Chapitre 1 Une appréciation contractuelle
globale privilégiée
La singularité des relations entre professionnels et la
rédaction relativement ambivalente sont deux facteurs qui nous laissent
penser que le déséquilibre significatif doit être
appréhendé avec un autre regard que celui avec lequel on
l'envisage en droit de la consomamtion.
Ceci étant, pour valider le dispositif, le Conseil
Constitutionnel a estimé que l'article était conforme au principe
de légalité car la jurisprudence issue du droit de la
consommation était suffisamment claire et précise (Section 1).
Nous verrons pourquoi il convient d'être prudent et mesuré face
à cette appréciation (Section 2). Ce déséquilibre
financier, inspiré du droit des pratiques restrictives de concurrence,
pourra être invoqué par la partie lésée (Section
3)
Section 1 Le contre-pied du conseil constitutionnel et
son étonnante interprétation
S'il paraît relever du bon sens que la notion de
déséquilibre significatif doit s'apprécier distinctement
en droit des pratiques restrictives et en droit de la consommation, la
décision du Conseil Constitutionnel du 13 janvier 2011 s'éloigne
d'un tel raisonnement95.
95J.-L. Fourgoux, «Déséquilibre significatif
: une validation par le Conseil constitutionnel qui marie droit de
la concurrence et droit de la consommation en matière de clauses
abusives» : Contrats, conc. consom., mars 2011,
Le Conseil constitutionnel a en effet validé l'article
L. 442-6, I, 2° , l'estimant suffisamment clair et précis au regard
du principe de la sécurité juridique et de la
légalité des délits et des peines, arguant du fait que la
jurisprudence a suffisamment précisé les contours de cette notion
en droit de la consommation.
S'agit-il donc d'un « appel du pied »des sages
invitant le juge commercial à calquer les solutions applicables en
droit de la consommation à des contrats conclus entre professionnels?
Si cette solution a le mérite de la simplicité
(simplisme?) ,elle peut laisser perplexe voire pantois le juriste. La
décision du 13 janvier 2011 est en effet étonnante en ce qu'elle
ne fait référence qu'à la jurisprudence pour
apprécier la précision et la clarté de la notion de
déséquilibre significatif.
Un mot sur la possibilité de juger valable une
disposition relative au principe de la sécurité juridique au
regard de la jurisprudence d'un autre article issu d'un autre droit.
Selon la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
le terme « loi » englobe à la fois le « droit
écrit et le droit non écrit », ce qui inclut la
jurisprudence96 . Cependant, la Cour de Strasbourg a eu l'occasion
de juger qu'une jurisprudence pouvait ne pas être suffisante pour
suppléer à l'absence de loi écrite97. Cette
décision semble en définitive assez peu compatible avec les
principes et les décisions relevées par la Cour de Strasbourg.
Comme il a déjà été
précisé, le Code de la consommation prévoit, à la
différence du Code de commerce , une série de clauses
baptisées « noires » et « grises »
dénonçant un certains nombre de clauses qui sont
irréfragablement présumées abusives et simplement
présumées abusives.
Or, c'est un décret du 18 mars 2009 qui a
précisé ces contours, et non la jurisprudence.
La véritable question que pose cette décision est
de savoir si' il faut considérer que la
étude 5.
96 CEDH, 26 avr. 1979, n°6538/74, Sunday Times
97 CEDH, 24 avr. 1990, Kruslin (procédure d'écoutes
téléphoniques) : D. 1990, II, 353, note J. Pradel.
référence au droit consumériste pour
juger de la constitutionnalité du délit induit
nécessairement une volonté d'interpréter le
déséquilibre « commercialiste » à l'identique du
droit de la consommation?
Est- ce un message envoyé en creux ou un moyen de
valider le dispositif coûte que coûte, quitte à bafouer une
certaine orthodoxie juridique? Aucune certitude encore mais sans être
doté d'un art divinatoire, plusieurs arguments plaident en faveur d'une
certaine dissociation dans l'appréhension du déséquilibre
entre les deux droits ,celui de la consommation et celui des pratiques
restrictives de concurrence.
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