et plus particulièrement chez Johnson
Controls.
Les acteurs du quotidien en entreprise
- Nicolas Bougues est directeur technique à X,
société dont il est l'un des membres fondateurs.
- Valérie Giraud est chef de projet en R&D
à Orange (France Télécom).
- Bruno Iules (nom fictif) est directeur administratif de
l'entreprise X.
- Sébastien Dominer (nom fictif) est
ingénieur-technicien à X.
I. K- Analyse des réponses obtenues
Les points de convergences et de divergences seront clairement
explicités, les trois thèmes abordés feront l'objet d'un
traitement séparé.
Autour de la notion d'innovation
Yvon Pesqueux, insiste sur sa dimension perlocutoire. Elle est
selon lui l'expression d'une volonté. Il s'appuie sur la théorie
des actes de langage de John Austin ("Quand dire, c'est faire") pour
étayer ce point de vu. En se transformant en discours, l'innovation
prend la forme d'une prophétie auto-réalisatrice qui se
réalise parce qu'une ou plusieurs personnes croient qu'elle doit se
réaliser. C'est aussi une utopie dans la mesure où l'innovation
Ç ne se voit pas et ne s'attrape jamais È.
Elle ne se caractérise seulement matériellement que par des
produits ou des services que nous pouvons qualifier d'innovants.
Xavier Pavie aborde cette notion avec un esprit pragmatique et
souhaite qu'un consensus soit trouvé autour de sa définition. Il
considère l'approche de Joseph Schumpeter comme fondamentale. Les
concepts de l'économiste autrichien sont toujours valables mais doivent
être réadaptés aux réalités
économiques contemporaines.
L'innovation est aussi un mythe . Ç Il y
a tellement de forme dans l'innovation que l'objet même de l'innovation
est insaisissable È (Yvon Pesqueux). De plus, beaucoup
d'entreprises se prétendent innovantes mais finalement peu le sont
réellement. Yvon Pesqueux prend l'exemple de l'industrie pharmaceutique
qui se vante d'être l'une des plus productive en la matière mais
qui en fait se contente de racheter les start-up innovantes. C'est un avis
partagé par Xavier Pavie qui assimile cet engouement
généralisé autour de l'innovation à celui
provoqué par les nouveaux impératifs de développement
durable.
Pour les deux auteurs, l'invention s'oppose à
l'innovation car cette dernière est destinée à être
introduite sur un marché. Mais elle n'est pas forcement synonyme de
succès ni d'une rencontre entre les attentes des consommateurs et
l'offre correspondante. Un point que réfutent les principaux consultants
interrogés sur la question. Pour Jean-Luc Strauss l'innovation est
Ç quelque chose de nouveau qui marche, ça n'est pas une
simple idée, c'est une idée qui marche È. C'est
donc le retour sur investissement qui détermine le succès et,
in fine, l'appellation d'innovation. Mathieu Dupas s'accorde sur ce
point en ajoutant que l'innovation est un pari sur l'avenir soulignant par la
même occasion sa dimension fondamentalement risquée. Chose que
nuance Ari Massoudi lorsqu'il précise que l'innovation radicale n'est
pas un processus risqué mais incertain.
Ainsi, l'innovation ne peut être qualifiée comme
telle qu'a posteriori.
Mathieu Dupas précise que les chances de succès
d'une entreprise sont proportionnelles à sa capacité à
commercialiser en permanence de nouvelles idées. Ceci,
indépendamment du secteur d'activité. La question du secteur
d'activité comme facteur de contingence a été longuement
abordée avec Jean-Luc Strauss, témoin de la passivité du
milieu bancaire dans ce domaine. Il justifie cette inertie par l'absence de
brevets réellement protecteurs et exerçables, la plus-value
engendrée gr%oce à une innovation est en conséquence
amoindrie. De plus, les lourdeurs réglementaires pesant sur ce secteur
étouffent les idées audacieuses et les innovations de rupture.
Ces paramètres externes expliquent donc la frilosité des banques
pour l'innovation. Nicolas Bougues, directeur technique à X rejoint ces
observations et estime que certains marchés de l'entreprise X,
considérés comme Ç matures et
saturésÈ, ne sont pas propices à l'innovation.
La concurrence du secteur est vue par Xavier Pavie comme le
principal moteur impulsant l'innovation dans les entreprises :
Ç l'innovation n'existe pas en situation de monopole,
si Apple innove autant c'est gr%oce à HTC et
Androïde È.
L'environnement externe régit donc en partie du moins,
la structure d'une organisation et sa politique interne en ce qui concerne les
innovations. Mais la stabilité d'un marché et d'une situation de
monopole n'est jamais acquise ad vitam ¾ternam et l'entreprise
doit pouvoir se prémunir de ces bouleversements. Cela nous conduit
à la notion d'entreprise innovante résultat d'une
stratégie d'innovation dite "totale".
Sur cette question Mathieu Dupas se positionne clairement en
faveur d'une stratégie d'innovation totale dans l'entreprise
Ç le risque c'est d'être trop ponctuel et de se couper de
toute la dynamique et de toutes les bonnes idées qui peuvent surgir tout
au long de l'année. Les idées et les portefeuilles de projets
s'alimentent de façon continu È. Il est
également persuadé que la mise en Ïuvre d'une telle
stratégie garantie l'acquisition d'un avantage concurrentiel durable.
Nicolas Bougues se montre plus sceptique et estime au
contraire, que les phases d'innovations en entreprise correspondent à un
cycle de vie. Cette vision anthropomorphique de l'innovation nous amène
à penser qu'elle serait un processus unique. Or, l'innovation est
Ç afocale È, c'est un processus qui peut
être redynamiser à l'infini, Ç et c'est d'ailleurs
le rêve de toutes les entreprises È (Yvon Pesqueux).
Cette stratégie d'innovation totale est sensée
donnée naissance à l'entreprise innovante. Concept que Ari
Massoudi décrit comme le résultat d'une entreprise capable de
commercialiser régulièrement de nouveaux biens et services
susceptibles de modifier les usages et les comportements. Valérie Giraud
la visualise comme une entité diamétralement ouverte vers
l'extérieur. Yvon Pesqueux précise néanmoins que ce type
d'entreprise n'est pas représentatif :
Ç L'entreprise innovante est avant tout une icone.
l'intérêt c'est que c'est significatif, la limite c'est que
l'icone n'est pas représentative È.
Cette non-représentativité empêche toute
conceptualisation de l'entreprise innovante. Pourtant, une question
demeure : l'agrégation de leurs dénominateurs communs ne
constituerait-elle pas la recette de l'organisation idéale ?
Autour du design organisationnel
La notion d'organisation propice à l'innovation
a-t-elle un sens ? Si cette question peut rester en suspend, l'hypothèse
d'une organisation annihilant les comportement créatifs et, in
fine, l'innovation, semble toutefois avérée par
l'expérience.
L'absence de leader visionnaire est souvent cité par
les salariés interrogés comme l'un des principaux freins
organisationnels à l'innovation. Le dirigeant est pourtant, selon
Mathieu Dupas, l'unique, sinon le principal architecte du changement dans
l'entreprise. Il doit être capable d'insuffler un esprit de
créativité et doit nourrir le processus d'innovation, de
façon continue.
C'est à ce stade qu'intervient la culture d'entreprise,
déjà abordé dans le corpus théorique, que Mathieu
Dupas considère comme évolutive : Ç elle
doit être capable de s'adapter aux évolutions du marché et
aux nouveaux impératifs économique È. Pourtant,
les barrières culturelles à l'innovation existent et sont
nombreuses, notamment dans le secteur bancaire qui se montre très
précautionneux à l'égard de tout changement
organisationnel. Une culture conservatrice qui baigne néanmoins dans un
univers où les prises de risques et les paris incertains sont
légions : Ç un paradoxe bancaire È
selon Jean-Luc Strauss. Pour Yvon Pesqueux la culture du risque dans
l'innovation est une tautologie.
Jean-Luc Strauss estime par ailleurs que les logiques
court-termistes (publication de résultats semestriels qui doivent
absolument être positifs) ancrées dans la culture bancaire
inhibent la démarche, par nature aléatoire, de l'innovation.
Un point sur lequel s'accorde Bruno Iules, cadre administratif
à X depuis presque huit ans, qui y déplore une ligne
stratégique Ç à géométrie
variable È fluctuant au gré des
Ç humeurs, des rencontres et des caprices du
président È. Il relate également la
présence d'un Ç phénomène de cour È
qui selon lui, nuit à l'épanouissement d'idées nouvelles
au sein de l'organisation. Ainsi, Ç une personne très
compétente dans le cadre de ses fonctions mais qui n'est pas en odeur de
sainteté auprès de la direction ne sera pas
écoutée È. Cette opacité dans la prise de
décision est reprise par Valérie Giraud pour décrire le
processus chronophage de validation des projets de R&D à Orange.
Autant de freins qui vont généralement de pair avec une
bureaucratie rigide et une hiérarchie verticaliste alimentée par
des intérêts carriéristes (Ari Massoudi).
Xavier Pavie met quant à lui en garde contre l'un des
vices des organisations françaises qui consiste à désigner
une personne dédiée à l'innovation (un poste de directeur
de l'innovation par exemple), conduisant inévitablement à un
isoler cette fonction et à entra»ner par la même occasion des
systèmes de résistances au sein de l'organisation.
Un cloisonnement des services que dit regretter Valérie
Giraud admettant ne pas avoir connaissance de qui se passe hors de son
département : Ç il y a aussi un manque de
traçabilité. Les idées proposée par notre
équipe sont digérées par le manager et sont ensuite
réutilisées mais nous ne savons pas comment È.
Une faible responsabilisation qui est, selon Bruno Iules, source de frustration
et de démobilisation. Ainsi, plutt que de proposer une innovation
au profit de l'entreprise, Sébastien Dominer, ingénieur à
X, choisirait de monter sa propre structure afin de la commercialiser sous sa
propre gouvernance.
C'est cet aspect schumpétérien de l'innovation
qui a donné naissance à l'extrapreneuriat et au venture-groupe.
Ari Massoudi encourage la mise en place de ces dispositifs qui permettent aux
entreprises de se diversifier et de développer des innovations radicales
sans que celles-ci n'ébranlent les rouages organisationnels
traditionnels. Mathieu Dupas argumente en faveur d'une adoption
généralisée de ces nouvelles formes d'organisation car
Ç elles sont foncièrement bonnes pour
l'entreprise È. Selon Xavier Pavie, tout doit être fait
pour garantir l'harmonie de l'ensemble de la structure (il utilise à ce
propos la métaphore symbolique d'un jardin japonais).
L'organisation ambidextre va dans ce sens. Yvon Pesqueux
rappelle cependant qu'un design organisationnel construit pour transformer la
logique innovante en routine est contradictoire avec l'idée même
d'innovation qui est, par essence, transgressive. Ce design organisationnel a
donc pour objectif de conduire à une transgression mais à une
transgression Ç sage et apaisée È.
C'est donc une forme organisationnel tout à fait adaptée aux
innovations incrémentales.
L'accumulation et la capitalisation des connaissances jouent
un rle majeur dans une démarche d'innovation totale. Yvon Pesqueux
précise que l'organisation innovante est une organisation apprenante,
mais que Ç l'inverse n'est pas forcement
vrai È. La gestion des connaissances peut s'opérer via
des outils informatique spécifiques. Les consultants interrogés
tiennent des positions très claires sur cette question. Pour Ari
Massoudi, Ç le système d'information est une condition
indispensable mais pas suffisante È. Jean-Luc Strauss estime
que les TIC ont certes démocratisé l'accès à
l'information mais que le relationnel reste primordial et ne saurait être
remplacé par un SI, aussi puissant soit-il. Mathieu Dupas
renchérit cette idée en déclarant que le SI vient avant
tout épauler le management de l'innovation, Ç il
constitue un élément centralisateur d'information et facilite la
circulation et la canalisation des idées È. Enfin, le
SI est couplé à un univers d'interprétation. Et au final,
c'est toujours l'humain qui traduit l'information et décide de s'en
inspirer pour innover. (Yvon Pesqueux).
Autour du management de la
créativité
Les velléités d'innovation participative ne
rencontrent que trop rarement l'aval spontané de la direction (Mathieu
Dupas). Elles s'évanouissent le plus souvent dans les méandres
d'une organisation conservatrice peu enclin au changement. La forme la plus
courante, et pourtant la moins aboutie, de l'innovation participative est
surement la boite à idée.
Elle prend la forme, à X, d'une boite à
idée virtuelle que les collaborateurs peuvent agrémenter par des
idées ou des proposition d'améliorations Ç de
préférence en argumentant sur les bénéfices
potentiels È (Nicolas Bougues). Le département
marketing est chargé du dépouillement et de la sélection
des idées pertinentes. Mais comme l'indique Nicolas Bougues,
Ç dans les faits, personne ne se dévoue pour les trier
et de toute façon, la boite à idée est souvent
vide È.
Or, les fondement de l'innovation participative ne reposent
pas sur la collecte mais sur l'éclosion et l'émergence
d'idées novatrices qu'un management spécifique doit pouvoir
faciliter (Mathieu Dupas). Et Jean-Luc Strauss ajoute
que Ç tout le monde doit participer au changement, il faut
impliquer les salariés, sinon ils seront source de
résistance È.
Dés lors, le rle du manager est de créer
un climat favorable à l'anticonformisme et à l'incubation
d'idées nouvelles. Le soutien managérial est donc primordial et
va dans ce sens : Ç l'innovateur est un être fragile
qui a besoin d'être soutenu, il craint le changement autant qu'il le
souhaite È. Une schizophrénie qui peut être
tempérée par l'introduction d'un climat de confiance et de
dialogue (Jean-Luc Strauss). Une nécessité pour Xavier Pavie qui
déclare que Ç donner une idée, c'est donner une
part de nous même È.
Pour Mathieu Dupas, l'implication des salariés sur le
long terme est une condition sine qua non de la réussite d'un
projet d'innovation participative. Un point qu'approuve Nicolas Bougues tout en
précisant que certains salariés de X se plaisent
Ç dans le statu quo et ne veulent pas que leur petit monde
bouge È.
La diversité culturelle et ethnique est aussi souvent
mentionnée comme un facteur de créativité. Valérie
Giraud, Mathieu Dupas de même que Jean-Luc Strauss, sont convaincus que
l'innovation se nourrit de la diversité des apports cognitifs. Les
chercheurs Yvon Pesqueux et Xavier Pavie nuance cette observation. Le premier
cite le contre-exemple de Alexander Fleming, qui découvrit la
pénicilline en 1928 au sein d'un univers de travail totalement
homogène. Il n'y a donc pas de relation de cause à effet. Le
second évoque les travaux de Fabrice Caverretta qui, au travers d'une
courbe mathématique, démontre que trop de diversité "tue"
l'innovation. Un argument partagé par Ari Massoudi :
Ç la meilleure équipe du monde, sans un ciment commun,
ne peut réussir È.
Enfin, Valérie Giraud loue une plus grande
responsabilisation des salariés, un gage d'autonomie qui selon elle,
serait à la fois synonyme de confiance et d'implication du
salarié.
Bilan
Cette étude qualitative, débutée le 23
juin et achevée le 18 aoút 2010, nous a permis de recueillir des
avis variés et riche de cette diversité. Les entretiens duraient
en moyenne trois-quarts d'heure ce qui laissait suffisamment de temps pour
développer et approfondir les réponses.
Au vu des hypothèse présentées et des
réponses obtenues, il apparait que l'innovation est un objet
insaisissable, une aventure périlleuse et un impératif
économique qu'une organisation et un management ne peuvent que
difficilement appréhender. Une stratégie d'entreprise innovante
apparait néanmoins comme la meilleur moyen d'obtenir un avantage
concurrentiel durable sur certains secteurs très compétitifs et
mouvants.
La recette de l'organisation idéale et universelle peut
sembler utopique mais de véritables consensus sont trouvés autour
des freins organisationnels à l'innovation. Pour autant, la
réponse appropriée ne réside pas forcement dans la
transposition de bonnes pratiques d'une entreprise à une autre. Les
facteurs de contingences et la culture d'entreprise détermine aussi sa
capacité à innover. Et, pour être efficace une
stratégie d'innovation doit être le fait du dirigeant principal
qui impulse sa mise en Ïuvre.
Les logiques structuralistes en matière d'encapsulation
des comportements créatifs semblent avérées et se
vérifient notamment au travers des réponses apportées par
les salariés.
Le rle du manager opérationnel est crucial. Il
est le garant de l'harmonie organisationnel et doit à la fois favoriser
l'éclosion et à la sélection des idées nouvelles.
L'innovation participative connait un engouement croissant mais son application
réelle demeure encore parcellaire.
Enfin, l'exemple de Google nous montre que la
génération d'idées nouvelles doit être
canalisée via un SI efficace qui facilite l'agencement des projets
d'innovation et leur coordination au niveau global.
Chapitre IV : Préconisations
I. I Recommandations
Nos préconisations sont en premier lieu
destinées à l'entreprise X. Mais elles peuvent
théoriquement s'appliquer à d'autres contextes organisationnels
ou à toute entreprise qui souhaite adopter une stratégie
d'innovation totale. La taille de la structure n'est pas un critère
contraignant puisque ces mesures n'engendrent pas de lourdes dépenses.
Un effectif inférieur à 30 personnes limiterait néanmoins
l'efficience et la portée de ces mesures.
Ces préconisations s'organisent autour des trois axes
étudiés : l'entreprise innovante comme résultat d'une
stratégie, le design organisationnel innovant et le management de la
créativité.
Les solutions présentées sont
hiérarchisées de façon pyramidale. Ainsi la mise en place
de la première solution préfigure le succès des solutions
suivantes. En d'autres termes, comment permettre la créativité
organisationnelle si la stratégie de l'entreprise ne fait pas de
l'innovation l'une de ses priorités ?
I. A- Mettre en place une stratégie d'innovation
totale
L'innovation totale est une démarche systémique
de management de l'innovation dont l'objectif repose sur l'obtention d'une
très large mobilisation et implication de toute l'entreprise et de tous
ses salariés pour parvenir à générer de
façon continue de nouvelles idées, sources d'innovations
créatrices de valeur pour l'entreprise.
C'est un objectif stratégique fixé sur le moyen
et long terme. Le dirigeant principal de l'entreprise tient un rle
clé dans le succès de sa mise en place. Il ne doit pas
déléguer cette mission à un tiers (directeur de
l'innovation), la taille de l'entreprise ne le justifierait pas et sa structure
hiérarchique familiale requiert une implication personnelle du dirigeant
pour que cette démarche soit légitimée et ensuite mise en
application par la direction managériale.
De fait, le dirigeant (représentatif du "sommet
stratégique" de Henri Mintzberg) doit prévoir une communication
interne s'adressant à l'ensemble des collaborateurs, tous
échelons confondus. L'objectif est de mobiliser d'impliquer les
salariés autour de la nouvelle orientation stratégique. Le but
étant que cette dernière soit incorporée de façon
systémique et durable dans l'avenir de l'entreprise.
Cette nouvelle direction doit aussi se traduire par une
évolution de la culture d'entreprise qui encourage les initiatives
individuelles et les prises de risques.
Une fois cette étape fondamentale initiée, le
dirigeant principal de l'entreprise devra nommer une personne chargée de
piloter cette stratégie au quotidien. Il n'est pas nécessaire de
créer un poste, ni même de recruter un nouvel
employé : le pilote de l'innovation doit de
préférence jouir d'une position centrale dans l'entreprise. De
par son expérience et son passé dans l'entreprise, il doit
être capable de tisser des liens de confiance et d'instaurer un dialogue
permanent avec les salariés. Il doit enfin pouvoir assumer un rle
d'interface entre les départements et l'extérieur de l'entreprise
(rle de gatekeeper). Le directeur technique, Nicolas Bougues,
co-fondateur et actuel directeur technique d'X, semble être le plus
à même d'exercer cette fonction.
La troisième et dernière étape, sera
l'élaboration d'un tableau de bord de l'innovation
destiné à enregistrer les progrès effectués et les
premiers résultats obtenus. Il sera les yeux du pilote de l'innovation,
et deviendra un excellent outil de communication pour la direction
générale. Le système de mesure pourra ainsi
évaluer, à la manière d'un entonnoir, le
différentiel entre le nombre d'idées
générées et les innovations correspondantes. Il sera donc
le principal moyen de suivre le succès de cette démarche. Pour
plus d'efficacité et de transparence, il devra être accessible
à tous, via l'intranet par exemple.
I. A- Dessiner l'organisation innovante
Il convient dans un premier temps d'instaurer une dynamique de
collaboration et de communication. Il faut favoriser les
échanges informels et les interactions entre les différents
univers de travail. Cela passe par l'aménagement de lieux de contacts
entre les départements. L'objectif est d'évoluer vers un
environnement sociopète qui diminuerait le cloisonnement des individus
et des services. Concrètement, le département technique
actuellement isolé et peu accessible, devrait pouvoir migrer à
proximité du département marketing. Une proximité qui
faciliterait les échanges spontanés et permettrait
d'accro»tre la réactivité de l'ensemble de la structure
(actuellement les échanges sont formalisés et se font
essentiellement par voie électronique).
Une collaboration accrue qui doit conduire à travailler
le plus souvent possible par équipe de projet. Ce
fonctionnement cellulaire doit prendre la forme d'équipes
pluridisciplinaires, autonomes et managées par des objectifs
précis à atteindre dans des délais impartis. De cette
forme inédite de management à X, découlerait une plus
grande responsabilisation des individus.
Ces projets doivent être coordonnés par un
système d'information adéquat qui donnerait une
vue d'ensemble des projets en cours et des membres impliqués. Dans une
grande entreprise, un logiciel comme "Blue Kiwi", puissant connecteur social
(un outil équivalent est utilisé à Google), permettrait de
repérer, parmi les salariés, les savoir-faire existants et
faciliterait la constitution des équipes de projets. Dans le cas d'X, il
est préférable de développer une solution interne
personnalisée (une plateforme collaborative) afin qu'elle puisse
aisément s'incorporer au système déjà en place.
Au-delà de la simple coordination, le SI peut couvrir
des fonctions plus large et participe notamment à accroitre la
capacité d'absorption de l'entreprise. Combiné
à des outils de veille (KB Crawl, Factivam, VigiFox, etc.) il peut
offrir une vue à 360 du marché, de la concurrence et des
technologies récemment développées.
L'information est partout, savoir l'identifier, l'analyser et
l'interpréter est l'une des clés de l'anticipation. Mais
l'information doit être collectée collectivement (chaque
salarié est un expert dans son domaine), le SI intervient seulement pour
mutualiser les résultats et contribue ainsi à enrichir le capital
de connaissances de l'entreprise.
Le SI inaugurerait de surcro»t l'innovation
ouverte comme nouveau paradigme du processus d'innovation au sein de
l'entreprise X.
Dés lors, clients, prospects, partenaires,
universités, nouveaux employés et même concurrents peuvent
être des sources potentielles d'innovations pour l'entreprise.
Ce concept s'inspire des préceptes de la théorie
de la traduction. Nous pouvons imaginer plusieurs formes de
collaborations :
- Concurrents : échange d'expertise et dynamique
de participation,
- Stagiaires et nouveaux employés : regard neuf
sur l'entreprise et les produits,
- Forces de vente : regard potentiel d'affaire,
- Universités : regard scientifique,
- Clients : regard pratique.
Ë titre d'exemple, un rapport d'étonnement devra
être remis aux nouveaux employés qui aura pour double objectif de
profiter de leur regard neuf pour découvrir de nouvelles idées et
de mettre en avant l'importance de la créativité dans
l'entreprise.
Des partenariats de recherches et de coopérations
peuvent également être envisagés entre X et l`école
Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST). Les
compétences des étudiants viendraient alors se coupler avec
celles des salariés pour accro»tre la capacité technologique
de l'entreprise.
Enfin, X doit prévoir des dispositifs
organisationnels tels que l'intrapreneuriat ou le venture-group pour
développer les innovations de rupture.
Ces nouvelles formes d'organisations doivent s'accompagner
d'une mobilité verticale. Cela permettrait
d'accro»tre la motivation des employés et apporterait de
surcro»t, une réponse à la problématique de la
rétention des talents.
I. C- Mettre en place l'innovation
participative
Son succès repose en partie sur la loi du plus
grand nombre En effet, plus les participants seront nombreux plus les
idées d'innovations le seront aussi. Plus qu'un simple truisme, cette
observation souligne l'importance d'une mobilisation salariale qui soit durable
et généralisée.
Le management doit donc encourager, plutt que
dénigrer, les idées insolites. Il doit aussi organiser
régulièrement des séances de
brainstorming autour de thèmes généraux,
comme par exemple, Ç l'avenir du fax par
e-mail È ou Ç l'ère des
télécommunications au XXIe siècle È.
Organisées de façon bimensuelle par la direction
générale, ces séances réuniraient des
équipes multiculturelles et pluridisciplinaires de cinq à dix
personnes environ. En plus de générer des idées originales
et des pistes futures de travail pour l'entreprise, ces réunions
permettraient de resserrer les liens entre les participants (cohésion du
groupe).
Pour soutenir cette démarche, un Système
de Management des Idées (SMI) intégré au SI
global doit être utilisé. La suite I-Nova,
développée par une jeune société lyonnaise,
permettrait de formaliser et de pérenniser cette démarche de
management des idées. Elle s'articule autour de trois
sous-systèmes :
- un SMI processus pour récolter et
sélectionner les idées,
- un SMI collaboratif pour enrichir les idées,
- un SMI ouvert pour faire émerger les idées de
rupture.
L'ensemble de ces éléments (outils de veille,
SMI, coordination de projet) constitue le socle du SI. Une utilisation
judicieuse de ces outils permettrait de doper l'innovation à X.
Enfin, X doit instaurer un système
d'incitations plus adapté à l'innovation qui
récompense l'originalité et la créativité (les
salariés propriétaires d'une idée novatrice peuvent se
sentir détenteurs d'un avantage comparatif sur les autres
salariés et ainsi ne pas être enclins à partager cette
connaissance). Toute idée concrétisée en innovation doit
faire l'objet d'une récompense appropriée. Fixer une contrepartie
financière ou une rémunération complémentaire n'est
pas suffisant, cette récompense doit surtout s'accompagner d'une
reconnaissance managériale. Le salarié doit aussi participer au
processus de transformation de l'idée en innovation (observateur ou
acteur). En fonction de ses compétences et de sa motivation,
l'innovateur doit pouvoir, notamment dans le cadre d'une innovation
technologique, prendre la responsabilité de sa commercialisation (poste
de chef de produit par exemple).
Pour les innovations incrémentales ou de
procédés, la direction doit préalablement
déterminer un barème de récompenses appropriées.
I. II Utilisation de l'outil de notation
I. A- Objectifs et remarques
L'objectif premier de cet outil est d'évaluer le
potentiel innovant d'une entreprise. Présenté sous la forme d'un
questionnaire, l'enquête doit être réalisée par une
personne extérieure à l'entreprise. Le but étant de
garantir une notation équitable et neutre.
L'évaluation se concentre essentiellement autour de la
stratégie, de l'organisation et du management des ressources humaines.
Les résultats obtenus permettent d'établir un score, et plus
particulièrement, un pourcentage qui spécifie le potentiel
d'innovation d'une entreprise. En d'autres termes, quelles sont les chances de
l'entreprise évaluée, d'obtenir à court et à moyen
terme, un avantage concurrentiel gr%oce à une innovation ?
I. B- Présentation de l'outil
Il s'agit d'un outil basique et simple d'utilisation,
disponible au format Microsoft Excel (1997-2003). Il est présenté
sous la forme d'un tableau divisé en sept parties,
pondérées en fonction de leurs importances et
interdépendances dans une démarche d'innovation totale. La
pondération est de cinq points maximum, et chaque réponse
positive donne lieu à trois points. Les réponses négatives
(infirmation de l'énoncé) donnent zéro point.
Cet outil baptisé "Table de notation de l'entreprise
innovante 1.0" a vocation à s'affiner et à
s'améliorer avec le temps et l'expérience. La maquette de l'outil
est consultable en annexe.
Chapitre V : Conclusion
La problématique qui nous a guidé tout au long
de ce travail est une problématique contemporaine qui intéresse
beaucoup d'entreprises. Nous avons vu que l'innovation est un
phénomène complexe qu'il faut savoir apprécier dans sa
dimension systémique.
L'influence de l'organisation et du management sur ce
processus est bien réelle. Mais quand bien même la vision holiste
de la structure sur l'individu semble s'imposer, une véritable
ma»trise de son ouvrage demeure encore illusoire. L'homéostasie de
l'organisation par rapport à son environnement est toute relative, les
facteurs de contingences, peuvent aussi déterminer les orientations
stratégiques de l'entreprise et la structure organisationnelle qui en
découlerait.
Mais des solutions très pragmatiques peuvent être
envisagées. L'innovation participative en fait partie. Plus qu'un atout,
elle devient une nécessité à la fois économique et
sociale. L'hyper-compétition sur certains marchés tend à
déshumaniser des organisations avant tout dirigées vers des
intérêts court-termistes et productivistes, or l'obtention d'un
avantage concurrentiel passe bien souvent par l'innovation. Des exemples
nombreux sont là pour le prouver. Et l'innovation repose sur un cercle
vertueux, une association presque miraculeuse, entre d'un coté les
impératifs économiques environnementaux et de l'autre, le facteur
social, gage de pérennité et d'implication, inhérent
à toute démarche d'innovation. Ainsi, pour réussir, sur
ces marchés les entreprises, doivent libérer les forces
créatrices qui sommeillent en leur sein.
L'étude empirique réalisée auprès
de spécialistes et d'experts en management de l'innovation nous a permis
de recueillir des avis riches d'enseignements sur un thème en
perpétuelle effervescence. Mais des conclusions h%otives ne sauraient
être tirées de cette étude qualitative. Elle doit
être complétée par une étude empirique plus
approfondie (étude comparative de plusieurs entreprises ayant mis en
Ïuvre un design organisationnel innovant) qui nous permettrait de nous
rapprocher d'une rationalisation démystificatrice de l'innovation en
tant que processus hasardeux et utopique.
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Compte-rendu de la conférence du Club ESSEC RH du jeudi
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OCDE - Manuel d'Oslo : Manuel d'Oslo : Principes
directeurs proposés pour le recueil et l'interprétation des
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OCDE - Manuel d'Oslo : Principes directeurs pour le
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3éme édition - 2005.
Manuel de Frascati - Méthode type proposée pour
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Ressources en management des organisations et marketing
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Plateforme communautaire d'Orange innovation
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Banque de Ressources Interactives en Sciences
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Association Oeconomia (Oeconomia.net).
Brand Channel, analyses des stratégies marketing des
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The World's Most Admired Companies 2009 - Fortune Magazine -
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Annexes
Annexe 0.A - Description de l'organigramme de
l'entreprise X
Annexe 1.A - L'innovation chez Ford
Annexe 2.A - Les structures organisationnelles selon
O'Railly & Tushman
Annexe 2.B -Mondialisation des partenariats
stratégiques entre firmes.
Annexe 3.A - Facteurs de créativité selon
Amabile
Annexe 5.B - Logiciel Google Ideas
Annexe 5.C - Environnement sociopète à
Google
Annexe 5.D - L'écosystème de
Google
Annexe 5.D - Présentation du guide
d'entretien
GUIDE D'ENTRETIEN :
L'entretien peut se faire en face-à-face, par
e-mail ou au téléphone. Il s'agit d'un entretien semi-directif.
Il me permettra d'enrichir et d'étayer les informations recueillies dans
la revue de littérature préalablement réalisée.
a. A. Se présenter
- Étudiant en Master 2 Négociation et Affaires
Internationales (pouvoir prouver son identité)
- École : NEGOCIA - Chambre de Commerce et d'Industrie
de Paris (citer références académiques si
nécessaires).
- "Dans le cadre de ma dernière année
d'études, je réalise un mémoire portant sur le management
de l'innovation".
- Transition : le remercier pour avoir accepté cet
entretien + annoncer durée et modalités si nécessaire (par
exemple sur la déontologie : droit de rectification des propos,
validation post-écriture, conversation pouvant être
enregistrée, etc.)
a. B. Justifier choix de l'interlocuteur
- Synthèse de son parcours académique ou
professionnel
- Préciser spécialisation de l'interlocuteur et
relation avec axe de recherche du mémoire
- Citer ouvrages clés + indiquer éventuellement
son actualité (ouvrage en cours ou projets futurs, si connaissance).
a. C. Présenter entreprise ou académie
d'appartenance
É.
PARTIE I : L'innovation est une source de valeur pour
l'entreprise
a. A. Si praticien de l'entreprise :
En tant que professionnel, comment définiriez vous
l'innovation ?
Quel est le selon-vous son objectif fondamental ?
Est-elle un pilier de votre stratégie?
Comment définiriez vous le concept d'entreprise
innovante?
Est-ce que selon vous une entreprise non-innovante pourrait
réussir/survivre dans votre secteur d'activité?
Pensez-vous que l'innovation totale soit foncièrement
bénéfique pour votre entreprise?
Si oui, quels bénéfices? /Si non, quels
sont les méfaits ?
Quels sont les éléments qui déterminent
le succès d'une innovation? Quels sont ceux qui caractérisent son
échec?
Mise sur le marché, succès commercial,
progrès technologique ou échec sur le plan financier, non
rentable à court et moyen terme, etc.
a. B. Si chercheur et/ou académicien
Comment définiriez-vous l'innovation?
Qu'est-ce qui selon-vous explique l'intérêt
croissant que l'on porte à cette notion d'innovation?
Quelles sont les théories et les auteurs fondateurs de
la discipline (management de l'innovation)?
Toutes les entreprises doivent-elles, à terme, innover
pour survivre (rester compétitive)?
Est-ce que l'innovation de rupture par le monopole artificiel
qu'elle engendre peut-être destructrice de concurrence?
Est-ce que l'innovation totale est un phénomène
répandu parmi les entreprises marchandes?
L'innovation totale (systématique) garantie-elle une
création de valeur sur le long-terme? Est-elle un facteur de
compétitivité structurelle?
PARTIE II: Quel design organisationnel et structurel pour
l'innovation
a. A. Si praticien de l'entreprise
Estimez-vous qu'il existe une structure interne idéale
(ou système organisationnel) agissant telle un levier pour l'innovation
dans l'entreprise?
Pourriez-vous me décrire ce qui pourrait-être
l'organisation idéale au développement de ces innovations ?
Quels sont les éléments d'une organisation qui
peuvent agir comme des freins à la créativité?
A contrario, qu'est-ce qui selon vous, caractérise une
organisation frappée par le syndrome du NIH ?
En tant qu'entreprise innovante, quel modèle
organisationnel appliquez vous à l'ensemble de votre structure?
(Si consultant ou intervenant externe) Que conseillerez vous
à une PME/PMI qui vous rétorque qu'elle n'a pas les moyens
financiers/techniques pour innover?
Partenariats d'innovation, réseaux d'entreprises,
ples de compétitivité, veilles technologiques communes,
etc.
Quels sont les avantages d'un partenariat d'innovation?
Quel est l'apport des Technologies de l'Information et de la
Communication (TIC) dans une entreprise? Pourquoi doivent-ils être
intégré et généralisé à toute la
structure?
Quel est votre modèle d'entreprise innovante?
Apple, Microsoft, Google, 3M, etc.
a. B. Si chercheur/académicien
:
Quel sont les apport/concepts clés de la théorie
des organisation en matière de management et organisation de
l'innovation?
Théorie de l'apprentissage organisationnel,
courant de pensé évolutionniste, théorie de la
traductionÉ
Quels sont donc les conditions organisationnelles
nécessaire à l'instauration d'un climat propice au
développement des processus innovateurs?
Quelles sont selon vous, les nouvelles formes
organisationnelles les plus aptes à développer l'innovation?
Organisation hybride (ou ambidextre), l'organisation en
plateau de projet (ou concourante), plateformes communautaires pour les
"innovations ouvertes", l'intrapreneuriat, etc.
Pensez-vous que les milieux innovateurs puissent apporter une
dynamique d'innovation pour les entreprises? Si, oui dans quelle mesure?
PARTIE III: Quel management opérationnel des
ressources humaines
a. A. Si praticien de l'entreprise
Que pensez-vous de l'intrapreneuriat?
Quel est votre avis sur les deux affirmations suivantes :
"L'innovation dans une entreprise repose sur la diversité des
individus" (diversité ethnique, de genre et d'%oge, de valeurs et
de personnalités); "L'innovation passe par la promotion de la
culture du risque"?
Comment gérez vous les individus créatifs dans
votre entreprise? Quel est le rle du manager?
a. B. Si
chercheur/académicien
De quoi on besoin les individus créatifs pour
s'épanouir au sein d'une entreprise?
Le poids d'une structure interne peut-il annihiler les
comportements créatifs et innovants?
En revanche, est-ce qu'un management spécifique des
Ressources Humaines (RH) peut développer les comportements
créatifs auprès d'individus introvertis et peu inventifs?
(Si spécialiste de la créativité)
Qu'est-ce qui selon vous, caractérise un individu inventif et
créatif?
Annexe 6.A - Maquette de l'outil de notation
|
Pondération
|
Score
|
Section 1 : Données
générales et historiques de l'entreprise
|
Effectif > 250
|
2
|
|
Pays capitaliste
|
5
|
|
Secteur d'activité (menu déroulant)
|
5
|
|
Croissance de l'entreprise (par rapport au
secteur)
|
2
|
|
Indépendance financière
|
3
|
|
Innovations produites sur les 5 dernières
années
|
4
|
|
Section 2 : Stratégie de
l'entreprise
|
Vision stratégique connue et
partagée
|
2
|
|
Leadership clair et identifié
|
1,5
|
|
Culture du risque
|
1,5
|
|
Section 3 : Degré d'ouverture de
l'entreprise
|
Insertion dans des ples de
compétitivité
|
1,5
|
|
Partenariats avec université
|
2
|
|
Forums thématiques
|
1,5
|
|
Logique client
|
4
|
|
Section 4 : Structure organisationnelle
|
Dispositifs intrapreneuriaux et extrapreneuriaux
|
3
|
|
Utilisés par le passé
|
5
|
|
Poste de directeur de l'innovation
|
2
|
|
Diversité académique et culturelle dans la
hiérarchie
|
3
|
|
Loyauté des salariés (par rapport à
la moyenne du secteur)
|
3
|
|
Gestion par projets
|
3
|
|
Flexibilité managériale et direction par
objectifs
|
4
|
|
Section 5 : Management de la
créativité
|
Système d'innovation participative
|
5
|
|
Séances de brainstorming
|
3,5
|
|
Système de récompenses et reconnaissance des
idées
|
4
|
|
Autonomie des équipes
|
4
|
|
Soutien managérial à la démarche
d'innovation
|
4,5
|
|
Diversité culturelle et ethnique des
équipes
|
3
|
|
Section 6 : Système d'information
|
Outils de veille
|
1,5
|
|
Système de management des idées
(SMI)
|
2
|
|
Coordination des projets informatisée
|
1,5
|
|
TRIZ
|
1
|
|
QFD (Quality Function Deployment)
|
1
|
|
Méthode Taguchi
|
1
|
|
Outil CRM
|
2
|
|
Section 7 : Cadre de travail
|
Espaces dédiés au développement des
idées
|
2
|
|
Département décloisonnés
|
3
|
|
Environnement sociopète
|
3
|
|
Score maximal : 285
|